Article 4
(Non modifié)
I. – Le fonds d’aménagement numérique des territoires a pour objet de contribuer au financement de certains travaux de réalisation des infrastructures et réseaux envisagés par les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique mentionnés à l’article L. 1425-2 du code général des collectivités territoriales.
Le comité national de gestion du fonds est constitué à parts égales de représentants de l’État, de représentants des opérateurs déclarés en application du I de l’article L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques, de représentants des associations représentatives des collectivités territoriales et de représentants des collectivités ou syndicats mixtes ayant participé à l’élaboration de schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique. Ses membres sont nommés par décret.
Le fonds d’aménagement numérique des territoires peut attribuer, sur demande, des aides aux maîtres d’ouvrage des travaux de réalisation des infrastructures et réseaux envisagés par les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique lorsque les maîtres d’ouvrage établissent, suivant des critères précisés par décret, que le seul effort, y compris mutualisé, des opérateurs déclarés en application du I du même article L. 33-1 ne suffira pas à déployer un réseau d’infrastructures de communications électroniques à très haut débit.
Les aides doivent permettre à l’ensemble de la population de la zone concernée par le projet d’accéder, à un tarif raisonnable, aux communications électroniques en très haut débit. Elles sont attribuées par arrêté conjoint du ministre chargé de l’aménagement du territoire et du ministre chargé des communications électroniques pris après avis du comité national de gestion du fonds, en tenant compte de la péréquation des coûts et des recettes des maîtres d’ouvrage bénéficiant des aides sur le périmètre de chacun des schémas directeurs concernés.
Les aides du fonds d’aménagement numérique des territoires ne peuvent être attribuées qu’à la réalisation d’infrastructures et de réseaux accessibles et ouverts, dans des conditions précisées par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, après avis des associations représentant les collectivités territoriales et de l’Autorité de la concurrence, et consultation des opérateurs de communications électroniques.
La gestion comptable et financière du fonds d’aménagement numérique des territoires est assurée par la Caisse des dépôts et consignations dans un compte spécifique distinct du compte mentionné au III de l’article L. 35-3 du code des postes et des communications électroniques.
II. – Le fonds d’aménagement numérique des territoires est constitué et les membres de son comité national de gestion sont nommés dans un délai de douze mois après la promulgation de la présente loi.
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, sur l’article.
M. Michel Teston. L’article 4 prévoit la création d’un fonds d’aménagement numérique. Nous ne pouvons que souscrire à l’idée de la prise en charge par ce fonds de certains travaux prévus dans les schémas d’aménagement numérique.
Cela étant dit, force est de constater, encore une fois, que la question du financement n’est pas réglée, loin s’en faut. Alors que la proposition initiale de notre collègue Xavier Pintat prévoyait un mode de financement de ce fonds, la commission de l’économie a modifié le dispositif, ce qui a eu pour conséquence de rendre la question des ressources parfaitement opaque. Si les ressources ne sont pas clairement identifiées et pérennes, que peut-on attendre de ce fonds ?
L’axe 7 des priorités dégagées pour le grand emprunt prévoit la création d’une agence pour le numérique, qui aurait pour objet « de co-investir dans l’économie numérique, en agissant à la fois sur les infrastructures et sur le développement de nouveaux usages et contenus ».
La commission sur les priorités stratégiques d’investissement et l’emprunt national envisage également, dans l’action 16, la création « d’un fonds dédié pour accélérer la transition de la France vers le très haut débit. Ce fonds doté de 2 milliards d’euros [...] aurait pour objectif de soutenir les solutions les plus pertinentes techniquement et économiquement, [...] en complément de l’action des collectivités territoriales ». Doit-on en conclure que l’aménagement numérique du territoire sera financé partiellement par le grand emprunt ?
Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous apporter des précisions sur ce thème ?
