Mme Annie David. Oui, c’est indécent !
M. Gilbert Barbier. Les allégements de charges sociales, dont on peine à percevoir l’efficacité sur le niveau d’emploi, pourraient également offrir des marges de manœuvre. Je regrette que le Gouvernement n’ait pas cru bon d’y toucher ou de mieux les cibler. M. le rapporteur de la commission des affaires sociales propose d’ouvrir ce débat, et je m’en félicite. Examinons posément les incidences de ces mesures disparates et coûteuses.
Enfin, il nous faut mobiliser de nouvelles ressources. Vous nous proposez, cette année, une réforme du dispositif des retraites chapeaux et le doublement du forfait social. Pour ma part, je pense qu’il faut aller plus loin, en envisageant une hausse des prélèvements. Je sais que cette question est taboue, particulièrement en ces temps de crise, mais si nous ne la traitons pas frontalement, nous n’aboutirons jamais qu’à de fausses solutions.
M. Vasselle propose une augmentation modeste de la contribution au remboursement de la dette sociale, la CRDS, à hauteur de 0,15 %. J’ai moi-même déposé un amendement en ce sens, tendant à fixer un taux de progression légèrement supérieur, de 0,20 %, qui ne me paraît pas irréaliste, mais je me rangerai volontiers à la position de M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales.
Cependant, je proposerai que cette modeste augmentation soit exclue du bouclier fiscal.
Mme Annie David. Très bien !
M. Gilbert Barbier. C’est une question d’efficacité financière et d’équité sociale.
Mme Éliane Assassi. Très bien !
M. Gilbert Barbier. On ne peut demander aux seuls titulaires de revenus modestes ou moyens d’apporter une contribution supplémentaire au règlement de la dette !
M. Guy Fischer. Très bien, monsieur Barbier !
M. Gilbert Barbier. De plus, retenir cette proposition ne romprait pas l’engagement du Président de la République relatif au bouclier fiscal, fondé sur des taux qui ont été fixés voilà deux ans. Nous nous honorerions en l’adoptant.
Dans le même esprit, j’ai déposé un amendement visant à relever le taux de la contribution sociale généralisée, la CSG, de manière modeste sur les revenus d’activité et de façon plus significative sur les revenus du patrimoine et les produits de placement.
M. François Autain. C’est révolutionnaire !
M. Gilbert Barbier. On m’objectera certainement le poids déjà excessif des prélèvements obligatoires et les contraintes de compétitivité de notre économie…
Il est clair que nous avons besoin d’une grande remise à plat des prélèvements sociaux. Asseoir essentiellement les recettes sur le fruit du travail ne correspond plus à la réalité. En attendant cette hypothétique réflexion, nos concitoyens doivent comprendre que le maintien d’un haut niveau de protection sociale a un prix, et qu’il n’est ni raisonnable ni décent de le laisser à la charge des générations futures.
Dans ces conditions, le choix est mince : soit l’on augmente les prélèvements, soit l’on réduit drastiquement les dépenses.
Pour ma part, et quitte à choquer, je pense qu’il faudrait avoir le courage de repenser certaines prestations, de remettre en cause des avantages catégoriels non justifiés, de faire la part des choses entre ce qui relève de l’assurance et ce qui relève de la solidarité. On ne peut laisser filer les dépenses au rythme où elles vont, que ce soit pour la branche maladie ou, plus encore, pour la branche vieillesse. Notre système de protection sociale a certainement joué un grand rôle d’amortisseur en ces temps de récession, qui plaide plus que jamais pour sa sauvegarde, mais la crise ne doit pas éluder la question de sa soutenabilité financière. Ne pas vouloir transgresser le postulat de 1945 relève d’une utopie coupable en 2010 !
L’excellent rapport de M. Dominique Leclerc pose bien le problème concernant les retraites, qu’il s’agisse du régime général ou des régimes spéciaux. Je partage ses analyses.
Concernant l’assurance maladie, la commission des affaires sociales a auditionné, comme chaque année, le directeur de la Caisse nationale d’assurance maladie, la CNAM. Ce dernier nous a avoué son pessimisme d’une manière tout à fait directe. Son analyse est partagée par le Premier président de la Cour des comptes, qui nous a exposé, dans son style quelque peu abrupt, mais très réaliste, une situation que chacun connaît d’ailleurs.
