M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, auteur de la question n° 427, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Catherine Tasca. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai visité le 8 décembre dernier la maison d’arrêt de Versailles. Cet établissement accueille, pour moitié, des femmes détenues et, pour l’autre moitié, des hommes qui bénéficient d’un aménagement de peine au titre de la semi-liberté.
Je m’y étais déjà rendue il y a plusieurs années. Cette fois-ci, j’ai visité un établissement dans un très grand état de délabrement, totalement dénué des ressources nécessaires pour effectuer les travaux les plus élémentaires de rénovation et d’entretien.
La maison d’arrêt de Versailles est un bâtiment très ancien, dont la construction remonte à 1750, et les derniers travaux substantiels de mise en conformité et d’amélioration ont été effectués en 1985.
Lors de cette visite, j’ai vu un établissement dont le fonctionnement quotidien n’est rendu possible que par la conscience professionnelle des femmes et des hommes de l’administration pénitentiaire. Ils sont confrontés à un manque flagrant d’effectifs ; même l’encadrement supérieur y est très réduit. Cette situation n’est pas sans conséquence sur la sécurité des détenus et du personnel pénitentiaire, sur l’accomplissement efficace des parcours d’exécution des peines et sur la prise en charge sociale.
Beaucoup de détenus requièrent un suivi médical ou psychothérapeutique que l’état des locaux rend de plus en plus difficile malgré, là encore, l’engagement remarquable des praticiens.
Pouvez-vous me dire, madame la ministre, quelles sont les intentions réelles du Gouvernement concernant la maison d’arrêt de Versailles ?
Avez-vous fait le choix de l’abandon de cet établissement ? Si oui, il n’est pas admissible d’y laisser des détenus dans ces conditions ! Ou bien projetez-vous de le rénover ? Il y aurait alors vraiment extrême urgence !
La maison d’arrêt de Versailles a l’avantage d’être une petite structure avec une capacité d’accueil de 146 places. C’est le type d’établissement qu’il faut, chaque fois qu’il est possible, préférer aux usines pénitentiaires de 500 à 600 places. Les établissements de petite capacité sont, sans aucun doute, les plus à même de répondre à la mission première de la détention, qui est la réinsertion.
Le contrôleur général des prisons, M. Jean-Marie Delarue, détaillait dans un récent rapport la situation des prisons françaises : parcours d’exécution des peines sans contenu, cours de promenade livrées à la violence des détenus, défaut d’encadrement dans la détention. Son constat rejoignait ainsi celui du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe.
Ces rapports alarmants successifs prescrivent des évolutions urgentes et de grande échelle pour nos prisons. Il faut absolument en tirer les enseignements et les traduire en actes.
Les suicides de détenus, qui sont la manifestation la plus douloureuse et la plus violente de l’état de nos prisons, vous imposent d’agir.
Au-delà du seul cas de la maison d’arrêt de Versailles pour laquelle j’attends, vous l’aurez compris, des réponses précises, c’est la politique pénitentiaire du Gouvernement qui est en cause. Quelles mesures concrètes comptez-vous prendre, à Versailles et ailleurs, pour que nos prisons cessent d’être des lieux de privation de dignité ?
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame le sénateur, vous avez bien voulu appeler mon attention sur la situation de la maison d’arrêt de Versailles. Vous évoquez l’état de cet établissement et l’insuffisance de moyens dévolus à l’administration pénitentiaire pour effectuer les travaux de rénovation et d’entretien. Vous souhaitez également connaître les intentions réelles du Gouvernement concernant l’avenir de cet établissement.
La maison d’arrêt de Versailles, construite en 1750, est située en centre-ville. En 1981, des travaux de rénovation furent entrepris pour aménager une maison d’arrêt de femmes d’une capacité de 87 places et un centre de semi-liberté de 79 places.
