M. Didier Guillaume. Permettez-moi de vous dire, monsieur le ministre, que vous ne nous avez pas convaincus ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Dominique Braye. A priori !
M. Didier Guillaume. L’expérience vécue par le ministre socialiste de l’agriculture que vous avez cité s’inscrivait en effet dans un contexte, celui de 1999, totalement différent de ce qu’il est aujourd’hui !
Vous n’avez pas convaincu les sénateurs de gauche, et pas davantage les producteurs de lait, qui sont, comme l’ensemble des agriculteurs, en pleine détresse.
D’ailleurs vendredi prochain, 16 octobre, l’ensemble des manifestations qui se dérouleront sur le territoire montreront ce qu’il en est. Aujourd’hui, la France agricole n’en peut plus des dérégulations ; la France agricole veut de la régulation. Monsieur le ministre, ce n’est pas la direction que vous prenez.
M. Dominique Braye. Il n’a rien compris !
M. Didier Guillaume. C’est la raison pour laquelle les membres du groupe socialiste et apparentés proposent la mise en place d’une commission d’enquête sur la formation des prix agricoles. Il n’est pas normal qu’en France les agriculteurs se fassent voler pendant que d’autres s’engraissent ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question a trait à la crise laitière et, en filigrane, à l’ensemble des crises qui frappent la quasi-totalité des filières de productions agricoles.
La réalité inavouée est qu’il s’agit, dans ce domaine comme ailleurs, de la crise du système économique libéral, prisonnier, d’une part, de ses propres règles de concurrence libre et non faussée et, d’autre part, des traités européens, qui figent dans le marbre les règles intangibles du capitalisme. Il n’est donc pas surprenant que le Conseil des ministres européens de l’agriculture soit un échec total aux yeux de tous les observateurs avertis, dans la mesure où les traités européens vous lient pieds et poings face à toute régulation ou à toute remise en cause des quotas.
Il est irresponsable, voire fatal, pour ne pas dire criminel, de renvoyer à l’été 2010 les conclusions d’un groupe d’experts, alors que nos producteurs laitiers perdent 100 à 150 euros par jour, soit 3 000 à 4 500 euros par mois. Des mesures d’urgence exceptionnelles doivent être mises en œuvre avant la fin de cette année.
Manifestement, l’enveloppe de prêts à taux préférentiel et le report de six mois des annuités sociales et assurantielles ne répondent pas à la détresse des producteurs. Il faut que l’argent qui leur a été volé leur soit rendu (Exclamations sur les travées de l’UMP), tout en assurant la pérennité des exploitations.
Des mesures de fond de régulation du marché et des échanges, des mesures de contrôle des marges et de la grande distribution sont également indispensables pour sauver la production laitière et ses exploitants, pour préserver notre indépendance alimentaire, pour faire vivre nos espaces ruraux.
Nous ne voulons pas, monsieur le ministre, du modèle des fermes de 2 000 à 5 000 vaches qui est en préparation, pour le plus grand bénéfice des transformateurs et de la distribution.
M. Gérard Le Cam. Nous ne voulons pas livrer cette production aux intégrateurs, véritables esclavagistes des temps modernes.
Allez-vous engager immédiatement des discussions avec l’ensemble des producteurs, et pas seulement avec la Fédération nationale des producteurs de lait ? Quelles mesures d’urgence et de fond préconisez-vous pour assurer des prix rémunérateurs et pour éviter les crises à répétition ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur Le Cam, je suis en parfait accord avec vous. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. René-Pierre Signé. Il n’y aura pas de réplique !
M. Bruno Le Maire, ministre. Je l’ai dit à plusieurs reprises : je ne souhaite ni l’intégration – je suis, au contraire, favorable à des contrats équilibrés et justes, garantis par la loi, passés avec les producteurs, de façon à rééquilibrer les rapports de force entre producteurs et industriels –, ni des exploitations de 2 000 à 5 000 vaches – j’ai eu l’occasion d’en visiter –, qui ne correspondent pas à notre modèle ni à la diversité géographique de la France. Je veux insister sur ce point : je regrette qu’il n’y ait pas davantage d’unité et de soutien de la part des socialistes dans la bataille pour la régulation. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Dominique Braye. Eh oui ! Ils font de la petite politique !