On ne peut plus se contenter de demi-mesures en la matière. Il faut, bien entendu, poursuivre l’application de la politique de maîtrise médicalisée des dépenses d’assurance maladie engagée ces dernières années, développer le recours aux médicaments génériques, mettre en œuvre les référentiels de la Haute Autorité de santé, la HAS, mener des campagnes de mise sous accord préalable des médecins « surprescripteurs », diffuser les contrats d’amélioration des pratiques individuelles, renforcer le contrôle des indemnités journalières.
Tout cela est bien. Pour autant, on comprend bien, en lisant les prévisions annexées au PLFSS, que ce ne sera pas suffisant. Même en fixant un ONDAM rigoureux de 3 % par an jusqu’en 2013, ce qui impose de réaliser chaque année 2,3 milliards d’euros d’économies nouvelles, le déficit de l’assurance maladie restera supérieur à 10 milliards d’euros.
Cela étant, il serait injuste de dire que, cette année, le Gouvernement baisse les bras. Il a pris des décisions courageuses dans ces moments difficiles, notamment l’augmentation du forfait hospitalier de 16 euros à 18 euros et la réduction à 15 % du taux de remboursement de certains médicaments dont le service médical rendu est faible. Sur ce dernier point, je me demande d’ailleurs pourquoi maintenir un remboursement si les médicaments concernés sont reconnus par la HAS comme inefficaces !
Ces mesures sont courageuses, certes, mais elles restent insuffisantes au regard du problème. Pourquoi ne pas aller plus loin, en proposant pour la période triennale à venir d’appliquer une franchise annuelle qui varierait en fonction du revenu des intéressés ?
Cette proposition est sans aucun doute provocatrice dans l’environnement économique et social actuel, mais certaines questions méritent d’être débattues. Pourquoi les assurés ne participeraient-ils pas, tant soit peu, aux frais de leur traitement à hauteur de leurs moyens financiers ? Peut-on, dans la situation actuelle de l’assurance maladie, continuer de servir les mêmes prestations à tous, aux plus vulnérables comme aux plus favorisés ? La prise en charge des petits risques doit-elle valoir pour tous ? Est-il logique que la solidarité nationale prenne en charge les soins et les arrêts de travail du lundi matin des accidentés du sport et des loisirs du dimanche ?
M. Guy Fischer. Calomnies !
M. Gilbert Barbier. Au-delà, certaines réformes me semblent plus porteuses d’économies. La réforme hospitalière de 2003, en particulier, avait suscité l’espoir d’un cercle vertueux, au bénéfice de l’efficacité et de la qualité des soins.
Il serait injuste de ne pas reconnaître les évolutions intervenues dans certains établissements hospitaliers, mais reconnaissons aussi que la maîtrise médicalisée des dépenses et les bonnes pratiques, telles qu’on les diffuse dans le secteur ambulatoire, n’ont pas encore trouvé toute leur place à l’hôpital. Certaines données statistiques sont taboues, comme par exemple le taux de mortalité et de morbidité des établissements d’hospitalisation. Or les malades exigent de plus en plus la vérité : pourquoi la leur cacher ?
Le Premier président de la Cour des comptes nous a aussi confirmé l’étonnante disparité des performances, même pour des hôpitaux de taille comparable.
M. Alain Gournac. Oui !
M. Gilbert Barbier. La non-application des recommandations en matière d’utilisation des blocs opératoires ou d’organisation des urgences pose également problème.
Les contrats d’objectifs et de moyens conclus entre les établissements et la tutelle devront nous permettre d’agir sur ces points.
Quant à la tarification à l’activité, il semble que l’absence de stratégie d’ensemble et de rigueur n’ait pas permis d’obtenir la dynamisation attendue des ressources dans les établissements. Même si des questions demeurent, notamment sur la part à donner aux missions d'intérêt général et à l'aide à la contractualisation, les MIGAC, on ne peut sans cesse changer les règles du jeu.
Pour reprendre les propos de notre rapporteur général Alain Vasselle, il est indispensable de clarifier à la fois le discours et la méthode.
Par ailleurs, comment accepter l’idée que les prix entre l’hôpital public et l’hôpital privé ou, pire encore, entre CHU, soient aussi disparates, allant du simple au triple pour un séjour en médecine, chirurgie ou obstétrique ?
