M. Alain Houpert. L’accès à la propriété reste le rêve de l’ensemble des Français. Faisons en sorte que ce rêve devienne une réalité. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il y a très exactement un mois, le 17 octobre, c’était la Journée mondiale du refus de la misère. Osons regarder la réalité en face : le mal-logement continue de frapper aujourd’hui en France quelque 3,5 millions de personnes, auxquelles s’ajoutent plus de 6,5 millions de personnes en situation de réelle fragilité de logement à court ou moyen terme.
Face à cette situation, qui constitue dans les faits une violation des droits de l’homme – le droit au logement en est un –, que fait le Gouvernement ? Peu, beaucoup trop peu.
Le plan de relance de l’économie ? Il a surtout consisté à enrichir les banquiers, au lieu de servir les familles, les personnes âgées et les jeunes frappés par le mal-logement.
Le programme de construction de 100 000 logements issu de ce plan de relance ? Il engage certes quelque 600 millions d’euros, mais comporte moins de 45 % de véritables logements sociaux, et ne permet donc pas de répondre aux demandeurs inscrits auprès des organismes HLM...
En réalité, l’État continue de se désengager : depuis le début des années 2000, la part des dépenses publiques consacrées au logement dans le PIB ne cesse de diminuer, pour se situer aujourd’hui à son niveau le plus bas depuis trente ans !
Par ailleurs, la situation du mal-logement en France souffre d’un autre fléau, celui des logements vacants. Une bonne partie de cette vacance est directement causée par la spéculation immobilière avec laquelle jouent quelques riches privilégiés, au détriment de millions de défavorisés.
C’est pourquoi nous cosignons cette proposition de loi, qui prévoit de doubler les taux applicables à la taxe sur les logements vacants. Cette proposition va très exactement dans le sens des conclusions d’une étude réalisée par l’ANAH, qui démontre que l’application de cette taxe a permis d’obtenir des résultats dans la lutte contre la vacance des logements : celle-ci a commencé à diminuer dans les communes soumises à la taxe, par rapport à celle qui est observée dans les agglomérations de taille comparable qui n’y étaient pas soumises.
Dans le même esprit, et parce que nous ne nous résignons pas au fatalisme, nous défendons la proposition d’expropriation de logements vacants depuis au moins cinq ans en vue de réaliser des logements sociaux.
En effet, les dispositions contenues dans cette proposition de loi viennent palier les lacunes actuelles du droit : elles améliorent significativement le régime juridique du droit de préemption ainsi que du droit d’expropriation, en mettant les communes au cœur de ces nouveaux dispositifs.
En effet, les élus des communes, et en particulier le maire, sont en première ligne du front de la précarité sociale. Mieux que le préfet, ils connaissent très précisément les situations de détresse et les situations d’urgence. Mieux que le préfet, ils connaissent le parc de logement, les logements vacants sur leur commune. Alors, donnons-leurs les moyens juridiques nécessaires : mieux que le préfet, ils pourront agir avec l’efficacité requise !
Cette proposition de loi doit être considérée comme un complément indispensable de la loi instituant le droit au logement opposable. En effet, l’État n’a pas su ou n’a pas voulu offrir à ce dispositif les moyens de ses ambitions : les contingents préfectoraux sur lesquels repose la mise en œuvre du dispositif DALO ne peuvent potentiellement mettre à disposition que 60 000 logements au maximum par an, soit 10 % des 600 000 ménages susceptibles de bénéficier de l’application de ce droit.
C’est pourquoi l’extension du régime de l’expropriation et de la préemption proposée par cette proposition de loi est essentielle. Il y a des familles en détresse, il existe encore de trop nombreux logements vacants pour les reloger : il est de notre devoir de faire évoluer le régime juridique !
Mes chers collègues, je vous invite à adopter cette excellente proposition de loi, qui contribue très concrètement au droit effectif au logement. Monsieur le secrétaire d’État, c’est bel et bien un droit de l’homme qui n’est pas respecté dans notre pays ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Excellent !
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.
Article additionnel avant l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Fortassin, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - La troisième phrase du deuxième alinéa de l'article 199 decies E du code général des impôts est ainsi rédigée :
« Le contribuable ne peut bénéficier que d'une seule réduction, laquelle elle est répartie sur six années au maximum. »
II. - Après la première phrase du troisième alinéa de l'article 199 decies EA du code général des impôts, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Le contribuable ne peut bénéficier que d'une seule réduction. »
III. - Au début du quatrième alinéa du IV et du VIII de l'article 199 septvicies du code général des impôts, les mots : « Au titre d'une même année d'imposition » sont supprimés.