M. Bruno Le Maire, ministre. Ils savent très bien, sauf à être de mauvaise foi, que la France se bat pour la régulation et qu’elle n’est pas favorable à la dérégulation.
Si nous avons tant de difficultés à convaincre nos partenaires européens, si la bataille est aussi rude, c’est parce qu’elle cache des enjeux économiques majeurs entre les pays du nord de l’Europe, qui ont intérêt à pratiquer la dérégulation, à avoir des exploitations de 2 000 à 5 000 bêtes et à faire jouer la concurrence exclusivement par le prix, et d’autres pays, à la tête desquels se trouve la France, qui réclament que l’on prenne en compte la diversité géographique, la diversité des exploitations, les questions d’aménagement du territoire, de sécurité sanitaire et alimentaire.
M. Bruno Le Maire, ministre. Le modèle alimentaire français doit être préservé.
Je précise également, toujours en parfait accord avec vous, monsieur Le Cam, que durant cette crise, – je l’ai fait hier, je continue à le faire aujourd’hui et je continuerai à le faire demain –j’ai dialogué avec toutes les organisations syndicales agricoles représentatives ; je les ai écoutées. En effet, nous ne trouverons de solution à cette crise qu’à travers le dialogue, l’ouverture et à la condition d’être capables de tenir compte des intérêts et des remarques de chacun. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur quelques travées de l’Union centriste.)
M. Dominique Braye. Très bien !
Mme Annie David. Monsieur le ministre, bien que vous affirmiez partager les propos de notre collègue Gérard Le Cam, votre réponse ne nous satisfait pas.
M. Dominique Braye. Est-ce que l’on peut vous satisfaire ?
Mme Annie David. En fait, vous ne répondez pas à la détresse actuelle des agricultrices et des agriculteurs de notre pays. Vous dites partager le constat du caractère inacceptable de leur situation, de la nécessité de prix rémunérateurs et d’une régulation du secteur agricole. Mais est-ce euro-compatible ? Comment allez-vous arriver à traduire ces constats dans la réalité ? Dans l’immédiat, les agricultrices et les agriculteurs ont besoin de mesures concrètes. M. Bailly en a parlé. Il s’agit notamment d’une année blanche et du report des délais relatifs à la mise aux normes des bâtiments agricoles.
Mme Annie David. Il s’agit aussi, pour la filière laitière, d’un prix d’achat minimal qui se situe entre 350 et 400 euros les 1 000 litres de lait. Les particularités de la montagne doivent également être prises en compte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. Daniel Soulage. Je représente dans cette enceinte le Lot-et-Garonne, département de polyculture et d’élevage du Sud-Ouest, qui compte 5 000 agriculteurs et 15 000 salariés agricoles. Le chiffre d’affaires de la filière des fruits et légumes correspond à 44 % du chiffre d’affaires total de la ferme agricole départementale. C’est dire l’importance de ce secteur pour notre économie !
La semaine dernière, au cours d’une réunion de crise relative à cette filière, les responsables de mon département ont souhaité que je vous transmette leurs demandes, monsieur le ministre. Je me fais donc leur interprète, à travers quatre questions courtes.
En ce qui concerne les prix, pourquoi, en période de crise grave, ne pas utiliser le coefficient multiplicateur ? Cette mesure a été votée par le Parlement, le Gouvernement a publié les décrets d’application, mais l’efficacité de cette disposition n’a jamais été testée.
S’agissant des mesures sociales, les exonérations de charges patronales mises en place ne concernent que le personnel occasionnel ; il paraît indispensable que le Gouvernement prenne également en compte le personnel permanent.
Concernant encore les mesures sociales, serait-il possible, monsieur le ministre, de créer la TVA sociale pour le secteur des fruits et légumes, ce qui aurait pour conséquence de baisser durablement le coût de main-d’œuvre ? Cela semble possible, compte tenu du niveau de la TVA sur les produits agricoles.
