M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais non ! Tout cela a donné matière à un rapport magnifique !
M. Jean Desessard. Du fait de cette promiscuité, madame la ministre, soit nous sommes impolis parce que nous nous opposons à vous, soit nous tombons sous votre emprise, ce qui rend le débat difficile ! (Sourires.)
Puisque vous faites une réforme, autant vous donner les moyens de faire en sorte que les choses se passent bien !
M. Jean Desessard. Que de temps perdu ! Le président Larcher, en réponse à Jean-Pierre Bel, a fait valoir que le vendredi, à dix heures quarante-cinq, le compte rendu des débats sur le titre Ier avait été publié. Trois heures plus tard, c’était au tour du titre II… Puis, le reste vint le lundi, le mardi… Mais enfin, il ne s’agissait pas de résultats sportifs ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) On peut quand même se donner le temps d’analyser une loi !
M. François Autain. Bien sûr !
M. Jean Desessard. Si vous n’êtes pas prêts, ne soumettez pas le projet de loi au Parlement !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous sommes prêts !
M. Jean Desessard. Attendez d’avoir les moyens et de pouvoir travailler dans de bonnes conditions ! Tout cela n’a rien de sérieux.
Le président Larcher, au lieu de défendre ce mode de fonctionnement, aurait mieux fait de reconnaître la difficulté de la situation et d’admettre qu’il avait été pris un peu au dépourvu !
Madame la ministre, y avait-il urgence ?
Mme Dominique Voynet. Non !
M. Jean Desessard. Pourquoi cette impatience ?
M. Jean Desessard. Mais non, je vous le dis ! J’ai réfléchi, moi ! (Sourires.)
M. Jacques Blanc. Pour une fois !
M. Jean Desessard. Ce projet de loi pouvait attendre. Il doit être replacé dans un contexte plus général. Qui est le patron de Mme Bachelot ?
Mme Dominique Voynet. Nicolas Sarkozy !
M. Jean Desessard. Voilà !
Quel est le triptyque qui caractérise la pensée de M. le Président de la République ?
Premier point : faire sauter les blocages de la société française, faire sauter les résistances, faire sauter les acquis sociaux ! Deuxième point : contrôler, tout contrôler et encore tout contrôler ! Troisième point : s’enrichir vite et sans honte ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Protestations sur les travées de l’UMP.)
Madame la ministre, vous nous proposez une nouvelle réforme pour répondre à la frénésie réformatrice du Président de la République, qui souhaite placer tous les services publics sous les ordres de « patrons » à son service : l’audiovisuel, la justice, avec la fin des juges d’instruction, les universités et, aujourd’hui, la santé.
Cette réforme, cela a été dit à plusieurs reprises, ne vise qu’un seul objectif : réduire les dépenses de l’hôpital public pour le rendre rentable. Mes chers collègues, je vois bien que vous pensez que je rabâche…
M. Jacques Blanc. Cela tient plutôt du délire !
M. Jean Desessard. J’entends d’ici vos réflexions ! Mais qui rabâche vraiment, mes chers collègues ?
Au journal télévisé, il ne se passe pas un soir sans que l’on nous annonce le licenciement d’ouvriers qui gagnent 1 500 euros par mois…
M. Guy Fischer. Moins que ça !
M. Jean Desessard. … et partent avec six ou sept mois d’indemnité de licenciement. À côté de cela, les patrons qui ont mal géré partent avec des dizaines de millions d’euros de retraite chapeau ou de parachute doré !
Mlle Sophie Joissains. Hors sujet !
M. Jean Desessard. Ce n’est pas moi qui rabâche, c’est le système qui rabâche, et c’est ce système que vous voulez adapter à la santé !
Oui, l’hôpital est en crise, mais cette crise est d’abord d’ordre financier : l’hôpital doit obtenir des moyens.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On n’a jamais autant dépensé !
M. Jean Desessard. La colère des professionnels hospitaliers, médecins, internes, infirmières et aides-soignants – qui se mobiliseront de nouveau jeudi prochain, madame la ministre ! – exprime un désaveu quant à la méthode employée, caractérisée par l’absence de concertation.
