M. Bernard Vera. Alors qu’il est évident que les banques françaises ont tiré parti de la baisse sensible des taux de refinancement interbancaire, baisse orientée par le comportement des banques centrales pour reconstituer leurs marges d’intermédiation, voici que M. Prot, devant les critiques qui se font jour, théorise sur le « crédit responsable ». Dans son esprit, il s’agit d’éviter que la crise ne se reproduise, en entourant tout crédit accordé du maximum de garanties possibles. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il est entendu ! La contraction des crédits atteint un niveau inégalé cette année alors que la BNP Paribas vient d’annoncer un résultat pour le premier semestre de l’année 2009 aussi élevé que le résultat annuel de l’exercice 2008 !
Aujourd’hui, on prête moins, pas vraiment moins cher, et on réalise un produit net bancaire particulièrement remarquable. Ne serait-ce que pour cette raison, nous pourrions adopter la proposition de résolution qui nous est présentée.
Mais, entre la majorité de la commission des finances qui s’y oppose et le Gouvernement qui s’est empressé, cette semaine, de demander une seconde délibération afin que la taxation exceptionnelle des établissements de crédit, adoptée par voie d’amendement, soit finalement supprimée du projet de loi de finances, nous nous trouvons décidément face à des gardiens inflexibles du sanctuaire de la finance et de la spéculation !
On évoque l’idée de mettre en œuvre une petite taxe destinée à prendre en charge la surveillance et la supervision des activités de marché. En échange de quoi, les entreprises du secteur, au motif qu’il ne faudrait pas accroître les prélèvements obligatoires, se verraient allégées du paiement de la taxe sur les salaires ! C’est beaucoup de sollicitude pour un secteur d’activité qui non seulement n’a pas créé beaucoup d’emplois ces derniers temps mais qui, de surcroît, conditionne l’existence de milliers d’autres dans ses activités quotidiennes.
La France se retrouve ainsi, une fois de plus, à l’opposé de la plupart des pays développés, qui envisagent sérieusement des mesures de nature fiscale en direction de leurs banques.
Il est grand temps, mes chers collègues, que les affaires bancaires ne soient pas laissées aux seules mains des banquiers. Le pays a déjà payé le prix fort de leur aventurisme et de leur inconséquence en crise économique et sociale, en liquidation d’emplois et d’entreprises. Il faut passer à autre chose.
M. Philippe Marini, rapporteur. Au pilori !
M. Alain Gournac. Il faut les abattre !
M. Bernard Vera. Sans résoudre toutes les questions, la proposition de résolution qui nous est soumise le permettrait, à sa manière. C’est pourquoi le groupe CRC-SPG soutient ce texte. Le rejeter équivaut, une fois encore, à démontrer l’impuissance du politique,…
M. Bernard Vera. … une impuissance ici doublée d’une bienveillance constante. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai tout d’abord par répondre à certains des arguments avancés tant par M. le rapporteur que par M. le secrétaire d’État pour mettre en doute l’opportunité de la proposition de résolution que nous vous soumettons aujourd'hui.
Premièrement, selon M. le secrétaire d’État, cette proposition de résolution n’intervient pas au bon moment.
Mme Nicole Bricq. Ce n’est jamais le bon moment !
M. Richard Yung. Pourquoi ne serait-ce pas le bon moment ? Le G 20 s’est récemment réuni à Pittsburgh, un Conseil européen aura lieu demain, d’autres réunions du G 20 sont également prévues. Le moment nous paraît donc au contraire opportun pour mettre en avant nos propositions sur les quatre grands sujets qui font l’objet du débat.
Deuxièmement, M. le rapporteur nous a dit que la question des rémunérations n’a pas été discutée lors du sommet du G 20, qu’elle relève exclusivement de l’échelon national et qu’il n’est donc pas opportun d’en faire l’objet d’une résolution européenne.
