M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est peut-être une bonne idée !
M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis. Alors quelle régulation entre agriculteurs et consommateurs, via la distribution, proposez-vous dans ce budget ? Rien !
M. Charles Revet. Allons !
M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis. C’est décevant !
Certes, vous donnez des signes pour augmenter la confiance des consommateurs par des moyens supplémentaires, notamment pour les appellations d’origine contrôlée, les AOC, et les indications géographiques protégées, les IGP. Vous affectez 15,4 millions d’euros à l’Institut national de l’origine et de la qualité, somme en augmentation. Très bien, monsieur le ministre, tout comme la dotation de trois millions d’euros pour la qualité de l’alimentation et de l’offre alimentaire.
Toutefois, rien n’est prévu pour l’organisation de la relation entre agriculteurs, grande distribution et consommateurs. Car, au nom du libéralisme exacerbé, il faut laisser faire ! Et le laisser-faire dans ce domaine se traduira, une fois de plus, par la disparition d’agriculteurs.
Je n’ai pas le temps d’évoquer la disparition du deuxième pilier de la politique agricole commune, la PAC, qui estompe tous les objectifs spécifiques de la politique de développement rural.
La PAC a pu jouer, avec le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, un rôle de régulateur partiel du marché mondial : pour les céréaliers par une intervention du FEOGA ; pour les éleveurs par la possibilité de se fournir en protéines au prix du marché mondial.
Aujourd’hui, cet équilibre explose. Quelles sont les nouvelles orientations qui permettraient une première approche de régulation ? Rien !
Le revenu agricole, objectif essentiel à toute politique, passe par la formation même du prix agricole.
Je regrette fortement que le budget pour 2010 ne permette pas d’identifier clairement les crédits affectés à l’Observatoire des distorsions de concurrence et à l’Observatoire des prix et des marges.
Au moment même où les prix baissent, se rapprochant parfois des prix mondiaux, malgré des différences énormes de production d’un point à l’autre de la planète, il est nécessaire de disposer rapidement de correctifs, en favorisant au plus près l’équilibre de la production et de la consommation.
Seule la puissance publique peut assurer ce rééquilibrage, avez-vous dit en commission, monsieur le ministre, et j’ai applaudi. Malheureusement, je ne le retrouve pas dans le budget.
Il faudrait éviter qu’aucun acteur de la chaîne ne capte pour lui seul la valeur ajoutée. Qu’en est-il ?
La course aux prix aligne les pratiques agricoles sur des pratiques industrielles, en banalisant les produits et en allant à contresens de l’objectif premier.
En conclusion, monsieur le ministre, le revenu agricole passe plus que jamais par la recherche de nouveaux équilibres entre l’agriculture, la grande distribution et les consommateurs, ou même entre les éleveurs et les céréaliers.
Il passe aussi par la mise en place d’une agriculture qui couvre le territoire, ainsi que par une régulation pour la formation des prix.
De tout cela, on ne voit rien apparaître.
Mes chers collègues, telles sont les raisons qui me conduisent à vous proposer la sagesse, même si, à titre personnel, j’aurais souhaité beaucoup plus. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. François Fortassin, rapporteur pour avis.
M. François Fortassin, rapporteur pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera plus spécifiquement sur les mesures environnementales et le soutien à l’agriculture extensive, en particulier dans les zones de montagne.
Depuis plusieurs années, la politique agricole est marquée par un appui substantiel aux modes de production respectueux de l’environnement.
La politique agricole commune, la PAC, impose l’éco-conditionnalité au sein même du premier pilier, celui des aides directes, désormais largement découplées.
Par ailleurs, les mesures de développement rural contenues au sein du deuxième pilier visent une agriculture durable.
Enfin, les aides nationales, comme le soutien aux mesures agro-environnementales régionales, intègrent de plus en plus la préoccupation environnementale et plus encore après le vote du Grenelle de l’environnement.
En 2010, ce sera la première année d’application du bilan de santé de la PAC. Dans ce cadre, la France a décidé, le 23 février dernier, de réorienter près de 1,4 milliard d’euros sur les 7,9 milliards d’euros perçus au titre du premier pilier, soit un prélèvement d’environ 18 % sur les aides directes. La clef de financement de plusieurs dispositifs est modifiée et le budget pour 2010 en est la traduction, avec les mesures que je vais maintenant évoquer.
La création de nouveaux dispositifs, comme la mesure d’aide à la rotation des cultures ouverte dans les départements intermédiaires, vise à encourager la diversité des assolements. Le cofinancement communautaire de cette mesure s’élève à 55 %.
