Article 10
(Non modifié)
À l’article 16 de la même loi, les mots : « autres que celles pourvues en conseil des ministres » sont supprimés.
M. le président. L'amendement n° 13 rectifié, présenté par M. Michel, Mme Klès, MM. Collombat, Frimat et Sueur, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - L'article 16 est complété une phrase ainsi rédigée :
« Cet avis est rendu public. »
La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Cet amendement concerne la nomination des magistrats du parquet. Nous sommes plusieurs à déplorer que celle-ci ne soit pas sur le même plan que celle des magistrats du siège.
Il s’agit d’éviter les contestations. Celles-ci sont nombreuses, car les avis rendus par la formation compétente du CSM sont plus ou moins connus, comme le sont ceux du Conseil d’État, même s’ils ne devraient pas l’être : des articles relatant qu’untel a été nommé à tel endroit par le pouvoir politique malgré l’avis défavorable du CSM sont publiés dans la presse. C’est très mauvais pour la confiance que les magistrats peuvent avoir en leur justice, dans le pouvoir de nomination.
On ne connaît d’ailleurs pas la teneur de cet avis : tient-il à l’expérience des magistrats, à leur carrière passée ? Tous ces éléments sont inconnus.
C'est la raison pour laquelle je propose que l’avis soit rendu public. Ainsi, tout le monde connaîtra l’avis du CSM et ses motivations. Si le pouvoir de nomination veut passer outre, il pourra s’en expliquer.
Cette suggestion avait été formulée par le procureur général près la Cour de cassation au cours d’une audition devant la commission des lois.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il est difficile au rapporteur de donner un avis, car l’amendement rectifié n’a pas été soumis dans cette forme à la commission.
Avant d’être rectifié, cet amendement visait à créer une obligation de motivation et de publicité pour les avis rendus par la formation compétente du CSM sur les propositions de nomination des magistrats du parquet.
La commission des lois avait alors rendu un avis défavorable, car elle avait estimé que la conjugaison de la publicité et de la motivation pourrait entraîner des situations dans lesquelles des justiciables contesteraient l’autorité de magistrats ayant fait l’objet d’un avis défavorable en prenant appui sur des éléments fournis dans la motivation de l’avis.
L’amendement a fait l’objet d’une rectification et seule l’obligation de publicité a été maintenue.
C’est la raison pour laquelle la commission s’en remettra à l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Le fait de rendre public l’avis va dans le sens des risques que soulignait le rapporteur et peut jeter une suspicion sur les personnes.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement ne peut émettre qu’un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous étions défavorables à la motivation, qui pouvait mettre en cause le magistrat et sa qualité.
Quand, très exceptionnellement, le garde des sceaux ou le Président de la République passe outre un avis défavorable du CSM, tout le monde le sait : il se dit qu’untel a été nommé procureur malgré l’avis négatif du CSM.
Madame le garde des sceaux, nous vous suivrons sur ce sujet Il me semble néanmoins que nous avons intérêt à réfléchir à cette question : ne serait-il pas préférable de rendre public un avis négatif ?
D’autres organismes émettent des avis qui sont rendus publics. Par exemple, la Constitution prévoit expressément la publicité des avis pour les propositions de nominations par le Président de la République.
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote sur l'amendement n° 13 rectifié.
M. Christian Cointat. Qu’on le veuille ou non, l’avis du CSM est connu et cela crée un climat de suspicion. Il est donc de l’intérêt de tous, et au premier chef du Gouvernement, que les choses soient claires.
Je rejoins les propos du président Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je n’ai pas tranché : je me pose la question !
M. Christian Cointat. La clarté est un signe de force, non de faiblesse ; elle permet à chacun de prendre ses responsabilités. Si l’on veut en finir avec le climat quelque peu délétère qui entoure ces questions concernant le parquet, le meilleur moyen est d’adopter une symbolique forte : la publicité de l’avis, étant entendu que le Gouvernement est libre de le suivre ou de ne pas le suivre.