IV. - Le 1° de l'article 31 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ...) le contribuable ne peut bénéficier des dispositions prévues aux alinéas h) à n) qu'à raison de l'acquisition, de la construction ou de la transformation d'un seul logement. »
La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Les dispositifs d’incitation à l’investissement locatif privé de type Robien, Borloo ou Scellier ainsi que les réductions d’impôt accordées au titre des investissements immobiliers locatifs réalisés dans des résidences de tourisme ou dans des logements situés dans les stations classées sont peu lisibles et d’une efficacité contestable.
En attendant une nécessaire remise à plat, il est proposé, par cet amendement, de limiter à un seul logement par contribuable le bénéfice de ces dispositifs fiscaux.
Aujourd’hui, des particuliers tout à fait honnêtes réalisent des placements d’argent dans un certain nombre de stations balnéaires ou de stations de ski. Pour autant, ces investissements immobiliers ne méritent pas tous d’être défiscalisés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. L’amendement n° 1 vise à limiter à un seul logement par contribuable le bénéfice des dispositifs fiscaux d’incitation à l’investissement locatif.
J’aurais compris, mon cher collègue, que vous présentiez un tel amendement dans le cadre du projet de loi de finances, afin de lutter contre cette mesure fiscale. Mais nous devons tout faire ici, c’est vous qui l’avez dit, afin de lutter contre le manque de logements.
M. Daniel Raoul. L’un n’empêche pas l’autre !
M. Dominique Braye, rapporteur. Tout ce qui peut aller dans le sens de l’augmentation de l’offre de logements doit être favorisé.
Par ailleurs, il ne vous a pas échappé que nous traversions une crise économique. Tous les acteurs économiques reconnaissent que l’activité du bâtiment a été grandement aidée par ces investissements, notamment ceux qui ont été effectués dans le cadre du dispositif Scellier. Et je ne vous cache pas que le président de la communauté d’agglomération de Rennes, M. Daniel Delaveau, a réalisé un travail reconnu en matière de logement.
M. Thierry Repentin. Comme son prédécesseur !
M. Dominique Braye, rapporteur. Un certain nombre d’élus réclament au contraire que l’on étende le dispositif Scellier dans des endroits qui n’y ont pas droit et qui se trouvent en zone C, estimant que, de toute façon, tout doit être fait pour favoriser la construction d’un maximum de logements.
Mes chers collègues, si des particuliers ont de l’argent et décident de l’investir dans le logement, nous ne pouvons que nous en féliciter !
J’aurais tendance à dire – et nous en avons discuté avec François Rebsamen, qui a déposé cette proposition de loi – que nous avons en quelque sorte déséquilibré les rapports entre locataires et propriétaires, sous couvert de bonnes intentions comme la protection du locataire face aux investisseurs.
Ce phénomène a eu pour conséquence, il y a quelques années, la disparition totale des investisseurs dans le secteur locatif privé. Nous n’avons plus d’investisseurs, et je vous le dis aujourd’hui, nous n’en retrouverons plus, parce qu’ils ne sont plus intéressés par ces acquisitions, estimant qu’ils n’en ont plus les moyens.
Comme l’a dit notre collègue Colette Giudicelli, de nombreux petits bailleurs privés cèdent actuellement leur appartement : 60 % d’entre eux sont modestes, quelquefois plus pauvres que les personnes à qui ils louent leur bien. Ils ont besoin des loyers pour rembourser leur emprunt, et, quand ils ont eu de mauvaises expériences, ils vendent leur appartement. Il en résulte une diminution de l’offre de logements pour les locataires qui n’ont pas la possibilité de devenir propriétaires.
Mais, de grâce, sous prétexte de lutter contre le mal-logement – d’après tout ce que j’ai entendu, il me semble qu’une quasi-unanimité s’est dégagée sur cette volonté –, de s’attaquer aux riches, au grand capital, ne portons pas atteinte à ceux qui sont prêts à dépenser leur argent pour loger ceux qui n’ont pas accès à la propriété !
