M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Raffarin, pour explication de vote sur le sous-amendement no II-324.
M. Jean-Pierre Raffarin. Je voudrais tout d’abord remercier M. le rapporteur général de nous avoir permis de discuter en deux temps distincts de cette question de la transformation de la taxe professionnelle.
Au fond, cette réforme concerne les entreprises, et nombre d’entre nous ont voulu montrer qu’ils souhaitaient un allégement de la fiscalité des entreprises.
Je voudrais également saluer la détermination personnelle de Mme Lagarde dans ce dossier.
Cependant, les conditions de ce débat ne nous satisfont pas du tout. Sans parler du fait que, sur un sujet aussi important, nous soyons obligés de siéger les week-ends, ce qui est tout de même regrettable, je trouve qu’il a manqué un certain nombre de réflexions sur cette question.
Nous aurions voulu un débat économique. Avant de parler de valeur ajoutée, demandons-nous d’abord si, comme on l’entend partout, c’est vraiment la taxe professionnelle sur les investissements qui explique les délocalisations.
Mme Nicole Bricq. Non !
M. Jean-Pierre Raffarin. Je n’en suis pas sûr du tout ! En tout cas, il ne faut pas nécessairement faire de la question des investissements la clé de tous nos malheurs. Je ne suis pas en mesure de dire aujourd’hui si la valeur ajoutée est une meilleure assiette pour l’avenir de notre économie que l’investissement. (Approbation sur les travées socialistes.)
Mme Nicole Bricq. Cela reste en effet à démontrer !
M. Jean-Pierre Raffarin. Quand je vois aujourd’hui les efforts que font les pays émergents sur la valeur ajoutée, je me demande si, dans cinq ans, on ne dira pas de nouveau que cette contribution est un impôt idiot, parce qu’elle pénalise la valeur d’avenir.
Mme Nicole Bricq. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Raffarin. Il nous a donc manqué un débat économique en amont, de même qu’une réflexion sur le bilan que nous tirons de la décentralisation afin d’en dégager les effets positifs et négatifs et de mieux comprendre la stratégie du Gouvernement sur ces sujets.
Mme Nicole Bricq. Eh oui !
M. Jean-Pierre Raffarin. Nombre de questions importantes se posent à propos de la décentralisation. Notamment, si l’on veut jouer la carte de la responsabilité des élus, il faut des impôts locaux avec des taux locaux. À l’inverse, si l’on assortit les impôts locaux de taux nationaux, on nationalise l’impôt local.
Mme Nicole Bricq. Très bien !
M. Jean-Pierre Raffarin. Je ne dis pas que la décentralisation est parfaite. Elle a certes beaucoup de défauts, mais si nous refusons de les regarder en face, nous aurons du mal à les corriger.
Nous aurons sans doute ce débat lorsque nous examinerons le texte relatif à la réorganisation administrative des collectivités locales, mais il eût mieux valu discuter la question des compétences avant celle des finances.
Enfin, le Gouvernement se prive d’un atout majeur : le temps ! En politique, la vitesse n’est pas toujours une valeur. Cette réforme m’en rappelle d’ailleurs une autre, celle de la transformation de la patente en taxe professionnelle, dont la mise en œuvre nous a réservé bien des surprises – je prends Jean-Pierre Fourcade à témoin.
Nous aurions dû, nous devons prendre plus de temps pour procéder aux évaluations et aux simulations dont nous avons besoin. De ce point de vue, j’apprécie la démarche du rapporteur général et de la commission des finances. Si j’ai bien compris le sens de leurs propositions, ce texte ne deviendrait définitif qu’à l’issue d’une période probatoire jalonnée de plusieurs échéances.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !
M. Jean-Pierre Raffarin. Nous nous donnons six mois, d’ici à juin prochain, pour disposer de simulations par collectivité ; celles-ci devront porter non seulement sur 2010 – rien ne devant fondamentalement changer par rapport à 2009 –, mais aussi sur 2011 et les années suivantes. De nombreuses questions se posent. Je pense en particulier aux quelque 7 500 communes qui sont directement concernées par la taxe professionnelle dans les zones où il y a une centrale nucléaire : elles ont besoin de savoir ce qui se passera en 2011 et 2012.
