Sommaire
Présidence de M. Jean-Claude Gaudin
Secrétaires :
Mmes Michelle Demessine, Anne-Marie Payet.
délais de paiement des opca aux organismes de formation
Question de M. Jean-Claude Carle. – Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur ; M. Jean-Claude Carle.
conséquence de la création du statut d'auto-entrepreneur
Question de Mme Nathalie Goulet. – Mmes Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur ; Nathalie Goulet.
directive européenne concernant l'activité vétérinaire dans les parcs zoologiques
Question de M. Alain Fouché. – Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur ; M. Alain Fouché.
mesures du plan de relance favorisant la formation des salariés au sein de l'entreprise
Question de Mme Mireille Schurch. – Mmes Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur ; Mireille Schurch.
développement du parc des éoliennes
Question de Mme Anne-Marie Escoffier. – M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire ; Mme Anne-Marie Escoffier.
avenir des zones de revitalisation rurale
Question de M. Jean-Jacques Lozach. – MM. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire ; Jean-Jacques Lozach.
fonds de péréquation pour le haut débit
Question de M. Gérard Bailly. – MM. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire ; Gérard Bailly.
situation de l’enseignement agricole public dans le département de l’aveyron
Question de M. Alain Fauconnier. – MM. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire ; Alain Fauconnier.
situation de l’hôpital de juvisy-sur-orge dans l’essonne
Question de M. Bernard Vera. – Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports ; M. Bernard Vera.
situation du centre hospitalier régional et universitaire de tours
Question de Mme Marie-France Beaufils. – Mmes Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports ; Marie-France Beaufils.
financement du plan d'urgence pour l'agriculture
Question de M. Michel Doublet. – Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports ; M. Michel Doublet.
intentions du gouvernement concernant la prison de versailles
Question de Mme Catherine Tasca. – Mmes Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice ; Catherine Tasca.
Question de Mme Odette Terrade. – M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique ; Mme Odette Terrade.
fonctionnement d'une agence postale communale
Question de M. Claude Domeizel. – MM. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique ; Claude Domeizel.
personnels des maisons départementales des personnes handicapées
Question de M. Yves Daudigny. – Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité ; M. Yves Daudigny.
situation des caisses d'allocations familiales
Question de M. Jean Boyer. – Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité ; M. Jean Boyer.
rapport d'application de la loi sur la violence au sein des couples
Question de M. Roland Courteau. – Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité ; M. Roland Courteau.
3. Dépôt d'un rapport du Gouvernement
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
4. Dépôt de rapports sur l’application de lois
5. Première application de la semaine de contrôle
6. Débat sur l'avenir de la presse
MM. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles ; David Assouline, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (presse).
M. Serge Lagauche, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Ivan Renar, Mme Colette Mélot.
Suspension et reprise de la séance
MM. Jean-Luc Mélenchon, Yvon Collin, Jean-Pierre Bel, le président.
8. Politique étrangère. – Lecture d'une déclaration de politique générale du Gouvernement
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Tasca
9. Débat sur l'avenir de la presse (suite)
MM. Yvon Collin, David Assouline, Mme Nathalie Goulet, MM. Michel Teston, Pierre Fauchon.
Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication.
Clôture du débat.
10. Conseil européen des 19 et 20 mars 2009. – Déclaration du Gouvernement suivie d'un débat
MM. Bruno Le Maire, secrétaire d'État chargé des affaires européennes ; Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères ; Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes.
MM. Roland Ries, Denis Badré, Michel Billout.
MM. Jean Bizet, Aymeri de Montesquiou, Bruno Retailleau.
M. le secrétaire d'État.
Clôture du débat.
11. Dépôt de textes de commissions
12. Dépôt d'une proposition de loi
13. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
15. Dépôt d'un rapport d'information
16. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
Secrétaires :
Mme Michelle Demessine,
Mme Anne-Marie Payet.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions orales
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
délais de paiement des opca aux organismes de formation
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle, auteur de la question n° 457, adressée à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur les délais de paiement excessivement longs mis en œuvre par les organismes paritaires collecteurs agréés, les OPCA, pour le règlement des factures des organismes de formation.
La loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie a pour objet d’améliorer la situation économique des entreprises, notamment en réduisant les délais de règlement au bénéfice des PME à quarante-cinq jours fin de mois ou à soixante jours à compter de la date d’émission de la facture
Or, selon les dernières enquêtes réalisées par la Fédération de la formation professionnelle auprès de ses adhérents, ces délais de paiement vont de soixante-quinze à cent vingt jours. Ils sont, à l’évidence, contraires aux prescriptions de la loi précitée.
Il est important de souligner que la facture des prestations auprès des OPCA ne peut se faire qu’à prestation échue, qui, dans le secteur de la formation, s’étale très souvent sur plusieurs mois, voire sur quelques années. Les organismes de formation, très majoritairement des PME, doivent donc consentir des efforts de trésorerie importants.
Ces contraintes non seulement pèsent sur la marge de manœuvre financière des organismes de formation, dont la trésorerie est fragilisée, mais également agissent comme un frein sur leurs investissements en matière de recherche et de développement. Les délais de paiement actuellement pratiqués sont donc particulièrement pénalisants pour ces entreprises.
De plus, il convient d’insister sur le fait que les organismes de formation sont tenus d’appliquer les nouveaux délais de paiement à leurs fournisseurs et se trouvent parallèlement confrontés à une incertitude sur le régime des délais de règlement qui leur est applicable en leur qualité de prestataires de services des OPCA.
C’est pourquoi je souhaite savoir si Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi entend donner des instructions à son administration, de telle sorte que cette dernière puisse confirmer que les délais de paiement édictés par la loi de modernisation de l’économie sont applicables au paiement des factures des organismes de formation par les OPCA.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Monsieur Carle, votre question est pertinente. Le Gouvernement partage votre analyse.
En l’état actuel des textes, l’OPCA, qui n’est qu’un intermédiaire entre l’organisme de formation et l’entreprise, n’est, à ce titre, pas soumis aux règles fixées par la loi de modernisation de l’économie concernant les délais de paiement.
Le Gouvernement est tout à fait sensible à votre argumentaire et considère que ce rôle, extrêmement utile, d’intermédiaire des OPCA ne doit pas avoir pour conséquence de fragiliser la trésorerie des organismes de formation, qui, comme vous l’avez dit, sont avant tout des PME.
Les partenaires sociaux intervenant dans le champ de la formation professionnelle ont, de ce point de vue, recommandé aux OPCA, le 7 novembre dernier, de « réduire les délais de paiement des actions de formation qui ne devraient pas excéder un mois à partir du moment où les justificatifs ont été présentés ». Cela va dans le sens souhaité par le Gouvernement et par vous-même, monsieur le sénateur.
Dès lors, il nous semble tout à fait possible que, lors du débat parlementaire qui va prochainement s’engager sur la réforme de la formation professionnelle, ce sujet puisse de nouveau être abordé. Je ne doute pas que vous y apporterez votre utile contribution.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle.
M. Jean-Claude Carle. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie des précisions que vous m’avez apportées.
Le Gouvernement, comme les partenaires sociaux, qui sont, de façon paritaire, gestionnaires des OPCA, souhaite que les délais de paiement dont il est question soient réduits, de façon à ne pas hypothéquer la trésorerie de petites entreprises. Cette volonté va dans le bon sens.
Au-delà des simples recommandations, il serait utile de fixer ces délais de paiement dans une loi. Nous le ferons lors de l’examen du projet de loi que Laurent Wauquiez nous présentera d’ici à quelques semaines. Soyez assurée, madame la secrétaire d’État, que je prendrai part à ce débat.
conséquence de la création du statut d'auto-entrepreneur
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, auteur de la question n° 471, adressée à M. le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services.
Mme Nathalie Goulet. Madame la secrétaire d'État, lorsque, voilà quelques mois, nous avons examiné la loi de modernisation de l’économie instituant le statut d’auto-entrepreneur, nous avons évoqué à de nombreuses reprises le risque de concurrence déloyale que ce régime pourrait faire peser, notamment sur les artisans.
Nos inquiétudes sont toujours d’actualité, puisque cette loi n’a ni abrogé ni modifié le décret du 2 avril 1998 relatif à la qualification artisanale et au répertoire des métiers.
Il semblerait que certains auto-entrepreneurs utilisent abusivement la qualification d’artisan, au risque de banaliser celle-ci. Les chambres d’artisanat sont extrêmement inquiètes. Elles avaient d'ailleurs exprimé leur préoccupation lors du vote de ce statut.
Il est naturellement possible de demander aux services de l’État de vérifier que les auto-entrepreneurs disposent des qualifications professionnelles nécessaires, ce qui serait aussi utile à la clientèle.
Il est également envisageable de saisir la justice pour usage irrégulier du terme « artisan ». Même si je ne sais pas exactement quelle protection s’attache à cette qualification, nous ne pouvons, au motif qu’il existe un statut d’auto-entrepreneur, laisser des gens exercer un métier sous l’appellation d’artisan alors qu’ils ne disposent pas des qualifications requises !
Je souhaiterais donc savoir si une politique de communication active est prévue afin de promouvoir et de défendre la qualification dans le secteur de l’artisanat, qui est le premier employeur de France, selon la formule consacrée et illustrée par la publicité. (Mme la secrétaire d'État acquiesce.)
Je m’interroge aussi sur les mesures qui pourraient être adoptées afin de protéger les artisans dits qualifiés.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Madame la sénatrice, vous attirez l’attention du Gouvernement sur les risques de distorsion de concurrence à l’égard des artisans, liés au développement très rapide, et d'ailleurs très heureux, du régime d’auto-entrepreneur, lequel concerne, d'ores et déjà, quelque 90 000 personnes.
Votre question porte spécifiquement sur les distorsions de concurrence qui pourraient résulter d’abus de qualifications. Je ne reviendrai pas sur les autres problèmes posés par le statut de l’auto-entrepreneur, qui ont déjà fait l’objet de nombreux débats et auxquels le Gouvernement a apporté des réponses très claires.
Les simplifications qui sont accordées à l’auto-entrepreneur n’empêchent pas celui-ci d’être tenu aux obligations de droit commun en matière de qualification et d’assurance professionnelles, selon l’activité exercée, et sans qu’il ne puisse – j’y insiste ! – obtenir aucune dispense.
L’auto-entrepreneur qui opte pour la non-immatriculation n’est donc pas exempt de l’obligation de qualification professionnelle.
À cet égard, je vous rappelle que le contrôle de la qualification pour les professions concernées, notamment les artisans, n’intervient pas lors de l’immatriculation : il est effectué a posteriori par les agents de la concurrence et de la répression des fraudes ou par les officiers et les agents de police judiciaire.
Il en va exactement de même pour les auto-entrepreneurs : ceux qui souhaitent se prévaloir de la qualité d’artisan doivent impérativement respecter les conditions de droit commun prévues par le décret n° 98-247 du 2 avril 1998.
En matière de communication, puisque vous avez soulevé cette question, madame la sénatrice, je rappelle que le site dédié à ce nouveau régime, d'ailleurs extrêmement consulté et dont l’adresse est « www.lautoentrepreneur.fr », ainsi que les brochures d’information destinées aux auto-entrepreneurs diffusent la liste des activités artisanales réglementées et rappellent l’obligation légale de qualification qui pèse sur l’auto-entrepreneur comme sur tout autre entrepreneur du même secteur.
Le Gouvernement continuera de veiller à communiquer clairement sur ces obligations de qualification professionnelle artisanale, ainsi que, bien entendu, sur leur respect par les autorités administratives compétentes.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Madame la secrétaire d'État, nous ne pouvons que nous féliciter du succès remporté par le nouveau statut de l’auto-entrepreneur, qui est très souple et dont nous avons largement débattu ici.
Toutefois, il reste à régler le problème du contrôle a posteriori et à trouver un moyen d’assurer le respect de la qualification d’artisan, au bénéfice à la fois de la profession qualifiée et des usagers.
Je vous remercie de votre réponse.
directive européenne concernant l'activité vétérinaire dans les parcs zoologiques
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, auteur de la question n° 452, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Alain Fouché. Madame la secrétaire d'État, ma question concerne l’activité vétérinaire dans les parcs zoologiques de France. Comme vous le savez, il s'agit d’un secteur économique et touristique important et sensible.
Je souhaite appeler l’attention du ministre de l’agriculture sur la directive 92/65/CEE, qui, à ce jour, n’est toujours pas traduite en droit français.
Ce texte de 1992 est essentiel pour les parcs zoologiques, puisqu’il énonce les conditions de police sanitaire régissant les échanges intracommunautaires d’animaux et prévoit la mise en place d’un agrément sanitaire pour les établissements respectant les conditions sanitaires définies.
Madame la secrétaire d'État, la transposition de cette directive permettrait d’instaurer, via l’agrément, une forme de reconnaissance de la qualité d’un établissement en matière de politique sanitaire. Par conséquent, elle faciliterait les échanges intracommunautaires d’animaux, qui sont indispensables à la gestion des programmes d’élevage d’espèces menacées.
Aussi, je souhaiterais savoir si la transposition de la directive 92/65/CEE est envisagée prochainement, comme le souhaitent très vivement, bien sûr, les professionnels.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Monsieur le sénateur, le ministre de l’agriculture et de la pêche, Michel Barnier, qui se trouve présent à Bruxelles ce matin, m’a chargée de vous apporter les éléments de réponse suivants.
Vous avez clairement souligné l’intérêt de transposer cette directive concernant les parcs zoologiques, et je n’y reviendrai pas.
Je suis en mesure de vous annoncer que, comme vous le souhaitez, la transposition de la directive 92/65/CEE du Conseil est en cours. Plus précisément, un projet de texte a recueilli le 5 mars dernier – votre question vient donc à point ! – l’avis favorable de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, AFSSA, Le texte doit maintenant recevoir l’aval du service des affaires juridiques du ministère de l’agriculture et de la pêche, puis être soumis à l’avis des organisations professionnelles concernées, qui se prononceront sans doute avec diligence, puisqu’elles attendent la transposition de cette directive avec impatience.
La publication et l’entrée en vigueur de ce texte devraient donc se faire rapidement, à la suite de ces deux prochaines étapes.
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.
M. Alain Fouché. Madame la secrétaire d'État, cette réponse me satisfait totalement. Je vous en remercie !
mesures du plan de relance favorisant la formation des salariés au sein de l'entreprise
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, auteur de la question n° 453, transmise à M. le secrétaire d'État chargé de l'emploi.
Mme Mireille Schurch. Madame la secrétaire d'État, ma question porte sur les mesures qui favoriseraient la formation des salariés mis au chômage partiel.
Avec plus de 28 % de chômeurs supplémentaires en six mois, la crise a foudroyé l’emploi dans le département de l’Allier. Si les chiffres sont très mauvais dans toute la France, ils sont catastrophiques dans le département dont je suis l’élue.
Les entreprises, particulièrement celles qui sont liées au secteur de l’automobile, ont massivement recours au chômage partiel. Sont concernés les salariés de CGR à Saint Yorre, de Halberg Précision à Cusset, de Potain Manitowoc à Moulins, de PSA Peugeot à Dompierre-sur-Besbre, et, pour le bassin montluçonnais, de Diamecans, Brealu, Goodyear, Dunlop, Amis et bien d’autres.
Plus de 2 000 salariés se trouvent visés par ces mesures de chômage partiel, qui se traduisent par une baisse de salaire mensuel comprise entre 90 et 250 euros selon les cas et estimée à 200 euros en moyenne.
À l’heure où il y a urgence à réfléchir à un changement radical de l’économie, à l’heure où tout le monde s’accorde à considérer que la relance ne peut venir que de la formation, de la recherche et de l’innovation, il me semble opportun de réorienter la production afin que celle-ci réponde aux besoins de la population et soit écologiquement supportable.
Tout doit être mis en œuvre pour que le chômage partiel ne soit pas du temps perdu et moins rémunéré et pour que, au contraire, il soit considéré comme un moment de production intellectuelle au sein de l’entreprise.
Durant des décennies, les dirigeants des entreprises ont délaissé l’investissement dans l’outil de travail, la formation des salariés et la recherche sur notre territoire. Ils ont contraint les salaires pour verser des dividendes à des actionnaires toujours plus exigeants. À cet égard, le cas de la société Continental est symptomatique.
Pourtant, la formation des salariés, qu’elle soit technique, qu’elle porte sur la qualité, la sécurité ou les modes de production, est bénéfique pour les salariés eux-mêmes, dès lors qu’elle s’inscrit bien dans une logique de parcours et permet en même temps d’offrir d’importantes perspectives d’avenir aux entreprises.
Ainsi, une meilleure adaptation aux postes de travail aurait permis à l’entreprise Goodyear Dunlop de Montluçon de diminuer les rebus qu’elle chiffre à plus de 4 millions d’euros en 2008.
Toutefois, pour l’instant, le « coût » d’une heure chômée pour l’entreprise est bien moindre que celui d’une heure de formation. On a calculé que, dans certains cas, il représentait jusqu’à cinq fois moins. Voilà le frein !
Se former plutôt que chômer, telle est la demande forte et justifiée des salariés. Pourquoi le Gouvernement n’aiderait-il pas les entreprises qui privilégient la formation en lieu et place du chômage partiel ?
Les moyens affectés dans le cadre du plan de relance pourraient être utilisés, sous le contrôle de la direction du travail, à la mise en place de formations négociées au sein de l’entreprise.
Ainsi, madame la secrétaire d'État, ne pourriez-vous envisager des mesures visant à rendre le recours à la formation plus attractif pour l’entreprise que l’inactivité du chômage partiel, le salarié percevant alors une rémunération égale au temps de production classique ?
En outre, dans l’immédiat, comment soutiendrez-vous l’accélération de la mise en œuvre du droit individuel à la formation pour les salariés qui peuvent en bénéficier, qui en ont fait la demande dans ces entreprises et qui, pour l’instant, n’ont toujours pas reçu de réponse ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Madame la sénatrice, tout d'abord, je voudrais vous rappeler les améliorations qui ont été apportées récemment au système d’indemnisation du chômage partiel, à la demande du Président de la République et du Premier ministre.
Ainsi, le niveau de l’indemnisation est passé de 50 % à 60 % de la rémunération brute, et nous avons relevé sensiblement son plancher. En matière financière, l’État a, quant à lui, augmenté de près de 50 % le montant de son aide, en particulier en prenant mieux en compte la situation des PME.
S’agissant de l’accès à la formation professionnelle, sur lequel vous interrogez plus spécifiquement le Gouvernement, les dispositions législatives et réglementaires actuelles permettent, comme vous le souhaitez, d’articuler l’activité partielle et la formation, selon deux modalités.
Premièrement, les salariés placés en position d’activité partielle peuvent, dans le même temps, suivre des formations dites « hors temps de travail », telles que le droit individuel à la formation, que vous avez évoqué, ou le plan de formation pour le développement des compétences.
Le salarié peut y trouver un intérêt, puisqu’il voit son allocation de chômage partiel majorée de l’allocation de formation. Quant à l’entreprise, elle continue à percevoir les allocations versées par l’État au titre du chômage partiel.
Deuxièmement, les entreprises peuvent proposer aux salariés des formations tendant à développer l’« employabilité » – pardonnez-moi ce terme, qui n’est pas très élégant ! – de ces derniers, au titre du plan de formation ou de la période de professionnalisation.
Dans cette position, le salarié voit sa rémunération maintenue. L’entreprise, quant à elle, préserve les compétences de ses personnels dans la perspective d’une reprise économique.
Au-delà des aspects juridiques, il s’agit avant tout de mettre en place les outils de financement opérationnels qui permettront de répondre de manière réactive aux demandes des entreprises comme des salariés, ensuite, compte tenu de l’ampleur inédite de la crise, d’être innovant et d’imaginer des solutions différentes de celles qui ont pu être choisies dans le passé.
S’agissant des financements, des solutions ont déjà été trouvées. Une convention sera signée dans les tout prochains jours entre l’État et le fonds unique de péréquation, géré par les partenaires sociaux : 130 millions d’euros seront alors débloqués pour former les personnes à titre préventif et en complément de l’activité partielle. Parallèlement, 75 millions d’euros supplémentaires seront mobilisés par l’État pour réaliser des actions de formation au profit des entreprises ou dans les secteurs les plus touchés par la crise.
Quant à la mise au point des modalités opérationnelles, le Gouvernement y travaille en lien étroit avec les partenaires sociaux. Il est essentiel que, sur ces problématiques touchant à la formation en temps de crise ainsi que, de manière plus générale, au maintien de nos capacités de production, et au moment où les partenaires sociaux viennent de conclure un accord à l’unanimité sur la formation, l’État et les organisations syndicales et patronales puissent collectivement continuer à discuter pour trouver des solutions innovantes qui, je l’espère, pourront s’appliquer avec succès dans les bassins d’emplois que vous avez évoqués, madame la sénatrice.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse, dont je ferai bien entendu part à tous les salariés concernés, qui attendent impatiemment d’occuper ce temps chômé.
J’ai cru comprendre que des mesures innovantes allaient être mises à leur disposition. Nous serons attentifs à leur application sur le plan local.
développement du parc des éoliennes
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, auteur de la question n° 411, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Mme Anne-Marie Escoffier. Ma question concerne le développement de l’énergie éolienne.
Depuis quelques années, les paysages de la France commencent à changer, avec le développement parfois intensif des éoliennes, qui, à l’instar de ce qui se fait dans certaines zones de l’Europe du Nord, se multiplient un peu partout. Je pense à certains sites qui me sont les plus familiers, notamment à la zone, jusque-là sévère et sauvage, allant de l’Auvergne au Languedoc, où, semble-t-il, on a tendance à implanter des éoliennes en grand nombre.
Ma région, plus particulièrement mon département, l’Aveyron, n’échappe pas à cette règle, ce qui conduit le public à se poser un certain nombre de questions relatives, tout d’abord, à la santé des humains et des animaux, compromise par le bruit et les vibrations, ensuite, à la protection des paysages concernés, enfin, au réel intérêt que présentent pour l’énergie les éoliennes elles-mêmes sur des sites où, pourtant, d’autres formes de production non polluante ont, depuis longtemps, fait leurs preuves.
Ainsi, dans l’Aveyron, l’hydroélectricité apporte une importante contribution à la production nationale, puisqu’elle correspond à peu près à la moitié de celle d’une centrale nucléaire. Or, qu’on le veuille ou non, une éolienne ne fonctionnant en moyenne que quatre-vingt-dix jours par an sera toujours moins opérante qu’un barrage.
J’ai bien noté, comme nous tous ici, que le Grenelle de l’environnement, de même que le paquet « climat-énergie », prévoit une forte augmentation de la production d’énergie renouvelable à l’horizon 2020, de façon qu’elle atteigne 20 % à 23 % de la consommation totale d’énergie française. Je m’en félicite.
J’ai bien noté aussi que, dans ce projet, l’éolienne doit jouer un rôle important.
Cependant, je relève deux difficultés. D’une part, la France ne fabriquant pas d’éoliennes, il faut les acheter à l’étranger, ce qui n’est pas très bon pour notre balance commerciale. D’autre part, le Conseil d’État ayant annulé le prix de rachat de l’électricité éolienne, on ne sait pas de combien, à l’avenir, sera la facture globale, ni quelle sera la charge pesant sur le contribuable avec un taux de retour sur investissement allant jusqu’à 40 % pour les opérateurs.
Dès lors, je reste dubitative face à l’ambition, affichée par certains, de voir tourner, à l’horizon de l’année 2020, quelque 15 000 à 20 000 éoliennes en France.
Quoi qu’il en soit, sachant que, aujourd’hui, pour le seul département de l’Aveyron, 98 éoliennes sont déjà autorisées, que 169 sont en construction et 350 en projet, mes compatriotes s’inquiètent.
C’est pourquoi je tiens à poser une triple question.
De quelle manière les pouvoirs publics pourraient-ils, à l’avenir, faire en sorte que soit encouragée la création de « fermes » d’éoliennes, de préférence au « mitage », hélas trop répandu de nos jours ?
De quelle manière est-il encore possible de mettre les éoliennes dans la catégorie des installations classées pour la protection de l’environnement ?
Enfin, de quelle manière est-il possible d’assurer la maîtrise de l’implantation des éoliennes à travers un schéma départemental et régional à l’élaboration duquel contribueraient les associations d’usagers et de défenseurs de l’environnement ?
Je vous remercie à l’avance, monsieur le secrétaire d’État, de votre réponse.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire. Madame le sénateur, comme vous l’avez fort bien rappelé, il a été décidé, à l’issue des discussions du Grenelle de l’environnement, une augmentation de 20 millions de tonnes équivalent pétrole de la production d’énergie renouvelable à l’horizon 2020.
Cet objectif ne pourra être atteint sans un fort développement de l’éolien : on estime que cette énergie représente entre un quart et un tiers du potentiel de développement des énergies renouvelables dans notre pays. Il s’agit donc, comme vous l’avez très bien compris, de passer à environ 20 000 mégawatts à l’horizon 2020, soit une multiplication par dix du parc en termes de puissance. Un tel parc devrait être constitué d’environ 8 000 éoliennes.
L’énergie éolienne est l’une des énergies renouvelables les plus compétitives, et dont les perspectives de développement sont très prometteuses. Le développement de l’éolien contribue non seulement à la réduction des émissions de C02, mais aussi à notre indépendance énergétique. Le parc éolien français devrait permettre de réduire les émissions françaises de 1,65 million de tonnes de CO2 en 2008, et de 16 millions de tonnes en 2020.
Pour ces raisons, le Gouvernement réaffirme son soutien au développement de l’énergie éolienne.
Pour autant, il souhaite favoriser un développement à haute qualité environnementale des énergies renouvelables. Ainsi, le développement des éoliennes doit être réalisé de manière ordonnée, en évitant le mitage du territoire – vous l’avez souligné, madame le sénateur –, de sorte à prévenir les atteintes aux paysages, au patrimoine et à la qualité de vie des riverains.
Le Gouvernement entend donc améliorer la planification territoriale du développement de l’énergie éolienne et favoriser la construction de parcs éoliens de taille plus importante qu’actuellement dans des zones préalablement identifiées.
Compte tenu de l’accroissement prévisible de la taille des parcs éoliens, il sera également nécessaire d’améliorer le processus de concertation locale et l’encadrement réglementaire.
Ces orientations ont été confirmées par l’Assemblée nationale et le Sénat lors du vote à la quasi-unanimité, en première lecture, du projet de loi de programmation relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement.
Les mesures correspondant à ces orientations seront présentées dans le projet de loi portant engagement national pour l’environnement.
D’ores et déjà, M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, a adressé une circulaire aux préfets de région afin d’entamer cette démarche de planification, en concertation très étroite avec toutes les parties prenantes, selon la méthode définie lors du Grenelle de l’environnement et que vous avez approuvée.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse, qui est rassurante, compte tenu de l’anarchie qui règne dans certains territoires en matière de développement de l’énergie éolienne.
Je ferai, pour ma part, très attention à l’inscription des éoliennes au titre des installations classées pour la protection de l’environnement, point sur lequel vous ne m’avez d’ailleurs pas répondu.
Par ailleurs, le recours à l’énergie solaire photovoltaïque se développe très rapidement et de façon très désordonnée, ce qui doit nous amener, là aussi, à faire preuve de la plus grande vigilance, pour que le travail d’aménagement du territoire et le dialogue avec l’ensemble des parties prenantes que vous avez annoncés se déroulent dans les meilleures conditions possible.
avenir des zones de revitalisation rurale
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, auteur de la question n° 438, adressée à M. le secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire.
M. Jean-Jacques Lozach. Monsieur le secrétaire d’État, ma question porte sur les soutiens attribués aux territoires classés en zone de revitalisation rurale, ou ZRR.
Aux termes de l’article 19 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 a été supprimée l’application du dispositif spécifique d’exonération de charges sociales institué par les articles 15 et 16 de la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux en faveur des associations et organismes d’intérêt général ayant leur siège dans les ZRR. Le bénéfice de ce dispositif a été maintenu pour tous les contrats de travail conclus avant le 1er novembre 2007.
Pour les nouvelles embauches, cette mesure donne lieu à une exonération moins favorable que celle dont bénéficiaient les organismes d’intérêt général en application du dispositif spécifique. Or, ce dernier répondait à l’objectif d’inciter à la création ou au maintien d’emplois et de favoriser le développement des activités associatives, notamment en milieu rural. Son coût n’était pas disproportionné au regard de la situation actuelle de l’économie et de l’emploi.
Cette suppression de l’exonération touche les hôpitaux, les maisons de retraite, les structures d’accueil pour handicapés, les associations d’aide à domicile situés en ZRR. Ces organismes ou établissements devraient, au contraire, me semble-t-il, bénéficier d’un soutien accru.
C’est pourquoi je vous demande si des mesures correctives de compensation ou de soutien peuvent être mises en place, compte tenu des conséquences de plus en plus négatives en matière d’activité et d’emploi de la suppression de la mesure précitée d’exonération.
Dans la même perspective, je souhaite attirer votre attention sur les zones de revitalisation rurale exclues du bénéfice de la prime d’aménagement du territoire, la PAT, et des zonages AFR, aides à finalité régionale, destinées à favoriser le développement économique de zones géographiques réduites.
Ainsi, le département de la Creuse est classé en totalité en ZRR et est traversé par un mince zonage AFR, ce qui aboutit à une concurrence au sein de son territoire. Jusqu’alors intégralement éligible en AFR, il n’était plus couvert, en 2006, que pour 26 % de sa population.
Cette situation suscite l’incompréhension, voire la colère de nombreux maires des communes les plus fragiles confrontées au cumul des handicaps. Ils ont le sentiment d’être poussés sur le bord de la route.
Les ZRR exclues du bénéfice de la prime d’aménagement du territoire et non éligibles aux AFR ne doivent pas devenir des espaces de marginalisation, ni être perçues ainsi.
Face à cette situation, je vous demande si les ZRR, qui sont par définition des territoires prioritaires d’intervention économique, ont encore un sens et demeurent au cœur de la politique d’équilibre et de développement du territoire menée par le Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, si vous avez des doutes sur le fait que les zones de revitalisation rurale, telles que chacun les connaît, ont un sens et demeurent au cœur de la politique menée par le Gouvernement, je vous rappellerai qu’un tiers des communes de France est classé en ZRR, que 5,3 millions de nos concitoyens y vivent et qu’au 31 décembre 2008 le département de la Creuse dans son intégralité était classé en ZRR.
Les mesures fiscales, qui font des ZRR de véritables zones franches pour l’installation d’entreprises – zones franches que le président Jean-Claude Gaudin connaît fort bien, pour les avoir mises en place lorsqu’il était ministre de l’aménagement du territoire, de la ville et de l’intégration – sont très importantes, même si elles restent parfois mal connues.
En matière d’impôts sur les sociétés, elles peuvent aller jusqu’à une exonération totale ou partielle pendant quatorze ans pour une entreprise. C’est aussi grâce aux zones de revitalisation rurale que 8 000 entreprises ont bénéficié, en 2007, d’une exonération de taxe professionnelle, compensée par l’État.
Vous l’avez très bien compris, monsieur le sénateur, l’objectif est bien d’attirer et de maintenir, sur les territoires ruraux et les territoires éligibles, des entreprises créatrices d’emplois – c’est essentiel actuellement –, mais aussi des professions libérales et des professionnels de santé. La loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux a d’ailleurs renforcé le dispositif d’exonérations fiscales.
II faut aller plus loin dans l’information des bénéficiaires et la qualité de l’instruction locale des demandes par les services de l’État. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé aux préfets, dans une circulaire du 27 mai 2008, « d’être particulièrement vigilants sur la publicité et la mise en œuvre effective de ces dispositions ».
Au-delà, j’attends beaucoup de l’évaluation complète que les inspections vont mener cette année, comme le prévoit d’ailleurs – vous le savez fort bien, monsieur le sénateur – la loi du 23 février 2005. Elle permettra de mettre en évidence les points à revoir pour améliorer l’efficacité de cette loi.
Par ailleurs, la possibilité que vous évoquez, pour certains organismes ou institutions dont le siège social est situé en zone de revitalisation rurale, de bénéficier d’exonérations de charges sociales dues par l’employeur a d’ores et déjà été maintenue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008. Cette exonération, valable pour les contrats ayant été conclus avant le 1er novembre 2007, s’applique pour les années 2008 et 2009. II est sage de ne pas revenir sur ce dispositif avant de connaître les résultats de son évaluation globale.
