Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, avec 1,2 milliard d’euros de crédits, la mission « Santé » fait figure de parent pauvre au regard de l’ensemble des crédits de notre système de santé. La part de la santé est d’ailleurs de plus en plus importante dans le budget des ménages depuis une décennie, comme l’a très justement fait remarquer notre collègue René Teulade, en raison des déremboursements et des charges nouvelles transférées au fil des années vers les assurés sociaux.
Dès 2010, nous allons connaître simultanément une réorganisation territoriale majeure de la politique de santé, avec l’installation des ARS, le lancement d’un nouveau plan de lutte contre le cancer et, bien-sûr, le dispositif de vaccination généralisé contre la pandémie de grippe A/H1N1.
En revanche, la traduction budgétaire de ces mesures semble tarder à se concrétiser. En effet, avec une augmentation des crédits de 50 millions d’euros l’année prochaine, le budget de la mission « Santé » incite au mieux à la « modestie », pour reprendre le terme gentiment employé par M. Milon, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Il apparaît en tout état de cause dérisoire eu égard aux grands changements qui affecteront cette mission en 2010.
Ainsi, le financement sur trois ans de la mise en place opérationnelle des ARS, qui verront progressivement le jour au cours du premier semestre 2010, se chiffrerait à 40 millions d’euros. Pour leur première année de fonctionnement, le besoin net de financement devrait être couvert par une ouverture de crédits dans le collectif budgétaire pour 2009 de l’ordre de 12 millions d’euros. Pour l’avenir, vous pariez sur les fruits d’un travail de redéploiement des crédits, permettant de dégager un autofinancement de 30 millions d’euros. L’espoir fait vivre !
Les ARS réuniront à terme près de 10 000 agents, dont, pour l’État, 7 810 équivalents temps plein. Qu’est-il prévu pour harmoniser les statuts des personnels provenant de divers horizons : Caisse nationale d’assurance maladie, directions régionales des affaires sanitaires et sociales, secteur privé ? L’harmonisation se fera-t-elle vers le haut ou vers le bas ? Va-t-on instaurer différents types de statuts pour les agents ? Nous n’avons pour l’heure reçu aucune réponse à ces questions.
Ensuite, le deuxième plan cancer, s’il a le mérite de placer cette maladie grave au cœur des préoccupations, nous amène à douter de l’avenir. Je voudrais, comme d’autres orateurs l’ont fait avant moi, rappeler les conclusions auxquelles la Cour des comptes était parvenue l’année dernière dans un rapport consacré à la mise en place du plan cancer 2003-2007. Un tiers des soixante-dix mesures de ce plan ont été complètement réalisées, un tiers inégalement et un tiers peu ou pas du tout, faute de financements pérennes. Pourquoi faire un deuxième plan cancer si le premier n’a pas abouti ?
Le combat contre cette maladie, qui cause annuellement le décès de plus de 150 000 de nos concitoyens, va-t-il connaître ainsi le même sort que le plan de lutte contre la maladie d’Alzheimer, qui avait été déclarée autre grande cause nationale l’année dernière ? Pour ce plan, évoqué par Gilbert Barbier, nous constatons une baisse de 5 % des crédits dans l’action « Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades ». Il est vrai que la politique des effets d’annonce est une constante de ce gouvernement.
Ma troisième remarque concerne le traitement de la pandémie de grippe A/H1N1. Ce dernier est financé non par les crédits affectés à la mission « Santé », mais par une avance de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS.
Là encore, je ne reviendrai pas sur les amendements scélérats présentés par le Gouvernement lors du dernier PLFSS, adopté jeudi dernier par le Sénat.
M. Bernard Cazeau. Le terme vaut ce qu’il vaut, mais il dit bien ce qu’il veut dire !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Comme d’habitude, vous faites preuve d’une grande mesure, monsieur Cazeau ! Gardez donc la scélératesse pour d’autres dossiers !
M. Bernard Cazeau. Les assurés sociaux n’ont pas, selon nous, à se substituer à l’État pour régler les problèmes liés à la prise en charge exceptionnelle de cette mesure sanitaire.
À ce sujet, vous avez très certainement voulu démontrer que, en matière de vaccination de masse, vous pouviez vous passer des professionnels libéraux. Les files d’attente vous prouvent le contraire, comme Gilbert Barbier vous l’a déjà fait remarquer. Attendre des heures pour se faire piquer ! Jusqu’à quand demanderez-vous aux Français de s’appliquer ce masochisme républicain ?