Par ailleurs, même si le grand emprunt permettait de financer des infrastructures en complément des crédits des collectivités territoriales, la somme envisagée de 2 milliards d’euros est sans commune mesure avec les besoins estimés pour desservir l’ensemble du territoire national en très haut débit. Il nous a toujours semblé que ce texte devait prévoir, comme le souhaitait d’ailleurs l’auteur de la proposition de loi, un financement suffisant et pérenne dans la durée. C’est le sens de l’amendement n° 12 que nous avons déposé sur cet article 4. Nous en présenterons un autre, ensuite, tendant à la reconnaissance du caractère de fonds de péréquation de ce fonds d’aménagement numérique.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État. Ce fonds de 2 milliards d’euros doit en fait servir de levier pour atteindre un montant de 6 ou 7 milliards d’euros, au sein d’un ensemble de crédits que nous évaluons à 15 milliards d’euros. Mais même le fait de disposer de cette dernière somme aujourd’hui ne nous permettrait pas d’aller plus vite !
S’agissant de la mise en œuvre du fonds d’aménagement numérique du territoire, je tiens à apporter une clarification. Le cinquième alinéa de cet article 4 prévoit que les aides du fonds ne peuvent être attribuées que pour la réalisation d’infrastructures et de réseaux accessibles et ouverts. Les conditions seront précisées par l’ARCEP, dont c’est le rôle, après une large concertation des collectivités territoriales. Je tenais à préciser ce point, car je sais qu’il est très important pour nombre d’entre vous.
M. Paul Blanc. Très bien !
M. le président. L’amendement n° 11, présenté par MM. Teston, Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Collombat, Courteau et Raoul, Mme Blondin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans cet article, remplacer (cinq fois) les mots :
fonds d'aménagement numérique des territoires
par les mots :
fonds de péréquation d'aménagement numérique des territoires
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Comme nous avons déjà eu souvent l’occasion de le dire ici, l’enjeu en matière de haut débit est la péréquation entre les territoires denses, souvent riches, et les territoires peu denses, souvent sans grands moyens financiers.
Nous vous avons déjà fait part de notre ambition de mettre en place un service universel pour le haut débit et le très haut débit. Nous souhaitons que soit étudiée la possibilité d’aider financièrement les ménages qui, tout en maintenant la vie et l’activité dans nos territoires ruraux, risquent d’en payer le prix par une impossibilité d’accéder à internet et à tous les usages, notamment professionnels, qui peuvent en découler.
Vous avez-vous-même, monsieur le rapporteur, approuvé à plusieurs reprises le « caractère péréquateur du fonds ». Mais comment croire vos propos alors que ne se dégage de la proposition de loi aucune règle nette pour la répartition des crédits du fonds, du moins s’il est alimenté ? Le caractère péréquateur de ce fonds doit apparaître clairement dans la loi qui sera adoptée.
L’amendement n° 11 n’a pas une simple portée rédactionnelle. Si vous consentez à l’approuver, mes chers collègues, vous nous montrerez que vous êtes sincèrement décidés à aider les territoires.
Je profiterai de la défense de cet amendement pour élargir mon propos.
La somme de 2 milliards d’euros évoquée est bien sûr insuffisante. En cet instant, je ne sais même pas si elle est garantie. En effet, M. le rapporteur et Mme le secrétaire d’État ont tenu des propos un peu différents sur ce point : M. Retailleau a estimé qu’il s’agissait d’une proposition, alors que Mme le secrétaire d’État a semblé penser que cette somme était déjà acquise.
Quoi qu’il en soit, nous avons besoin d’un système pérenne. Madame le secrétaire d’État, vous appelez de vos vœux la planification. Or, la planification, cela veut peut-être dire qu’il faut 2 milliards d’euros tout de suite parce qu’on ne pourrait effectivement pas dépenser plus. Mais nous devons également étudier de quelle manière atteindre et pérenniser les 15 milliards d’euros.
Les 2 milliards d’euros auraient, selon vous, un effet de levier. Mais vous vous prononcez en quelque sorte à l’aveugle, sans connaître le scénario. Peut-être est-ce parce que vous ne vous projetez qu’à l’horizon de la fin des mandatures législative et présidentielle ? Pour notre part, nous estimons que l’enjeu de cette révolution numérique doit être pérennisé, indépendamment de toute échéance politique. C’est une question majeure pour demain, pour l’avenir et pour nos enfants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Comme en première lecture, la commission est défavorable au changement d’intitulé du fonds, et, par conséquent, à l’amendement n° 11, qui est rédactionnel.