M. le rapporteur nous dit qu’il a rencontré les professionnels. Bravo ! Il en a rencontré deux cents ! Deux cents fois bravo ! Mais la concertation ne se limite pas à l’audition. Nous savons très bien que la démocratie, ce peut être parfois : « Cause toujours ! ». Monsieur le rapporteur, vous rencontrez ces personnes, vous les écoutez et vous continuez d’appliquer les décisions du président Sarkozy. Je n’appelle pas cela de la concertation !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est faux ! La commission a travaillé en toute indépendance !
M. Jean Desessard. Les professionnels du secteur public veulent être reconnus, voir leur travail respecté !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Demandez-leur plutôt ce qu’ils pensent du rapport !
M. Jean Desessard. Ils défendent l’esprit du service public, ils veulent continuer à travailler dans le service public ! Mais pour cela, il faudrait leur en accorder les moyens ! Ils voient des collègues avec lesquels ils ont fait leurs études gagner quatre ou cinq fois plus dans le secteur privé !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ils ne gagnent pas toujours moins que dans le privé ! Vous ne connaissez pas le secteur privé !
M. Jean Desessard. Ils restent dans le secteur public parce qu’ils y croient, mais il faut leur donner les moyens d’y croire et les reconnaître ! Voilà pourquoi nous parlons d’absence de concertation !
Sur le fond, ils refusent un directeur super-intendant chargé de rationaliser les dépenses. Rationaliser les dépenses, il faut bien voir ce que cela veut dire. Si on va jusqu’au bout, cela signifie supprimer des emplois ou diminuer l’offre de soins.
M. Jean Desessard. Il n’y a pas d’autre alternative.
À la fin de l’année 2008, l’ensemble des établissements de santé publics cumulait un déficit avoisinant un milliard d’euros…
M. Jean Desessard. … et 90 % des CHU étaient dans le rouge. Dans le même temps, la Générale de santé, qui réalise plus de 16 % des hospitalisations privées en France, dégageait un résultat net de 87,2 millions d’euros, en hausse de 91 % par rapport à 2007.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Et la Mutualité française ?
M. François Autain. La Mutualité française ne fait pas de bénéfices !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Et comment ! Quatre milliards d’euros de réserves !
M. François Autain. C’est la réglementation qui l’y oblige !
M. Jean Desessard. Les esprits simplistes diront qu’il faut adapter les méthodes du privé au public ! Mais, pour nous, l’origine de la crise se trouve dans la généralisation de la tarification à l’activité, établie sans tenir compte de la réalité complexe de la prise en charge des patients à l’hôpital.
En effet, les cliniques et les hôpitaux ne font pas le même travail. Les cliniques se sont spécialisées sur des actes répétitifs, programmables à l’avance et, surtout, bien remboursés par l’assurance maladie, du fait d’une tarification avantageuse.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas toujours vrai ! J’ai traité des urgences en clinique privée !
M. Jean Desessard. Ainsi, en Île-de-France, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris réalise plus de 700 types d’actes chirurgicaux, alors que l’ensemble des cliniques de la région en réalisent dix fois moins.
M. Jean Desessard. Autre exemple : 84 % des ablations des amygdales sont opérées dans le privé, car ce sont des actes rentables.
M. Alain Milon, rapporteur. On n’opère plus des amygdales !
M. Jean Desessard. En revanche, la quasi-totalité des personnes malades du SIDA sont soignées dans le public, or ces soins coûtent très cher.
Selon la Fédération hospitalière de France, le nombre d’accouchements par césarienne en France a presque doublé en vingt ans, représentant près de 20 % du total des naissances, lorsque l’Organisation mondiale de la santé estime que le taux devrait se situer entre 5 % et 15 %. Cette augmentation a surtout été constatée dans les cliniques privées !
M. François Autain. Bien sûr !
M. Jean Desessard. Cette dérive inquiétante relève moins de raisons médicales que de facteurs liés à la rentabilité économique, puisque les césariennes sont plus faciles à programmer et permettent de limiter les gardes de nuit et de week-end dans ces maternités.
Nous ne partageons pas la même logique, nous voulons garantir à l’hôpital public les ressources nécessaires à la réalisation de ses multiples missions de service public.