Repousser encore la convergence tarifaire de 2012 à 2018, comme le Gouvernement l’a souhaité dans la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, ou loi HPST, était un mauvais signal. Vous proposez aujourd’hui une expérimentation de convergence ciblée sur quelques dizaines de groupes homogènes de séjours. Personnellement, je me rangerai à l’avis du rapporteur concernant la proposition de fixer la convergence à 2014.
D’une manière générale, la restructuration des établissements est plus que nécessaire : elle est indispensable à une prise en charge correcte de tous les patients.
On rabâche sans cesse la notion de « proximité des soins pour tous ». Mais chacun sait que proximité ne rime plus depuis longtemps avec qualité. Certains continuent d’entretenir ce mythe.
Il a été fait état de 185 plateaux techniques à activité insuffisante. Ce constat n’est pas d’aujourd’hui, mais les décisions de regroupement sont lentes à intervenir. Il est certes difficile de résister aux discours des élus locaux, par ailleurs, au fond d’eux-mêmes, certainement convaincus de l’évolution nécessaire.
J’espère que la mise en place des agences régionales de santé, ou ARS, accélérera le processus. Il faudra en tout cas une détermination politique sans faille pour ne pas céder aux pressions diverses.
Pour conclure sur l’hôpital, il me semble que les réformes sont plus subies que comprises. Il est vrai qu’elles ont fait l’objet de multiples aménagements. Nous gagnerions à avoir des règles claires qui s’inscrivent dans la durée.
Il y a bien entendu d’autres domaines où des actions sont possibles : les centres d’examen de santé, les contrôles médicaux de la CNAM, les admissions en affection de longue durée, ou ALD, les cotations des actes de radiologie et de biologie.
La tâche est immense, mais ne rejetons pas à plus tard les réformes nécessaires. Celles-ci devront associer l’ensemble des acteurs de santé et en premier lieu les professionnels. À ce sujet, concernant les médecins, il serait sage de proroger la convention actuelle dans l’attente de la désignation des trois collèges, comme cela a été voté dans la loi HPST.
Je ne doute pas de la volonté du Gouvernement d’agir efficacement pour le redressement d’une situation dangereuse pour l’avenir de la protection sociale.
C’est pourquoi, personnellement, je voterai ce PLFSS, même s’il manque d’une certaine ambition. Mais j’attends un engagement fort de votre part pour dégager des réformes d’ampleur en 2010, notamment lors du grand rendez-vous sur les retraites.
En revanche, la grande majorité du groupe RDSE ne votera pas ce texte, estimant qu’il augmente encore le reste à charge des assurés, transfère des dépenses sur les assurances privées, ne s’attaque pas suffisamment aux niches sociales et ne prévoit pratiquement rien pour les nouvelles recettes. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Yves Daudigny applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les comptes sociaux n’ont jamais connu de situation aussi dégradée. Les déficits ne cessent de se creuser : ils passeront de 10 milliards d’euros, en 2008, à 23 milliards, en 2009, et à environ 30 milliards, toutes branches confondues, en 2010.
Ce doublement de la dette en un an augure mal de l’avenir. D’ailleurs c’est bien simple, les prévisions pour 2013 sont abyssales. Si votre Gouvernement ne prend pas la mesure de l’urgence et les solutions adéquates – que nous vous suggérerons – le déficit atteindra de 150 milliards à 170 milliards d’euros environ, ce qui correspond à peu près à la hauteur de l’ONDAM. Ainsi, en 2013, le déficit cumulé sera, toutes branches confondues, égal voire supérieur au budget annuel.
Comme le souligne le rapport de la Cour des Comptes sur la sécurité sociale remis en septembre 2009, notre régime de protection sociale est aujourd’hui financé par la dette. Cette politique, dont vous êtes, messieurs les ministres, les responsables, a un coût, estimé par la Cour des comptes à près de 4 milliards d’euros par an, c’est-à-dire un peu plus que les exonérations de cotisations sociales que l’État, contrairement à la loi de 1967, refuse de compenser.
Ce qui pourrait apparaître de prime abord comme une inaction coupable a certes un coût, mais cela a surtout un prix. Les Français, qui depuis trois ans subissent mauvais coups sur mauvais coups, ne le savent que trop ! Ils se rendent également compte qu’en réalité votre refus d’agir efficacement est la traduction dans les faits du changement de modèle de société que vous entendez promouvoir.