Monsieur le sénateur, vous avez également souhaité m’interroger sur la situation particulière du département de la Creuse au regard du zonage des aides à finalité régionale, pour la période allant de 2007 à 2013.
Comme vous le savez, les autorités françaises ont dû élaborer, en 2005 et 2006, la carte des aides à finalité régionale dans des conditions particulièrement difficiles. La Commission européenne a notamment imposé une réduction, à hauteur de 55 %, de la population éligible sur le territoire français.
Le Gouvernement, conscient des difficultés causées par l’étroitesse de ce périmètre, a décidé de constituer une réserve nationale de zonage des aides à finalité régionale, afin de pouvoir répondre aux sinistres économiques d’ampleur susceptibles de survenir sur les territoires
Ainsi, monsieur le sénateur, pour votre département, dans le cadre du plan d’accompagnement des restructurations de la défense, les autorités françaises ont notifié à la Commission européenne, au début du mois de janvier, l’extension du zonage des aides à finalité régionale sur vingt communes, ce qui représente une augmentation du zonage de 50 %. Cette notification est actuellement en cours d’examen par la Commission européenne.
En conclusion, je voudrais souligner que d’autres dispositifs permettent d’aider les entreprises en dehors des territoires éligibles aux aides à finalité régionale. Il s’agit notamment des aides dites de minimis, qui peuvent être attribuées par l’État et les collectivités locales et dont le montant a récemment été augmenté à 500 000 euros par entreprise pour les années 2008 à 2010.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État.
Toutefois, je constate que, en raison d’un certain nombre d’initiatives et de décisions qui, j’en conviens, ne relèvent pas du tout de votre secrétariat d’État, la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux perd une partie de sa substance et de son intérêt.
Quant au zonage des aides à finalité régionale, qui est effectivement lié aux directives européennes, la spécificité des zones de revitalisation rurale n’avait pas été, en son temps, véritablement prise en compte. Mais je sais qu’une extension est à l’ordre du jour et j’espère qu’une réponse favorable nous parviendra bientôt à ce sujet.
Je voudrais également vous signaler, monsieur le secrétaire d’État, que nous attendons la mise en œuvre des dispositions que vous avez annoncées à la fin de l’année 2008, dont l’appel à candidatures pour une nouvelle série de pôles d’excellence rurale. Il me semble effectivement que ces pôles constituent un des leviers du développement local.
fonds de péréquation pour le haut débit
M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, auteur de la question n° 456, transmise à Mme la secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique.
M. Gérard Bailly. Monsieur le secrétaire d’État chargé de l’aménagement du territoire, je suis très heureux que ce soit vous qui répondiez à mon importante question sur le devenir de nos territoires ruraux.
Je voudrais appeler l’attention du Gouvernement sur les problèmes posés aux collectivités territoriales par la demande, compréhensible et continue, d’augmentation des débits, voire d’accès au très haut débit, et de développement de la mobilité, ce qui nécessitera une mutation technologique des réseaux.
Afin d’éviter une nouvelle fracture numérique et pour maintenir l’équilibre entre les villes et les campagnes, tous les acteurs publics doivent se mobiliser. Sans cela, une grande partie de nos territoires sera mise à l’écart des développements économiques et sociétaux.
Chacun connaît effectivement le rôle des technologies de communication : elles sont sollicitées de toutes parts dans le cadre du développement des territoires et de la satisfaction des besoins sociaux, y compris dans les zones de revitalisation rurale que nous venons d’évoquer. Le Gouvernement en a fait une grande priorité de l’État, qu’il souhaite traiter dans des délais assez courts, ce dont, bien sûr, nous nous réjouissons.
Mais, monsieur le secrétaire d’État, vous savez que les collectivités ont les plus grandes difficultés à résorber leurs zones blanches ou à créer les conditions d’un accès, pour les citoyens, à des services innovants à un prix juste.
Les territoires les moins denses, où les investissements sont les plus coûteux, ont des ressources fiscales faibles, qui ne leur permettent pas d’atteindre des objectifs ambitieux de développement. Les handicaps économiques engendrés par l’absence, sur ces territoires, de réseaux internet à haut et à très haut débit auront pour conséquence, si nous ne faisons pas progresser le dossier, d’aggraver encore les déséquilibres.
Le plan France numérique 2012 a enfin reconnu le haut débit comme une commodité essentielle, au même titre que l’eau ou l’électricité. C’est pourquoi je suggère la création d’un mécanisme de solidarité nationale pour permettre aux initiatives des collectivités le financement de la montée des débits pour tous. Un fonds de péréquation permettrait d’accompagner les collectivités qui se mobilisent déjà et serait utile tant pour le monde rural que pour les citadins sollicitant ces services quand ils viennent à la campagne.
Cette proposition fait partie des réflexions du Conseil économique, social et environnemental, apparaissant dans son rapport du 11 février 2009 sur les conditions pour le développement numérique des territoires.
Nous savons tous qu’en 1936 pour assurer l’électrification des campagnes, la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies, la FNCCR, a aidé à la création d’une caisse de compensation pour apporter « une aide de la distribution urbaine prospère à la distribution rurale ». Cette initiative a abouti à la naissance du Fonds d’amortissement des charges d’électrification, le FACÉ, qui assumait 20 % à 30 % des charges des départements résultant des subventions allouées aux collectivités pour des travaux d’électrification rurale.
Cette expérience, qui a été positive, pourrait être transposée à l’aide au développement numérique des territoires, sachant que, dans la situation actuelle, un tel fonds pourrait aussi participer très positivement au plan de relance de notre économie.
C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d’État, je souhaite vous demander si, d’une part, vous êtes favorable à cette idée et, d’autre part, si tel est le cas, quand on peut espérer sa réalisation, compte tenu de la nécessité d’intervenir très rapidement afin d’anticiper la demande inéluctable d’une montée des débits dans tous les territoires ?
Cette évolution me semble capitale pour assurer le devenir des territoires ruraux et, comme je l’ai indiqué au début de mon intervention, pour éviter une fracture entre le monde urbain et le monde rural.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire. Vous avez raison, monsieur le sénateur : aujourd’hui, le numérique est à la fois un élément de la compétitivité des territoires et un facteur de cohésion sociale.
Le Gouvernement a saisi le Conseil économique, social et environnemental de cette question relative à la montée en débit des réseaux internet. Sous la plume d’André Marcon, le CESE vient de rendre un rapport, que je juge d’ailleurs excellent par son analyse et par ses propositions.
Dans toute sa diversité, ce rapport a plébiscité le bénéfice attendu d’une telle augmentation des débits pour les Français, particuliers ou entreprises, et pour la libération des usages. Il a également estimé nécessaire la mise en place d’un mécanisme de péréquation, c’est-à-dire d’une nouvelle taxe. Pour moi, celle-ci pourra constituer une bonne solution, si elle est mise au service de projets.
Rappelons d’abord, monsieur le sénateur, qu’elle ne sera plus nécessaire pour l’accès de tous à internet, que le Président de la République a souhaité voir mis en place d’ici à 2012.
Il faut effectivement se féliciter du plan France numérique 2012 du Gouvernement, qui permet l’émergence d’offres internet de plus de 512 kilobits pour moins de 35 euros par mois, matériel inclus, pour tous les Français, et ce dans un délai rapide. Certes, ce seuil de débit minimum devra évoluer, comme d’ailleurs le plan le prévoit, mais les offres seront labellisées par ma collègue Mme la secrétaire d’État chargée de la prospective et du développement de l’économie numérique d’ici au début de l’année 2009.
Par conséquent, la question se pose réellement quant à la montée en débit du réseau et l’espoir de voir toute la France équipée en fibre optique. Il faut prendre la mesure de l’effort considérable qui est devant nous. Comme vous le savez, monsieur le sénateur, on estime à 40 milliards ou 50 milliards d’euros les investissements nécessaires pour assurer le raccordement de 90 % des foyers en fibre optique.
Il faut donc être ambitieux, mais il faut aussi être réalistes : nous n’aurons pas tout, tout de suite ! Il est normal que les opérateurs entament leurs déploiements par les zones les plus rentables.
La loi de modernisation de l’économie a récemment fixé le cadre juridique du déploiement des réseaux de fibre optique. Elle instaure un droit à la fibre optique et impose, à partir de 2010, que tous les immeubles neufs en soient prééquipés.
L’investissement privé doit maintenant être libéré. Pour cela, les conditions de mise en œuvre de la mutualisation de la partie terminale des réseaux, notamment à l’intérieur des immeubles, doivent être définies par ma collègue Nathalie Kosciusko-Morizet et par le régulateur.
Au-delà, il faut préparer l’avenir sur l’ensemble du territoire et encourager l’action des collectivités qui s’impliquent. Certaines ont pu se mobiliser autour de projets, d’autres doivent être aidées. C’est pourquoi le Gouvernement mettra en place des instances de concertation au niveau local et accompagnera la réalisation de schémas directeurs du numérique sur leurs territoires.
L’objectif sera d’irriguer 75 % des zones d’activités d’intérêt communautaire de chaque département en très haut débit et de rendre la fibre optique accessible à toutes les communes de plus de 1 000 habitants d’ici à 2014. Une concertation avec les opérateurs et les collectivités est menée en ce sens, par le délégué interministériel à l’aménagement et à la compétitivité des territoires, jusqu’à la fin du mois d’avril.
En résumé, monsieur le sénateur, nous sommes favorables à une péréquation à terme, mais les financements publics ne doivent pas précéder les projets.
M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly.
M. Gérard Bailly. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie d’avoir répondu en détail sur les mesures prévues à l’avenir pour éviter une nouvelle fracture numérique. Plus le fonds de compensation que j’évoquais en prenant comme modèle celui qui avait été créé à l’époque de l’électrification des campagnes sera mis en place rapidement, plus la péréquation pourra jouer efficacement et plus les financements adéquats seront obtenus.
Vous avez cité les communes de plus de mille habitants. Mais, ne l’oublions pas, nombreuses sont les PME et les PMI qui sont implantées dans nos territoires ruraux. Le très haut débit s’avère également primordial pour le monde agricole, où tout est désormais pratiquement géré sur informatique.
Pour avoir été jusqu’à très récemment président du conseil général du Jura, je peux vous dire que j’ai reçu ces dernières années un nombre incalculable de lettres, et ce presque tous les jours, de concitoyens m’interrogeant sur le développement des nouveaux moyens de communication dans le département. Par le passé, c’était l’état des routes qui faisait l’objet d’autant d’interpellations : aujourd’hui, ce sont les nouvelles voies de communications, les voies de la modernité qui doivent faire l’objet de notre sollicitude !
Monsieur le secrétaire d’État, les territoires ruraux, notamment les ZRR, si l’on ne veut pas qu’ils prennent encore du retard, ont besoin, au moins autant que les autres, d’avoir accès au très haut débit. Vous me permettrez donc d’insister une nouvelle fois sur ce dossier capital pour notre monde rural et, par là même, pour l'ensemble de notre pays.
situation de l’enseignement agricole public dans le département de l’aveyron
M. le président. La parole est à M. Alain Fauconnier, auteur de la question n° 433, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche.
M. Alain Fauconnier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme d’autres, et sans doute plus que d’autres, le département de l’Aveyron est, par nature, une terre d’excellence agricole et agroalimentaire, premier département moutonnier de France de surcroît, avec ses produits phares que sont, vous le savez, le roquefort, le veau de l’Aveyron et le laguiole, pour ne citer que les plus connus. Monsieur le secrétaire d’État, puisque vous aurez l’occasion de venir, dans quelques jours, dans notre département, vous aurez probablement l’occasion de vous rendre compte par vous-même de la qualité de ces produits !
Préciser toutes ces caractéristiques, c’est souligner, d’entrée, toute la place qu’occupent, dans le paysage économique de l’Aveyron, les trois établissements d’enseignement agricole public que compte le département : les deux lycées d’enseignement général et technologique agricoles, ou LEGTA, que sont les établissements La-Roque à Rodez et Beauregard à Villefranche-de-Rouergue, ainsi que le lycée d’enseignement professionnel agricole, ou LEPA, La-Cazotte à Saint-Affrique.
Ces établissements ont, depuis quelques années, reçu des aides considérables de la région Midi-Pyrénées afin de préparer l’avenir de la profession agricole. À titre d’exemple, je rappellerai que, pour le seul établissement de Saint-Affrique, la région a investi 25 millions d’euros en quinze ans.
Or la réforme du bac professionnel et la révision générale des politiques publiques menacent aujourd’hui gravement l’avenir de l’enseignement agricole. Par voie de conséquence et de manière mécanique, de nombreuses classes fermeront, compromettant ainsi la survie de ces trois établissements et provoquant un grand émoi non seulement chez les enseignants, les élèves, les parents d’élèves, mais aussi chez tous les acteurs de la filière agricole.
Je rappelle au passage que la transformation du cycle de préparation au bac professionnel, dont la durée sera réduite de quatre à trois années dès la rentrée prochaine, entraînera une dégradation des conditions de vie des élèves, avec une diminution progressive des cours de 2 % en moyenne par an jusqu’en 2012. Elle aura pour regrettable conséquence l’exclusion d’un certain nombre de lycéens, lesquels, dans ces conditions, ne pourront en effet suivre le cursus convenablement. Ils quitteront donc cet enseignement pour intégrer la voie de l’apprentissage ou, pire encore, interrompront là leur scolarité.
À l’établissement La-Roque de Rodez, qui a perdu 39 élèves à la rentrée scolaire 2008-2009, dont 30 sur les filières de niveau IV, c’est la fermeture de la classe préparatoire au BTS agroalimentaire, option « Viande », qui est ainsi prévue. Cette annonce a d’ailleurs tout récemment provoqué une forte mobilisation.
Au lycée Beauregard de Villefranche-de-Rouergue, lequel a perdu 16 élèves à la rentrée 2008-2009, c’est la classe de quatrième qui est menacée par un projet de fermeture.
Des inquiétudes se font également jour à l’établissement La-Cazotte de Saint-Affrique, qui a perdu 10 élèves à la rentrée 2008-2009.
Monsieur le secrétaire d’État, tels sont les trois volets relatifs à la situation actuelle de ces établissements, laquelle ne manque donc pas de nous préoccuper.
Ma question sera donc triple.
Qu’en est-il de la préservation des filières, en particulier celles de l’élevage ovin et de l’agriculture biologique ?
Quels sont les aménagements pédagogiques prévus pour accompagner la réduction de quatre à trois années du cycle de préparation au bac professionnel ?
Plus généralement, dans le contexte de bouleversements des politiques agricoles nationales en prévision de l’après-2013, quelles mesures comptez-vous prendre pour que l’enseignement agricole puisse continuer à jouer le rôle fondamental qui est le sien depuis trente ans ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Hubert Falco, secrétaire d’État chargé de l’aménagement du territoire. Monsieur Fauconnier, vous l’avez rappelé, je me rendrai effectivement jeudi prochain dans votre beau département, et ce avec grand plaisir tant l’authenticité y est une valeur encore largement cultivée. Je serai à vos côtés pour analyser les atouts et les faiblesses de ce monde rural qui nous est cher.
Pour en venir à votre question, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Michel Barnier, qui, retenu à Bruxelles, ne peut malheureusement pas être présent au Sénat ce matin. Il m’a donc demandé de vous apporter les éléments de réponse suivants.
L’enseignement agricole est un enseignement spécifique, implanté au cœur des territoires ruraux, et d’une très grande qualité. Ses résultats en termes de diplômes, d’insertion sociale et professionnelle sont reconnus et souvent cités en exemple de ce qu’il faudrait faire pour que les jeunes réussissent mieux.
Cet enseignement, essentiel pour la conduite des politiques placées sous la responsabilité du ministère de l'agriculture et de la pêche, doit évoluer en réaffirmant sa mission et ses priorités.
Il se doit de contribuer à la compétitivité économique et au développement de notre agriculture. Les formations aux métiers de la production agricole et agroalimentaire sont donc prioritaires.
Il lui faut favoriser l’insertion culturelle, sociale et professionnelle au service des territoires ruraux, au travers, notamment, des classes d’enseignement général.
Il lui incombe de participer au développement du monde rural, sur l’ensemble du territoire national.
Monsieur le sénateur, la rénovation de la voie professionnelle, engagée pour une mise en application à la rentrée prochaine, vise à porter plus de jeunes au niveau du baccalauréat et à promouvoir la voie professionnelle, tout en garantissant une formation de qualité et une insertion performante. Actuellement, seuls 60 % à 65 % des jeunes qui intègrent en première année une classe de brevet d’études professionnelles agricoles, ou BEPA, obtiennent un diplôme de niveau IV en quatre ans.
Cette rénovation vise à faire de la voie professionnelle une filière d’excellence, dans laquelle le plus grand nombre pourra se révéler. Ainsi, l’une des finalités est de faciliter l’accès aux études supérieures, notamment aux BTS, tout en permettant aux jeunes qui rencontrent des difficultés dans l’acquisition des savoirs scolaires de combler leurs lacunes.
Toutefois, la maîtrise des dépenses publiques, rendue plus que jamais nécessaire dans le contexte économique difficile que traverse actuellement notre pays, voire le monde entier, impose à tous les secteurs de l’administration des efforts particuliers, notamment en matière d’emploi public. Comme les autres, l’enseignement agricole doit y contribuer.
Dans ce cadre, et après consultation des partenaires locaux, le directeur régional de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt de Midi-Pyrénées, agissant en tant qu’autorité académique, a formulé les propositions suivantes.
Le lycée professionnel agricole La-Cazotte de Saint-Affrique offre uniquement des formations professionnelles. Il dispose ainsi des trois cycles préparant au baccalauréat professionnel spécialités « Conduite et gestion de l’exploitation agricole » et « Systèmes à dominante élevage », et d’un cycle conduisant au brevet d’études professionnelles agricoles « Activités hippiques », suivi de la filière préparatoire au baccalauréat professionnel spécialité « Élevage et valorisation du cheval ». Il est proposé de maintenir les quatre classes de BEPA à la rentrée prochaine.
Au lycée d’enseignement général et technologique agricole de Villefranche-de-Rouergue, force est de constater que deux classes fonctionnent avec des effectifs inférieurs au seuil requis, dans la filière actuelle préparant au baccalauréat professionnel spécialité « Systèmes à dominante élevage ». À l’entrée de la filière, à la rentrée 2008, le recrutement a chuté de plus de 63 %. La question de sa viabilité est aujourd'hui posée. Cependant, il est proposé, d’un côté, de maintenir la classe à faible effectif à la rentrée 2009, pour répondre à l’attente territoriale, et, de l’autre, de fermer une classe de quatrième.
Quant à la formation conduisant au brevet de technicien supérieur agricole « Industries agroalimentaires » pour la spécialité « Industries des viandes » assurée au LEGTA La-Roque de Rodez, elle est maintenue, malgré un fléchissement dans son recrutement à la rentrée 2008.
Monsieur le sénateur, comme vous pouvez donc le constater, en dépit d’un contexte budgétaire contraint, tout est mis en œuvre pour permettre de maintenir et de conforter, au niveau des territoires, l’enseignement agricole, qui demeure une priorité.
M. le président. La parole est à M. Alain Fauconnier.
M. Alain Fauconnier. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse. Les nouvelles sont bonnes puisque les fermetures de classes prévues sont reportées, voire annulées. J’en prends acte avec grande satisfaction, et de telles annonces ne manqueront pas de réjouir à la fois les familles et l'ensemble de la filière agricole du département.
Cela étant, je continue, avec beaucoup d’autres, de m’interroger sur l’opportunité de réduire à trois années la durée du cycle de préparation au bac professionnel. Avec le système actuel, un certain nombre d’élèves se voient offrir la possibilité de préparer ce baccalauréat avec une année supplémentaire, en « transitant » pendant deux ans par la voie du BEP. Dans l'enseignement agricole, qui n’est pas comparable avec l'éducation nationale, cette formule a rencontré un véritable succès. Certes, les effectifs concernés sont réduits, mais, chacun le sait, au vu de la situation de l’agriculture aujourd'hui, les établissements d’enseignement agricoles n’accueillent pas beaucoup d’élèves.
Il serait vraiment souhaitable, notamment pour l'enseignement agricole, de conserver des classes « passerelles » ou « d’adaptation ». Grâce à ce système, un certain nombre de jeunes, qui rencontreraient inéluctablement des difficultés s’ils devaient intégrer directement une classe de seconde, peuvent en effet obtenir leur baccalauréat professionnel en quatre ans.
Monsieur le secrétaire d'État, je vous demande donc de bien vouloir transmettre à M. Barnier cette demande ô combien importante à mes yeux.
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Bien volontiers !
situation de l’hôpital de juvisy-sur-orge dans l’essonne
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, auteur de la question n° 450, adressée à Mme la ministre de la santé et des sports.
M. Bernard Vera. Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur la situation de l’hôpital de Juvisy-sur-Orge, situé dans mon département de l’Essonne, où il est en effet prévu de fermer les services de chirurgie et de maternité, avec, à la clef, la suppression de 170 emplois de personnels de santé.
Or je veux rappeler le rôle particulier de cet hôpital, dans le périmètre duquel se trouvent deux sites classés « Seveso seuil haut », à Grigny et à Athis-Mons, avec des dépôts d’hydrocarbures qui présentent une concentration de risques majeurs en zone urbaine. Le premier dispose d’une grande capacité de stockage permettant l’approvisionnement des stations services du sud de la région parisienne, tandis que le second assure le stockage et la distribution du carburant dédié aux aéronefs de l’aéroport d’Orly.
J’attire notamment votre attention sur l’importance du rôle social de l’hôpital de Juvisy-sur-Orge et, en particulier, de sa maternité, où accouchent 70 % des femmes de la ville de Grigny.
En 1998, cet établissement comptait 80 lits de chirurgie, des urgences et une maternité. Dix ans après, il ne reste plus qu’un service de chirurgie de 24 lits, des urgences et une maternité ; or ces trois services sont menacés de fermeture.
Ce sont 900 accouchements et 2 000 actes chirurgicaux par an qui seraient donc radiés de l’offre de soins, alors même que les besoins de santé des 200 000 habitants du territoire ne cessent de s’accroître.
L’insolvabilité des patients évoquée dans le rapport de la chambre régionale des comptes pour 2006, qui est de 5,2 % contre 3 % en moyenne sur l’ensemble des établissements de santé, est d’ailleurs révélatrice de la fragilité des populations concernées et de la nécessité de conserver à Juvisy-sur-Orge l’ensemble de ces services.
Madame la ministre, en cas de fermeture, vers quelles structures vont bien pouvoir se tourner les populations ? Les onze hôpitaux publics de l’Essonne sont saturés, le département manque de lits et l’hôpital le plus proche, situé à Longjumeau, connaît lui-même des difficultés, se trouvant contraint de renvoyer ses patients vers l’hôpital d’Orsay.
Nous n’avons pas oublié le cas de cet homme de cinquante-sept ans, décédé faute d’avoir pu trouver une place dans un établissement après des heures d’errance. Victime de troubles respiratoires à Massy, il a été pris en charge dans la nuit du 26 au 27 décembre par une équipe du SAMU de l’Essonne, avant d’être conduit vers l’hôpital de Longjumeau, où il a été victime de plusieurs arrêts cardiaques, « jugulés » par un réanimateur des urgences. Mais, comme cet hôpital ne disposait pas de lit disponible en réanimation, les régulateurs du SAMU de l’Essonne ont parallèlement recherché une place dans tous les hôpitaux de la région pendant plusieurs heures : 24 hôpitaux ont été sollicités avant que l’hôpital Bichat n’apporte une réponse favorable, à cinq heures du matin.
Je crains, hélas, que la politique de santé menée actuellement ne conduise à la multiplication de ces cas dramatiques. C’est pourquoi, madame la ministre, je souhaite, pour ma part, que soit acceptée la demande d’un moratoire, laissant aux différents partenaires – les élus, les autorités, la population et ses représentants – le temps de la concertation, afin que la décision finale prenne en compte les besoins, les réalités sociales locales, et ne repose pas sur la seule logique économique.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Monsieur le sénateur, vous appelez mon attention sur la fermeture des services de chirurgie et de maternité de l’hôpital de Juvisy-sur-Orge et vous demandez un moratoire afin de laisser plus de temps à la concertation.
Comme vous l’avez rappelé dans votre intervention, l’hôpital de Juvisy-sur-Orge dessert une population fragile. À ce titre, il joue un rôle social important. Il convient donc de maintenir et de renforcer son service des urgences, ainsi que l’offre de soins en médecine et en soins de suite.
C’est pour cette raison qu’une restructuration était nécessaire. Celle-ci comprend la fermeture des activités de chirurgie et de maternité et l’augmentation de la capacité d’intervention des activités des urgences de médecine et de soins de suite de l’hôpital.
Vous conviendrez qu’il est plus utile, pour la gestion d’un site SEVESO, de renforcer la capacité d’intervention du service des urgences plutôt que celle de la maternité !
M. Bernard Vera. L’un et l’autre sont utiles !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. La fermeture des services de chirurgie et de maternité obéit à une exigence de qualité et de sécurité des soins, et résulte d’un choix de la communauté médicale. Pour des raisons de sécurité, il n’est pas question de maintenir des services tels que celui de la chirurgie, dont l’activité est extrêmement faible et largement en deçà des seuils reconnus par la profession.
L’hôpital de Juvisy-sur-Orge n’a accueilli, en 2007, que 3,3 % des patients de son territoire de santé hospitalisés plus de plus de quarante-huit heures. Quant à la maternité, qui réalisait moins de 800 accouchements, elle ne peut pas fonctionner dans des conditions de sécurité suffisantes en l’absence de service de chirurgie.
En outre, plus de 80 % des parturientes de Juvisy et des villes situées à proximité recourent aux autres établissements publics proches : l’hôpital de Longjumeau, le centre hospitalier sud francilien et l’hôpital de Villeneuve-Saint-Georges. Ainsi, dans le cas que vous citez, monsieur le sénateur, ce ne sont pas 70 % des parturientes de la ville de Grigny qui se rendent à Juvisy, mais seulement 19 % de ces femmes.
Les activités de chirurgie et de maternité des hôpitaux proches de l’hôpital de Juvisy ont été renforcées afin de permettre l’accueil de l’ensemble des patients de leur territoire de santé. L’opération qui est menée va donc améliorer l’accès aux soins et la qualité des soins pour les habitants de Juvisy, deux exigences auxquelles, vous le savez, je suis fermement attachée pour le bien de nos concitoyens.
Vous avez rappelé, enfin, le cas de cet homme qui est décédé, en décembre dernier, après avoir été pris en charge par le SAMU et hospitalisé.
L’enquête de l’IGAS qui est en cours a établi qu’il avait été parfaitement pris en charge par le service des urgences de l’hôpital de Longjumeau et réanimé à plusieurs reprises, car son état était très grave. Cette enquête a également prouvé que toutes les possibilités d’accueil existaient bien, à ce moment-là, dans la région parisienne mais que, malheureusement, dans cette situation très tendue, cette personne était très difficilement transportable.
Je souhaite la plus grande transparence sur cette affaire. Je le répète, une enquête de l’IGAS, dont les premiers éléments nous sont parvenus, est en cours. Il vaut mieux, monsieur Vera, se référer à cette enquête avant de se prononcer sur ce cas !
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Mais vous ne serez pas étonnée si je vous dis qu’elle ne m’a pas convaincu. Je regrette ainsi que vous n’ayez pas répondu favorablement à notre demande de moratoire.
Vous évoquez une restructuration nécessaire et des problèmes de sécurité qui, j’en ai bien peur, masquent en réalité un manque évident de moyens humains et matériels, une situation dénoncée, depuis des années, à la fois par les professionnels de santé et par les usagers.
J’ai bien compris, madame la ministre, que vous aviez l’intention de confirmer cette décision. Je crains que celle-ci ne nous conduise vers une médecine à deux vitesses, écartant progressivement les usagers les plus fragilisés, socialement et économiquement, de notre système de santé. Ils en sont d’ailleurs bien conscients ; c’est sans doute pourquoi plus de 10 000 habitants de ce territoire ont déjà signé l’appel pour sauver leur hôpital.
Le droit à la santé et l’accès aux soins sont inscrits dans la Constitution. Nous ne pouvons accepter qu’ils soient sacrifiés pour enrichir le secteur privé à but lucratif !
situation du centre hospitalier régional et universitaire de tours
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, auteur de la question n° 451, adressée à Mme la ministre de la santé et des sports.
Mme Marie-France Beaufils. Madame la ministre, j’ai souhaité vous interpeller ce matin sur la situation financière de l’hôpital de Tours, qui semble rejoindre celle de l’hôpital public en France.
Vous connaissez l’attachement de la population française à l’hôpital public. Plus de neuf Français sur dix, soit 93 % d’entre eux, jugent que le personnel y est compétent, mais 89 % estiment que l’hôpital manque de moyens financiers et humains.
Alors que l’hôpital public traverse d’énormes difficultés, une étude publiée par la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, la DREES, précise que les « cliniques privées à but lucratif » ont eu un taux de rentabilité financière de 16 % en 2005. Le résultat net du groupe Générale de Santé, leader du marché français des cliniques à but lucratif, a augmenté de plus 91,2 % entre 2007 et 2008, et 420 millions d’euros ont été versés à ses actionnaires. Un tel résultat pourrait laisser supposer que le secteur privé est efficace financièrement. Or ces résultats recouvrent de nombreux gaspillages.
Le fait de gagner des millions d’euros sur le dos de notre sécurité sociale et des malades, alors même que ceux-ci sont de plus en plus nombreux à ne pouvoir se soigner correctement, ne témoigne pas, me semble-t-il, d’une bonne gestion. Au contraire !
Vous avez introduit, en 2004, la tarification à l’activité, la fameuse T2A, qui devait, d’après ses concepteurs, apporter de l’efficience au système. Puis vous avez décidé, en 2012, d’appliquer le principe de la convergence tarifaire entre le public et le privé. Or les hôpitaux publics soignent tous les patients, quels que soient leurs revenus, leur âge, leur pathologie, et quelle que soit l’heure à laquelle ils se présentent dans leurs services. Les coûts ne sont donc pas comparables.
Le rapport de la Cour des comptes de 2007 sur la sécurité sociale constate que « les dépenses des établissements sous dotation globale sont inférieures de 187 millions d’euros à l’objectif, alors que celles des cliniques privées dépassent l’objectif de 168 millions d’euros ».
Le CHU de Tours rencontre de graves difficultés : l’application de la T2A y est révélatrice de l’aggravation de sa situation financière, qui ne fait que s’amplifier au fil des ans. En 2006, le déficit était de 3 millions d’euros ; il est passé à 5 millions d’euros en 2007, et il atteindrait la somme de 9,5 millions d’euros cette année.
Je vous demande, madame la ministre, pour répondre aux vœux votés par le dernier conseil d’administration du CHU, d’apporter une aide substantielle à notre hôpital, pour qu’il puisse continuer à jouer le rôle qui est le sien, non pas seulement pour Tours et son agglomération, ou pour le seul département d’Indre-et-Loire, mais aussi pour les départements voisins.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Madame la sénatrice, puisque vous avez commencé votre intervention par une remarque d’ordre général sur l’hôpital public, je tiens à vous rappeler un certain nombre de chiffres.
Les dépenses hospitalières de la France sont les plus élevées au monde. Depuis des années, nous consacrons à l’hôpital public des ressources en constante augmentation, car il a besoin de moyens.
Dans les circonstances extrêmement difficiles de la crise économique mondiale, les dépenses hospitalières de l’hôpital public augmenteront cette année de 3,1 %. De plus, nous avons mis en place un plan d’investissement de 10 milliards d’euros, qui doit durer jusqu’à la fin de 2011. Je rappelle également que 54 % des établissements publics français sont en excédent budgétaire et que 7 % des établissements concentrent 90 % des déficits. C’est dans ce cadre qu’il nous faut situer le présent débat !
Vous appelez plus précisément mon attention, madame la sénatrice, sur la situation financière du centre hospitalier universitaire de Tours. Ce centre hospitalier est en effet confronté à un déficit qui s’est aggravé en 2008.
Plusieurs mesures vont contribuer à améliorer la situation financière de cet établissement important pour l’offre de soins dans la région Centre.