Mais je comprends l’argumentation qui vient d’être développée, et nous souhaitons d’ailleurs tous qu’il y ait une péréquation. Dans le cas présent, l’effet péréquatif sera non seulement dans le schéma, en matière de périmètre, mais aussi dans le fonds, lequel sera alimenté par la ressource publique, et en premier lieu par le grand emprunt.
Il est normal que j’aie parlé de « proposition », parce que nous évoquons pour l’instant ce qu’a proposé la commission Juppé-Rocard.
M. David Assouline. Eh oui !
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Prochainement, le Président de la République sera amené à trancher. Il n’existe aucun écart de langage entre Mme le secrétaire d’État et moi-même. (M. David Assouline fait un signe dubitatif.)
L’effet péréquateur du fonds est très simple. Un décret précisera que ce dernier peut abonder en aides tel ou tel territoire, les opérateurs ne pouvant pas dans ce cas agir seuls, sauf à faire courir des risques au marché. L’effet de péréquation est donc, je le répète, dans le schéma et dans le fonds.
Par ailleurs, le fonds sera géré par un comité national tripartite comprenant, notamment, les collectivités locales, qui pourront déterminer au cas par cas, en fonction de la situation plus ou moins déshéritée de tel ou tel territoire, s’il faut ajuster telle ou telle aide.
Comme en première lecture, la commission est défavorable à l’ajout des mots « de péréquation », qui n’apportent rien de plus.
M. David Assouline. Et rien de moins !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable car, en effet, cet ajout n’apporterait rien.
Je veux revenir sur certains propos qui me semblent erronés. M. Teston a estimé que la division du territoire en trois parties aurait un effet contre-productif à l’égard de la fracture numérique. C’est tout le contraire ! (M. Michel Teston fait un signe de dénégation.) Elle permet justement la péréquation. Pour le Gouvernement, il n’existe aucune priorité temporelle. Il ne souhaite pas « fibrer » d’abord la zone 1, la plus dense, puis la zone 2, et voir ensuite pour la zone 3 ; il veut amener le très haut débit en même temps dans tous les territoires. Pour ce faire, il prend en compte les spécificités des différents territoires, afin de proposer à chacun d’entre eux une solution qui corresponde à sa configuration.
M. Paul Blanc. Tout à fait !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Je vais vous démontrer, mesdames, messieurs les sénateurs, en quoi il y a péréquation. Pour la zone 1, qui est la plus dense, le Gouvernement ne prévoit aucun financement public. Conformément à la loi de modernisation de l’économie, son action se limite à organiser le cadre législatif et réglementaire, de telle sorte que les investissements privés soient sécurisés, ce qui est bien naturel. Mais cela ne se fait que sur investissements privés. Les fonds évoqués ici seront investis dans les zones 2 et 3.
Je veux maintenant revenir, monsieur Assouline, sur le coin que vous essayez d’enfoncer, en vain, entre la commission et le Gouvernement. (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) Je veux réconcilier tout le monde en citant les propos qu’a tenus M. le Président de la République voilà quelques jours : « Sur le numérique, on sera au rendez-vous. Nous ne voulons pas prendre de retard sur le très haut débit. » Des annonces seront faites en début de semaine prochaine. D’ores et déjà, convenez-en, mesdames, messieurs les sénateurs, les choses se présentent bien !
M. le président. La parole est à M. Paul Blanc, pour explication de vote.
M. Paul Blanc. Les propos de Mme le secrétaire d’État me satisfont pleinement.
Au-delà des aspects financiers, la loi prévoit de recourir à toutes les technologies utiles – la fibre optique, l’ADSL, le réseau hertzien, le satellite – pour faire disparaître la fracture numérique. C’est, selon moi, un élément fondamental, en particulier pour que nous puissions avancer tous ensemble, à la même vitesse, sans attendre la mise en œuvre d’abord de la fibre optique puis d’autres technologies.
C’est la raison pour laquelle, suivant l’avis de la commission et du Gouvernement, je voterai contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.