Ce nouveau modèle a un nom : libéralisme, voire ultralibéralisme ; une doctrine, le « chacun pour soi » ; il passe immanquablement par une voie, d’abord l’abandon, à terme, de notre régime de protection sociale fondée sur la solidarité, ensuite l’éloignement du pacte social élaboré au lendemain de la guerre et reconnu dans le préambule de la Constitution de 1946, enfin la suppression des droits et protections sociales garantis par la nation.
Voilà ce qui est en train d’être détricoté ! Mais il faut dire à votre décharge que votre conception de ce que devrait être la prise en charge de la maladie, de la vieillesse, de la famille ou de la dépendance est cohérente avec l’ensemble de votre politique.
Vous organisez partout la dissolution des droits et des protections collectifs au profit de l’individualisation. C’est particulièrement vrai pour ce qui relève du droit du travail.
Vous cassez les dynamiques collectives au profit des actions individuelles. Au système que nous connaissons actuellement, fondé – même si cela est de moins en moins vrai – sur la solidarité entre les malades et les bien portants, entre les plus riches et les plus pauvres, vous préférez un système qui répondrait à une exigence de rentabilité où chacun serait responsable de son propre sort, coupable de ne pas parvenir à gagner suffisamment sa vie, d’être malade voire d’être dépendant.
Mme Annie David. Eh oui !
M. Guy Fischer. Messieurs les ministres, vous devez dire à nos concitoyens la vérité de votre projet. Vous devez dire que, demain, peut-être après les régionales, certainement après la présidentielle de 2012, vous imposerez à tous, contre l’intérêt des plus faibles, la fin de notre modèle social.
Ce projet, nous le contestons. Pour reprendre une formule qui est chère au Président de la République, il « n’a pas été élu pour » détruire l’outil même qu’il vantait hier comme un amortisseur de crise.
C’est bien de cela qu’il s’agit ! J’en veux pour preuve la manière avec laquelle vous mettez, année après année, les assurés un peu plus à contribution ou, pour utiliser une image que j’ai entendue dans ma ville de Vénissieux, la manière dont « vous leur faites les poches » ! (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
En 2008, vous aviez instauré les franchises médicales. Elles ont eu pour conséquence d’éloigner durablement des soins 32 % des assurés sociaux qui ne disposent pas de mutuelles ou de complémentaires, c’est-à-dire les plus pauvres d’entre nos concitoyens.
Il y a également eu la création de la contribution additionnelle au premier euro. Aujourd’hui, vous prenez prétexte de la crise pour chercher encore, au plus profond de leurs poches, la manière de faire participer un peu plus les assurés au financement de notre système. J’en veux pour preuve la hausse du forfait hospitalier, une hausse comme toujours savamment orchestrée dès l’été (Mme Gisèle Printz acquiesce.) : d’abord annoncée à 4 euros, ce qui aurait entraîné une augmentation de 25 % du forfait hospitalier, pour être artificiellement réduite à 2 euros ! Voyez, nous avons réduit, dites-vous ! Cela représente néanmoins une hausse de 12,5 % !
Mme Gisèle Printz. Eh oui !
M. Guy Fischer. Cette mesure, qui prendra comme d’autres la voie réglementaire, portera donc le forfait hospitalier à 18 euros par jour. Ce forfait, qui n’était initialement destiné qu’à couvrir les dépenses dites d’hôtellerie à l’hôpital, est aujourd’hui une véritable source de revenus pour les établissements de santé qui peinent, T2A oblige, à financer leurs activités.
Une telle hausse est d’autant moins explicable que vous n’avez cessé d’encourager les hôpitaux, notamment à grands coups de réductions budgétaires, à externaliser la partie restauration pour faire des économies. Ainsi, grâce à l’externalisation, les prix baissent, mais, de votre côté, vous augmentez la facture !
Mme Gisèle Printz. Oui !
M. Guy Fischer. Nous y voyons, pour notre part, une tentative de contourner l’avis rendu par le Conseil d’État à la suite de la saisine d’associations sur les franchises médicales, vous invitant à ne pas les augmenter indéfiniment.
Belle technique de contournement que cette hausse du forfait hospitalier, qui vous permet, presque discrètement, de mettre encore un peu plus les malades à contribution et de leur faire payer encore un peu plus cher le prix de leurs maladies.
D’ailleurs, messieurs les ministres, vos amis députés de la majorité ne s’y sont pas trompés. Ils ont bien entendu votre message. C’est pourquoi le député Yves Bur n’a pas hésité, sous le prétexte fallacieux de responsabiliser les malades, à déposer un amendement portant de trois à quatre jours le délai de carence en cas d’arrêt maladie. Et le député Jean-François Copé propose de taxer les indemnités journalières perçues par les salariés victimes d’un accident du travail, dont souvent ils ne sont pas responsables ! C’est un véritable scandale !