Au niveau national, et contrairement à ce que vous avez dit, la réforme du financement des établissements de santé a un impact favorable sur le CHU de Tours. Cet établissement reçoit en effet, du fait de la mise en place de la T2A, une dotation bien plus importante que s’il était resté soumis au régime de la dotation globale. Grâce à la tarification à l’activité, il est donc gagnant !
Je signale, en outre, que les modulations que j’ai apportées au calcul de la T2A, modulations liées à la gravité de l’état des patients et à leur situation de précarité, et qui sont entrées en vigueur le 1er mars 2009, lors de l’actuelle campagne tarifaire, sont très favorables au CHU de Tours. Il en est de même de la réforme du financement des missions d’enseignement, de recherche, de recours et d’innovation, les MERRI : compte tenu de ses performances, les moyens alloués à ce titre au CHU de Tours sont renforcés.
Les difficultés de l’établissement ne sont donc aucunement dues au modèle de financement par la tarification à l’activité, bien au contraire.
L’établissement est actuellement dans un processus de reconstruction de ses bâtiments, qui s’achèvera en 2011, et bénéficie de crédits importants à ce titre. Cette politique ambitieuse et nécessaire a pour effet un accroissement très sensible de ses charges d’amortissement et de ses frais.
Compte tenu de cette évolution, un plan de retour à l’équilibre a été voté par le conseil d’administration et a fait l’objet d’engagements contractuels avec l’agence régionale de l’hospitalisation. Dans ce cadre, le CHU s’est engagé dans un processus de réorganisation de ses services, en particulier des blocs opératoires, de la réanimation médicale et de la chirurgie orthopédique. Il en est de même pour les activités de pédiatrie.
Le centre hospitalier régional universitaire doit être en mesure de développer son activité, notamment en cancérologie, compte tenu de l’extension des capacités d’accueil du service d’oncologie médicale.
L’ensemble de ces mesures va contribuer à améliorer la qualité des prises en charge dans le cadre d’une organisation plus efficiente.
Ces efforts font l’objet d’un accompagnement financier. Au-delà des aides accordées pour le financement des investissements, une aide reconductible de 2 millions d’euros destinée au financement des charges d’amortissements a été accordée en 2008. L’établissement a également bénéficié d’aides exceptionnelles : 5 millions d’euros lui ont été attribués sur les trois exercices 2005-2007 et 5 millions d’euros, à nouveau, sur le seul exercice 2008.
Vous l’aurez constaté, le CHU de Tours est entré dans un processus de redressement et de rationalisation qui doit lui permettre de consolider sa situation.
Vous pouvez être rassurée, madame la sénatrice, le Gouvernement, et tout particulièrement la ministre de la santé que je suis, porte une grande attention à cet établissement et l’accompagne dans ses efforts.
Mme Marie-France Beaufils. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, que j’ai écoutée attentivement. Toutefois, je ne partage pas votre point de vue, en particulier sur la répartition actuelle des coûts financiers de santé entre l’hôpital public et le secteur privé.
Je crois qu’on n’intègre pas suffisamment le fait que l’hôpital public se trouve dans l’obligation de prendre en charge des traitements lourds et financièrement très coûteux. Dans le même temps, reviennent au secteur privé les actes les plus lucratifs, ceux dont les traitements, beaucoup plus courts, ont des coûts financiers nettement plus légers que ceux que supporte la plupart du temps l’hôpital public.
Outre que le CHU doit, comme vous l’avez dit, financer son plan de restructuration – la reconstruction de l’ensemble des bâtiments est, en effet, lourde pour son budget – il doit aussi supporter ces activités dont la charge financière est beaucoup plus importante.
Malgré sa situation de pointe dans un certain nombre de domaines, dont celui de la cancérologie que vous avez évoqué, il n’arrive malheureusement pas, aujourd’hui encore, à répondre à l’ensemble des besoins de la population.
Je citerai, à titre d’exemple, la situation douloureuse vécue dernièrement par une famille dont l’enfant atteint de leucémie a dû être transféré vers un centre hospitalier situé dans une autre région, faute d’avoir à Tours les moyens en personnel pour faire face aux besoins.
Cet aspect financier pèse lourd. Si le conseil d’administration de l’hôpital a dernièrement émis un vœu que des moyens financiers supplémentaires soient accordés, ce n’est pas pour le plaisir ! Simplement, il se trouve aujourd’hui acculé à des difficultés auxquelles, je le reconnais bien volontiers, vous avez porté remède l’an dernier en accordant des moyens supplémentaires. Mais aujourd’hui, malgré les efforts de redressement qu’il a engagés, l’hôpital n’est pas en mesure de rétablir la situation.
financement du plan d'urgence pour l'agriculture
M. le président. La parole est à M. Michel Doublet, auteur de la question n° 454, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Michel Doublet. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le plan d’urgence lancé fin 2008, après la conférence sur la situation économique de l’agriculture du 12 novembre 2008, comporte, notamment, des mesures d’allégement des charges financières, sociales et fiscales pesant sur la trésorerie des exploitations agricoles.
Une enveloppe de 60 millions d’euros de crédits du fonds d’allégement des charges, FAC, a été mobilisée sur le plan national pour aider principalement les exploitations spécialisées en élevage à passer le cap difficile de l’année 2009. La répartition de cette enveloppe par département a conduit à attribuer 343 846 euros à celui que je représente, la Charente-Maritime.
Conformément à vos instructions, la mise en place de ce plan d’urgence a fait l’objet d’une large communication auprès des éleveurs de bovins, d’ovins et de caprins de la Charente-Maritime, par l’intermédiaire des organisations professionnelles agricoles, des banques et des centres de gestion, ce qui a engendré un nombre significatif de demandes d’allégement des charges de leur part.
La direction départementale de l’agriculture, DDA, de la Charente-Maritime a assuré le rôle de guichet unique de cette mesure. À ce jour, plus de 410 demandes ont été reçues et instruites en Charente-Maritime, dont 360 environ seraient éligibles au fonds d’allégement des charges, selon les critères d’accès définis en concertation avec les représentants professionnels agricoles du département
Le montant de crédits du FAC qui serait nécessaire pour satisfaire en totalité l’ensemble des demandes éligibles s’élève à plus de 1 680 000 euros, soit presque cinq fois le montant de l’enveloppe disponible.
Or l’enveloppe départementale de 343 846 euros ne permettra de financer qu’une cinquantaine de dossiers prioritaires, ceux de jeunes agriculteurs installés depuis moins de cinq ans.
Aussi, madame le ministre, si un complément de crédits, même partiel, pouvait être obtenu, cela permettrait de financer un plus grand nombre de dossiers, tout en évitant le « saupoudrage », selon des critères de priorité à définir au sein du comité départemental de mise en œuvre de ce plan d’urgence, en classant, par exemple, les dossiers par ordre décroissant de ratio d’endettement.
Je sais, madame le ministre, que, par lettre circulaire en date du 12 décembre 2008 adressée aux préfets, M. le ministre de l’agriculture a indiqué que ces enveloppes départementales ne feraient pas l’objet de modifications et qu’il n’était pas prévu d’en réallouer de nouvelles.
Toutefois, au vu du nombre des dossiers en souffrance et de l’attente des éleveurs, dont les situations sont, pour certaines, extrêmement délicates, nous souhaiterions que vous nous apportiez l’assurance que les dossiers les plus difficiles pourront être traités et que les moyens financiers le permettront.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Monsieur le sénateur, Michel Barnier, actuellement à Bruxelles, ne peut malheureusement pas être présent ce matin au Sénat et vous prie de l’en excuser. Il m’a demandé de vous apporter les éléments de réponse suivants, ce qui me donne le plaisir de m’adresser à vous.
Vous avez attiré l’attention du ministre de l’agriculture et de la pêche sur l’insuffisance de l’enveloppe allouée à votre département pour faire face aux difficultés des agriculteurs.
Permettez-moi de vous rappeler l’ampleur des moyens que le Gouvernement a mobilisés dès le 12 novembre 2008 dans le cadre d’un plan d’urgence avec la Mutualité sociale agricole et les banques : ils s’élèvent à 250 millions d’euros.
Plus de la moitié de ces moyens a été consacrée à l’allégement des charges. Je citerai, en premier lieu, les charges liées au coût de l’énergie, avec la reconduction du remboursement partiel de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, TIPP, et de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel, TICGN, pour le second semestre. Tous les agriculteurs y ont accès.
Je citerai, en second lieu, les charges sociales et financières. À ce titre, une enveloppe de 90 millions d’euros a été répartie entre les départements, avec une priorité pour les départements d’élevage, pour tenir compte de la forte dégradation du revenu des éleveurs constatée depuis deux ans.
Il revenait au comité départemental que le ministre de l’agriculture et de la pêche a demandé aux préfets d’installer de définir les critères d’accès à ce plan qui devait être ciblé sur les exploitations les plus en difficulté.
Vous demandez une enveloppe complémentaire pour faire face aux demandes. À ce titre, il convient de rappeler que les enveloppes d’allégement des charges sociales et financières sont fongibles à l’intérieur du département. En outre, la réponse aux difficultés de trésorerie d’une exploitation peut passer par l’allégement de charges financières ou par la prise en compte partielle ou totale des cotisations sociales. Je rappellerai, enfin, qu’une enveloppe spécifique de 50 millions d’euros a été dégagée en faveur des éleveurs ovins.
Il apparaît que votre département n’a pas consommé en 2008 la totalité des crédits d’action sanitaire et sociale. Le reliquat s’élèverait à près de 35 000 euros. De même, les crédits de prise en compte des cotisations sociales du plan d’urgence ne seraient pas non plus consommés en totalité : une enveloppe de plus de 15 000 euros est disponible.
Pour l’allégement des charges financières dans le cadre du fonds d’allégement des charges, aucune demande d’enveloppe supplémentaire n’est parvenue au ministère de l’agriculture. Après vérification, il ressort qu’un nombre important de demandes d’éleveurs seraient éligibles pour le comité départemental, comme c’est le cas dans d’autres départements.
Conscient de la difficile situation à laquelle peuvent être confrontés un certain nombre d’agriculteurs, le ministre de l’agriculture et de la pêche est prêt à revoir la situation de votre département, sous réserve de hiérarchiser préalablement les dossiers les plus prioritaires et d’examiner dans les dossiers non financés les possibilités de répondre aux difficultés des exploitations par une prise en compte des cotisations sociales ou par la mobilisation des aides directes pour le secteur ovin, qui bénéficiera en 2010 de la réorientation des aides de la PAC.
M. le président. La parole est à M. Michel Doublet.
M. Michel Doublet. Madame la ministre, je constate, au vu des précisions que vous avez bien voulu m’apporter, et dont je vous remercie, qu’une ouverture est envisageable et que nous pourrions obtenir une rallonge financière. Je vais prendre contact directement avec les organisations professionnelles et la DDA pour mettre très rapidement au point des propositions.
intentions du gouvernement concernant la prison de versailles
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, auteur de la question n° 427, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Catherine Tasca. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai visité le 8 décembre dernier la maison d’arrêt de Versailles. Cet établissement accueille, pour moitié, des femmes détenues et, pour l’autre moitié, des hommes qui bénéficient d’un aménagement de peine au titre de la semi-liberté.
Je m’y étais déjà rendue il y a plusieurs années. Cette fois-ci, j’ai visité un établissement dans un très grand état de délabrement, totalement dénué des ressources nécessaires pour effectuer les travaux les plus élémentaires de rénovation et d’entretien.
La maison d’arrêt de Versailles est un bâtiment très ancien, dont la construction remonte à 1750, et les derniers travaux substantiels de mise en conformité et d’amélioration ont été effectués en 1985.
Lors de cette visite, j’ai vu un établissement dont le fonctionnement quotidien n’est rendu possible que par la conscience professionnelle des femmes et des hommes de l’administration pénitentiaire. Ils sont confrontés à un manque flagrant d’effectifs ; même l’encadrement supérieur y est très réduit. Cette situation n’est pas sans conséquence sur la sécurité des détenus et du personnel pénitentiaire, sur l’accomplissement efficace des parcours d’exécution des peines et sur la prise en charge sociale.
Beaucoup de détenus requièrent un suivi médical ou psychothérapeutique que l’état des locaux rend de plus en plus difficile malgré, là encore, l’engagement remarquable des praticiens.
Pouvez-vous me dire, madame la ministre, quelles sont les intentions réelles du Gouvernement concernant la maison d’arrêt de Versailles ?
Avez-vous fait le choix de l’abandon de cet établissement ? Si oui, il n’est pas admissible d’y laisser des détenus dans ces conditions ! Ou bien projetez-vous de le rénover ? Il y aurait alors vraiment extrême urgence !
La maison d’arrêt de Versailles a l’avantage d’être une petite structure avec une capacité d’accueil de 146 places. C’est le type d’établissement qu’il faut, chaque fois qu’il est possible, préférer aux usines pénitentiaires de 500 à 600 places. Les établissements de petite capacité sont, sans aucun doute, les plus à même de répondre à la mission première de la détention, qui est la réinsertion.
Le contrôleur général des prisons, M. Jean-Marie Delarue, détaillait dans un récent rapport la situation des prisons françaises : parcours d’exécution des peines sans contenu, cours de promenade livrées à la violence des détenus, défaut d’encadrement dans la détention. Son constat rejoignait ainsi celui du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe.
Ces rapports alarmants successifs prescrivent des évolutions urgentes et de grande échelle pour nos prisons. Il faut absolument en tirer les enseignements et les traduire en actes.
Les suicides de détenus, qui sont la manifestation la plus douloureuse et la plus violente de l’état de nos prisons, vous imposent d’agir.
Au-delà du seul cas de la maison d’arrêt de Versailles pour laquelle j’attends, vous l’aurez compris, des réponses précises, c’est la politique pénitentiaire du Gouvernement qui est en cause. Quelles mesures concrètes comptez-vous prendre, à Versailles et ailleurs, pour que nos prisons cessent d’être des lieux de privation de dignité ?
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame le sénateur, vous avez bien voulu appeler mon attention sur la situation de la maison d’arrêt de Versailles. Vous évoquez l’état de cet établissement et l’insuffisance de moyens dévolus à l’administration pénitentiaire pour effectuer les travaux de rénovation et d’entretien. Vous souhaitez également connaître les intentions réelles du Gouvernement concernant l’avenir de cet établissement.
La maison d’arrêt de Versailles, construite en 1750, est située en centre-ville. En 1981, des travaux de rénovation furent entrepris pour aménager une maison d’arrêt de femmes d’une capacité de 87 places et un centre de semi-liberté de 79 places.
L’établissement fait régulièrement l’objet de travaux d’entretien et de maintenance au titre des crédits de fonctionnement déconcentrés. Ainsi, depuis 1996, ont été effectués des travaux d’aménagement des locaux médicaux de l’unité de consultations et de soins ambulatoires – à hauteur de 36 000 euros –, de mise aux normes des cellules disciplinaires – pour un montant de 37 000 euros– et de cloisonnement des sanitaires – pour une somme de 23 100 euros.
Je vous informe que le Gouvernement entend poursuivre cette démarche de rénovation et d’entretien des établissements les plus vétustes, démarche qui a d’ailleurs été accélérée par le biais du plan de relance.
À ce titre, le projet de loi de finances rectificative pour 2009 prévoit une enveloppe de 30 millions d’euros destinée à la réalisation de travaux, dans l’objectif d’améliorer les conditions de travail des personnels mais aussi les conditions de détention.
Une partie de ces crédits permettra d’effectuer un certain nombre de travaux sur le site de la maison d’arrêt de Versailles, notamment un diagnostic technique du bâtiment, pour un montant de 25 000 euros, un câblage informatique de la salle d’entretien de l’ANPE, pour un montant de 2 000 euros, et des travaux d’installations relatives à la sécurité incendie, pour un montant de 18 000 euros.
Ces travaux permettront d’améliorer les conditions de vie des détenus et de travail des personnels pénitentiaires de la maison d’arrêt de Versailles.
Il est vrai toutefois que ces travaux d’entretien ne permettront pas de modifier la structure de cet établissement.
Or je sais que les locaux communs aux détenues dans la maison d’arrêt pour femmes sont de petites tailles, que les ateliers ne permettent pas de développer des activités de formation et que les parloirs sont peu adaptés, aussi bien en termes d’accueil des familles que de déroulement des visites ou des contrôles à pratiquer.
Nous retrouvons d’ailleurs là le débat que nous avons eu lors de l’examen du projet de loi pénitentiaire sur les établissements les plus vétustes, où nous devons rattraper le retard pris en matière de travaux de rénovation faute d’avoir investi dans la rénovation pendant de nombreuses années.
Cet établissement est par ailleurs organisé en dortoirs. Une solution sera apportée à cette situation effectivement peu satisfaisante lorsque la construction d’un nouvel établissement permettra la fermeture de la maison d’arrêt de Versailles, puisque nous avons pour objectif de fermer tous les établissements qui comportent des dortoirs.
Le projet de construction est à l’étude. Cependant, cet établissement n’étant pas le seul concerné, nous sommes en train de procéder à des arbitrages pour déterminer les priorités. La décision sera prise au plus tard à la fin du deuxième semestre de 2009.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca.
Mme Catherine Tasca. Madame le garde des sceaux, il y a dans votre réponse des éléments qui peuvent nous donner quelques espoirs puisque vous évoquez le dégagement dans le collectif budgétaire d’une enveloppe pour des travaux allant au-delà de l’entretien dans plusieurs établissements particulièrement vétustes.
Je dois vous dire tout de même que vos services ne vous informent pas exactement sur ce qui a été fait dans les années passées, car je connais bien l’établissement de Versailles et j’ai constaté moi-même que l’entretien minimum n’y a pas été assuré. C’est au point que certaines parties du bâtiment en viennent à être dangereuses ; je pense notamment aux blocs de la façade qui menacent de s’abattre dans la cour.
Pour ce qui est du passé, j’ai donc le regret, madame le garde des sceaux, de devoir insister sur le fait que le travail n’a pas été fait.
Cela dit, je souhaiterais attirer votre attention sur deux aspects de la situation à laquelle est confrontée – mais elle n’est pas la seule – la maison d’arrêt de Versailles.
Le premier a trait aux locaux. Je dois vous dire que le local dédié à l’accueil des familles et qui devrait notamment permettre, s’agissant d’une prison de femmes, le maintien du lien mère-enfant est absolument indigne, vous le constaterez si vous avez l’occasion de le visiter. Cela sert le cœur de voir ces tout jeunes enfants dans un espace d’à peine plus de six ou huit mètres carrés dont l’état est lamentable et le mobilier tout aussi lamentable et où les conditions nécessaires à un bon contact entre ces enfants et leur mère ne sont absolument pas assurées !
L’entretien des locaux a été notoirement insuffisant et j’espère, madame le garde des sceaux, que les crédits que vous annoncez permettront de remédier à cette situation.
Je veux insister ensuite sur le problème des personnels.
Depuis des années, la prison de Versailles souffre d’une insuffisance de l’encadrement et du sous-effectif. Il y a constamment des postes non pourvus et il faut actuellement recourir à deux membres du personnel de l’établissement de Bois-d’Arcy pour compenser un peu le manque d’effectifs !
Autre défaut dans la gestion des personnels : l’importance de ce que l’on appelle le turn-over ; les changements constants et très rapides des personnels rendent quasi impossible la politique de suivi des détenus. C’est un aspect du problème que je vous demande d’examiner aussi. Il faut donc compléter les effectifs, mais également essayer de les stabiliser.
À ce sujet, madame le garde des sceaux, je vous ai d’ailleurs adressé tout récemment un courrier dans lequel je me suis fait le relai d’une demande des détenus concernant le maintien d’une surveillante qui, semble-t-il, a su faire progresser de façon sensible la qualité des relations entre détenus et personnels pénitentiaires.
J’insiste sur ces deux dimensions, car, si vous aviez l’occasion d’y aller, la prison de Versailles ne vous rendrait pas fière de l’état de nos prisons !
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Madame Tasca, croyez bien – vous le savez d’ailleurs – que j’accorde une priorité particulière aux travaux dans les établissements pénitentiaires.
S’agissant des sommes que j’ai citées, je peux vous assurer qu’elles ont été engagées et que les travaux correspondants ont été faits. Je peux parfois ne pas être informée sur l’utilisation des crédits mais, avant de vous répondre, j’ai vérifié si les travaux avaient été réalisés : ils l’ont été et les crédits que je vous ai indiqués leur ont été destinés.
La difficulté, vous le savez, tient à ce que dans les établissements vétustes les crédits étaient souvent utilisés – et la maison d’arrêt de Versailles n’est pas seule dans ce cas – à des travaux de simple mise aux normes, parce que, pendant très longtemps, on ne s’est pas attaqué à la vraie rénovation, à la vraie réhabilitation, voire à la construction de nouveaux établissements pénitentiaires. Le dernier programme d’ampleur date de 1987. Ensuite, les programmes ont été parcellaires.
J’ajoute, sans aucune intention polémique, que, entre 1997 et 2002, 4 % des places ont été fermées et qu’il n’y a eu aucune construction.
Je vous rejoins, madame Tasca, sur la nécessité de fermer les places insalubres où les conditions sont, en effet, épouvantables, mais, pour autant, faut-il s’abstenir de construire des places de prison ?
Pour ma part, je n’en fais pas un débat idéologique. Il est important que les prisonniers soient détenus dans des conditions dignes et, à cette fin, que nous construisions aussi des établissements pénitentiaires, ce que, malheureusement, nous n’avons pas fait pendant trop longtemps. Alors, nous sommes obligés de rattraper le retard.
S’agissant des personnels, vous connaissez les règles de la fonction publique, on ne peut les empêcher de demander des mutations et on ne peut pas davantage instaurer des traitements privilégiés pour une certaine catégorie d’entre eux.
Enfin, vous m’avez en effet saisie d’un courrier ; je vous ai répondu – ma réponse doit être partie ou, en tout cas, partira dès aujourd'hui – que la personne que vous évoquiez pouvait tout à fait demander à être maintenue à la maison d’arrêt de Versailles : la commission administrative paritaire étudiera sa demande de maintien dans l’établissement, si elle le souhaite.
inégalité de traitement entre les fonctionnaires du cadre B des impôts promus dans le cadre A avant le 1er janvier 2007
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, auteur de la question n° 447, adressée à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Mme Odette Terrade. Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite vous interroger sur l’inégalité de reclassement entre les fonctionnaires du cadre B de la fonction publique promus dans le cadre A avant le 1er janvier 2007 par rapport à leurs collègues promus postérieurement à cette date.
Cette inégalité résulte de l’application du décret n° 2006-1827, dit « décret Jacob », dont les effets pervers vous ont déjà été signalés à de nombreuses reprises depuis plus de deux ans.
Ainsi, une trentaine de mes collègues parlementaires, députés ou sénateurs, considérant l’injustice de la situation subie par les agents promus avant ce décret, vous ont déjà interrogé.
À ce jour, toutes les démarches et interventions se sont vu opposer un refus fondé en droit sur le principe de la « non-rétroactivité des textes et des actes juridiques ».
Les agents concernés n’ignorent évidemment pas ce principe fondamental de notre droit. Aussi ne revendiquent-ils pas l’application rétroactive du décret Jacob avec effet pécuniaire à la date de leur nomination. Par conséquent, la réponse fondée sur le principe de la non-rétroactivité est une réponse à une question qu’ils ne posent pas.
En revanche, monsieur le secrétaire d'État, ce que ces agents vous demandent, c’est l’adoption de nouvelles mesures statutaires pour corriger les effets du décret Jacob, ainsi que le recommande d’ailleurs le Médiateur de la République, M. Jean-Paul Delevoye.
Dans le numéro 44 de la Revue du Médiateur, paru en février dernier, M. Delevoye écrit en effet : « En l’absence de mesures transitoires entre les deux dispositifs de reclassement, il s’ensuit des franchissements d’ancienneté préjudiciables aux agents promus avant le 1er janvier 2007 en matière non seulement de rémunération mais aussi d’avancement, de mutation et de droits à pension. Selon l’échelon de reclassement, la rémunération mensuelle d’anciens promus peut être ainsi inférieure de plusieurs centaines d’euros à celle de leurs nouveaux collègues.
« De plus, les nouveaux promus […] bénéficieront […] d’un indice de liquidation de leur pension vieillesse supérieur […].
« Enfin, de nombreux effets pervers se sont également manifestés en matière de mutations, du fait que les inspecteurs nouvellement promus et mieux reclassés primeront ceux des promotions antérieures.
« La situation créée pour les personnels promus de la catégorie B à la catégorie A avant le 1er janvier 2007, par le décret n° 2006-1827, n’est donc pas équitable et doit pouvoir être corrigée par la mise en œuvre de mesures transitoires. »
Le Médiateur de la République fait ensuite des propositions.
Les mesures transitoires « devront permettre le reclassement à l’échelon résultant de l’application des dispositions du décret n° 2006-1827 des fonctionnaires issus d’un corps ou d’un cadre d’emploi de catégorie B et nommés dans un corps de catégorie A au titre de la promotion interne, à la date de leur nomination.
« Ce reclassement pourrait alors être assorti d’un effet pécuniaire sans rappel antérieur à compter de la date d’entrée en vigueur de ce décret, soit le 1er janvier 2007. »
Monsieur le secrétaire d'État, on ne saurait être plus clair, et c’est justement ce que les agents attendent !
Ainsi donc, la seule autorité indépendante, dont la compétence ne saurait être contestée, reconnaît pleinement le bien fondé de la demande de ces personnels.
Vous avez vous-même, dans vos dernières réponses aux questions écrites de mes collègues parlementaires, admis la réalité du « désavantage » induit par l’application du décret pour les agents promus antérieurement au 1er janvier 2007.
C’est pourquoi, je vous demande, monsieur le secrétaire d'État, quelles mesures vous comptez prendre pour mettre en œuvre le plus rapidement possible les recommandations du Médiateur de la République et pour rétablir enfin l’équité entre ces agents soumis aux mêmes critères de sélection et exerçant les mêmes fonctions.
Comme moi, monsieur le secrétaire d'État, la délégation des agents des impôts concernés par cette question, qui est présente dans les tribunes de notre hémicycle ce matin, attend avec impatience votre réponse.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais, tout d’abord, excuser Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, qui ne pouvait être présent ce matin.
Le décret du 23 décembre 2006 que vous évoquez, madame le sénateur, a mis en place un dispositif plus favorable pour les agents promus sur liste d’aptitude au grade d’inspecteur, avec un gain indiciaire d’une cinquantaine de points en moyenne, contre environ vingt-cinq points majorés avec le précédent système. J’assume cette volonté réelle de valoriser les agents les plus méritants.
En ce qui concerne une prétendue rupture d’égalité, je me permets de vous rappeler que le Conseil d’État a déjà jugé, dans une décision du 10 décembre 2004, que le fait de ne prévoir l’application d’une mesure qu’aux agents recrutés à compter de son entrée en vigueur ne constituait pas une discrimination contraire au principe d’égalité des fonctionnaires d’un même corps.
Vous dites que les agents promus avant le 1erjanvier 2007 seraient désavantagés.
En ce qui concerne les mutations, l’administration des impôts a mis en œuvre, en concertation avec les représentants du personnel, des dispositifs aménageant les effets novateurs du décret en faveur des fonctionnaires promus dont le classement était intervenu avant le 1er janvier 2007.
Concrètement, un suivi a été mis en place pour s’assurer qu’un agent issu d’une promotion antérieure ne serait pas devancé par un agent promu après le 1er janvier 2007. En 2008, quatre agents ont pu bénéficier de ce dispositif.
S’agissant de l’avancement, le statut prévoit un nombre d’années de services effectifs en catégorie A pour accéder au grade supérieur, ce qui neutralise les effets du décret en termes de reprise d’ancienneté.
Un autre aménagement a été réalisé pour permettre aux agents issus de listes d’aptitude, d’examens professionnels ou de concours internes antérieurs au 1er janvier 2007 de se porter candidat même s’ils n’ont pas atteint l’échelon requis. En 2008, cinquante-quatre agents ont bénéficié de cet aménagement.
Ainsi, madame le sénateur, permettez-moi de ne pas partager votre avis lorsque vous parlez d’inégalité de traitement entre les fonctionnaires des impôts. Dans le cas présent, non seulement il y a valorisation des mérites individuels, mais encore nous traitons avec équité les agents promus avant le 1er janvier 2007.
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le secrétaire d'État, je prends acte de votre réponse, même si elle n’est pas de nature à satisfaire les agents concernés.
Vous avez à juste titre rappelé que des mesures avaient été prises. Mais ne serait-il pas préférable de reconsidérer la situation dans son ensemble ?
Il ne s’agit pas de revenir sur le principe de non-rétroactivité. Vous le savez, le règlement de cette question est aussi budgétaire. Le retard pris dans le traitement de ce dossier, voire le refus de le prendre en compte de manière globale, n’est pas sans lien avec la révision générale des politiques publiques et les enjeux budgétaires des ministères.
Cependant, au regard du nombre de fonctionnaires concernés – environ 500 –, le coût que représenteraient des mesures visant à rétablir une égalité de traitement et de grade serait bien moins important que celui qui est engendré pour le reclassement d’autres cadres, pour lesquels les moyens nécessaires ont pu être dégagés.
J’ai personnellement saisi le Médiateur de la République sur ce sujet. S’il m’a apporté la même réponse que vous, monsieur le secrétaire d'État, s’appuyant lui aussi sur la jurisprudence du Conseil d’État constante du fait de la non-rétroactivité des textes, il a rappelé que le Conseil d’État considérait que « l’exercice du pouvoir réglementaire impliqu[ait] pour son détenteur la possibilité de modifier à tout moment les normes qu’il définit » et qu’« il incomb[ait] à l’autorité investie du pouvoir réglementaire [...] d’édicter [...] les mesures transitoires ».
Ainsi, le Conseil d’État et le Médiateur de la République reconnaissent la nécessité de remédier à cette situation. Il ne s’agit ici, selon moi, que de volonté politique.
Accéder à la demande des fonctionnaires subissant une inégalité de traitement ne créerait pas un précédent et ne représenterait pas un coût financier excessif. Dans le secteur privé, cette question aurait certainement déjà été réglée en vertu du principe « à travail égal, salaire égal ».
Monsieur le secrétaire d'État, en refusant de résoudre ce problème rapidement, vous continuez à alimenter le ressentiment des agents concernés. Il serait de meilleure administration de dégager les moyens permettant de régler cette situation, plutôt que d’alimenter un motif de conflit latent.
Je regrette que vous ne preniez pas en compte les propositions et recommandations du Médiateur de la République qui visaient à réparer cette injustice. Il importe de reconsidérer cette question et de ne pas retarder une fois de plus le règlement de ce dossier, qui traîne depuis deux ans.
fonctionnement d'une agence postale communale
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, auteur de la question n° 448, adressée à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
M. Claude Domeizel. Monsieur le secrétaire d'État, j’attire votre attention sur la situation de certaines communes qui, de plus en plus souvent confrontées au désengagement de La Poste et à la menace de fermeture de leur bureau de poste, acceptent de signer une convention avec cet établissement public pour mettre en place et prendre en charge une agence postale communale.
Certaines communes confient cette nouvelle mission à un personnel recruté spécifiquement à cet effet. D’autres, dans la mesure où les fonctions confiées peuvent correspondre aux missions de leur grade et cadre d’emploi, font appel au personnel titulaire en fonction, dans le cadre de leur temps de travail.
Je m’interroge sur l’attitude à tenir en cas de refus du personnel communal d’exercer ces fonctions. C'est la raison pour laquelle, monsieur le secrétaire d'État, je vous demande de me préciser la nature de l’agence postale.
Faut-il la considérer comme un service public communal créé par le conseil municipal, dans le cadre duquel le personnel en place est tenu d’assurer les missions qui lui sont confiées ? Dans ce cas, un avis préalable du comité technique paritaire sur les nouvelles compétences prises en charge par la commune est-il nécessaire ? Je pense que oui.
S’agit-il au contraire d’un service public dépassant la compétence communale ? Dans ce cas, les missions ne peuvent être confiées qu’à du personnel communal titulaire en place, sur la base du volontariat, ou à du personnel recruté à cet effet.