L’établissement fait régulièrement l’objet de travaux d’entretien et de maintenance au titre des crédits de fonctionnement déconcentrés. Ainsi, depuis 1996, ont été effectués des travaux d’aménagement des locaux médicaux de l’unité de consultations et de soins ambulatoires – à hauteur de 36 000 euros –, de mise aux normes des cellules disciplinaires – pour un montant de 37 000 euros– et de cloisonnement des sanitaires – pour une somme de 23 100 euros.
Je vous informe que le Gouvernement entend poursuivre cette démarche de rénovation et d’entretien des établissements les plus vétustes, démarche qui a d’ailleurs été accélérée par le biais du plan de relance.
À ce titre, le projet de loi de finances rectificative pour 2009 prévoit une enveloppe de 30 millions d’euros destinée à la réalisation de travaux, dans l’objectif d’améliorer les conditions de travail des personnels mais aussi les conditions de détention.
Une partie de ces crédits permettra d’effectuer un certain nombre de travaux sur le site de la maison d’arrêt de Versailles, notamment un diagnostic technique du bâtiment, pour un montant de 25 000 euros, un câblage informatique de la salle d’entretien de l’ANPE, pour un montant de 2 000 euros, et des travaux d’installations relatives à la sécurité incendie, pour un montant de 18 000 euros.
Ces travaux permettront d’améliorer les conditions de vie des détenus et de travail des personnels pénitentiaires de la maison d’arrêt de Versailles.
Il est vrai toutefois que ces travaux d’entretien ne permettront pas de modifier la structure de cet établissement.
Or je sais que les locaux communs aux détenues dans la maison d’arrêt pour femmes sont de petites tailles, que les ateliers ne permettent pas de développer des activités de formation et que les parloirs sont peu adaptés, aussi bien en termes d’accueil des familles que de déroulement des visites ou des contrôles à pratiquer.
Nous retrouvons d’ailleurs là le débat que nous avons eu lors de l’examen du projet de loi pénitentiaire sur les établissements les plus vétustes, où nous devons rattraper le retard pris en matière de travaux de rénovation faute d’avoir investi dans la rénovation pendant de nombreuses années.
Cet établissement est par ailleurs organisé en dortoirs. Une solution sera apportée à cette situation effectivement peu satisfaisante lorsque la construction d’un nouvel établissement permettra la fermeture de la maison d’arrêt de Versailles, puisque nous avons pour objectif de fermer tous les établissements qui comportent des dortoirs.
Le projet de construction est à l’étude. Cependant, cet établissement n’étant pas le seul concerné, nous sommes en train de procéder à des arbitrages pour déterminer les priorités. La décision sera prise au plus tard à la fin du deuxième semestre de 2009.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca.
Mme Catherine Tasca. Madame le garde des sceaux, il y a dans votre réponse des éléments qui peuvent nous donner quelques espoirs puisque vous évoquez le dégagement dans le collectif budgétaire d’une enveloppe pour des travaux allant au-delà de l’entretien dans plusieurs établissements particulièrement vétustes.
Je dois vous dire tout de même que vos services ne vous informent pas exactement sur ce qui a été fait dans les années passées, car je connais bien l’établissement de Versailles et j’ai constaté moi-même que l’entretien minimum n’y a pas été assuré. C’est au point que certaines parties du bâtiment en viennent à être dangereuses ; je pense notamment aux blocs de la façade qui menacent de s’abattre dans la cour.
Pour ce qui est du passé, j’ai donc le regret, madame le garde des sceaux, de devoir insister sur le fait que le travail n’a pas été fait.
Cela dit, je souhaiterais attirer votre attention sur deux aspects de la situation à laquelle est confrontée – mais elle n’est pas la seule – la maison d’arrêt de Versailles.