Pour le reste, force est de constater que, en matière de crédits destinés à la santé publique, les années se suivent et se ressemblent.
Pour le programme « Prévention et sécurité sanitaire », les autorisations d’engagement pour 2010 s’élèvent à 471,8 millions d’euros, soit une progression de 1,74 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2009. Le montant des crédits de paiement est, quant à lui, de 491,3 millions d’euros.
Cette augmentation recouvre des évolutions contrastées selon les actions du programme. Sur les sept actions auxquelles des crédits ont été attribués, trois enregistrent une diminution importante de leurs moyens, tant en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement. Il s’agit des actions 11 « pilotage de la politique de santé publique », 14 « prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades » et 16 « Réponse aux alertes et gestion des urgences, des situations exceptionnelles et des crises sanitaires ». On peut s’étonner de ces choix.
En effet, les mesures d’urgence prises dans le cadre de la préparation à une pandémie grippale ont été financées par une ouverture de crédits de l’ACOSS en faveur de l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, l’EPRUS, afin de compléter les crédits nécessaires.
La régularisation de la part prise en charge par l’État devra intervenir dans la loi de finances rectificative, si bien que les prévisions budgétaires incluses dans le projet annuel de performances pour 2010 ne permettent nullement de prendre la mesure, du moins à ce jour, de l’effort financier consenti par l’État pour lutter contre la grippe A.
En ce qui concerne le deuxième programme de la mission « Santé », il est constitué de la participation de l’État à l’organisation d’une offre de soins de qualité. Bien que marginaux par rapport au financement apporté dans ce domaine par l’assurance maladie dans le cadre du PLFSS, les crédits de ce programme n’en devraient pas moins avoir un rôle très important.
En effet, ils assurent principalement le financement des stages extra-hospitaliers effectués par les futurs médecins dans le cadre des formations médicales. Pour autant, comme la réflexion menée en matière d’organisation médicale dans le cadre de la loi HPST a vraiment été minimale, il est permis de s’interroger sur la crédibilité de ce programme.
Enfin, le dernier programme de la mission, celui qui concerne la protection maladie, sera doté en 2010 de 585 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, soit une hausse des crédits de 8,3 % par rapport à 2009, à mettre au compte de la seule aide médicale d’État, ou AME, dont la sous-dotation structurelle est toujours d’actualité.
À cet égard, je tenais à souligner l’étrangeté de vos mesures visant à faciliter l’aide à l’acquisition de couvertures complémentaires de santé pour les assurés couverts par des contrats collectifs, lesquels profitent avant tout aux cadres des grandes entreprises. Elles permettront notamment de mieux leur rembourser leurs dépassements d’honoraires. Le coût de cette niche sociale est évalué à 2,2 milliards d’euros pour 2010 ! Là encore, quel paradoxe ! C’est donc en quelque sorte aux contribuables, ou aux cotisants sociaux, et principalement aux bas revenus, qu’il revient d’entretenir le mécanisme pervers des dépassements d’honoraires pour les hauts revenus !
Il en est de même de la fiscalisation des indemnités journalières accordées aux victimes d’accidents du travail, sur laquelle nous souhaiterions connaître votre point de vue.
Sur tous ces sujets, comme sur d’autres, le décalage entre les bonnes intentions annoncées et les actes concrets saute aux yeux. Alors que ces crédits devraient traduire l’implication de l’État en matière de santé publique, ils démontrent en réalité la tendance de l’État à s’en décharger, soit sur l’assurance maladie, par le biais de transferts, purement et simplement, soit de façon plus détournée, par des reconductions de dettes – la dette au titre de l’AME, qui commence tout juste à être apurée depuis l’an dernier, en constitue un bon exemple –, ou encore par des cessions partielles de financement aux collectivités territoriales, qui constituent souvent les prémices d’un désengagement.
L’État se voit, ici ou là, obligé de saupoudrer des actions de rattrapage qui n’auraient plus lieu d’être si un travail de réflexion globale était mené en amont.
Les difficultés d’accès aux soins ne vont donc pas être réglées par ce budget. C’est moins une question d’argent qu’une question de volonté politique. Il serait temps de mettre les intérêts des assurés sociaux au cœur de vos préoccupations, avant de satisfaire tels ou tels lobbies. Je me dois ainsi d’insister sur le fait que de trois à quatre millions de nos compatriotes ne bénéficient toujours pas de couverture complémentaire de santé.
