M. Guy Fischer. Alors, monsieur Vasselle, que faites-vous pour les grands agriculteurs de l’Oise ? (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Mme Jacqueline Alquier. Il est particulièrement choquant, voire indécent, de laisser les retraités d’un secteur qui subit une crise sans précédent vivre avec des revenus si faibles, inférieurs au minimum vieillesse.
N’est-il pas indécent qu’il faille déposer des amendements pour obtenir que les pensions de retraite des non-salariés agricoles atteignent 791 euros par mois pour les chefs d’exploitation, et 628 euros pour leurs conjoints en 2012 ? N’est-il pas indécent qu’il faille déposer des amendements pour que la retraite des agriculteurs non salariés ayant eu une carrière complète atteigne 85 % du SMIC en 2012 ?
Injustice, imprévoyance et inefficacité qualifient ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, que nous ne pourrons voter en l’état. Nous réclamons une réforme structurelle du financement de notre système de santé, afin que puisse être préservé le bien commun, pour nous et pour les générations à venir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, mon intervention portera sur le régime spécial des retraites des femmes salariées ayant élevé des enfants, aujourd’hui remis en cause par le Gouvernement au motif qu’il serait discriminatoire envers les hommes.
La majoration de durée d’assurance, la MDA, permet aux femmes salariées de gagner un trimestre de cotisations de retraite à la naissance, à la prise en charge ou à l’adoption de l’enfant. Un trimestre complémentaire de cotisations de retraite est accordé à chaque trimestre anniversaire de l’enfant, jusqu’à l’âge de seize ans, dans la limite de sept trimestres au maximum.
Ainsi, depuis 1971, la MDA est prise en compte dans le calcul de la retraite des femmes au titre de l’incidence de la maternité et de l’éducation des enfants sur leur vie professionnelle, mais aussi de l’insuffisance de leur pension de retraite, liée aux discriminations qu’elles subissent tout au long de leur vie professionnelle, que ce soit en matière de salaire ou de déroulement de carrière.
En effet, les femmes gagnent en moyenne 24 % de moins que les hommes et, à compétences égales, leur salaire est inférieur de 7 % à celui des hommes. En outre, elles sont plus souvent victimes du chômage et du temps partiel subi. Tous ces facteurs ont une incidence sur le montant de leur pension de retraite.
La MDA est donc pour les femmes la juste compensation d’un parcours inégalitaire dans le monde du travail, compensation du reste bien insuffisante, puisque, actuellement, 83 % des femmes retraitées perçoivent une pension d’un montant plus faible que celui du minimum vieillesse et inférieure, en moyenne, de 38 % à celle des hommes.
Remettre en cause cette majoration constitue un recul que nous ne pouvons accepter, d’autant qu’il n’y a pas urgence.
La Cour de cassation et la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, se sont certes exprimées, mais, avant elles, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 14 août 2003 sur la réforme des retraites, avait admis l’attribution aux mères d’avantages sociaux liés à l’éducation des enfants afin de prendre en compte les inégalités de fait dont les femmes ont jusqu’à présent été l’objet. Aux dernières nouvelles, une décision du Conseil constitutionnel s’impose à la Cour de cassation, qui, de plus, pourrait opérer ultérieurement un revirement de jurisprudence.
Il eût été préférable d’agir contre les injustices et les discriminations que subissent les femmes sur le marché du travail : tout d’abord, en instaurant des sanctions à l’encontre des entreprises qui ne respectent pas la loi du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes –mais on nous dit qu’une septième loi est en préparation et va apporter la solution : soyons optimistes ! (Sourires.) ; ensuite, en permettant l’accession des femmes aux postes de responsabilité, ce qui représente aussi un atout économique, selon des études qui se multiplient, les firmes dont le taux d’encadrement féminin est supérieur à 35 % voyant leur chiffre d’affaires progresser davantage que les autres ; enfin, en favorisant l’emploi des femmes grâce au développement de modes de garde des enfants performants.
Pour l’heure, nous constatons encore que, dans le secteur privé, les trois quarts des employeurs préfèrent, à salaire égal, embaucher un homme plutôt qu’une femme, à cause des congés de maternité puis des congés parentaux, ce qui est inacceptable !
Au lieu d’adopter une telle attitude volontariste, le Gouvernement nous propose un dispositif complexe, visant à ajouter trente alinéas à l’article L. 351-4 du code de la sécurité sociale, qui n’en comptait qu’un seul : cette « usine à gaz » soulève beaucoup de questions.