C’est la raison pour laquelle, à titre personnel, sans engager mon groupe, je voterai cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Si le Gouvernement souhaite la transparence, la moindre des choses est de rendre les avis publics. On évitera ainsi bien des polémiques.
M. le président. Je mets aux voix l'article 10.
(L'article 10 est adopté.)
Article 11
L’article 18 de la même loi est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. 18. – L'examen des plaintes dont les justiciables saisissent le Conseil supérieur de la magistrature est confié à une ou plusieurs commissions des requêtes. Chaque commission des requêtes est composée :
« - d’un magistrat du siège issu de la formation compétente pour la discipline des magistrats du siège, élu par cette formation ;
« - d’un magistrat du parquet issu de la formation compétente pour la discipline des magistrats du parquet, élu par cette formation ;
« - de deux personnalités élues, pour chacune d’entre elles, par la formation compétente à l’égard des magistrats du siège et par la formation compétente à l’égard des magistrats du parquet, parmi les membres du Conseil supérieur de la magistrature n’appartenant pas à l’ordre judiciaire.
« La commission des requêtes élit en son sein un président.
« Les membres de la commission des requêtes ne peuvent siéger dans la formation disciplinaire lorsque celle-ci est saisie d'une affaire qui lui a été renvoyée par la commission des requêtes dont ils sont membres, ou lorsque le Conseil supérieur de la magistrature est saisi par les autorités mentionnées aux articles 50-1, 50-2 et aux deux premiers alinéas de l’article 63 de la loi organique relative au statut de la magistrature de faits identiques à ceux dénoncés par un justiciable dont la commission des requêtes a rejeté la plainte.
« La commission des requêtes examine les plaintes présentées par les justiciables, dans les conditions prévues aux articles 50-3 et 63 de la loi organique relative au statut de la magistrature.
« Elle délibère valablement si trois de ses membres sont présents.
« Elle se prononce à la majorité des voix. En cas de partage égal des voix, l'examen de la plainte est renvoyé à la formation compétente du Conseil supérieur. »
M. le président. L'amendement n° 27 rectifié bis, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 9
Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Art. 18. - L'examen des plaintes dont les justiciables saisissent le Conseil supérieur de la magistrature est confié à une ou plusieurs commissions d'admission des requêtes. Chaque commission d'admission des requêtes est composée, pour chaque formation, de quatre de ses membres, deux magistrats et deux personnalités extérieures au corps judiciaire, désignés chaque année par le président de la formation.
« Le président de la commission d'admission des requêtes est désigné par le président de la formation.
« Ses membres ne peuvent siéger dans la formation disciplinaire lorsque celle-ci est saisie d'une affaire qui lui a été renvoyée par la commission d'admission des requêtes à laquelle ils appartiennent, ou lorsque le Conseil supérieur de la magistrature est saisi par les autorités mentionnées aux articles 50-1, 50-2 et aux deux premiers alinéas de l'article 63 de la loi organique relative au statut de la magistrature de faits identiques à ceux dénoncés par un justiciable dont la commission d'admission des requêtes a rejeté la plainte.
« La commission d'admission des requêtes examine les plaintes présentées par les justiciables, dans les conditions prévues aux articles 50-3 et 63 de la loi organique relative au statut de la magistrature.
« La commission d'admission des requêtes délibère valablement si trois de ses membres sont présents.
La parole est à Mme le ministre d’État.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Cet amendement vise à revenir au texte du Gouvernement en retenant un dispositif de filtrage opéré par une ou plusieurs commissions d'admission.
La terminologie de ces commissions est elle-même importante. Ces commissions sont constituées au sein de chaque formation et composées de quatre membres de celle-ci, de deux magistrats et de deux personnalités extérieures au corps judiciaire.
Les commissions d'admission constituées dans la formation compétente à l'égard des magistrats du siège ne seront compétentes que pour examiner les plaintes visant des magistrats du siège, ce qui me paraît normal compte tenu de leur spécificité. De la même manière, celles qui sont constituées dans la formation compétente à l'égard des magistrats du parquet ne pourront examiner que des plaintes visant des magistrats du parquet. En effet, les types de plaintes sont assez différents et doivent être étudiés en fonction de la responsabilité et de la place de chacun.