En sens inverse, certaines baisses de crédits traduisent une prise en charge plus importante de l’Union européenne. Ainsi, l’enveloppe nationale des mesures agro-environnementales régionales baisse de 10 millions d’euros, qui sont compensés par l’enveloppe européenne.
Les éleveurs éprouvent cependant des inquiétudes en ce qui concerne la prime herbagère agro-environnementale, la PHAE. Si la réduction des crédits de paiement s’explique par le passage de la prise en charge européenne de 55 % à 75 %, la suppression des autorisations d’engagement signifie qu’aucun contrat herbager ne pourra plus être signé en 2010, ce qui suscite une inquiétude très vive.
Or 45 % de la surface agricole est couverte par des surfaces herbagères. Sur ces surfaces, l’élevage non seulement contribue au maintien de l’activité et de l’emploi dans des zones sans autre alternative, mais aussi participe à la qualité des paysages, à la biodiversité, à la préservation des nappes phréatiques et à la qualité de l’eau. Au-delà du problème environnemental, ce sont des questions qui touchent tous nos concitoyens.
La nouvelle prime à l’herbe créée dans le cadre du bilan de santé compensera-t-elle la fin des contrats PHAE ? Il faudrait sur ce point, monsieur le ministre, répondre très précisément aux inquiétudes légitimes des éleveurs.
M. Charles Revet. Il a raison !
M. François Fortassin, rapporteur pour avis. Reconnaissons, toutefois, que des efforts ont été faits pour l’agriculture de montagne dans le budget pour 2010, l’indemnité compensatoire de handicaps naturels étant augmentée de 8 %. Avec toutes ces mesures, je forme le vœu que le secteur ovin soit en situation moins difficile en 2010 qu’il ne l’a été les années précédentes. Ne l’oublions pas, sur le plan des revenus, les éleveurs ovins se situent en queue de peloton depuis vingt-cinq ans.
M. Yvon Collin. C’est vrai !
MM. Jacques Blanc et Charles Revet. Tout à fait !
M. François Fortassin, rapporteur pour avis. Or l’élevage ovin reste bien souvent le dernier rempart avant la friche dans nombre de zones.
Il bénéficie de certains avantages dans le cadre des groupements pastoraux et des associations foncières pastorales. Mon collègue Gérard César défendra cet après-midi un amendement que nous soutenons visant à maintenir les crédits qui leur sont affectés.
J’ajoute qu’il serait utile de maintenir la vente directe, qui est d’un rapport très intéressant. Encore faudrait-il décider de ne pas supprimer les petits abattoirs ! Dans certaines zones, leur disparition ne permet plus de faire de la vente directe. (M. Didier Guillaume s’exclame.)
M. Gérard Le Cam. Très bien !
M. François Fortassin, rapporteur pour avis. Or une clientèle existe dans ce domaine ; je ne citerai que l’exemple de la vente directe de viande d’agneau.
Je terminerai mon bref propos en soulignant que, au-delà des crédits, nos politiques agricoles doivent faire preuve d’imagination, d’inventivité et avoir une vision à long terme.
La vente directe que je viens de citer, mais aussi l’hydraulique agricole et les bâtiments d’élevage en constituent des exemples.
L’hydraulique agricole, tout d’abord, répond à ce que j’ai appelé une « logique prudentielle » : stocker l’eau lorsqu’elle est abondante, voire surabondante, permet de la réutiliser au moment où l’on en a besoin, …
M. Charles Revet. C’’est le bon sens !
M. François Fortassin, rapporteur pour avis. …parfois même en dehors d’une utilisation agricole, par exemple pour le soutien aux étiages. Le stockage est une opération de long terme – il peut durer plus d’un siècle – et il est relativement bon marché, puisque le stockage d’un mètre cube d’eau coûte à peu près deux euros.
On peut donc regretter que le budget pour 2010 prolonge une fâcheuse tendance engagée l’année dernière consistant à réduire progressivement les crédits de l’hydraulique agricole.
Les bâtiments d’élevage, j’ai eu l’occasion de le souligner en commission, doivent faire l’objet d’une attention particulière. Un plan de modernisation a été mis en œuvre, mais les dotations dans ce domaine sont réduites. Espérons que quelques amendements permettent de les rétablir sensiblement !