C’est pourquoi, vous l’aurez compris, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, je vais évidemment suivre la commission et émettre un avis également défavorable, et ce pour une raison très simple.
Si l’on veut résoudre la crise du logement dans notre pays, il faut jouer sur tous les facteurs : le logement vacant, le logement social, mais également le logement privé.
La moitié des constructions du logement privé sont le fait des promoteurs et, parmi celles-ci, 50 % relèvent du dispositif Scellier. Si vous diminuez l’avantage Scellier en ne l’autorisant que pour un seul investissement, comme vous le préconisez, l’ensemble de la construction en France va s’effondrer entraînant la réduction du nombre de logements mis à la disposition de nos compatriotes.
Le logement locatif, c’est une échelle de produits, qui va du logement locatif social à l’accession sociale à la propriété, en passant par le logement locatif mis à la disposition des locataires par les promoteurs. Si nous souhaitons avoir un vrai parcours locatif, il nous faut pouvoir compter sur les logements des promoteurs.
Or, avec la réduction que vous proposez, la production de logements sera moindre en France. Ce n’est pas ce que nous souhaitons, notamment en période de crise.
Voilà l’ensemble des raisons pour lesquelles le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.
M. François Fortassin. Je peux être d’accord avec M. le rapporteur et M. le ministre, mais le problème, c’est qu’ils n’ont pas répondu à ma question : j’ai parlé exclusivement des résidences de tourisme qui ne correspondent absolument pas aux logements locatifs traditionnels.
Si j’ai exclu le logement traditionnel, c’est parce que, dans ce cas, les incitations sont nécessaires, mais, lorsqu’un promoteur ou un constructeur privé réalise dix logements dans une résidence de tourisme et qu’il bénéficie d’une défiscalisation pour ces dix logements, cela me semble abusif, d’autant qu’il n’améliore en rien le logement de nos concitoyens les plus défavorisés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Raymonde Le Texier. Cela s’appelle une niche fiscale !
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.
M. Claude Bérit-Débat. Je voudrais abonder dans le sens de notre collègue Fortassin car M. le rapporteur n’a pas du tout répondu à la question. En effet, les dispositifs Robien, Borloo et Scellier ne sont pas aussi idylliques que vous le prétendez. Avec le dispositif Scellier, par exemple, au lieu de favoriser la mixité sociale, on encourage la concentration avec des logements de moindre qualité. Il faut donc faire très attention.
L’amendement présenté par notre collègue François Fortassin vise à limiter les résidences de tourisme et les logements situés dans les stations classées. Pourquoi pas ?
On sait en effet que les problématiques du logement en montagne – notre ami François Fortassin est un excellent représentant de la montagne – commencent à être prises sérieusement en compte. Depuis la loi portant engagement national pour le logement, la loi ENL, le droit offre aux maires des possibilités d’intervention dans le domaine foncier et d’orientation de la fiscalité locale. Ils peuvent aussi planifier le type d’habitat qu’ils souhaitent pour leur territoire en définissant dans le plan local d’urbanisme, le PLU, zone par zone, le type de logements souhaité – accession à la propriété, logements locatifs, logements sociaux – et l’imposer ainsi à toute opération immobilière.
À ce propos, de nombreuses municipalités ont mis en place ce dispositif dans le PLU et je l’ai fait moi-même dans ma commune de 5 000 habitants.
Reste qu’ils se trouvent parfois démunis face à des promoteurs, en particulier aujourd’hui, puisque l’arsenal de nos dispositifs fiscaux est en pleine transition.
Dans de nombreuses zones de montagne, comme partout dans les zones B et C, d’ici à la fin de l’année et après 2012, plus aucun programme de défiscalisation ne pourra voir le jour sauf dans les très rares zones de montagne classées en zone A. Au début de l’année, certains promoteurs menaçaient les maires de tout simplement abandonner leurs territoires. Une transition nous a été annoncée par le ministre du budget l’année dernière, mais les transitions ne résolvent pas tout.
C’est pourquoi nous en appelons, avec l’auteur de cet amendement, à une réelle mise à plat des dispositifs pour le développement des zones de montagne. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Dominique Braye, rapporteur. Ce n’est pas dans le texte de l’amendement !