Monsieur le secrétaire d'État, sur cette question, les éléments de réponse que vous apporterez seront très utiles.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Monsieur le sénateur, votre question est très importante et concerne un grand nombre de communes. C'est la raison pour laquelle j’y répondrai de manière circonstanciée.
Aux termes de la loi du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste et des télécommunications, La Poste a reçu une mission de contribution à l’aménagement du territoire. La loi prévoit que «La Poste contribue, au moyen de son réseau de points de contact, à l’aménagement et au développement du territoire national, en complément de ses obligations de service universel ».
La Poste dispose ainsi de près de 17 000 points de contacts avec le public. Les agences postales communales concourent à l’exercice de cette mission d’aménagement du territoire, leur création faisant l’objet de conventions entre La Poste et les communes, à partir d’un protocole d’accord signé entre cet établissement public et l’Association des maires de France, le 28 avril 2005. Cet accord permet notamment d’offrir aux communes ou communautés de communes qui souhaitent s’engager dans un partenariat avec La Poste un cadre précis et pérenne ainsi qu’un financement assuré sur une période pouvant aller jusqu’à neuf ans.
Les communes restent toutefois tout à fait libres de concourir à l’établissement de telles agences et de signer une convention avec La Poste. Il ne s’agit donc pas d’un service public communal.
La convention type prévoit que les communes fournissent le local de l’agence et qu’un ou plusieurs agents communaux assurent les prestations postales, y compris des services financiers de dépannage, comme le dépôt ou le retrait d’espèces sur un compte courant ou sur un compte d’épargne dans la limite d’un plafond. En contrepartie, La Poste verse à la commune une indemnité compensatrice, qui couvre la rémunération des personnels ainsi que la part du coût du local affecté à l’agence postale.
Le cadre légal dans lequel s’inscrivent ces conventions résulte de deux articles législatifs : l’article 29-1 modifié de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire, d’une part, l’article 30 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. Ces dispositions permettent notamment à une commune ou à un établissement public de coopération intercommunale de mettre ses personnels à la disposition de l’agence postale communale ou intercommunale.
Par ailleurs, la loi n°2007-209 du 19 février 2007 relative à la fonction publique territoriale a complété l’article 6 de la loi n°90-568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste et des télécommunications par les dispositions suivantes : « Les conditions dans lesquelles les agents titulaires ou non titulaires de la fonction publique territoriale exercent tout ou partie de leurs fonctions dans le cadre de ce partenariat sont définies par une convention passée entre La Poste et la collectivité territoriale ou l’établissement public de coopération intercommunale dont relève l’agent. Cette convention précise notamment la nature des activités que l’agent est appelé à exercer. »
La mise à disposition des fonctionnaires est prévue par les articles 61 et suivants de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale. L’article 61 précise : « La mise à disposition est la situation du fonctionnaire qui demeure dans son cadre d’emplois ou corps d’origine, est réputé y occuper un emploi, continue à percevoir la rémunération correspondante, mais qui exerce ses fonctions hors du service où il a vocation à servir. Elle ne peut avoir lieu qu’avec l’accord du fonctionnaire et doit être prévue par une convention conclue entre l’administration d’origine et l’organisme d’accueil. [...] Le fonctionnaire peut être mis à disposition auprès d’un ou de plusieurs organismes pour y effectuer tout ou partie de son service. »
Il ressort donc clairement de ces dispositions qu’un fonctionnaire territorial ne peut être mis à disposition d’un organisme extérieur, y compris pour une partie de son temps de travail, sans que son accord exprès ait été recueilli préalablement.
Dans l’hypothèse du recrutement d’un agent non titulaire, dès lors que l’exercice des missions de gestion de l’agence postale communale est explicitement mentionné dans le contrat de l’intéressé, il n’est pas nécessaire de recueillir l’accord de l’intéressé, la signature du contrat valant accord.
J’en viens à la consultation des instances de dialogue social. Il convient de distinguer le comité technique paritaire de la commission administrative paritaire.
Le comité technique paritaire n’a pas vocation à traiter de questions individuelles. En revanche, l’article 33 de la loi du 26 janvier 1984 précise que cette instance doit être consultée sur les questions relatives « à l’organisation des administrations intéressées » et « aux conditions générales de fonctionnement de ces administrations ». L’élaboration d’une convention entre la commune et La Poste relève de l’organisation administrative et des conditions générales de fonctionnement de ladite commune. Le comité technique paritaire compétent devra donc être avisé du projet de convention.
L’article 30 de la même loi précise que les commissions administratives paritaires « connaissent des questions d’ordre individuel résultant de l’application, notamment, de l’article 25 du titre Ier du statut général des fonctionnaires de l’État et des collectivités territoriales [...] et des articles [...] 61, 62 [...] de la présente loi. »
En visant les articles définissant les règles régissant la mise à disposition des fonctionnaires territoriaux, la loi indique que la commission administrative paritaire compétente pour la catégorie à laquelle appartient le fonctionnaire concerné doit bien être consultée avant la prise de l’arrêté individuel de mise à disposition.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de cette réponse très complète, qui sera très utile aux collectivités. J’ai bien noté qu’un fonctionnaire territorial ne pouvait se voir imposer une tâche pour laquelle il n’avait pas été recruté.
personnels des maisons départementales des personnes handicapées
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, auteur de la question n° 383, adressée à Mme la secrétaire d'État chargée de la solidarité.
M. Yves Daudigny. Madame la secrétaire d'État, le 11 février dernier, nous avons célébré le quatrième anniversaire de la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui a permis la création des maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH. Ce ne fut pas sans inquiétude.
À cette occasion, madame la secrétaire d'État, vous avez modestement souligné qu’il restait « des attentes et de vraies marges de progrès possibles, notamment dans le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées ».
Cette loi fondatrice, symbolique, généreuse dans ses principes, a porté les espérances des personnes en situation de handicap et de leurs familles. Elle a déçu.
Certes, les MDPH ont pu se mettre en place grâce à la volonté de tous les acteurs, particulièrement celle des conseils généraux qui, pour beaucoup, sont déjà allés au-delà de leurs obligations légales. Apprécions cette capacité d’intervention des conseils généraux et des départements, tant que celle-ci existe encore !
Aujourd'hui, face à ces situations préoccupantes, tous les départements tirent la sonnette d’alarme. Madame la secrétaire d'État, je me fais devant vous l’écho des inquiétudes dont ils ont fait part lors de la récente réunion de la commission des affaires sociales et familiales de l’Assemblée des départements de France.
Les maisons départementales des personnes handicapées non seulement n’ont pas la capacité, par manque de moyens, de traiter et de répondre à l’ensemble des demandes, mais voient encore leur avenir compromis par les nouveaux domaines de compétences qui sont mis à leur charge.
La problématique est avant tout financière. Il s’agit de la non-compensation par l’État des postes qu’il ne met pas à disposition. Madame la secrétaire d'État, votre attention a été à plusieurs reprises attirée sur cette difficulté extrêmement sensible. Elle est synonyme de non-respect des engagements pris lors de la signature de la convention constitutive du groupement d’intérêt public. C'est la raison pour laquelle certains départements ont souhaité s’engager dans une procédure contentieuse contre l’État.
Par ailleurs, sur le plan structurel, se posent des questions de statut qui ne sont toujours pas tranchées, qu’il s’agisse des personnels ou du statut juridique des MDPH elles-mêmes.
Tous les rapports relèvent la lenteur des mises à disposition volontaires des agents relevant anciennement de la Commission technique d’orientation et de reclassement professionnel, la COTOREP, et de la Commission départementale de l’éducation spéciale, la CDES.
Outre le problème des postes vacants et de leur non-compensation financière, c’est la perte de compétences, de savoir-faire, mais aussi de mémoire des dossiers et des procédures qui est en jeu. L’existence de statuts différents – jusqu’à six ! – représente un handicap important pour la gestion quotidienne des MDPH : comparaison des rémunérations, des avantages sociaux, des droits à congé, crainte pour les promotions éventuelles.
Les nombreux changements de directeurs de MDPH depuis 2005 témoignent de ces difficultés. Il faut encore souligner que les postes mis à disposition l’ont été très majoritairement sur des profils de catégorie C, du fait des structures d’emploi précédentes. Or les MDPH requièrent aujourd’hui des emplois et des qualifications qui prennent en compte les évolutions techniques et les spécificités de ces fonctions.
Enfin, à toutes ces difficultés s’ajoutent celles de nouvelles missions régulièrement mises à la charge des MDPH. Depuis leur création, ces maisons ont dû mettre en œuvre la prestation de compensation du handicap, la PCH, pour les enfants, la PCH en établissement, le financement du transport des enfants et des adultes. Ces dossiers réclament une expertise technique que l’association du réseau des MDPH et des services départementaux, en complément du pilotage réalisé par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, permet de réaliser.
S’y ajoutent en outre, à la suite de la réforme de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, depuis le 1er janvier de cette année, les dossiers de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, RQTH.
Ce domaine de l’emploi et de l’insertion professionnelle nécessite de nouvelles coordinations, en l’occurrence avec le service public de l’emploi et les services spécialisés de « Cap Emploi ».
Ainsi, non encore stabilisées, fragilisées par défaut de moyens, les MDPH se trouvent au surplus confrontées, sans véritable préparation, à un champ d’activité très spécifique qui exigerait normalement compétences et relais.
À trop vouloir charger la barque, il est évident qu’on finit par la faire couler !
Les MDPH peuvent pourtant, nous le savons, être le vecteur de l’appréhension d’une autre culture du handicap, qui offre, grâce à une prise en charge individualisée, une réelle égalité des chances à toute personne en situation de handicap.
Encore faut-il, madame la secrétaire d’État, qu’il soit répondu à ces deux questions urgentes : l’État honorera-t-il ses engagements financiers ? A-t-il l’intention d’ouvrir le dossier du statut institutionnel des MDPH actuellement constituées en GIP ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité. Vous avez raison, monsieur le sénateur, trois ans après leur création, les maisons départementales des personnes handicapées connaissent des difficultés de fonctionnement. Le Gouvernement en est bien conscient, et nous avons eu de nombreuses occasions d’échanger sur ces questions. Ces difficultés sont effectivement, reconnaissons-le, en partie liées à la constitution et à la gestion des équipes, et notamment aux conditions de la mise à disposition de personnels par l’État.
Je ne peux en revanche pas vous laisser dire que l’État ne s’est pas investi dans ce dispositif : depuis leur création, outre le millier d’agents effectivement mis à disposition par l’ensemble des ministères, ce sont 245 millions d’euros qui ont été consacrés par l’État et la CNSA pour le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées ; ils en restent les premiers financeurs, à hauteur de 60 % de leur budget.
Parce que les MDPH constituent un élément central de la réforme de 2005, l’État respectera les engagements qu’il a pris à leur égard, sur la base de leurs conventions constitutives. Des solutions sont actuellement en cours de discussion et nous espérons pouvoir régler l’ensemble des situations dans les toutes prochaines semaines. Je dois toutefois souligner que les MDPH ne fonctionneront pas correctement sans un investissement des conseils généraux. Or les situations sont, de ce point de vue, très inégales.
Nous examinons également comment mieux accompagner les MDPH dans la mise en œuvre des compétences nouvelles qui leur ont été confiées. Je pense notamment à l’extension de la prestation de compensation du handicap aux enfants, à la réforme de l’allocation aux adultes handicapés et à la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé.
Ces missions nouvelles, vous le savez, résultent de la loi du 11 février 2005. Pas moins de 150 décrets ont déjà été publiés pour mettre en œuvre cette ambitieuse loi réformant la politique du handicap. Il nous faut maintenant travailler ensemble pour aller plus loin.
Mais, vous le savez, il faut faire évoluer le statut des MDPH et de leurs personnels pour répondre aux inquiétudes justifiées que vous avez évoquées. Cette évolution se fera naturellement en concertation avec les conseils généraux, qui sont en droit de demander plus de souplesse dans la gestion de ce dispositif.
Quelle que soit la solution qui sortira de cette concertation, elle devra permettre à l’État de jouer son rôle de garant de l’équité territoriale et préserver l’innovation que constitue la participation des associations de personnes handicapées à la gouvernance des MDPH.
Une mission de l’Inspection générale des affaires sociales, confiée récemment à plusieurs professionnels, vient de nous remettre ses conclusions. Sur cette base, nous vous soumettrons des propositions, sur lesquelles nous pourrons travailler ensemble, débattre et avancer.
La politique en faveur des personnes handicapées exige une mobilisation déterminée de l’ensemble des autorités compétentes, qu’il s’agisse de l’État ou des collectivités locales que vous défendez aujourd’hui. Les personnes handicapées sont en effet en droit d’attendre un service de qualité de ces MDPH, qui sont au cœur de la réforme de 2005, portes d’entrée vers l’ensemble des outils qui sont mis à leur disposition pour accompagner leur projet de vie.
C’est une révolution par rapport aux COTOREP et aux CDES, le véritable tournant de cette politique. Nous ferons en sorte, avec votre soutien, que ces maisons départementales des personnes handicapées puissent remplir leurs missions dans les meilleures conditions. Près de 5 milliards d’euros supplémentaires ont été consacrés à la politique du handicap depuis 2005, mais il faut aller encore plus loin et améliorer les outils de gestion.
Nous sommes mobilisés sur cette question et nous avons la ferme intention d’aller jusqu’au bout de la démarche, monsieur le sénateur.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Madame la secrétaire d’État, je me réjouis, pour les personnes handicapées et leurs familles, que les dysfonctionnements en matière de financement ou de non-remplacement de postes soient en voie de résolution. Je ne mets d’ailleurs nullement en cause l’engagement financier de l’État sur l’ensemble du financement.
Je profite de ce dialogue, madame la secrétaire d’État, pour vous confirmer la volonté des conseils généraux, en partenariat avec l’État et les associations représentatives, d’assurer le meilleur accueil des personnes en situation de handicap et de leurs familles, ainsi que le traitement des dossiers dans les meilleurs délais.
Nous voulons construire avec vous et avec les associations, dans les MDPH, cette nouvelle culture que nous attendons tous et qui sera l’expression de la loi du 11 février 2005. Au-delà du bon fonctionnement de ces MDPH, c’est un grand progrès de notre société en matière de solidarité qui est en jeu. La mise en œuvre d’un droit universel à la compensation de la perte d’autonomie, porteur de dignité, sera à l’honneur de notre société.
Nous nous interrogeons néanmoins sur le côté financier : la montée en charge de la PCH et la stagnation des recettes de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie nous inquiètent. Un nouveau report de la charge financière de la prestation de compensation du handicap sur les départements, dans le contexte économique et social actuel, serait absolument insupportable pour les finances des départements.
situation des caisses d'allocations familiales
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, auteur de la question n° 437, adressée à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.
M. Jean Boyer. Je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur les difficultés que rencontrent actuellement les caisses d'allocations familiales. Ces dernières font actuellement l’objet d’une importante surcharge de travail liée à un déséquilibre entre leurs missions et les moyens dont elles disposent.
Depuis le début de l’année, de nombreux facteurs sont à l’origine de cette situation de crise : le décalage de calendrier de renouvellement des droits, la complexification de la réglementation, la mise en place régulière de mesures nouvelles, mais aussi les exigences accrues en matière de maîtrise des risques.
Dans le département de la Haute-Loire, par exemple, la situation de la caisse d'allocations familiales s’est notablement dégradée depuis le mois de novembre du fait des 35 000 déclarations complémentaires qu’il a fallu solliciter auprès des allocataires dans le cadre de la campagne de renouvellement des droits.
Les mesures prises pour prévenir ce surcroît de travail n’ont pas suffi à résorber le retard accumulé dans les traitements de dossiers. Il faut aujourd’hui un mois environ pour traiter un dossier, soit deux fois plus de temps qu’en 2008.
À cette difficulté s’ajoute une brusque montée du nombre d’appels téléphoniques et de courriers sur les quatre sites du département. Le soutien à apporter en priorité aux bénéficiaires de minima sociaux pénalise malheureusement les nombreux autres allocataires.
Je crois savoir que d’autres départements connaissent une situation analogue. Je vous le dis avec beaucoup de modération, madame la secrétaire d’État, car nous sommes conscients que vouloir n’est pas synonyme de pouvoir. (Sourires.)
De plus, très prochainement, le revenu de solidarité active – le RSA – va être mis en place. C’est un enjeu politique majeur pour les caisses d’allocations familiales et les pouvoirs publics. Mais il va engendrer aussi un important supplément de travail.
Parallèlement, les caisses d’allocations familiales semblent réduire leurs aides à l’égard des collectivités locales en matière de crèches ou de haltes-garderies.
Madame le secrétaire d’État, quelles sont les mesures envisagées afin de permettre aux caisses d’allocations familiales de retrouver le plus rapidement possible la bonne qualité des services qu’elles offrent aux allocataires mais aussi aux collectivités ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité. Monsieur le sénateur, un certain nombre de caisses d’allocations familiales connaissent effectivement, depuis le mois de novembre 2008, des tensions sur leur charge d’activité. Ainsi que vous l’avez indiqué, ces tensions sont principalement liées à la montée en charge de la politique de maîtrise des risques, avec la mise en place du répertoire national des bénéficiaires ou encore la concentration en fin d’année de la campagne de ressources.
Une large partie de ces tensions est ainsi de nature conjoncturelle, du fait de la mise en œuvre de réformes coïncidant avec la période des congés de fin d’année. La Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, étudie actuellement les moyens de mieux faire face à ces situations, d’une part en organisant un dispositif de répartition de la charge de travail au profit des caisses les plus en difficultés, d’autre part en diffusant les pratiques des CAF qui se sont organisées le plus efficacement pour absorber ce pic d’activité.
Concernant maintenant la généralisation du RSA, prévue dès le mois de juin 2009, le Gouvernement partage votre souci de voir cette réforme s’accompagner des moyens nécessaires à sa mise en œuvre, notamment à destination de ces caisses d'allocations familiales qui seront désormais chargées, avec les caisses de mutualité sociale agricole, d’affilier les nouveaux allocataires, d’instruire leurs droits, de liquider et de verser la prestation, mais aussi de recueillir les informations nécessaires à l’orientation des personnes concernées vers le dispositif d’accompagnement pertinent.
C’est la raison pour laquelle le Premier ministre, sur la base d’une mission conjointe de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale des finances, a souhaité affecter 1 621 emplois dans les caisses d'allocations familiales à la gestion du revenu de solidarité active.
Plus précisément, 614 emplois seront pourvus par les redéploiements internes autorisés par les gains de productivité réalisés au sein de la branche famille grâce à des mesures telles que la suppression de la déclaration de ressources ou le recouvrement des créances, et 1007 postes issus de nouveaux recrutements en 2009 seront affectés au réseau des caisses d'allocations familiales.
Au total, ce sont donc bien 1 621 emplois qui seront mobilisés pour faire face à la charge nouvelle inhérente à la mise en place du RSA au sein des caisses d'allocations familiales.
Ces dépenses de personnel, ainsi que les autres coûts de mise en œuvre – il s’agit principalement de charges de nature informatique, afin de faciliter les modalités de versement du RSA – s’imputeront sur les 100 millions d’euros dédiés à cet usage au sein du Fonds national des solidarités actives.
Si un écart entre les charges induites par la réforme et les moyens alloués à la branche devait apparaître, le Gouvernement saurait prendre les mesures appropriées. Dans le cadre des négociations en cours au sujet de la convention d’objectifs et de gestion 2009-2012, l’État s’assurera que la branche famille dispose de moyens pour faire face à l’ensemble de ses charges.
Des rendez-vous devront être prévus à la fin de l’année 2009 et de l’année 2010 pour faire le point sur la réalité des charges supportées par les CAF et s’assurer que celles-ci sont bien conformes aux prévisions à partir desquelles les moyens accordés à ces caisses ont été estimés.
Ainsi, fortes de ces nouveaux instruments, les caisses d’allocations familiales seront en mesure de remplir l’ensemble de leurs missions et de relever le défi de la généralisation du revenu de solidarité active.
Vous avez également évoqué le soutien et l’accompagnement aux politiques en faveur de la petite enfance. À cet égard, je me permets de vous rappeler que Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille, et Brice Hortefeux, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, ont souligné la volonté déterminée d’augmenter de 200 000 le nombre de places d’accueil pour la petite enfance au cours du quinquennat.
En d’autres termes, l’accompagnement des collectivités locales restera important et ambitieux, afin de renforcer le service rendu aux familles. Il s’agit, et c’est un aspect important, d’œuvrer en faveur de l’égalité professionnelle, par une bonne articulation entre vie familiale et vie professionnelle.
Nous avons bien l’intention de poursuivre nos efforts sur ce sujet également, monsieur le sénateur.
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Madame la secrétaire d’État, je constate, et ce n’est pas une surprise pour moi, que vous connaissez véritablement les problèmes de la « France d’en bas ». Nous en sommes également tous conscients, vous êtes une élue sociale, qui sait répondre avec son cœur.
Seulement, comme je l’ai indiqué tout à l’heure, il y a une distinction entre ce que l’on veut faire et ce que l’on peut faire, en particulier depuis quelques mois en France.
Quoi qu’il en soit, je tiens à exprimer le message suivant : même si nous n’avons pas toujours de solution, il est important que les personnes dans une situation de difficulté puissent au moins être écoutées. Comme vous le savez, madame la secrétaire d’État, dans nos permanences, nous sommes parfois désarmés face aux demandes qui nous sont adressées.
M. Roland Courteau. En effet !
M. Jean Boyer. Pouvoir expliquer ses problèmes et être écouté est déjà, me semble-t-il, un point important.
Je vous remercie des éléments que vous m’avez apportés, madame la secrétaire d’État.
rapport d'application de la loi sur la violence au sein des couples
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, auteur de la question n° 404, adressée à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.
M. Roland Courteau. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur certaines dispositions de la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs.
Je le rappelle, au mois de novembre 2004, j’avais pris l’initiative de déposer, avec le soutien du groupe socialiste, notamment de Mme Michèle André, une proposition de loi visant à lutter contre un tel fléau. Après son examen par le Parlement, ce texte est devenu la loi que je viens de mentionner.
La loi du 4 avril 2006 comporte de nombreuses dispositions en matière de prévention et d’éloignement de l’auteur des violences ou de prise en charge sanitaire et sociale des auteurs de violences. Elle complète également l’article 212 du code civil en y incluant la notion de « respect » et fixe l’âge légal du mariage à dix-huit ans pour les filles. En outre, elle introduit le principe de l’aggravation de la peine et l’extension de la circonstance aggravante aux anciens conjoints, concubins, partenaires pacsés, ainsi que plusieurs mesures visant à lutter contre les mariages forcés.
Par ailleurs, et c’est le principal objet de cette question orale, l’article 13 de cette loi dispose : « Le Gouvernement dépose, tous les deux ans, sur le bureau des assemblées parlementaires, un rapport sur la politique nationale de lutte contre les violences au sein des couples, portant notamment sur les conditions d’accueil, de soin et d’hébergement des victimes, leur réinsertion sociale, les modalités de la prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique des auteurs des faits […]. »
Le rapport aurait dû être déposé depuis le 4 avril 2008. Au mois de novembre 2008, j’avais interrogé M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité sur le sujet. Il m’avait été répondu que l’engagement serait tenu et que le rapport serait déposé « d’ici à la fin de l’année 2008 ».
Cet article 13, inséré dans la proposition de loi à la suite de l’adoption d’un amendement que j’avais déposé en première lecture, est très important. Il s’agit de permettre au Gouvernement et au Parlement de disposer d’informations précises sur la politique nationale de lutte contre ce type de violences.
Faut-il le rappeler, les violences subies par les femmes au sein du couple augmentent plus vite que l’ensemble des violences faites aux personnes ?
Certes, si j’en juge par les observations des associations, des progrès ont été accomplis depuis l’adoption de la loi du 4 avril 2008. Surtout, et il convient de le noter, les victimes osent de plus en plus déclarer les violences qu’elles subissent, ce qui n’était pas le cas avant l’adoption de ce texte législatif et les campagnes de sensibilisation que vous avez-vous-même mises en œuvre, madame la secrétaire d’État. En effet, à cette époque, un grand nombre de victimes renonçaient à déposer plainte par manque d’information ou de sensibilisation.
Cela m’amène à répéter qu’il faut encore et encore renforcer les campagnes générales de sensibilisation.
Je me réjouis d’ailleurs que le Premier ministre m’ait fait savoir par courrier – j’imagine que vous n’y êtes pas étrangère, madame la secrétaire d’État – sa décision d’attribuer le label « campagne d’intérêt général » à la lutte contre les violences faites aux femmes pour l’année 2009. Cela, m’a-t-il également été précisé, pourrait permettre d’ouvrir ensuite la voie à la reconnaissance de cette lutte comme « grande cause nationale » pour 2010.
Mais, aux termes de l’article 13, le Parlement doit pouvoir prendre connaissance des conditions d’accueil et de réinsertion sociale des victimes et, ce qui est tout aussi important, des modalités de prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique des auteurs des violences, autant d’indications dont les parlementaires souhaitent pouvoir disposer régulièrement.
Madame la secrétaire d’État, quel bilan peut-on dresser de l’application de ce dispositif législatif en matière de réinsertion sociale des victimes, mais aussi de prise en charge sanitaire et psychologique des auteurs de violence ? Sachez que nous n’entendons pas relâcher notre vigilance face à un tel fléau, trop longtemps sous-estimé ou relégué au rang de simple dispute de ménage.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité. Monsieur le sénateur, vous avez appelé l’attention du Gouvernement sur la mise en œuvre de l’article 13 de la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs.
Comme vous l’avez rappelé, cet article prévoit que le Gouvernement dépose un rapport relatif à « la politique nationale de lutte contre les violences au sein du couple » tous les deux ans sur les bureaux des assemblées. Je souhaite d’abord vous rassurer : ce rapport est désormais transmis au Parlement.
M. Roland Courteau. Bonne nouvelle !
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Certes, c’est très récent, mais c’est fait ! (Sourires.)
J’aurai d’ailleurs l’occasion de revenir sur le contenu de ce document le 19 mars prochain à l’occasion d’une question orale avec débat portant sur cette thématique.
Un tel rapport est important. C’est le premier du genre, en application de la loi du 4 avril 2006, à laquelle vous avez largement contribué. Cela constitue un tournant dans un domaine où il est difficile de mesurer l’efficacité de l’action publique. Il nous a paru important, au risque d’un retard de dépôt, d’y intégrer des mesures qui ont été mises en œuvre très récemment, mais qui sont, nous le savons, importantes et attendues
D’abord, le Gouvernement souhaitait disposer du rapport d’évaluation du premier plan global 2005-2007 de lutte contre les violences faites aux femmes, que j’avais demandé aux inspections générales des affaires sociales, des services judiciaires et de l’administration de réaliser, avec le concours de la police nationale. Ce rapport a été rendu à l’automne.
En outre, certaines mesures phares du plan de lutte contre les violences faites aux femmes ont été mises en œuvre à la fin de l’année 2008 et au début de l’année 2009. Je pense notamment à la mise en place des référents départementaux ou au recrutement des familles d’accueil. Il paraissait essentiel de pouvoir inclure le démarrage de ces réalisations ou expérimentations dans un rapport portant sur l’action du Gouvernement en matière de lutte contre les violences.
M. Roland Courteau. En effet !
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Par ailleurs, vous savez combien la question difficile du cadre juridique reconnaissant les violences psychologiques est importante.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Sur cette question, nous faisons des progrès importants. Il nous a également paru indispensable d’intégrer au bilan de ces deux années une avancée très attendue : les résultats du travail mené en partenariat avec le ministère de la justice pour progresser très concrètement dans la définition des violences psychologiques.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Enfin, et comme vous le savez, nous avons accompagné la constitution d’un collectif d’associations.
Comme l’avait suggéré M. le Premier ministre dans son discours du 25 novembre dernier, à l’occasion de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, ces associations bénéficieront – vous l’avez d’ailleurs rappelé, monsieur le sénateur –, du label « campagne d’intérêt général 2009 contre les violences faites aux femmes ». Ce label a été attribué le 7 mars dernier, en lien avec les associations impliquées dans cette cause. Nous ne pouvons que nous réjouir de cette décision.
Cette initiative témoigne, s’il en était besoin, de l’engagement du Gouvernement sur ces questions essentielles. Par conséquent, et à partir d’un document que nous avons voulu le plus complet possible, nous évoquerons de nouveau ce sujet le 19 mars prochain à l’occasion de la question orale avec débat posée par Michèle André.
Pour conclure, je voulais vous dire combien le Gouvernement est sensibilisé et mobilisé sur la question de l’information, que vous avez évoquée. Comment peut-on entrer dans les foyers, comment peut-on entrer dans les familles pour encourager les femmes à briser le silence ?
Nous continuerons à mener de telles campagnes de communication et de sensibilisation, notamment sur des points particuliers, comme les violences coutumières, le mariage forcé ou les excisions. Il y aura également des campagnes télévisées. Ainsi, un spot sur les violences conjugales sera lancé au milieu de l’année. En outre, dans le cadre de la préparation de la « grande cause nationale », nous allons réfléchir, avec l’ensemble des têtes de réseau, à des campagnes de communication qui pourront également avoir lieu au cours de l’année 2010.
Notre volonté est véritablement de travailler sur un projet global, de mobiliser tous les ministères, en liaison avec les associations. Nous en sommes convaincus, sur un tel sujet, il faut continuer la mobilisation au quotidien et remettre régulièrement l’ouvrage sur le métier pour parvenir à sensibiliser vraiment la population.
En tout cas, je vous remercie de votre engagement, monsieur le sénateur.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de cette réponse particulièrement précise. Nous nous retrouverons vraisemblablement ici même, jeudi prochain, pour évoquer de nouveau cette question.
3
Dépôt d'un rapport du Gouvernement
M. le président. M. le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l’article 13 de la loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs, le rapport sur la politique nationale de lutte contre les violences au sein des couples.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quinze, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
4
Dépôt de rapports sur l’application de lois
M. le président. Monsieur le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l’article 67 de la loi n° 2004–1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, les deux rapports sur l’application de la loi n° 2008–735 du 28 juillet 2008 relative aux contrats de partenariat et de la loi n° 2008–758 du 1er août 2008 relative aux droits et aux devoirs des demandeurs d’emploi.
Acte est donné du dépôt de ces deux rapports.
Ils seront transmis respectivement à la commission des lois et à la commission des affaires sociales et seront disponibles au bureau de la distribution.
5
Première application de la semaine de contrôle
M. le président. Mes chers collègues, nous entamons aujourd’hui l’ordre du jour de notre première semaine réservée par priorité au contrôle, dans le cadre des nouvelles dispositions de l’article 48 de la Constitution, entrées en vigueur depuis le 1er mars dernier, selon lesquelles « une semaine de séance sur quatre est réservée par priorité et dans l’ordre fixé par chaque assemblée au contrôle de l’action du Gouvernement et à l’évaluation des politiques publiques ».
Ainsi que l’a proposé la conférence des présidents, nous avons commencé ce matin par une séance de questions orales, comme c’est habituellement le cas un mardi sur deux.
Cependant, au cours de cet après-midi et des deux jours à venir, nous n’aurons pas moins de cinq débats donnant notamment suite aux travaux de nos missions, commissions ou délégations, mais aussi à des demandes de groupes politiques : débat sur l’avenir de la presse, débat préalable au Conseil européen, débat sur l’évolution des collectivités territoriales, questions orales avec débat sur les universités, puis sur les violences faites aux femmes, sans oublier, cet après-midi, la lecture de la déclaration du Gouvernement et, jeudi, après les questions d’actualité, la communication du Médiateur de la République sur son rapport annuel.
C’est donc un ordre du jour exclusivement réservé au contrôle qui nous attend pour cette semaine, et je souhaite donner acte à l’ensemble des acteurs concernés de la prouesse – je n’établis là aucune comparaison !(Sourires) – que constitue l’application intégrale, dès la première semaine, du nouveau dispositif constitutionnel.
Je souhaite aussi, bien entendu, remercier le Gouvernement d’avoir pu assurer la disponibilité des ministres compétents.
L’expérience nous dira tout le profit que nous pourrons tirer de ces semaines de contrôle, et je forme le vœu que leur élaboration, dans le cadre de notre conférence des présidents, de l’autorité de laquelle dépend l’organisation de ces semaines, soit aussi collective que possible.
En attendant, place au débat sur l’avenir de la presse !
