M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Hélas !
M. Hervé Maurey. Je comprends qu’au stade où nous en sommes on ne puisse plus attendre que la loi sur les compétences soit adoptée – sans doute en 2012 –, mais au moins pouvons-nous attendre le 1er semestre 2010.
Nous pouvons parfaitement voter, dans le cadre de cette loi de finances, la suppression de la taxe professionnelle ainsi que le système mis en place pour 2010, et décider que le dispositif destiné à remplacer la taxe professionnelle à partir de 2011 sera adopté à la fin du premier semestre 2010, dans le cadre d’une loi de finances rectificative.
Nous voulons donc que les principes soient posés dans la seconde partie du projet de loi de finances et que les modalités soient définies dans le projet de loi de finances rectificative. Or on semble nous proposer, en jouant sur l’ambiguïté, que les principes soient définis dans la seconde partie du projet de loi de finances, c’est-à-dire dans une quinzaine de jours, avec une éventuelle clause de revoyure au premier semestre de 2010. Je crains que nous ne soyons pas tout à fait en phase avec le rapporteur général et le Gouvernement sur ce point.
Nous voulons non pas quelques jours de plus, qui, à mon avis n’apporteront pas grand-chose, mais quelques mois, afin d’examiner les différentes dispositions et leurs conséquences sur les collectivités locales, étant entendu que, une fois les compétences modifiées, il faudra en tout état de cause revoir l’ensemble du dispositif en 2012. Ce temps supplémentaire permettra au Gouvernement de nous communiquer toutes les simulations, afin que nous puissions examiner les différentes hypothèses et tenter de trouver les meilleures solutions, dans la transparence et la sérénité.
Je dois dire que cette volonté d’aller vite ne fait que renforcer notre inquiétude. Nous ne pouvons pas et nous ne voulons pas jouer aux apprentis sorciers avec les collectivités territoriales. Nous ne pouvons pas et nous ne voulons pas adopter un dispositif dont personne ne sait ce qu’il donnera.
Aussi, nous vous demandons de bien vouloir reporter l’établissement du dispositif de remplacement de la taxe professionnelle au premier semestre de 2010, et non à la prochaine quinzaine.
J’espère très sincèrement que vous entendrez nos demandes, afin que nous puissions ainsi vous apporter notre soutien. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. François Patriat.
M. François Patriat. J’imagine bien, madame la ministre, monsieur le ministre, que mes propos, à cette heure-ci, n’entameront pas votre détermination et ne vous feront pas changer d’avis.
Je suis convaincu que le procès en dogmatisme qui nous est fait vaut plutôt pour le Gouvernement, qui n’entend pas les élus locaux. Au lieu de parler de caricature ou de mauvais procès, monsieur le ministre, répondez plutôt aux arguments que je vais développer.
Il est des jours où réforme est synonyme non pas de progrès, mais de recul. Vous cherchez à instaurer une recentralisation punitive contre des « féodalités » régionales. Mais quelles fautes les régions ont-elles commises ? De quel maléfice sont-elles coupables ?
Elles ont assumé leurs compétences, avec parfois beaucoup plus de brio que l’État, en matière d’enseignement supérieur, de recherche. Elles ont contribué à l’extension du haut débit. Elles ont aidé les territoires à lutter contre la désertification médicale. Elles ont payé pour le TGV. Elles ont acheté des trains pour la SNCF.
Ce qu’on leur reproche, c’est d’avoir trop dépensé ! S’agit-il des 54 milliards d’euros qu’elles ont mis dans le plan de relance, contrepartie exigée par vos services pour engager les crédits de l’État ?
Quand on les accuse d’avoir créé trop d’impôts, parle-t-on des 6 % à 7 % de la fiscalité régionale, alors que l’État prend 11 % pour prélever l’impôt ? Sur cinq ans, cela représente environ 30 euros par redevable de la taxe foncière, soit un habitant sur deux.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Vous auriez pu prendre 60 euros !
M. François Patriat. Quels péchés ont-elles commis ?
Celui d’avoir trop embauché pour prendre le relais de l’État qui leur a transféré des emplois précaires : les TOS de l’éducation nationale, le personnel chargé de la mise en œuvre de l’inventaire, et, aujourd’hui, celui des voies navigables et des canaux secondaires ? C’est vrai, elles sont coupables d’avoir respecté les indices, les salaires et les déroulements de carrière !
Celui d’avoir augmenté la TIPP pour mettre en place le plan climat ?