M. Daniel Raoul. Non, mais c’est ça !
M. le président. Mes chers collègues, j’attire votre attention sur le fait que notre discussion ne doit pas dépasser quatre heures, cette durée ayant été fixée par la conférence des présidents, avec l’accord de M. Frimat.
La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.
M. Thierry Repentin. Il faut effectivement recentrer l’intérêt de l’amendement de notre collègue, qui ne vise absolument pas les investissements défiscalisés dans le logement locatif sur le territoire national,…
M. Thierry Repentin. … mais les résidences de tourisme…
M. Dominique Braye, rapporteur. Non !
M. Thierry Repentin. Or vous n’avez pas répondu à ce sujet.
J’attire votre attention sur le fait que ce débat a eu lieu la semaine dernière lors de l’examen du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale.
Dans nos territoires de montagne – je peux en attester en tant que sénateur du département de la Savoie –, mais c’est vrai aussi dans les zones touristiques du littoral, notamment au Pays basque, aujourd’hui un certain nombre d’opérations immobilières sont tout simplement arrêtées. En effet, on a fait miroiter à des particuliers qu’en investissant dans des locations saisonnières dans des zones touristiques attractives ils percevraient un bon rendement. Malheureusement, celui-ci n’est pas au rendez-vous car ces produits se sont multipliés et plusieurs sociétés qui portaient ces investissements ont déposé leur bilan.
En montagne comme sur le littoral, des chantiers sont arrêtés depuis plusieurs mois car les constructeurs ont mis la clé sous la porte.
L’Assemblée nationale a voté en catastrophe une disposition permettant à ceux qui avaient investi de créer – la loi ne le prévoyait pas – une SCI pour tenter d’aller au bout du chantier et de gérer eux-mêmes leurs biens alors qu’ils étaient passés par un soi-disant « professionnel » pour réaliser cet investissement.
Cela montre qu’il y a bien un vrai problème.
L’intérêt de l’amendement de notre collègue François Fortassin est double : d’une part, il vise à limiter les risques pour les ménages qui se laissent abuser par des publicités leur laissant penser qu’en investissant sur le littoral ou en montagne ils tireront un bon revenu de leur location saisonnière.
D’autre part, il tend à répondre à un appel répété sans cesse dans cet hémicycle par M. Marini pour limiter les niches fiscales qui ne produisent pas d’activité économique dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Raymonde Le Texier. Bien sûr !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. L’amendement de M. Fortassin concerne d’autres dispositifs d’investissement locatif, mais il concerne également le dispositif Scellier, cela figure dans l’exposé des motifs. Il y a certes de l’investissement locatif en montagne, dont acte, mais le dispositif Scellier représente en volume la majeure partie des quatre dispositifs que vous proposez de supprimer et il est bien visé dans le III de votre amendement.
M. François Fortassin. Je peux déposer un sous-amendement. (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Braye, rapporteur. Je ne peux pas laisser dire que nous n’avons pas répondu à la question posée. Nous n’avons pas répondu à l’exposé des motifs, certes, mais nous avons répondu à l’amendement, ce qui me paraît le plus important. D’ailleurs, mes chers collègues, je vous ferai remarquer que, pour la clarté du débat, il serait préférable que les exposés des motifs correspondent bien à la rédaction des amendements.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 77 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 335 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 168 |
Pour l’adoption | 152 |
Contre | 183 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Article 1er
Au titre IV du livre II de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales il est inséré un chapitre IV ainsi rédigé :
« CHAPITRE IV : Déclaration de logements en état de vacance anormalement longue
« Art. L. 2244–1. – Lorsque dans une commune, un ou plusieurs logements vacants situés dans un même immeuble et appartenant aux mêmes propriétaires ou titulaires de droits réels sont assujettis à l’une ou l’autre des taxes visées aux articles 232 et 1407 bis du code général des impôts pendant au moins trois années consécutives, le maire peut engager la procédure de déclaration du ou des logements concernés en état de vacance anormalement longue.
« La procédure de déclaration de logements en état de vacance anormalement longue ne peut être mise en œuvre qu’à l’intérieur des parties actuellement urbanisées de la commune.
« Art. L. 2244–2. – Le maire constate, par procès-verbal provisoire, la vacance anormalement longue d’un logement, après qu’il a été procédé à la détermination de celui-ci ainsi qu’à la recherche des propriétaires, des titulaires de droits réels et des autres intéressés.
