M. Hervé Maurey. Cet amendement, qui se situe dans la droite ligne des précédents, tend à ce que les collectivités territoriales puissent être exonérées de la contribution carbone dès lors qu’elles s’engagent dans un processus vertueux. Depuis le départ, on nous dit que l’objectif de cette contribution n’est pas de générer des recettes, mais qu’il est de susciter des comportements vertueux et de retrouver le fameux effet bonus-malus qui se situe au cœur du Grenelle de l’environnement.
Or, avant que le Gouvernement ne fasse ces annonces au congrès des maires, le dispositif ne comportait aucun remboursement pour les collectivités territoriales.
Récemment, au cours de l’une de ses interventions relatives à la taxe professionnelle, le rapporteur général avait évoqué Descartes. Je me réclamerai pour ma part de Rousseau pour vous proposer un contrat prévoyant le remboursement de la contribution carbone aux collectivités territoriales qui s’engagent à développer de bonnes pratiques en matière d’émission de CO2.
À la suite des propos de M. le ministre, mon groupe est prêt à retirer cet amendement. J’aimerais toutefois savoir si les montants alloués aux collectivités territoriales le seront sous forme de prêts ou de subventions. Je n’ai aucun élément d’information sur ce point, et j’aimerais connaître le type de projets qui pourraient bénéficier de ces crédits.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Ces différentes questions nous permettent d’avancer. Je vous rappelle, monsieur le ministre, qu’au terme d’un débat nourri nous avons choisi l’appellation « contribution carbone », fruit d’une synthèse réussie entre différentes positions au sein de notre assemblée.
Pour les collectivités territoriales, cette contribution sera une dépense de fonctionnement et représentera donc un surcoût. En contrepartie, l’État promet de leur apporter, par l’intermédiation du fonds constitué au sein de l’ADEME, des aides financières pour investir, notamment dans des projets d’adaptation des installations thermiques.
À travers son contrat environnemental, M. Maurey propose pour sa part un circuit plus court, qui permettrait aux collectivités de s’accorder avec l’État, sur la base d’un diagnostic commun, sur la solution à apporter aux problèmes rencontrés. Dans son esprit, la collectivité pourrait sans doute imputer le montant de la contribution carbone dû sur la dépense à réaliser. Ce système aurait l’avantage, tout au moins dans un certain nombre de collectivités, d’éviter le montage intéressant mais complexe qui a été décrit.
Dans la phase actuelle, il est important, monsieur le ministre, que des relations de confiance s’instaurent entre le monde des collectivités territoriales et l’État. Il convient donc d’avancer vite dans l’évaluation de la dépense globale que va représenter la contribution carbone, dans l’élaboration du règlement qui prévaudra pour la mise en place de ce fonds et dans la définition des procédures selon lesquelles il fonctionnera. S’agira-t-il de subventions à fonds perdus ? Seront-elles au contraire susceptibles d’être majorées par des prêts ?
Ces sujets devront être traités. La déclaration du Premier ministre, qui a permis de débloquer les choses, suppose que ces différents problèmes pratiques soient résolus le plus rapidement possible, c’est-à-dire dans les semaines qui viennent, puisque la contribution sera à la charge des différents budgets dès le 1er janvier prochain.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Comme l’a dit M. le rapporteur général, nous avons choisi une autre voie que M. Maurey. La nôtre n’est pas si indirecte ; elle est même assez précise. « Investissez pour réduire la production d’énergie, cela réduira d’autant l’assiette de la taxe » : tel est en substance le message que nous adressons aux collectivités. Il s’agit finalement du même discours que celui que nous tenons aux particuliers lorsque nous leur accordons un crédit d’impôt pour renouveler leur matériel. Le fonds que nous créons pour les collectivités est destiné à favoriser les investissements qui contribueront à réduire la consommation d’énergie.
D’une certaine manière, notre mécanisme vous donne satisfaction, monsieur Maurey. Nous ne sommes donc pas si éloignés dans l’esprit, même si notre dispositif plus dynamique me semble plus de nature à favoriser l’investissement qu’un simple contrat. L’argent servira à financer des projets concrets de diminution de la consommation énergétique.
En conséquence, je souhaiterais que vous puissiez retirer cet amendement.