Ainsi, dorénavant, une première majoration de durée d’assurance de quatre trimestres sera attribuée aux femmes, pour chacun de leurs enfants, au titre de l’incidence sur leur vie professionnelle de la maternité, notamment de la grossesse et de l’accouchement. Une seconde majoration de quatre trimestres sera instituée au bénéfice du père ou de la mère, au titre de l’éducation de l’enfant pendant les trois années suivant sa naissance ou son adoption, après entente entre les deux parents.
Cependant, que se passera-t-il en cas de désaccord, fort probable si les parents se séparent ou divorcent ? L’article 38 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, dans sa version initiale, précise que, en pareil cas, « la caisse désigne celui des parents qui établit avoir contribué titre principal à l’éducation de l’enfant pendant la période la plus longue ou, à défaut, décide que la majoration sera partagée par moitié entre les deux parents ».
Laisser le choix de l’attribution de cette majoration à un tiers peut créer des tensions au sein du couple, et les situations où l’autonomie des femmes n’est pas garantie ne permettront pas réellement de parvenir à un libre accord entre conjoints. En cas de désaccord, il y aura donc partage, lequel aboutira à diminuer l’avantage accordé aux femmes par rapport à ce que prévoit la législation actuelle. Encore une fois, les femmes seront pénalisées !
À l’heure où les inégalités perdurent sur le marché du travail, où le Secours catholique souligne la grande précarité des femmes, premières victimes de la crise, s’attaquer à la retraite des femmes est, je le répète, inacceptable ! Il n’y a aucune urgence à remettre en cause le dispositif actuel : attendons le projet de loi sur les retraites pour en discuter. Pour l’instant, maintenons-le ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, ministre.
M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser Mme Bachelot-Narquin, qui a dû s’absenter momentanément pour participer à une réunion, mais qui répondra aux questions qui lui ont été adressées à l’occasion de la discussion de l’une des trois motions de procédure.
Je voudrais remercier les intervenants de leurs contributions très riches et pertinentes. Sur beaucoup de sujets abordés, j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer dans mon propos liminaire, mais je souhaite revenir sur certains aspects financiers.
S’agissant des perspectives pluriannuelles de la sécurité sociale, vous avez indiqué, monsieur le rapporteur général, que vous considériez que nos prévisions étaient volontaristes, voire optimistes. Ces épithètes me paraissent plutôt positives, mais d’autres orateurs, tels MM. Jégou et Fischer, ont parlé d’« insincérité ».
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. J’ai parlé d’« irréalisme » !
M. Éric Woerth, ministre. Soit ! M. About, quant à lui, a jugé nos prévisions quelque peu exagérées.
Certes, on peut gloser indéfiniment sur des prévisions économiques, mais je suis persuadé, pour ma part, que les nôtres sont tout à fait crédibles. L’avenir rendra son verdict, comme toujours. En tout état de cause, le rôle du Gouvernement n’est pas d’afficher un pessimisme absolu, de tout peindre en noir, ou à l’inverse en blanc lumineux ! Nous avons essayé de trouver un équilibre.
Ainsi, pour 2010, nous avons construit le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale sur une hypothèse de croissance de 0,75 %, aujourd’hui dépassée puisque les dernières prévisions de croissance de la Commission européenne s’établissent à 1,2 % pour la France, certains économistes – dont ceux du FMI – annonçant même un taux supérieur. Nos prévisions ne sont donc pas totalement décorrélées de la réalité : elles sous-estiment peut-être même ce que sera le taux de croissance en 2010, le Premier ministre ayant déclaré avant-hier qu’il se situerait plutôt entre 1 % et 1,5 %.
Quoi qu’il en soit, nous avons construit les budgets de l’État et de la sécurité sociale sur l’hypothèse d’un taux de croissance de 0,75 %. Il est d’ailleurs assez difficile d’en tirer des conséquences immédiates en termes de recettes, car nous ne connaissons pas toujours leur élasticité dans une période aussi agitée que celle que nous vivons. Nous avons pu observer, avec la récession, une chute des recettes supérieure à la baisse du PIB ; nous pouvons espérer que, avec la reprise, l’élastique remontera rapidement ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Mais il ne remonte jamais plus haut que le point de départ !