6
Débat sur l'avenir de la presse
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur l’avenir de la presse (aides financières à la presse, métier de journaliste et distribution).
La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, trop longtemps les pouvoirs publics ne se sont préoccupés que de la survie de la presse. Dans un pays comme le nôtre, où la pluralité des opinions conditionne la vitalité du débat démocratique, c’est insuffisant. Colmater des brèches, procéder à des ajustements partiels : tout cela relève plus de l’attentisme que d’une véritable volonté de répondre aux difficultés structurelles de la presse écrite.
Ne nous y trompons pas : tous les acteurs du secteur ont leur part de responsabilité dans cette crise durable de la presse ; l’État, en particulier, n’y est pas étranger. Malgré des aides publiques qui représentaient, en 2008, 13 % du chiffre d’affaires de la presse payante, les pouvoirs publics sont devant un cruel constat d’échec dont ils ne sauraient se dédouaner.
C’est pourquoi l’État a fait le choix d’assumer pleinement sa part de responsabilité, et je suis le premier à m’en réjouir.
En réunissant des états généraux de la presse écrite, le Président de la République a ouvert la voie. En tant que garant du pluralisme démocratique, et au regard du soutien financier qu’il consent chaque année à ce secteur, l’État a toute légitimité à intervenir dans la refondation du modèle économique de la presse.
Ces états généraux ont donné à l’ensemble des acteurs du secteur de la presse du « grain à moudre ». Ils ont ouvert des pistes de réflexion tous azimuts, en envisageant, pour la première fois dans leur globalité, les difficultés structurelles du secteur. C’était le meilleur moyen d’établir un diagnostic partagé et d’élaborer une stratégie commune pour y répondre.
Le résultat est particulièrement convaincant : une dynamique positive a été enclenchée, comme en témoigne l’ouverture de négociations sur la définition d’un « nouveau contrat social » dans les imprimeries.
Il nous appartient désormais, à nous sénateurs, d’entretenir cette dynamique en conservant un temps d’avance dans la réflexion sur les prochains chantiers législatifs qui porteront sur la presse.
Notre commission s’est de longue date mobilisée en faveur d’une presse indépendante et dynamique, comme l’illustre la mise en place, en 2007, d’un groupe de travail sur la crise de la presse, dont les conclusions ont fait l’objet d’un rapport d’information établi par notre ancien et excellent collègue Louis de Broissia.
Le présent débat de contrôle sera l’occasion de réexaminer les propositions de ce rapport à la lumière des conclusions des états généraux.
Ceux-ci ont d’abord été l’occasion de s’interroger sur la réforme des aides publiques à la presse. Je relève, pour ma part, que ce système d’aides publiques, censé garantir le pluralisme, n’atteint plus ses objectifs. Il incarne aujourd’hui une gestion dans l’urgence, qui multiplie les efforts dispersés et donc insuffisants, sans jamais pouvoir associer la profession à une véritable vision de long terme. D’où l’inconfortable impression d’une presse maintenue sous perfusion.
Or nous ne sommes pas là pour gagner du temps. Bien au contraire, demain il sera sans doute trop tard. Une presse survivante, qui se raccroche désespérément à des aides aussi insuffisantes qu’inadaptées, c’est tout sauf une presse indépendante !
Je me réjouis donc que le Président de la République ait annoncé que les mesures d’urgence et le plan d’aide à la presse, d’un montant exceptionnel de 600 millions d’euros sur trois ans, seraient subordonnés à un engagement ferme des acteurs du secteur à mettre en œuvre les réformes structurelles dégagées par les états généraux.
L’État compte honorer ses promesses financières dès le prochain collectif budgétaire, à hauteur de 150,75 millions d’euros, pour répondre à l’urgence de la situation qui est actuellement celle de la presse.
En s’employant à sécuriser dès maintenant la situation économique précaire de nombreuses publications, les pouvoirs publics garantiront à la presse un environnement financier suffisamment solide pour développer ensuite des stratégies de long terme.
Néanmoins, pour faire écho aux recommandations de notre groupe de travail sur la crise de la presse, je souhaite vous interroger dès maintenant, madame la ministre, sur les efforts du Gouvernement pour mesurer la performance des dispositifs d’aide aux entreprises de presse. Devant un risque persistant de saupoudrage, il est en effet impératif d’évaluer régulièrement la puissance de l’effet de levier exercé par ces aides.
S’agissant de la diffusion de la presse, le développement du portage est souvent avancé comme la clé de la rénovation de notre circuit de distribution. Il faut se féliciter que l’État investisse aussi massivement dans le renforcement de l’aide au portage, qui sera portée de 8 millions à 70 millions d’euros dès cette année. Je souhaite toutefois insister sur la nécessité de bien étudier les modalités d’octroi de l’aide au portage, comme nous y invitait le rapport de Louis de Broissia en 2007. En particulier, dans les zones peu denses, il y a peu de chances que le portage des seuls quotidiens d’information politique et générale constitue la panacée. Le portage ne permet de réaliser des économies substantielles qu’à condition de banaliser l’exemplaire distribué. Ne faudrait-il donc pas, selon vous, réfléchir au développement du portage multi-titres, associant tous les quotidiens ainsi que les magazines ?
Il est également indispensable, à mon sens, d’optimiser notre système de distribution en mettant le réseau de vente de la presse quotidienne régionale à la disposition de la presse quotidienne nationale. Cette mutualisation des réseaux est-elle, selon vous, en bonne voie ?
Je tiens à saluer, en outre, la méthode empirique qui a présidé au déroulement des états généraux. La voie du pragmatisme a été privilégiée s’agissant de la distribution : l’idée est de poursuivre sur une période de six mois des expérimentations, comme ce fut le cas pour le plafonnement des invendus ou l’assouplissement des règles d’assortiment, sans toucher pour autant aux équilibres subtils de la « loi Bichet ». C’est précisément le sens des solutions négociées et des périodes transitoires recommandées, en 2007, par le rapport d’information de notre groupe de travail sur la crise de la presse.
Autre élément essentiel de la réflexion : l’avenir du métier de journaliste. Notre commission a organisé, à ce titre, une table ronde consacrée au métier de journaliste afin de recueillir les avis de personnalités compétentes sur la meilleure façon de mettre en avant la valeur ajoutée d’une information professionnelle de qualité et certifiée comme telle.
Mme Nathalie Goulet. Bravo !
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Affirmer les droits et les devoirs propres aux journalistes, c’est renforcer le crédit de la profession aux yeux de l’opinion. L’annexion d’un code de déontologie à la convention collective des journalistes constitue donc une première réponse à la désaffection du lectorat.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Néanmoins, l’adossement des normes déontologiques aux seules conventions collectives supposerait de faire de la juridiction prud’homale l’instance compétente en la matière, ce que certains jugent encore insuffisant. À cet égard, madame la ministre, quelles précisions pouvez-vous nous apporter sur la portée juridique de ce futur code de déontologie et sur les autorités compétentes pour en sanctionner le respect ?
M. Jean-Pierre Plancade. Très bien !
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Je souhaite que les parlementaires puissent suivre de près les travaux du comité de sages chargé de rédiger ce code de déontologie. Comme l’a démontré le projet de loi sur la protection du secret des sources des journalistes, il revient à la représentation nationale de protéger certaines des garanties fondamentales qui s’attachent au métier de journaliste et à la liberté de l’information.
La question des droits d’auteur constitue un autre chantier de la modernisation de la presse. Il s’agit de faciliter l’exploitation des contributions des journalistes dans un univers numérique. À l’occasion d’une négociation informelle mais fructueuse, les journalistes et les éditeurs se sont accordés sur le principe d’un droit lié à un temps d’exploitation et non plus d’un droit lié à la publication sur un support déterminé. Ils avaient ainsi élaboré un compromis détaillé dans un document appelé le « blanc », en octobre 2007.
Notre commission souscrit pleinement à la volonté du Gouvernement de donner force juridique aux conclusions de ce « blanc ». Mon prédécesseur, Jacques Valade, et notre ancien collègue Louis de Broissia s’étaient déjà penchés sur la question des droits d’auteur des journalistes dans un univers numérique en déposant un amendement au projet de loi sur la modernisation de l’économie, au mois de juin dernier. Cette initiative avait alors été jugée prématurée, faute de concertation.
Constatant avec satisfaction que toute la profession est désormais suffisamment mûre sur ce sujet, notre commission souhaite que soit garanti dans les plus brefs délais, le cas échéant dans le projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet, le principe de la neutralité du support d’exploitation.
Nous faisons ainsi confiance aux professionnels pour discuter ensuite, de leur côté, des questions relevant de la négociation collective. Pourriez-vous cependant, madame la ministre, revenir sur le rôle et sur la composition de la commission de conciliation prévue pour arbitrer les différends non résolus par la négociation collective en matière de droits d’auteur ?
Je m’inquiète par ailleurs de l’ambiguïté du droit en vigueur en matière de publicité sur l’alcool et des risques croissants de contentieux qui en découlent. Un article évoquant la production viticole sous des aspects purement informationnels ou éditoriaux court le risque d’être sanctionné pour publicité indirecte. N’est-il pas nécessaire de distinguer plus clairement l’information et les insertions publicitaires sur l’alcool afin de mieux concilier notre combat contre l’abus de la consommation d’alcool et la liberté d’expression des journalistes ?
Enfin, mes chers collègues, je souhaite insister sur la nécessité d’accompagner la presse écrite payante dans son adaptation aux codes de lecture modernes.
Le renforcement de l’aide au développement des services en ligne des entreprises de presse, portée à 20 millions d’euros dans le prochain collectif budgétaire, va dans le bon sens, car il permet à la presse écrite d’aborder dans les meilleures conditions le virage de l’internet.
Il faut évidemment aller plus loin, et je me félicite que le Gouvernement se soit engagé à déployer tous ses efforts pour encourager l’investissement privé dans le développement de la presse numérique. La création d’un statut de l’éditeur de presse en ligne permettra, en particulier, de distinguer clairement la presse en ligne des autres sites de communication et de certifier ainsi la qualité de l’information produite en ligne par des journalistes professionnels.
Combattre la désaffection du lectorat suppose de conquérir les jeunes. La participation de l’État à la mesure permettant à tout jeune de bénéficier d’un abonnement gratuit à un quotidien de son choix à ses dix-huit ans va dans le bon sens. L’expérience a en effet démontré que les titres concernés sont en règle générale conduits à des efforts éditoriaux pour se rapprocher de leurs jeunes lecteurs. Toutefois, la mise en œuvre pratique de cette mesure suscite un certain nombre d’interrogations.
Tout d’abord, ne faudrait-il pas privilégier l’abonnement gratuit à un seul numéro par semaine ? Ne prend-on pas le risque de lasser le jeune lecteur en lui faisant parvenir tous les jours un quotidien qu’il n’aura pas forcément le temps de lire de façon approfondie ?
Par ailleurs, la mesure se limitera-t-elle aux seuls quotidiens d’information politique et générale ? Madame la ministre, pour susciter le goût de la lecture sur papier, faudrait-il, selon vous, réfléchir à étendre l’abonnement gratuit à d’autres types de publications plus à même d’intéresser les jeunes ?
Permettez-moi, madame la ministre, avant d’achever mon propos, de vous interroger sur l’avenir de l’Agence France-Presse et sur les perspectives d’évolution envisagées pour ce fleuron français du journalisme professionnel et indépendant auquel notre commission est, comme l’ensemble du Parlement, extrêmement attachée.
J’en arrive à ma conclusion.
Nous sommes conscients qu’il faudra beaucoup de détermination. Les états généraux ont démontré que les professionnels étaient prêts à s’engager ensemble dans la voie de la modernisation, et notre commission leur fait confiance.
La presse écrite a un avenir. Comme le rappelait récemment Marcel Gauchet, l’expertise du journaliste est plus que nécessaire pour guider le citoyen dans le dédale d’une information démultipliée par la révolution numérique.
C’est à mon sens ce qu’il faut retenir des multiples débats déjà conduits sur l’avenir de la presse. Une analyse rigoureuse de l’information, seule capable de susciter un débat démocratique de qualité, ne sera jamais gratuite. Elle est un bien d’intérêt général qu’il nous revient de défendre et, pour cela, il n’y a plus de temps à perdre. La progression significative de l’audience de la presse quotidienne en 2008, de 2,3 % par rapport à 2007, est un signe encourageant, car elle témoigne, malgré tout, de l’intérêt croissant de la population pour la lecture de la presse. Il est donc de notre devoir de refuser toute fatalité. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles de la mission « Médias » (presse). Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la presse écrite se caractérise par un besoin urgent de rénovation profonde à tous les niveaux, de la rédaction à la diffusion. Il n’est pas envisageable de faire peser l’effort de modernisation sur un seul segment de l’activité de presse : tous les acteurs doivent réfléchir ensemble à des solutions communes.
Après des états généraux de la presse écrite convoqués sur la seule initiative du Président de la République, l’enjeu, désormais, réside dans la volonté et la capacité des acteurs du secteur à s’affranchir de cette pesante tutelle pour travailler dans ce sens.
Quoi qu’il en soit, aux termes de l’article 34 de la Constitution, il revient désormais au législateur de fixer les règles concernant « la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias ». Le régime des aides publiques à la presse doit donc répondre à ces objectifs inscrits dans notre loi fondamentale à la suite de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.
Or la France se caractérise encore aujourd’hui par une hyperconcentration de ses leviers médiatiques, particulièrement en province, où les quotidiens qui subsistent se trouvent en situation de monopole dans les trois quarts des départements. Il s’agit là d’un symptôme inquiétant de l’extrême fragilité financière de nos entreprises de presse.
Force est de constater que notre système d’aides publiques ne parvient plus à garantir le pluralisme de la presse.
Devant des organes de presse soupçonnés – il suffit de lire certaines enquêtes – d’être inféodés au pouvoir politique ou à des groupes industriels, la confiance que le citoyen prête à une information de plus en plus uniformisée se trouve inévitablement remise en cause. C’est ce risque de défiance qui représente, peut-être, le danger économique le plus préoccupant pour la presse écrite.
À ce sujet, madame la ministre, je souhaite que vous fassiez le point sur l’état des négociations bilatérales avec la Suisse tendant à supprimer l’interdiction faite à un investisseur non communautaire de détenir plus de 20 % du capital d’une entreprise de presse.
Le renforcement de l’information accessible au grand public sur l’actionnariat des entreprises de presse, dans une démarche de transparence, va dans le bon sens, de même que l’idée d’un recours accru au mécénat pour consolider leur assise financière. Un fonds adossé à la Caisse des dépôts et consignations pourrait ainsi collecter les dons de particuliers, lesquels ouvriraient le droit à des réductions d’impôts à hauteur de 66 %. Ce mécanisme devrait encourager l’investissement dans les entreprises de presse, y compris de presse en ligne.
Toutefois, je m’interroge, madame la ministre, sur les conditions de mise en œuvre concrète de cette mesure.
Tout d’abord, comment s’opérera le transfert des dons aux titres de presse ? S’agira-t-il de dons nominatifs, c’est-à-dire « fléchés » ?
Par ailleurs, la distribution de ces dons fera-t-elle l’objet d’un contrôle par une autorité indépendante chargée de veiller au respect des garanties de transparence et d’équité ?
Face à l’effondrement du marché publicitaire qui se profile en 2009, après un mauvais exercice 2008, deux mesures d’urgence recommandées par les états généraux ont été reprises dans le projet de loi de finances rectificative que notre assemblée devrait examiner à la fin de ce mois et au début du mois prochain. Elles comprennent la compensation, à hauteur de 25,4 millions d’euros, du manque à gagner pour La Poste du report d’un an de la mise en œuvre des accords État-presse-La Poste sur l’augmentation des tarifs postaux, ainsi que la mise en place d’une aide exceptionnelle de 27,6 millions d’euros aux diffuseurs de presse.
La levée du moratoire sur la mise en œuvre des accords État-presse-La Poste s’annonce cependant comme une échéance délicate. En effet, il est probable que la presse ne pourra pas, dans un an, supporter la revalorisation des tarifs postaux négociée en juillet 2008. Le moratoire ne règle donc pas tout, et sa levée devra en tout état de cause être précédée d’une renégociation des tarifs de distribution de la presse par La Poste.
Ces aides d’urgence s’articuleront avec plusieurs mesures de soutien à des réformes d’ordre structurel dans le prochain collectif budgétaire. Une grosse partie de l’effort devrait d’abord porter sur la modernisation de notre système de distribution.
Si les coûts de la distribution de la presse en France se situent dans la moyenne européenne, la distribution n’y est cependant pas aussi efficace qu’on pourrait raisonnablement l’espérer. Je retiendrai, sur ce point, trois grands chantiers dans lesquels l’État s’est engagé à investir.
Le chef de l’État dit tout d’abord vouloir replacer le diffuseur au centre du circuit de distribution, afin d’en faire « un métier de vendeur » et non pas de « manutentionnaire des invendus », ce qui passe notamment par une revalorisation significative de sa rémunération. Celle-ci est censée s’accompagner du renforcement de l’aide à la modernisation de la diffusion et à l’informatisation du réseau des diffuseurs de presse, d’un montant de 11,3 millions d’euros dans le collectif budgétaire. Si cette mesure va apparemment dans le bon sens, je m’interroge sur ses modalités concrètes d’application : s’agit-il d’une aide financière à la formation continue, aux techniques du merchandising, aux investissements informatiques ? La mise en œuvre de cette aide fera-t-elle l’objet d’une évaluation ?
Devant la situation extrêmement précaire des diffuseurs de presse, le montant de cette aide exceptionnelle à la modernisation me semble encore très insuffisant. Il serait impératif d’aller au-delà d’un simple affichage dans la loi de finances rectificative et d’organiser le sursaut de la profession de diffuseur de presse dans la durée : cela passe obligatoirement, à mon sens, par un rééquilibrage du rapport de forces entre messageries, dépositaires et marchands de journaux.
Pour relancer la diffusion de la presse, a également été annoncée la mise en place d’une mission chargée de réfléchir aux obstacles à la création de nouveaux points de vente.
À cet égard, il faut, me semble-t-il, être moins timoré. C’est sur la lutte contre la disparition des magasins de presse en centre-ville – trois cent cinquante ont fermé ces deux dernières années – qu’il faut mettre l’accent. Une solution adaptée réside dans l’ouverture de kiosques : il est indispensable d’agir dans ce sens avec les maires, en mettant notamment l’accent sur l’animation commerciale.
Devant la lourdeur des procédures d’ouverture de kiosques, véritable gageure pouvant durer de un à trois ans, je m’interroge sur la volonté de faire avancer ce dossier, surtout s’il n’y a pas de réponse énergique. Quelle décision concrète l’État compte-t-il prendre pour accélérer le développement des magasins de presse de proximité ?
Enfin, la réforme de notre système de distribution devrait prendre en compte la situation actuelle, préjudiciable aux dépositaires indépendants et aux marchands de journaux, lesquels voient leur métier réduit à celui de simple manutentionnaire, responsable de la gestion des invendus. Il est impératif que cela se fasse dans le cadre de la loi Bichet et des équilibres voulus par le législateur de l’époque.
Il conviendrait de faire respecter les principes fondamentaux de la loi Bichet et d’articuler au mieux liberté de diffusion et égalité de traitement entre tous les titres dans le système coopératif.
Le président de l’Autorité de la concurrence est supposé formuler des propositions à ce sujet. Nous souhaitons connaître la date à laquelle ses conclusions seront rendues publiques et les pistes qui semblent d’ores et déjà se dégager.
Un autre chantier capital pour la sécurisation de l’avenir de la presse concerne la réhabilitation du métier de journaliste.
La déontologie est une préoccupation très ancienne des journalistes, et ces derniers n’ont pas attendu les états généraux pour réclamer la reconnaissance juridique de leur statut et des droits et devoirs qui s’y attachent.
Les états généraux sont tombés d’accord sur l’annexion d’un code de déontologie à la convention collective nationale de travail des journalistes. Il s’agit certes d’un pas en avant qu’il faut saluer, mais qui reste néanmoins insuffisant, car il laisse planer certaines incertitudes juridiques.
La sécurisation du statut des journalistes mérite en effet que l’on aille plus loin, notamment en matière législative. Je me félicite, en particulier, de la validation récente par le Conseil constitutionnel du fondement législatif donné, dans la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, à une disposition garantissant à « tout journaliste d’une société nationale de programme [...] le droit de refuser toute pression, de refuser de divulguer ses sources, de refuser de signer une émission ou une partie d’émission dont la forme ou le contenu auraient été modifiés à son insu ou contre sa volonté » et précisant : « Il ne peut être contraint à accepter un acte contraire à son intime conviction professionnelle. »
À mon sens, des normes déontologiques analogues pourraient très bien être consacrées par le législateur au profit des journalistes de presse. En effet, un certain nombre de garanties juridiques fondamentales ayant trait à l’exercice de la profession de journaliste doivent relever de la loi.
Je tiens, en outre, à souligner une proposition, écartée par les états généraux, mais mise en avant par les Assises du journalisme à l’occasion de leur édition spéciale du 20 janvier. Il s’agit de la reconnaissance juridique des rédactions. Le Président de la République avait repoussé cette option au motif qu’elle donnerait l’impression de vouloir maintenir à l’écart les éditeurs et les actionnaires de la conception de la ligne éditoriale d’un titre de presse, au risque de décourager d’éventuels investisseurs.
Or, face au climat de suspicion croissante qui pèse sur les relations entre le politique, les grands groupes industriels et les titres de presse, je pense au contraire que donner une identité aux équipes rédactionnelles constituerait un rempart contre les concentrations et contre les rachats par des groupes extérieurs à la presse. Les rédactions pourraient ainsi être consultées sur l’évolution de la structure du capital de leur publication afin de prévenir la valse incessante des responsables de rédaction consécutive aux changements de propriétaires et de préserver l’indépendance rédactionnelle. Cette proposition mériterait donc d’être plus longuement étudiée par notre commission, par notre assemblée et par le Gouvernement.
Enfin, à un moment où, sur Internet, chacun se plaît à s’imaginer journaliste et où les sites de communication en ligne tendent à banaliser l’information, émerge un véritable besoin de redéfinir le métier de journaliste et d’inscrire la production d’informations à caractère professionnel sur le web dans une démarche de certification. Cela passe par la reconnaissance juridique d’un statut de l’éditeur de presse en ligne, comme l’a dit M. le président de la commission.
Le scandale de l’interpellation de M. de Filippis a démontré la nécessité d’une clarification de la responsabilité d’un éditeur de presse pour des propos tenus par un lecteur sur le site Internet d’une publication. La « procédure pénale plus respectueuse des droits et de la dignité des personnes », réclamée à l’occasion par l’Élysée, se fait encore attendre.
Quelles suites comptez-vous donner, madame la ministre, à la question centrale du statut d’éditeur de presse en ligne ? Quel régime de responsabilité envisagez-vous pour l’éditeur de presse en ligne ?
En conclusion, je crois indispensable d’associer étroitement les parlementaires au processus de mise en œuvre et d’évaluation des recommandations des états généraux. C’est pourquoi je souhaite recevoir du Gouvernement l’assurance que nous serons régulièrement sollicités et consultés par le « Comité de suivi des états généraux », dont la mise en place a été annoncée le 23 janvier dernier. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, quel crédit accorder à des états généraux de la presse où la représentation des journalistes était réduite au minimum et où les quatre groupes de travail étaient présidés par des patrons de presse ? Des états généraux d’où les lecteurs ont été totalement absents, tout comme les associations de journalistes.
Il n’y a rien de surprenant à ce que, après avoir satisfait les patrons de l’audiovisuel privé, le Président de la République s’attache à répondre aux revendications des patrons de la presse.
Et les journalistes dans tout cela ? Car ce sont eux qui font l’information, le contenu du journal, et c’est bien le métier de journaliste qui est mis en question par la révolution numérique.
La seule mesure qui les concerne directement réside dans le remplacement du droit d’auteur lié à la publication par un droit lié à la durée d’exploitation. Ainsi les journalistes vont-ils se voir imposer, gratuitement, la polyvalence et la mise en commun des pages dans les groupes de presse. Il s’agit ici, de manière détournée, d’une cession de droit, même si cette cession est à durée déterminée. Or droit patrimonial et droit moral ne sont pas dissociables.
Ce simulacre de discussion a courageusement laissé de côté l’uniformisation de la presse et sa mise sous la tutelle de la rentabilité économique. Tout comme la commission Copé pour l’audiovisuel a été un leurre, les états généraux servent de vernis « légitimateur » aux revendications récurrentes des patrons de presse.
Nous sommes tous d’accord sur le constat : la publicité s’est détournée de l’information, la presse n’a plus les moyens de financer la production de l’information.
Nous nous trouvons face à une crise non seulement technologique et économique, largement accentuée par le contexte récent, mais également culturelle, voire sociologique. Les usages de la lecture et de l’information, en particulier par les jeunes, se sont complètement transformés.
Les états généraux de la presse, en se concentrant sur la diminution des coûts de fabrication et l’amélioration de la distribution, sont passés à côté du problème de fond. Mais, en deux mois, comment pouvait-il en être autrement ?
La tendance lourde qui se profile, c’est l’évolution vers l’information de masse, l’information rapide, faite par des précaires de l’information. On voit ainsi le triomphe des contenus interchangeables sur le net, comme les dépêches en continu sur les journaux du net et, à l’opposé, celui des blogs, qui sont essence même de la subjectivité et de l’opinion personnelle, le lieu, de fait, de positions très affirmées, face à des organes de presse aux lignes éditoriales perçues comme floues ou en perte de repères idéologiques.
Les blogs constituent également un relais d’informations peu ou pas retransmises par les médias traditionnels, et un lieu de confrontation de points de vue. D’ailleurs, la frontière entre blogs et organes de presse est elle-même floue puisque leur succès est tel que les journaux sont de plus en plus nombreux à intégrer des blogs sur leur site.
Internet a ainsi fait exploser nos modèles traditionnels d’intermédiation, en particulier celui des journalistes. Mais l’information peut-elle exister sans journaliste ? Est-ce toujours de l’information ou est-ce de la communication ? Or l’information n’est pas la communication. Si le journalisme évolue vers l’agrégation de contenus, cette évolution représentera un risque certain pour la démocratie.
Ces transformations posent la question du statut de l’intermédiation et, en contrepoint, celle de la qualité, de la légitimité, voire de la défiance à l’égard des contenus développés par la société civile.
Pour certains observateurs, ou même certains journalistes, Internet permet à toute une communauté qui ne se sent représentée ni par ses élites politiques ni par le milieu journalistique de s’exprimer.
Le Net constituerait, de fait, un moyen de revanche des classes moyennes en voie de déclassement et des professions intellectuelles en voie de marginalisation, par rapport au pouvoir économique, dans le cadre d’une lutte de classes sociales pour le pouvoir de médiation. Le radicalisme critique de la blogosphère contre l’establishment, qu’il soit politique, économique ou intellectuel, irait bien dans le sens de cette interprétation.
La question de la collecte de l’information est également posée. Jusqu’à maintenant, elle était structurée autour de grands organes de presse, de grands quotidiens. Or, peu à peu, les bureaux à l’étranger ferment, les correspondants sont rapatriés.
Il s’agit d’un mouvement généralisé : presse, radio, télévision, tous les médias sont touchés et, avec la crise généralisée, ce sont même des grands quotidiens reconnus internationalement qui risquent de mettre la clé sous la porte.
Malgré l’explosion du web à l’échelon planétaire, tous les pays ne sont pas couverts par Internet. Ils sont d’ailleurs beaucoup moins nombreux à l’être par Internet que par la presse écrite. C’est à un risque d’une réduction de la couverture des événements que nous sommes collectivement confrontés.
Dans ce contexte, nous sommes très inquiets pour l’avenir de l’AFP, seule agence de presse francophone à l’international. Là encore, c’est le désengagement de l’État qui se profile à l’horizon, avec le serpent de mer de la capitalisation de l’AFP. À cet égard, l’appel des enseignants-chercheurs à soutenir l’AFP n’est pas anodin.
Personnellement, j’acquiesce à la vision développée par ces universitaires, que je tiens à citer ici : « Leur combat est le nôtre, car il s’agit du même combat fondamental pour l’indépendance de ceux que l’on appelle aujourd’hui les travailleurs du savoir et de l’information. La garantie de l’indépendance des universitaires constitue un principe fondamental reconnu par les lois de la République. Une loi de 1957 garantit l’indépendance de l’AFP à l’égard des pouvoirs publics et de tout autre “groupement idéologique, politique ou économique”. »
« Leur combat est le nôtre, parce que la mission de l’AFP est définie par la loi comme celle “de rechercher tant en France qu’à l’étranger les éléments d’une information complète et objective”. Comme nous, les journalistes défendent le pluralisme, le souci de la vérité et le droit, pour tous les citoyens, d’accéder librement à une connaissance et à une information les plus objectives possible.
« Ce combat est le combat contre le renoncement à l’ambition au profit de la réussite gestionnaire immédiate, contre le renoncement à la création et à la diversité au profit de la standardisation et de la banalisation par le marché, contre le renoncement à l’indépendance au profit de la privatisation du financement et au contrôle par des groupes industriels ou financiers privés. »
Nous sommes toujours dans la même lignée : le mépris avéré du Président de la République pour l’indépendance, que ce soit celle des chercheurs, celle des magistrats ou celle des journalistes. (Murmures sur les travées de l’UMP.)
L’un des enjeux, à l’ère numérique, réside dans la construction d’une nouvelle économie de l’information, qui ne soit pas inféodée à l’industrie des télécommunications, qui ne soit pas non plus fondée sur une production individualisée – et donc forcément précarisée – de l’information.
À ce titre, la mainmise de Google sur le Net mondial, en position dominante tant dans la distribution d’informations qu’en tant que régie publicitaire, ce qui lui permet de contrôler la fixation des prix, n’aurait pas été tolérée dans l’économie traditionnelle. En France, 85 % des sessions sur Internet incluent l’utilisation du moteur de recherche Google, et celui-ci capte 90 % de la valeur de la publicité à ciblage contextuel.
Internet permettra-t-il de développer une valeur ajoutée suffisante pour financer une industrie de la presse, alors que c’est aujourd’hui le modèle strictement publicitaire, fondé sur le seul audimat, qui prédomine ? Or le revenu publicitaire fourni chaque année par un visiteur unique mensuel varie de 1 à 3 euros, contre 20 à 60 euros pour un lecteur de presse écrite.
Nous sommes en pleine période de tâtonnement sur Internet, avec la coexistence de modèles gratuits et payants. Certains plaident pour la fusion des rédactions papier et web, d’autres pour la solution inverse.
Dans ce nouveau modèle économique, la question de la constitution d’un pôle public de l’information sur le net autour de l’AFP, France télévisions, Radio France, l’Institut national de l’audiovisuel, Arte, les chaînes parlementaires et l’audiovisuel extérieur doit être posée, notamment parce que l’information est de plus en plus mobile et nomade : pensons simplement à l’actualité par envoi de SMS. Tous les secteurs d’information perdent de l’audience, sauf Internet.
Pour le papier, même la presse gratuite n’a pas trouvé les clés d’un nouveau modèle économique puisque les budgets publicitaires sont les premiers touchés en période de crise. Or ils n’ont pas d’autre source de revenus.
Autre sujet essentiel peu ou pas abordé dans les états généraux : la perte de crédibilité de la presse écrite. Elle vient en partie de ce que la presse appartient de plus en plus à des grands groupes industriels, qui contrôlent le pouvoir économique et sont en connivence étroite avec le pouvoir politique. Le club présidentiel du Fouquet’s en est une fameuse illustration. (Nouveaux murmures sur les mêmes travées.)
Je pourrais citer également les explications de M. Serge Dassault à son rachat de L’Express et du Figaro : un journal « permet de faire passer un certain nombre d’idées saines ». Il faudrait y ajouter, dans un autre registre, les fausses affaires médiatiques, telles que l’agression imaginaire du RER D ou l’affaire du bagagiste d’Orly, ainsi que le traitement médiatique de l’affaire d’Outreau.
Nos concitoyens prennent de plus en plus de distance avec le journalisme de complaisance, dont la récente émission télévisée du Président de la République, simulacre d’interview, constitue une parfaite illustration.
Dans cette perspective, l’idée qu’une partie de la presse attende des pouvoirs publics sa planche de salut laisse planer quelques interrogations.