M. le président. Monsieur Maurey, l'amendement n° I-390 rectifié est-il maintenu ?
M. Hervé Maurey. Je vais accéder à la demande de M. le ministre et retirer cet amendement, mais je le fais sur la base des déclarations de M. le rapporteur général.
Nous choisissons de faire confiance à un système qui reste à préciser, et qui comporte encore beaucoup d’inconnues. En particulier, nous ne savons toujours pas s’il s’agira de prêts ou de subventions.
Nous acceptons toutefois de faire crédit au Gouvernement…
Mme Nicole Bricq. Il en a bien besoin !
M. Hervé Maurey. …, tout en restant vigilants !
M. le président. L'amendement n° I-390 rectifié est retiré.
L'amendement n° I-391 rectifié, présenté par MM. Maurey, Dubois et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
I. - Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
... - Sont exonérés de la contribution carbone les entreprises ou groupes d'entreprises qui s'engagent, dans un contrat avec l'État, à une réduction significative de leurs émissions de gaz à effet de serre sur délivrance annuelle d'un certificat.
Un décret précise les modalités d'application du précédent alinéa.
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Comme le précédent, cet amendement prévoit un mécanisme de contrat, destiné cette fois à promouvoir les pratiques vertueuses auprès des entreprises. Conformément au modèle suédois, que nous sommes nombreux à citer en exemple, nous souhaitons que la contribution carbone soit remboursée aux entreprises qui s’engagent à réduire leurs émissions de CO2 et respectent les objectifs qu’elles se sont fixés.
En l’occurrence, il ne me semble pas que le Premier ministre ait annoncé un dispositif qui pourrait justifier le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je comprends que le Premier ministre n’ait rien annoncé à ce sujet, car les entreprises vont déjà nettement bénéficier de la suppression de la taxe professionnelle. (Mme Nicole Bricq marque son approbation.)
Ce que vous proposez est sans doute intéressant, mais complexe à mettre en œuvre, monsieur Maurey. Au demeurant, les entreprises seront incitées à réduire leurs émissions, ce qui se traduira par une baisse du prélèvement. Compte tenu, dans la plupart des cas, de la diminution de la pression fiscale locale, elles vont, de manière générale, pouvoir faire face à leurs obligations.
À titre personnel, et c’est aussi le sentiment de la commission, il ne me semble pas indispensable de mettre en place un nouveau processus interventionniste au profit des entreprises.
En conséquence, l’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement n’est pas non plus favorable à ce dispositif de contrat prévoyant la mise en œuvre d’engagements, et vous suggère également de retirer votre amendement pour les raisons qu’a évoquées M. le rapporteur général.
Nous avons beaucoup débattu au cours des trois derniers jours de l’allègement de la charge fiscale au bénéfice des entreprises. Nous leur demandons ici de suivre un chemin plus vertueux, visant à les amener à investir dans les bonnes directions, dans de l’investissement productif, dans du renouvellement de matériel ; en franchise de taxe professionnelle, il devient en effet plus incitatif de le faire.
Dans ces conditions, il nous paraît souhaitable de conserver le système en place. Toutes les entreprises qui seront soumises au système de la directive ETS – Emissions trading scheme – vont disposer d’une certaine manière d’une période de deux années qui va leur permettre de se mettre aux normes. Puisqu’elles ne seront soumises aux quotas d’émissions à titre onéreux qu’à partir de 2013, un grand nombre d’entre elles bénéficieront d’ores et déjà de cette période tampon.
M. le président. Monsieur Maurey, votre amendement est-il maintenu ?
M. Hervé Maurey. Je ne le retire pas, car je ne suis pas convaincu par les explications que j’ai reçues.
La baisse de la taxe professionnelle, on nous l’a bien expliqué, avait une motivation économique ; c’est d’ailleurs pour cette raison que je fais partie de ceux qui ont voté l’article 2.
La contribution carbone, elle, a une motivation écologique. Il a été dit, et notamment par le rapporteur général, qu’elle n’avait pas pour objet de créer des recettes supplémentaires mais d’inciter à un comportement écologiquement responsable. Ceux qui adoptent ce comportement écologiquement responsable doivent pouvoir en tirer un avantage et être exonérés.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l'article.
