M. le président. L'amendement n° 30, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du deuxième alinéa de cet article, remplacer les mots :
le président de la Cour ou par un président de section délégué à cet effet
par les mots :
la Cour siégeant en formation collégiale
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’attribution de la compétence du contentieux des décisions de refus d’entrée sur le territoire au titre de l’asile à la CNDA nous est présentée comme la volonté de transférer ce contentieux vers des magistrats qui seraient, en raison de leur expérience et de leur spécialisation, plus aptes à juger en urgence du caractère manifestement infondé ou non des demandes d’asile à la frontière et d’apprécier des situations ou des récits complexes.
Un tel argumentaire nous paraît bien insuffisant pour légitimer cette réforme puisqu’il passe sous silence un problème pourtant majeur, qui a déjà été évoqué, à savoir celui de l’encombrement de la CNDA.
En effet, en l’espace de cinq ans, le délai de traitement des recours devant cette cour a augmenté de cinq mois, passant de huit mois à treize mois, en 2008. Comme l’a montré le rapport Richard, la charge de travail des présidents de section est déjà très lourde alors même qu’ils n’ont pas encore intégré ce contentieux : 108 journées d’audience collégiale à quinze affaires par rôle, sans compter les renvois pouvant donner lieu à des audiences supplémentaires, et 300 ordonnances.
Une réforme de la CNDA a donc été avancée. Il s’agirait de renforcer la Cour par le biais de sa professionnalisation, par le recrutement de magistrats administratifs ou judiciaires à titre permanent et par l’augmentation des effectifs.
Toutefois, il n’est pas prévu de statuer sur une quelconque formation collégiale des magistrats lors de l’examen des recours. Ainsi, il apparaît évident que ce transfert de compétences va se faire au détriment de la collégialité et que les dossiers seront laissés à la seule appréciation du rapporteur.
Afin de pouvoir évaluer les besoins et donc d’assurer un véritable renforcement des moyens de la CNDA, nous demandons donc que la collégialité soit établie comme principe au sein même de la loi afin de garantir le bon fonctionnement de la Cour, sans quoi le contentieux des décisions de refus d’entrée sur le territoire au titre de l’asile ne pourra pas être absorbé par la CNDA dans des conditions décentes.
M. le président. L'amendement n° 32, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Dans le troisième alinéa de cet article, remplacer les mots :
ce dernier ou le président de section désigné à cette fin
par les mots :
la Cour siégeant en formation collégiale
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement de cohérence avec notre amendement précédent vise à réaffirmer l’obligation faite à la CNDA de siéger en formation collégiale. En effet, de manière générale, et plus particulièrement dans le cas de la CNDA, qui, faute d’une activité très lourde, se voit surchargée, nous pensons que le juge unique laisse une plus grande place à l’arbitraire.
M. le président. L'amendement n° 31, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter le deuxième alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :
Dans le cadre du contrôle que la Cour exerce sur les décisions de refus d'entrée sur le territoire, ce contrôle se limite à un contrôle de l'excès de pouvoir.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous avons déjà largement développé les raisons qui nous font craindre que, à terme, l’on confie à la CNDA la compétence d’examiner au fond à la frontière la demande d’asile.
Nous pouvons déjà constater que, depuis de nombreuses années, l’examen des demandes présentées au titre de l’asile par les personnes maintenues en zone d’attente va au-delà de la seule analyse du caractère « manifestement infondé » des demandes.
Cet amendement, vous l’avez compris, est un amendement de repli, puisque vous allez sans doute refuser nos amendements de rejet du transfert de ce contentieux vers la CNDA.
Actuellement, la CNDA n’est pas un juge de la légalité. Elle n’a pas les compétences pour statuer en excès de pouvoir. Néanmoins, maintenant que le principe du transfert semble acquis, il nous revient de tenter de faire adopter le plus de garanties possible entourant l’examen des demandes.
Cela permettra, par exemple, d’éviter que la CNDA ne statue, à l’occasion de l’examen du recours contre un refus d’entrée sur le territoire français au titre de l’asile, sur l’éligibilité de l’étranger au statut de réfugié ou sur la protection subsidiaire, et n’effectue ainsi une prédétermination de son statut.