L’ouverture au privé ne vise pas, à terme, la privatisation du secteur de la santé. En effet, la droite privatise en général les entreprises qui marchent bien, comme EDF ou les autoroutes, que les péages ont déjà remboursées… (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) Quand il y a de l’argent à gagner, on privatise ! Or ce n’est pas le cas de l’hôpital. Puisque l’on ne sait pas comment le privatiser, on y fait entrer tout doucement le privé, pour qu’il choisisse ce qui est rentable, programmable à l’avance, bien remboursé, et laisse à l’hôpital public les actes coûteux, lourds et ingrats. Tel est l’objectif de ce projet de loi.
M. François Autain. C’est un peu schématique, mais il a raison !
M. Jean Desessard. Madame la ministre, votre projet aurait pu être mobilisateur ! Non pas parce que des milliers de manifestants seront dans la rue jeudi prochain (Sourires.), mais parce que les agences régionales de santé étaient une bonne idée.
Les Verts ont toujours été favorables à la transformation des agences régionales de l’hospitalisation en agences régionales de santé, pour mettre fin au cloisonnement entre hôpital et médecine de ville, entre service public et exercice libéral, entre médical et médico-social, pour tenir compte de l’ensemble des paramètres sociaux et environnementaux.
Ces agences auraient pu être de véritables instances de démocratie sanitaire…
Mme Annie David. Auraient pu !
M. Jean Desessard. … associant les professionnels de santé, les élus locaux, les usagers et l’assurance maladie. Elles auraient ainsi pu constituer le socle d’une grande réforme du système de santé, en passant d’une logique de soins à une logique de santé et en rapprochant les lieux de décision des acteurs de terrain. Elles pourraient être le lien indispensable entre des objectifs nationaux – exprimés par le Parlement dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale –, et leur traduction concrète sur les territoires, en collaboration avec les acteurs locaux.
Mais la mise en place des ARS, telle qu’elle est prévue dans cette loi, avec à leur tête des « superpréfets de la santé », directement aux ordres du Gouvernement et de qui vous savez (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.), représente une véritable régression après trois décennies de décentralisation.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Jean Desessard. Cette réforme conduit à une étatisation technocratique, dont le seul but est de réformer la carte hospitalière pour réduire les dépenses, et démanteler le service public au profit du secteur privé !
Madame la ministre, je dois conclure…
Mme Annie David. Dommage !
M. Jean Desessard. Cette réforme représente une occasion manquée de faire entrer notre système de santé dans le xxie siècle et de mettre en place un véritable plan de relance pour la santé. Vous allez sûrement me répondre qu’un plan de relance est irréaliste ! Pourtant c’est ce que Barack Obama est en train de mettre en œuvre aux États-Unis.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires culturelles. Ils en ont besoin !
M. Jean Desessard. Sur les 727 milliards de dollars de son plan de relance, 150 milliards sont consacrés à la santé.
M. Alain Fouché. Aucun rapport !
M. Jean Desessard. On n’attendait pas cela des Américains, il n’y a pas si longtemps !
Au lieu de cela, vous mettez à la tête des hôpitaux des directeurs-superintendants, chargés d’appliquer votre politique de rigueur budgétaire. Vous confiez des missions de service public aux cliniques privées qui continueront de s’enrichir, sans subir les mêmes contraintes que les hôpitaux publics en matière de gardes ou de dépassements d’honoraires.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Jean Desessard. Votre politique ne prend pas en compte les nouveaux risques liés à l’évolution des modes de vie et de consommation et à la multiplication des pollutions. Votre projet de loi ne prend pas non plus la mesure des besoins nouveaux d’accompagnement liés au vieillissement de la population.
Bref, les sénatrices et les sénateurs Verts ne se reconnaissent pas dans l’esprit de cette réforme qui, comme les précédentes, leur semble vouée à un échec certain, puisqu’elle se borne à une analyse comptable à court terme de la santé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. André Lardeux.
M. François Autain. Ce n’est pas le même genre !
M. André Lardeux. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens à féliciter, pour commencer, le président de la commission des affaires sociales, Nicolas About, et notre rapporteur, Alain Milon, pour le travail accompli dans des conditions difficiles, dues aux arcanes d’une réforme de la procédure inappropriée dont le mieux que l’on puisse faire est de n’en rien dire ! Cette réforme montre que la revalorisation du rôle du Parlement est un combat qui n’a pas encore commencé, sans parler des difficiles conditions de travail imposées aux services du Sénat, et notamment au secrétariat de la commission.