J’en veux encore pour preuve la manière dont vous organisez, année après année, la transformation de notre système solidaire en un modèle assurantiel.
Cette année encore, vous avez instauré, à l’encontre des organismes de mutuelles et des complémentaires, une taxe destinée, dites-vous, à participer au financement de la politique gouvernementale de vaccination contre la grippe A. Nous y voyons, pour notre part, la confirmation masquée de la taxe exceptionnelle de1 milliard d’euros. D’une manière ou d’une autre, vous chercherez toujours à siphonner les mutuelles ! Cela s’avère maintenant évident !
Vous aviez justifié cette taxe exceptionnelle par les supposés excédents détenus par les mutuelles. Nous vous avions fait la démonstration que ces excédents – car ce ne sont pas des bénéfices – sont la preuve du respect par le mouvement mutualiste des règles prudentielles que l’Europe et votre Gouvernement imposaient.
Nous ne vous avons visiblement pas convaincus, puisque, cette année encore, les organismes d’assurance maladie complémentaire ont été sommés de participer à l’achat de millions de doses de vaccins ; les membres de notre groupe, plus particulièrement M. Autain, ne manqueront pas d’y revenir au cours de nos débats.
Cette contribution nous paraît injuste, mais nous craignons également qu’elle ne permette à votre gouvernement de créer, une fois de plus, la confusion entre régime de base et régimes complémentaires, puisque, année après année, ceux-ci participent de plus en plus au financement de la sécurité sociale.
La volonté de transférer une partie des dépenses de l’assurance maladie vers les mutuelles complémentaires, nous l’avions déjà dénoncée quand, l’année dernière, vous proposiez vous-mêmes de confier aux mutuelles l’intégralité des remboursements optiques et dentaires, plus globalement les appareillages et les prothèses.
Pour Le Figaro, journal de référence quand il s’agit de savoir ce que pense le Président, « Nicolas Sarkozy ne fait pas mystère, depuis des mois, de sa volonté d’explorer cette piste », autrement dit de mettre un peu plus à contribution les mutuelles.
Mme Annie David. Eh oui !
M. Guy Fischer. Il est vrai que, pour vous, cotisations de sécurité sociale ou cotisations à une mutuelle, c’est presque la même chose. À écouter certains élus de la majorité présidentielle, dans les deux cas, directement ou indirectement, ce serait l’argent des usagers. Nous contestons ce raisonnement qui revient à nier le fondement même de notre système de solidarité : on ne paie pas pour soi, mais pour tous ! Contrairement aux organismes complémentaires, on ne paie pas en fonction de ses envies ou de ses besoins, mais selon ses capacités contributives. Et c’est bien là toute la différence !
Une étude récente du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, le CRÉDOC, évalue à 8 % de la population, soit 5 millions de nos concitoyens, ceux qui ont renoncé à une mutuelle. En pleine crise du pouvoir d’achat, la couverture complémentaire pèse de plus en plus lourd dans le budget des ménages : le taux d’effort pour acquérir une mutuelle est de 10,3 % pour les ménages les plus pauvres, contre 3 % pour les plus riches.
Selon une étude de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé, l’IRDES, 15 % des personnes vivant avec moins de 840 euros par mois ont renoncé à une mutuelle.
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Vous avez cautionné la fixation du plafond de la CMU-C à 600 euros !
M. Guy Fischer. Ce transfert progressif, mais régulier, pèsera donc sur les plus faibles.
De la même manière, nous considérons que le secteur optionnel sera une mauvaise réponse à une vraie question, celle de la difficulté grandissante que rencontrent toujours plus de patients à accéder à des soins à tarifs opposables, particulièrement chez les spécialistes.
Dans la mesure où les dépassements d’honoraires y seront limités à 50 %, les médecins qui pratiquent des dépassements de l’ordre de 200 % à 300 % des tarifs opposables ne seront aucunement incités à intégrer le secteur optionnel, d’ailleurs réduit à quelques spécialités.
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Pour le moment !