Le premier a trait aux locaux. Je dois vous dire que le local dédié à l’accueil des familles et qui devrait notamment permettre, s’agissant d’une prison de femmes, le maintien du lien mère-enfant est absolument indigne, vous le constaterez si vous avez l’occasion de le visiter. Cela sert le cœur de voir ces tout jeunes enfants dans un espace d’à peine plus de six ou huit mètres carrés dont l’état est lamentable et le mobilier tout aussi lamentable et où les conditions nécessaires à un bon contact entre ces enfants et leur mère ne sont absolument pas assurées !
L’entretien des locaux a été notoirement insuffisant et j’espère, madame le garde des sceaux, que les crédits que vous annoncez permettront de remédier à cette situation.
Je veux insister ensuite sur le problème des personnels.
Depuis des années, la prison de Versailles souffre d’une insuffisance de l’encadrement et du sous-effectif. Il y a constamment des postes non pourvus et il faut actuellement recourir à deux membres du personnel de l’établissement de Bois-d’Arcy pour compenser un peu le manque d’effectifs !
Autre défaut dans la gestion des personnels : l’importance de ce que l’on appelle le turn-over ; les changements constants et très rapides des personnels rendent quasi impossible la politique de suivi des détenus. C’est un aspect du problème que je vous demande d’examiner aussi. Il faut donc compléter les effectifs, mais également essayer de les stabiliser.
À ce sujet, madame le garde des sceaux, je vous ai d’ailleurs adressé tout récemment un courrier dans lequel je me suis fait le relai d’une demande des détenus concernant le maintien d’une surveillante qui, semble-t-il, a su faire progresser de façon sensible la qualité des relations entre détenus et personnels pénitentiaires.
J’insiste sur ces deux dimensions, car, si vous aviez l’occasion d’y aller, la prison de Versailles ne vous rendrait pas fière de l’état de nos prisons !
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Madame Tasca, croyez bien – vous le savez d’ailleurs – que j’accorde une priorité particulière aux travaux dans les établissements pénitentiaires.
S’agissant des sommes que j’ai citées, je peux vous assurer qu’elles ont été engagées et que les travaux correspondants ont été faits. Je peux parfois ne pas être informée sur l’utilisation des crédits mais, avant de vous répondre, j’ai vérifié si les travaux avaient été réalisés : ils l’ont été et les crédits que je vous ai indiqués leur ont été destinés.
La difficulté, vous le savez, tient à ce que dans les établissements vétustes les crédits étaient souvent utilisés – et la maison d’arrêt de Versailles n’est pas seule dans ce cas – à des travaux de simple mise aux normes, parce que, pendant très longtemps, on ne s’est pas attaqué à la vraie rénovation, à la vraie réhabilitation, voire à la construction de nouveaux établissements pénitentiaires. Le dernier programme d’ampleur date de 1987. Ensuite, les programmes ont été parcellaires.
J’ajoute, sans aucune intention polémique, que, entre 1997 et 2002, 4 % des places ont été fermées et qu’il n’y a eu aucune construction.
Je vous rejoins, madame Tasca, sur la nécessité de fermer les places insalubres où les conditions sont, en effet, épouvantables, mais, pour autant, faut-il s’abstenir de construire des places de prison ?
Pour ma part, je n’en fais pas un débat idéologique. Il est important que les prisonniers soient détenus dans des conditions dignes et, à cette fin, que nous construisions aussi des établissements pénitentiaires, ce que, malheureusement, nous n’avons pas fait pendant trop longtemps. Alors, nous sommes obligés de rattraper le retard.
S’agissant des personnels, vous connaissez les règles de la fonction publique, on ne peut les empêcher de demander des mutations et on ne peut pas davantage instaurer des traitements privilégiés pour une certaine catégorie d’entre eux.