Mme Nicole Bricq. Nous sommes à un moment important, puisque l’introduction d’une fiscalité carbone dans notre architecture générale fiscale est la seule innovation que nos finances auront enregistrée depuis vingt ans, depuis la création par Michel Rocard de la contribution sociale généralisée.
Le groupe socialiste du Sénat a été précurseur, en présentant à plusieurs reprises, lors de l’élaboration du budget annuel, l’instauration d’une taxe carbone, même si elle était imparfaite. Nous avons d’ailleurs toujours voulu qu’une partie du produit de cette taxe soit affectée d’une certaine manière aux collectivités, pour les encourager à poursuivre leurs investissements à la fois dans le domaine du logement et dans celui du transport.
Nous sommes malgré tout très déçus par les modalités d’introduction de la contribution carbone. J’ai rappelé notre proposition du printemps, notre participation au groupe de travail mis en place par la commission des finances et mené par notre collègue Mme Keller, que nous avons soutenue à plusieurs reprises dans le débat. À l’arrivée, je pense que, pour reprendre la formule qu’avait utilisée le rapporteur général, nous aboutissons finalement à une taxe additive à la taxe intérieure sur les produits pétroliers.
Il ne s’agit pas dans notre esprit de favoriser l’inflation fiscale que le ministre du budget, du reste, reproche trop souvent aux collectivités locales. Nous pensions simplement doter la puissance publique d’une arme efficace dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Or, le tarif applicable est peu élevé, vous n’avez pas accepté d’en fixer le cap pour l’avenir, l’assiette retenue est très étroite, et, comme nous allons le voir lors de l’examen de l’article 6, la compensation qui est prévue pour les ménages modestes me semble particulièrement injuste.
Nous avons également débattu des exonérations pour certains secteurs. Nous, les sénateurs socialistes, avons toujours affirmé que certains secteurs structurellement en difficulté – c’est vrai pour le transport, pour une partie de l’agriculture et pour la pêche – pourraient souffrir de telles mesures. Nous aurions donc préféré, à la place du mécanisme d’exonérations ex ante retenu, prévoir un système de compensations permettant d’aider ces secteurs à se moderniser. Tel n’est pas le cas.
Nous ne voyons pas comment la contribution énergie carbone telle que vous l’avez définie pourra accompagner la mutation énergétique. C’est vrai pour les ménages, et c’est vrai pour les secteurs qui sont structurellement en difficulté.
Au final, cette nouvelle taxe se résume à un impôt ménages, puisque ce sont ces derniers qui paieront 60% de la contribution énergie carbone. Cette part dépasse largement l’équilibre qui aurait été souhaitable entre ménages et entreprises, surtout compte tenu de l’allègement général qui a été voté par la suppression de la taxe professionnelle.
Nous sommes à la veille de la conférence de Copenhague sur le réchauffement climatique, dont on sait qu’elle va être difficile, et dont le succès n’est pas assuré.
La France a proposé conjointement avec le Brésil une taxation de 0,01 % des transactions financières pour aider les pays les plus en difficulté à apporter eux aussi leur contribution à la procédure de Copenhague. C’est une bonne initiative, mais la position de la France serait d’autant plus forte si elle avait mis en place une taxe carbone volontaire et ambitieuse.
En raison de la mauvaise qualité des modalités retenues pour la contribution carbone, nous ne pourrons pas voter l’introduction de cette novation fiscale.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Dans ce débat, pardonnez-moi de le dire, madame la ministre, il manque votre collègue le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.
Mme Nicole Bricq. C’est vrai !
M. Gérard Longuet. Les règles de la LOLF conduisent à ce que les dispositions fiscales soient étudiées à l’occasion du projet de loi de finances, ce qui paraît très cohérent. Mais, en l'occurrence, la plupart des amendements interrogent en fait le Gouvernement sur ce qu’il entend faire de la contribution carbone, sur sa politique, et nous n’avons pas nécessairement toujours les réponses et le temps d’ouvrir les débats que cette contribution appelle.
Nous sommes frustrés d’un vrai débat sur la contribution carbone et sur son utilité, et je souhaite qu’il soit ouvert à un moment ou un autre. J’aurais voté de bon cœur les amendements de notre collègue M. Maurey, puisqu’ils posaient de véritables questions.