Telles sont toutes les raisons pour lesquelles, madame la ministre, le groupe socialiste ne votera pas les crédits de la mission « santé ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Madame la présidente, monsieur le rapporteur spécial, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, avant de répondre aussi exhaustivement que possible aux différents orateurs qui se sont exprimés, je reviendrai brièvement sur les grandes orientations budgétaires de cette mission « Santé » et aborderai quelques points spécifiques de cette programmation pour 2010.
L’augmentation de 4,4 % des moyens de cette mission vise plusieurs objectifs.
Tout d’abord, nous voulons prolonger en 2010 les priorités de l’État en matière de santé publique.
Le programme 204 « Prévention et sécurité sanitaire » sera doté de 471 millions d’euros en autorisations d'engagement et de 491 millions d’euros en crédits de paiement, soit des moyens stables par rapport à la loi de finances initiale pour 2009.
L’année 2010 s’inscrira toutefois dans un contexte marqué par de nouvelles avancées : la politique de santé publique sera territorialisée avec la mise en place des ARS ; notre action sur les comportements individuels « à risque » – l’alcool et le tabac –, mais aussi en matière de nutrition sera également renforcée par la mise en œuvre des mesures adoptées dans le cadre de la loi HPST ; enfin, nous entrerons dans la phase active de la mise en œuvre du deuxième plan cancer, qui vient d’être annoncé par le Président de la République.
Par rapport à la base 2009, la mise en œuvre de ce plan nécessitera d’inscrire progressivement, jusqu’en 2013, 750 millions d’euros de mesures nouvelles, principalement portées par l’assurance maladie. Ces efforts représenteront 102,8 millions d’euros pour le budget de l’État en 2010, dont 79,1 millions d’euros pour le programme 204 de la mission « Santé », soit une progression de 12,5 millions d’euros par rapport à 2009.
Les crédits de la mission « Santé » participeront ensuite à l’effort de solidarité nationale à travers l’AME et la CMUC.
Beaucoup d’entre vous l’ont signalé, une mesure nouvelle à l’article 59 bis, proposée par le Gouvernement à travers un amendement déposé à l’Assemblée nationale, permettra de doubler le montant de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé pour les jeunes âgés de seize à vingt-cinq ans.
Cette mesure prolonge nos efforts pour favoriser l’accès aux soins des jeunes dont le taux de couverture complémentaire est moins élevé que celui du reste de la population. Son coût annuel est estimé à 30 millions d’euros, et elle sera financée à partir des excédents du fonds CMU.
En outre, le dispositif de l’AME est consolidé à travers un rebasage de 45 millions d’euros des crédits du programme 183 « Protection maladie ».
Comme l’a souligné M. le rapporteur spécial, cette augmentation traduit un effort de sincérité budgétaire dans la mesure où, depuis l’apurement des dettes de l’État à l’égard de la sécurité sociale qu’Éric Woerth avait mené à bien en 2007, à hauteur de 920 millions d’euros – ce n’était pas rien ! –, les insuffisances budgétaires par rapport aux besoins réellement constatés ont entraîné la reconstitution d’une dette vis-à-vis de la CNAMTS, qui s’élèvera à 380,5 millions d’euros à la fin de 2009.
Monsieur le rapporteur spécial, il ne s’agit donc pas d’une « explosion » des dépenses de l’AME de droit commun ; nous voulons juste poursuivre l’effort entrepris depuis 2008 de doter correctement ce dispositif.
Ces dépenses font l’objet d’un pilotage étroit, qui a conduit à étendre progressivement aux bénéficiaires de l’AME les mêmes règles que celles qui s’appliquent aux assurés de droit commun. Certains s’en sont choqués ; or, ce qui aurait été choquant, c’est de ne pas procéder de la sorte.
Les bénéficiaires de l’AME sont ainsi soumis au contrôle médical pour la mise en affection de longue durée, ou ALD. Le contrôle médical a été systématisé pour ces bénéficiaires en cas d’accès aux soins urgents.
Autres exemples, la substitution de médicaments génériques conditionne la prise en charge à 100 % des médicaments pour les personnes relevant du régime général, tandis que l’attestation d’un titre sécurisé par bénéficiaire du dispositif, demande qui a été souvent formulée par la Haute Assemblée, a été généralisée cette année.