C’est pour éviter cette dérive que nous vous demandons de bien vouloir voter notre amendement, mes chers collègues.
M. le président. L'amendement n° 5 rectifié bis, présenté par Mme Boumediene-Thiery, MM. C. Gautier, Yung et Anziani, Mme Bonnefoy, MM. Collombat et Frimat, Mme Klès, MM. Mahéas, Michel, Peyronnet, Povinelli, Sueur, Sutour, Tuheiava, Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le deuxième alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L'article L. 733-2 n'est pas applicable à la procédure mentionnée à l'alinéa précédent.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement concerne la formation qui sera amenée à examiner la requête tendant à l’annulation d’un refus d’entrée sur le territoire au titre de l’asile.
La question qui est posée est simple : l’exigence de célérité commande-t-elle qu’un juge unique statue sur la requête ?
M. le rapporteur a fait valoir, lors de la discussion du texte en commission, que l’exigence d’un examen dans un délai très court des requêtes et la simplicité de l’étude de celles-ci – demande manifestement infondée ou non - justifiaient de ne pas imposer la collégialité.
Permettez-moi de faire une remarque préalable.
La collégialité est un principe en voie de disparition dans notre droit. Souci de traitement accéléré, mais également raisons budgétaires ont permis une multiplication du recours au juge unique, notamment depuis 2007, en matière de procédure pénale. Le juge unique est devenu le principe, et la collégialité l’exception. C’est regrettable.
N’oublions pas que la collégialité a des vertus importantes : elle est une garantie d’impartialité et d’indépendance, et c’est cette impartialité comme cette indépendance qui sont justement mises à mal dans des procédures expéditives comme celle que nous examinons aujourd’hui.
En l’occurrence, il est également prévu des audiences foraines, ainsi qu’un dispositif de visioconférence. Cette justice du XXIe siècle s’éloigne peu à peu – j’y reviendrai – des notions mêmes d’équité et de célérité pour préférer celles d’expédition et d’économie d’échelle.
Pour revenir à la procédure prévue par cet article, je vous rappelle que c’est justement en raison de l’urgence de la situation que la collégialité s’impose. Elle est une garantie contre l’examen sommaire et partial des demandes.
Par ailleurs, je ne pense pas que l’argument d’un ralentissement de l’examen de la requête est pertinent : collégialité ne signifie pas pluralité d’examen.
C’est la raison pour laquelle nous souhaitons que la collégialité soit préservée dans le cadre de l’examen de la requête contre une décision de refus d’entrée sur le territoire au titre de l’asile.
Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 6 rectifié bis, présenté par Mme Boumediene-Thiery, MM. C. Gautier, Yung et Anziani, Mme Bonnefoy, MM. Collombat et Frimat, Mme Klès, MM. Mahéas, Michel, Peyronnet, Povinelli, Sueur, Sutour, Tuheiava, Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le deuxième alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le recours est considéré comme recevable dès lors que l'étranger a fait l'objet d'une décision de refus d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile, sans qu'il puisse être considéré comme ne relevant manifestement pas de la compétence de la Cour nationale du droit d'asile, entaché d'une irrecevabilité manifeste non susceptible d'être couverte en cours d'instance ou manifestement mal fondé.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement vise à réduire le champ des ordonnances pouvant être prises par le juge aux seuls cas de désistement et de non-lieu à statuer, ce qui a pour effet d’ouvrir un peu plus le champ de recevabilité des requêtes.
J’ai bien conscience du fait que la suppression de l’exigence de requête motivée, que nous demandait tout à l'heure M. le ministre et que nous avions proposée en commission, apporte de ce point de vue une garantie concernant le tri des requêtes. Mais je ne suis pas convaincue qu’elle ait pour autant pour effet de réduire le champ de ces ordonnances aux seuls cas de désistement et de non-lieu à statuer.
Il me semble en effet dangereux de laisser cette porte trop ouverte, puisque c’est de là qu’émane en réalité la véritable injustice : que la demande ne soit même pas examinée au fond.