M. Éric Woerth, ministre. Il ne faut pas non plus heurter le tablier du pont ! (Nouveaux sourires.) Cela étant, j’aimerais que nous remontions tout de suite au niveau de 2008, mais ce ne sera peut-être pas le cas.
En ce qui concerne le ressaut de la masse salariale, nous avons affiché une prévision de 5 % pour l’année 2011.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. C’est hardi !
M. Éric Woerth, ministre. On peut contester ce chiffre, mais reconnaissez au moins que nous mettons tous les éléments de la discussion sur la table, en toute transparence. Sur la période allant de 1997 à 2008, la masse salariale a progressé chaque année de 4,1 % en moyenne ; nous affichons donc un taux légèrement supérieur pour l’avenir, mais nous considérons que la récession est terminée et que la reprise s’est définitivement installée dans le paysage économique. Nous verrons bien ce qu’il en sera, mais telle est notre conviction. D’ailleurs, monsieur About, une progression de 5 % de la masse salariale ne représente en fait qu’une hausse de 2,6 % par rapport à la masse salariale de 2008, compte tenu des fortes baisses attendues en 2009 et en 2010. Notre hypothèse d’évolution de la masse salariale nous paraît donc crédible, d’autant que, parallèlement, le PIB progresserait quant à lui d’environ 5 % en valeur entre 2008 et 2011.
Cependant, même avec une croissance de la masse salariale de 5 % et une évolution de l’ONDAM de 3 %, le déficit ne se réduit que très peu. Telle est la vérité que nous devons affronter dans ce domaine très particulier des finances sociales. Cela nous montre, comme l’ont très bien expliqué MM. Milon, Jégou et About, que nous devrons faire porter nos efforts sur les réformes structurelles pour réduire les dépenses, si nous voulons ramener le déficit à un niveau soutenable. En 2011, nous ne pourrons pas poursuivre dans la voie que nous avons suivie jusqu’à présent si nous sommes alors parvenus à sortir de la crise, ce qui est pour l’heure notre objectif : ne confondons pas les choses.
En ce qui concerne la dette sociale, monsieur le rapporteur général, les débats sont animés et pas toujours consensuels, compte tenu des niveaux de déficit et des circonstances actuels, et c’est bien naturel. Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai entendu les préoccupations que vous avez exprimées et je comprends vos inquiétudes, mais le Gouvernement ne peut pas prendre le risque d’accroître les prélèvements obligatoires en temps de crise. Je le dis à l’adresse de MM. Lardeux et Barbier, ni la contribution au remboursement de la dette sociale, la CRDS, ni la contribution sociale généralisée, la CSG, ne peuvent être augmentées sans que cela nuise à la sortie de crise.
Nous le voyons aujourd’hui plus que jamais : les recettes de la sécurité sociale dépendent de la croissance et de l’emploi, pas de l’augmentation des taux de cotisation. Si nous prenions le risque de peser sur l’emploi, la sécurité sociale connaîtrait automatiquement une baisse de ses recettes, et donc une hausse de ses déficits.
Certes, je comprends que l’on puisse avoir la tentation d’augmenter le taux de la CRDS pour essayer d’absorber 20 milliards d’euros de déficit, mais le signal envoyé à la société française serait très négatif, même si l’effort ne représente que quelques euros par contributeur.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. De toute façon, vous devrez le faire !
M. Éric Woerth, ministre. Je proposerai, au premier semestre de l’année prochaine, de mettre en place un groupe de travail réunissant des parlementaires experts en ces questions, qui étudiera avec nous quel train de mesures nous pourrions être amenés à prendre en 2011, en fonction de l’évolution de la situation économique, pour régler le problème de la dette de la sécurité sociale. Notre aurons alors une vision plus claire des perspectives économiques : pour l’heure, il ne faut pas casser la machine avant même qu’elle ait redémarré, et le moment n’est pas encore venu d’arrêter des solutions pérennes.
Monsieur Barbier, nous n’augmenterons donc pas les impôts et nous ne toucherons pas au bouclier fiscal. Si nous ouvrions une brèche, même pour la CRDS, nous risquerions de rompre la confiance qui commence à renaître parmi les investisseurs quant à l’attractivité de la France. Nous ne sommes d’ailleurs pas plus endettés, dette sociale comprise, que la plupart des autres pays de l’OCDE ou de l’Union européenne ; au contraire, nous le sommes même plutôt moins. Les investisseurs internationaux croient en la France, qui se voit décerner des notes excellentes par les agences spécialisées, au même titre que l’Allemagne : nous ne pouvons pas, aujourd’hui, prendre le risque de brouiller cette image positive.