La bonne gestion de ce dispositif est le gage de sa pérennité et de son acceptabilité par notre société. Soyez donc assurés, mesdames, messieurs les sénateurs, de ma détermination à poursuivre la maîtrise des dépenses induites par ce système de prise en charge.
Par ailleurs, les crédits budgétaires de la mission « Santé » traduisent la volonté d’améliorer le pilotage stratégique des dépenses hospitalières.
Les 124,5 millions d’euros de crédits du programme correspondent pour l’essentiel à la formation initiale des médecins. À ce titre, 104 millions d’euros seront consacrés à la formation médicale initiale extrahospitalière des étudiants de deuxième cycle, des internes et de l’année de recherche suivie par certains d’entre eux. Cette augmentation est liée au numerus clausus et à l’extension des stages du deuxième cycle des études médicales chez les médecins généralistes. Il nous faut renforcer la médecine de premier recours.
Conformément aux demandes réitérées du Parlement, ces crédits ont donc bénéficié d’une augmentation de presque 20 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2009.
J’en viens maintenant à certains aspects spécifiques de ce projet de loi de finances pour 2010 qui méritent un éclairage particulier.
Le premier point concerne le financement de la campagne vaccinale contre la pandémie grippale.
Les dépenses approcheront au final 1,5 milliard d’euros, dont 1,04 milliard d’euros d’achats de produits de santé, de dispositifs médicaux et de coûts logistiques pris en charge par l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, l’EPRUS.
Nous avons fait le choix de la prévention, avec une campagne de vaccination généralisée. Nous avons commandé 94 millions de doses, ce qui nous a conduits à prévoir des ajustements en partie rectificative de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 et en loi de finances rectificative pour 2009.
Une fois encore, je salue les organismes d’assurance maladie complémentaire qui ont apporté leur contribution à cette campagne. Celle-ci est la traduction de leur mission de prévention vis-à-vis de leurs affiliés, mais elle constitue aussi un geste de solidarité nationale.
L’UNOCAM souhaite apporter son concours sous la forme et selon les modalités proposées par le Gouvernement à l’article 59 ter de ce projet de loi.
S’agissant d’une contribution volontaire, je souhaite que nous respections ainsi la volonté de la partie versante.
M. François Autain. Ils n’étaient pas volontaires !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je vous demanderai donc de maintenir l’article 59 ter du projet de loi de finances pour 2010, qui affecte le produit de cette contribution exceptionnelle à l’EPRUS.
En outre, et par cohérence, le Gouvernement a déposé un amendement qui vise à la fois à supprimer les dispositions miroir de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 et à réviser à la baisse le taux de cette contribution pour tenir compte de l’application d’un taux de TVA réduit sur les achats de doses de vaccin. Cette action était impossible tant que nous ne disposions pas de l’autorisation de mise sur le marché.
La mise en place des agences régionales de santé a également été évoquée. Effectivement, madame Procaccia, les agences verront le jour progressivement, au cours du premier semestre 2010. Leur création aura dès l’année prochaine une traduction budgétaire, puisque j’ai tenu à regrouper l’ensemble des moyens de fonctionnement des vingt-six agences sur un seul programme, afin d’accroître la lisibilité de ce dispositif.
Les moyens de fonctionnement des agences régionales d’hospitalisation jusque-là inscrits au sein du programme 171 « Offre de soins et qualité du système de soins » et prévus à hauteur de 21,1 millions d’euros en 2009, seront réunis au sein de ce nouveau programme. Ce regroupement permettra d’abonder les ARS sous la forme d’une subvention globale, à partir des crédits des anciennes DDASS-DRASS. Les moyens des ARS seront ainsi globalisés dans les budgets des établissements, qui recevront une subvention de fonctionnement courant de l’État et de l’assurance maladie. Toutefois, cette subvention ne comprendra pas les crédits d’intervention de santé publique, qui seront délégués globalement et en cours d’année aux ARS, à partir du programme 204.
Ce programme contiendra d’ailleurs une nouvelle sous-action intitulée « Politique territoriale de santé », sur laquelle seront progressivement versés les crédits que les ARS auront à gérer en fonction des priorités régionales de santé publique.