Enfin, vous m’avez en effet saisie d’un courrier ; je vous ai répondu – ma réponse doit être partie ou, en tout cas, partira dès aujourd'hui – que la personne que vous évoquiez pouvait tout à fait demander à être maintenue à la maison d’arrêt de Versailles : la commission administrative paritaire étudiera sa demande de maintien dans l’établissement, si elle le souhaite.
inégalité de traitement entre les fonctionnaires du cadre B des impôts promus dans le cadre A avant le 1er janvier 2007
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, auteur de la question n° 447, adressée à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Mme Odette Terrade. Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite vous interroger sur l’inégalité de reclassement entre les fonctionnaires du cadre B de la fonction publique promus dans le cadre A avant le 1er janvier 2007 par rapport à leurs collègues promus postérieurement à cette date.
Cette inégalité résulte de l’application du décret n° 2006-1827, dit « décret Jacob », dont les effets pervers vous ont déjà été signalés à de nombreuses reprises depuis plus de deux ans.
Ainsi, une trentaine de mes collègues parlementaires, députés ou sénateurs, considérant l’injustice de la situation subie par les agents promus avant ce décret, vous ont déjà interrogé.
À ce jour, toutes les démarches et interventions se sont vu opposer un refus fondé en droit sur le principe de la « non-rétroactivité des textes et des actes juridiques ».
Les agents concernés n’ignorent évidemment pas ce principe fondamental de notre droit. Aussi ne revendiquent-ils pas l’application rétroactive du décret Jacob avec effet pécuniaire à la date de leur nomination. Par conséquent, la réponse fondée sur le principe de la non-rétroactivité est une réponse à une question qu’ils ne posent pas.
En revanche, monsieur le secrétaire d'État, ce que ces agents vous demandent, c’est l’adoption de nouvelles mesures statutaires pour corriger les effets du décret Jacob, ainsi que le recommande d’ailleurs le Médiateur de la République, M. Jean-Paul Delevoye.
Dans le numéro 44 de la Revue du Médiateur, paru en février dernier, M. Delevoye écrit en effet : « En l’absence de mesures transitoires entre les deux dispositifs de reclassement, il s’ensuit des franchissements d’ancienneté préjudiciables aux agents promus avant le 1er janvier 2007 en matière non seulement de rémunération mais aussi d’avancement, de mutation et de droits à pension. Selon l’échelon de reclassement, la rémunération mensuelle d’anciens promus peut être ainsi inférieure de plusieurs centaines d’euros à celle de leurs nouveaux collègues.
« De plus, les nouveaux promus […] bénéficieront […] d’un indice de liquidation de leur pension vieillesse supérieur […].
« Enfin, de nombreux effets pervers se sont également manifestés en matière de mutations, du fait que les inspecteurs nouvellement promus et mieux reclassés primeront ceux des promotions antérieures.
« La situation créée pour les personnels promus de la catégorie B à la catégorie A avant le 1er janvier 2007, par le décret n° 2006-1827, n’est donc pas équitable et doit pouvoir être corrigée par la mise en œuvre de mesures transitoires. »
Le Médiateur de la République fait ensuite des propositions.
Les mesures transitoires « devront permettre le reclassement à l’échelon résultant de l’application des dispositions du décret n° 2006-1827 des fonctionnaires issus d’un corps ou d’un cadre d’emploi de catégorie B et nommés dans un corps de catégorie A au titre de la promotion interne, à la date de leur nomination.
« Ce reclassement pourrait alors être assorti d’un effet pécuniaire sans rappel antérieur à compter de la date d’entrée en vigueur de ce décret, soit le 1er janvier 2007. »
Monsieur le secrétaire d'État, on ne saurait être plus clair, et c’est justement ce que les agents attendent !
Ainsi donc, la seule autorité indépendante, dont la compétence ne saurait être contestée, reconnaît pleinement le bien fondé de la demande de ces personnels.
Vous avez vous-même, dans vos dernières réponses aux questions écrites de mes collègues parlementaires, admis la réalité du « désavantage » induit par l’application du décret pour les agents promus antérieurement au 1er janvier 2007.
