M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Les 35 heures !
M. Bernard Vera. « Dès 2005, […] le Centre d’analyse stratégique constatait que “les marges de manœuvre pour amplifier la politique d’allégement du coût du travail sur les bas salaires [avaient] atteint leurs limites” dans la mesure où les cotisations patronales de sécurité sociale au niveau du SMIC avaient presque totalement disparu. La question était d’ores et déjà posée du redéploiement des moyens affectés à la politique de soutien aux bas salaires, peu qualifiés et présentant de faibles perspectives d’évolution, vers des politiques d’organisation du travail qualifiantes.
« À cet égard, votre rapporteur spécial considère que l’efficacité des allégements généraux de cotisations sociales au regard de la politique de l’emploi doit faire l’objet d’une évaluation […]. »
Pour une fois, nous partageons l’avis exprimé au nom de la commission des finances. Nous estimons qu’il est effectivement plus que temps que les politiques de l’emploi et les politiques d’aide aux entreprises fassent l’objet d’une évaluation.
Dans le respect des prérogatives du Parlement, décisionnaire en dernier ressort, c’est cette tâche que nous entendons confier à la commission nationale d’évaluation et de contrôle des aides publiques aux entreprises que nous proposons aujourd’hui de mettre en place.
Transparence, responsabilité, recherche d’efficacité dans l’action publique : voilà les principes qui guident notre démarche ! S’opposer à cette proposition de loi revient, de fait, à refuser de prendre en compte ces impératifs. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Alain Gournac.
M. Alain Gournac. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi de notre collègue Robert Hue, cosignée par l’ensemble des sénateurs communistes républicains et citoyens, vise à instaurer une évaluation de la performance, notamment au regard de la politique de l’emploi, du dispositif des aides publiques octroyées aux entreprises par l’État ou les collectivités territoriales dans le contexte de la crise économique et financière que nous traversons.
Si le groupe UMP approuve cet objectif, il est en revanche en désaccord avec nos collègues sur le choix de l’instrument d’évaluation : ils proposent en effet la création d’une commission nationale d’évaluation et de contrôle des aides publiques aux entreprises, avec une déclinaison régionale.
Force est de constater que ce serait retomber dans un travers que nous tentons pourtant d’éviter depuis quelques années déjà, celui d’une économie trop lourdement administrée.
M. Alain Gournac. De grâce, ne nous enfermons pas dans le piège d’une bureaucratie excessive, alors même que nous avons engagé une révision générale des politiques publiques et n’avons de cesse de tenter de simplifier les démarches administratives qui entravent nos entreprises ! Ne démultiplions pas les contrôles et les tracasseries administratives, qui ne sauraient constituer un moyen efficace pour lutter contre le chômage.
M. Robert Hue. Vous le faites déjà pour les chômeurs !
M. Alain Gournac. Monsieur Hue, il existe une dichotomie entre cette proposition de loi, étayée par une conception de l’économie appartenant au passé, nostalgique d’une économie administrée,…
M. Robert Hue. Vous ne voyez pas ce qui se passe, notamment le retour de l’État ?
M. Alain Gournac. … et la réalité contemporaine d’une économie de marché moderne, libre,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dont on voit les résultats !
M. Robert Hue. Et le discours de Toulon ?
M. Alain Gournac. … soumise à la concurrence et qui, si elle n’est pas parfaite, a fait ses preuves – une économie à laquelle les membres de mon groupe demeurent attachés.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes à l’école de Mme Thatcher !
M. Alain Gournac. Ma chère collègue, je dis ce que je veux ! J’ai écouté M. Hue avec beaucoup d’attention,…
M. Robert Hue. Cela valait la peine !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Eux n’écoutent jamais !
M. Alain Gournac. … sans l’interrompre. Je vous demande d’en faire autant et de respecter des positions différentes de la vôtre : je ne suis pas communiste, et ce n’est pas demain que je vais le devenir ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Certes, le capitalisme doit être moralisé, et ne pas relever seulement d’une logique financière oublieuse de l’homme.
M. Yvon Collin. Très bien !
M. Alain Gournac. Tel est l’enseignement principal de la crise actuelle. Mais le texte dont nous discutons aujourd’hui participe maladroitement, de notre point de vue, à la traduction de cette aspiration dans le domaine du concret.