Pour les punir, vous allez vous y prendre en trois temps : en « cantonalisant » les régions, en instaurant un scrutin inique et en les asphyxiant.
On a beaucoup parlé de l’autonomie des communes et des intercommunalités, mais quid de l’autonomie des régions ? Aujourd’hui, leur autonomie fiscale est de 30 % environ. Que leur restera-t-il demain ? Rien, à part une dotation de l’État, qui occupe déjà une place importante ! M. Séguin lui-même, Premier président de la Cour des comptes, le dit : quand l’État verse 93 milliards d’euros de subventions d’investissement, les collectivités versent 427 milliards d’euros.
Chaque année, on investit dans le budget de l’État 12 ou 13 milliards d’euros. L’État consacre 10 milliards d’euros à la défense et 2 milliards d’euros seulement à l’investissement civil !
Qu’allez-vous leur laisser ? Une dotation et deux ressources : la cotisation complémentaire, dont le taux sera voté par le Gouvernement et par l’État, et l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, dont le taux sera également voté par l’État et par le Gouvernement. Autrement dit, rien !
À partir de 2011, les régions n’auront plus à voter que deux impôts : d’une part, la taxe sur les permis de conduire, qu’elles ont réduite à zéro pour ne pas pénaliser les jeunes, surtout les plus en difficulté, et les sept millions de précaires que compte notre pays ; d’autre part, la TIPP. Mais à quoi servira celle-ci ? À payer des lignes à grande vitesse, ou LGV, que l’État devrait financer lui-même ! Sur les 15 milliards d’euros de la future LGV Paris-Lyon via Clermont-Ferrand, les collectivités devront débourser 50 %. Nous ne souhaitons pas les assumer !
Plutôt que de nous demander d’augmenter la TIPP et de nous reprocher ensuite d’avoir alourdi les impôts, prenez en charge l’augmentation de l’essence et celle de la TIPP et payez la LGV ! Après tout, c’est de la compétence de l’État !
L’État nous demande de financer la A 77, la RCEA, la future route Centre-Europe-Atlantique, ou le contournement de grandes villes, dans le cadre du plan de relance ou autres. Or ce n’est pas non plus de la compétence de la région. Pourtant, le préfet de région me dit : si vous n’intervenez pas, l’État ne le fera pas. Et après, on nous reproche de trop dépenser, de trop prélever et de ne pas rester dans le cadre de nos compétences ! Ce cynisme va-t-il durer encore longtemps ? Sachez-le, nous n’augmenterons pas la TIPP !
Que restera-t-il de l’autonomie fiscale ? Plus rien ! Nous allons en revenir à l’EPR, l’établissement public régional, doté d’un budget affecté, les régions n’ayant plus de ressources à voter.
Vous voulez punir les régions de gauche, parce qu’elles représentent pour vous des féodalités. Leurs présidents, je vous le rappelle, ont été élus avec 300 000, 400 000, 500 000 ou 600 000 voix. Quel mépris à leur égard ! Quel recul dans la décentralisation !
On ne peut pas, d’un côté, dire que l’on va engager une nouvelle étape de la décentralisation et, de l’autre, museler, la région, la plus jeune collectivité, la plus moderne, celle qui répond aujourd’hui aux aspirations de l’aménagement du territoire de nos compatriotes.
Vous nous dites que vous compenserez demain la taxe carbone. Pour la région Bourgogne, la taxe carbone, ce sera 650 000 euros. Existera-t-il demain un fonds de compensation ? De toute façon, sur quelle ressource la région la financera-t-elle ? Sans autonomie, elle ne pourra plus faire face à ses charges.
Il en va de même pour la hausse mécanique des salaires. Pour l’année 2010, la région Bourgogne dépensera 79 millions d’euros, contre 75 millions d’euros cette année. Eh oui ! nous appliquons la loi, nous respectons notre personnel ! Sans ressource nouvelle, comment allons-nous financer cette hausse, sinon au détriment des investissements dans les lycées, les trains, la formation professionnelle, l’économie ?
Madame la ministre, vous qui avez reçu le titre de meilleure ministre de l’économie, savez-vous que, entre la mi-2008 et la fin de cette année, la Bourgogne aura perdu 20 000 emplois, dont 10 000 emplois industriels, dans l’indifférence totale des pouvoirs publics ?
La région, les départements et les communes rencontrent les chefs d’entreprise, les salariés. Ces collectivités vont sur le terrain pour tenter de trouver des repreneurs, de pallier au plus pressé. Je pense à Michelin, à LCC, à Fruehauf ; cette semaine encore, des entreprises comme Fulmen ont fermé leur porte sur le territoire bourguignon. Que fait l’État ? Il est aux abonnés absents !