Quant au fait que les pouvoirs publics – ou plus précisément le Président de la République – aient tranché, seuls, l’issue des propositions des états généraux, il constitue assurément une preuve de plus de l’allégeance des médias au pouvoir présidentiel, alors que la révolution de la presse doit venir des éditeurs et des journalistes eux-mêmes.
Ainsi a-t-on vu M. Nicolas Sarkozy, après avoir annoncé que les dépenses de communication institutionnelle réservées à la presse écrite seraient doublées, ironiser, sourire aux lèvres, avec un « J’espère que personne n’y verra d’atteinte à son indépendance… » Bien sûr, chacun sait qu’un média peut tout à fait critiquer librement un annonceur sans que cela porte à conséquence !
Si ces états généraux de la presse ont émis des propositions précises sur le numérique, telles que le statut des éditeurs de presse en ligne, il n’en a pas été de même pour la presse papier. Le risque serait de vouloir tout miser sur le numérique et de retarder encore la réinvention de cette presse papier, faute de véritable impulsion.
Le pire a été évité : pour une fois, Nicolas Sarkozy ne s’est pas livré à une partie de « chamboule-tout » !
Une seule demande des syndicats de journalistes a été retenue : l’inclusion d’un code de déontologie à la convention collective nationale de travail des journalistes.
Mais rien sur les pigistes, les plus fragiles de la profession, ni sur l’indépendance des équipes rédactionnelles, dans un contexte économique où les journaux appartiennent à des groupes industriels qui n’ont rien à voir avec la presse, mais vivent de la commande publique.
Actuellement, le pouvoir politique ne conçoit l’information qu’au service de sa propre communication. Pourtant, l’indépendance rédactionnelle représenterait un signal fort à l’intention du public contre la relation de méfiance vis-à-vis des journalistes. en tout cas, à défaut de cette indépendance, il serait vain d’attendre une amélioration de la qualité du contenu.
Rien non plus sur le conditionnement des aides à la presse à des critères sociaux et éditoriaux.
Au final, ce qui ressort du discours de M. le Président de la République, c’est bien l’écart flagrant entre l’enjeu : sauver la presse écrite, comme il l’a lui-même indiqué en introduction, et le catalogue de petites mesures, parfois discutables, qui, en tout cas, restent bien en deçà du défi à relever.
Le pire a été évité, mais il n’est jamais écarté définitivement. C’est pourquoi nous serons particulièrement vigilants quant à la traduction législative des états généraux de la presse. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs années déjà, la presse écrite française est en crise, crise que l’on peut qualifier de structurelle et que l’actuelle situation économique ne fait bien sûr qu’aggraver. Tous les titres de la presse quotidienne d’information politique, pris en ciseaux entre une baisse continue des recettes et le maintien de coûts de production élevés, sont confrontés à des difficultés aiguës.
Les états généraux de la presse qui se sont tenus ces derniers mois ont été une bonne chose. Ils avaient pour objectif d’apporter des réponses aux problèmes économiques que rencontre aujourd’hui la presse écrite, notamment face au développement de l’information sur Internet et des journaux gratuits. Soulignant qu’il s’agissait de la pire crise à laquelle la presse écrite ait jamais été confrontée, les cent cinquante membres des états généraux, dont il faut d’ailleurs saluer le travail collectif, ont adopté quatre-vingt-dix propositions susceptibles de redynamiser le secteur.
Le 23 janvier dernier, le Président de la République a présenté les mesures de soutien qu’il a retenues parmi les quatre-vingt-dix qui avaient été préconisées. L’aide que l’État consentira représente un total de 200 millions d’euros par an pendant trois ans ; elle sera répartie entre le soutien aux marchands de journaux et au portage à domicile, et l’abonnement gratuit de chaque jeune Français à un quotidien de son choix pendant l’année de ses dix-huit ans.
Par ailleurs, un statut d’éditeur de presse en ligne sera créé, et l’aide de l’État au développement des journaux sur Internet augmentera. A été également annoncée une évolution du régime des droits d’auteur des journalistes, qui sera adapté à l’ère numérique ; cela me semble tout à fait indispensable, tant pour les journalistes que pour les photographes. Un amendement allant en ce sens a d’ailleurs été déposé à l’Assemblée nationale lors de l’examen du projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet.
Enfin, il est prévu d’expérimenter pendant six mois, mais sans toucher à la loi Bichet, des formes alternatives de distribution, par exemple la distribution des quotidiens nationaux par le réseau de la presse régionale, ou la distribution par les éditeurs eux-mêmes de leurs titres dans des enseignes spécialisées.
Avant d’approfondir ces propositions, madame la ministre, je souhaite rappeler l’attachement des sénateurs centristes à une presse indépendante et de qualité. Celle-ci joue en effet un rôle déterminant dans la construction de l’opinion publique, dans l’exercice de notre démocratie. Elle est en tout cas nécessaire à l’émergence d’une culture commune partagée.
C’est pour cela qu’elle doit être pluraliste, vivante, dynamique, indépendante, pour cela qu’elle doit vivre de ses propres moyens, pour cela qu’elle doit reposer sur des rédactions fortes, pour cela également qu’il faut se préoccuper de l’écart croissant entre ceux qui lisent régulièrement la presse et ceux qui la lisent peu.
Le diagnostic de la crise de la presse est connu depuis fort longtemps : investissements trop faibles, offre éditoriale inadaptée, baisse de la diffusion, vieillissement du lectorat, diminution du nombre des points de vente, déclin des recettes publicitaires, fuite des petites annonces vers le Net, qui est un média global, interactif et gratuit, et, par voie de conséquence, pertes d’exploitation.
Notre ancien collègue Louis de Broissia avait établi dans un rapport sur la crise de la presse quotidienne d’information un constat particulièrement préoccupant quant à l’érosion du lectorat de la presse écrite payante. Alors qu’il est 31e à l’échelle mondiale, notre pays ne se classe qu’au 12e rang européen pour la diffusion des quotidiens, avec moins de 160 exemplaires diffusés pour 1 000 habitants.
Or la situation morose de la diffusion de la presse quotidienne payante contraste avec la bonne santé affichée par la presse gratuite. Il s’agit donc non pas d’une diminution de la demande d’information, mais bien plutôt de la crise d’un modèle.
Pour sortir de cette crise, il est à mon sens indispensable de rationaliser les coûts de production, et ce à tous les niveaux de la chaîne. Agir seulement sur les coûts d’impression, qui, il est vrai, sont les plus élevés d’Europe, ne sera pas suffisant.
Il est en outre essentiel de mieux prendre en compte les besoins nouveaux de qualification : l’accent doit être tout particulièrement mis sur les efforts de formation des personnels de fabrication de la presse, afin de leur permettre de s’adapter au nouvel environnement numérique.
Il est également indispensable de développer de nouveaux modes de diffusion. La presse gratuite, qui bénéficie massivement du portage, est très facilement accessible à ses lecteurs. Au contraire, la presse quotidienne payante l’est bien moins. C’est pourquoi il nous semble nécessaire de poursuivre les initiatives actuellement en cours dans le cadre du plan Défi 2010 et de les encourager.
Le Président de la République a affirmé sa volonté de « mettre le diffuseur au centre de tout » en changeant ses conditions de travail, en développant l’assortiment et en plafonnant les invendus, mais aussi en développant le réseau sous toutes ses formes. Ces propositions répondent en grande partie au problème de l’accessibilité de la presse, mais elles doivent s’accompagner d’une réflexion sur le portage.
Notre collègue souligne dans son rapport budgétaire pour 2009 qu’il est indispensable que soit menée une réflexion sur la revalorisation du métier de porteur, notamment sur l’opportunité de sa transformation en service à la personne. Le système actuel d’aide au portage, insuffisamment incitatif, mériterait d’être rénové en vue de stimuler et de viabiliser des réseaux de portage multi-titres, dans lesquels d’autres acteurs du secteur de la presse ont peut-être vocation à être intégrés, notamment la presse magazine.
Une partie de la réponse à la crise de la presse payante réside aussi, à l’évidence, dans le renouvellement de l’offre éditoriale. Dans un contexte de concurrence accrue en matière de diffusion de l’information de la part d’Internet ou des chaînes d’information en continu, il appartient assurément à nos quotidiens non seulement de se montrer plus réactifs, mais également de mettre en évidence leur valeur ajoutée, à savoir, au-delà du simple exposé de l’actualité brute, une analyse critique des faits.
Cette réflexion sur les contenus, sur l’éthique du métier, sur le traitement de l’information comme sur le fonctionnement et les pratiques des rédactions est primordiale pour restaurer le lien de confiance entre la presse et ses lecteurs, ceux-ci jugeant trop souvent celle-là négative, pour ne pas dire catastrophiste.
Cela passe notamment par le renforcement de la formation initiale et continue : une grande avancée des états généraux de la presse a été l’apparition d’une quasi-unanimité autour de l’idée d’une formation minimale obligatoire aux spécificités de la profession – notamment droit et éthique – dans les deux premières années d’exercice. Il est indispensable de la mettre en œuvre rapidement.
À l’évidence, il faut investir dans les nouveaux supports, comme Internet, car il n’y a d’avenir que dans le bimédia. Le passage de la presse écrite payante au monde du numérique n’implique pas que celle-ci se conforme aux codes de lecture déjà en vigueur sur la toile ; bien au contraire, elle doit investir Internet pour y diffuser sa propre identité. Afin de se distinguer des autres sites à caractère informatif, tels que les blogs, la presse écrite en ligne a vocation à s’inscrire dans une démarche de certification permettant aux lecteurs de faire la différence entre une information de qualité, à caractère professionnel, et les autres sources d’information.
Enfin, il est absolument nécessaire de sensibiliser les jeunes générations à la lecture de la presse écrite. Je salue l’initiative, madame la ministre, qui consiste à abonner chaque jeune Français à un quotidien l’année de ses dix-huit ans, même si, comme l’a exposé notre collègue Jacques Legendre, l’efficacité d’une telle mesure suppose qu’on étudie de près les modalités.
Cette mesure pourrait s’accompagner d’autres visant à rapprocher la presse quotidienne de ses futurs lecteurs en garantissant le libre accès des quotidiens aux classes de collège et en favorisant l’installation de points de vente dans les lycées, comme le préconisait d’ailleurs la commission des affaires culturelles dans son rapport sur la presse quotidienne d’information. De même, les enseignants doivent être encouragés à dispenser une formation critique aux médias.
En tout état de cause, il nous semble important de remettre le citoyen, en particulier le jeune citoyen, au centre de l’enjeu démocratique que représente la presse. Car, selon la célèbre formule, « la liberté de la presse n’est pas un privilège des journalistes, mais un droit des citoyens ». (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs années, la presse écrite se porte très mal, en particulier la presse quotidienne d’information, dont la presse dite « d’opinion ». Comme si toute presse n’était pas d’opinion !
Ce phénomène concerne l’ensemble de la presse occidentale, y compris celle des États-Unis, où l’on a enregistré ces dernières semaines des faillites et des fermetures en cascade. La crise économique et financière mondiale qui touche tous les secteurs ne fait qu’aggraver la situation de la presse écrite, dont beaucoup de titres sont en réel danger de mort.
Si la presse écrite est profondément menacée, les journaux en ligne eux-mêmes ont du mal à exister. Il serait paradoxal que la révolution « informationnelle », comme on la qualifie, aboutisse à la « mal-info », à un recul du pluralisme et, par conséquent, de la démocratie. L’avenir de la presse écrite constitue bien un enjeu de société crucial, d’autant qu’elle remplit une fonction civique essentielle. Elle demeure un média indispensable à la vie et à l’échange des idées.
Dans un contexte de poussée des intégrismes et des obscurantismes, la défense du pluralisme, de la diversité des points de vue, impose une intervention publique résolue et un meilleur accompagnement des mutations en cours, d’autant qu’il s’agit de surcroît d’un secteur économique important.
Face à la gravité de cette crise, qui frappe de plein fouet de nombreux titres de notre pays, il faut agir dès maintenant et anticiper l’avenir.
Les problèmes structurels sont bien connus : vieillissement du lectorat, baisse de la diffusion payée, augmentation des coûts de fabrication et du prix du papier, points de vente en nombre insuffisant, migration de la « pub » vers le web, faiblesse du portage à domicile, perte de confiance des lecteurs, effondrement du marché des petites annonces, concurrence des gratuits, absorption-disparition de nombreux titres locaux ou départementaux, modification des modes de vie…
À ces problèmes structurels s’ajoutent des difficultés conjoncturelles liées à la crise financière et économique mondiale, qui n’épargne aucun secteur. Quand la crise s’ajoute à la crise, ce n’est pas jouer les Cassandre que d’annoncer l’acte de décès de nombreuses entreprises de presse si aucune mesure urgente n’est prise !
C’est l’un des mérites des états généraux de la presse écrite que d’avoir mis en évidence l’urgente nécessité d’apporter promptement des réponses concrètes à la presse écrite, qui est sous perfusion. Le Livre vert qui présente leurs recommandations met l’accent sur une aide exceptionnelle d’urgence en faveur de la presse écrite d’information générale. Car, avant d’envisager toute stratégie de renforcement du réseau de distribution, certes capital, et de développement des journaux, dans le respect de leur pluralisme, il est indispensable en premier lieu de leur permettre simplement… d’exister ! Aller au chevet d’une presse en souffrance ne suffit pas : il faut un traitement de choc, qui passe par ce soutien financier exceptionnel. C’est une question de vie ou de mort pour nombre de titres. Demain, il sera trop tard.
Il existe un précédent, madame la ministre. En 1993, dans une situation moins alarmante pour la presse, le gouvernement de l’époque avait déjà décidé d’une telle aide en faveur de la presse nationale et locale d’information politique et générale dans le but de compenser les effets de la récession économique qui sévissait alors.
Par ailleurs, de la même façon qu’il a décidé de venir à la rescousse des banques et de certains secteurs économiques en danger, l’État se doit d’apporter un secours financier d’urgence à la presse écrite. C’est, je le répète, une question vitale pour de nombreux titres, donc pour le pluralisme de la presse. C’est un enjeu démocratique. Et parce qu’il n’y a pas de société ni d’esprit libres sans pluralisme, l’État doit s’emparer résolument de cet enjeu et en faire une véritable priorité politique nationale.
Quelques mesures positives ont été retenues par le Président de la République, comme le moratoire sur l’augmentation des tarifs postaux, l’amélioration de la rémunération des marchands de journaux, la création d’un statut d’éditeur en ligne, le développement des points de vente et du portage à domicile, afin que ce soit le journal qui aille au lecteur et non l’inverse. Cela représente 150 millions d’euros en mesures diverses.
Je me permets de rappeler, madame la ministre, que la réforme du code des marchés publics met en cause les recettes issues de la publicité légale, qui vont diminuer d’autant les interventions de l’État.
D’autres mesures seront mises en chantier, comme la défiscalisation des dons.
Mais toutes ces mesures n’ont de sens que si l’on sauve d’abord les journaux. Une aide financière immédiate et exceptionnelle est en effet indispensable à certains titres pour traverser la tourmente et ne pas disparaître
Nos concitoyens sont conscients de ces enjeux et tiennent à l’existence d’une presse pluraliste, et qui soit à l’abri des aléas du marché et de la rentabilité. Il n’y a qu’à voir avec quel élan nombre d’entre eux, même s’ils n’en sont pas lecteurs, ont volé au secours de Politis, de La Croix, de L’Humanité hier, de Témoignage chrétien aujourd’hui, et manifesté leur solidarité au journal Libération, par exemple.
Dans une société en panne de repères, plus l’info low cost – vous excuserez l’anglicisme, monsieur le président de la commission – se développe sous couvert de modernité, plus nous avons besoin de la rigueur d’analyse, de la distance critique, de la pertinence comme de l’impertinence de la presse d’opinion. C’est pourquoi, si l’on veut la sortir de la situation périlleuse dans laquelle elle se trouve, on ne peut plus la considérer uniquement sous l’angle d’une activité marchande ni s’en remettre au caprice d’actionnaires dont le seul credo est la rentabilité financière. D’ailleurs, l’information étant devenue une activité de plus en plus déficitaire, elle ne les attire plus guère, ce qui n’est qu’un moindre mal dans la mesure où l’actionnariat alimente à juste titre les soupçons d’interventionnisme sur les contenus, renforçant la méfiance des citoyens.
Différentes formules sont actuellement expérimentées sur le Net, où la gratuité perçue comme une norme quasi consubstantielle complique singulièrement l’émergence de modèles économiquement viables.
Les sites des journaux nationaux en ligne attirent de plus en plus d’internautes et le lectorat global est nettement plus important qu’il y a quelques années. Le problème, c’est que ce succès d’audience ne se traduit pas en succès financier, car la publicité ne suit pas, pas plus que le lecteur payant.
À mon sens, l’avenir est non pas le papier ou Internet, mais l’un et l’autre : ils sont complémentaires. Le défi de la concurrence technique ne conduit pas inéluctablement à l’enterrement du support papier.
Mais, sans ressources suffisantes, comment continuer à faire vivre une presse quotidienne d’information de qualité, quel que soit le support ? Les recettes publicitaires, qui constituaient un apport déterminant à l’équilibre financier des journaux, n’en finissent pas de s’écrouler de façon vertigineuse. De fait, aucun site d’information ne parvient à vivre uniquement de la publicité, et les recettes évoluent à la baisse. Or cela ne va pas s’améliorer à l’avenir.
Google News, site d’information sans journalistes qui puise gratuitement dans 5 000 sites d’information, dont 500 sites francophones, vient de décider d’ouvrir son site américain aux annonceurs sans partager ses gains avec les éditeurs de journaux qui lui fournissent pourtant les contenus. Qui peut croire que Google ne va pas étendre cette expérience à la France ? C’est un nouveau coup qui va encore affaiblir la presse.
Il est inquiétant de constater que les moteurs de recherche vampirisent littéralement le marché publicitaire attiré par l’efficacité des publicités ciblées que permet le profilage des goûts et des préférences. À propos des moteurs de recherche, de Google en particulier, on peut vraiment parler de nouveau monopole et d’un abus de position dominante tout à fait condamnable.
Si le diagnostic de la situation de la presse est aujourd’hui bien posé, les remèdes sont des plus incertains. Ils s’apparentent davantage à des stratégies de survie. En d’autres termes, il est temps de repenser le modèle économique de la presse de contenu, qui est bien loin de n’être qu’une activité marchande, et de tendre vers un service d’utilité publique, comme le préconise ce grand philosophe et sociologue qu’est Jürgen Habermas. N’est-ce pas légitime dans la mesure où cette activité constitue un pilier majeur non seulement de la démocratie, mais aussi de notre civilisation ?
Face au flux incessant de l’« info », fondé sur l’immédiateté et invitant à un présent permanent sans recul, notre société a de plus en plus besoin d’informations hiérarchisées et pertinentes, fiables et vérifiées, complètes et objectives, exigeantes sur l’éthique et la déontologie journalistique.
C’est une piste qu’évoque un homme comme Bernard Poulet, rédacteur en chef à L’Expansion, dans son dernier ouvrage, La fin des journaux, excellent livre, écrit par un excellent journaliste: « Il existe des services publics de l’éducation ou de la santé, pourquoi ne pas imaginer un service public de l’information, indépendant des pouvoirs politiques ?» Je partage son opinion. En effet, une société démocratique ne peut pas se .passer du pluralisme de l’information. Et, comme les deux piliers des ressources de la presse s’assèchent avec des ventes qui s’érodent et des recettes publicitaires qui fondent inexorablement, il est temps d’explorer de nouvelles voies.
Aux États-Unis, dans un contexte de financement public différent, fondé sur les donations et l’exonération fiscale des dons qu’ils proviennent des entreprises ou des particuliers, l’expert Michael Schmidt proposait récemment dans le New York Times que les journaux deviennent « comme les universités, des institutions à but non lucratif soutenues par les donateurs ». Ainsi, les Américains eux-mêmes réfléchissent de plus en plus à un journalisme de « non-profit », soustrait à. l’économie de marché.
La meilleure arme de la presse, à l’évidence, c’est la qualité des contenus, les articles qui creusent les sujets, les enquêtes approfondies, les analyses différenciées, les bureaux de correspondants à l’étranger, ce qui suppose de recourir à de nombreux journalistes professionnels. Le métier de journaliste est plus que jamais indispensable, car, face à la masse d’informations disponibles, nous avons besoin de journalistes expérimentés, qui trient, décryptent et surtout donnent du sens.
Malheureusement, à la suite de nombreux plans de rigueur, les rédactions sont de plus en plus resserrées et les licenciements se poursuivent, entraînant une baisse de qualité qui entraîne à son tour la fuite des lecteurs…
L’idée d’un service public s’appuyant sur des critères de qualité et puisant à de multiples sources n’est-elle pas la meilleure solution pour prévenir la mort des quotidiens nationaux et celle du pluralisme ? Il s’agit non pas, bien évidemment, de créer une presse d’État, contraire à l’indépendance des journaux, mais un service public contrôlé par le Parlement et les lecteurs-citoyens. La reconnaissance juridique des rédactions garantirait cette indépendance.
Dès lors, il est particulièrement incompréhensible de chercher à privatiser l’Agence France-Presse, présente en continu pour informer en six langues des centaines de journaux, de télés, de radios, de sites internet, d’institutions, de dirigeants, de décideurs. Le Gouvernement souhaite en effet ouvrir son capital et remettre en cause son statut, celui-là même qui lui garantit l’indépendance rédactionnelle qui fait son succès.
Alors que l’information est plus que jamais stratégique dans l’ensemble de nos sociétés, l’AFP est incontestablement l’un des plus remarquables fleurons planétaires au service du droit de savoir des citoyens.
Dans le contexte actuel de concurrence acharnée, il est indispensable de conforter l’AFP dans sa position de troisième agence mondiale et de renforcer son rayonnement international. Sauvegardons son statut actuel : il est indispensable pour affronter la crise de la presse.
La représentation nationale a le devoir civique et éthique de donner un véritable avenir à la presse quotidienne d’information ainsi qu’à son pluralisme, dont l’État est le garant. Le financement public de services publics de l’information est bien une réponse pertinente à la crise actuelle, qui va être fatale à de nombreux titres dans leur diversité. L’information est un besoin et une nécessité à la vie en société comme à la vie démocratique.
Cela dit, il est aussi très important de travailler à faire renaître le plaisir de lire ce papier, qui noircit les doigts mais éclaire la réflexion. Comment redonner goût au bon vieux journal, perpétuer le rite de sa lecture gourmande ? Bien sûr, accorder un abonnement gratuit à un quotidien de leur choix à tous les jeunes de dix-huit ans est une excellente mesure. Mais, pour leur donner le goût du pluralisme, n’est-il pas préférable de leur faire découvrir une plus large palette de la presse écrite et de les encourager à fréquenter les lieux de vente pour mieux expérimenter les différentes offres ?
Ne faut-il pas viser plus loin, et plus tôt, en s’inspirant par exemple de la semaine de la presse à l’école, instaurée par le ministère de l’éducation nationale, avec le soutien des professionnels de la presse écrite ? Les journaux sont de formidables réserves de matière première pour l’enseignement du français, de l’histoire, de l’économie…
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. C’est vrai !
M. Ivan Renar. La formation à la lecture de la presse, de l’école à l’université, n’est-elle pas la meilleure pédagogie de la citoyenneté ?
Le nombre et la fonction des documentalistes devraient être renforcés dans les collèges et les lycées.
De plus, il est indispensable de dispenser également une formation critique aux médias, comme il y a une éducation à l’image à partir du cinéma et de la télévision. Toutes les expériences et les pratiques ont été positives dans ce domaine.
Les défis auxquels est confrontée la presse écrite, en particulier la presse d’opinion, sont bien l’affaire de toute la société et conditionnent son avenir. Chaque fois qu’un journal disparaît, c’est un morceau de démocratie qui meurt. On ne rappellera jamais assez que « la liberté de la presse est non pas un privilège des journalistes, mais un droit des citoyens ».
Comment le monde peut-il comprendre son époque et s’appréhender lui-même sans le miroir que lui fournit le journalisme d’information ? Sans presse de qualité forte et diversifiée, c’est toute la société et la démocratie qui vont s’appauvrir. D’où la nécessité de créer les conditions d’un large débat populaire et citoyen afin de valoriser l’intelligence collective au service de l’émancipation humaine.
En un mot, mes chers collègues, la véritable ambition n’est-elle pas de remettre le citoyen au cœur de l’enjeu démocratique que représente la presse ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je me réjouis que nous ouvrions cette semaine sénatoriale de contrôle de l’action du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques, en application de notre nouvel ordre du jour, par un débat sur l’avenir de la presse.
Ce sujet revêt une importance particulière non seulement sur le plan démocratique, parce que nos concitoyens doivent bénéficier d’une information complète, indépendante et pluraliste, mais également sur le plan économique, car il s’agit d’assurer la survie d’un secteur aujourd’hui en péril.
Notre commission des affaires culturelles a depuis longtemps engagé une réflexion sur le sujet, lui consacrant de nombreuses auditions, et un groupe de travail a présenté un rapport sénatorial faisant aujourd’hui référence, le rapport d’information de notre ancien collègue Louis de Broissia, au titre éloquent : « Presse quotidienne d’information : chronique d’une mort annoncée ? »
Je souhaiterais, avant d’évoquer le plan d’aide à la presse présenté par le Président de la République, situer le contexte de la crise.
Bien que la presse totalise 35 % des parts de la publicité globale en France, les annonceurs se tournent de plus en plus vers l’audiovisuel ou Internet.
La presse quotidienne payante est de plus en plus concurrencée par les succès de l’information en ligne et de la presse gratuite, deux médias qui la rendent chaque jour moins indispensable aux yeux des lecteurs.
Dans le monde entier se pose la question de l’avenir de la presse d’information.
Toutefois, si la crise est mondiale, il existe un retard propre à la France, qui s’explique par la réunion de plusieurs facteurs : le manque d’adaptation du réseau de distribution, activité très déficitaire, la disparition de nombreux points de vente et le coût élevé des frais de production. Les coûts d’impression, de papier et de distribution sont parmi les plus élevés du monde occidental.
Les quotidiens français figurent à la cinquante-huitième place mondiale et à la vingtième place européenne quant à la diffusion pour 1 000 habitants. L’Europe de la presse quotidienne est dominée par deux grandes puissances : l’Allemagne, avec 24 millions d’exemplaires par jour, et le Royaume-Uni, avec plus de 16 millions d’exemplaires. La France vient loin derrière, avec seulement 8 millions d’exemplaires.
Si une étude parue dans Le Monde d’hier révèle une augmentation des ventes des quotidiens français en 2008, il faut relativiser ces données, car les ventes enregistrent une baisse de 15 % depuis le début de l’année, en raison de la crise.
La presse française est devenue la plus chère d’Europe. Signe d’un dispositif vieillissant, le prix des quotidiens augmente plus vite que la moyenne des prix à la consommation. Cette augmentation des prix entraîne la désaffection du public populaire, plus sensible au prix de vente, mais aussi du public le plus jeune, alors que c’est lui qui forme le lectorat du futur.
Un autre problème majeur est celui des invendus qui engorgent les points de vente. Le Livre vert issu des états généraux de la presse écrite relève qu’il n’est plus soutenable de produire et transporter à un prix plus élevé que partout ailleurs en Europe, puis de détruire 40 %, voire parfois 90 % de la production invendue.
La presse française aborde donc l’actuelle crise économique avec des handicaps structurels connus depuis longtemps, mais jamais résolus.
Les états généraux de la presse écrite ont permis une concertation exemplaire du monde de la presse, avec l’ensemble des éditeurs, des techniciens et des journalistes.
Le Plan qui en est issu, annoncé par le Président de la République le 23 janvier dernier, présente tout d’abord des mesures d’urgence destinées à compenser les effets immédiats de la crise : report d’un an de l’augmentation des tarifs postaux pour la presse et doublement des dépenses de communication de l’État dans la presse écrite. Je ne citerai pas l’ensemble des mesures envisagées par le plan, car vous serez sans doute amenée à les décrire tout à l’heure, madame le ministre. Je souhaite simplement souligner que le Gouvernement a su cibler les priorités.
Le plan s’attaque aux racines du mal : les coûts excessifs de fabrication et de distribution, avec une augmentation importante de l’aide directe au portage, qui passe de 8 millions à 70 millions d’euros, la suppression des charges sociales patronales pour tous les porteurs rémunérés au SMIC, le développement des points de vente, la revalorisation du métier de diffuseur.
Le développement de la presse en ligne est favorisé, car, ainsi que l’a souligné le chef de l’État, « si la presse ne prend pas le virage d’internet, elle n’aura aucune réponse à offrir aux générations natives du numérique ». D’où la création d’un statut d’éditeur de presse en ligne et l’adaptation du régime des droits d’auteur.
La crise est aussi une crise de fond sur la maîtrise de l’innovation, de la recherche et du développement. Pourriez-vous, madame le ministre, nous parler des actions que vous comptez entreprendre en ce domaine ? Quels sont les moyens dont peut disposer le ministère de la culture pour favoriser la mise en place d’une plateforme nationale de recherche sur les médias ?
Il est également important d’encourager la lecture de la presse chez les jeunes. Il ressort de diverses études que ceux-ci lisent très peu la presse en général, mais pensent néanmoins qu’elle est le média le plus utile pour « comprendre le monde ». On peut espérer que la décision d’offrir à tout jeune de dix-huit ans un abonnement gratuit à un quotidien de son choix retiendra l’attention des jeunes. Je souhaiterais savoir, madame le ministre, si vous envisagez d’autres mesures pour encourager ce lectorat ?
Pourriez-vous, d’autre part, nous indiquer le calendrier que vous allez mettre en place pour l’ensemble des réformes ?
Je tiens enfin à souligner que l’aide consentie par l’État est particulièrement importante : elle représente un total de 200 millions d’euros par an pendant trois ans. Cette aide est conditionnée aux réformes profondes du secteur, que les acteurs devront eux-mêmes mener à bien.
En effet, si l’État a dégagé une série de propositions, l’essentiel dépend de la presse elle-même. L’offre éditoriale doit ainsi s’adapter aux besoins et aux souhaits de ses lecteurs. Entre le minimum informatif des gratuits et la galaxie d’informations personnalisées d’Internet, l’offre des quotidiens payants devra se renouveler pour démontrer son originalité.
Le chemin est encore long, mais l’élan est aujourd’hui donné. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants, avant qu’il nous soit donné lecture d’une déclaration du Gouvernement relative à la politique étrangère.
Le débat sur l’avenir de la presse reprendra à la suite de cette lecture.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures vingt.)
M. le président. La séance est reprise.
7
Rappels au règlement
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, mon rappel au règlement a trait à l’événement, somme toute assez étonnant, qui va avoir lieu dans quelques instants au Parlement.
Tandis que les députés sont invités à se prononcer sur une déclaration du Gouvernement relative à la politique étrangère, celui-ci ne voyant pas d’autre moyen pour rallier une majorité autour de sa proposition tendant à ce que notre patrie retourne dans le commandement intégré de l’OTAN, les sénateurs sont, quant à eux, invités à écouter la lecture de cette déclaration, avant de vaquer à des occupations autres que celles qui leur ont été confiées, alors qu’ils expriment la volonté du souverain, qu’ils représentent tout autant que les députés.
Pourtant, s’il l’avait souhaité, le Premier ministre aurait pu faire application du quatrième alinéa de l’article 49 de la Constitution et demander au Sénat l’approbation d’une déclaration de politique générale, ou encore de l’article 50-1 de la nouvelle Constitution, entrée en vigueur le 1er mars dernier, qui dispose que « le Gouvernement […] peut […] faire […] une déclaration qui donne lieu à débat et peut, s’il le décide, faire l’objet d’un vote sans engager sa responsabilité ». Or il n’a retenu ni l’une ni l’autre de ces possibilités !
Au demeurant, nous sommes obligés de reconnaître que le Gouvernement – et nous lui en donnons acte – est absolument cohérent avec les choix qu’il a opérés précédemment, notamment en ratifiant le traité de Lisbonne, dont l’article 28 A prévoit que « les engagements et la coopération dans ce domaine demeurent conformes aux engagements souscrits au sein de l’OTAN, qui reste, pour les États qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l’instance de sa mise en œuvre ». Soit ! Mais tel n’est pas notre avis.