Par ailleurs, la situation financière des producteurs étant catastrophique, les agriculteurs ne pouvant faire face à leurs engagements financiers, vous devriez, monsieur le ministre, prendre des mesures afin de tenir compte des intérêts des emprunts et de reporter en fin de tableau la charge en capital de ces emprunts. Pouvez-vous répondre positivement à cette demande ?
M. Daniel Soulage. Pour ce qui est de la règle actuelle de minimis, le montant maximal de l’aide de l’État, fixé à 7 500 euros, doit pouvoir être dépassé en période de crise.
Certains trouveront que les producteurs sont exigeants, que ces mesures sont financièrement trop lourdes. Mais la situation est grave et ce n’est qu’à ce prix que l’on conservera un secteur « fruits et légumes » de qualité.
Si nous sommes contraints d’acheter notre nourriture à l’extérieur de la ferme France, nous perdrons nos marchés, nos emplois, et nous appauvrirons nos territoires. Il deviendra inutile de parler de sécurité sanitaire ou alimentaire. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur Soulage, permettez-moi d’insister : la crise agricole concerne non pas uniquement la filière du lait, mais toutes les filières agricoles.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien sûr !
M. Bruno Le Maire, ministre. Je l’ai dit tout à l’heure à l’Assemblée nationale : c’est la France agricole tout entière qui souffre aujourd’hui.
En ce qui concerne la filière des fruits et légumes, nous souhaitons – je l’ai déjà affirmé cet été – apporter des réponses les plus concrètes possibles pour la soutenir et pour lui permettre de passer un cap difficile et, surtout, de trouver un nouvel élan.
Je suis néanmoins attentif à ne pas créer d’illusions ou de déceptions sur des mesures qui me paraissent hasardeuses ou difficiles à mettre en œuvre.
S’agissant du coefficient multiplicateur, nous pouvons bien sûr l’expérimenter – je suis ouvert à toute expérimentation. J’attire cependant votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, sur le risque d’une importation massive de produits étrangers que la mise en place d’un tel coefficient ferait courir. Nous nous demandons déjà si la présence d’un grand nombre de produits d’importation sur nos étals est vraiment légitime. Je pense plus particulièrement aux pommes du Chili, alors que la production française permet largement de répondre à la demande des consommateurs. Veillons à ne pas favoriser les importations de produits étrangers.
Pour ce qui est de la TVA sociale, prenons garde à ne pas créer de faux espoirs ou des illusions. Cette taxe comporte deux risques. D’une part, elle risque d’être incompatible avec les règles communautaires. D’autre part, on peut craindre qu’elle ne grève le pouvoir d’achat des Français…
M. Bruno Le Maire, ministre. … et un prix trop élevé des fruits et légumes pourrait détourner nos concitoyens de ces produits, alors qu’il est déjà difficile de les inciter à en consommer.
En revanche, sur la question de l’allégement des charges pour les personnels temporaires, les saisonniers du secteur des fruits et légumes, nous sommes prêts à avancer le plus loin possible. Le Président de la République aura l’occasion de s’exprimer sur ce sujet prochainement. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Daniel Soulage. Monsieur le ministre, je vous remercie de vos réponses et de votre engagement au service de l’agriculture française et de nos agriculteurs.
Cependant, les producteurs de fruits et légumes, comme ceux de la filière laitière ou d’autres filières dont on a moins parlé, sont confrontés à un grave problème de revenu et de trésorerie à très court terme. Les agriculteurs ont besoin d’une intervention rapide et concrète de la collectivité nationale. Monsieur le ministre, nous comptons sur vous et sur le Gouvernement. Il y va de la survie de très nombreuses exploitations de notre pays.
M. le président. La parole est à M. François Fortassin pour le groupe du Rassemblement démocratique et social européen.
M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, jamais les termes « crises agricoles » n’ont été aussi adaptés à une situation catastrophique et calamiteuse : les prix des oléagineux et des céréales ont enregistré une baisse de 30 %, ceux de la viande de porc et des fruits et légumes, de 15 %.