M. François Patriat. Le préfet se contente d’organiser des rencontres pour la reconversion des salariés, et l’État ne débloque aucun crédit pour ces entreprises !
M. François Patriat. Vous le savez, et je pourrais vous citer d’autres exemples !
En fin de compte, ce sont bien les ménages qui compenseront demain les 12 milliards d’euros de taxe professionnelle qui manqueront.
En dépit de votre dogmatisme, nous continuons à vous demander que l’impôt foncier reste à la disposition des régions, afin que celles-ci aient encore une certaine liberté pour pouvoir voler au secours des territoires que vous abandonnez chaque jour. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Albéric de Montgolfier.
M. Albéric de Montgolfier. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais revenir quelques instants à la source de la réforme. En effet, le débat qui s’est engagé très largement sur la répartition du futur impôt nous a fait quelque peu oublier les raisons qui ont conduit à la suppression de la taxe professionnelle : favoriser la compétitivité des entreprises, donc de notre économie. Y avait-il urgence à la supprimer ?
Pour les entreprises, qui subissent une crise sans précédent, il y a lieu d’accompagner le début de reprise en améliorant leur compétitivité.
Pour les collectivités, l’exemple que vient de citer à l’instant François Patriat le démontre, la crise se traduit par des fermetures d’entreprises et des licenciements. C’est un drame pour les salariés, sans aucun doute, mais également pour les collectivités, qui enregistrent des pertes de ressources.
Il est donc nécessaire de trouver une ressource plus dynamique et ne dépendant pas exclusivement des bases industrielles. Je pense que nous aurions eu de très belles surprises si nous avions maintenu la taxe professionnelle en l’état.
Il y a donc urgence à modifier en profondeur la fiscalité économique locale.
Si une telle réforme est urgente et nécessaire, elle est, vous le savez tous, difficile. La taxe professionnelle est en effet devenue complexe au gré des réformes successives. Depuis 1975, elle a fait l’objet de soixante-huit réformes. La complexité de l’exercice a sans doute fait reculer nombre de gouvernements. Pourtant, la commission Fouquet avait conclu à la nécessité de réformer cette taxe. Il aura donc fallu le courage du Président de la République et du Gouvernement pour aller jusqu’au bout.
Pourquoi la taxe professionnelle doit-elle être supprimée ? Comme cela a été dit, il s’agit d’un impôt fondé sur l’investissement. Il nuit donc à la compétitivité des entreprises et constitue un facteur de délocalisation.
Il faut le reconnaître, ce n’est pas l’unique facteur de délocalisation.
M. Albéric de Montgolfier. Le niveau des salaires, celui des charges sociales et d’autres éléments comme la fiscalité jouent également un rôle. Cependant, la suppression de la taxe professionnelle s’inscrit dans une réforme globale et vise à améliorer notre compétitivité.
Cela passe, bien sûr, par la modification de notre fiscalité et des prélèvements sociaux. Je pense, en particulier, à la baisse des charges sur les bas salaires, à la suppression de l’imposition forfaitaire annuelle, ou encore au crédit d’impôt recherche. Bref, la suppression de la taxe professionnelle complète cet ensemble et permettra d’alléger de 4,3 milliards d’euros la fiscalité des entreprises.
La taxe professionnelle est une spécificité bien française, comme l’a constaté la commission des finances, qui a examiné l’ensemble des systèmes fiscaux européens. La France est en effet le seul pays où un impôt sur l’investissement existe.
La taxe professionnelle présente d’ailleurs des caractéristiques incompréhensibles. Elle est en effet payée par les entreprises, bénéficiaires ou non, qui investissent, alors même que ces investissements ne sont pas encore productifs.
Madame la ministre, vous avez visité cette semaine à Anet, en Eure-et-Loir, une entreprise dont les marges sont quasiment nulles et dont les outils industriels sont anciens. Malgré cela, elle paie la taxe professionnelle. Vous avez également visité une entreprise nouvelle qui perd de l’argent et qui paie la taxe professionnelle, alors même que ses investissements ne sont pas encore producteurs de richesse.
C’est pourquoi la taxe professionnelle n’est pas comprise, en particulier par les investisseurs étrangers. Vous avez pu le constater cette semaine, madame la ministre, en visitant une entreprise américaine. Le dirigeant, et non le représentant d’un quelconque parti politique, a expliqué que son groupe avait choisi d’investir massivement après l’annonce de la suppression de la taxe professionnelle.