« Le procès-verbal provisoire de vacance est affiché pendant trois mois à la mairie de la commune, ou à Paris, Marseille et Lyon, de l’arrondissement où est situé l’immeuble ainsi que par affichage sur la façade de l’immeuble. Il fait l’objet d’une insertion dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le département. En outre, le procès-verbal provisoire de vacance anormalement longue est notifié aux propriétaires, aux titulaires de droits réels et aux autres intéressés tels qu’ils figurent au fichier immobilier et qui sont invités à présenter leurs observations dans un délai de deux mois. Si l’un des propriétaires, titulaires de droits réels ou autres intéressés, n’a pu être identifié ou si son domicile n’est pas connu, la notification le concernant est valablement effectuée par affichage à la mairie de la commune ou, à Paris, Marseille et Lyon, de l’arrondissement où est situé l’immeuble ainsi que par affichage sur la façade de l’immeuble.
« Art. L. 2244–3. – À l’issue d’un délai de trois mois à compter de l’exécution des mesures de publicité et des notifications prévues à l’article L. 2244-2, si les propriétaires ne se sont pas fait connaître, n’ont pas mis fin à l’état de vacance ou n’ont pas manifesté leur intention d’y mettre fin dans un délai fixé en accord avec le maire, celui-ci constate par un procès-verbal définitif l’état de vacance anormalement longue de l’immeuble. Ce procès-verbal est tenu à la disposition du public pendant un délai de trois mois. À l’issue de ce délai, le maire déclare par arrêté l’état de vacance du bien immeuble.
« Lorsque les propriétaires n’ont pas mis fin à l’état de vacance dans le délai convenu conformément au premier alinéa, la procédure peut être reprise. À son terme, le procès-verbal définitif intervient.
« Art. L. 2244–4. – Le maire saisit le conseil municipal qui l’autorise à poursuivre l’expropriation des logements ayant fait l’objet de l’arrêté de vacance anormalement longue au profit de la commune, d’un organisme y ayant vocation ou d’un concessionnaire d’une opération d’aménagement visé à l’article L. 300-4 du code de l’urbanisme, en vue de la construction ou de la transformation en logement social.
« L’expropriation est poursuivie dans les conditions prévues par le présent article.
« Le maire constitue un dossier présentant le projet simplifié d’acquisition publique, qui est mis à la disposition du public appelé à formuler ses observations dans des conditions précisées par la délibération du conseil municipal.
« Par dérogation aux dispositions du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, le représentant de l’État dans le département, dans un délai de trois mois à date de réception du dossier :
« - déclare d’utilité publique le projet visé à l’article L. 2243-3 et détermine la liste des immeubles ou parties d’immeubles, des parcelles ou des droits réels immobiliers à exproprier ;
« - déclare cessibles lesdits immeubles, parties d’immeubles, parcelles ou droits réels immobiliers concernés ;
« - fixe le montant de l’indemnité provisionnelle allouée aux propriétaires ou titulaires de droits réels immobiliers, cette indemnité ne pouvant être inférieure à l’évaluation effectuée par le service chargé des domaines ;
« - fixe la date à laquelle il pourra être pris possession des biens après paiement ou, en cas d’obstacle au paiement, après consignation de l’indemnité provisionnelle. Cette date doit être postérieure d’au moins deux mois à la publication de l’arrêté déclaratif d’utilité publique. Cet arrêté est publié au recueil des actes administratifs du département et affiché à la mairie du lieu de situation des biens. Il est notifié aux propriétaires et aux titulaires de droits réels immobiliers.
« L’ordonnance d’expropriation ou la cession amiable consentie après l’intervention de l’arrêté prévu au présent article produit les effets visés à l’article L. 12-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique.
« Les modalités de transfert de propriété des immeubles ou de droits réels immobilier et d’indemnisation des propriétaires sont soumises aux dispositions du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique. »
M. le président. La parole est à M. Robert Navarro, sur l'article.
M. Robert Navarro. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le mal-logement est un phénomène encore trop répandu en France. Le rapport publié par la Fondation Abbé Pierre évalue à 7 millions de personnes la population en situation de précarité, soit 13 % de la population.
Pourtant, depuis 2002, le Gouvernement a réduit le budget consacré à ce secteur. Et dans le même temps, la contribution des collectivités territoriales n’a cessé d’augmenter : elle a été multipliée par deux entre 2003 et 2006 pour atteindre 959 millions d’euros.