M. Michel Teston. J’ai bien entendu les propos de Mme la secrétaire d’État. Mais nous avons tous en tête les expériences du déploiement de la télévision analogique – je pourrais en parler longuement – ou de la téléphonie mobile. En réalité, nous savons fort bien que les opérateurs ont investi massivement dans les secteurs enregistrant un retour rapide sur investissement. Si la puissance publique n’apporte pas les moyens financiers nécessaires pour faire en sorte que les zones moins denses progressent au même rythme que les autres, la fracture numérique s’accroîtra forcément entre la zone 1 et les zones 2 et 3.
Tout à l’heure, je suggérais en aparté à Mme la secrétaire d’État de prendre rendez-vous dans deux ou trois ans. Je suis intimement convaincu que, malheureusement, nous ne pourrons que faire alors le même constat au sujet du déploiement du très haut débit que celui que nous avons fait à l’égard du développement de la couverture complémentaire en télévision analogique ou de la couverture du territoire en téléphonie mobile : le déploiement sera forcément inégal sur l’ensemble du territoire.
Par conséquent, il nous paraît nécessaire de reconnaître l’existence d’un fonds de péréquation – nous aborderons ce point tout à l’heure – et de mettre en place un financement pérenne.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Selon M. le rapporteur, l’amendement n° 11 serait rédactionnel et d’ores et déjà satisfait. Mais pourquoi ne pas inverser le raisonnement ? Si la nature de ce texte est seulement rédactionnelle, pourquoi ne pas préciser dans la proposition de loi que le fonds visé est un fonds de péréquation ? Cela n’enlèverait rien au texte !
Depuis le début de ce débat, je ne vois aucune mauvaise volonté de votre part, monsieur le rapporteur. Le débat qui se déroule est serein, et il n’y a pas de bagarre en vue d’empêcher la future loi de voir le jour. S’agissant de cet amendement, la commission et le Gouvernement pensent qu’il est satisfait, alors que l’opposition considère, quant à elle, que cela irait mieux en le disant, et que la précision apportée permettrait d’éviter tout problème. Du coup, ne pas lui donner satisfaction jette le doute sur le caractère uniquement rédactionnel de la disposition en cause !
Comme l’a indiqué Michel Teston, les opérateurs vont forcément investir massivement dans les zones non seulement directement rentables, mais aussi rentables à court terme, et ce d’autant plus que la visibilité à trois ans théorisée dans ce texte va encourager le retour à court terme.
Je n’essayais pas d’enfoncer un coin entre Mme le secrétaire d’État et M. le rapporteur. Je disais simplement que nous débattons comme si la somme de 2 milliards d'euros était inscrite au budget. Or cette somme n’est aujourd’hui confirmée par personne ; peut-être le sera-t-elle dans quelques jours ? Mais entre, d’une part, la déclaration du Président de la République affirmant qu’on ne manquera pas le rendez-vous numérique et que les moyens adéquats y seront consacrés, et, d’autre part, le chiffrage de 2 milliards d’euros proposé par la commission, des surprises peuvent toujours surgir. J’espère en tout cas que cette somme ne sera pas inférieure, car, pour ma part, j’estime qu’elle devrait être nettement plus élevée.
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, pour explication de vote.
Mme Mireille Schurch. Nous sommes au cœur de la proposition de loi intitulée « lutte contre la fracture numérique ». Pourquoi alors ne dit-on pas que la seule façon de parvenir à cette fin consiste à instaurer une péréquation sur le territoire national ?
L’avis défavorable du Gouvernement et du rapporteur soulève selon moi un problème. Pourquoi ne pas reconnaître que c’est par la seule péréquation que nous lutterons contre la fracture numérique ? De nombreux exemples relatifs à d’autres réseaux nous incitent à la prudence.
Préciser que le fonds d’aménagement numérique des territoires est un fonds de péréquation donnerait de la force et du corps à la présente proposition de loi.
Je m’interroge également sur la pérennité de ce fonds, au-delà des 2 milliards d’euros évoqués aujourd’hui, mais dont nous ne savons pas grand-chose.