Il convient d’autant plus d’éviter l’écueil d’une bureaucratie excessive que celle-ci est inutile. Il existe déjà des possibilités de contrôle administratif, en interne, mais aussi judiciaire et financier, pleinement opérantes. Et que dire du contrôle parlementaire de l’action de l’État, que nous avons renforcé voilà peu ! À cet égard, je m’étonne que, alors que l’on n’a de cesse de réclamer le renforcement du pouvoir de contrôle du Parlement, il nous soit proposé aujourd'hui de mettre en place un dispositif de contournement de ce dernier !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !
M. Alain Gournac. Le contrôle des aides publiques aux entreprises relève pleinement du champ des prérogatives de nos assemblées. Ces dernières ont une légitimité démocratique supérieure à la commission nationale qu’il nous est proposé de créer. Il relève de la compétence des rapporteurs spéciaux des commissions des finances des deux assemblées de s’assurer du bon emploi des crédits publics.
Je rappelle, en outre, la création du groupe de travail sur la crise financière internationale commun à l’Assemblée nationale et au Sénat.
De même, des dizaines d’auditions relatives au suivi de la crise financière et du plan de soutien aux banques, auxquelles ont également participé nos collègues de l’opposition, ont été menées par la commission des finances de la Haute Assemblée.
Je suis, par conséquent, étonné de cette initiative parlementaire qui va à l’encontre du renforcement des pouvoirs du Parlement que nous avons tant souhaité.
La création d’une telle commission nationale, centrée sur le contrôle des entreprises, risquerait, en outre, de jeter le discrédit sur la profession de chef d’entreprise, en érigeant en postulat une possible malhonnêteté de sa part.
Si des abus existent bien, ils sont le fait d’une petite minorité. Largement relayés par les médias, ils suscitent systématiquement une réaction politique de notre part. Vous êtes déjà intervenue, madame la ministre, ainsi que le Président de la République lui-même, lorsque sont survenus des cas de mauvaise gouvernance de grandes entreprises. Vous avez eu raison de le faire !
Cependant, il ne saurait être question de stigmatiser les dirigeants d’entreprise, qui, dans leur très grande majorité, jouent un rôle essentiel dans la sauvegarde de l’économie et des emplois. (Mme Brigitte Gonthier-Maurin s’étonne.)
Comme cela a déjà été rappelé, lorsqu’il était député, notre collègue Robert Hue avait déposé une proposition de loi similaire relative au contrôle des fonds publics accordés aux entreprises. Elle avait été adoptée par la majorité parlementaire d’alors, contre l’avis de la Haute Assemblée. Cette loi du 4 janvier 2001 n’était qu’une loi de circonstance, en réaction à l’« affaire Michelin », qui avait fait grand bruit à l’époque.
M. Robert Hue. Nous avions bien anticipé, au vu de ce qui s’est passé ensuite !
M. Alain Gournac. C’est donc avec raison que ladite loi a été abrogée par le collectif budgétaire de 2002.
Mme Nicole Bricq. Cela n’a pas traîné !
M. Alain Gournac. Le contexte a certes changé : raison de plus pour conserver le cap du réalisme et du pragmatisme ! Les membres du groupe UMP suivront donc la position de la commission des finances et voteront contre chacun des articles de ce texte.
Parmi ces derniers, celui qui est relatif à la saisine est très significatif et montre bien le caractère inapproprié du dispositif qui nous est soumis.
Comme dans la loi de 2001, les possibilités de saisine sont beaucoup trop larges, voire irréalistes, comme l’a souligné très justement le rapporteur : est-il sérieux, par exemple, d’ouvrir la saisine aux 36 000 maires que compte notre pays ?
M. Robert Hue. Pourquoi pas ?
M. Alain Gournac. Sous la précédente loi de contrôle des fonds publics accordés aux entreprises, toutes les requêtes que des parlementaires avaient formulées auprès de cette commission nationale étaient restées lettre morte.
M. Robert Hue. C’est faux ! Vous avez bloqué l’application de cette loi, qui avait été promulguée au mois de janvier 2001, dès votre arrivée au pouvoir en 2002 !
M. Alain Gournac. Les réponses apportées étaient tout à fait évasives. Cela montre bien que cette commission ne pouvait faire face aux trop nombreuses demandes que suscitaient de trop larges possibilités de saisine, de nouveau prévues dans la présente proposition de loi.
Plus généralement, un examen attentif de l’ensemble du dispositif qui nous est soumis montre à quel point il serait inapplicable. C’est ce que démontre très bien notre excellent collègue Albéric de Montgolfier dans le rapport qu’il a présenté au nom de la commission des finances. Je tiens à saluer la qualité et la pertinence de son argumentation.
Pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, le groupe UMP votera contre cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui est examinée dans un contexte très particulier : celui d’une crise financière mondiale très grave, sans précédent depuis 1929, qui entraîne de nombreux pays de l’OCDE dans une récession économique dont nul ne connaît la durée ni l’issue.
Cette crise a donné au Parlement l’occasion de se prononcer à deux reprises sur des mesures proposées pour y faire face, soit de sa propre initiative, soit à la demande du Gouvernement, lors des débats relatifs au plan de relance et au projet de loi de finances rectificative pour 2009.
Cela étant, dans nos départements respectifs, que constatons-nous ? Partout, la même peur du lendemain, une défiance, parfois exacerbée, à l’encontre des banques et des établissements de crédit, ainsi qu’un climat social très tendu, notamment dans les territoires concernés par des fermetures d’entreprises ou par des plans sociaux de grande envergure, dont les ravages, en termes de chômage et de précarisation, risquent d’être considérables.
Je souligne d’ailleurs qu’il est parfois très curieux de constater que certaines entreprises, dont les bénéfices sont en constante et régulière augmentation, profitent de ce contexte de crise pour cesser leurs activités en France et les délocaliser sous des cieux plus propices, fiscalement parlant, souvent au cœur même de l’Union européenne, dans des États où les coûts salariaux sont particulièrement bas. Eu égard à l’appétit toujours plus vorace de certains groupes d’actionnaires, la crise a quelquefois bon dos !
C’est pourquoi l’idée de nos collègues du groupe CRC-SPG de mieux évaluer et de mieux contrôler l’utilisation des aides publiques allouées à certaines entreprises mérite plus que jamais toute notre attention.
Il s’agit de responsabiliser tant l’État, dans son rôle d’ordonnateur, que les entreprises concernées, au regard du respect de l’engagement pris de maintenir leurs activités et, par conséquent, les emplois sur le territoire national.
Rappelons que, dans la conjoncture actuelle, le soutien public est très important : renforcement des fonds propres des banques, renflouement de celles-ci à hauteur de 17 milliards d’euros, aides à la trésorerie des entreprises, etc. Le Gouvernement et le Parlement ont mis en œuvre toutes sortes de mesures propres à instaurer une capacité d’intervention rapide des pouvoirs publics pour éviter une faillite généralisée du système. Au regard de ces efforts exceptionnels, un contrôle est donc légitime et souhaitable, quelle que soit du reste la forme des aides publiques.
Cette nécessité d’assurer un contrôle plus efficace des aides est en outre renforcée par le comportement de certains patrons, notamment en matière d’attribution de primes de sortie ou de stock-options, à l’heure où les entreprises et les banques affichent des pertes colossales. Il est donc impératif de moraliser en amont les comportements patronaux tout en veillant, en aval, à ce que les aides financières soient efficacement utilisées.
Pourtant, rappelons que, sur proposition de notre excellent collègue Jean Arthuis lors des débats sur le projet de loi de finances rectificative pour 2009, un décret doit prochainement prévoir les conditions d’attribution ou de versement des éléments de rémunération variable, des indemnités et des avantages indexés sur la performance, ainsi que des rémunérations différées, à certains dirigeants, particulièrement lorsque leur entreprise a bénéficié d’aides de l’État.
À cet égard, l’État doit faire face à ses responsabilités, et les Français n’admettront jamais que, en cas de crise sociale aiguë, la faiblesse des futures dispositions réglementaires l’emporte sur la rigueur des engagements votés par le Parlement.
C’est donc dans la logique même de ces engagements que nous devons nous prononcer sur le bien-fondé de la proposition de loi qui nous est soumise. Dans un environnement tendu où, plus que jamais, notre pays a besoin qu’un dialogue social s’instaure, les premières victimes de la crise doivent pouvoir se sentir davantage impliquées dans le renforcement du contrôle de l’utilisation des aides publiques.
Les dispositions contenues dans la présente proposition de loi accordent-elles réellement un droit supplémentaire à la collectivité ? Ne risquent-elles pas simplement d’alourdir les procédures de contrôle déjà existantes ?
En réalité, elles ne doivent pas être le fruit d’un climat émotionnel, au demeurant légitime, mais doivent se fonder sur la raison et sur le souci de l’efficacité, sans être redondantes avec les missions de contrôle assurées par le Parlement et par la Cour des comptes.