Bien évidemment, ces sujets offrent matière à débat, mais nous assumons nos décisions et prenons nos responsabilités. C’est peut-être la voie de la sagesse, en tout cas c’est celle de la raison.
Dans l’immédiat, je veux vous rassurer sur la gestion des déficits par l’ACOSS, dont MM. Lardeux et Jégou se sont inquiétés. Les emprunts contractés par l’ACOSS sont bien des emprunts de court terme, d’une durée inférieure à un an. Par ailleurs, nous veillons bien à éviter tous les risques opérationnels. En premier lieu, 31 milliards d’euros sont garantis par la Caisse des dépôts et consignations, dont 20 milliards d’euros sous la forme d’un prêt d’une durée d’un an qui pourra être financé à taux fixe. Ce nouvel instrument permettra à l’ACOSS de se prémunir contre une variation brutale des taux pour une partie importante de ses besoins. La convention de prêt doit être signée dans le courant du mois de novembre. En second lieu, l’ensemble du back office des euro commercial papers sera assuré par l’Agence France Trésor, qui dispose de la compétence requise. Enfin, pour les billets de trésorerie et les euro commercial papers, l’ACOSS a prévu des lignes de back-up auprès des banques en cas d’éventuelles défaillances.
S’agissant des taux d’intérêt, selon le consensus du marché publié en septembre dernier, les taux à trois mois devraient augmenter, pour atteindre 1,3 % à fin de septembre 2010.
Par précaution, dans les comptes du régime général, les charges financières de l’ACOSS ont été calculées sur la base d’un taux Eonia de 1,3 % sur toute l’année, ce qui représente 700 millions d’euros de frais financiers au total. Dans ces conditions, et compte tenu des hypothèses prudentes du Gouvernement, il est très peu probable qu’une hausse des taux d’intérêt porte les frais financiers de l’ACOSS au-delà du montant anticipé dans le PLFSS. Nous avons donc bien intégré une évolution des taux dans nos prévisions.
Au-delà de l’année 2010, une fois que nous serons sortis de la crise, comme nous l’espérons tous, nous devrons avoir ensemble un débat sur la manière de traiter au mieux la dette sociale. Nous avons bien évidemment des idées ; vous en avez également, mesdames, messieurs les sénateurs, qui ne se résument pas à une pure et simple augmentation de la CRDS. Je fais miennes un certain nombre des analyses développées par MM. Vasselle, Jégou et About. Nous devrons nous réunir, par exemple dans le cadre de la préparation du PLFSS pour 2011, afin de discuter à froid, et non en pleine crise économique, des moyens de lutter, à long terme, contre la dette de la sécurité sociale, sachant que, pour 2010, nous disposons d’une solution, certes transitoire mais néanmoins solide et sérieuse. En tout état de cause, je ne crois pas qu’il y ait de voie unique.
Je voudrais maintenant évoquer brièvement les niches sociales, sujet sur lequel nous reviendrons au cours des débats.
Je reconnais, monsieur le rapporteur général, que vous avez souvent été en avance sur le Gouvernement en matière de suppression de niches sociales, qu’il s’agisse des stock-options ou du forfait social, et nous étudions toujours vos suggestions avec beaucoup d’attention. Cependant, il faut parfois laisser mûrir les idées.
Certes, il faut réduire les niches sociales pour améliorer l’équité et la cohérence de notre système de prélèvements sociaux, et je crois que c’est très clairement ce que nous faisons cette année.
Cela étant, nous sommes attentifs à ne pas peser sur l’emploi. Je sais, monsieur Dassault, que c’est également votre priorité, mais il n’y a pas d’assiette miracle. Votre argumentation est très approfondie et constante, et ce n’est pas la première fois que vous proposez de modifier l’assiette des cotisations sociales en remplaçant la masse salariale par le chiffre d’affaires diminué de la masse salariale. Chaque assiette pose une série de difficultés, et en changer se traduirait inévitablement par des transferts de charges entre secteurs économiques et entre entreprises. Vous savez, monsieur le sénateur, que votre proposition a déjà fait l’objet d’expertises techniques et de discussions approfondies avec les partenaires sociaux, notamment en 2006. À l’époque, les conclusions étaient réservées, mais je tiens bien évidemment compte des convictions que vous exprimez avec opiniâtreté.