L’amendement n° 11, de bon sens, de fond, donne tout son poids à la présente proposition de loi. Par conséquent, je le voterai.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 12, présenté par MM. Teston, Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Collombat, Courteau et Raoul, Mme Blondin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le fonds d'aménagement numérique des territoires est alimenté par une contribution versée par les opérateurs mentionnés à l'article L. 33-7 du code des postes et communications électroniques calculée sur le chiffre d'affaires.
La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Cet amendement vise à revenir sur la suppression des ressources du fonds qui a été votée dans cet hémicycle même, lors de l’examen de la présente proposition de loi en première lecture au mois de juillet dernier.
Dans le texte initial, le fonds d’aménagement numérique des territoires était alimenté par des contributions versées par les opérateurs mentionnés à l’article L.33-7 du code des postes et des communications électroniques dans des conditions fixées par décret. C’était une très bonne idée.
S’il est apparu paradoxal à la commission d’entraver l’effort des opérateurs de télécommunications en créant une nouvelle taxe, nous ne faisons pas du tout la même analyse.
Dans son rapport, Bruno Retailleau estimait, cet été, qu’une telle taxe risquerait de « décourager les opérateurs d’investir dans les territoires et d’aboutir ainsi à un effet contraire à l’objectif de la présente proposition de loi ».
Quant à Mme le secrétaire d’État, elle avance qu’une part de l’emprunt national devrait abonder ce fonds, puisque sont en cause des équipements structurants, porteurs de croissance à long terme, qui pourraient être alimentés par des crédits collectés dans le cadre de cet emprunt.
Comme cela vient d’être dit, en particulier par David Assouline, que pèseront les 2 milliards d’euros proposés face aux besoins estimés à environ 30 milliards d’euros sur l’ensemble du territoire national ?
Nous considérons donc qu’une nouvelle taxe est nécessaire pour garantir, grâce au produit qu’elle générera, la pérennité du fonds.
En outre, nous estimons qu’un tel fonds doit disposer de plusieurs sources de financement, et se voir notamment abondé par des contributions versées par les opérateurs. C’est une question de crédibilité.
M. le président. L'amendement n° 16, présenté par Mmes Schurch et Didier, MM. Danglot et Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le fonds d'aménagement numérique des territoires est notamment alimenté par des contributions versées par les opérateurs mentionnés à l'article L. 33-7 du code des postes et communications électroniques dans des conditions fixées par décret.
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Notre collègue Xavier Pintat, qui est à l’initiative de la présente proposition de loi, avait prévu à l’article 4 la création d’un fonds d’aménagement numérique, qui visait à mettre en œuvre des schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique à travers le financement de certains travaux d’infrastructures et de réseaux, et ce grâce à des contributions des opérateurs privés.
Or cette disposition a été supprimée en commission lors de la première lecture du texte par la Haute Assemblée, privant ainsi ce fonds de ressources. Nous instituons un fonds, mais nous lui ôtons ses financements !
Aujourd’hui, madame la secrétaire d’État, vous nous promettez que 2 milliards d’euros issus du grand emprunt serviront à alimenter les investissements nécessaires pour les zones 2 et 3.
Or, je le répète, cette somme nous semble bien insuffisante au regard des investissements à venir.
Certains de nos collègues de l’Assemblée nationale ont proposé par voie d’amendement des solutions de rechange pour le financement de ce fonds ; M. Dionis du Séjour, notamment, suggérait l’instauration d’une taxe qui ne porterait pas directement sur les opérateurs privés, mais qui s’appliquerait aux abonnements de communications électroniques, conformément à une proposition formulée par un membre du Conseil économique, social et environnemental.
Madame la secrétaire d'État, vous avez refusé également cette solution, en considérant qu’il serait « dangereux » de taxer les opérateurs privés. En revanche, vous estimez tout à fait raisonnable de les laisser se tailler la part du lion dans les bénéfices liés aux nouvelles technologies ! Le résultat est là : comme souvent, le fonds est resté, mais la taxe a disparu !
Ainsi, le président de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, dans un souci de cohérence, a reconnu que ce fonds devrait être supprimé lors de la réunion de la commission mixte paritaire si des financements n’avaient pas été trouvés au cours de la navette. Sur ce point, madame la secrétaire d'État, vous venez de nous rassurer : vous avez dégagé 2 milliards d'euros grâce au grand emprunt, dont nous savons tout de même peu de chose.