Il existe une solution très simple. Les bâtiments d’élevage, généralement assez vastes et d’une architecture dépourvue de caractère exceptionnel, pourraient, pour la plupart, être couverts de panneaux photovoltaïques. Cela permettrait une amélioration incontestable du revenu des agriculteurs et participerait au développement de l’utilisation des énergies renouvelables. Je souhaite que les directions départementales de l'équipement et de l'agriculture, les DDEA, en relation avec les chambres d’agriculture et les syndicats d’électrification, jouent un rôle moteur en la matière afin d’éviter que circulent dans les campagnes des vendeurs peu scrupuleux et de mauvais conseil.
Telles sont les raisons, et les réserves, qui me conduisent, tout en regrettant, comme mon ami Jean-Marc Pastor, de ne pouvoir aller plus loin, à m’en remettre à la sagesse du Sénat. (Applaudissements.)
M. le président. J’indique au Sénat que la conférence des présidents a décidé d’attribuer un temps de parole de vingt-cinq minutes aux groupes UMP et socialiste, de dix minutes aux groupes UC, CRC-SPG et RDSE et de cinq minutes à la réunion des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Le Gouvernement répondra aux commissions et aux orateurs pour vingt minutes.
Puis nous aurons une série de questions avec la réponse immédiate du Gouvernement. La durée de la discussion de chaque question est limitée à six minutes, réparties de la manière suivante : deux minutes trente pour la question, deux minutes trente pour la réponse et une minute pour la réplique éventuelle.
La conférence des présidents a décidé d’attribuer cinq questions aux groupes UMP et socialiste, deux questions aux groupes UC, CRC-SPG et RDSE et une question à la réunion des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Dans la suite du débat, la parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le contexte global de l’agriculture française pour ce budget 2010 est celui d’une crise quasi générale de l’ensemble des filières, venant s’ajouter à la crise mondiale économique et financière qui poursuit ses effets destructeurs.
C’est aussi avec la perspective de la loi de modernisation agricole et les multiples attentes qu’elle suscite, qu’il faut aborder ce débat budgétaire.
« Que peut faire le budget du ministère de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche, alors que la crise s’étend à tout le secteur agricole et que le revenu des exploitants devrait diminuer de 10 % en 2009, après une baisse similaire en 2008 ? », s’interroge le député Antoine Herth, dans son rapport à l’Assemblée nationale. Ce serait d’ailleurs plus juste de parler de baisse de 20 % du revenu.
Il poursuit : « La crise révèle en premier lieu un défaut de régulation européenne et mondiale auquel il est urgent de répondre. Elle révèle en second lieu des défaillances nationales réelles dans la répartition de la valeur au sein de nos filières agricoles. »
Tout est dit, même si les mots sont feutrés : le « défaut de régulation européenne et mondiale » correspond exactement à la volonté farouche de la Commission de Bruxelles et de l’Organisation mondiale du commerce, l’OMC, de déréguler l’ensemble des échanges agricoles, de les livrer aux lois du marché et de la concurrence libre et non faussée.
Tout cela est particulièrement scandaleux au regard de l’immoralité de la crise, qui prend ses racines dans les modes de spéculation les plus crapuleux et même les plus meurtriers quand il s’agit de nourrir le monde et quand plus d’un milliard d’humains souffrent de la faim.
Quant aux « défaillances nationales réelles dans la répartition de la valeur au sein de nos filières agricoles », il serait temps de s’en rendre compte et d’agir efficacement face aux prédateurs « margivores » que sont la grande distribution et certains segments de la transformation.
La loi de modernisation de l’économie, dite LME, a d’ailleurs contribué à aggraver les relations entre les producteurs et les distributeurs au profit de ces derniers. Les premières constatations établies par l’Observatoire des marges sont éloquentes.
Depuis 2000, les industriels restaurent dès que possible leurs marges aux dépens des éleveurs. Et la grande distribution leur fait souvent supporter les hausses de prix du lait pour préserver ses marges.
Depuis janvier 2008, le prix du litre de lait payé aux éleveurs a baissé de 15 centimes, mais seulement de 1 centime en rayon.
Le prix du lait ne représente que 15 % du prix des yaourts, 34,1 % de celui de l’emmental, 48,7 % de celui du beurre. La revue Que choisir ? évoquait ce matin, via les grands médias, une baisse de 25 centimes depuis 1992 du kilogramme de porc payé aux producteurs et une hausse de 26 centimes dans les rayons. Tous ces ratios confirment qu’il existe des marges pour augmenter le prix du lait et de l’ensemble des matières premières payé aux producteurs sans générer une inflation des prix à la consommation.