C’est pourquoi, je vous demande, monsieur le secrétaire d'État, quelles mesures vous comptez prendre pour mettre en œuvre le plus rapidement possible les recommandations du Médiateur de la République et pour rétablir enfin l’équité entre ces agents soumis aux mêmes critères de sélection et exerçant les mêmes fonctions.
Comme moi, monsieur le secrétaire d'État, la délégation des agents des impôts concernés par cette question, qui est présente dans les tribunes de notre hémicycle ce matin, attend avec impatience votre réponse.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais, tout d’abord, excuser Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, qui ne pouvait être présent ce matin.
Le décret du 23 décembre 2006 que vous évoquez, madame le sénateur, a mis en place un dispositif plus favorable pour les agents promus sur liste d’aptitude au grade d’inspecteur, avec un gain indiciaire d’une cinquantaine de points en moyenne, contre environ vingt-cinq points majorés avec le précédent système. J’assume cette volonté réelle de valoriser les agents les plus méritants.
En ce qui concerne une prétendue rupture d’égalité, je me permets de vous rappeler que le Conseil d’État a déjà jugé, dans une décision du 10 décembre 2004, que le fait de ne prévoir l’application d’une mesure qu’aux agents recrutés à compter de son entrée en vigueur ne constituait pas une discrimination contraire au principe d’égalité des fonctionnaires d’un même corps.
Vous dites que les agents promus avant le 1erjanvier 2007 seraient désavantagés.
En ce qui concerne les mutations, l’administration des impôts a mis en œuvre, en concertation avec les représentants du personnel, des dispositifs aménageant les effets novateurs du décret en faveur des fonctionnaires promus dont le classement était intervenu avant le 1er janvier 2007.
Concrètement, un suivi a été mis en place pour s’assurer qu’un agent issu d’une promotion antérieure ne serait pas devancé par un agent promu après le 1er janvier 2007. En 2008, quatre agents ont pu bénéficier de ce dispositif.
S’agissant de l’avancement, le statut prévoit un nombre d’années de services effectifs en catégorie A pour accéder au grade supérieur, ce qui neutralise les effets du décret en termes de reprise d’ancienneté.
Un autre aménagement a été réalisé pour permettre aux agents issus de listes d’aptitude, d’examens professionnels ou de concours internes antérieurs au 1er janvier 2007 de se porter candidat même s’ils n’ont pas atteint l’échelon requis. En 2008, cinquante-quatre agents ont bénéficié de cet aménagement.
Ainsi, madame le sénateur, permettez-moi de ne pas partager votre avis lorsque vous parlez d’inégalité de traitement entre les fonctionnaires des impôts. Dans le cas présent, non seulement il y a valorisation des mérites individuels, mais encore nous traitons avec équité les agents promus avant le 1er janvier 2007.
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le secrétaire d'État, je prends acte de votre réponse, même si elle n’est pas de nature à satisfaire les agents concernés.
Vous avez à juste titre rappelé que des mesures avaient été prises. Mais ne serait-il pas préférable de reconsidérer la situation dans son ensemble ?
Il ne s’agit pas de revenir sur le principe de non-rétroactivité. Vous le savez, le règlement de cette question est aussi budgétaire. Le retard pris dans le traitement de ce dossier, voire le refus de le prendre en compte de manière globale, n’est pas sans lien avec la révision générale des politiques publiques et les enjeux budgétaires des ministères.
Cependant, au regard du nombre de fonctionnaires concernés – environ 500 –, le coût que représenteraient des mesures visant à rétablir une égalité de traitement et de grade serait bien moins important que celui qui est engendré pour le reclassement d’autres cadres, pour lesquels les moyens nécessaires ont pu être dégagés.
J’ai personnellement saisi le Médiateur de la République sur ce sujet. S’il m’a apporté la même réponse que vous, monsieur le secrétaire d'État, s’appuyant lui aussi sur la jurisprudence du Conseil d’État constante du fait de la non-rétroactivité des textes, il a rappelé que le Conseil d’État considérait que « l’exercice du pouvoir réglementaire impliqu[ait] pour son détenteur la possibilité de modifier à tout moment les normes qu’il définit » et qu’« il incomb[ait] à l’autorité investie du pouvoir réglementaire [...] d’édicter [...] les mesures transitoires ».