M. Philippe Marini, rapporteur. Sauf à vouloir une Europe fédérale, mais nous n’en sommes pas là !
M. Richard Yung. Je l’appelle de mes vœux, monsieur le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Pas moi !
M. Richard Yung. Mais là n’est pas le sujet. Nos opinions sur cette question divergent certainement.
M. Philippe Marini, rapporteur. Totalement !
M. Richard Yung. La question des rémunérations a été abordée lors du sommet de Pittsburgh, sous l’angle des bonus et des rémunérations variables, comme l’a d’ailleurs indiqué M. le secrétaire d’État. Il appartient ensuite au Conseil européen de se saisir de cette question et de la traduire en réglementations européennes. Notre responsabilité à nous est ensuite de les transcrire en droit national. Ces différents niveaux – G 20, Europe, France – s’emboîtent un peu comme des matriochkas, les célèbres poupées russes. Nous faisons donc notre travail, même si nous proposons d’aller un peu plus loin que le G 20 – et les pays anglo-saxons –, mais le rôle de la France n’est-il pas aussi de donner l’exemple et de faire avancer les choses ?
Troisièmement, comme vous l’avez écrit dans votre rapport, monsieur le rapporteur, il faut « réintroduire la responsabilité et la notion du prix du risque ». L’ensemble de nos propositions nous paraissent répondre à votre souhait.
M. Philippe Marini, rapporteur. En partie.
M. Richard Yung. Quatrièmement, vous nous mettez en garde, monsieur le secrétaire d’État, contre le risque, si nous augmentions les exigences en matière de fonds propres, de restreindre l’accès au crédit pour les particuliers et les entreprises, plus précisément les PME.
M. Richard Yung. Malheureusement, tel est déjà le cas. Le secteur bancaire ne fait plus crédit aux PME.
M. Richard Yung. Ainsi, dans ma commune, Noizay, située dans notre belle Touraine, je connais une personne qui veut créer une entreprise de bois et qui a besoin pour cela de 80 000 euros. Ce n’est pas beaucoup… Pourtant, alors qu’elle envisage d’hypothéquer sa maison, le matériel – et jusqu’à la bague de la grand-mère ! –, sa demande, après trois mois de discussion, n’aboutit pas. Les banques ne font plus crédit pour la création des PME.
M. Philippe Marini, rapporteur. Le Médiateur du crédit aux entreprises a-t-il été sollicité sur ce dossier, mon cher collègue ? Vous évoquez un cas particulier.
M. Richard Yung. Oui, mais il s’agit d’un cas réel, qui tend malheureusement à se généraliser, ce dont nous ne pouvons nous réjouir.
M. Alain Gournac. On connaît aussi des cas d’entreprises ayant obtenu un crédit !
M. Richard Yung. Les Anglo-Saxons ont une approche du contrôle des rémunérations qui n’est pas la nôtre. Ils ont sur cette question de vives réticences idéologiques. La pression de Wall Street et de la City est très forte. Savez-vous que, tant à Wall Street qu’à la City, les bonus devraient augmenter cette année de 30 % à 40 % ? C’est de la folie !
Parallèlement, il y a des gens dans ces pays qui disent que cela ne va pas du tout. Ainsi, Kenneth Feinberg, surnommé, aux États-Unis, « le tsar des rémunérations » – pas « le Staline des rémunérations » ! (Sourires.) – a annoncé vouloir diminuer de 90 % les salaires des dirigeants des grandes banques américaines. C’est extraordinaire, si extraordinaire d’ailleurs que je doute qu’une telle mesure soit prise. Il n’en demeure pas moins que les Américains veulent agir. À cet égard, ma collègue Nicole Bricq a évoqué tout à l’heure les positions du shadow cabinet du possible futur Chancelier de l’Échiquier si les réactionnaires l’emportent en Grande-Bretagne.
M. Richard Yung. Ils envisagent eux aussi d’encadrer les rémunérations. Loin d’être exclusivement français, ce débat est aussi européen et international.
Pourquoi réguler les rémunérations, fixes et variables, ainsi que les avantages connexes des dirigeants et des salariés des banques ?
C’est une loi bien connue : plus on est proche du marché, plus on en tire d’avantages. Les banquiers et les opérateurs financiers sont tout proches d’un marché qui a explosé de façon extraordinaire ces vingt ou vingt-cinq dernières années, en faisant d’ailleurs preuve d’une ingéniosité absolument extraordinaire.
C’est précisément parce que le marché ne s’autorégule pas – si tel était le cas, on pourrait le laisser jouer – et parce que ses acteurs sont déraisonnables dans leur approche que le niveau de risque augmente de façon inconsidérée. Or qui est l’assureur final ? C’est l’État, c'est-à-dire le contribuable, c'est-à-dire nous ! Il est donc légitime de notre part de vouloir remettre un peu de raison et de bon sens dans ce système. Cela relève de notre responsabilité.