Nous avons également besoin d’évaluations territoriales, conduites par département, afin de pouvoir apprécier finement la cohésion territoriale, y compris à l’intérieur d’une agglomération.
Il nous faut aussi des outils de correction : si l’on dispose d’évaluations sans possibilité de corriger, cela ne sert à rien. C’est pourquoi, plutôt que de parler de rendez-vous en tant que tel, je préfère parler de période probatoire au cours de laquelle, en permanence, on évaluera la situation. Ainsi, le rendez-vous sera véritablement opérationnel.
Si je souscris donc à la proposition du rapporteur général d’instaurer des rendez-vous, je voudrais y ajouter cette idée de période probatoire. On pourrait ainsi imaginer, madame la ministre, que, pendant ces six mois, des parlementaires en mission informent l’ensemble des élus de l’évolution des simulations.
Quand je vous entends annoncer, madame la ministre, que vous ne disposerez pas des données sur les dégrèvements avant juin, même si j’entends vos arguments, j’ai peur que les collectivités locales ne soient obligées de mener leur débat d’orientation budgétaire sans avoir toutes les informations dont elles ont besoin. À cet égard, la mission parlementaire que j’évoquais pourrait jouer un rôle important.
Je reviendrai dans le cours du débat sur un certain nombre d’autres sujets, mais je pense que l’instauration d’une période probatoire constitue un élément central qui devrait nous permettre d’accepter la réforme de la taxe professionnelle et, surtout, le changement d’assiette et la création de nouvelles taxes. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP et de l’Union centriste. – M. le rapporteur général de la commission des finances applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur le sous-amendement no II-324.
Mme Nicole Bricq. Nous comprenons que cet amendement et ces sous-amendements ont pour objet de satisfaire la demande des vingt-quatre sénateurs qui ont voulu une clause de revoyure ou de rendez-vous.
Le groupe socialiste tient à souligner le caractère incongru, dans un projet de loi de finances, de l’amendement et de cette série de sous-amendements, qui sont destinés à répondre à des objectifs purement politiques. (M. le rapporteur général de la commission des finances s’exclame.)
D’après la Constitution, les parlementaires doivent fixer des règles, et non céder à l’inflation législative, laquelle a été maintes fois dénoncée par le rapporteur général et le président de la commission des finances. Nous sommes là non pas pour faire des déclarations, mais pour voter la loi de finances pour 2010. Avec la loi Grenelle I, nous avons déjà battu des records d’articles déclaratifs, dont on sait qu’ils sont rarement suivis d’effet. L’amendement que nous soumet aujourd’hui le rapporteur général ainsi que les sous-amendements n’ont donc pas leur place dans le texte d’une loi, et encore moins d’une loi de finances.
Nous avons bien compris que l’objectif était non pas d’améliorer la loi, mais de rallier l’ensemble de la majorité à la suppression de l’impôt économique des collectivités locales – nos collègues communistes ont raison d’employer ce terme –, laquelle ne sera pas sans conséquences sur leurs recettes.
Un temps, deux mouvements… La série de rendez-vous qui ont été fixés – non plus deux, mais trois, voire quatre – permet d’apaiser les tensions internes à la majorité sénatoriale.
Plusieurs sénateurs de l’UMP. Ce ne sont pas des tensions, c’est un débat !
Mme Nicole Bricq. J’ai senti une pointe de colère dans les propos de M. Raffarin. Une ancienne candidate à l’élection présidentielle avait parlé de « saine colère »… (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Sans vouloir porter de jugement, je pense que cette colère est bien organisée. En effet, lors d’une assemblée des maires de mon canton à laquelle je participais hier, j’ai eu le privilège d’apprendre que M. Raffarin demanderait aujourd’hui ces fameux parlementaires en mission.
Si notre débat souligne le malaise de la majorité sénatoriale, je crains que cette révolte ne soit purement conventionnelle. Je l’avais qualifiée de « coup médiatique » lors de l’examen de la première partie du projet de loi ; je ne suis pas près de changer d’opinion. Il y aurait en effet une certaine incohérence à ce qu’un samedi vous votiez la suppression de la recette essentielle des collectivités locales et que le samedi suivant vous n’en acceptiez plus les conséquences… Il existe un lien logique entre ces dispositions !