C’est la raison pour laquelle nous vous proposons cet amendement, qui a pour objet d’exclure du champ des ordonnances plusieurs moyens tirés notamment de l’incompétence de la Cour ou de l’irrecevabilité manifeste de la demande.
Je suis prête à faire une concession sur le moyen tiré de l’irrecevabilité manifeste du recours, mais les autres moyens nous semblent constituer des obstacles importants à l’examen au fond de la demande par le juge ; c’est la raison pour laquelle nous souhaitons qu’ils ne soient pas retenus.
Le véritable enjeu de cette procédure est l’octroi à l’étranger du statut de réfugié. Ce n’est qu’après de nombreuses péripéties que cette demande sera précisément examinée, une fois l’étranger admis sur le territoire et une fois sa demande d’asile formulée.
Admettre que la demande d’un étranger puisse être rejetée à ce stade, c’est en réalité assurer une meilleure fluidité de la procédure d’octroi de l’asile ultérieurement. Cette procédure agira alors comme un filtre, un canal de régularisation, sans même que l’étranger ait pu justifier au fond de sa demande.
À mes yeux, les économies d’échelle permises par la visioconférence, le gain de temps opéré par la procédure délocalisée et la célérité découlant de l’institution d’un juge unique doivent permettre d’ouvrir un peu plus les vannes de la recevabilité des requêtes.
Je considère la procédure du rejet au tri comme une injustice. Ne la maintenons pas de manière détournée en laissant le soin à un décret de fixer les conditions de recevabilité des requêtes !
Cet amendement a justement l’ambition de contribuer à définir quelque peu le contenu de ces règles de recevabilité, en les allégeant.
M. le président. L'amendement n° 8 rectifié bis, présenté par Mme Boumediene-Thiery, MM. C. Gautier, Yung et Anziani, Mme Bonnefoy, MM. Collombat et Frimat, Mme Klès, MM. Mahéas, Michel, Peyronnet, Povinelli, Sueur, Sutour, Tuheiava, Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le deuxième alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L'étranger est assisté de son conseil s'il en a un. Il peut demander au président de la Cour ou au président de section délégué qu'il lui en soit désigné un d'office. Il peut, le cas échéant, demander au président de la Cour ou au président de section délégué le concours d'un interprète.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement a pour objet de préciser que l’étranger peut être assisté d’un avocat et, le cas échéant, d’un interprète.
La commission a rejeté cet amendement en commission, estimant que de telles garanties découlaient déjà du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Effectivement, l’article L. 221-4 de ce code prévoit les modalités de notification à l’étranger de son droit, d’une part, à être assisté d’un interprète et d’un médecin et, d’autre part, à communiquer avec un conseil ou une personne de son choix.
À ce stade, d’un point de vue chronologique, la notification des droits concerne le placement en zone d’attente et, surtout, la possibilité pour l’étranger de contester, notamment, le prolongement du maintien en zone d’attente pour une durée de huit jours renouvelable.
Mais nulle référence n’est faite dans cet article à la contestation d’un refus d’admission sur le territoire au titre de l’asile.
Aujourd’hui, l’ensemble de ces garanties sont inscrites à l’article L. 213-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui fait référence de manière expresse à l’assistance de l’avocat et d’un interprète.
Si la mention de l’avocat et de l’interprète était superflue, ne pouvait-on relever ce doublon en 2007, lorsque M. Hortefeux nous a présenté sa réforme ? Pourquoi ne pas l’avoir retirée à cette époque ? Pourquoi cette mention est-elle aujourd’hui superflue, alors qu’elle ne l’était pas en 2007 ? Il doit bien y avoir une raison !
Monsieur le rapporteur, dans le même ordre d’idée, pourquoi préciser que l’avocat et l’interprète sont présents auprès de l’étranger dans le cas de la visioconférence, puisque ces exigences figurent déjà dans le code des étrangers ? Si vous y faites mention, c’est parce qu’il s’agit d’une procédure spécifique, avec des règles particulières.