Il est également inquiétant qu’au niveau national les éléments de régulation, les filets de protection, soient tous en régression, dans le droit-fil du modèle européen de dérégulation. Ainsi, les crédits d’intervention de France AgriMer sont en baisse de plus de 13 % dans ce budget, le dispositif Agridiff voit sa dotation passer sous la barre des 4 millions d’euros, et les dispositifs d’aide à la cessation d’activité ont quasiment tous été supprimés.
Inquiétantes également, pour ne pas dire mortifères, sont les orientations communautaires en faveur de réductions drastiques des crédits de la PAC, en faveur d’une nouvelle réduction de ce qui reste des mécanismes de régulation et de la suppression des quotas laitiers.
Mais rassurons-nous, car Zorro est venu à Poligny. À quelques encablures des élections régionales, il fallait bien tenter de rassurer l’électorat paysan. Le 1,65 milliard d’euros d’aides qu’il faut rapprocher des 2,5 milliards d’euros perdus par la ferme France en 2009 sont essentiellement des mesures remboursables. Les déclinaisons régionales qui se mettent en place actuellement à partir du plan de soutien exceptionnel à l’agriculture, PSEA, consistent notamment en prêts de reconstitution de fonds de roulement et en prêts de consolidation qu’il faudra obtenir et rembourser auprès des banques.
À ce sujet, il est légitime de s’interroger sur la propension qu’auront ou non les banques à prêter à des exploitants en grande difficulté. Il y a fort à craindre qu’à nouveau la crise ne pousse des milliers de producteurs vers la porte de sortie et n’accroisse les phénomènes d’intégration et de concentration de l’agriculture au détriment d’un aménagement harmonieux et durable de nos territoires. Certes, ce plan était indispensable au regard de l’ampleur de la crise, mais il ajoute de l’endettement à l’endettement existant.
Pour Jean-Michel Lemétayer, « ce plan va dans le bon sens, mais jamais un plan d’aides, si important soit-il, ne remplacera une politique de prix ». Il est certain qu’une politique de prix digne de ce nom aurait permis d’éviter l’essentiel de la crise, qui, au-delà du pouvoir d’achat en baisse des consommateurs, trouve ses principales causes dans un système économique déséquilibré où le pillage des producteurs est organisé et toléré, où les profits indécents sont encouragés.
La crise laitière illustre à merveille mes propos, mais c’est la même chose pour les éleveurs de porcs, de bovins, de lapins, de moutons, pour les fruits et légumes, la viticulture ou la pêche.
Mardi, je me trouvais à nouveau dans une exploitation laitière en Côtes-d’Armor, où le prix de revient de la tonne se situe autour de 310 euros, 330 euros étant une moyenne départementale du prix de revient. Les prix proposés oscillent entre 260 et 290 euros. Comment voulez-vous que les exploitants puissent vivre ? Ces chiffres intègrent des salaires inférieurs à 1500 euros pour 60 à 70 heures de travail hebdomadaire. Comble du cynisme, les producteurs laitiers bretons risquent d’être amenés à payer les noces entre Entremont et Sodiaal en 2010.
Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous en dire davantage sur ce dossier, qui désormais semble gêner le Gouvernement ?
Qu’en est-il également du projet de contractualisation entre producteurs et transformateurs, qui semblerait être la panacée pour l’avenir ? Ces contrats seront-ils dépendants du devenir des produits transformés ou du prix de revient réel et rémunérateur des producteurs ? Quels volumes seront garantis et dans quelle proportion, au regard de la taille des exploitations ?
Cette série de questionnements m’amène tout droit au futur projet de loi de modernisation de l’agriculture, qui reste bien secret pour les parlementaires, alors que certains interlocuteurs privilégiés sont déjà en mesure de faire des propositions sur les 23 articles d’un texte non communiqué. Reconnaissez, monsieur le ministre, que la méthode n’est pas très élégante vis-à-vis du Parlement, même si ce texte n’a pas encore l’aval du Conseil constitutionnel.
La loi de modernisation de l’agriculture ne doit pas décevoir, et tout particulièrement en matière de prix rémunérateurs, faute de quoi se profileront la disparition de pans entiers de l’agriculture française, des régions sinistrées, une dépendance alimentaire accrue et des garanties sanitaires affaiblies.
Quand une activité vitale pour un pays est menacée, comme c’est le cas aujourd’hui, tous les mécanismes de sauvegarde et de subsidiarité doivent être actionnés, que cela plaise ou non à l’Europe, téléguidée par les lobbies américains. La première des agricultures durables est celle qui nourrit ses paysans et ses habitants. Les volets environnementaux doivent dépasser l’habillage du politiquement correct. Les objectifs fixés peinent en effet à décoller, dans les domaines tant des énergies que de l’agriculture biologique.