Ainsi, le Conseil d’État et le Médiateur de la République reconnaissent la nécessité de remédier à cette situation. Il ne s’agit ici, selon moi, que de volonté politique.
Accéder à la demande des fonctionnaires subissant une inégalité de traitement ne créerait pas un précédent et ne représenterait pas un coût financier excessif. Dans le secteur privé, cette question aurait certainement déjà été réglée en vertu du principe « à travail égal, salaire égal ».
Monsieur le secrétaire d'État, en refusant de résoudre ce problème rapidement, vous continuez à alimenter le ressentiment des agents concernés. Il serait de meilleure administration de dégager les moyens permettant de régler cette situation, plutôt que d’alimenter un motif de conflit latent.
Je regrette que vous ne preniez pas en compte les propositions et recommandations du Médiateur de la République qui visaient à réparer cette injustice. Il importe de reconsidérer cette question et de ne pas retarder une fois de plus le règlement de ce dossier, qui traîne depuis deux ans.
fonctionnement d'une agence postale communale
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, auteur de la question n° 448, adressée à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
M. Claude Domeizel. Monsieur le secrétaire d'État, j’attire votre attention sur la situation de certaines communes qui, de plus en plus souvent confrontées au désengagement de La Poste et à la menace de fermeture de leur bureau de poste, acceptent de signer une convention avec cet établissement public pour mettre en place et prendre en charge une agence postale communale.
Certaines communes confient cette nouvelle mission à un personnel recruté spécifiquement à cet effet. D’autres, dans la mesure où les fonctions confiées peuvent correspondre aux missions de leur grade et cadre d’emploi, font appel au personnel titulaire en fonction, dans le cadre de leur temps de travail.
Je m’interroge sur l’attitude à tenir en cas de refus du personnel communal d’exercer ces fonctions. C'est la raison pour laquelle, monsieur le secrétaire d'État, je vous demande de me préciser la nature de l’agence postale.
Faut-il la considérer comme un service public communal créé par le conseil municipal, dans le cadre duquel le personnel en place est tenu d’assurer les missions qui lui sont confiées ? Dans ce cas, un avis préalable du comité technique paritaire sur les nouvelles compétences prises en charge par la commune est-il nécessaire ? Je pense que oui.
S’agit-il au contraire d’un service public dépassant la compétence communale ? Dans ce cas, les missions ne peuvent être confiées qu’à du personnel communal titulaire en place, sur la base du volontariat, ou à du personnel recruté à cet effet.
Monsieur le secrétaire d'État, sur cette question, les éléments de réponse que vous apporterez seront très utiles.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Monsieur le sénateur, votre question est très importante et concerne un grand nombre de communes. C'est la raison pour laquelle j’y répondrai de manière circonstanciée.
Aux termes de la loi du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste et des télécommunications, La Poste a reçu une mission de contribution à l’aménagement du territoire. La loi prévoit que «La Poste contribue, au moyen de son réseau de points de contact, à l’aménagement et au développement du territoire national, en complément de ses obligations de service universel ».
La Poste dispose ainsi de près de 17 000 points de contacts avec le public. Les agences postales communales concourent à l’exercice de cette mission d’aménagement du territoire, leur création faisant l’objet de conventions entre La Poste et les communes, à partir d’un protocole d’accord signé entre cet établissement public et l’Association des maires de France, le 28 avril 2005. Cet accord permet notamment d’offrir aux communes ou communautés de communes qui souhaitent s’engager dans un partenariat avec La Poste un cadre précis et pérenne ainsi qu’un financement assuré sur une période pouvant aller jusqu’à neuf ans.