Tels sont les éléments que je souhaitais apporter en réponse à vos interventions, mesdames, messieurs les sénateurs.
Je tenais à retracer les perspectives et à vous montrer que le Gouvernement n’est pas insensible à vos propos. Nous sommes tout à fait lucides et conscients de la situation. Je suis d’ailleurs plus préoccupé par les finances de la sécurité sociale que par celles de l’État, car il s’agit à mon sens d’un sujet plus complexe, plus difficile, exigeant encore plus de rigueur et de profondeur d’analyse.
Je sais bien qu’en politique, on prétend toujours que ce n’est pas le moment, qu’il ne faut pas prendre de décisions prématurées, et je ne voudrais pas recourir à de tels arguments – même si cela m’arrivera peut-être, à l’occasion… (Sourires.) Néanmoins, je pense sincèrement, profondément, que la sortie de crise est tellement fragile, tellement compliquée, que la seule priorité du Gouvernement doit être de l’accompagner. La France ne pourra pas s’en sortir si on n’ancre pas à nouveau solidement son économie dans un rythme de croissance au moins comparable à celui de ses principaux partenaires, sinon plus rapide. Pourquoi n’en irait-il pas ainsi, puisque la récession a été moins forte chez nous que chez eux ? Obtenir ce résultat exige que l’on mette en œuvre des réformes structurelles et que l’on n’éteigne pas le feu économique qui est en train de renaître. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Xavier Darcos, ministre.
M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais à mon tour apporter des éléments de réponse à vos interventions, en laissant le soin à Mmes Nadine Morano et Nora Berra de compléter mes propos sur les sujets relevant de leurs compétences spécifiques.
S’agissant tout d’abord des retraites, je voudrais dire d’emblée à Mmes André, Panis et Printz que le Gouvernement s’est attaché à sauver le dispositif des majorations de durée d’assurance, qui était menacé par une décision judiciaire. On ne saurait prétendre que, dans cette affaire, j’étais animé par la volonté de le remettre en cause ; bien au contraire.
La solution que nous avons retenue découle en partie des propositions constructives que la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes et son homologue de l’Assemblée nationale avaient formulées.
En outre, nous avons cherché à donner aux femmes les moyens de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle, notamment en créant 200 000 offres de garde supplémentaires à l’échéance de 2012. Mme Morano et moi-même avons agi de manière très énergique contre les inégalités salariales entre les hommes et les femmes. Nous avons pris nos responsabilités devant ce qui reste un scandale et envisageons de déposer un projet de loi sur ce thème. Je rappelle que la France se classe à la 116ème place mondiale en matière d’égalité salariale entre les hommes et les femmes. Il n’y a pas de quoi pavoiser !
Je voudrais à présent répondre aux questions de M. Leclerc portant sur la situation financière de la branche retraite.
Bien évidemment, je partage l’ensemble des préoccupations qui se sont exprimées, au sein de la Haute Assemblée, au sujet de l’avenir des régimes de retraite. Notre action s’inscrit dans la ligne définie par le Président de la République devant le Congrès, le 22 juin dernier.
Nous faisons nôtres les objectifs que vous avez mentionnés s’agissant de l’avenir de la branche vieillesse, monsieur Leclerc.
Ainsi, nous devrons travailler plus longtemps. C’est la conséquence directe de l’allongement de l’espérance de vie, qui est de six ans par rapport à 1980. Nous devrons également renforcer l’équité de nos régimes de retraite, en poursuivant la mise en œuvre de l’engagement que nous avons pris, à savoir mettre les assurés sur un pied d’égalité.
Par ailleurs, M. Alain Vasselle a souligné à juste titre que le rendez-vous concernant l’avenir de nos régimes de retraite offrirait peut-être aussi l’occasion d’assurer la soutenabilité à long terme de la branche vieillesse. Je souscris bien évidemment à cet objectif.
À cet égard, M. About a formulé des propositions. Il a notamment évoqué l’idée de l’instauration d’un régime de retraite par points, système qu’il estime plus lisible et plus respectueux de l’effort contributif de chacun. C’est une piste à explorer, d’autant que cette proposition a déjà été transmise au Conseil d’orientation des retraites, le COR, qui s’exprimera sur ce sujet au début de l’année prochaine.