Il faut donc considérer la procédure d’admission à la frontière au titre de l’asile comme une procédure spécifique, justifiant que les garanties soient inscrites de manière spécifique, sans que l’on renvoie aux règles générales du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Ainsi le commande le droit à un procès équitable.
Soit l’article L. 221-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile vaut pour toutes les procédures liées à l’asile, soit il ne vaut que pour le prolongement du maintien en zone d’attente, et il faudra mentionner ces exigences à chaque procédure faisant intervenir un juge.
Je ne peux m’empêcher de penser que cette suppression n’est pas anodine et qu’elle ne manquera pas d’avoir des conséquences sur la procédure elle-même et sur les droits des étrangers.
Cette impression est renforcée par un élément très simple : l’étranger ne pourra plus faire annuler la décision de la CNDA, par exemple en raison du non-respect du droit à l’assistance d’un avocat, puisqu’il n’y a plus de recours contre cette décision.
Nous vous proposons donc de rétablir le droit à un avocat et à un interprète dans le corps même de l’article L. 213-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Une loi n’est jamais assez bavarde lorsqu’il s’agit de la protection des droits fondamentaux et des libertés des étrangers !
M. le président. L'amendement n° 25, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
I. Avant le dernier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le président de la Cour ou le président de section délégué annule la décision de refus d'entrée au titre de l'asile, il peut, d'office, et avec l'accord de l'étranger, se prononcer sur la reconnaissance de la qualité de réfugié ou l'octroi de la protection subsidiaire dans des conditions prévues par un décret en Conseil d'État.
II. - En conséquence, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - L'article L. 713-1 du même code est complété par les mots : «, ou par la Cour nationale du droit d'asile dans les conditions prévues par le troisième alinéa de l'article L. 213-9 ».
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement constitue en réalité une provocation, dont l’inspirateur est M. François Bernard, ancien président de la Cour nationale du droit d’asile. Il a pour objet de conférer à la CNDA la possibilité de statuer au fond sur la demande d’asile dans la même décision que celle qui vise à annuler un refus d’admission sur le territoire au titre de l’asile.
M. le rapporteur a apporté l’explication que j’attendais puisqu’il a considéré que cette possibilité était de nature à accroître les risques de confusion des procédures. C’est exactement ce que nous reprochons à cette proposition de loi : confondre les procédures, et donner à la CNDA un pouvoir qui ne lui appartient pas, celui de prendre des mesures qui relèvent de la police administrative des étrangers.
Je souhaitais relever une autre confusion, de nature différente : la CNDA sera amenée à statuer sur une demande d’admission sur le territoire au titre de l’asile. Admettons qu’elle confirme un refus et que l’étranger se trouve conduit, par un heureux hasard, à déposer tout de même une demande d’asile au fond. La même juridiction sera donc amenée à statuer sur une situation qu’elle n’a pas souhaitée : comment peut-on douter qu’elle ne tirera pas toutes les conséquences de son refus initial ?
Monsieur le rapporteur, vous nous avez affirmé tout à l’heure que la CNDA n’était pas liée. Certes, mais comment son examen pourrait-il être objectif puisqu’elle aura déjà jugé cette affaire ? Sera-t-elle amenée à se déjuger ? Certainement pas ! L’étranger sera ainsi condamné à ne pas obtenir l’asile.
Il me semble donc que la confusion des procédures, inhérente à ce texte, est entretenue par le titre adopté par la commission : la proposition de loi est relative à « l’unification du contentieux de l’asile ».
Vous l’avez dit vous-même : l’admission sur le territoire au titre de l’asile n’est pas l’asile. Il s’agit d’un contentieux qui n’a rien à voir avec l’asile, puisque l’étranger pourra, s’il le souhaite, déposer une autre demande.