À ce titre, la région Bretagne paie au prix fort, en terme d’images et en terme financier, la prolifération des algues vertes, pour avoir répondu présente aux critères de production et d’économie agricoles. Concernant les algues vertes, le sujet est d’ailleurs récurrent depuis plus de trente ans. Pourtant, depuis, les plans de maîtrise des pollutions d’origine agricole sont passés par là.
La cour administrative d’appel de Nantes vient de condamner l’État à indemniser les associations parties prenantes pour quelques milliers d’euros seulement. C’est une décision forte au plan symbolique, mais dérisoire au plan financier.
Il vous appartient désormais de faire toute la lumière sur la part respective de chaque activité, sur le rôle du réchauffement climatique et sur les adaptations agricoles nécessaires dans les bassins versants concernés. Ce que demande la profession, c’est de conserver une activité agricole et d’en vivre. Pour l’adaptation, ils ont malheureusement l’habitude.
À propos de l’économie de terres agricoles, qui est une vraie question, prenons garde de geler le développement du milieu rural et celui des dizaines de milliers de communes qui la composent.
La loi sur les territoires s’apprête à conforter des métropoles et des pôles métropolitains, grands consommateurs de surfaces routières et industrielles. Le déséquilibre en cours ne ferait qu’accentuer une situation déjà inéquitable, au détriment de la ruralité.
Quant aux retraites, le plan global de revalorisation des petites retraites s’élève à 155 millions d’euros pour 232 000 personnes et cela pour le quinquennat, soit 5 euros par mois en moyenne ou, selon la Mutualité sociale agricole, la MSA, de 0,1 à 15 euros pour 75 % des personnes dont les retraites moyennes agricoles sont de 370 euros. Je voudrais rappeler, monsieur le ministre, que le seuil de pauvreté est de 817 euros par mois et que la moyenne du montant des retraites agricoles est de 400 euros selon la MSA.
Les revendications des associations de retraités mériteraient d’être globalement chiffrées et leur satisfaction programmée, qu’il s’agisse des 85 % du SMIC pour les carrières complètes, de la parité hommes-femmes, de l’extension de la retraite complémentaire obligatoire, RCO, aux conjoints et aides familiaux, du droit à la réversion des points de la RCO auxquels aurait eu droit le chef d’exploitation décédé.
Monsieur le ministre, le relèvement à 800 euros mensuels du plafond de ressources pour l’accès aux revalorisations et l’amélioration des années de conjoints collaborateurs entreront-ils en vigueur au 1er janvier 2010 comme prévu par décret ?
D’autres sujets liés aux revenus inquiètent particulièrement les retraités de l’agriculture : il s’agit du forfait hospitalier, des franchises médicales, des dépassements d’honoraires, de la diminution du nombre de médecins généralistes et de l’accessibilité financière aux maisons de vie pour personnes âgées, qui pénalisent lourdement le revenu des enfants du monde agricole.
En conclusion, monsieur le ministre, il apparaît qu’au regard du contexte européen et mondial la France doit regagner des marges de manœuvre pour équilibrer son marché et faire vivre son agriculture. Une adéquation doit exister entre les prix producteurs, les prix consommateurs et le niveau de vie moyen de chaque pays. Tout le reste n’est que matière à spéculation, à destruction d’emplois, à parasitisme économique et social.
Persister dans les voies du passé et du libéralisme serait suicidaire pour notre agriculture. La France, premier pays agricole d’Europe, doit montrer l’exemple. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly.
M. Gérard Bailly. Monsieur le président, je m’adresserai d’abord à notre collègue M. Le Cam, parce que j’ai trouvé ses propos déplacés. Il est inadmissible de traiter le Président de la République de Zorro à cette tribune. M. Sarkozy a été élu au suffrage universel avec une bonne majorité. Aussi de tels propos ne doivent pas être tenus dans cette enceinte. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. Charles Revet. C’est vrai !
M. Gérard Bailly. Monsieur le ministre, le budget de l’agriculture dont nous débattons aujourd’hui tire toutes ses conséquences des crises sans précédent traversées par le monde agricole ces derniers mois, et nous sommes heureux de constater une hausse des crédits de 5,9 % par rapport au plafond prévu dans le cadre des perspectives budgétaires pluriannuelles pour la période 2009-2011.