Vous avez évoqué le code de gouvernement d’entreprise des sociétés cotées élaboré par le MEDEF. J’imagine qu’il est plein de bonnes intentions. En pratique, ce code est appliqué de manière très limitée.
M. Richard Yung. Un bilan de son application est prévu, avez-vous dit, monsieur le secrétaire d’État.
M. Richard Yung. Je pense qu’il sera léger !
En matière de rémunération des dirigeants, la situation s’est aggravée en France au lendemain des grandes privatisations et de la constitution des grands groupes, qui ont donné lieu à la naissance de ce que j’appellerai un pacte d’initiés entre les dirigeants et les actionnaires.
Ce pacte était le suivant : les actionnaires ont accepté de satisfaire les demandes des dirigeants de ces entreprises et de leur accorder des rémunérations croissantes, et souvent exagérées, en échange de dividendes élevés – le fameux retour sur investissement –, de 10%, de 12 %, voire de 15 %, ce qui est tout à fait déraisonnable. Or, quand une économie réelle croît de 4 %, voire de 5 % dans le meilleur des cas, il est évidemment impossible de verser aux actionnaires des dividendes de 15 %. On en vient alors aux pratiques que vous connaissez et qui consistent à démanteler les entreprises et à licencier leurs salariés.
Ce pacte a eu des incidences sur les comités de rémunération.
Permettez-moi ici de vous donner quelques exemples pour illustrer mon propos : Mme Bettencourt présidait le comité de rémunération de L’Oréal et n’avait donc pas grand-chose à refuser à ses principaux dirigeants. M. Minc présidait celui de Vinci et ne refusait rien à son PDG, M. Zacharias. M. Beffa, alors PDG de Saint-Gobain, présidait le comité de rémunération de BNP-Paribas, tandis que M. Pébereau, président de BNP-Paribas, siégeait à celui de Saint-Gobain !
Vous voyez là l’endogamie qui se met en place !
M. Richard Yung. Il n’y a alors plus aucun contrôle, plus aucun frein, d’une part, entre les dirigeants eux-mêmes, d’autre part, entre les actionnaires et les dirigeants !
Permettez-moi de vous donner quelques exemples chiffrés.
Souvenez-vous de M. Bernard, ancien PDG de Carrefour, remercié par son actionnaire. Il a alors obtenu 29 millions d’euros de retraite complémentaire et 9 millions d’euros d’indemnités de départ, soit un total de 38 millions d’euros.
M. Philippe Marini, rapporteur. On est loin de la crise financière !
M. Richard Yung. Non ! Ce sont de tels comportements qui sont en partie responsables de la crise financière !
M. Philippe Marini, rapporteur. Le salaire des boutiquiers, c’est autre chose !
M. Richard Yung. Quant à M. Zacharias, l’ancien PDG de Vinci, son indemnité de départ s’est élevée à 250 millions d’euros, soit 21 000 fois le SMIC annuel. Cela dépasse l’entendement !
Les grands oubliés sont les salariés, qui travaillent aujourd'hui six semaines par an pour rémunérer les actionnaires, contre deux semaines au début des années quatre-vingt.
Qu’en est-il du grand débat que M. Sarkozy avait lancé sur la refondation du capitalisme, le partage de la valeur ajoutée entre l’actionnaire, le capital et les dirigeants ? On n’en entend plus parler !
Nos propositions sur les rémunérations sont fondées sur l’observation des faits et sur la volonté d’assurer un fonctionnement harmonieux du système. Je ne les développerai pas en détail, car vous les avez évoquées, monsieur le rapporteur.
Nous proposons notamment – ce sont les alinéas 25, 26 et 27 – d’associer les salariés, par le truchement des comités d’entreprise, à la définition de la politique de rémunération des dirigeants d’entreprise. À cet égard, permettez-moi de rappeler qu’un comité d’entreprise n’est pas qu’une association caritative œuvrant dans les domaines social et culturel. Son rôle est avant tout d’exprimer l’opinion des salariés d’une entreprise.