D’ailleurs, nous pensons être nombreux, dans ce pays, à ne pas approuver que notre patrie renonce à être un exemple d’indépendance, un point d’appui à une défense européenne réellement indépendante de l’empire américain.
Conscients de l’honneur que représente notre mandat de parlementaire, ou de l’idée que nous nous en faisons, et de notre devoir à l’égard de la sécurité de notre continent et de l’engagement de notre pays, nous ne pouvons exprimer d’une autre manière notre absolue et totale opposition à ce que nous considérons comme une capitulation sans condition…
M. Dominique Braye. Toujours dans la nuance !
M. Jean-Luc Mélenchon. … devant les décisions militaires de l’empire qu’en quittant l’hémicycle sans entendre la lecture de la déclaration qui a été prévue à notre intention. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Alain Vasselle. Provocateur !
M. Didier Boulaud. C’est mieux que d’être un dégonflé !
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin, pour un rappel au règlement.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, mon rappel au règlement se fonde sur les articles 29 et 66 du règlement du Sénat.
Lors de la dernière conférence des présidents de notre assemblée, le groupe du RDSE, par la voix de mon collègue François Fortassin, a protesté contre les conditions dans lesquelles le Sénat allait être amené à débattre – ou plutôt à ne pas débattre véritablement – du retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN.
Dès que j’ai eu connaissance de l’organisation de nos travaux, au nom de mon groupe, je vous ai écrit, monsieur le président, ainsi qu’au Premier ministre, pour vous faire part de nos regrets et de notre vive déception de voir le Parlement, et tout particulièrement la Haute Assemblée, ainsi traité.
Car, indépendamment de toute prise de position sur la question de fond – notre pays doit-il ou non revenir au sein du commandement intégré de l’OTAN ? –, il nous apparaît incompréhensible et injustifiable, compte tenu des enjeux majeurs que recouvre cette question au regard de notre politique étrangère et de défense, que le Parlement, en particulier le Sénat, ne puisse se prononcer sur un sujet aussi fondamental.
Près d’une semaine après que le Président de la République a annoncé sa décision, à l’occasion de la clôture d’un colloque à l’École militaire, l’Assemblée nationale devra se prononcer aujourd’hui de façon plus globale sur la politique étrangère du Gouvernement, et non pas sur le fond de ce qui devrait, dans une véritable démocratie parlementaire, faire débat : la France doit-elle rentrer dans le commandement intégré de l’OTAN, après plus de quarante ans d’absence ?
Quant à nous, sénateurs, nous devrons encore attendre plus d’une semaine – soit deux semaines après l’annonce du Président de la République – pour pouvoir nous exprimer sur cette question majeure et hautement stratégique.
Qui plus est, à l’issue de notre débat, qui sera, à n’en pas douter, une fois de plus très riche et très pertinent, nous ne voterons pas : il se limitera à des interventions pendant une heure et demie, dont huit minutes réservées à mon groupe ! Huit minutes et pas la moindre possibilité de voter sur la question de l’OTAN !
M. Didier Boulaud. C’est le temps qu’a mis Sarkozy pour réfléchir à cette question ! Ou plutôt, il n’a même pas mis huit minutes, car il ne réfléchit que 30 secondes, le matin, en se rasant ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Yvon Collin. Avouez, monsieur le président, mes chers collègues, que c’est faire peu de cas de la Haute Assemblée !
Avec de telles pratiques, on est bien loin de l’esprit de la révision constitutionnelle votée en juillet dernier et de la volonté, qui avait alors prévalu, de revaloriser les droits du Parlement, notamment ceux du Sénat.
Mon rappel au règlement porte donc non pas sur le fond de la question, mais bien sur la forme et les conditions insuffisantes, et regrettables, dans lesquelles le Sénat sera amené à ne s’exprimer que la semaine prochaine.
C’est pourquoi, monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, la majorité des membres de mon groupe et moi-même n’assisterons pas à la lecture de la déclaration du Gouvernement relative à la politique étrangère. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel.
M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le président, nous faisons partie de ceux qui sont toujours prêts à voir l’avenir de manière optimiste, j’allais même dire l’avenir en rose ! (Sourires.)
Même si nous n’avons pas voté la réforme constitutionnelle, nous pensions que de nouvelles relations allaient peut-être s’instaurer entre le Parlement et l’exécutif.
Hélas, à la première occasion, le Gouvernement en revient de manière caricaturale à ses mauvaises habitudes !
M. Jean-Pierre Godefroy. Eh oui !
M. Jean-Pierre Bel. Le Sénat a aujourd'hui le droit d’entendre un message, mais il n’aura, en aucun cas, la possibilité de s’exprimer.
Pourtant, comme mes collègues l’ont souligné, la question est cruciale puisqu’il s’agit ni plus ni moins de la place de la France dans le monde, en particulier de sa politique en matière d’alliances militaires.
On en revient donc aux bonnes vieilles méthodes consistant à museler non seulement l’opposition – nous en avons l’habitude ! –, mais également la majorité.
M. Didier Boulaud. C’est bien fait ! Elle ne l’a pas volé !
M. Jean-Pierre Bel. Oui, chers collègues de la majorité, je défends aussi vos intérêts !
Eu égard aux discussions que j’ai eues avec un certain nombre d’entre vous, je me demande si le Sénat, tel qu’il est aujourd’hui constitué, n’aurait pas refusé la réintégration de la France dans l’OTAN !
M. Jacques Gautier. Vous êtes notre confesseur ?
M. Jean-Pierre Bel. Je dis donc haut et fort que le Gouvernement aurait pris un risque politique en organisant un débat suivi d’un vote dans cet hémicycle !
M. Didier Boulaud. Il a eu la trouille !
M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le président, il est de votre responsabilité de refuser que le Sénat soit cantonné à jouer le rôle du muet du sérail.
M. Didier Boulaud. Absolument !
M. Jean-Pierre Bel. Contrairement à ce qui m’a été dit en conférence des présidents par M. Karoutchi, secrétaire d'état chargé des relations avec le Parlement, les outils constitutionnels existent bel et bien : l’article 49, quatrième alinéa, et l’article 50-1.
Monsieur le président, vous affirmiez, le 14 octobre 2008 : « Je suis frappé chaque jour davantage par l’incroyable distorsion entre la réalité et la qualité du travail du Sénat et l’image déformée qui est encore celle de notre assemblée dans une partie de l’opinion. » Mais comment s’en étonner si vous acceptez que notre assemblée ne puisse exprimer clairement une position ?
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
M. Didier Boulaud. C’étaient des « paroles verbales » !
M. Jean-Pierre Bel. Pardonnez-moi, monsieur le président, mais, en n’imposant pas cet acte démocratique élémentaire – voter et débattre ici, au Sénat –, vous donnez raison aux ennemis du bicamérisme et vous confortez auprès de l’opinion publique l’image d’une assemblée secondaire.
M. Josselin de Rohan. Quelqu’un avait parlé d’« anomalie » !
M. Jean-Pierre Bel. De nouveau, j’adresse donc une demande formelle et officielle pour que, en application de l’article 50-1 de la Constitution, le Gouvernement vienne devant le Sénat faire une déclaration qui donne lieu à débat et fasse l’objet d’un vote, sans engager sa responsabilité.
En attendant, chacun ici le comprendra – y compris, peut-être, vous-même, monsieur le ministre d’État –, nous ne pouvons cautionner ce déni de démocratie et ce piètre sort qui est réservé au Sénat. C’est pourquoi nous ne participerons pas, nous non plus, à cette caricature de débat parlementaire et vous laisserons seuls face à vos responsabilités, et j’ajouterai même face à l’histoire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SP, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mmes et MM. les sénateurs du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que certains sénateurs du RDS, se lèvent et quittent l’hémicycle. – Plusieurs sénateurs de l’UMP applaudissent.)
M. Didier Boulaud. Nous savons lire, nous n’avons pas besoin qu’on nous fasse la lecture !
M. Alain Vasselle. Ah, de l’air !
M. Dominique Braye. Allez, pressez-vous un peu !
M. Didier Boulaud. Nous ne sommes pas des godillots, nous !
M. Alain Vasselle. Les absents ont toujours tort ! La politique de la chaise vide n’est jamais un bon choix !
8
Politique étrangère
Lecture d'une déclaration de politique générale du Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle la lecture d’une déclaration du Gouvernement relative à la politique étrangère.
Cette déclaration, sur laquelle le Premier ministre engage la responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée nationale en application du premier alinéa de l’article 49 de la Constitution, est actuellement prononcée à la tribune du Palais-Bourbon par M. François Fillon.
Elle va être lue à notre tribune par M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.
La parole est à M. le ministre d’État. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. « Monsieur le président, mesdames, messieurs, durant ces derniers mois, notre politique étrangère et de défense a fait l’objet de plusieurs débats au sein de cette assemblée.
« Nous avons débattu à plusieurs reprises de la question afghane, et vous avez dû, pour la première fois dans la Ve République, vous prononcer sur la prolongation de nos opérations militaires extérieures. Sous l’impulsion du Président de la République, le domaine autrefois réservé est devenu plus ouvert et plus partagé.
« Nous l’avons voulu ainsi parce que les frontières entre les affaires intérieures et extérieures sont de plus en plus imbriquées.
« Je rappelle à l’opposition (Sourires sur les travées de l’UMP) que, par le passé, le pouvoir régalien du président s’affirmait pleinement, et François Mitterrand l’utilisa sans réserve. De son soutien à l’installation des missiles Pershing américains en République fédérale d’Allemagne à l’interruption brutale de nos essais nucléaires en 1992, de l’intervention au Tchad en 1983 à l’intervention en ex-Yougoslavie en 1992, jamais le vote du Parlement ne fut sollicité. Seul notre engagement en Irak, en 1990, fit l’objet d’un vote de confiance à l’Assemblée nationale, mais il intervint alors même que les hostilités étaient déjà engagées.
« Ce bref rappel du passé nous dispense des leçons de démocratie que certains se plaisent à nous donner aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. « Parce que notre politique étrangère et de défense est l’affaire de la nation, le Gouvernement a décidé de solliciter la confiance de la majorité à l’Assemblée nationale pour servir une certaine idée de la France dans le monde.
« Car oui, ce débat ne peut se résumer à la seule question de l’OTAN, qui ne constitue qu’un des volets de notre diplomatie et de notre sécurité.
« Si l’Alliance atlantique était autrefois une réponse des démocraties face à la menace soviétique et, de ce fait, l’un des symboles idéologiques et militaires de la guerre froide, elle n’est désormais qu’une structure parmi d’autres. Elle n’est plus et elle n’est pas l’expression d’une politique globale !
« En 1966, en plein cœur des tensions Est-Ouest, notre retrait de l’Organisation constitua un choc. Mais, en 2009, notre retour ne constitue qu’un ajustement qui, de ce fait, ne provoque aucun émoi dans le concert international.
« Notre pleine participation aux structures de l’Alliance n’est qu’un moyen parmi d’autres de placer notre pays en capacité de répondre aux défis de son temps.
« La France n’est grande que lorsqu’elle est grande pour le monde. C’est ainsi : notre nation se sent investie d’une responsabilité universelle, et les circonstances géopolitiques en élargissent les horizons.
« L’interdépendance des enjeux sécuritaires, économiques, écologiques, constitue la césure historique du XXe siècle. Elle est la conséquence de la disparition de la bipolarité d’hier, de l’extension de l’économie de marché et du développement accéléré des technologies de l’information et de la communication.
« Cette interdépendance signe la fin du monopole de la puissance et du progrès si longtemps détenu par les seuls Occidentaux.
« La spectaculaire émergence de la Chine et de l’Inde est le point saillant de ce rééquilibrage politique et économique.
« Ce monde globalisé et complexe ne rend que plus légitime et nécessaire notre vocation internationale.
« Pour elle, nous croyons à l’égale dignité des nations et à la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes.
« Face aux tyrannies, nous sommes l’avocat des droits de l’homme.
« Devant l’uniformité rampante, nous défendons de Dakar à Québec la diversité des héritages culturels et linguistiques.
« Face aux tentations hégémoniques, nous opposons la légalité internationale et le multilatéralisme.
« Devant les grands enjeux actuels, nous militons en faveur d’une mondialisation réorganisée, plus équitable et mieux maîtrisée.
« Cet universalisme français prolonge la défense de nos intérêts nationaux.
« N’en déplaise aux esprits angéliques qui négligent les rapports de force et aux idéalistes qui prophétisent la fin des nations, la France demeure une puissance qui a des objectifs propres. Nous les orchestrons de façon collective. Nos intérêts se conjuguent avec ceux de l’Europe.
« Ils s’articulent avec ceux de nos alliés les plus fidèles, dont font partie les États-Unis, mais aussi avec ceux de nos partenaires qui entretiennent des relations de confiance avec nous.
« Au Maghreb, au Proche-Orient et au Moyen-Orient, en Afrique, en Amérique du Sud, en Asie, en Russie, il y a de grands peuples avec lesquels nous partageons une estime réciproque qui s’enracine dans les profondeurs de nos mémoires et de notre histoire.
« La promotion de nos valeurs et de nos intérêts constitue notre permanence politique. Elle est servie par notre indépendance. Notre nation ne reçoit d’ordre de personne ! Elle doit être libre de décider par elle-même et pour elle-même.
« L’autonomie de notre politique est complète sur le plan stratégique avec notre force de dissuasion nucléaire, qui protège nos intérêts vitaux.
« Elle l’est aussi sur le plan diplomatique.
« De notre engagement armé en Yougoslavie à celui en Afghanistan, de notre refus catégorique de nous associer à la seconde guerre en Irak à l’initiative franco-égyptienne en faveur de Gaza, la France agit et agira toujours selon ses convictions.
« Lorsque nous relançons le dialogue avec la Syrie ou la Libye, lorsque nous demandons, avant la conférence de Bali, des engagements contraignants de réduction du CO2, lorsque nous prenons l’initiative d’intervenir dans la crise russo-géorgienne, nous décidons et œuvrons selon nos vues.
« Cette indépendance de ton et d’action qui est la marque de la France s’inscrit dans notre choix résolu de la solidarité.
« Solidarité d’abord avec l’Union européenne, pour laquelle tous les Présidents de la République se sont engagés de façon continue, avec un objectif identique : faire de l’Europe, non pas seulement un espace économique, mais une force politique.
« Sous la conduite de Nicolas Sarkozy, la présidence française de l’Union aura révélé l’Europe sous un jour nouveau.
« Oui, l’Europe a le pouvoir d’influer et de peser sur les affaires du monde ! Elle a un destin singulier dès lors qu’elle s’en saisit avec courage !
« L’Europe mérite, avec le traité de Lisbonne, une organisation institutionnelle plus stable. La France a la conviction que l’Europe ne peut être un géant économique sans prétendre au premier rang diplomatique et militaire.
« Solidarité ensuite avec nos alliés, notamment américains.
« De la crise de Cuba à la première guerre en Irak, de la crise des euromissiles au 11 septembre 2001, la France ne s’est jamais départie de son amitié à l’égard du peuple américain.
« La France, alliée mais pas vassale, fidèle mais insoumise, toujours fraternelle mais jamais subordonnée : voilà la nature de notre relation avec l’Amérique.
« L’Amérique est une puissance globale, et la sagesse comme les réalités géopolitiques nous commandent de juger sa diplomatie sur ses actes et non sur ses intentions. L’amitié ne se confond pas avec la naïveté !
« L’élection de Barak Obama ouvre pourtant des perspectives que nous devons saisir. La gauche a applaudi à tout rompre cette élection américaine, mais n’hésite pas à marquer sa défiance vis-à-vis de l’Amérique dès lors que l’on évoque l’Alliance atlantique.
« Entre fascination et appréhension, il existe pourtant une voie pragmatique pour renouveler les instruments et les objectifs de la relation franco-américaine et euro-américaine.
« Plusieurs sujets cruciaux réclament une nouvelle dynamique commune.
« Il y a d’abord l’Iran.
« Notre devoir absolu est d’éviter la contagion nucléaire et, pour cela, il faut défendre le régime international de non-prolifération. Nous avons renforcé les sanctions du Conseil de sécurité et poursuivi nos offres de dialogue avec Téhéran. Aujourd’hui, les États-Unis nous rejoignent sur cette approche ferme, mais ouverte. Il semble qu’ils convergent vers l’idée que nous défendons depuis longtemps d’un dialogue franc et direct avec Téhéran.
« Avec la Corée du Nord, la crise iranienne a fait ressurgir la question nucléaire, qui est aggravée par le développement des missiles balistiques de moyenne portée.
« La question nucléaire doit être résolue par le partage encadré du nucléaire civil.
« Elle doit l’être aussi par une attitude responsable de la part de ceux qui détiennent la dissuasion. Dans cet esprit, nous demandons aux États-Unis comme à la Chine de ratifier le traité d’interdiction complète des essais nucléaires comme nous l’avons fait nous-mêmes il y a onze ans. Nous soutenons la relance d’une négociation entre les États-Unis et la Russie, afin d’aboutir, de part et d’autre, à une dissuasion strictement minimale.
« Nous souhaitons enfin l’ouverture sans délai de la négociation d’un traité d’interdiction de la production des matières fissiles pour les armes nucléaires.
« Il y a aussi l’Afghanistan.
« Le Gouvernement a défendu la nécessité de l’engagement de la France dans ce pays, qui fut la base arrière du terrorisme international.
« Je veux ici saluer la mémoire du caporal Belda, du 27e bataillon de chasseurs alpins, qui a trouvé la mort au cours d’un accrochage dans la province de Kapissa, samedi dernier. Le courage et le professionnalisme de nos soldats font l’honneur de la France !
« Sécuriser l’Afghanistan, reconstruire ses infrastructures, réconcilier le peuple afghan, transmettre aux autorités légitimes les moyens d’exercer la pleine souveraineté de cet État : voilà notre stratégie. Pour tout cela, nous voulons rompre avec une gestion exclusivement militaire de la crise afghane. Il faut une approche politique d’ensemble et il semble que les États-Unis y soient désormais sensibles.
« Il y a enfin, avec nos partenaires américains, le sujet central de la lutte contre le changement climatique.
« Sous l’impulsion de la France, l’Europe est parvenue à un accord ambitieux. Mais l’Europe ne peut agir seule. Les États-Unis semblent enfin prendre la mesure de leurs responsabilités vis-à-vis des prochaines générations. Avec le sommet de Copenhague de décembre 2009, il va falloir maintenant passer aux décisions et aux actes !
« Cette solidarité de la France s’exprime aussi avec l’espace méditerranéen.
« Le projet de l’Union pour la Méditerranée marque notre ambition de dessiner les contours d’une étroite collaboration euro-méditerranéenne.
« Nous voulons désavouer et désarmer ceux qui en appellent au choc des civilisations. Nous refusons la logique des fanatiques. Nous refusons de nous laisser enfermer dans des schémas manichéens. Entre l’Occident et l’Orient, la France est et restera une médiatrice.
« En toute indépendance et malgré les critiques, nous avons pris le risque de renouer avec Damas. Nous croyons que la Syrie peut apporter une contribution importante à la paix dans la région. Elle l’a montré au Liban avec la conclusion de l’accord de Doha. Elle peut nous aider à convaincre le Hamas de faire le choix de la raison, celui de la réconciliation interpalestinienne et de la négociation avec Israël.
« Dès le premier jour de la crise de Gaza, le Président de la République a cherché une issue au conflit, dans un esprit d’équilibre et de justice. Cette crise et son bilan dramatique montrent qu’il n’y aura pas de solution militaire au conflit.
« La France affirme qu’Israël doit pouvoir vivre en paix, dans des frontières reconnues, et que la Palestine doit pouvoir vivre libre, en jouissant de sa pleine souveraineté.
« Dans cette région, seul le courage des compromis politiques permettra de sortir de l’impasse.
« Le Président de la République a proposé de tenir au printemps un sommet de relance du processus de paix.
« Solidarité aussi de la France avec l’Afrique.
« Nous croyons en l’avenir de cet immense continent. Et c’est pourquoi nous demeurons l’un des principaux pourvoyeurs d’aide publique au développement.
« Nous nous sommes engagés au Darfour en sécurisant les camps à l’est du Tchad. Nous avons amené nos partenaires européens à nous appuyer dans la mise en œuvre de l’EUFOR, la plus grande opération militaire de l’Union européenne. Signe de son succès, les Nations unies viennent de prendre le relais de cette force européenne.
« Solidarité, enfin, avec l’Organisation des Nations unies.
« Pour la France, le droit international est l’expression d’une morale universelle. Il est la source d’un ordre légal face à la violence. En l’espace d’un demi-siècle, les interventions successives de l’ONU ont couvert les échecs de la SDN.
« Pour autant, la France estime que la gouvernance internationale, issue de l’après-guerre, ne répond que partiellement aux enjeux d’aujourd’hui. Nous soutenons le processus de réforme du Conseil de sécurité des Nations unies et militons en faveur de son élargissement.
« Nous avons proposé l’extension du G8 en G14. Nous avons joué un rôle moteur dans la réforme des droits de vote au sein du FMI. Enfin, nous nous faisons sans cesse les avocats d’une meilleure représentation de l’Afrique au FMI et à la Banque mondiale.
« Avec l’Union européenne, la France a pris la tête des efforts pour bâtir une véritable régulation financière internationale. Nous voulons corriger les causes de la crise actuelle.
« Le Conseil européen du 19 mars définira une position européenne pour le sommet du G20, à Londres, le 2 avril.
« La France exigera des changements clairs en matière financière : régulation des hedge funds et des agences de notation, encadrement des rémunérations, réforme des normes comptables, lutte contre les centres offshore. L’idée que nous nous faisons de l’économie mondiale n’est pas celle d’un vaste casino sans règles et sans éthique qui ne peut que mener à la catastrophe.
« S’il est une leçon que nous devons retenir du général de Gaulle, c’est bien celle qui consiste à ne jamais regarder l’avenir avec les yeux du passé.
Mme Brigitte Bout. Très bien !
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. « La politique étrangère, c’est une action pour un idéal à travers des réalités. Ces réalités sont changeantes et, dès lors, rien n’est plus contre-productif et plus dangereux que de sacraliser le statu quo. Nous ne devons jamais hésiter à rénover nos politiques dès lors que les faits et nos buts nous le recommandent.
« À cet égard, la gauche a l’art d’être en retard d’une révolution stratégique.
Mme Brigitte Bout. Eh oui !
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. « En 1966, elle s’opposa violemment à la décision du général de Gaulle de nous retirer des structures intégrées de l’OTAN. Cette décision trahissait, aux yeux de l’opposition d’alors, “une position hargneuse à l’égard de nos alliés américains… et une sorte de poujadisme aux dimensions de l’univers”.
« Ce prétendu “poujadisme” d’hier est devenu votre code de bienséance d’aujourd’hui !
« Puis la gauche s’opposa frontalement à notre force de frappe, et ce n’est qu’en 1978 que les socialistes acceptèrent du bout des lèvres notre dissuasion nucléaire, et cela après le parti communiste !
Enfin, comment ne pas citer les terribles hésitations de certains de nos hauts responsables devant la chute du mur de Berlin et la réunification allemande ? À cet instant, l’Europe échappait à l’ordre binaire auquel ils s’étaient accoutumés, mais auquel de Gaulle n’avait pu, lui, se résoudre.
« Il est toujours piquant de voir l’opposition faire appel aux mânes du gaullisme, elle qui le combattit sans relâche !
« Quarante ans après les faits, voir la gauche célébrer un héritage qu’elle a tant contesté est finalement heureux, mais assez conformiste. Atlantiste quand il fallait être gaulliste, attentiste lorsqu’il convenait d’être réactif, nostalgique lorsqu’il s’agit d’être pragmatique : la gauche ne s’est jamais distinguée par son audace stratégique. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Dominique Braye. Ils ne disent jamais rien !
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. « Il y a dix-huit ans de cela, le Premier ministre publiait dans un journal du soir une tribune provocante en faveur du retour de la France dans l’OTAN. Avec la chute du mur de Berlin, il estimait que nous devions profiter de l’occasion pour rééquilibrer l’Alliance au profit de l’Europe et convaincre nos partenaires de renoncer à la tutelle américaine.
« À la lecture de cette tribune, le président Mitterrand l’invita à venir s’entretenir de ce sujet avec lui. Il garde en mémoire son verdict : “Vous voyez, lui dit-il, nous avons eu tellement de mal à faire venir les Américains en Europe qu’il ne faut rien faire qui puisse les en faire partir.” À l’évidence, François Mitterrand ne voulait pas d’une initiative qui aurait risqué d’entraîner le désengagement des Américains.
« Il ne nous appartient pas de juger de l’analyse d’un homme dont la pensée reflétait toute une époque, mais aussi toutes les ambivalences d’une posture oscillant entre indépendance et alliance, défiance et attirance vis-à-vis des États-Unis.
« Mais il nous revient en revanche de souligner que les termes du débat ont radicalement changé. Notre sécurité ne se joue plus à nos frontières et le spectre de la destruction mutuelle assurée ne pèse plus sur notre continent. La bipolarité d’antan a laissé place à la multiplicité des acteurs et à la dissémination des risques.
« La France et l’Europe ne sont plus menacées d’envahissement. Leur sécurité n’est pas pour autant acquise. De nouvelles menaces exacerbées par les conflits en cours au Proche-Orient et au Moyen-Orient ont surgi : le terrorisme global qui instrumentalise et détourne l’islam, la prolifération des armes de destruction massive.
« L’URSS est devenue la Russie et s’est ralliée à l’économie de marché. L’empire soviétique disloqué, ses États satellites se sont libérés et ont rejoint l’Union européenne et, pour certains d’entre eux, l’Alliance atlantique.
« Les États-Unis ont retiré 80 % de leurs forces de notre continent, qu’ils ne jugent plus comme une priorité au regard des intérêts que recouvrent l’Asie et le Moyen-Orient.
« L’ONU s’est renforcée et l’Europe s’est affermie.
« À la lisière de toutes ces transformations, l’OTAN n’est plus l’organisation dont certains parlent.
« Il y a quarante ans, le général de Gaulle se retirait d’une organisation compacte, dressée face au pacte de Varsovie, et exclusivement dirigée par les États-Unis. Depuis, c’est la notion de coalition d’États volontaires à participation variable qui s’est imposée, au détriment des schémas rigides de la guerre froide.
« En 1966, la logique des blocs réglait la géopolitique mondiale. Rester dans les structures intégrées de l’OTAN, c’était aliéner les choix politiques de la France à cette logique binaire que le général de Gaulle voulait transcender.
« En 1966, les États-Unis imposaient la doctrine de la riposte graduée à l’OTAN et ils n’y prévoyaient aucun partage des responsabilités. Rester dans les structures intégrées, c’était prendre le risque de nous retrouver engagés dans des conflits qui n’étaient pas les nôtres.
« En 1966, il y avait 26 000 soldats américains sur le sol français, et aucune perspective de réorganisation de l’Alliance.
« En 1966, la France disposait, depuis deux ans, d’armes nucléaires opérationnelles et notre stratégie de dissuasion et d’action nous portait à repenser les termes de notre autonomie.
« Cette autonomie ne fut cependant jamais conçue comme une marque de neutralité ou de défiance vis-à-vis de l’Alliance atlantique, dont nous sommes toujours restés membres.
« À peine le retrait décidé, nous confirmons par plusieurs accords notre volonté de continuer à travailler avec l’OTAN : l’accord Ailleret-Lemnitzer, en 1967 ; l’accord Valentin-Ferber, en 1974.
« En 1983, se tient à Paris un Conseil atlantique, ce qui constituait une première depuis 1966.
« En 1991, la France participe à la rédaction du nouveau concept stratégique de l’Alliance.
« Dans les années quatre-vingt-dix, nous sommes de toutes les opérations en Bosnie, où la France, pour la première fois, participe à une opération de l’OTAN.
« À partir de 1993, toujours sur décision de François Mitterrand, le chef d’état-major des armées est autorisé à intervenir au comité militaire de l’OTAN sur les questions de maintien de la paix ; à partir de 1994, sur l’adaptation des structures de l’Alliance, sur la coopération avec l’Est et sur la non-prolifération.
« En 2004, plus d’une centaine de Français sont affectés aux commandements de Mons et Norfolk.
« Aujourd’hui, nos troupes sont engagées avec l’OTAN au Kosovo et en Afghanistan.
« Nous sommes le quatrième contributeur de l’OTAN en termes de forces. Nous sommes présents dans quasiment tous les comités de l’OTAN. Insensiblement, les faits et la volonté politique recréaient donc notre participation croissante aux structures de l’OTAN.
« Il s’agit aujourd’hui de franchir une dernière marche.
« Cette dernière marche, prétend l’opposition, affaiblira notre indépendance, ce qui est naturellement faux. Il faut avoir peu confiance en la France pour penser un instant qu’elle puisse être ligotée par sa présence dans un comité. Et c’est au surplus bien mal connaître le fonctionnement de l’OTAN.
« Depuis la déclaration d’Ottawa de 1974, rien ni personne ne vient contester l’autonomie de notre stratégie nucléaire, qui n’est pas négociable.
« Chacun sait que la participation à l’OTAN n’entraîne aucune automaticité politique et que les décisions du Conseil atlantique sont prises à l’unanimité.
« Devons-nous rappeler que l’Allemagne a refusé de s’engager en Irak aux côtés des Américains et que la Turquie a refusé de servir de base arrière ?
« Devons-nous souligner que, même dans le cadre de l’article 5 de l’Alliance – celui qui prévoit une défense collective en cas d’agression d’un de ses membres –, chaque nation décide des moyens qu’elle entend employer ?
« Nous conserverons l’indépendance de notre dissuasion nucléaire et notre liberté d’appréciation sur l’envoi de nos troupes.
« Nous ne placerons pas de contingent en permanence sous commandement allié en temps de paix.
« Ces trois principes sont posés par le Livre blanc, et personne au sein de l’Alliance n’y voit rien à redire.
« Et puis nous invitons l’opposition, qui joue sur la corde nationale, à aller dire, les yeux dans les yeux, à Angela Merkel, à Gordon Brown ou à José Luis Zapatero que leurs nations ne sont pas souveraines dans leurs choix !
« En réalité, la question de l’indépendance et de l’autonomie qu’agite l’opposition n’en est pas une.
« La vraie question est la suivante : pourquoi prendre cette décision maintenant et pour quoi faire ?
« Pourquoi maintenant ?
« Nous sommes là au cœur d’un des principes clés de la politique étrangère : l’art d’utiliser les circonstances.
« Quatre événements nous poussent à réinvestir l’OTAN.
« Premièrement, la présidence française de l’Union européenne a redonné du sens à l’action politique et à l’autonomie diplomatique de l’Europe, comme l’a montré la crise géorgienne.
« Deuxièmement, l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne doit servir de levier pour accentuer l’efficacité et le rayonnement de l’Union européenne.
« Troisièmement, l’arrivée d’une nouvelle administration américaine dont il faut saisir au plus vite les potentialités, avant que les habitudes ne reprennent le dessus.
« Enfin, quatrièmement, la redéfinition du concept stratégique de l’OTAN, qui date de 1999.
« Voilà les circonstances qui militent en faveur d’une initiative française.
« Que voulons-nous faire dans l’OTAN et que voulons-nous faire de l’OTAN ? C’est la seconde question qui importe.
« Notre nation entend faire partager ses convictions.
« Pour la France, l’OTAN doit d’abord être un instrument de défense destiné à la protection de ses membres. Elle doit être avant tout une alliance militaire, fondée sur des valeurs communes, et non une sorte de fer de lance occidental agissant partout et sur tout.
« En dehors de cela, elle est au service du droit international et ne peut être l’outil d’un interventionnisme unilatéral.
« Nous voulons défendre la règle du consensus au Conseil atlantique, dont dépend la prise en compte de nos positions.
« Nous voulons alléger et simplifier les structures actuelles.
« Nous voulons, dans le cadre des accords « Berlin plus », donner à l’Union européenne le pouvoir d’utiliser réellement les moyens de l’Alliance.
« Nous voulons, en réinvestissant l’OTAN, permettre à notre pays d’influer plus largement sur la définition des stratégies et la conduite des opérations.
« Nous voulons également que la Russie soit traitée en partenaire.