Ces précisions sont importantes dans une période où le Président de la République et le Gouvernement entretiennent le trouble sur les dépenses des collectivités et, qu’on le veuille ou non, les débats sont liés.
Alors que le Gouvernement multiplie les discours sur la sortie de crise, on sait que le chômage va encore progresser, après l’augmentation de 18 % depuis un an.
Par conséquent, la situation exige une réponse urgente et concrète anticipant les difficultés qui vont surgir en 2010 et 2011.
C’est tout l’objet de cette proposition de loi, en particulier de l’article 1er, dans lequel nous proposons de mettre fin à un phénomène pervers dans les grandes villes : la vacance anormalement longue dont la cause réside dans les objectifs uniquement spéculatifs des grands propriétaires.
Au bout de cinq ans de vacance injustifiée, les logements devraient pouvoir être expropriés en vue de la réalisation de logements sociaux. C’est aux maires que nous devons donner la possibilité de constater la vacance anormalement longue d’un logement.
Avec l’ensemble du conseil municipal, il doit pouvoir procéder à l’expropriation – dûment encadrée – en vue de la construction ou de la transformation en logement social des biens vacants.
Cette menace, véritable épée de Damoclès, entraînerait de facto le retour sur le marché de nombreux biens, simplifiant ainsi en partie l’accès au logement pour tous. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. Cet article vise à mettre en place un dispositif permettant l’expropriation des logements laissés vacants pour des raisons manifestement spéculatives pendant plus de cinq ans, et ce au profit des communes, à fin de transformation en logements sociaux. Nous avons appelé cela la « vacance passive ».
Ce dispositif s’inspire de la procédure d’expropriation pour abandon manifeste, créée par les socialistes en 1998, dans le cadre de la loi de lutte contre les exclusions.
La procédure pourrait être activée sur l’appréciation du maire, qui la lancerait dans le cadre de la poursuite des objectifs fixés par le programme local de l’habitat. Le but est en effet d’augmenter le parc de logements utiles aux ménages.
Couplée avec le doublement de la taxe sur la vacance que nous proposons par ailleurs, cette procédure permettra une remise sur le marché locatif de logements laissés vides par défaut d’attention, ou par manque de volonté, par exemple de la part de propriétaires indivis.
Mais ce n’est pas là le moindre de ses intérêts. Cet article se présente aussi dans une certaine mesure comme un rappel à l’ordre des propriétaires qui feraient preuve de mauvaise volonté. Ce n’est pas, comme vous nous le faites croire, une menace contre tous les propriétaires.
Par exemple, dans certains cas de vacances liés au régime d’indivision, notre outil pourrait être utile car, aujourd’hui, seule la procédure de péril permet de régler ce problème. Mais quand des logements en bon état sont laissés vacants parfois plus de dix ans, le maire n’a malheureusement que ses yeux pour pleurer face à son incapacité à résoudre le problème.
Partout dans les grandes villes il existe désormais des aides permettant aux propriétaires d’être accompagnés dans leurs démarches de réhabilitation et de remise sur le marché locatif, comme les aides prévues dans le cadre de Solibail.
Ne serait-ce qu’à Paris, l’institut d’aménagement et d’urbanisme d’Île-de-France recense, dans une étude publiée en octobre, 109 273 logements vacants, soit 8,3 % du parc. Seuls 12 000 propriétaires paient la taxe sur les logements vacants. Cela représente tout de même un vivier important de logements, que la mairie tente de mobiliser grâce au dispositif « Louer solidaire ». En 2009, cinq cents propriétaires avaient adhéré au dispositif, ce qui démontre, s’il en était besoin, l’utilité de fortes incitations
Soulignons enfin que le dispositif offre plusieurs possibilités au propriétaire de se manifester au cours de la procédure, s’il souhaite garder la maîtrise de son bien. Le maire peut quant à lui mettre fin au processus à tout moment.
Ce dispositif ne va donc pas à l’encontre du droit de propriété. C’est au contraire un nouvel outil permettant de lutter contre la vacance passive qui conduit à laisser un certain nombre de personnes sans logement et constitue, compte tenu de la lourdeur de la crise actuelle, un véritable abus de droit dans notre pays.
Il me paraît donc opportun de voter cet article 1er. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)