De plus, prenant bien en compte l’urgence créée par ces crises, le Président de la République a annoncé dans mon département, en octobre dernier, 650 millions d’euros de soutien exceptionnel aux agriculteurs. Ces derniers l’attendent, monsieur le ministre, avec impatience.
Pourtant, assistant vendredi dernier à la préfecture à une réunion avec les organismes professionnels agricoles, nous avons pu constater combien il sera complexe de définir en si peu de temps, et surtout en budget prévisionnel, quelles exploitations et quels agriculteurs pourront être aidés.
Vous savez combien j’approuve votre action, monsieur le ministre. J’ai déjà eu l’occasion de vous dire, lors de toutes les rencontres et débats que nous avons eus autour de la crise laitière, combien je vous soutenais, surtout pour les énormes efforts que vous avez déployés au niveau européen pour convaincre la grande majorité de nos partenaires de la nécessité absolue d’une régulation, bousculant au passage les tenants du statu quo de la Commission européenne.
M. Charles Revet. C’est vrai !
M. Gérard Bailly. Je pense donc que vous ne m’en voudrez pas trop de souligner, en tant que président du groupe d’études de l’élevage, quelques insuffisances dans ce budget, bien que je connaisse très bien le contexte très difficile dans lequel nous sommes et les priorités que vous avez dû privilégier.
Certaines actions ont des moyens plus réduits, ce qui est assez gênant dans ce contexte de crise. Tel est le cas, comme l’ont rappelé d’autres orateurs, du plan de modernisation des bâtiments d’élevage, ou PMBE, qui baisse de 43 %, ce qui laisse peu de moyens pour moderniser les outils de production afin de permettre aux agriculteurs de rester compétitifs et de pérenniser leurs entreprises tout en relevant le défi des exigences environnementales.
Alors que l’on en rajoute actuellement sur la surenchère pour le bien-être animal, auquel nous ne sommes pas opposés, il me semble qu’un des éléments importants du bien-être des hommes et des animaux est bien de pouvoir disposer de bâtiments d’élevage modernes et conformes aux normes en vigueur. J’appuie par conséquent l’amendement déposé par mes collègues pour abonder ces crédits « bâtiments d’élevage ».
De même, après une année positive en 2009, les crédits d’intervention alloués aux établissements départementaux d’élevage, les EDE, sont à nouveau en forte baisse avec une enveloppe divisée par deux en 2010. Ces établissements réalisent l’identification des animaux dans les élevages, et cette forte réduction des crédits est fort malvenue au moment où se met en place la troisième phase de la réforme de l’identification des ovins et caprins, et où l’État a des exigences de plus en plus grandes sur la qualité des prestations des EDE ; ce qui se traduit pour eux par un important surcoût.
J’ajouterai aussi qu’en cette période où le prix des animaux est très bas - qu’il s’agisse des veaux, des porcs, des ovins et des bovins - et où les revenus des agriculteurs sont en forte baisse, il est bien dommage de voir l’État se désengager des crédits sanitaires et augmenter encore les charges des exploitations qui, comme nous le savons tous, sont prises dans un ciseau des prix en baisse et des charges en hausse.
Vous connaissez, bien entendu, l’importance de l’herbe pour nos élevages, mais je n’interviendrai pas sur la prime herbagère agro-environnementale, la PHAE, car mon temps est limité et d’autres collègues le feront. Sachez cependant, monsieur le ministre, que je soutiens cette action.
Je voudrais vous poser une question sur le pastoralisme. Vous savez combien compte le pastoralisme dans nos montagnes. Un crédit de 8 millions d’euros y est alloué dans votre budget. Comme nous ne disposons pas de détails, je souhaiterais vous demander quelle est la part de ce montant réservée à l’indemnisation des dommages causés par les prédateurs.
Il y a quelques jours, à cette même tribune, à l’occasion de la discussion du budget de l’environnement, j’ai attiré l’attention de Mme la ministre sur ce problème.
D’un côté, on finance des associations pour la protection des prédateurs, comme le loup ; de l’autre, on alloue des crédits à l’indemnisation des dommages qu’ils occasionnent. De plus, on risque de décourager les éleveurs dans nos montagnes, qui deviendront demain des terrains en friche, exposés aux feux et aux avalanches.
Monsieur le ministre, ces quelques critiques ne m’empêcheront pas de vous accorder mon soutien global, car je sais bien qu’on ne peut pas faire des miracles dans un contexte d’austérité. Je vous adresse mes remerciements pour votre action. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)