M. Bruno Sido. Quels donneurs de leçons !
Mme Nicole Bricq. C’est pourquoi nous avons voté contre la suppression de la taxe professionnelle en première partie et que nous ne présentons pas de sous-amendements à la réécriture à laquelle s’est livrée la commission des finances avec le concours de ses services, qui ont fourni un travail dont je salue l’ampleur.
Si l’amendement de la commission des finances atteint son but, à savoir le vote du texte, il n’en demeure pas moins qu’une grande partie de la majorité sénatoriale n’accepte pas les conséquences de cette réforme.
Tous ces rendez-vous montrent finalement que cette loi est conçue comme expérimentale, et parler de « période probatoire » n’y change rien. Je serais curieuse de faire une recherche dans les archives du Parlement : a-t-il jamais voté une loi de finances probatoire ?
M. Gérard Longuet. Nous avons constitutionnalisé le droit d’expérimentation !
Mme Nicole Bricq. La clause de revoyure est un double aveu : celui de l’improvisation du Gouvernement et celui du manque de pouvoir effectif du Parlement. Vous avez, mes chers collègues, voté une révision constitutionnelle que nous avons eu raison de refuser, nous en avons la confirmation a posteriori : car nous voyons bien que le Parlement est contraint.
Cette clause a pour objectif, nous a-t-on dit en commission des finances, de faire en sorte que le Gouvernement puisse fournir des simulations. Mme la ministre s’est délivré un satisfecit en affirmant que tout le monde avait déjà reçu mille simulations. Mais, madame la ministre, il a fallu que pendant la réunion de la commission des finances nous allions, un par un, les demander aux membres de vos services qui étaient présents, et qui n’acceptaient généreusement de nous donner que celles qui concernaient notre commune, notre département ou notre région. N’est-ce pas là une forme d’humiliation ? Nous sommes des parlementaires, des élus nationaux, et nous n’avons jamais reçu d’estimation globale des conséquences de la réforme.
Cette réforme vise à alléger la fiscalité des entreprises : vous l’avez indiqué lorsque vous êtes venue devant la commission des finances pour la première fois, et vous n’avez jamais changé de position.
Je partage tout à fait les propos que vient de tenir notre éminent collègue Jean-Pierre Raffarin : affirmer que la taxe professionnelle est la source des délocalisations et des pertes d’emplois, c’est tout de même, je pèse mes mots, une arnaque. (Protestations sur les travées de l’UMP.) Nous savons tous que ce n’est pas vrai.
La clause de revoyure est un aveu de l’impuissance de la majorité. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Gérard Longuet. Vous avez dépassé votre temps de parole !
Mme Nicole Bricq. Elle n’a d’autre sens que de servir à honorer une promesse présidentielle qui conduit aujourd’hui le Parlement à travailler à l’aveuglette et à adopter des mesures sans pouvoir ni en connaître ni en évaluer les conséquences. C’est de cela qu’il est question en ce samedi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je voudrais d’abord saluer la présence nombreuse des sénateurs en ce samedi après-midi.
M. Bruno Sido. Merci !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Il y a plus de monde qu’en semaine !
M. Christian Cambon. Plutôt sur les travées de la majorité : les autres ne semblent pas intéressés !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous avons dû organiser les débats de façon à respecter les délais que la Constitution nous impose. Nous avons pensé, s’agissant de la suppression de la taxe professionnelle et de son remplacement par une cotisation économique territoriale, que nous devions prendre le temps d’un débat aussi serein et profond que possible. Voilà pourquoi nous avons dû siéger un samedi entier il y a deux semaines et que nous allons siéger cet après-midi, ce soir certainement, et peut-être demain.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Si vous n’êtes pas sages ! (Sourires.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La philosophie de la commission des finances a été de ramener ce dispositif à son essence. Il ne s’agit pas ici de procéder à la réforme des collectivités territoriales, pas plus que de modifier le pacte entre les communes et les établissements publics de coopération intercommunale. Nous avons voulu respecter à la lettre l’objectif que s’est fixé le Gouvernement, à savoir l’allégement des prélèvements pesant sur les entreprises, tout en maintenant le niveau de ressources des collectivités territoriales. Ce fut là le fil rouge des travaux de la commission des finances.