Dans ces conditions, notre groupe ne s’opposera pas à l’adoption de cette proposition de loi émanant de nos collègues du groupe CRC-SPG. Certains de ses membres la soutiendront. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vous prie tout d’abord d’excuser M. Rebsamen, qui a été rappelé dans sa ville de Dijon. J’interviens donc au nom du groupe socialiste, qui soutient cette proposition de loi pour les raisons que je vais indiquer.
Madame la ministre, votre présence aujourd'hui dans cet hémicycle témoigne de l’importance du sujet dont nous traitons. Il est important que le Gouvernement prenne ce débat au sérieux, étant donné la profondeur de la crise que nous vivons.
Notre soutien à ce texte répond à un souci de continuité. En effet, la proposition de loi que nous soumettent, sur l’initiative de Robert Hue, nos collègues du groupe CRC-SPG, pose, à la lumière de la crise financière, la question des contreparties des aides publiques, question que nous avons nous-mêmes toujours posée.
C’est d’ailleurs pour cela que, sous le gouvernement conduit par Lionel Jospin, nous avions, déjà sur une proposition de notre collègue Robert Hue, alors député, adopté le texte devenu la loi du 4 janvier 2001, loi que vous vous êtes empressés de supprimer, comme l’a rappelé notamment M. Gournac, dès le collectif budgétaire de 2002.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Cela ne marchait pas !
Mme Nicole Bricq. Vous comprendrez donc, dans la continuité que je viens de rappeler, la portée symbolique que revêt pour nous la présente proposition de loi, surtout dans les circonstances actuelles.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Voilà ! Rien ne change !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Si c’est juste un symbole…
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est de la gesticulation !
Mme Nicole Bricq. Non ! Nous sommes dans l’opposition, nous faisons notre travail politique.
Je voudrais également vous rappeler une autre loi. Il n’a pas été suffisamment dit en effet que la loi de modernisation sociale, qui avait, elle aussi, été votée sous le gouvernement Jospin, impliquait un engagement très fort des entreprises amenées à supprimer leur activité ou à délocaliser, afin qu’elles participent à la réindustrialisation du bassin d’emploi ou à l’animation du site.
Cette loi ne plaisait pas non plus à la nouvelle majorité de 2002 et, pour des raisons qu’il faut bien qualifier de purement idéologiques – voilà les excès auxquels conduit quelquefois l’esprit de revanche !– ses dispositions ont, pour la plupart, elles aussi été supprimées.
Certains voudront bien se souvenir que le texte de 2001 avait été adopté après que le groupe Michelin eut annoncé simultanément la suppression de 7 500 emplois sur trois ans et une progression de 17 % de son résultat net ! Le lendemain, dès l’ouverture de la séance à la Bourse de Paris, le titre s’était envolé, gagnant plus de 11 % … Or, peu après, la presse révélait que Michelin avait perçu depuis 1983 environ 10 milliards de francs d’aides publiques à l’emploi. (M. Robert Hue approuve.)
C’était finalement une préfiguration de ce que nous vivons aujourd’hui, quoique l’échelle soit bien plus grande et l’inflation des chiffres quasi exponentielle.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument !
Mme Nicole Bricq. La crise financière est un révélateur de ce genre de pratiques.
Toujours pour illustrer la continuité de nos positions en la matière, je note que, pendant la dernière élection présidentielle – peut-être l’a-t-on oublié, mais, comme j’ai cru comprendre que certains, sur les tréteaux de la campagne pour les élections européennes, rappellent les promesses qu’ils avaient faites à l’époque, vous me permettrez de faire de même – notre candidate avait pris l’engagement, dans la proposition n° 14 du Pacte présidentiel qu’elle proposait aux Français, de subordonner l’octroi d’aides publiques aux entreprises à la condition qu’elles ne licencient pas quand elles dégageaient des profits substantiels.
Continuité encore, quand Michel Liebgott et Aurélie Filippetti, nos collègues députés de Moselle – département lourdement frappé par la crise – estiment tout récemment que l’État doit demander au groupe ArcelorMittal le remboursement des aides publiques perçues.
Continuité enfin, quand Martial Bourquin, notre collègue sénateur du Doubs, déclare il y a peu : « La plus grande opacité règne aujourd’hui sur les aides à l’automobile ». L’élu franc-comtois assure douter « de la réalité des contreparties sociales apparemment demandées par le Gouvernement en échange de prêts à taux très intéressants. » Il plaide « pour une véritable traçabilité des aides publiques à l’automobile », ce qui est l’objet de la proposition de résolution qu’il a déposée.