Cela étant, ce projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, fort complexe, certes, car rendu trop touffu par les nombreux ajouts dus au débat parlementaire, comporte trois éléments essentiels qui doivent conduire à son adoption.
Le premier est la modernisation de la gouvernance des établissements de santé. Il fallait franchir ce premier pas : il était en effet souhaitable que la conduite des missions de service public ne soit pas liée au statut juridique des établissements, mais à la satisfaction des besoins de la population. Le Gouvernement propose cette avancée, qui relève d’une gestion raisonnable.
Le renforcement des prérogatives du chef d’établissement est bienvenu : chaque établissement doit avoir un pilote responsable, capable d’exercer ses prérogatives sans pour autant être un autocrate refusant la concertation. Il faudra que ce pilote soit de qualité et éviter que le statut ne lui permette de s’abriter derrière des règles qui rendraient inefficace son évaluation, laquelle doit être suivie soit d’une revalorisation de sa situation, soit de sanctions éventuelles.
La durée de son mandat devra, me semble-t-il, être suffisante pour qu’il fasse ses preuves et atteigne les objectifs fixés, mais pas trop longue, pour qu’il ne s’encroûte pas et ne devienne pas complice ou prisonnier des enjeux locaux, pas toujours compatibles avec les orientations nationales, et parfois contraires au bien commun. Il devra être capable d’établir des relations de confiance avec le corps médical ; à cet égard, il serait bon de clarifier le sens des appellations et d’éviter la confusion entretenue sciemment à propos du projet médical, avec des arrière-pensées peu bienveillantes…
Le projet de communauté hospitalière de territoire est intéressant, de même que le développement de la coopération entre secteurs public et privé.
La séparation entre le conseil de surveillance et le directoire va dans le bon sens, en distinguant ce qui relève de l’orientation et du contrôle de ce qui relève du pilotage et de la gestion des établissements. Que le président du conseil de surveillance ne soit pas systématiquement le maire de la commune ne me choque pas personnellement : en effet, le président de ce conseil ne devrait être ni juge ni partie en la matière. Trop souvent sont mis en avant des arguments, certes humainement compréhensibles, mais pas toujours en adéquation avec la qualité du service, les intérêts des patients ou les moyens du contribuable ou du cotisant.
Il faudrait aussi éviter que ce président ne soit que le porte-parole du directeur de l’ARS. On peut se demander si, étant donné les pouvoirs dont il dispose par ailleurs, celui-ci doit être le seul à nommer toutes les personnalités qualifiées membres du conseil de surveillance. Il serait à mon sens raisonnable que plus de la moitié d’entre elles soit nommée par l’État.
Le second élément concerne la création des agences régionales de santé.
En effet, la situation actuelle n’est pas satisfaisante. On a du mal, surtout quand on est un simple citoyen, à savoir qui fait quoi, entre les ARH, les DRAS, les DASS, les URCAM, les CRAM, les CPAM, la MSA, la RSI, la MRS (Sourires.), les instances ordinales et, même, les collectivités locales.
Aussi, s’il y a désormais un organisme unique, l’ARS, couvrant l’ensemble du fonctionnement du système de santé, ce serait une bonne chose. À cet égard, je regrette l’adjonction du mot « autonomie » qui m’apparaît comme une décision maladroite et malheureuse.
Il faudra veiller à ce que les directeurs des ARS, qui vont avoir un rôle central, soient à la fois de grande qualité, capables de s’exonérer des contingences politiques locales, tout en sachant coopérer avec les différentes autorités au lieu de les ignorer, comme cela a souvent été le cas pour les ARH. On attend de ces personnes qu’elles aient les qualités et les compétences des meilleurs serviteurs de l’État sans être tenues par des solidarités politiques présentes ou passées.
M. Dominique Leclerc. Très bien !
M. André Lardeux. Pour cette raison, la durée de leur mandat ne devra être ni trop brève ni trop longue.
Se pose aussi la question de l’association des professions de santé dans le fonctionnement des ARS. Les tenir à l’écart serait regrettable ; aussi faut-il prévoir une place à un niveau suffisant pour assurer leur participation. On ne peut pas faire fonctionner le système sans l’adhésion des professions de santé et il semble prudent de ne pas en faire des opposants. J’ai en effet perçu, lors des rencontres que j’ai faites il y a quelques jours, des interrogations insistantes sur la parole et la signature de l’État.