Dès lors que nous nous dirigeons vers un vote conforme, nous devons faire preuve de cohérence : soit nous supprimons ce fonds, qui ne sera pas abondé, soit nous faisons contribuer les opérateurs privés.
Il nous paraît juste que ceux qui réalisent des bénéfices dans les secteurs rentables participent au financement de l’accès à ce service dans les zones moins profitables. C’est ce que l’on appelle la péréquation (Marques d’ironie au banc des commissions.), dont nous avons débattu précédemment, et c’est le système qui prévaut pour l’ensemble des services publics ouverts à la concurrence : les obligations de service universel sont financées par un fonds de compensation, lui-même alimenté par l’ensemble des opérateurs.
Pour cette raison, nous proposons à travers cet amendement d’abonder ce fonds avec des contributions des opérateurs privés, sans faire de celles-ci le seul mode de financement du dispositif, pour ne pas exclure, bien entendu, les aides provenant du grand emprunt, c'est-à-dire les 2 milliards d'euros que vous avez évoqués, madame la secrétaire d'État.
Nous espérons que vous conviendrez avec nous qu’il est nécessaire de prévoir des ressources pérennes pour ce fonds, dont la mission est fondamentale, tant l’accès aux nouvelles technologies devient déterminant pour de nombreux aspects de la vie quotidienne de nos concitoyens, notamment dans les territoires les plus reculés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Je reprendrai brièvement l’explication que j’ai déjà donnée au mois de juillet dernier.
Mes chers collègues, il faut savoir ce que nous voulons ! Ces deux grandes régions du monde que sont l’Asie et les États-Unis sont en avance sur l’Europe en ce qui concerne le déploiement de la fibre optique et, surtout, la connexion des foyers à ce réseau.
Aujourd'hui, taxer les opérateurs alors que nous leur demandons de déployer davantage la fibre optique reviendrait à leur annoncer que plus ils feront d’efforts en ce domaine, plus ils devront payer ! Si nous agissons ainsi, nous bloquons le mécanisme des investissements.
C’est une évidence qu’un certain nombre de grands pays occidentaux ont compris : alors qu’ils avaient imaginé des schémas similaires, ils se refusent pour l’instant à les mettre en place, et uniquement pour cette raison.
D’ailleurs, pour l’électricité, le FACÉ, le fonds d’amortissement des charges d’électrification, qui fut créé en 1936, n’a pu instituer une taxe de péréquation que lorsque le réseau eût été déployé. Procéder autrement serait absurde et irait à l’encontre de nos objectifs, car, si les opérateurs bloquent leurs investissements, il reviendra aux collectivités territoriales de financer la totalité du déploiement.
Je considère donc qu’il ne faut certainement pas ajouter une taxe à celles qui existent déjà par ailleurs.
M. David Assouline. C’est votre point de vue ! Nous vous donnons rendez-vous dans deux ans !
M. Bruno Retailleau, rapporteur. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements, pour les raisons que j’ai déjà exposées précédemment et que je compléterai en quelques mots.
Je n’ai ici aucune opposition de principe. La péréquation est une belle idée ; elle est utile pour un certain nombre d’aménagements et pourrait, un jour, jouer un rôle dans ce dossier.
Toutefois, au point du cycle d’investissement où nous nous trouvons, cette mesure serait tout à fait contre-productive.
En effet, si nous taxons d’emblée les investissements qui sont en train d’être réalisés, nous aurons pour seul résultat de déplacer les limites, qui sont en cours de définition, entre la zone 1 et la zone 2, d'une part, et la zone 2 et la zone 3, d'autre part.
Ainsi, nous renchérirons les coûts du déploiement de la fibre optique, nous déplacerons les limites de zones pour finalement réduire la zone dans laquelle les investissements purement privés seront rentables. En accroissant la taille des zones 2 et 3, nous augmenterons le volume des financements nécessaires et casserons la dynamique des investissements privés.
Mon opposition n’est donc absolument pas de principe : un jour, peut-être, cette mesure sera possible, mais, aujourd’hui, elle serait certainement contre-productive.