Sans insister plus longtemps sur la continuité de nos vues sur ce sujet, j’ajouterai que nous avions soulevé, dès l’examen de la loi de finances rectificative pour 2009, qui comprenait le plan d’aide d’urgence aux établissements bancaires, le problème des contreparties. Nous avions bien vu alors les réticences qui se manifestaient quand nous demandions, au titre de ces contreparties, notamment la modération des rémunérations, en particulier celle des parts variables, ce à quoi nous sommes très attachés.
Comité de suivi ou pas, monsieur le président de la commission des finances, on voit combien il est difficile d’obtenir que l’on ne se contente pas de codes de bonne conduite et, puisque la question de ses droits a été évoquée, que le Parlement ait son mot à dire sur l’utilisation des fonds publics et les contreparties attendues des établissements en matière de rémunérations.
M. le rapporteur invoque l’inefficacité du texte voté en 2001 pour sceller le sort de la présente proposition de loi, argument repris par notre collègue de l’UMP Alain Gournac.
Chers collègues de la majorité, étant donné que la loi en question a été promulguée le 4 janvier 2001 et que vous l’avez supprimée en 2002, peut-on raisonnablement considérer qu’elle a été inefficace ?
M. Robert Hue. Bonne question !
Mme Nicole Bricq. Personne ici ne saurait prétendre qu’une loi atteint sa pleine efficacité en quelques mois de mise en œuvre, surtout au beau milieu d’une campagne électorale et lorsque, par-dessus le marché, intervient un changement de gouvernement ! Bref, ce premier argument ne tient pas.
Vous en invoquez un autre, monsieur le rapporteur : nous disposerions déjà des outils nécessaires. Vous mettez en avant, notamment, le contrôle exercé par les commissions des finances, avec l’appui de la Cour des comptes, grâce aux dispositions de la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances.
Permettez-moi de passer sur les chambres régionales des comptes, dont le rôle n’est franchement pas de vérifier l’utilisation des fonds publics par les entreprises. Elles ont bien d’autres choses à vérifier, à commencer par la sincérité des comptes des collectivités locales et l’équilibre de ces comptes, auquel les collectivités sont tenues.
Certes, nous exerçons le contrôle que vous évoquez. Moi-même, je suis membre de la commission des finances et rapporteur spécial, mais vous savez bien, monsieur le président de la commission des finances, que, d’une part, les dispositions prévues par la présente proposition de loi ne feraient que renforcer ce contrôle, avec lequel elles ne sont pas du tout incompatibles, et que, d’autre part, notre contrôle est par définition limité, aussi bien dans le temps que dans son périmètre.
Quant à la révision de la Constitution - vous l’avez votée, pas nous ! -, on voit bien, à la manière dont elle se traduit depuis le début de sa mise en œuvre il y a quelques semaines, qu’elle renforce le dispositif de contrôle dans son inefficacité bien plutôt qu’elle ne l’améliore ! (M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur protestent.)
Ne venez donc pas nous parler aujourd’hui des semaines sénatoriales de contrôle !
La mise en œuvre de cette réforme confirme rétrospectivement que nous avons bien fait de ne pas la voter. Le Gouvernement dispose de quinze jours, période qu’il continue de charger de textes sur lesquels il déclare l’urgence - nous légiférerons donc encore plus mal -,…
M. Robert Hue. Très bien !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. C’est caricatural !
Mme Nicole Bricq. … tandis que les quinze jours réservés au Parlement – pour le contrôle, paraît-il – servent en fait à épuiser les parlementaires assidus. Et, pendant ce temps-là, justement, nous ne faisons pas le travail de contrôle qui nous incombe.
Monsieur le président de la commission des finances, vous en êtes témoin : la semaine dernière, à l’occasion de deux débats importants consacrés respectivement à la crise financière, sur l’initiative de nos collègues communistes, et aux heures supplémentaires, à la demande de notre groupe, nous avons déjà dénoncé ce processus qui nous conduit à parler toujours plus,…
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Pour ne rien dire ! (Sourires.)
Mme Nicole Bricq. … souvent devant un hémicycle vide, et ce au détriment de l’action.
Par conséquent, encore une fois, n’invoquez surtout pas les semaines de contrôle !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Contrôler, cela se fait aussi sur place !