Nous proposons également de préciser les modalités de versement des bonus – c’est l’alinéa 28 – et de fixer les règles de calcul des rémunérations fixes et variables des dirigeants – ce sont les alinéas 29, 30 et 34.
Je note d’ailleurs que nous nous retrouvons sur la moitié, voire plus, de ces propositions. Il est donc dommage que nous n’ayons pas pu dialoguer ensemble et formuler des propositions.
M. Philippe Marini, rapporteur. Vous êtes trop intransigeants !
M. Richard Yung. Mais nous sommes prêts à dialoguer !
M. Joël Bourdin. Trop tard !
M. Richard Yung. J’évoquerai maintenant la supervision financière en Europe. Nous sommes là réellement au cœur des affaires européennes. Sur ce sujet, nous souhaitons aller plus loin que la Commission européenne, dont les propositions s’appuient sur le rapport Larosière. Nous proposons de fusionner les trois autorités européennes de surveillance dont la création est envisagée – l’autorité bancaire européenne, l’autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles et l’autorité européenne des marchés financiers – en une seule autorité européenne de contrôle, dotée de réels pouvoirs, notamment en matière de sanctions, afin de renforcer la supervision financière européenne.
Sur ce sujet, nous demandons au Gouvernement de ne pas se laisser impressionner par les Britanniques, qui cherchent à botter en touche. Il faut les contraindre, eux qui sont les plus mauvais élèves dans ce domaine, à avancer sur ces questions lors du prochain sommet, au mois de décembre.
Nous souhaitons également la mise en place d’un superviseur unique à l’échelon français. Cette question n’est certes pas européenne, mais elle est une conclusion logique. Le système français va en effet voir se côtoyer deux structures, d’un côté l’Autorité des marchés financiers et, de l’autre, l’Autorité qui résultera de la fusion de la Commission bancaire et de l’Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles, l’ACAM.
Pour notre part, nous pensons qu’il ne s’agit pas d’une bonne organisation. M. Jean-Pierre Jouyet a lui-même déclaré ne pas voir le lien entre ces différentes institutions. À mon sens, si nous avons une autorité unique au niveau européen, il doit en être de même au niveau national.
M. Philippe Marini, rapporteur. C’est vrai !
M. Richard Yung. Telles sont nos principales propositions.
En guise de conclusion, j’aborderai trois points.
Premièrement, nous souhaitons que soit relancé le débat sur la distinction claire à opérer entre les activités finançant l’économie réelle et les activités de spéculation. Je sais que certains jugent cette question un peu surannée. Les plus cultivés nous rappelleront que les Américains ont abrogé le Glass-Steagall Act en 1999 ; d’ailleurs, ce n’est peut-être pas ce qu’ils ont fait de mieux…
Quoi qu’il en soit, ce débat doit, me semble-t-il, être relancé. À cet égard, je vous signale que Lord Myners, le secrétaire d’État britannique chargé des activités financières, a lui-même insisté sur la nécessité de discuter de la question et d’opérer une distinction entre les deux types d’activités.
Deuxièmement, selon nous, il faudrait également mettre en place un médiateur européen pour protéger les consommateurs en matière de crédit et de taux d’intérêt. Ce médiateur serait également chargé de gérer le fonds européen alimenté par la prime d’assurance supplémentaire que nous proposons d’instituer.
Troisièmement, il nous semblerait souhaitable de sortir de la direction générale du marché intérieur et des services de la Commission européenne la section consacrée aux marchés financiers, afin d’éviter que cette question ne soit abordée sous un angle essentiellement concurrentiel.
Telles sont, monsieur le secrétaire d’État, nos propositions pour renforcer les mécanismes de régulation et de supervision et pour mieux encadrer la prime de risque. Nous souhaitons que nos propositions soient reprises, d’abord au Sénat, puis au conseil des ministres de l’Union européenne, lors de l’examen de la proposition de directive relative aux exigences prudentielles. Enfin, nous serions heureux de disposer du calendrier des discussions au Conseil européen. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Joël Bourdin.
M. Joël Bourdin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de résolution présentée par M. Simon Sutour, Mme Nicole Bricq et les membres du groupe socialiste contient des éléments de convergence avec les réflexions menées par le groupe de travail commun du Sénat et de l’Assemblée nationale sur la crise financière internationale et par celui qui a été créé au sein de notre commission des finances. Elle reprend ainsi quelques-unes des mesures préconisées par ces deux groupes de travail ou s’en inspire largement.