Monsieur le rapporteur, selon les réponses que vous m’apporterez sur les points que je viens d’évoquer, je pourrais être amenée à retirer mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 9 rectifié bis, présenté par MM. C. Gautier et Yung, Mme Boumediene-Thiery, M. Anziani, Mme Bonnefoy, MM. Collombat et Frimat, Mme Klès, MM. Mahéas, Michel, Peyronnet, Povinelli, Sueur, Sutour, Tuheiava, Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le dernier alinéa de cet article :
« L'audience se tient dans les locaux de la Cour nationale du droit d'asile. Toutefois, après que l'étranger dûment informé dans une langue qu'il comprend et assisté de son conseil a donné son accord, le président de la Cour ou le président de section délégué à cet effet peut tenir une audience foraine dans une salle d'audience de la zone d'attente spécialement aménagée à cet effet. La salle d'audience de la zone d'attente est ouverte au public et l'audience se déroule dans les conditions respectant les droits de l'intéressé prévus à l'article L. 733-1. »
La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. Lors de la discussion générale, j’ai essayé, de manière simple et honnête, de noter non seulement les points positifs de cette proposition de loi, mais également ses insuffisances, qui justifient le dépôt d’un certain nombre d’amendements.
Parmi les points positifs, j’avais notamment relevé, à l’instar de tous les intervenants, l’allongement du délai de recours. J’avais également évoqué la suppression de la requête motivée, sans prévoir qu’un amendement du Gouvernement nous ferait faire tout d’un coup un pas en arrière. Mais nous reparlerons plus tard de ce sujet.
Dans le même temps, j’avais souligné que cette proposition de loi fragilise l’application des garanties qu’elle contribue à renforcer. Pour notre part, nous proposons, au contraire, de les conforter sur plusieurs points.
Tout d’abord, s’agissant des demandes d’asile, en particulier des demandes d’asile à la frontière, il nous paraît important que les conditions matérielles du déroulement de l’audience soient précisées dans la loi et non renvoyées au décret.
Ensuite, afin que l’audience se déroule dans les meilleures conditions, nous souhaitons poser le principe selon lequel l’audience publique doit se tenir dans les locaux de la CNDA.
Nous ne sommes pas opposés à l’organisation d’audiences foraines. Des raisons de bon sens nous ont été apportées, comme la distance pour l’outre-mer. Mais ce type d’audiences devant rester l’exception, elles ne peuvent être envisageables que si certaines conditions strictes sont réunies.
Ainsi, l’étranger, assisté de son conseil et informé dans une langue qu’il comprend, doit exprimer son accord à la délocalisation de l’audience. La salle d’audience de la zone d’attente doit être spécialement aménagée à cet effet et ouverte au public. Enfin, l’audience doit se dérouler dans les conditions respectant les droits de l’intéressé prévus à l’article L. 733-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. L’intéressé doit être en capacité de présenter ses explications à la cour et de se faire assister d’un conseil et d’un interprète.
Invoquant le motif de l’urgence, qui nous est inlassablement rabâché, et le fait que la CNDA est dotée d’une compétence nationale, la commission a maintenu le recours à la technique de la visioconférence.
Comme en 2007, lors de l’examen du projet de loi relatif à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile, nous nous opposons à cette possibilité.
Si la technologie de la visioconférence s’est largement diffusée depuis 2003 en matière de procédure pénale, elle est inadaptée aux étrangers qui peuvent être fortement traumatisés par les persécutions subies dans leur pays d’origine et qui ne se trouveraient pas en condition de formuler sereinement leur demande.
Le droit d’opposition de l’étranger à l’utilisation de la visioconférence n’est pas repris dans le texte de la commission, alors qu’il figure dans le droit en vigueur.
Quoi qu’il en soit, à ce stade, l’absence de garantie renforce notre opposition à l’usage de cette technique dans le cadre du contentieux relatif au refus d’entrée sur le territoire au titre de l’asile.
M. le président. L'amendement n° 33, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le dernier alinéa de cet article :
L'audience se tient dans les locaux de la Cour nationale du droit d'asile.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Dans la continuité de la loi relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile de 2007, le dernier alinéa de l’article 1er prévoit que les audiences de la CNDA pourront se tenir dans « une salle d’audience ouverte au public spécialement aménagée à cet effet », auprès de la zone d’attente au sein de laquelle l’intéressé est maintenu.