Sans doute faudra-t-il faire évoluer la maquette budgétaire pour mieux rendre compte de cette réforme importante et des moyens qui y sont consacrés.
J’ajoute enfin que les coûts non pérennes de la mise en place des agences régionales de santé, estimés à 68 millions d’euros sur trois ans, feront l’objet d’un traitement spécifique. Ces dépenses seront autofinancées à hauteur de 40 % par redéploiement au sein des crédits du ministère de la santé et des sports, et des moyens supplémentaires seront prévus à hauteur de 12 millions d’euros en collectif budgétaire pour 2009.
Enfin, le Gouvernement a prévu que les régimes d’assurance maladie participeront à hauteur de 40 % du coût total d’installation des ARS, soit 28 millions d’euros, via l’abondement d’un fonds de concours.
Un troisième et dernier élément, important pour les comptes sociaux, n’apparaît pas dans les comptes de la mission « Santé » pour 2010 : c’est celui qui concerne les arbitrages récents visant à apurer les dettes de l’État à l’égard de la sécurité sociale. Des ouvertures exceptionnelles seront en effet prévues par le collectif de fin d’année pour éviter la reconstitution d’une dette sur l’exercice 2009, dette à laquelle fait la chasse M. le rapporteur spécial.
Il s’agira, dans ce cadre, d’apurer la dette antérieure au titre de l’AME, pour laquelle 278,5 millions d’euros de crédits seront ouverts. Ces moyens seront bien entendu fléchés avec précision. C’est une demande bien légitime des partenaires sociaux et de vous-mêmes qui sera ainsi satisfaite.
Cet apurement traduira un effort de sincérité budgétaire, qui s’ajoute à notre décision de faire supporter intégralement par l’État le financement des 9,4 millions de doses de vaccin destinées à l’Organisation mondiale de la santé, dans le cadre des actions de solidarité internationale, ainsi qu’à la révision de plus de 45 millions d’euros en projet de loi de finances pour 2010 des crédits au titre de l’AME.
J’en viens maintenant aux questions soulevées par les différents orateurs.
M. le rapporteur spécial, M. le rapporteur pour avis et Catherine Procaccia m’ont interrogée sur les conséquences de la fusion de l’AFSSA et de l’AFSSET. Cette opération a pour objectif de rendre plus efficaces les missions de service public actuellement confiées aux deux établissements et de tirer les conséquences du Grenelle de l’environnement en matière de gestion des risques et de gouvernance. L’indépendance de ces agences était au cœur de mes préoccupations ; elle sera préservée. Au final, leur fusion permettra de faire émerger des problématiques nouvelles, sans que les problématiques actuelles soient pour autant négligées.
Les cultures propres des agences constituent une richesse et sont l’une des raisons qui expliquent, d’une part, les bonnes relations qu’elles entretiennent avec leurs partenaires, d’autre part, la satisfaction de leurs commanditaires. L’organisation interne du futur établissement devra bien entendu intégrer cette problématique de la visibilité des grands dossiers en se structurant autour de pôles bien identifiés.
J’ai demandé au conseiller d’État Thierry Tuot de mener un travail de concertation aussi large que possible avec l’ensemble des parties prenantes. Les engagements issus de cette concertation trouveront une traduction dans un projet de loi habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance, que je soumettrai au Parlement en janvier prochain. Celle-ci sera prise avant le 21 janvier 2010. Ainsi, le contrat d’objectifs et de moyens pourra être renouvelé et prolongé pour 2011.
S’agissant du plan cancer II, je crois avoir répondu assez largement à M. le rapporteur spécial et à M. le rapporteur pour avis, ainsi qu’à MM. Barbier et Teulade. Son financement, qui augmentera progressivement au cours des cinq prochaines années, sera assuré à la fois par l’État et l’assurance maladie. Monsieur le rapporteur spécial, 242 millions d’euros lui seront consacrés en 2009, et 314 millions d’euros en 2010.
M. le rapporteur pour avis m’a interrogée sur la santé mentale. Au total, le plan psychiatrie et santé mentale 2005-2008 prévoyait une délégation pluriannuelle de crédits de fonctionnement de 287,5 millions d’euros, complétés par 188,5 millions d’euros provenant du fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés, et un financement spécifique pour la création du HSA.