Je voudrais maintenant réagir aux interventions des sénatrices et sénateurs de l’opposition, qui se sont indignés des déficits de la sécurité sociale tout en réclamant dans le même temps, sur un mode incantatoire, de nombreuses dépenses nouvelles. On ne peut, à la fois, dénoncer les déficits et suggérer des dépenses supplémentaires !
Je rappelle notamment, à l’adresse en particulier de Mme Demontès et de M. Cazeau, que l’opposition a refusé de voter un certain nombre de mesures proposées par le Gouvernement, telles que la revalorisation de 25 % du minimum vieillesse, dont bénéficient 400 000 de nos concitoyens, celle de la pension de réversion pour 600 000 veuves aux revenus modestes ou celle des pensions de retraite agricoles, qui profite à 100 000 anciens agriculteurs.
M. Lardeux, quant à lui, a évoqué la réforme des régimes spéciaux de retraite. Je voudrais lui rappeler que cette réforme a permis, comme le Président de la République s’y était engagé, de faire converger les principaux paramètres des régimes spéciaux avec ceux du régime de la fonction publique : passage de trente-sept ans et demi à quarante ans, puis à quarante et un ans, de la durée d’assurance pour bénéficier d’une retraite à taux plein ; indexation des pensions sur les prix ; introduction d’une décote et d’une surcote ; suppression des bonifications pour les nouveaux recrutements ; suppression des « clauses couperets »… Vous le voyez, monsieur Lardeux, de grands pas ont été accomplis !
En outre, cette réforme a déjà une incidence financière, puisqu’elle engendrera 500 millions d’euros de gains cumulés à l’horizon de 2012, puis 500 millions d’euros d’économies en moyenne par an. Il s’agit donc d’une réforme importante.
En ce qui concerne la branche accidents du travail et maladies professionnelles, je salue, comme M. Dériot, la baisse des accidents mortels ou ayant entraîné des incapacités permanentes. Il est exact que nous devons rester extrêmement vigilants, c’est pourquoi nous allons présenter, avant la fin de l’année, un nouveau plan concernant la santé au travail, qui prendra en compte une grande partie des préoccupations qui ont été formulées. D’ores et déjà, les troubles musculo-squelettiques sont particulièrement visés dans la convention d’objectifs et de gestion qui a été signée au titre de la période 2009-2012.
Je partage les regrets, bien légitimes, que plusieurs d’entre vous ont exprimés quant à l’échec des négociations sur la médecine du travail. Cette situation est extrêmement fâcheuse, mais le Gouvernement entend reprendre ce dossier en main, en s’inspirant du contenu des sept séances de travail qui ont été organisées pendant les négociations, clôturées au mois de septembre. Je m’exprimerai sur ce sujet devant le Conseil d’orientation sur les conditions de travail, le COCT, dans les semaines qui viennent.
Je terminerai mon intervention en évoquant brièvement le cinquième risque, sujet sur lequel Mme Berra pourra revenir.
Plusieurs d’entre vous, en particulier Mme Desmarescaux, MM. Milon et Cazeau, ont souhaité connaître les intentions du Gouvernement en la matière. Nous nous inspirerons des travaux de la mission commune d’information sur la prise en charge de la dépendance et la création du cinquième risque dirigée par MM. Marini et Vasselle. Le rapport d’étape de cette mission contient des propositions très intéressantes et constituera un des fondements de la réflexion.
Si la crise a imposé de retarder la réponse des pouvoirs publics, ce chantier est à l’ordre du jour. Nous allons mettre en place des financements pérennes et innovants, reposant sur trois principes.
Le premier est la solidarité nationale. Il faut affermir le socle élevé de solidarité nationale qui finance aujourd’hui la dépendance. C’est un effort de plus de 20 milliards d’euros par an que fait aujourd’hui la collectivité ; il faut le consolider.
Le deuxième principe est la responsabilité individuelle. La dépendance est un risque assurable. Il nous faut réfléchir à des partenariats entre secteur public et privé, avec des organismes de prévoyance.
Le troisième principe est la solidarité familiale. Il faudra sans doute engager un débat sur la mobilisation du patrimoine des familles.
Le débat est ouvert sur ces sujets, sachant qu’il n’y a pas de solution miracle.
D’autres questions ont été posées sur la famille, notamment par M. Lardeux, et sur la politique du handicap, auxquelles je laisse à Mme Morano le soin de répondre. Mme Berra apportera, quant à elle, des précisions sur les sujets concernant les personnes âgées, notamment sur l’APA, qui préoccupe beaucoup les départements. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)