Les communes restent toutefois tout à fait libres de concourir à l’établissement de telles agences et de signer une convention avec La Poste. Il ne s’agit donc pas d’un service public communal.
La convention type prévoit que les communes fournissent le local de l’agence et qu’un ou plusieurs agents communaux assurent les prestations postales, y compris des services financiers de dépannage, comme le dépôt ou le retrait d’espèces sur un compte courant ou sur un compte d’épargne dans la limite d’un plafond. En contrepartie, La Poste verse à la commune une indemnité compensatrice, qui couvre la rémunération des personnels ainsi que la part du coût du local affecté à l’agence postale.
Le cadre légal dans lequel s’inscrivent ces conventions résulte de deux articles législatifs : l’article 29-1 modifié de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire, d’une part, l’article 30 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. Ces dispositions permettent notamment à une commune ou à un établissement public de coopération intercommunale de mettre ses personnels à la disposition de l’agence postale communale ou intercommunale.
Par ailleurs, la loi n°2007-209 du 19 février 2007 relative à la fonction publique territoriale a complété l’article 6 de la loi n°90-568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste et des télécommunications par les dispositions suivantes : « Les conditions dans lesquelles les agents titulaires ou non titulaires de la fonction publique territoriale exercent tout ou partie de leurs fonctions dans le cadre de ce partenariat sont définies par une convention passée entre La Poste et la collectivité territoriale ou l’établissement public de coopération intercommunale dont relève l’agent. Cette convention précise notamment la nature des activités que l’agent est appelé à exercer. »
La mise à disposition des fonctionnaires est prévue par les articles 61 et suivants de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale. L’article 61 précise : « La mise à disposition est la situation du fonctionnaire qui demeure dans son cadre d’emplois ou corps d’origine, est réputé y occuper un emploi, continue à percevoir la rémunération correspondante, mais qui exerce ses fonctions hors du service où il a vocation à servir. Elle ne peut avoir lieu qu’avec l’accord du fonctionnaire et doit être prévue par une convention conclue entre l’administration d’origine et l’organisme d’accueil. [...] Le fonctionnaire peut être mis à disposition auprès d’un ou de plusieurs organismes pour y effectuer tout ou partie de son service. »
Il ressort donc clairement de ces dispositions qu’un fonctionnaire territorial ne peut être mis à disposition d’un organisme extérieur, y compris pour une partie de son temps de travail, sans que son accord exprès ait été recueilli préalablement.
Dans l’hypothèse du recrutement d’un agent non titulaire, dès lors que l’exercice des missions de gestion de l’agence postale communale est explicitement mentionné dans le contrat de l’intéressé, il n’est pas nécessaire de recueillir l’accord de l’intéressé, la signature du contrat valant accord.
J’en viens à la consultation des instances de dialogue social. Il convient de distinguer le comité technique paritaire de la commission administrative paritaire.
Le comité technique paritaire n’a pas vocation à traiter de questions individuelles. En revanche, l’article 33 de la loi du 26 janvier 1984 précise que cette instance doit être consultée sur les questions relatives « à l’organisation des administrations intéressées » et « aux conditions générales de fonctionnement de ces administrations ». L’élaboration d’une convention entre la commune et La Poste relève de l’organisation administrative et des conditions générales de fonctionnement de ladite commune. Le comité technique paritaire compétent devra donc être avisé du projet de convention.
L’article 30 de la même loi précise que les commissions administratives paritaires « connaissent des questions d’ordre individuel résultant de l’application, notamment, de l’article 25 du titre Ier du statut général des fonctionnaires de l’État et des collectivités territoriales [...] et des articles [...] 61, 62 [...] de la présente loi. »
En visant les articles définissant les règles régissant la mise à disposition des fonctionnaires territoriaux, la loi indique que la commission administrative paritaire compétente pour la catégorie à laquelle appartient le fonctionnaire concerné doit bien être consultée avant la prise de l’arrêté individuel de mise à disposition.