Mais la crise la plus importante concerne la filière du lait. Monsieur le ministre, je vous donne acte de votre bonne volonté. Cependant, un certain nombre de producteurs risquant d’abandonner leur activité dans les mois qui viennent, il est à craindre que les mesures prises n’aient l’effet d’un emplâtre sur une jambe de bois. Quelles mesures draconiennes comptez-vous prendre ? Une solidarité doit être créée au sein de la filière. Les producteurs laitiers doivent-ils être la seule variable d’ajustement ou êtes-vous en mesure de faire en sorte que les distributeurs et les industriels, qui n’ont jamais gagné autant d’argent alors que nous traversons une crise laitière, partagent les risques ? Telle est la vraie question. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Monsieur le ministre, je ne saurais trop vous recommander de prendre en compte l’amendement que j’avais déposé, qui a été adopté à l’unanimité par le Sénat…
M. François Fortassin. … et aux termes duquel les herbivores doivent essentiellement manger de l’herbe. En effet, c’est avec l’herbe et le foin que sont produits la meilleure viande et le meilleur lait. Dans le même temps, les nappes phréatiques sont protégées, ce qui, d’un point de vue environnemental, est assez exceptionnel.
Nous attendons des mesures draconiennes,…
Mme Annie David. Et concrètes !
M. François Fortassin. … qui seront impopulaires aux yeux de certains ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur Fortassin, je partage votre analyse : nous ne pouvons pas attendre pour poursuivre les mesures de soutien au secteur agricole, en général, et à la filière laitière, en particulier. Des mesures immédiates doivent être adoptées à l’échelon européen comme à l’échelon national.
Sur le plan européen, – je répondrai ainsi à la remarque formulée par Mme David tout à l’heure – nous n’attendrons pas que le groupe à haut niveau remette ses conclusions au mois de juin 2010. Je demande, avec les vingt et un États qui soutiennent notre pays, des mesures immédiates. Je demande le déblocage pour le budget 2010 des 300 millions d’euros supplémentaires. Je demande également l’ouverture, dans les meilleurs délais possibles, de l’organisation commune de marché, ce qui répond aussi à votre question. En effet, seule cette ouverture nous permettra d’être en adéquation avec les règles européennes lorsque nous mettrons sur pied un accord entre industriels et producteurs de lait. La régulation et les règles juridiques européennes doivent être modifiées.
À l’échelon national, un certain nombre de mesures ont déjà été prises : 60 millions d’euros en mesures de soutien ont été affectés à la filière, 250 millions d’euros de prêts bonifiés ont été accordés par le Crédit agricole, les mesures de la PAC seront débloquées dès vendredi plutôt qu’au 1er décembre, ce qui représente un coût de l’ordre de 3 millions d’euros pour l’État français.
Toutes les mesures nécessaires seront prises, et si des difficultés nouvelles venaient à survenir, pour le lait ou pour d’autres filières, nous adopterions les décisions qui s’imposent. Nous ne laisserons aucun exploitant agricole français sur le bord du chemin ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur quelques travées de l’Union centriste.)
Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le ministre, je vous remercie des éléments de réponse que vous nous avez apportés. Les mesures immédiates que vous vous apprêtez à adopter dans divers domaines nous apportent un certain réconfort.
Il n’en reste pas moins que vous n’avez pas évoqué le problème des distributeurs, alors qu’il se trouve au cœur des difficultés que nous connaissons aujourd'hui. Bien entendu, nous aimerions disposer d’informations complémentaires à cet égard.
C’est dans ce cadre-là, monsieur le ministre, que nous attendons des mesures, immédiatement mais aussi à moyen terme. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées de l’UMP.)
M. Alain Vasselle. Monsieur le ministre, l’agriculture française, toutes productions confondues, est au bord de la faillite.
Or les producteurs et les agriculteurs français ne pourront agir comme l’État français, qui est en faillite depuis quelques années (Rires sur les travées du groupe socialiste), qui fait de la cavalerie budgétaire et qui emprunte pour rembourser sa dette !
M. Didier Guillaume. Nous n’aurions pas dit mieux !
M. Alain Vasselle. La dérégulation est certainement le poison dont l’agriculture française est en train de souffrir.
M. Éric Doligé. Très bien !
M. Alain Vasselle. Pour les agriculteurs, les charges ne cessent de croître, la barque de s’alourdir, et le Grenelle II n’a pas arrangé la situation à cet égard : même si la taxe carbone devrait a priori être compensée,…
M. Daniel Raoul. Espérons-le !
M. Alain Vasselle. … il n’est pas certain que les contraintes nouvelles qui viennent s’imposer aux agriculteurs français, comme des démarches administratives supplémentaires, amélioreront la situation, et cela vaut pour toutes les productions.