Ainsi, on garantit la constitutionnalité du dispositif. Je rappelle en effet que les compétences des deux formations – siège et parquet – du Conseil supérieur de la magistrature sont fixées par l'article 65 de la Constitution. En matière disciplinaire, les membres de chaque formation ont donc une compétence limitée à la discipline des magistrats du siège ou à celle des magistrats du parquet. L'action disciplinaire est personnelle et la faute s'apprécie différemment pour un magistrat du siège et pour un magistrat du parquet.
Le dispositif que nous proposons correspond à la fois très clairement à la volonté du constituant et à la différence des deux fonctions, ainsi qu’à la façon dont celle-ci s’exprime.
C’est une mesure de bon sens et de cohérence constitutionnelle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement n’est pas conforme à la position adoptée par la commission.
En effet, la commission a fait le choix de commissions des requêtes communes pour le siège et pour le parquet. L’article 65 de la Constitution crée bien pour le justiciable une possibilité de saisir le CSM et non l’une de ses formations spécialisées, siège ou parquet. Dès lors, la commission a considéré qu’il était conforme à la Constitution de prévoir que le filtrage des plaintes des justiciables serait assuré par un organe commun.
De plus, le filtrage des plaintes des justiciables intervient en amont de la procédure disciplinaire : il est une étape administrative dans le cheminement des plaintes. Certaines saisines peuvent également concerner simultanément des magistrats du siège et des magistrats du parquet, comme ce fut le cas, par exemple, dans l’affaire d’Outreau.
Par ailleurs, la création d’un filtre commun permettrait d’éviter des divergences de traitement entre les plaintes qui visent le siège et celles qui concernent le parquet et de renforcer l’unité de la jurisprudence, comme l’a fait observer le doyen Patrice Gélard ce matin, dans son intervention.
Enfin, la commission a souhaité, par ce dispositif, réaffirmer l’unité du corps judiciaire et renforcer le socle commun des règles déontologiques pour les magistrats du siège et du parquet.
J’ajouterai deux choses.
Tout d’abord, je suis satisfait que l’expression « commission d’admission des requêtes » ait été préférée au mot « section », car, à tort ou à raison, le mot « section » heurtait cruellement les magistrats de l’ordre judiciaire, même s’il existe des sections et des sous-sections au Conseil d’État. Les magistrats judiciaires étaient totalement réfractaires à ce terme, qui leur évoquait des souvenirs historiques fort pénibles.
Je ne vous cacherai pas que, pour le rapporteur, l’unité de la commission de filtrage n’a pas la même importance que, par exemple, le problème de la parité entre magistrats et non-magistrats dans le cadre des formations disciplinaires.
Cela étant, en qualité de rapporteur de la commission des lois, je ne peux émettre qu’un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Une phrase de l’objet de l’amendement nous pose problème : « L’action disciplinaire est personnelle et la faute s’apprécie différemment pour un magistrat du siège et pour un magistrat du parquet ».
Après le débat très intéressant que nous avons eu, au cours de la discussion générale, sur le parquet et sur le siège, une appréciation différenciée de la faute en matière d’action disciplinaire pour un magistrat du siège et pour un magistrat du parquet me paraît aujourd'hui – dans l’attente des dispositions législatives à venir – anormale.
Nous ne sommes donc pas favorables à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. C’est au nom du groupe UMP, dont j’ai l’honneur d’être le porte-parole dans le débat de cet après-midi, que je m’exprimerai.
Nous avons parfaitement compris l’approche de la commission des lois, qui est particulièrement structurée et cohérente avec le fil conducteur qui a été le nôtre tout au long de l’examen de ce projet de loi organique. Toutefois, les arguments d’inconstitutionnalité du Gouvernement sont également très pertinents. Il faut reconnaître que, dans la Constitution, la structure du CSM repose sur deux bases clairement définies.