Dans la comparaison des systèmes fiscaux, la France était clairement désavantagée du fait de la taxe professionnelle. Le constat de l’urgente nécessité de s’attaquer à ce problème est donc partagé.
Fallait-il non pas supprimer la taxe professionnelle mais la réformer ?
À l’évidence non, car la taxe professionnelle est assise à 80 % sur l’investissement. La suppression de la part salariale par Dominique Strauss-Kahn a sans doute déséquilibré le système d’origine en faisant porter la fiscalité exclusivement sur l’investissement, et singulièrement sur l’industrie. Or la part de la valeur ajoutée de l’industrie est passée de 21 % en 1988 à moins de 14 % aujourd’hui. On ne pouvait donc réformer un impôt qui, du fait des réformes successives, était appelé à s’éteindre progressivement. L’État en est d’ailleurs devenu le premier contributeur.
La raison principale de la suppression de la taxe professionnelle, c’est donc la nécessité de créer un impôt économique local moderne, c’est-à-dire imposant l’activité économique contemporaine, de plus en plus immatérielle. Aujourd’hui, la taxe professionnelle est payée principalement par l’industrie, qui a perdu 500 000 emplois en quinze ans, alors que les secteurs de services tels que la banque et l’assurance ne paient pratiquement pas de taxe professionnelle. On ne pouvait donc plus réformer un impôt dont la base était appelée à se réduire comme peau de chagrin.
Mme Nicole Bricq. Il fallait donc l’achever ! C’est ce que vous faites !
M. Albéric de Montgolfier. Dans ces conditions, la création d’un impôt économique s’imposait.
Pour remplacer la taxe professionnelle par un nouvel impôt économique local, le Gouvernement s’est appuyé sur un groupe de travail composé de représentants des associations d’élus et du monde économique. Un consensus s’est rapidement dégagé sur le choix d’une contribution assise sur la valeur ajoutée, également préconisée par la commission Fouquet.
Cet impôt économique serait assis, pour une part, sur le foncier et, pour une autre part, sur la valeur ajoutée, avec un barème progressif en fonction du chiffre d’affaires, barème qui favorise très largement les PME. Il s’agit d’un impôt moderne, car il ne frappe plus l’industrie. Certes, les collectivités ne pourront pas en fixer le taux, mais je préfère largement des ressources pérennes et dynamiques, sans possibilité de fixation du taux, à un impôt qui se réduit progressivement. Je souligne que, depuis cinq ans, la valeur ajoutée a progressé de plus de 4,1 % par an, contre 3 % pour la taxe professionnelle.
Nous traiterons du produit de cet impôt pour les collectivités dans la seconde partie de la loi de finances. D’ores et déjà, on ne peut que souscrire aux orientations définies par la commission des finances et son rapporteur général.
Pour le bloc communal, la commission a fait le choix de territorialiser l’impôt en maintenant le lien entre entreprises et territoires. La difficulté provient de l’inégale répartition de cette richesse sur le territoire, difficulté accrue par la progressivité du taux. Il conviendrait donc, comme le propose la commission des finances, de créer un taux moyen national : serait territorialisé non pas le taux, mais la base de l’impôt. Les effets du barème seraient en quelque sorte neutralisés.
Pour les départements et les régions, c’est incontestablement la répartition nationale qui s’impose. Les départements ont en effet des charges incompressibles correspondant à près de 40 % de leur budget, essentiellement liées aux dépenses sociales, dont ils ne contrôlent ni le taux ni les conditions d’accès. Seule la création d’un cinquième risque faisant appel à la solidarité nationale – je pense que cette conviction est partagée par les membres de l’opposition – permettra de répondre à la difficulté spécifique des départements.
En attendant, la répartition au niveau national de cet impôt économique local assis sur la valeur ajoutée constituera l’amorce d’une péréquation. Pour la première fois dans notre système de fiscalité locale, la péréquation s’opérera non pas par écrêtement, mais par le taux même de l’impôt.
Je me réjouis également des garanties apportées en matière de ressources, ainsi que de la clause de revoyure, qui permettront de tenir compte de la future évolution des compétences. Celle-ci concernera presque exclusivement les départements et les régions.
Nous aurons l’occasion de débattre de ces sujets lors de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances. Le Gouvernement a clairement exprimé sa volonté de laisser le Parlement légiférer. En définitive, à l’article 2 de ce projet de loi de finances, nous avons l’opportunité de créer un impôt à la fois moderne et dynamique, bon pour les entreprises comme pour les collectivités. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
MM. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Frécon.