M. Guy Fischer. À l’inverse, monsieur le rapporteur général, nous craignons que les médecins du secteur 1 n’intègrent massivement le secteur optionnel. On assisterait alors à un siphonage du premier, au détriment des malades, puisque seuls les contrats d’assurances complémentaires les plus importants, autrement dit les plus chers, prendront en charge le secteur optionnel.
Mme Annie David. Eh oui !
M. Guy Fischer. Autre preuve de la volonté présidentielle de casser notre système, la manière avec laquelle le Gouvernement organise méthodiquement son appauvrissement.
Tout le monde s’accorde à dire que, cette année, malgré l’explosion de la crise, les dépenses de santé ont été plutôt bien maîtrisées. Pourtant, les déficits pour 2010 seront doublés par rapport à 2009. Pour M. Woerth, 75 % des déficits seraient imputables à la crise.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, puisque vous me pressez en me coupant la parole…
M. le président. Je vous rappelle aux engagements que nous avons pris les uns vis-à-vis des autres.
M. Guy Fischer. Je me suis prononcé contre, monsieur le président ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mes chers collègues, le groupe CRC-SPG profitera des débats sur ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 pour vous faire la démonstration qu’il ne faut pas nous satisfaire des quelques rares mesures prévues, comme l’attention portée aux niches sociales et fiscales et le doublement du forfait social, et encore moins des dispositions pour le moins inégalitaires envisagées, à l’image de l’amendement de M. Vasselle prévoyant une augmentation de la CRDS, mais pas l’exclusion de celle-ci du champ d’application du bouclier fiscal. Il convient d’aller au-delà, car il est possible de permettre un financement pérenne, durable et solidaire de notre protection sociale.
Nous aurons également l’occasion, tout au long des jours et des nuits de débat qui s’annoncent, de développer nos arguments en faveur d’une réforme d’ampleur de l’assiette des cotisations sociales, tant il est vrai que les exonérations accordées aux entreprises en la matière sont de véritables trappes à bas salaires.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, voilà autant de raisons de voter contre ce PLFSS pour 2010, qui est plus inégalitaire que jamais ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Alain Milon.
M. Alain Milon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous connaissons un contexte économique sans précédent. Nombre d’intervenants en ont parlé, mais il n’est pas inutile de rappeler que 65 % du déficit du régime général pour 2009 et 75 % de celui pour 2010, qui s’élèvent respectivement à 21 milliards et à 31 milliards d’euros, sont dus à la crise. Force et de constater que le montant des déficits atteint désormais un record historique.
Le Gouvernement a ainsi fait le choix de ne pas augmenter les prélèvements, pour faire en sorte que la sécurité sociale joue son rôle de stabilisateur social. Nous sommes convaincus, dans cette période particulièrement difficile, que notre système de protection sociale doit rester solidaire et responsable. En 2009, les prestations ont été revalorisées de 7,2 milliards d’euros, en faveur des retraites, de la famille et des minima sociaux.
En outre, nous soutenons la poursuite de la maîtrise des dépenses engagée depuis trois ans et la fixation à 3 % de l’ONDAM 2010, qui nous paraît réaliste. Pour la première fois, la maîtrise des dépenses de santé a été assurée deux années de suite à moins de 3 %. C’est la preuve d’une responsabilisation des comportements de tous les acteurs.
En juillet dernier, avec le vote de la loi HPST, nous avons engagé de courageuses réformes structurelles de l’organisation de notre système de santé.
Nous avons rendu l’organisation du système hospitalier plus efficiente, en intégrant davantage de souplesse et de réactivité dans le fonctionnement des hôpitaux. Nous avons créé des agences régionales de santé, afin de mieux réguler, orienter et organiser l’offre de soins.
Contrairement à notre collègue Guy Fischer, nous sommes conscients que la santé n’a pas de prix, mais qu’elle a un coût.
M. François Autain. Ce n’est pas nouveau !
M. Alain Milon. Pour cela, nous devons désormais concentrer nos efforts sur le déficit structurel du régime général, qui s’élève à près de 10 milliards d’euros.
Cette situation impose des réformes.
Mme Annie David. D’accord, mais pas celles que vous proposez !
M. Alain Milon. Le rapporteur général de la commission des affaires sociales, Alain Vasselle, l’a indiqué avec force lors du débat sur les prélèvements obligatoires : quelle que soit l’ampleur des décisions à prendre, celles-ci devront être fortes. On ne pourra pas indéfiniment mettre en place une réduction des dépenses ; il faut envisager une modification des recettes.
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Très bien !