Nous dressons actuellement le bilan de ce plan. Dès après, nous verrons comment le prolonger. Si le calendrier parlementaire n’est pas trop chargé, je présenterai un projet de loi relatif à l’hospitalisation sous contrainte afin d’y apporter les améliorations nécessaires.
M. Teulade a évoqué la répartition des dépenses liées à la grippe A H1N1. Nous avons déjà longuement évoqué ce sujet, je ne m’y attarderai donc pas.
M. Jean-Jacques Jégou a regretté l’absence d’optimisation des stocks de l’EPRUS avec l’arrivée à péremption des produits. Je partage pleinement cette préoccupation qui doit nous amener à nous interroger sur la sécurité des produits, mais aussi sur la bonne gestion des finances publiques.
J’ai donc donné instruction au directeur général de l’EPRUS de définir une stratégie de réduction des coûts de possession et d’entretien des stocks nationaux. Je transmettrai toutes les informations utiles sur ce sujet à M. Jean-Jacques Jégou, qui a accompli un travail remarquable dont j’ai tenu le plus grand compte pour améliorer la gestion de l’EPRUS.
M. Alain Vasselle. M. Jégou a de la chance !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, je tiens toujours le plus grand compte des travaux du Parlement, et tout particulièrement de ceux du Sénat. Ils ne sont jamais complaisants, mais ils constituent une aide précieuse à la décision publique. (Sourires.- Mme la présidente de la commission des affaires sociales fait un signe d’approbation.) Je vous remercie de cette approbation, madame Dini.
Plusieurs intervenants m’ont demandé, et c’est une question d’actualité, pourquoi nous n’avions pas encore associé les médecins généralistes à la vaccination contre la grippe.
Les raisons en sont simples. Tout d’abord, il faut préserver la capacité soignante de nos médecins généralistes qui doivent faire face à un nombre croissant de consultations supplémentaires liées à la grippe A H1N1 : 410 000 voilà quinze jours, 730 000 la semaine dernière et nous devrions atteindre le nombre de 950 000. Il nous faut impérativement préserver la capacité soignante des médecins généralistes.
Les cabinets de médecine générale sont soumis à de très fortes tensions. Toutes les informations qui me reviennent vont dans ce sens. Et la situation ne va pas s’améliorer. Nous approchons de la période de Noël, pendant laquelle se développent différentes épidémies saisonnières, gastroentérites et bronchiolites notamment. Il est donc crucial d’assurer la permanence des soins alors que certains médecins aspirent bien évidemment à prendre quelques jours de congés à l’occasion de fêtes qui sont essentiellement familiales.
Hier, un généraliste, médecin traitant de 1 100 patients, me déclarait que, selon ses calculs, s’il devait vacciner ces 1 100 patients avant le 15 janvier, à raison de vingt-cinq jours de consultation et de vingt minutes bon poids par consultation, il lui faudrait vacciner quarante-quatre patients par jour, ce qui l’amènerait à faire des journées de quatorze heures.
Nous n’avons donc pas associé les médecins aux opérations d’abord pour préserver les capacités de soins, mais aussi pour des raisons de logistique.
La Fédération française des médecins généralistes, MG France, qui est le principal syndicat de médecins généralistes, a clairement été dans le sens du Gouvernement. Elle considère que la vaccination par des généralistes ne serait possible qu’avec des doses unitaires. Or, la majorité des stocks disponibles est composée de vaccins multidoses.
La Confédération des syndicats médicaux français, la CSMF, veut donner un coup de main. Mais que doit-on entendre par « coup de main » ? Les médecins prendront-ils en charge 5 %, 25 %, 50 % des vaccinations ?
Comment organiser la logistique d’une campagne de vaccination dont on ignore complètement le format ? Notre pays compte 22 000 pharmacies, 57 000 généralistes et 6 000 pédiatres. Comment puis-je organiser la diffusion des stocks de vaccins dans des conditions de sécurité sur la base d’un format que je ne connais pas et qui peut en outre varier d’un endroit à l’autre. C’est notamment le cas si une pharmacie sert un cabinet de médecins généralistes qui a décidé de ne pas vacciner. Dois-je rappeler que selon un sondage réalisé par Le Quotidien du médecin, la moitié des généralistes refuse de vacciner. La moitié ! Une union régionale du syndicat des médecins libéraux a même fait savoir au Gouvernement qu’elle ne voulait pas vacciner.
Comment pourrais-je organiser la logistique de la vaccination avec de telles distorsions ? C’est évidemment tout à fait impossible.