M. Jean-Claude Frécon. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, à cette heure avancée, je ne reviendrai pas sur les critiques de fond concernant le caractère précipité de ces réformes, l’insuffisance des simulations et le manque de concertation préalable.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Cela commence bien ! (Sourires.)
M. Jean-Claude Frécon. J’aborderai d’emblée la question des relations financières entre l’État et les collectivités locales.
Monsieur le ministre, vous dites avoir eu le sentiment, à l’issue du congrès de l’Association des maires de France, que les esprits étaient apaisés, que les arguments avaient été compris. Il est vrai que le Premier ministre a apporté, mardi dernier, des assurances concernant l’assouplissement du FCTVA et la ristourne partielle de taxe carbone. Ces récentes avancées sont positives.
Toutefois, la résolution générale du congrès de l’Association des maires de France, adoptée à l’unanimité moins une abstention – près de trois mille maires étaient présents – est très critique sur plusieurs points.
M. François Marc. Ils sont tous contre la réforme !
M. Jean-Claude Frécon. Je voudrais également attirer votre attention sur la hausse des dotations, qui s’élève, dites-vous, à 1,2 % par rapport à l’année dernière. Mais c’est toutes dotations comprises ! Si l’on soustrait les versements au titre du FCTVA, la hausse n’est plus que de 0,6 %.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je le confirme !
M. Jean-Claude Frécon. Tout à l’heure, ce n’était pas si clair !
Cette hausse de 0,6 %, monsieur le ministre, a été établie pour une configuration identique à celle de l’année dernière. Or vous omettez de prendre en compte l’incidence de la réévaluation de la population.
M. Jean-Claude Frécon. Nous disposons, depuis l’année dernière, d’un nouveau système de comptabilisation de la population de chacune des collectivités locales, avec une réactualisation chaque année et non plus seulement tous les huit ou neuf ans.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Cela vaut dans les deux sens !
M. Jean-Claude Frécon. Or, dans certaines communes – M. Philippe Dallier ne me contredira pas –, l’augmentation a été quelque peu étalée. Des reliquats seront donc imputés cette année, sans oublier les dernières augmentations.
Il convient d’ajouter la question des résidences secondaires, monsieur le ministre,…
Mme Marie-France Beaufils. Tout à fait !
M. Jean-Claude Frécon. … dont l’incidence sur la DGF est calculée en fonction d’une estimation datant de 1999. Leur nombre sera réactualisé cette année.
Au terme du recensement, la population devrait probablement croître de 0,7 % à 0,8 %, ce qui réduira à néant l’augmentation nominale par habitant de la DGF. Les communes dont la population n’aura pas augmenté verront leur DGF baisser.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il faut s’y préparer !
M. Jean-Claude Frécon. Je voudrais par ailleurs évoquer la révision des bases. Le comité des finances locales, en 1996 et en 1997, sous la présidence de M. Fourcade, avait déjà réalisé un important travail d’évaluation. Vous avez dit, monsieur le ministre, que vous étiez prêt à recommencer. Essayons de prendre en compte les éléments dont nous disposons déjà.
J’en viens à la question de la révision de la taxe professionnelle. Je commencerai par un rappel concernant la notion d’autonomie financière. Pour ce qui est de l’autonomie fiscale, nous verrons ultérieurement.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est autre chose !
M. Jean-Claude Frécon. Nous avons procédé à une révision de la Constitution en 2003, qualifiée d’acte II de la décentralisation.
M. Jean-Claude Frécon. Le principe de libre administration des collectivités, datant de 1982, a été conservé. Il a également été affirmé que le taux de ressources propres de chaque catégorie de collectivité serait maintenu.
En 2005, la France a ratifié la charte européenne de l’autonomie locale, qui définit les fonds propres d’une manière légèrement différente de la nôtre.
Cet après-midi, au congrès de l’Association des maires de France, une étude a été présentée à ce sujet. J’en citerai quelques extraits : « Mais qu’en est-il du pouvoir fiscal ? Qu’en est-il de cette responsabilité majeure de toute assemblée politique, locale ou nationale, de lever l’impôt ? Dans notre pays, dans lequel on ne partage pas l’impôt national, l’autonomie fiscale, c'est-à-dire la capacité que doivent avoir les assemblées locales élues au suffrage universel et participant de la définition et de la mise en œuvre de l’intérêt général de voter l’impôt, est une condition absolument nécessaire des libertés locales, de la libre administration. C’est, en même temps, un formidable outil de responsabilisation quant au niveau des dépenses publiques. Celui qui décide de la dépense doit aussi porter la responsabilité de la recette. »
C’est un bon principe et je suis persuadé que nous sommes nombreux, dans cet hémicycle, à penser la même chose.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Encore faut-il avoir des assiettes !