Après mûre réflexion, et sans toutefois se désolidariser de l’excellent travail effectué par la commission des lois, le groupe UMP a finalement décidé de voter l’amendement du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur le président, par coordination et pour prendre en compte la nouvelle dénomination de la commission d'admission des requêtes, les amendements du Gouvernement nos 31 rectifié, 32 rectifié et 35 rectifié devront également être modifiés.
M. le président. Je vous donne acte de votre observation, monsieur le président.
L'amendement n° 5, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 10, seconde phrase
Remplacer cette phrase par deux phrases ainsi rédigées :
En cas de partage égal des voix, la commission des requêtes décide qu'il n'y a lieu à saisir la formation compétente. La décision est notifiée au magistrat visé par la plainte et au justiciable auteur de la plainte.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement a été rédigé à partir du texte de la commission, bien entendu, mais la modification apportée par le Gouvernement ne change rien au problème.
Madame le garde des sceaux, tout à l’heure, vous avez dit que je ne faisais pas confiance aux magistrats : c’était un contresens !
Comme je l’ai indiqué dans la discussion générale, il nous semble étrange que le partage égal des voix au sein de la commission des requêtes – dénommée maintenant commission d’admission des requêtes – n’ait pas pour conséquence de mettre fin aux poursuites. En général – c’est le cas pour la formation disciplinaire –, le doute doit profiter à la personne mise en cause.
Dès lors que ladite commission a un véritable droit de filtrage sur le fond, pourquoi poursuivre la procédure s’il y a partage égal des voix ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission comprend parfaitement la préoccupation de Mme Borvo Cohen-Seat. J’avoue m’être interrogé de la même manière sur cette question.
Finalement, la commission a retenu la disposition du projet de loi organique qui prévoit que, en cas de partage égal des voix, la plainte est transmise à la formation disciplinaire, et ce pour deux raisons.
La première tient à l’efficacité du dispositif. À l’étape du filtrage, il importe de donner au justiciable la garantie que sa plainte sera examinée de façon sincère et approfondie. Il paraît donc préférable qu’à ce stade le doute profite au justiciable.
En outre, il convient de prendre en compte la composition paritaire de la commission des requêtes. Il est souhaitable, afin d’écarter tout soupçon de corporatisme, que deux magistrats ou deux non-magistrats ne puissent à eux seuls rejeter une plainte.
La seconde raison tient à l’équilibre du dispositif. Si nous n’avons pas été choqués par l’entorse faite aux règles habituelles au profit du justiciable, c’est parce que, au moment de la décision disciplinaire, tout rentre dans l’ordre, si je puis dire. En cas de partage des voix, les poursuites s’arrêtent et il n’y a pas de sanction.
Dès lors, le dispositif nous a paru équilibré : assurance pour le justiciable à l’étape du filtrage ; respect des droits du magistrat mis en cause au moment de la procédure disciplinaire.
Telles sont les raisons pour lesquelles, tout en comprenant parfaitement les intentions de notre collègue, la commission a émis un avis défavorable sur son amendement.
M. le président. L’amendement est-il maintenu, madame Borvo Cohen-Seat ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
J’ai bien entendu ce qu’a dit M. le rapporteur, pour qui j’ai le plus grand respect. Certes, tout rentre dans l’ordre au moment de la décision disciplinaire. Mais, pour le magistrat, il y a eu doute – je ne m’appesantirai pas sur le fait de savoir si le doute était sérieux ou non – et la commission des requêtes n’a pas pu se mettre d’accord. Passer devant une commission disciplinaire n’est pas neutre pour un magistrat, quelle que soit l’issue de la procédure !
Dans ce domaine comme en d’autres matières, le doute doit profiter à l’accusé.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable pour les deux raisons que vient d’invoquer M. le rapporteur.
Si l’on veut rapprocher les justiciables de la justice tout en maintenant le filtre, qui est indispensable, il ne faut pas leur donner le sentiment qu’il y a une sorte d’autoprotection et que le problème ne sera pas examiné au fond.