Il faudra éviter que les ARS ne soient de trop lourdes machines engluées dans les règlements et dans la paperasse, ce qui est l’une des causes des difficultés présentes. Aussi, plutôt que de rassembler tout ce qui existe et de voir ensuite ce qui va se passer, il serait utile de remettre d’ores et déjà en cause certains services pour éventuellement en modifier le format.
Le troisième élément concerne la démographie médicale et les modalités d’installation des médecins.
L’accord passé avec les représentants des infirmiers et infirmières est un précédent intéressant et utile, qui peut servir de modèle.
Il est souhaitable pour tous - pouvoirs publics, médecins et patients - que le dispositif prévu, auquel j’adhère, fonctionne ; sinon, lors de la prochaine réforme, on ne pourra que recourir à la méthode coercitive d’installation, avec les inconvénients que cela pourrait engendrer.
L’action sur le numerus clausus en fin de première année d’études est essentielle. Il est tout à fait fondé de prévoir sa révision annuelle, car il faut être très réactif. Cela suppose une augmentation sensible des postes dans les zones sous-médicalisées et une réduction drastique dans les zones surmédicalisées. Je compte sur le ministère pour tenir bon face aux innombrables pressions qu’il ne manquera pas de subir.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. L’arrivée des médecins étrangers rendra ce dispositif inopérant puisqu’ils seront libres de s’installer où ils voudront. Seuls les étudiants français seront pénalisés !
M. André Lardeux. Pour ce qui est de l’internat, les mesures proposées vont aussi dans le bon sens puisqu’elles visent à prendre en compte les besoins des patients et non pas seulement ceux de l’université.
Les dispositions qui ont été les plus médiatisées, notamment celles qui concernent l’alcool, sont, à l’issue du vote de l’Assemblée nationale, parvenues à un point d’équilibre qu’il ne faudrait pas trop modifier.
En dehors de ces éléments qui entraînent mon adhésion au texte, j’ai aussi quelques bémols à formuler.
Comme je l’ai déjà dit, je déplore le caractère quelque peu touffu du texte qui nuit à sa lisibilité globale, même s’il faut reconnaître en toute justice que ce n’est pas de la responsabilité essentielle du Gouvernement si le texte compte plus de cent articles au sortir de l’Assemblée nationale.
Le deuxième bémol a trait aux articles L.6161-4 et L.6161-4-1 du code de la santé publique concernant les contrats des médecins dans le cadre de l’hospitalisation privée.
J’ai l’impression que le passage par la voie conventionnelle était plus approprié qu’un texte législatif. Dans le cadre des établissements gérés par les associations, cela n’entraîne pas d’inconvénient majeur ; il n’en est pas de même pour les établissements à but lucratif. Cela donnait tout pouvoir aux représentants des intérêts financiers et cela entraînait un déséquilibre difficile à justifier. Je ne pense pas que notre politique a pour but de favoriser les entreprises dont les intérêts ne concordent pas toujours avec les objectifs de santé publique.
De plus, les médecins qui s’inquiètent de cela ne sont pas forcément ceux qui ont livré ces établissements aux financiers et les modifications apportées par la commission vont dans le bon sens.
Le troisième bémol concernait l’article 18. Le rapporteur s’en est expliqué et j’adhère totalement à son point de vue. Le texte auquel on est parvenu me semble beaucoup plus raisonnable.
Personnellement, je ne crois pas du tout au testing parce que c’est un risque d’atteinte à la liberté dans la mesure où ceux qui s’y livrent ne sont pas de bonne foi. Par ailleurs, une incitation à commettre un délit ne me paraît pas être une démarche très civique.
À ce propos, je veux attirer l’attention sur le fonctionnement de la CMU.
Certes, je désapprouve totalement les praticiens qui refusent dans leur cabinet les bénéficiaires de la CMU. Toutefois, il faut savoir que certains bénéficiaires ne présentent pas les documents nécessaires, que d’autres, tout en ayant la carte CMU, n’en sont plus bénéficiaires et, dans ce cas, c’est le praticien qui n’est pas payé par la sécurité sociale. Cela peut expliquer un certain nombre de problèmes.