Nous nous sommes réunis à maintes reprises, et nous avons veillé à ce que puissent assister aux séances de la commission les membres de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation ainsi que celles et ceux qui avaient participé à la mission présidée par Claude Belot. Naturellement, le parti que nous prenons en vous proposant ces amendements est aussi fidèle que possible à l’objectif initial.
Nous indiquons très souvent que l’économie, pour les entreprises, sera de l’ordre de 4 milliards d’euros. Il faut cependant corriger cette appréciation, ce montant étant calculé après imputation des impôts forfaitaires sur les entreprises de réseau, soit environ 3 milliards d’euros. La véritable économie pour les trois millions d’entreprises concernées est donc d’un peu plus de 7 milliards d’euros en rythme de croisière, et non pas de 4 milliards. Je pense que nous serons en mesure de respecter cet objectif.
Ce sera un apport à la compétitivité des entreprises, même si nous pouvons regretter qu’il ait fallu asseoir la cotisation sur la valeur ajoutée, ce qui est une façon de réintégrer les salaires dans les bases. Il est bien évident que, de ce fait, le risque de délocalisations n’est pas supprimé.
Nous avons avancé sur des bases aussi intelligibles que possible. Naturellement, madame le ministre, la désignation de parlementaires en mission pourra représenter un apport décisif. Quoi qu’il en soit, la commission des finances entend rester totalement mobilisée, tout particulièrement pendant le premier semestre de l’année 2010, et demander des simulations qui permettent d’éclairer chacun d’entre nous, de façon que le rendez-vous prévu en juin ou juillet prochain se tienne sur la base d’indications larges, objectives et fiables. Nous ne nous arrêterons pas là, car il faudra préparer la loi de finances pour 2011. Nous serons certainement appelés à nous revoir dès le début de l’année 2011, au moment où les gestionnaires locaux auront une vision précise de l’incidence de la réforme sur le niveau de leurs ressources.
Il s’agit donc d’une mobilisation permanente, et je prends l’engagement, au nom de la commission des finances, d’organiser une succession de réunions de cette nature en les ouvrant aussi largement que possible, notamment aux membres de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation ainsi qu’à celles et ceux qui avait participé à la mission présidée par Claude Belot.
Telle est la perspective dans laquelle nous avançons, tels sont l’éclairage et la clé de lecture de l’amendement no II-199, que nous sommes en train d’examiner, ainsi que des amendements nos II-200 et II-201, dont la discussion va suivre.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre. Je souhaite d’abord rendre hommage à la sagesse et à l’efficacité du Sénat.
Sa sagesse s’exprime dans la structure proposée par la commission des finances, qui répond au souci qu’exprimait M. Raffarin. La période probatoire sanctionnée par des rendez-vous qui nous donneront la possibilité d’apprécier précisément les effets du projet de loi, sur la base de simulations et d’une véritable étude par collectivité et par niveau de collectivité, permettra de vérifier que nous remplissons les objectifs que nous nous sommes assignés.
S’il est une assemblée qui comprend le temps, c’est sans aucun doute la Haute Assemblée. Mais, parmi ses qualités, elle compte aussi l’efficacité. Je dois dire que les travaux engagés par la commission des finances ont été redoutables de ce point de vue, tant par la gestion du temps que par le mécanisme d’action envisagé. Je n’irai pas jusqu’au bout de la règle des trois unités, puisqu’il est clair que nous nous en affranchissons en posant les trois rendez-vous, en prévoyant d’examiner l’efficacité du texte dans tous les espaces français, enfin en situant le cadre de l’action au niveau des entreprises.
Vous indiquiez, madame Bricq, que la taxe professionnelle était l’impôt économique des collectivités territoriales. Je crois surtout qu’elle est l’impôt économique dont bénéficient les collectivités territoriales, mais que les entreprises subissent…
Mme Nicole Bricq. Elles le subissent !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Avec joie et plaisir !
Mme Christine Lagarde, ministre. Elles contribuent volontairement à ce lien territorial indispensable que nous avons déjà évoqué, et elles le font avec plaisir, en effet, parce qu’elles savent très bien à quelle fin ces impositions sont utilisées.