Par ailleurs, la commission des requêtes ne représente qu’une partie du Conseil supérieur de la magistrature. En cas de doute, l’ensemble du CSM doit pouvoir se prononcer.
M. le président. Je mets aux voix l'article 11, modifié.
(L'article 11 est adopté.)
Article 11 bis (nouveau)
Après l’article 18 de la même loi, il est inséré un article 18-1 ainsi rédigé :
« Art. 18-1. – Lorsqu’elle siège en matière disciplinaire, la formation compétente comprend un nombre égal de membres appartenant à l’ordre judiciaire et de membres n’y appartenant pas. À défaut d’égalité, il est procédé par tirage au sort pour la rétablir. »
M. le président. L'amendement n° 28, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme le ministre d'État.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Je comprends le souci de la commission des lois de faire en sorte que le Conseil supérieur de la magistrature soit toujours composé d’un nombre égal de magistrats et de non-magistrats en matière disciplinaire. Cela étant, un tel dispositif encourt un risque sérieux de censure par le Conseil constitutionnel, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, le constituant n’a pas imposé un fonctionnement paritaire du CSM : il a simplement prévu une composition paritaire, ce qui est différent. Du reste, un fonctionnement paritaire risquerait de conduire à des blocages dans un grand nombre de cas.
Ensuite, tous les membres du Conseil supérieur de la magistrature ont un droit égal à siéger en matière disciplinaire. Exclure certaines personnes, alors qu’elles ont un droit à siéger, pour parvenir à la parité, est en totale contradiction avec ce qu’a voulu le constituant.
Enfin, dans son amendement de suppression n° 38, la commission des lois ne précise pas le dispositif qui permettra de rétablir la parité. Nous nous trouvons donc dans le flou s’agissant de l’application d’une mesure constitutionnelle.
Je pense que tous essaieront, dans la mesure du possible, d’être présents et que le problème ne se posera pas, mais, je le répète, le risque de censure de ce dispositif par le Conseil constitutionnel est sérieux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission ne partage pas l’avis du Gouvernement.
Comme vient de l’expliquer Mme le ministre d’État, l’amendement vise à supprimer la règle de parité entre les magistrats et les non-magistrats lorsque les formations siègent en matière disciplinaire et que l’un des magistrats a un empêchement.
Cet empêchement peut d’ailleurs être relativement fréquent. Nous l’avons vu, les présidents des formations disciplinaires sont le premier président de la Cour de cassation pour les magistrats du siège et le procureur général près la Cour de cassation pour les magistrats du parquet. Ce sont des personnalités exerçant d’éminentes responsabilités et à qui il arrivera parfois, à leur corps défendant, bien évidemment, de ne pas pouvoir être présents.
La règle de la parité dans les formations disciplinaires nous paraît un élément essentiel de l’indépendance de la justice. Comme l’a rappelé au cours des travaux parlementaires sur la révision constitutionnelle notre collègue Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois et rapporteur de ce texte, « la présence – j’y insiste – paritaire des magistrats et des non-magistrats au sein des formations du CSM exerçant une compétence disciplinaire constitue une condition de l’indépendance de la justice ».
Ce faisant, il résulte clairement des travaux préparatoires que l’intention du constituant – en tout cas telle que l’interprète la commission des lois – a été d’imposer le respect de la parité en matière disciplinaire. Il importe donc de remédier aux éventuelles ruptures d’équilibre qui pourraient être provoquées par l’empêchement légitime de l’un des membres de la formation ou par son déport.
Les arguments avancés pour contester la constitutionnalité de cette disposition ne nous ont pas convaincus, qu’il s’agisse de la comparaison avec le fonctionnement des formations siégeant en matière de nomination – ce point n’a pas fait l’objet des mêmes prises de position que pour les formations siégeant en matière disciplinaire : la Constitution prévoit donc des mesures différentes dans un cas et dans l’autre –, ou du fait que des membres seraient ainsi interdits de siéger. Je signale que la règle de déport, dont la constitutionnalité n’est pas contestée, permet d’interdire à un membre de siéger.