Or, nous l’avons rappelé à de multiples reprises, la tenue d’audiences dans la zone aéroportuaire contrevient à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, laquelle exige, d’une part, la publicité des audiences et, d’autre part, l’indépendance et l’impartialité du juge, pour satisfaire aux conditions d’un procès équitable.
Afin de se prémunir contre ce genre de critiques, le texte prévoit que les audiences foraines auront lieu dans « une salle d’audience ouverte au public spécialement aménagée à cet effet ». Or, si je prends l’exemple de la zone d’attente de Roissy, la situation géographique de la salle d’audience ne permettra pas d’assurer une réelle publicité des audiences, dans la mesure où il s’agit d’un lieu fort éloigné de toute habitation, dans une zone de fret constituée de hangars et d’entrepôts, à laquelle il est très difficile d’accéder par les transports en commun.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier que les zones d’attente sont placées sous le contrôle et l’administration de la police. Ainsi, les procès peuvent se dérouler dans un lieu administré par l’une des parties, ce qui placerait le juge dans une situation de dépendance inadmissible et incompatible avec son devoir d’impartialité.
La question des audiences délocalisées s’est posée très concrètement : les avocats et magistrats ont clairement exprimé leur désaccord, voire leur refus de siéger, que ce soit dans la zone d’attente pour personnes en instance de Roissy, ou ZAPI 3, ou dans les centres de rétention, comme ce fut le cas à Toulouse en 2007.
Enfin, je rappellerai que la Cour de cassation, dans une décision du 16 avril 2008, a jugé illégales les audiences délocalisées en centres de rétention.
Il n’y a que peu de défenseurs de ces audiences délocalisées, qui sont contraires à l’idée que les magistrats, les avocats et nous-mêmes avons de notre justice.
Dans le même ordre d’idée, prévoir que, sauf opposition de l’étranger, l’audience pourra se tenir par visioconférence, l’intéressé se trouvant dans la salle d’audience de la zone d’attente et le magistrat au tribunal, ne saurait garantir le respect des principes de recours effectif et de procès équitable.
Cette réforme nous est présentée comme devant s’accompagner nécessairement d’une augmentation des moyens alloués à la CNDA. Il nous paraît alors nécessaire de prévoir, dans ces nouvelles ressources, la possibilité que les audiences se tiennent dans les locaux de la CNDA plutôt que d’être reléguées aux périphéries des zones d’attente.
M. le président. L'amendement n° 23, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du dernier alinéa de cet article, après le mot :
peut
insérer les mots :
, sauf si l'étranger dûment informé dans une langue qu'il comprend s'y oppose,
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement, qui va dans le même sens que l’amendement n° 33, concerne les conditions de délocalisation de l’audience dans une salle aménagée dans la zone d’attente. Il s’agit là d’une nouveauté qui n’était pas prévue par l’actuel article L. 213-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Nous émettons des réserves importantes sur cette audience délocalisée, réserves qui tiennent notamment au respect du droit à un procès équitable.
L’argument selon lequel de telles possibilités existent déjà n’est pas satisfaisant. Les délocalisations prévues par l’article L. 221-1 et L. 551-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ne sont pas exemplaires en matière de respect du droit à un procès équitable.
À ce sujet, je vous rappelle que la Cour de cassation, par trois arrêts du 16 avril 2008, a annulé des audiences délocalisées en se fondant sur une interprétation de la notion de proximité du centre de rétention. Elle a ainsi jugé que la proximité immédiate exigée par l’article L.552-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile était exclusive de l’aménagement spécial d’une salle d’audience dans l’enceinte d’un centre de rétention. Or nous savons que la salle d’audience visée ici se trouve à l’intérieur même de la zone d’attente. Elle encourt donc le même sort, eu égard au droit à un procès équitable.
C’est la raison pour laquelle je souhaite obtenir deux garanties. Premièrement, cette salle d’audience doit être située à l’extérieur de la zone d’attente, afin de garantir la publicité des débats. Deuxièmement – et c’est l’objet même de l’amendement –, l’étranger doit pouvoir donner son consentement, ce qui paraît être un minimum.