Nous n’excluons pas les médecins généralistes. Si certains d’entre eux ont du temps, s’ils souhaitent consacrer deux ou trois heures par jour à la vaccination, qu’ils viennent nous aider ! On a besoin d’eux dans les centres, dans les équipes mobiles ! On ne les exclut pas ! Ils ont toute leur place dans le dispositif. Mais il faut qu’ils comprennent les problèmes de logistique auxquels se heurtent le Gouvernement et la puissance publique. Il va nous falloir vacciner 300 000 personnes par jour. Nous aurons donc vraiment besoin des forces de la médecine générale.
Oui, je fais confiance aux médecins généralistes, mais je souhaite qu’ils prennent en compte les difficultés d’organisation d’une campagne de santé publique d’une ampleur sans précédent dans notre pays.
J’ai déjà répondu sur l’Agence des systèmes d’information partagés de santé, l’ASIP santé, qui fonctionne depuis le 15 septembre.
Monsieur Barbier, le dépistage du sida reste capital, et je vous remercie de l’avoir évoqué, au lendemain d’ailleurs de la Journée mondiale de lutte contre le sida. La France maintient ses efforts en ce domaine sur le plan tant national qu’international. Nous ne devons pas relâcher nos efforts. Certes, le taux de contamination a baissé de 22 % en cinq ans, mais certaines catégories de la population, notamment les hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes, restent particulièrement exposées puisque le taux annuel de contamination est de un pour cent personnes, soit deux cents fois plus que la moyenne de la population.
Nous voulons agir sur tous les fronts : la prévention, la réduction des risques, le dépistage, la prise en compte du soin, la prise en charge médicosociale et, bien entendu, la recherche.
Vous avez évoqué le rapport du Conseil national du sida. Je citerai pour ma part les conclusions du groupe d’experts dirigé par le professeur Yeni et, tout récemment, les conclusions de la Haute Autorité de santé ainsi que l’excellent rapport de Mme Lert et de M. Pialoux. Je tiendrai bien entendu le plus grand compte des conclusions de ces rapports. Je présenterai, au mois de janvier, un cinquième plan qui réservera une place toute particulière au dépistage, comme vous le souhaitez, monsieur Gilbert Barbier.
Monsieur Autain, comme vous l’avez souligné, insalubrité et saturnisme sont étroitement liés. Nous consacrerons 0,5 million d’euros à la lutte contre l’insalubrité et 0,65 million d’euros à la lutte contre le saturnisme. Il s’agit de normaliser les protocoles et mettre en œuvre les recommandations de l’INSERM en matière de dépistage, de financer une enquête sur les sources d’exposition au plomb à domicile.
Une proposition de loi, présentée par M. Jean-Luc Warsmann, a été déposée à l’Assemblée nationale. J’ai proposé un durcissement des dispositions prévues à l’article 19 en matière de réglementation et de procédures d’accréditation. J’ai également souhaité permettre aux préfets, en cas d’urgence, d’accélérer les procédures de mise en conformité. Le Gouvernement est donc mobilisé sur ce sujet.
Je remercie Mme Catherine Procaccia, militante convaincue de la prévention dans la lutte des comportements à risques, de son soutien dans les campagnes que nous menons contre l’alcool et le tabac. Soyez assurée, madame, de notre détermination à lutter de manière résolue, comme vous le souhaitez, contre toutes les conduites addictives.
Je n’insisterai pas sur les ARS afin de ne pas allonger encore un propos déjà bien long, mais je reviendrai sur ce sujet si vous le souhaitez.
MM. Autain, Teulade et Cazeau sont de trop fins observateurs des projets de loi de finances pour me reprocher d’avoir laissé fondre les crédits de l’action no 14 de 1,9 %. Je suis persuadée qu’ils auront parfaitement entendu, de leur oreille acérée, que cette baisse était due à un rebasage et au transfert de 3,5 millions d’euros des crédits du GIP Datis, drogues, alcool, tabac info-service vers l’INPES dans le cadre de la reconfiguration de la téléphonie sociale. Je considère qu’il ne pouvait donc s’agir que d’une argumentation purement polémique de la part d’observateurs et de connaisseurs aussi fins des programmes dédiés à la santé. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
(M. Roland du Luart remplace Mme Monique Papon au fauteuil de la présidence.)