Nous vous simplifions la vie, madame, monsieur le ministre, en votant cet article, mais nous avons besoin d’un débat sur l’utilité de la contribution carbone.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Avec cet article 5, les préoccupations écologiques ont aujourd’hui une résonance tout à fait particulière, même s’il faut bien dire que la captation des électeurs ou celle des ressources fiscales semblent plus assurées en ce débat que celle du dioxyde de carbone.
Nous ne voyons pas la taxe carbone, ou la contribution climat énergie, comme une contribution à la mise en avant de la défense de l’environnement, nous l’avons dit en début de discussion de cet article 5 et pendant la discussion. Nous pensons même que, en l’espèce, les préoccupations écologiques sont instrumentalisées par le Président de la République et une bonne partie de la droite, pour pousser plus avant la défiscalisation d’autres champs d’activité.
Nous avons relevé la coïncidence suivante dès la publication du projet de loi de finances initial : la contribution carbone est créée au moment où l’on supprime la taxe professionnelle ! Voilà le vrai sens de la création de la contribution carbone ! Ce qui la disqualifie en partie, faut-il le dire et le redire. Comme les Français, si j’ai bien compris, seraient d’incorrigibles pollueurs, il faudrait leur faire payer le prix, même si, pour ne citer que cet exemple, la tension de l’immobilier les contraint à habiter à soixante kilomètres de l’endroit où ils travaillent !
Cette pédagogie de la pénalisation des comportements est détestable et d’autant moins productive d’effets que la taxe va être, en partie, remboursée aux redevables ; la contribution carbone, s’entend, pas la TVA, qui va aussi grever ce nouveau droit d’accise, proche de l’antique gabelle.
Se pose alors un problème : puisque la taxe est remboursée, elle ne peut servir qu’à une chose, permettre à l’État d’économiser quelques menues charges de trésorerie courante sur les quatre milliards d’euros de son produit, et non pas à mobiliser ces sommes - ce pourrait être un moindre mal, et nous avons fait des propositions à ce sujet – simplement, par exemple, pour développer les transports alternatifs au tout routier, les transports en commun en site propre, les modes de déplacement dits « doux », etc.
Je vais être clair comme j’ai pu l’être au début de l’après midi : nous avons besoin en cette matière d’une politique ambitieuse de développement des transports ferroviaires, fluviaux, collectifs. La fiscalité écologique existe déjà, et la TIPP produit aujourd’hui des recettes fiscales supérieures à 25 milliards d’euros ! Voilà ce que nous devrions utiliser comme ressources pour une vraie politique des transports.
Plutôt que de contraindre les départements, pour certains exsangues, à payer avec les produits de la TIPP qui leur est rétrocédée l’allocation personnalisée d’autonomie, le revenu de solidarité active et d’autres transferts de charges souvent insupportables, il faudrait faire en sorte que ces produits financent une véritable politique écologique.
Pourquoi ne pas faire de la TIPP destinée à financer - fort mal - l’allocation personnalisée d’autonomie le moteur de cette nouvelle politique des transports, en confiant à la sécurité sociale, par la création d’une nouvelle branche, le soin d’assurer l’égalité de traitement des allocataires actuels et à venir ? Pourquoi ne pas renforcer les exigences de centralisation des dépôts de l’épargne populaire auprès de la caisse des dépôts et consignations pour définir une ligne de financement des grands projets structurants en matière de transport ?
Voilà les raisons qui nous amènent à rejeter cet article 5, quelles que soient les modifications qui ont pu y être apportées cet après-midi au cours du débat.
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.
M. Jacques Muller. Au terme de ces débats sur l’article 5 instaurant une contribution carbone, deux axes majeurs se sont dégagés.
Il y a eu une multiplication d’exonérations, de niches environnementales en quelque sorte. Mais je note d’abord le refus systématique du Gouvernement et de la commission de supprimer les exonérations sur le carburant des aéronefs, les transports routiers, même partiellement, et transitoirement les entreprises intenses en énergie ou soumises aux quotas d’émissions.
Ainsi, les dix premières entreprises plus grosses émettrices de gaz à effet de serre sont exonérées ; Arcelor Mittal, EDF, Total, Lafarge, GDF-Suez, etc.