Je suis l’élu d’une région dite « de grandes cultures », la Picardie, où les cultures céréalières, betteravières, oléagineuses et protéagineuses dominent. Or, monsieur le ministre, je puis vous affirmer que l’EBE, c'est-à-dire l’excédent brut d’exploitation, ne permettra pas aux agriculteurs d’honorer leurs annuités d’emprunt en 2010.
M. Didier Guillaume. C’est ça la vérité !
M. Alain Vasselle. Ce manque à gagner asséchera leur trésorerie, mettant en jeu d’une manière particulièrement dangereuse l’équilibre des exploitations.
Il m’importe donc de connaître les initiatives que le Gouvernement entend prendre pour remédier à cette situation et permettre aux agriculteurs d’éviter les effets néfastes de la dérégulation. (Applaudissements sur quelques travées de l’UMP.)
M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur le sénateur, je le répète, toutes les filières agricoles sont touchées.
Vous avez évoqué le secteur des céréales, qui est en effet l’un des plus affectés aujourd'hui par la crise, parce qu’il supporte le poids cumulé de trois facteurs négatifs : l’augmentation constante du coût des intrants pour la production ; l’effondrement, que vous connaissez parfaitement, du cours des céréales au cours des derniers mois, alors que l’année précédente avait été plus favorable ; enfin, une parité euro-dollar qui nous est très largement défavorable.
Nous disposons de mécanismes de réaction et d’intervention, dont certains sont automatiques, comme le soutien européen, qui, à la demande de la France, sera maintenu pour le blé en 2010, et de systèmes d’adjudication, destinés à relever le prix des céréales, qui devront être utilisés par la Commission européenne pour faire face à l’effondrement du prix des céréales survenu au cours des derniers mois.
Face à ces facteurs négatifs, permettez-moi de le souligner, nous nous battrons pour mettre en place une véritable régulation européenne sur l’ensemble des marchés.
De même, nous lutterons, et j’espère que nous œuvrerons tous en ce sens, mesdames, messieurs les sénateurs, pour instituer des dispositifs nationaux d’assurance revenu, qui permettront aux agriculteurs, dans toutes les filières, de faire face aux variations de prix et de revenus trop importantes qu’ils connaissent depuis des années.
La mise en place d’assurances revenus doit constituer aujourd'hui pour l’agriculture française un objectif stratégique, partagé par tous les acteurs.
Enfin, je souhaite faire le point sur la grande distribution, pour répondre à la remarque qui m’a été adressée tout à l’heure.
Oui, la grande distribution doit encore accomplir des efforts, notamment à l’égard de la filière des fruits et légumes, comme elle l’a fait avec les ventes au déballage.
Au regard des résultats obtenus en matière de transparence des prix et des marges pour les fruits et légumes, je souhaite qu’elle en fasse encore davantage, notamment en mettant fin, en 2010, au système des remises, rabais et ristournes qui, compte tenu de la crise, ne me semble plus légitime. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur. C’est un vœu !
M. Alain Vasselle. Monsieur le ministre, je vous remercie des éléments de réponse que vous avez bien voulu porter à notre connaissance et je salue votre volonté de défendre les intérêts de la profession.
Je souhaite que les mesures de régulation que vous venez d’évoquer aient des effets concrets pour la profession, afin que celle-ci puisse vivre des prix agricoles, plutôt que des aides publiques et européennes.
Demain, si les soutiens européens disparaissaient, c’est l’ensemble de la profession qui serait en situation de faillite. Ce n’est pas ce que souhaite le Gouvernement, me semble-t-il. J’espère donc que les résultats seront au rendez-vous.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, à la suite de notre débat du 25 juin dernier sur la crise du lait, de votre audition du 22 septembre 2009 par le Sénat et du Conseil des ministres européens de l’agriculture du 5 octobre dernier, l’idée de régulation semble faire son chemin, ce qui n’était pas acquis.