M. Jean-Claude Frécon. Bien sûr ! Mais si la réforme de la taxe professionnelle se met en place, elle réduira d’environ 30 % le pouvoir fiscal du bloc communal. Et cette réduction atteindra 70 % si l’on considère l’ensemble des collectivités territoriales !
Or, madame la ministre, monsieur le ministre, depuis quelques mois, les collectivités locales et les grandes associations d’élus, que ce soit celles des maires, des départements ou des régions, font front commun, si je puis dire, car elles ont besoin d’une réponse commune.
Madame la ministre, vous nous avez déjà dit que le dispositif proposé était conforme à la Constitution et respectait parfaitement le principe d’autonomie financière des collectivités territoriales. Vous avez peut-être raison s’agissant du droit français, mais je ne suis pas sûr que tel soit le cas en matière de droit européen.
En conclusion, madame la ministre, monsieur le ministre, permettez-moi de revenir sur votre projet initial, dont on nous dit depuis un jour ou deux qu’il est en train d’évoluer, ce que j’espère.
Au départ, il était question que la nouvelle cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ne concerne que les entreprises réalisant un chiffre d’affaires de 550 000 euros, ce qui signifierait que 90 % des entreprises n’y seraient pas soumises. Vous envisageriez aujourd'hui d’abaisser ce seuil. Je ne peux que vous y encourager, madame la ministre ! Pour ma part, à l’instar du congrès de l’Association des maires de France, je suis favorable à l’abaissement de ce chiffre à 152 500 euros. Cela me paraît convenable.
Quant au montant du forfait – sur ce sujet, je m’adresse à M. le rapporteur général –, il devrait être supérieur à 250 euros, car c’est très peu !
Telles sont, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, les réflexions que m’inspire le projet de loi de finances pour 2010. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Christian Poncelet.
M. Christian Poncelet. Permettez-moi tout d’abord, madame la ministre, de vous présenter mes chaleureuses et amicales félicitations pour votre désignation au premier rang des décideurs politiques de la finance mondiale, classement récemment établi par un célèbre quotidien londonien. C’est pour nous une agréable nouvelle !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bravo !
M. Christian Poncelet. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2010 qui nous est aujourd'hui soumis prévoit la suppression de la taxe professionnelle et la définition de nouvelles modalités d’imposition locale des entreprises.
Il s’agit, dans un premier temps, de mettre fin à un impôt jugé absurde – je ne rappellerai pas le qualificatif utilisé par une haute personnalité de notre pays –, parce qu’il présente la particularité de peser essentiellement sur les investissements productifs. En effet, plus une entreprise investit en France, et plus elle est imposée au titre de la taxe professionnelle.
À cet égard, permettez-moi de vous donner un exemple concret. Prenons le cas d’un atelier de tissage ayant acheté, voilà quelques années, douze métiers à tisser à 1 000 euros pièce et qui doit renouveler son équipement industriel. Les matériels que celui-ci doit acquérir étant plus performants et plus productifs, ils coûtent plus cher : 10 000 euros pièce. Cet atelier ne pourra pas renouveler la totalité de son équipement et n’achètera que six métiers à tisser, ce qui représentera 60 000 euros, contre 12 000 euros précédemment pour douze métiers à tisser. Du fait de la modernisation, le montant de la taxe professionnelle de cet atelier sera multiplié par cinq. C’est incontestable !
Donc, plus une entreprise investit en France, et plus elle est imposée, ce qui la pénalise par rapport à ses concurrentes étrangères. Cela encourage les délocalisations et, en définitive, affaiblit le tissu industriel de notre pays. C'est la raison pour laquelle on assiste à des délocalisations au sein même de l’Union européenne, en Slovaquie ou en Slovénie, où les charges sont moins élevées.
Force est de reconnaître que la taxe professionnelle a constitué un outil essentiel de la fiscalité locale. Je rappelle que cette taxe s’est substituée à un vieil impôt appelé la patente, qui était devenue si impopulaire qu’elle avait donné naissance à un mouvement de révolte appelé le poujadisme, puis à une formation politique ayant réussi à faire élire cinquante-deux députés.