Si on prend les trois premières d’entre elles, celles-ci émettent chaque année quelque 55 millions de tonnes de dioxyde de carbone, et parallèlement dégagent 24 milliards de bénéfices nets. Nous ne comprenons donc pas comment, pendant trois ans, ces groupes pourraient continuer de bénéficier d’un tel cadeau fiscal.
On ne comprend pas non plus le refus du Gouvernement d’exonérer le transport fluvial ou la cogénération, filières énergétiques par excellence.
On pourrait s’interroger sur la logique de toutes ces décisions. Celles-ci ne sont certainement pas motivées par la lutte contre le changement climatique. En effet, les transports, qui représentent 36 % des émissions, sont peu visés. Au sein du secteur industriel, qui représente 24 % des émissions, ce sont essentiellement les très petites entreprises et les PME qui sont sollicitées, tandis que les grands groupes sont exonérés. Quant à l’habitat, qui représente 21 % des émissions, il est mis pleinement à contribution, ce dont pâtiront les ménages.
Ensuite, le Gouvernement a très fermement refusé de fixer le prix de la tonne de carbone au niveau minimal qui avait été préconisé par les commissions d’experts qui ont travaillé sur le sujet. Le signal en devient inaudible pour le monde industriel et l’ensemble des agents économiques.
De la même manière, il a refusé d’inscrire dans la loi une progressivité lisible de la taxe carbone, ce qui aurait été bien utile aux industriels pour programmer leurs investissements. J’ai bien entendu Mme la ministre nous expliquer qu’il suffisait d’adresser un petit signal. Le bonus-malus automobile avait permis de convertir les consommateurs aux achats vertueux. Chacun sait qu’on achète une automobile sur un coup de cœur ; on ne fait pas des calculs de rentabilité.
M. Gérard Longuet. Mais si !
M. Jacques Muller. Les industriels, au contraire, ont besoin de lisibilité, ils doivent faire des calculs de rentabilité. Or nous avons refusé de trancher cette question. Au contraire, Mme la ministre nous a expliqué que le marché nous donnait un signal, que, à 17 euros, nous étions plutôt bien placés, et que le prix des externalités pouvait lui aussi être fixé par le marché. En clair, cette contribution carbone relève du symbole et nous condamne tout simplement à l’impuissance.
Notre collègue Gérard Longuet demandait d’ailleurs qu’un débat national soit ouvert pour mesurer l’utilité d’une taxe carbone. Cela prouve bien que ce qui est décidé ici est totalement inadapté aux enjeux climatiques.
J’avais proposé une « contribution énergie carbone » et l’on nous demande ce soir de voter une « contribution Sarkozy carbone ». Vous aurez compris que cette « taxe Sarkozy carbone » n’est, une fois de plus, rien d’autre que de l’affichage, elle décrédibilise la démarche qui est ainsi engagée et fracasse – je pèse ce mot – le concept de contribution climat-énergie.
Ce n’est pas seulement une erreur, c’est une faute. C’est une faute, parce que de tels concepts se doivent d’être respectés. C’est une faute d’autant plus grave que nous sommes à la veille de la conférence de Copenhague, au cours de laquelle les pays riches seront tentés de tricher par rapport au reste du monde. La France arrive en trichant.
Nous voterons donc contre la « contribution Sarkozy carbone ».
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La commission, cela va de soi, appelle à voter cet article. Pour ma part, je le voterai sous bénéfice d’inventaire. Une série de sujets devront faire l’objet d’un suivi très attentif au cours de la première année d’application.
Cette contribution vise à modifier les comportements. À cette fin, il me paraît essentiel de définir précisément quelle part doit faire l’objet de restitutions, car plus celles-ci seront importantes, moins nous aurons de chances d’influer sur les comportements.
Mme Nicole Bricq. C’est clair !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. En outre, les agents économiques peuvent être plus ou moins en mesure de modifier leurs comportements. Au cours de nos débats, nous avons cité l’exemple de certains d’entre eux qui ne disposent guère de marges de manœuvre.