Monsieur Raffarin, vous avez invité le Gouvernement à désigner des parlementaires en mission pour que nous soyons assurés de l’efficacité de l’instrument et que nous puissions étudier l’ensemble des simulations au fur et à mesure de leur réception. Le Gouvernement est tout à fait disposé à examiner de quelle manière et dans quelles conditions mettre en place ce mécanisme, qui me paraît souhaitable, dans le respect des excellents travaux de la commission des finances et du souhait exprimé par M. le président de la commission de suivre pas à pas le cheminement de la réforme. C’est d’ouverture qu’il s’agit ici : nous voulons que le plus grand nombre de ceux qui sont directement concernés et intéressés par ce texte puisse en examiner l’avancement.
Je me suis sentie un peu coupable à votre égard de nous avoir privés du débat économique auquel vous faisiez allusion. Aussi, je tiens à préciser que nos travaux se sont profondément inspirés du rapport Fouquet, qui avait été préparé sous votre autorité en 2004 et qui, après avoir examiné de multiples options, concluait que, compte tenu de l’évolution de notre territoire économique, la valeur ajoutée était de toutes les assiettes probablement la moins mauvaise et que c’était sans doute sur elle qu’il convenait de s’appuyer.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur le sous-amendement no II-324.
M. Michel Charasse. Nous abordons donc l’examen des sous-amendements qui s’appliquent à l’amendement présenté par M. le rapport général au nom de la commission des finances.
Je fais partie de ceux qui, dans cet hémicycle, considèrent que la démarche engagée par le Gouvernement reste condamnable. Ce n’est pas à cause de la réforme fiscale de la taxe professionnelle elle-même, car, je voudrais vous y rendre attentifs, mes chers collègues, il est de la compétence du Gouvernement, et non des collectivités territoriales, de régler les questions fiscales, même celles qui concernent ces dernières. Notre pays est une République unitaire : la loi fiscale est votée par le Parlement, qu’elle concerne l’État ou qu’elle concerne ses démembrements administratifs. Non, c’est parce que nous mettons la charrue avant les bœufs, cela a été souligné à plusieurs reprises, puisque ce n’est que plus tard, au printemps, que nous examinerons les dispositions concernant les compétences des collectivités territoriales et que nous serons donc en mesure d’évaluer le volume des ressources dont elles ont besoin.
Je voudrais souligner le travail qui a été réalisé par la commission des finances. Même si, politiquement, j’ai des réserves, je considère que c’est presque une œuvre d’art. (Exclamations approbatrices sur plusieurs travées.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Voilà qui est bien dit !
M. Michel Charasse. Véritablement, il a fallu toute la mobilisation du rapporteur général de la commission des finances et, comme aurait dit Coluche, de « son orchestre », (Sourires.) c’est-à-dire de l’ensemble de celles et ceux qui l’entourent,…
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Brillant orchestre !
M. Michel Charasse. … en liaison aussi, semble-t-il, avec la commission des finances de l’Assemblée nationale, pour arriver à une solution qui est, techniquement, la moins mauvaise qui pouvait nous être présentée.
Je voudrais rendre le Sénat attentif à un deuxième point : pour la première fois depuis très longtemps, nous sortons, en matière d’exonérations ou d’allégements des impositions locales, du système des compensations, dont on sait qu’à terme il trompe les collectivités territoriales. Je ne citerai que l’allégement de 16% des bases de la taxe professionnelle, l’allégement Balladur, qui fut suivi de la suppression par Dominique Strauss-Kahn de la part salaires.
M. Yvon Collin. Bravo ! On change de planète !
M. Michel Charasse. Grâce à l’astuce qu’a trouvée le rapporteur général et à son ingéniosité, nous sortons du système de la compensation pour entrer dans celui du dégrèvement, qui est une véritable garantie de ressources absolue, et la seule ! C’est une mini-révolution dont, en tant qu’ancien ministre chargé du budget, je peux apprécier toute la portée à sa juste valeur, étant entendu, madame le ministre, que le rapporteur général et la commission des finances ont suivi à la lettre les déclarations réitérées du Gouvernement selon lesquelles les collectivités ne subiraient aucune perte de recettes et seraient compensées à l’euro près. Évidemment, il faudra également prendre en compte les compensations accessoires – accessoires, mais importantes ! –, comme l’a clairement indiqué le Premier ministre dans son discours au congrès des maires de France.