C’est en particulier le cas de l’encadrement des modalités des opérations de retitrisation, de l’établissement d’un rapport annuel sur le niveau d’exposition au risque, de l’encadrement des rémunérations des opérateurs de marché et de la publication semestrielle de stress tests, ou tests de résistance, imposés aux établissements financiers.
À cet égard, le groupe UMP tient à saluer la qualité de l’analyse et la pertinence des propositions présentées la semaine dernière par le groupe de travail de la commission des finances sur la crise financière et la régulation des marchés, en particulier par son rapporteur, M. Philippe Marini, sous la présidence de M. Jean Arthuis.
Le rapport de ce groupe de travail constitue une contribution très utile à la fois pour la compréhension des origines de la crise financière actuelle et pour la prévention des crises futures.
Nous sommes tous d’accord, toutes tendances politiques confondues, sur la nécessité de renforcer la supervision bancaire et financière en atténuant les zones d’ombre et l’hétérogénéité de cette supervision, en limitant la procyclicité et les effets du risque systémique et en réintroduisant la responsabilité et le prix du risque.
À cet égard, il aurait mieux valu soutenir la démarche constructive et consensuelle du groupe de travail plutôt que de chercher à réaliser un « bonus politique » sur le sujet en sortant du champ des directives européennes concernées et en formulant des propositions parfois excessives.
Comme le souligne très bien M. le rapporteur, certaines préconisations du groupe socialiste n’ont qu’un lien microscopique – M. Marini a employé l’adjectif « ténu » – avec le texte de la directive qu’elles sont censées viser, voire avec le droit communautaire.
Notre collègue Philippe Marini relève en particulier que la directive concernée intervient seulement dans le domaine strictement prudentiel et concerne uniquement le seul secteur financier.
Surtout, les préconisations de la proposition de résolution relatives aux rémunérations des dirigeants ne prennent pas en compte la concurrence internationale à laquelle est confronté notre pays. C’est en particulier le cas de celle qui tend à proportionner la rémunération des dirigeants à la rémunération la plus faible versée par l’entreprise. Comme le souligne très bien M. le rapporteur, cela « relève plus de la démagogie que de l’économie » et aurait des effets « désastreux sur la compétitivité ».
Il faut y ajouter toute une série de propositions dont la portée peut légitimement susciter des interrogations.
Là encore, ne nous y trompons pas.
Le groupe UMP du Sénat est favorable à un encadrement des dispositions relatives aux rémunérations des dirigeants d’établissements financiers.
Mme Nicole Bricq. Vous y êtes peut-être favorables, mais vous ne le faites jamais !
M. Joël Bourdin. Cela vient, ma chère collègue !
Notre groupe est très satisfait qu’un consensus se soit dégagé sur cette question et il soutient les mesures prises sur le plan national, dans la ligne des préconisations du groupe de haut niveau, mis en place par la Commission européenne et présidé par M. Jacques de Larosière.
M. Jean-Marc Todeschini. « Paroles, paroles, paroles »…
M. Joël Bourdin. Nous souhaitons néanmoins éviter toute dérive et toute surenchère qui conduirait à pénaliser notre pays par rapport à ses principaux concurrents.
Le groupe UMP n’a pas souhaité rejeter ou modifier la proposition de résolution initiale, afin de lui permettre d’être examinée en l’état en séance publique – c’est le cas –, et ce conformément aux accords entre les groupes politiques. Néanmoins, il votera contre le texte tel qu’il nous est soumis aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Marc Todeschini. « Tout va très bien, madame la marquise » !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite apporter des précisions sur plusieurs points qui ont été soulevés et répondre à un certain nombre de questions abordées par Mme Bricq.
Madame la sénatrice, vous suggérez que les banques alimentent un fonds public européen de garantie. Pour sa part, et sans attendre une directive européenne, le Gouvernement propose que les banques paient le contrôle et la supervision du secteur bancaire au lieu des contribuables, comme c’est le cas actuellement.
Mme Nicole Bricq. C’est très insuffisant !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. L’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité un amendement en ce sens. Lorsque ce dispositif entrera en vigueur, les banques verseront une contribution comprise entre 100 millions et 150 millions d’euros.