Il revient au législateur organique d’opérer la conciliation nécessaire entre les différentes exigences constitutionnelles, notamment la garantie de l’indépendance de la justice.
Je ne m’attarderai pas sur les normes européennes, dont il a été longuement question ce matin. Je rappellerai simplement que l’exigence de parité est de plus en plus générale au sein des États de l’Union européenne – je ne parle pas des membres du Conseil de l’Europe –, où les formations disciplinaires – exception faite de la République slovaque et de la Belgique, où la parité est stricte – sont systématiquement composées d’une majorité de magistrats.
Pour toutes ces raisons, l’avis de la commission est résolument défavorable.
M. le président. La parole est à Mme le ministre d'État.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. J’interviens de manière un peu inattendue, parce que j’estime que nous sommes ici pour essayer de trouver le meilleur texte possible.
Aujourd'hui, on constate effectivement un déséquilibre : le nombre de magistrats est parfois inférieur au nombre de non-magistrats. Tel n’est pas notre objectif, qui est précisément d’améliorer la situation.
Je me demande si nous ne pourrions pas contourner la difficulté constitutionnelle à laquelle nous risquons de nous heurter – c’est du moins mon sentiment – en fixant la règle non pas de la parité, mais d’un nombre minimal de magistrats devant siéger.
Nous répondrions peut-être ainsi au souhait, que je peux partager, de M. le rapporteur, sans prendre le risque de nous heurter à un problème constitutionnel.
M. le président. La parole est à M. Nicolas About, pour explication de vote.
M. Nicolas About. À mon sens, la proposition qui vient d’être formulée par Mme le ministre d'État correspond à la voie que nous devrions emprunter.
Tout à l’heure, M. le rapporteur indiquait que la présence des uns comme des autres était essentielle. Or ceux qui sont présents ne doivent pas se trouver pénalisés en raison de l’absence des autres. Tous les membres du Conseil supérieur de la magistrature ont un droit égal à siéger en matière disciplinaire.
C'est la raison pour laquelle le groupe de l'Union centriste votera à l'unanimité l'amendement du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel. Pour notre part, nous soutiendrons évidemment la position de la commission, et nous sommes résolument hostiles à l'amendement du Gouvernement.
En effet, madame la ministre d'État, votre argument est spécieux : la Constitution a prévu les règles relatives à la formation, mais pas celles qui concernent le fonctionnement. De qui se moque-t-on ? Si la Constitution a prévu une formation paritaire, c’est bien pour que le principe du paritarisme s’applique lorsque la formation siège en matière disciplinaire. Sinon, elle ne l’aurait pas prévu. Cela me paraît évident !
Par ailleurs, je pense que l’amendement du Gouvernement encourt un risque important d'inconstitutionnalité, pour toutes les raisons qu’a indiquées M. le rapporteur.
Par conséquent, nous devons, me semble-t-il, nous en tenir à la position de la commission et refuser cet amendement, qui, s'il était adopté, nous placerait, je le crois, dans une situation très grave.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je partage l'argumentation de M. le rapporteur et je souscris également aux propos de notre collègue Jean-Pierre Michel.
Pourquoi le Constituant aurait-il imposé un principe de parité pour la composition de la formation compétente s’il ne souhaitait pas qu’elle fonctionne de manière paritaire ? Certains font une interprétation de la Constitution pour le moins curieuse…
Au demeurant, lorsque le texte constitutionnel n’est pas suffisamment clair, il appartient à la loi organique d’en préciser le sens.
En fixant un quorum et en imposant la présence d’un nombre minimal de magistrats et de non-magistrats, nous pénaliserions avant tout les présents, qui ne pourraient pas siéger lorsqu’une telle exigence ne serait pas remplie.
C'est la raison pour laquelle il me paraît plus sage de nous en tenir à la position de la commission.