Cela m’amène, de façon annexe, à évoquer certains tarifs. Les dentistes ont souvent, sur ce sujet, été pointés du doigt. Si l’on revoyait le niveau de rémunération de certains actes qui n’ont pas évolué depuis plus de vingt ans, peut-être les dentistes pourraient-ils pratiquer des tarifs un peu différents sur d’autres.
Un autre bémol concerne l’article 22 ter, ajouté par l’Assemblée nationale. Vous connaissez mon opposition à la prise en charge de la pilule abortive. Cela pourrait suffire, mais, dans ce cas, je ne vois pas pourquoi les étudiants se verraient appliquer un traitement différent des autres jeunes majeurs. De plus, la médecine universitaire est loin d’être assez efficace pour que cette disposition soit mise en œuvre.
Pour conclure, je dirai que cette réforme va dans le bon sens mais que ce n’est qu’une étape. En effet, de grands défis nous attendent.
Il n’est pas sûr que les cadres institutionnels des établissements publics et privés puissent être suffisamment performants à l’avenir. Si les CHU peuvent garder un statut public avec une autonomie relative, le rapprochement des autres structures doit conduire à un rapprochement institutionnel avec de nouvelles formes juridiques qui pourraient s’inspirer, par exemple, des fondations hollandaises.
Le second défi, qui apparaîtra bien sûr dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, est celui du financement. Si ce texte peut introduire plus de rationalité et de rigueur, il ne résout pas encore la question des coûts et des ressources. Celles-ci sont d’ailleurs obérées par la crise économique actuelle. Mais quand celle-ci sera passée, plus rien ne sera comme avant. Nous serons confrontés à des choix : soit une diminution des prestations prises en charge par l’assurance obligatoire en privilégiant les soins les plus coûteux, soit une augmentation nette des cotisations payées par l’assuré, ce qui serait fort injuste pour les jeunes générations et les familles nombreuses. En aucun cas, on ne pourra faire croire qu’on rasera gratis et qu’un retour à la croissance résoudra la question. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, on comprendra facilement qu’en intervenant dans ce débat en seizième position je prenne le risque de répéter ce qui a déjà évoqué par les orateurs qui m’ont précédé.
M. Jean-Jacques Mirassou. Je fais le pari des vertus pédagogiques de la répétitivité, …
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Si c’est pour répéter les bêtises qu’ont déjà dites vos amis…
M. Jean-Jacques Mirassou. … afin de vous inciter, au moins dans un premier temps, à partager un diagnostic sur lequel s’accordent bon nombre des membres de la communauté hospitalière, qui se manifesteront du reste dans les heures à venir, et à partir duquel, d’une manière un peu lapidaire, on peut affirmer que votre projet de loi n’est pas bon. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
En effet, ce texte privilégie des considérations économiques, qui sont posées comme de véritables postulats, au détriment, malheureusement, de ce qui devrait être au cœur du débat qui s’engage, c’est-à-dire la pérennité et l’amélioration du fonctionnement de l’hôpital public.
Pourtant, la réforme de l’hôpital est un enjeu dont personne ne saurait nier la nécessité. L’évolution des techniques de soins, la nouvelle prise en charge des malades, les exigences en matière de sécurité sont autant de questions auxquelles il faut répondre, sans oublier la spécificité et la mission essentielle de l’hôpital, que vous avez évoquée tout à l'heure : l’hôpital doit rester le garant - pour tous - de l’égal accès à des soins de qualité tout en assurant la polyvalence de l’offre.
Il s’agit d’une mission qui, là plus qu’ailleurs, s’accommode difficilement d’une approche budgétaire qualifiée d’ « exagérément comptable » - le mot est faible - dont les effets pervers ont été révélés, dans un premier temps, à l’occasion de l’instauration de la tarification à l’activité.
C’est pourtant cette même approche budgétaire que vous avez retenue et confirmée dans ce projet de loi, madame la ministre, pour réformer l’hôpital. Cela, vous en conviendrez, disqualifie, au moins en partie, les bonnes intentions que vous avez affichées tout à l'heure dans ce registre.
D'ailleurs, dans ces conditions, ce n’est pas un hasard si, comme d’autres orateurs l’ont évoqué avant moi, le mot « hôpital » est le grand absent de ce texte.