Néanmoins, pourriez-vous nous indiquer quel type de régulation vous envisagez et dans quels délais vous espérez aboutir ? Quelle sera d'ailleurs la part de la régulation et celle de la contractualisation, sachant que les agriculteurs ne veulent pas de cette dernière ?
Pendant que ce processus se déroule, la France entend-elle demander le gel de l’augmentation de 1 % des quotas laitiers qui est prévue chaque année jusqu’en 2015 ? Pensez-vous pouvoir peser sur vos collègues européens dont les États n’utilisent pas la totalité de leurs quotas, ce que l’on appelle les « quotas noirs » ?
En attendant les décisions à venir d’ici au mois de juin prochain, environ un tiers des producteurs, soit 87 000 fermes laitières, se trouvent à la limite de la cessation de paiement. Ils ont subi une perte sèche de l’ordre de 18 000 euros nets depuis le début de l’année. Certains d’entre eux ont même un taux d’endettement supérieur à 40 % !
Monsieur le ministre, quelles mesures envisagez-vous de prendre pour faire face à cette réalité, sachant que les premières décisions annoncées, notamment le recours aux banques pour obtenir des fonds de roulement, ne semblent pas donner satisfaction ?
Seriez-vous prêt, comme certains le suggèrent, à mettre en place une aide directe à la personne, garantie par l’État et remboursable ? Pensez-vous que les mesures actuelles soient suffisantes pour éviter la disparition de très nombreuses exploitations, qui aurait pour conséquence de faciliter ce que vous ne souhaitez pas, si j’en crois vos propres propos, à savoir l’émergence de fermes comptant de 2 000 à 5 000 têtes de bétail ?
Pour rebondir sur la question de mon collègue Fortassin, et en ce qui concerne la grande distribution, le prix du lait a augmenté de 17 % en 2008. Depuis le début de l’année, il n’a baissé que de 2 % dans les grandes surfaces, alors que le cours du lait acheté au producteur s’est complètement effondré.
M. Didier Guillaume. Eh oui !
M. Jean-Pierre Godefroy. Il y a sans doute des mesures à prendre, au lieu de simplement formuler des vœux !
Par ailleurs, vous devez prendre en compte le souhait exprimé en notre nom par notre collègue Didier Guillaume : il est indispensable qu’une mission d’information soit mise en place sur la transparence et la constitution des prix agricoles. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. François Fortassin applaudit également.)
M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur Godefroy, je profiterai de votre question pour préciser ce que nous entendons par « l’indispensable régulation européenne du marché du lait ».
Cette régulation, je le répète avec beaucoup de force, doit préluder à celle de l’ensemble des marchés agricoles de l’Union européenne, mais aussi, je l’espère, à celle des marchés agricoles à l'échelle mondiale, qui reste un projet stratégique indispensable et que nous devons mettre en œuvre au bénéfice de tous les producteurs agricoles de la planète. J’ai d'ailleurs eu l’occasion de le dire à mon homologue américain, voilà quelques jours, à Washington.
La régulation européenne présente trois aspects.
Premièrement, elle comporte un échelon national, avec des contrats justes et équilibrés, définis par la loi entre les producteurs et les industriels, et portant sur des volumes et des prix. C’est là le seul moyen de garantir des revenus stables et décents aux producteurs de lait, en France comme dans les autres pays européens.
Deuxièmement, elle se caractérise par la possibilité d’améliorer les instruments d’intervention européens existants. Ils ne sont plus adaptés aux situations de crise, aux aléas climatiques trop nombreux ou aux variations de prix trop importantes. Toutefois, je ne développerai qu’un seul exemple, celui du stockage privé, qui n’était possible en Europe que pendant quelques mois sur les douze que compte l’année. La France a demandé et obtenu qu’il soit autorisé en permanence, afin que nous puissions réagir aux variations des cours de manière immédiate, et non pas décalée sur une période trop brève.
Troisièmement, et sur ce point nous continuons à nous battre, parce qu’il n’est pas facile de progresser au même rythme avec l’ensemble de nos partenaires, la régulation consiste à établir une transparence…