Nous nous contentons donc de prendre le Gouvernement au mot, même si le système du dégrèvement, pour des raisons d’équilibre budgétaire que je peux comprendre, ne l’arrange pas. Madame la ministre, chère Christine Lagarde, quand on prend un engagement, on le tient, et on doit s’y tenir ! Je dois reconnaître que la perspective de sortir des systèmes Balladur, Strauss-Kahn et autres me convient parfaitement. J’espérais cela depuis si longtemps !
Je formulerai une troisième observation : en réalité, il ne se passera rien en 2010 puisque les ressources seront reconduites, malgré quelques petites pertes de 2 % ou 3 % au passage que, madame le ministre, vous ne pouvez pas apprécier puisque vous n’êtes pas maire, mais auxquelles les présidents de conseil général ou régional et les maires sauront être sensibles. Comme le soulignait Jean-Pierre Raffarin tout à l’heure, après et avant d’autres sans doute, nous allons entrer dans une période de simulations qui devront tenir compte aussi de la réforme institutionnelle que nous voterons au printemps. Notre but commun reste de donner aux collectivités territoriales les ressources dont elles auront besoin pour l’exercice de leur liberté locale dans les conditions que fixeront les textes que nous examinerons très bientôt.
Ma religion, on l’aura compris, n’est pas complètement faite. Je tenais cependant à rendre hommage au travail d’imagination et à l’effort intellectuel de la commission des finances et – pardon, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général – de l’ensemble de ses collaborateurs, qui mériteraient vraiment, s’il existait, le prix Pulitzer bis de la création législative. Ce serait formidable ! Grâce à eux, madame le ministre, nous passons d’un texte totalement incompréhensible au départ et sans doute largement menacé, à ce titre, par le Conseil constitutionnel s’il est saisi, à un texte beaucoup plus compréhensible.
M. Yvon Collin. C’est vrai !
M. Michel Charasse. Je voulais d’autant plus souligner ce travail que nous avons été nombreux, opposition et majorité, à participer aux travaux de la commission des finances.
Quelle que soit la suite qui sera donnée, permettez-moi de souligner la révolution que constitue le retour au dégrèvement plutôt qu’à la compensation. C’est un pas en avant énorme. Il nous sort d’un système qui nous empoisonnait la vie depuis trente ou quarante ans, et c’est grâce au Sénat qu’il aura été franchi. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. Bruno Sido. Très bien !
M. le président. En conséquence, les sous-amendements nos II-317, II-358 rectifié et II-318 n’ont plus d’objet.
Le sous-amendement n° II-310, présenté par M. Dallier, est ainsi libellé :
Amendement n° II-199, après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
- propose les évolutions nécessaires du fonctionnement du fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France et des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle afin de parvenir à un niveau de péréquation au moins équivalent à celui existant avant la présente loi de finances ;
La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Ce sous-amendement vise à inclure dans le champ du rapport que le Gouvernement remettra au Parlement la question du devenir du fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France, le FSRIF, et des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle après l’année 2011.
En effet, grâce au fonds national de garantie individuelle des ressources, la réforme que nous avons votée doit garantir à l’ensemble des collectivités locales qu’elles continueront de disposer des mêmes ressources qu’aujourd’hui. À cette fin, il importe que ces fonds de péréquation horizontale continuent à produire leurs effets à partir de l’année 2011.
Or le remplacement de la taxe professionnelle par la contribution économique territoriale doit nous inviter à la plus grande prudence. Voilà pourquoi je souhaiterais que le FSRIF et les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle perdurent au-delà de 2010 et garantissent une péréquation au moins équivalente à celle qui existe aujourd’hui. Les simulations qui seront réalisées au cours de la période probatoire qui s’ouvre devraient nous permettre de satisfaire ce vœu.
M. Christian Cambon. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La commission est très favorable à cet élargissement du champ du rapport, qui apportera un complément très utile.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur Dallier, vous proposez d’inclure le FSRIF dans le champ du rapport que le Gouvernement s’est engagé à remettre au Parlement avant le 1er juin 2010.
Comme vous, j’estime que la réforme de la taxe professionnelle nécessite une adaptation, dès 2010, de ce dispositif de péréquation horizontale spécifique aux communes et aux EPCI de la région d’Île-de-France. C’est pourquoi Christine Lagarde et moi-même ne voyons aucun inconvénient à ce que cette question soit intégrée dans le champ du rapport. Aussi, à l’instar de la commission, le Gouvernement émet un avis favorable.