Mme Nicole Bricq. Quant au comité de suivi du plan de financement de l’économie française, que vous avez évoqué pour l’aide apportée aux banques, madame la ministre, je ne vois pas en quoi il serait en contradiction avec la proposition de loi.
Ce comité s’est réuni deux fois. Le Parlement est représenté en son sein par les présidents des commissions des finances des deux assemblées et par les deux rapporteurs généraux, qui rendent compte à la commission des finances et aux autres parlementaires.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce que nous faisons !
Mme Nicole Bricq. Je ne vois cependant pas pourquoi l’action de ce comité de suivi ne pourrait pas trouver un utile complément dans le travail d’un organe plus proche du terrain, ce qui est tout de même l’objectif ici. Au contraire, elle n’en serait que plus efficace.
Mme la ministre a utilisé l’adjectif « superfétatoire ». Je voudrais quand même rappeler que la majorité - pas nous ! - a voté, il y a quelques semaines, dans le cadre du deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2009, un crédit de 100 millions d’euros pour les commissaires à la réindustrialisation déployés dans certaines régions.
C’est tout de même une somme, 100 millions d’euros, et, sachant qu’il existe déjà des préfets de région dotés d’une administration et de services, ces commissaires pourraient bien être, eux, qualifiés de « superfétatoires ».
M. Robert Hue. Très bien ! Excellent argument !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Ce n’est pas du contrôle !
Mme Nicole Bricq. Ou bien est-ce une façon de reconnaître que la mise en œuvre de la RGPP, la révision générale des politiques publiques, prive les préfectures de région de leurs moyens ?
Monsieur le rapporteur, vous avez déclaré, dans vos conclusions, que cette proposition de loi contribuerait « également à induire le soupçon sur le bien-fondé des aides apportées aux entreprises et participe d’une défiance idéologique à l’encontre de la vie des affaires, encourageant en cela une tendance déjà trop présente dans la société française. » (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.)
Monsieur le rapporteur, vous êtes très sévère pour les auteurs de la proposition de loi, mais, tout de même, n’avons-nous pas observé, vous comme nous – j’en prends à témoin le président de la commission des finances - que, pendant toute l’année 2008, donc en pleine crise, les entreprises ont continué à procéder à des rachats d’actions,…
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il y en a dix-sept qui l’ont fait !
Mme Nicole Bricq. … que les conseils d’administration ont continué à octroyer bonus et parachutes dorés ? Comment peut-on, dans ces conditions, parler de « défiance idéologique » ? Mais je ne développe pas, ce n’est pas le sujet.
Je lis toujours très attentivement la dernière page du cahier n° 3 du Figaro, où figurent les résultats d’enquêtes menées en temps réel auprès des lecteurs. Et vous m’accorderez que les lecteurs du Figaro se situent plutôt à droite… (Sourires.)
Eh bien, quand on les interroge sur le sujet, il y a tout de même 77 % de ces lecteurs pour considérer qu’il est normal de contrôler les aides publiques accordées aux entreprises.
Qu’est-ce que cela signifie, sinon qu’il ne s’agit pas là d’un problème idéologique, sauf à qualifier d’« idéologique » l’opinion majoritaire ? Sur ce sujet, les avis ne recoupent pas le clivage habituel entre droite et gauche, car, si nous représentions 77 % des voix, cela se saurait, et sans doute ne serions-nous pas alors dans l’opposition ! (Nouveaux sourires.)
Vous stigmatisez aussi dans votre rapport le caractère « bureaucratique » du mécanisme de contrôle proposé. Je pourrais de mon côté vous en citer beaucoup, des systèmes « bureaucratiques » !
Nous avons fait un voyage d’étude aux États-Unis, dont il faut bien reconnaître qu’ils étaient, à une certaine époque, l’objet d’une véritable vénération. Or nous avons constaté que les phénomènes bureaucratiques se retrouvaient partout, donc quelle que soit l’idéologie majoritaire. Il ne s’agit pas, là non plus, d’un bon argument.
Pour conclure, je crois que, dans le contexte de la crise actuelle, la proposition de loi de nos collègues du groupe CRC-SPG participe au mouvement général actuel de retour à la raison.
Ce qui est proposé est tout simple et peut contribuer, d’une certaine façon, à redonner un peu de la confiance perdue dans l’action publique, et à réinstaurer une transparence qui a manqué jusqu’à présent. Voilà pourquoi nous voterons cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)