Qu’il s’agisse des entreprises ou des ménages, les mêmes questions ne se posent pas dans les mêmes termes. S’agissant de ces derniers, il importe de faire attention à ne pas amputer déraisonnablement leurs moyens de subsistance et leur pouvoir d’achat. À cet égard, je réitère les doutes que m’inspire la manière dont sont calculées les restitutions. A-t-on véritablement pris en considération comme il le fallait la problématique du chauffage, compte tenu des modes de vie et des moyens dont disposent les ménages ? Est-il vraiment cohérent de distinguer deux catégories de restitutions selon le périmètre de déplacement urbain, alors que la fonction déplacement n’est pas la seule à être impactée par la contribution carbone ?
Du point de vue des entreprises, c’est naturellement la question de l’effet sur l’emploi et la compétitivité qui se pose. Nous devrons être très attentifs aux effets de cette contribution au cours de cette première année d’application, laquelle sera déterminante pour la suite.
Enfin, la commission s’est voulue empirique. Nous savons que le montant de cette contribution devra augmenter, mais, pour autant, nous n’avons pas voulu nous enfermer dès à présent dans un rythme de progression, et ce afin de ne pas créer de rigidités supplémentaires.
En outre, la contribution s’applique aux entreprises qui ne sont pas présentes sur le marché des quotas. Mais, comme vous le savez, madame la ministre, la commission des finances ne se satisfait pas, à ce jour, de ce marché des quotas. Portant sur des quantités physiques, ce marché peut être la base de nouveaux produits dérivés. Certes, il est certainement promis à un grand avenir économique et financier, mais la nécessité de le réguler n’en est que plus grande.
Sous le bénéfice de ces observations, je le répète, je voterai cet article 5.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je voterai cet article 5 sans conviction, par solidarité avec le Gouvernement, qui souhaite concrétiser un engagement du Président de la République. Quatre raisons motivent ce choix.
Premièrement, cette contribution a pour objet de modifier les comportements, mais j’avoue que ce mécanisme de prélèvements et de restitutions me laisse perplexe.
Deuxièmement, je crains que la multiplication des exceptions et des exonérations, et donc des niches fiscales, ne soit source de complexité et d’arbitraire.
M. Michel Charasse. Du gruyère ! (Sourires.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce n’est pas vraiment le modèle que nous appelons de nos vœux.
Troisièmement, s’agissant des entreprises, je ne distingue pas vraiment un quelconque droit de suite aux frontières. Il est louable de s’imposer des règles extrêmement strictes, mais nous risquons de perdre des emplois et de faire fuir l’activité hors de notre territoire. En effet, il est à craindre que certains ne préfèrent développer leurs productions dans des pays qui ne seraient soumis à aucune règle, quitte, ensuite, à importer celles-ci chez nous.
La pollution étant planétaire, nous n’aurons rien gagné et nous aurons perdu de nombreuses activités.
Enfin, et c’est le quatrième point de ma démonstration, je voudrais qu’on cesse d’opposer les ménages et les entreprises.
M. Gérard Longuet. Eh oui !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il s’agit là d’une convention de langage très commode, mais qui n’a aucune signification, qui nous égare et qui nous empêche d’engager une vraie réflexion sur la manière d’insuffler de la compétitivité à notre économie et de nous donner des chances réelles de recréer des emplois et de provoquer la croissance.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre. Au terme de ces débats, le Sénat s’apprête à se prononcer sur cette contribution carbone. Je tiens à souligner l’importance que représente ce changement d’assiette, puisque, au lieu d’utiliser, pour son calcul, les éléments traditionnels que sont notamment le travail, l’investissement ou le patrimoine, nous nous fondons sur la pollution.
Cette contribution correspond également à un engagement du Président de la République, qui, pendant la campagne électorale de 2007, avait signé le Pacte écologique présenté par Nicolas Hulot à l’ensemble des candidats. Sans doute quelques-uns ou quelques-unes de ces candidats, s’ils avaient été élus, auraient renié leur parole.
Voter cet article 5 qui crée la contribution carbone, c’est manifester sa volonté d’inscrire dans la durée cette modification des comportements et la réduction des émissions de gaz à effet de serre, que nous appelons tous de nos vœux. Pour cette raison, il est prévu que cette contribution atteigne, en 2030, 100 euros.
Moi aussi, monsieur le président de la commission, je regrette que nous ayons émaillé ce texte d’un certain nombre d’accrocs ou de petits trous de dentelle.