De notre point de vue, les banques doivent également payer pour le renforcement de la garantie des dépôts, qui passera de 80 000 euros à 100 000 euros. Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, fera des propositions en ce sens dans le cadre du projet de loi de régulation bancaire et financière qui est actuellement en préparation.
Mme Bricq et d’autres orateurs ont également soulevé des interrogations quant à la supervision européenne. J’aimerais vous faire part de quelques éléments sur ce point.
Sous la présidence française de l’Union européenne, nous avions mandaté un groupe de haut niveau présidé par M. Jacques de Larosière. Ses conclusions, qui ont été rendues au mois de février 2009, constituent le fondement de l’accord politique trouvé au Conseil européen du mois de juin 2009. Elles prévoient la création d’un comité européen du risque systémique, qui serait la véritable tour de contrôle des risques au niveau global, la mise en place de trois autorités européennes de supervision dans le secteur des banques, des assurances et des marchés pour assurer la qualité et la cohérence des normes, ainsi que la surveillance des groupes transnationaux.
Le Conseil européen avait demandé à la Commission européenne de formuler des propositions de règlement, ce qui a été fait au mois de septembre 2009.
Ces conclusions nous conviennent, car elles sont globalement satisfaisantes. Nous avons mis en place un calendrier très serré pour que les propositions soient mises en œuvre dès 2010.
Vous le voyez, la réforme de la supervision que vous demandez est déjà en marche. Cela rejoint ce que j’évoquais tout à l’heure s’agissant du calendrier dans lequel s’insère votre proposition.
Mme Bricq m’a également interrogé sur ce qu’il est convenu d’appeler « l’arrêté bonus ». Reconnaissons-le, c’est sous l’impulsion de la France que le G 20 a adopté des règles fortes pour encadrer la rémunération des opérateurs de marchés, règles que le Gouvernement introduira dans le droit français sans attendre la directive européenne.
Mme Nicole Bricq. Depuis le temps que vous le dites !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Un arrêté sera publié dans les prochains jours, madame Bricq ! Vous voyez donc que vous aurez satisfaction !
Mme Nicole Bricq. J’attends de voir !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Toutes les règles du G 20 sans exception seront traduites dans cet arrêté.
Mais nous irons plus loin. Nous demanderons au Conseil de stabilité financière de contrôler la mise en œuvre des règles dans tous les pays du G 20. Ces normes, pour être efficaces, devront être appliquées partout et par tous.
Le renforcement des fonds propres des banques a également été abordé par Mme Bricq, ainsi que par plusieurs autres orateurs. Sur ce sujet, nous avons un point de convergence, mais également un point de divergence, avec le groupe socialiste.
Le point de convergence réside dans notre volonté partagée de renforcer les exigences en matière de fonds propres pour les banques. Mais la divergence tient à votre proposition d’augmenter les exigences de fonds propres pour toutes les activités, y compris le crédit aux ménages et aux entreprises. C’est bien là toute la contradiction : augmenter les exigences de fonds propres sur le crédit…
M. Philippe Marini, rapporteur. Ça fait moins de crédits !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. … reviendrait à étouffer le crédit au moment où le Gouvernement cherche au contraire à le développer.
Nous voulons, quant à nous, renforcer les exigences sur les activités les plus risquées, sur un segment seulement. Nous serons ainsi plus durs sur le trading, en soutenant une multiplication par trois des exigences de fonds propres, mais uniquement sur ce segment.
Nous attendons de cette réforme qu’elle permette de réduire les risques et le trading, mais également d’augmenter le crédit aux ménages et aux entreprises et de rendre le système bancaire plus solide.
Monsieur Sutour, vous avez abordé, ainsi que d’autres intervenants, le problème des stress tests, c'est-à-dire des tests de résistances des banques. Comme vous l’avez indiqué, des tests de résistance ont été menés au cours de l’été par le Comité européen des superviseurs bancaires sur vingt-deux groupes bancaires transfrontaliers. Je peux vous indiquer que cet exercice s’est déroulé de manière satisfaisante.
Mme Nicole Bricq. La publicité !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Il a témoigné d’une bonne résistance des banques européennes et confirmé que, à l’heure actuelle, les mesures de recapitalisation mises en œuvre étaient suffisantes au regard des risques portés par les bilans bancaires. C’est, me semble-t-il, un point très important.