« C’est à Paris, en mai 1997, que fut signé, sur l’initiative de la France et de l’Allemagne, l’Acte fondateur sur la coopération et la sécurité mutuelles entre l’OTAN et la Russie.
« La France – avec son partenaire allemand – croit à la nécessité de respecter la Russie. Cette grande nation européenne doit être amenée à contribuer aux équilibres du monde.
« Depuis le XVIIIe siècle, ce pays immense a toujours été au centre des équilibres européens.
« Comme avec les États-Unis, nous avons des liens particuliers avec le peuple russe qui, par deux fois, en août 1914 et en 1944, contribua à sauver la France.
« Le dialogue et la collaboration avec Moscou sont parfois difficiles mais indispensables. Ils ne peuvent se limiter à un face-à-face avec les États-Unis. L’Europe doit y avoir sa place.
« Nos relations avec la Russie ne doivent pas être bouleversées par des élargissements précipités de l’Alliance atlantique. En retour, la Russie doit respecter l’indépendance des pays qu’elle a elle-même acceptée.
« Nous avons en partage la stabilité et la sécurité de notre continent.
« Nous sommes communément menacés par les risques de dissémination nucléaire et le développement des armes balistiques de moyenne portée. Face à cette menace potentielle, c’est ensemble que nous pourrions imaginer un système de défense anti-missile compatible, étant entendu que, pour la France, celui-ci ne peut être qu’un complément à la dissuasion, sans s’y substituer.
« De l’Atlantique à l’Oural, c’est ensemble que nous devons définir un nouveau pacte de sécurité continental !
« Mesdames, messieurs les sénateurs, la France rejoint l’OTAN pour donner à l’Europe de la défense sa véritable dimension.
« Pourquoi l’Europe reste-t-elle encore, en ce domaine, et malgré les progrès accomplis, en deçà de ce qu’elle devrait être ?
« La raison en est simple, et elle n’est pas nouvelle : pour nos principaux partenaires européens, un pas de plus vers l’Europe de la défense fut longtemps considéré comme un pas en arrière dans l’OTAN.
« Cette crainte inhibe les initiatives.
« Nous voulons la dissiper.
« Nous voulons stopper ce jeu à somme nulle qui consistait à monter l’Europe de la défense contre l’OTAN et l’OTAN contre l’Europe de la défense.
« Nous voulons sortir l’Europe de cette impasse en allant convaincre nos partenaires là où ils sont, c’est-à-dire à l’OTAN !
« Voilà le sens de l’initiative du Président de la République.
« Pour audacieuse qu’elle soit, cette initiative n’est pas totalement inédite.
« En 1990, alors que le débat sur l’architecture européenne post-guerre froide battait son plein, François Mitterrand s’interrogea sur la façon de résoudre la triple équation que nous avons décidé de trancher : comment réconcilier le statut particulier de la France et sa participation croissante dans les nombreuses activités de l’Alliance ? Comment peser sur les évolutions de l’institution atlantique ? Enfin, comment, du même coup, faire émerger une défense européenne digne de ce nom ?
« Le Président Mitterrand tenta de résoudre cette équation, sans y parvenir.
« Entre 1995 et 1997, Jaques Chirac lança, très officiellement, une initiative destinée à replacer la France dans l’OTAN avec, pour contrepartie, l’attribution du commandement de la zone sud et le renforcement du pilier européen de défense.
« L’initiative, on le sait, échoua.
« Aujourd’hui, le Président de la République renouvelle les termes de cette ambition, avec la conviction que les conditions s’y prêtent et qu’il faut agir maintenant.
« Elles s’y prêtent, car les États-Unis reconnaissent enfin l’utilité et la légitimité d’une Europe de la défense plus solide.
« Elles s’y prêtent, car l’Europe prend chaque jour un peu plus ses responsabilités.
« Sous la présidence française de l’Union européenne, plusieurs décisions ont été actées.
« Une direction de la planification civile et militaire sera créée au mois de juin prochain.
« Elle disposera d’une composante déployable.
« Des projets capacitaires à géométrie variable, tels que la création d’une flotte de transport aérien stratégique et le lancement d’un programme de satellites d’observation militaire, sont lancés.
« Les vingt-trois opérations civiles ou militaires prouvent que l’Europe est en mesure de faire entendre sa voix et sa force.
« C’est le cas dans le Golfe d’Aden face aux pirates.
« C’est le cas au Tchad où nous avons permis le retour de 40 000 réfugiés.
« C’est le cas en Géorgie où l’Europe surveille la situation.
« Et ce pourrait être enfin le cas pour sécuriser les frontières de Gaza.
« Au cœur de toutes ces opérations, il y a la France, bien décidée à donner à l’Union européenne l’audace qui lui fit, par le passé, trop souvent défaut.
« Mesdames, messieurs les sénateurs, nous connaissons les critiques de l’opposition, et nous les croyons peu convaincantes.
« Notre indépendance et notre autonomie, dit-elle, seront réduites.
« Nous avons répondu à cette contre-vérité qui ignore le fonctionnement de l’Alliance atlantique.
« En toute hypothèse, le destin de la France ne se décide pas dans des comités !
« D’autres dans l’opposition prétendent que notre réintégration – dont ils conviennent qu’elle est déjà très largement engagée – est « inutile ». Mais si elle est inutile, comme ils le disent, notre pleine participation à l’OTAN n’a donc pas la gravité qu’ils tentent par ailleurs de démontrer !
« Nous avons répondu qu’il fallait sortir du statu quo pour provoquer au sein de l’Alliance et de l’Europe une nouvelle donne.
« En mal d’arguments solides, l’opposition évoque enfin la question du symbole.
« C’est un argument que nous ne balayons pas d’un revers de main.
« Notre histoire est traversée de symboles.
« Quarante ans après la décision de 1966, le fait que nous soyons encore là à évoquer l’héritage du général de Gaulle soulève en nous une fierté et une immense gratitude pour l’homme du 18 juin.
« Mais toute sa vie, le Général s’est défié des situations acquises.
« Les circonstances dictent les actes.
« Les actes doivent anticiper les situations de demain et non reproduire celles d’hier. Seuls comptent le rang et l’intérêt de la France.
« Or rien n’est plus contraire à notre rayonnement que la nostalgie.
« La donne géopolitique a changé, nous prenons l’initiative !
« Nous la prenons en Europe, à l’ONU, au G20, dans l’Alliance atlantique.
« Nous sommes en mouvement, l’opposition est à l’arrêt.
« Nous regardons le monde, l’opposition s’observe.
« Nous tentons de saisir le cours de l’Histoire, l’opposition tente vainement de la freiner.
« Pour tous les peuples qui se font une certaine idée de notre République, la France reste la France !
« Mesdames, messieurs les sénateurs, les circonstances évoluent, les structures changent, mais notre axe demeure : c’est celui de la grandeur. » (Applaudissements sur les travées de l’UMP – MM. Jean Arthuis et Gilbert Barbier applaudissent également.)
M. le président. Acte est donné de la déclaration du Gouvernement sur la politique étrangère de la France dont il vient d’être donné lecture au Sénat.
Cette déclaration sera imprimée sous le n° 269 et distribuée.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures quinze, sous la présidence de Mme Catherine Tasca.)
PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Tasca
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
9
Débat sur l'avenir de la presse (suite)
Mme la présidente. Nous reprenons le débat sur l’avenir de la presse (aides financières à la presse, métier de journaliste et distribution).
La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, dès sa naissance, la presse est apparue comme un formidable outil démocratique. Cette nature lui a valu d’être souvent malmenée au cours de l’histoire.
En France, la Monarchie, l’Empire et même la République balbutiante ont imposé le cautionnement et la censure. L’information devait rester le privilège des partisans du régime en place. Je citerai un seul homme : Napoléon, qui estimait que la presse était un arsenal réservé à ceux qui ont la confiance du Gouvernement. Tout était dit ! En 1881, la IIIe République a mis fin au débat : désormais, la presse sera libre, pluraliste et indépendante.
Aujourd’hui, elle doit faire face à de nouveaux défis. Nous le savons, la presse est en crise. Cette crise, loin d’être passagère, n’épargne plus personne dans le secteur : la presse quotidienne, touchée depuis longtemps, est rejointe dans la tourmente par les magazines et la presse scientifique et culturelle. Même la presse gratuite, qui a triplé sa diffusion en cinq ans, pourrait avoir atteint les limites de son développement, dans le contexte actuel.
Tous les chiffres convergent vers un constat très dur : le journal, ce support écrit, mine d’informations et reflet d’une culture, est menacé.
Entre 1994 et 2004, la presse quotidienne nationale a connu une chute de diffusion de 7,2 % et la presse quotidienne régionale une baisse de 14 %.
Si les revenus se sont plus ou moins maintenus jusqu’en 2007, une évolution négative du chiffre d’affaires de la presse écrite payante est prévue en 2010 et en 2011.
Est-ce une spécificité française ? Au regard des chiffres mondiaux de diffusion, la presse hexagonale est dans une situation critique.
Notre pays, cinquième plus grande puissance économique au monde, hisse péniblement l’un de ses quotidiens au soixante-seizième rang mondial des quotidiens payants les plus diffusés. Le temps où Le Petit Parisien pouvait se vanter, en 1916, d’être au premier rang mondial, avec ses trois millions d’exemplaires, est, hélas ! révolu. Plus aucun de nos quotidiens ne dépasse le million d’exemplaires diffusés, alors que cinq titres anglais atteignent au moins ce niveau.
De multiples journaux se battent pour leur survie. En particulier, la presse quotidienne nationale et la presse quotidienne régionale doivent faire face à des difficultés toujours plus nombreuses, des difficultés conjoncturelles et structurelles.
La contraction des ventes et des recettes publicitaires, l’augmentation des coûts du papier, la concurrence des gratuits et l’apparition d’internet sont autant de facteurs qui perturbent l’équilibre financier des quotidiens.
Sur le plan structurel, les blocages sont identifiés : le manque d’investissement, une industrie de l’impression surdimensionnée, l’inadaptation de l’offre éditoriale, le vieillissement du lectorat et l’insuffisance des points de vente. Tous ces éléments plongent le monde de la presse dans un état défensif perpétuel.
Si ces problèmes ne datent pas d’hier, la crise économique actuelle risque sans doute de les approfondir, madame la ministre. Il est donc plus qu’urgent d’aider ce secteur. Les pouvoirs publics ont naturellement un rôle à jouer par le biais des aides publiques à la presse ; ils le font déjà d’ailleurs.
Mais la presse est un monde d’entreprises, attaché fort logiquement à son indépendance. C’est pourquoi les solutions viennent aussi de l’intérieur de ce secteur, de sa capacité à se remettre lui-même en cause pour mieux rebondir.
Les états généraux de la presse écrite ont témoigné, selon moi, d’une vraie volonté d’aller de l’avant. Le Livre vert préconise un certain nombre de recommandations, dont certaines pourraient contribuer à améliorer la situation.
Le 23 janvier dernier, le Président de la République s’est engagé sur un certain nombre de propositions. Les membres du RDSE seront particulièrement vigilants quant à leur mise en œuvre. En effet, sans mettre en doute, à ce stade, les promesses du chef de l’État, on peut s’étonner que la dernière loi de finances n’ait pas pris la mesure du problème, puisque les aides à la presse ont été simplement reconduites.
En attendant, mes chers collègues, il convient d’agir sur l’ensemble de la chaîne. L’intérêt des états généraux est d’avoir mené une réflexion globale, allant de la production jusqu’à la diffusion auprès des lecteurs.
Parmi les décisions urgentes annoncées par le Gouvernement, le report d’un an de l’augmentation des tarifs postaux est une sage décision, qui répond à l’attente de la profession. Cependant, cette aide permanente au transport postal ne cantonne-t-elle pas la presse, en particulier la presse quotidienne nationale, dans un système de distribution encore perfectible ?
Le portage, plus pertinent, mériterait donc d’être encouragé. Avec 70 millions de crédits annoncés, le Gouvernement opère un rattrapage. Il serait souhaitable de pérenniser des aides importantes pour ce type de distribution.
La diffusion des journaux par la vente au numéro a fait l’objet de grandes discussions à l’occasion des états généraux, ce qui a sans doute suscité l’initiative gouvernementale en matière de rémunération du niveau 3. Il est nécessaire de simplifier l’installation des points ventes, car les journaux sont plus qu’un produit commercial. Parce qu’ils sont informatifs,…
Mme Nathalie Goulet. Normalement !
M. Yvon Collin. …instructifs, pédagogiques, les journaux doivent être, à l’instar des services publics, facilement accessibles sur tout le territoire.
S’agissant du processus proprement industriel de la presse, le premier des efforts doit porter sur les coûts de fabrication, qui, malgré des adaptations récentes, restent trop élevés en France. Pour les réduire de 30 % à 40 %, éditeurs et syndicats sont invités à négocier un nouveau « contrat social » dans les imprimeries. L’adaptation des savoir-faire aux nouvelles exigences modernes et la question de la mutualisation de l’impression devront être discutées.
En réponse à la baisse des recettes publicitaires pour les journaux – phénomène particulièrement inquiétant aujourd’hui –, le Gouvernement prévoit de réorienter une partie de sa communication institutionnelle vers la presse écrite. Cet effort mérite d’être salué, même si le captage de la publicité par la télévision et le poids trop important de la publicité hors média sont des tendances lourdes, qui continueront sans doute à grignoter les recettes des éditeurs.
Parce qu’il n’y aurait pas de journaux sans journalistes, les droits et les devoirs de la profession nécessitent d’être précisés. L’annexion d’un code de déontologie à la convention collective des journalistes est une bonne chose,…
Mme Nathalie Goulet. Une très bonne chose !
M. Yvon Collin. …qui permettra sans doute de restaurer un lien de confiance entre les lecteurs et les journaux, dans le respect de l’autorité éditoriale.
M. Jean-Pierre Plancade. Très bien !
M. Yvon Collin. Par ailleurs, compte tenu du contexte de concurrence sans borne dans lequel s’exerce l’édition, il est aussi important pour les journaux de repenser les conventions collectives à l’aune des nouveaux périmètres économiques qui – faut-il le rappeler ? – ne sont plus ceux de l’après-guerre.
Enfin, la formation des journalistes a besoin d’être clarifiée et améliorée, sans pour autant être uniformisée, car la diversité des parcours est un gage de richesse des contenus.
Il conviendrait d’ailleurs d’adapter ces contenus pour répondre au problème d’un lectorat particulièrement âgé en France. Les initiatives qui se profilent en direction des jeunes sont plus que nécessaires, car ces derniers délaissent clairement la culture de l’écrit au profit du numérique. Or, il a été démontré que la compréhension et l’assimilation d’une information étaient meilleures à la lecture d’un support papier.
Pour autant, il ne s’agit pas de dénigrer internet, qui fait partie intégrante de la vie des jeunes générations. Toute tentative de retour en arrière serait vaine. Il convient d’accompagner cet « existant » en l’adaptant. S’agissant de la presse diffusée sur internet, tout le monde s’accorde sur l’idée d’un statut de l’éditeur en ligne. Il est simplement souhaitable que ce dernier ait ses propres droits et obligations.
Tels sont, mes chers collègues, les principaux enjeux d’un débat sur l’avenir de la presse. Parce que la presse doit conserver sa liberté, son pluralisme et son indépendance, les pouvoirs publics ne peuvent pas être les principaux acteurs de la refondation du modèle économique de la presse. Ils doivent cependant prendre leur part au projet de modernisation, car ne pas accompagner ces mutations ferait courir le risque de la disparition de nombreux titres, ce qui amenuiserait l’un des principes que je viens d’énoncer : le pluralisme. Or, vous en conviendrez, madame la ministre, la démocratie ne peut pas se passer de la diversité des opinions.
Par conséquent, madame la ministre, mes chers collègues, sachez que les membres du RDSE soutiendront les initiatives publiques tant qu’elles s’inscriront dans une démarche de soutien politiquement désintéressée et économiquement prometteuse. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Plancade. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je suis intervenu tout à l’heure avec une certaine retenue en qualité de rapporteur pour avis. En cet instant, j’interviens au nom du groupe socialiste, et mes propos seront donc moins nuancés.
Les internautes, dont je suis, consultant le site internet de l’excellente émission L’Atelier des médias de Radio France Internationale – antenne de service public dont je salue au passage les personnels, qui vivent actuellement un plan social douloureux – peuvent en ce moment assister, en vidéo, aux dernières heures d’un quotidien : le Rocky Mountain News de Denver, aux États-Unis.
Voilà donc des auditeurs de radio fréquentant le site de leur émission préférée sur internet, où ils apprennent, presque en direct, la disparition d’un journal « papier » à l’autre bout du monde…
D'ailleurs, ce matin même, j’apprenais la fin de l’édition « papier » du quotidien Seattle Post-Intelligencer, pourtant plus que centenaire – il fut fondé voilà près de cent cinquante ans –, qui a décidé de passer au « tout internet ».
À l’heure de la révolution numérique, l’anecdote est significative d’un temps où la mort prochaine de la presse écrite semble inéluctable et où il est de bon ton de condamner à brève échéance les éditeurs continuant à publier des journaux ou des magazines « papier ».
Il ne fait pas de doute que l’accélération du taux de raccordement des ménages à internet dans les pays occidentaux depuis le début des années 2000 a suscité une modification des pratiques d’accès à l’information, qui est particulièrement marquée chez les moins de vingt-cinq ans, pour lesquels le web représente une source apparemment inépuisable et gratuite de contenus écrits et audiovisuels sans cesse renouvelés.
Ainsi, comme je le soulignais dans le rapport que j’ai réalisé en octobre 2008, au nom de notre commission des affaires culturelles, sur l’impact des nouveaux médias sur la jeunesse : « Selon un sondage Ipsos de novembre 2004, internet est [...] le média préféré pour 61 % des 15-25 ans et l’office des communications britanniques a récemment mis en lumière le fait que le temps consacré à naviguer sur la toile était devenu, pour les jeunes Britanniques, supérieur à celui passé devant la télévision. La génération digitale passe globalement 800 heures par an à l’école, 80 heures à discuter avec sa famille et 1 500 heures devant un écran ».
La désaffection parallèle des jeunes générations pour la lecture de la presse écrite d’information générale ne serait pas inquiétante en soi si ce public était suffisamment averti de la qualité et du statut des contenus en ligne.
Or les 15-25 ans ont majoritairement tendance à naviguer sur la toile de lien en lien, au gré de leur inspiration, plutôt qu’à faire une recherche précise ou à mobiliser des sites qu’ils connaîtraient par avance. Ce constat m’a amené, dans le rapport précité, à mettre en garde contre le potentiel de manipulation et de désinformation que recèle internet.
Dans ce contexte, l’avenir des journaux quotidiens, et même de la « grand-messe du vingt heures » télévisé semble bouché, et cela d’autant plus depuis que des titres comme Le Monde, Libération ou La Tribune ont connu de graves difficultés économiques, entraînant des réductions d’effectifs jusque dans les rédactions et de douloureux changements de management, tandis que L’Humanité ou France Soir paraissent en état de perpétuelle convalescence.
Cette macabre impression est confirmée, ces dernières semaines, par la brutale descente aux enfers de puissants groupes de presse américains, comme Tribune, l’éditeur du Los Angeles Times et du Chicago Tribune, qui a été placé sous la protection de la loi sur les faillites en décembre dernier, alors que, à la même époque, les propriétaires du New York Times, confrontés en 2008 à une chute de 13 % des recettes publicitaires du quotidien de référence new-yorkais, décidaient d’hypothéquer le prestigieux siège du journal, en plein cœur de Manhattan.
Parallèlement, deux des principaux éditeurs européens de presse, l’allemand Bertelsmann et l’italien Mondadori, envisagent que 2009 soit une « annus horribilis » pour leur secteur, avec un recul des recettes publicitaires qui serait supérieur à 10 %. Ces sombres perspectives d’activité ont d’ores et déjà incité Bertelsmann à interrompre la publication de trois magazines en Europe.
S’il n’est pas étonnant que certains groupes de médias soient touchés significativement par la crise économique actuelle, le phénomène est inquiétant dans la mesure où les activités d’édition et de diffusion de journaux et de magazines sur support « papier » sont déjà fragilisées par la révolution numérique.
Or, malgré la baisse importante des investissements publicitaires que connaîtront les médias en général en 2009, il est probable que ceux qui sont réalisés sur internet continueront à progresser au détriment des chiffres d’affaires des autres supports.
En 2008, internet captait ainsi 15 % des investissements publicitaires, contre 9,6 % seulement en 2006. Ce sont quelque 516 millions d’euros de recettes publicitaires, en augmentation de 12,6 % par rapport à 2007, qu’a engrangées internet l’année dernière, contre 316 millions d’euros pour les quotidiens nationaux, un montant en baisse de 4,4 % par rapport à l’exercice précédent.
Cette évolution structurelle du marché de la publicité est en fait représentative de l’intérêt grandissant des annonceurs pour des supports permettant une segmentation fine des publics visés.
Dans cette conjoncture, on pourrait conclure superficiellement que notre débat d’aujourd’hui porte sur la chronique d’une mort annoncée, celle de la presse écrite !
Pourtant, si les défis à relever pour la presse écrite en particulier et pour les médias d’information en général sont nombreux et complexes, j’affirme que nos journaux « papier » pourraient encore vivre de longues années de bonheur avec leurs lecteurs si nous disposions d’une politique susceptible de les soutenir.
Quelles sont nos raisons d’espérer ? Et quelles sont les conditions qui permettraient d’envisager sans inquiétude l’avenir de notre presse écrite ?
D’une part, selon les résultats d’une étude récente et contre toute attente, la presse quotidienne en 2008 a gagné des lecteurs en France, avec une progression de 2,6 % pour les quotidiens régionaux, dont l’audience atteint ainsi 17,8 millions de personnes, de 0,9 % pour les quotidiens nationaux, avec 8,8 millions de lecteurs, et même de 4 % pour les « gratuits », avec 4,4 millions de lecteurs.
D’autre part, les résultats d’une enquête réalisée par l’institut MRCC pour sept quotidiens nationaux, huit quotidiens régionaux et dix-sept magazines à l’occasion des états généraux montrent que les lecteurs de la presse écrite choisissent celle-ci parce que journaux et magazines sont les supports d’information les plus indispensables à la démocratie, en même temps que les plus riches en informations de toutes sortes.
Cependant, les mêmes lecteurs jugent que la presse écrite a des points faibles rédhibitoires, qui constituent autant de raisons de ne pas acheter journaux et magazines : ainsi, les personnes interrogées estiment que les prix de la presse écrite sont élevés – suscitant la réflexion : « On n’en a pas pour son argent » ! – et que les journalistes de ses titres sont moins indépendants et objectifs que ceux des autres supports.
Autrement dit, pour continuer à acheter la presse, nos concitoyens la souhaitent riche, dense, proche des gens et agréable, mais aussi moins chère et plus crédible dans son contenu.
Les Français, et l’on peut raisonnablement croire que c’est aussi le cas des habitants des autres pays développés, semblent donc attachés à une presse de qualité, généraliste et accessible.
Or, il faut le constater, les principaux groupes de médias, pour s’adapter à ce que seraient les évolutions d’un marché déstabilisé par internet et la gratuité, prennent des options de développement qui sont susceptibles de décevoir ces attentes.
L’AFP se trouve aujourd'hui concernée au premier chef par ce problème. D'ailleurs, madame la ministre, je profite de ce débat pour vous poser une question simple : quel est votre point de vue sur l’évolution envisagée par le P-DG de l’AFP, qui a déclaré souhaiter que le statut de l’agence se rapproche de celui de La Poste ?
En tout cas, les patrons de presse, en tentant de pratiquer un journalisme plus rentable, réduisent la pagination des quotidiens et des magazines généralistes et n’hésitent plus à licencier des journalistes pour réduire les coûts de fonctionnement des équipes rédactionnelles.
Il y a là une contradiction avec le constat que je dressais voilà quelques instants : les Français continuent à croire à la presse écrite, parce qu’ils sentent qu’elle est plus riche, plus dense, et qu’elle dispose de davantage de contenu, ce qui correspond à leurs attentes ; pourtant, pour s’adapter à la nouvelle situation des médias et répondre à la crise, les patrons de presse réduisent la qualité, les moyens et la place réservée aux articles de fond !
Parallèlement, ils cherchent à développer des stratégies « multimédia », en faisant proliférer, sur papier ou sur internet, les éditions spécialisées animées par des « rédactions bis », composées de jeunes gens reproduisant à longueur de journée des dépêches d’agence.
Cette « perte de substance » du métier de journaliste amène d’ailleurs Jean-Marie Charon, sociologue des médias réputé, qui a participé aux travaux du pôle « presse et société » des états généraux de la presse écrite, à proposer que les journalistes « assis » soient moins bien rémunérés que les journalistes « debout », pour reprendre ses propres expressions.
Convenant lui-même du caractère provocateur de ce propos, son auteur s’en explique en estimant nécessaire d’interpeller les éditeurs : selon lui, il est important que la presse rende compte d’une information originale « de première main, […] obtenue dans un rapport direct avec les acteurs de l’actualité ».
La mutation accélérée du métier de journaliste préoccupe au sein même de la profession.
Ainsi, Bernard Poulet, rédacteur en chef à L’Expansion, dans un essai paru récemment, La fin des journaux et l’avenir de l’information, conclut à la disparition progressive du métier de journaliste, tel qu’il existait jusqu’alors, dont le cœur était constitué par le travail d’enquête, car il n’est plus assez rentable pour s’adapter à ce que seraient les nouveaux modes de consommation de l’information.
Pourtant, en contradiction avec les attentes de la société à l’égard de la presse, cette tendance risque d’approfondir le fossé entre des journaux d’information générale, aux contenus de plus en plus pauvres et ciblés, et leurs lecteurs. Ce fossé s’agrandira d’autant plus que la concentration dans le secteur des médias s’accroîtra.
En effet, nos concitoyens cherchent une information libre, qui soit traitée par des rédactions indépendantes, particulièrement en ces temps sombres de profonde crise économique et sociale.
Or, selon une enquête récente réalisée pour La Croix, une part considérable des Français – 63 % d’entre eux ! – pensent que les médias ne sont pas indépendants face aux pressions politiques et économiques.
Dans un pays où la grande majorité des titres de presse et des chaînes de télévision et de radio appartiennent à des conglomérats qui non seulement sont présents dans la communication, mais tirent le principal de leurs revenus des commandes publiques, dans les secteurs des travaux ou de l’armement par exemple (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.), nos concitoyens font, par là, preuve de beaucoup de lucidité !
Il est certain qu’en affirmant régulièrement que le principal problème de la presse en France réside dans le manque de concentration des éditeurs, le Président de la République ne rassure pas les lecteurs des journaux sur le devenir de l’indépendance éditoriale des titres.
Qui plus est, en multipliant les interventions directes auprès des rédactions et les critiques à l’emporte-pièce à l’égard des journalistes, le chef de l’État fait montre d’une tentation bien mal réprimée de contrôler l’information, qui ne correspond guère au rôle de contributeur essentiel du débat démocratique que les Français veulent voir jouer à la presse !
De ce point de vue, la récente loi bouleversant l’ensemble du paysage audiovisuel afin d’organiser la mise sous tutelle du pouvoir du service public de la radio et de la télévision ne rassure pas sur les projets du président Sarkozy pour la presse d’information en général.
Dans ce contexte, les états généraux de la presse écrite ont certes constitué une occasion importante de débattre de l’avenir de la presse écrite, mais aussi manifesté le manque de maturité certain de notre société démocratique, où les acteurs mêmes des contre-pouvoirs appellent de leurs vœux le soutien de l’État !
Or, s’il est habituel, en France, que la politique d’aide à la presse et aux médias dépende du ministère quasi régalien qu’inaugura Malraux voilà cinquante ans, il n’était sûrement pas dans les projets du fondateur de la Ve République de voir l’hôte de l’Élysée jouer les rédacteurs en chef des télévisions, radios, magazines et quotidiens de tout le pays !
Ces états généraux ont, en effet, surtout péché par un vice essentiel : ils ont été organisés sur l’initiative du chef de l’État et pilotés directement par son équipe de collaborateurs.
Dès lors, il est difficile de faire croire que la presse n’est pas sous influence, surtout lorsque MM. Bolloré, Dassault et Lagardère détiennent les principaux leviers de commande économiques du secteur et que les journalistes ont été quasiment exclus des travaux des états généraux de la presse écrite !
De plus, le temps imparti pour traiter ce qui constitue un véritable enjeu de société fut bien court...
Les résultats des états généraux de la presse écrite suscitent donc légitimement la suspicion, même si certaines propositions, comme la création d’un statut d’éditeur de presse en ligne, vont naturellement dans le bon sens, sous réserve des conditions dans lesquelles elles seront mises en œuvre.
En réalité, le catalogue de mesures catégorielles dont ont accouché ces états généraux n’est pas à la hauteur du défi posé par la société à ses journaux et magazines, à savoir recréer de la confiance entre la presse écrite et tous les citoyens en quête d’une information fiable et plurielle.
À cet égard, certaines propositions du Livre vert sont inquiétantes : le doublement de la part des investissements publicitaires de l’État consacrés à la presse n’est-il pas une « fausse bonne idée » dans une République dont les citoyens jugent les médias déjà trop proches des pouvoirs politique et économique ?
Comment sera perçue par les Français l’insertion en pleine page de campagnes de communication gouvernementales dans leurs quotidiens préférés ?
Plus fondamentalement, la question de la régulation des concentrations dans le secteur des médias n’a pas été posée dans le cadre de ces états généraux, et on le comprend eu égard à la position du chef de l’État sur ce sujet, alors qu’elle est majeure.
En effet, la concentration de nombreux titres de la presse d’information et d’importantes chaînes de radio et de télévision entre les mains de puissants groupes d’industries et de services, dont les patrons sont presque tous proches du Président de la République et dont la plupart tirent une part significative de leurs revenus des commandes publiques, constitue une anomalie dans les démocraties occidentales.
Il est donc plus que temps, madame la ministre, d’envisager sérieusement, et sans esprit de polémique, d’interdire aux groupes dont le chiffre d’affaires est substantiellement assuré par des revenus issus de la commande publique de détenir des entreprises de médias d’information.
Toutefois, ce dispositif anti-concentration ne réglerait pas les questions liées à la place et au rôle des rédactions dans ces entreprises, et je terminerai en évoquant ce problème.
Notre assemblée s’était honorée, durant la discussion du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, en approuvant un amendement du groupe socialiste faisant obligation aux chaînes de la télévision publique de se doter d’une rédaction propre, dirigée par un journaliste.
Malheureusement, cette disposition fut vidée de son contenu en commission mixte paritaire par les députés de l’UMP, mais non par les sénateurs : de quoi ceux-ci ont-ils donc eu peur ? Des foudres du chef de l’État ?
En tout état de cause, l’élaboration de chartes rédactionnelles ne suffira pas à garantir l’intégrité des rédactions de chaque titre dans les groupes de presse, qui ne pourra être efficacement assurée que par la reconnaissance juridique de ces dernières.
Dans cette perspective, on attendra beaucoup de la conférence nationale des métiers du journalisme, apparemment appelée à se réunir rapidement, car que serait une rédaction, même à l’âge du numérique, sans journalistes ?
Cette conférence devra se saisir des questions de déontologie…
Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Assouline.
M. David Assouline. …et faire des propositions pour l’élaboration du futur code annexé à la convention collective nationale de travail des journalistes. Il lui faudra aussi chercher les moyens de reconnaître la place des pigistes, qui se sentent souvent déconsidérés alors qu’ils apportent, notamment dans la presse quotidienne régionale, une contribution essentielle à la couverture de l’information.
La profession devra, par ailleurs, veiller à ce que l’évolution du régime des droits d’auteur des journalistes ne tende pas à la logique du copyright. Sur ce plan, un amendement de notre collègue Mme Marie-Christine Blandin au texte qui est devenu la loi du 1er août 2006 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information a permis d’éviter que les photographes ne soient victimes d’une telle dérive.
Pour conclure, je rappellerai rapidement les propositions qui figurent dans mon rapport sur les nouveaux médias et la jeunesse et qui ont recueilli l’unanimité de la commission des affaires culturelles.
Mme la présidente. Concluez, mon cher collègue !
M. David Assouline. On ne peut pas engager le débat sur la revalorisation de la presse et dire qu’il faut encourager les jeunes à lire, y compris avec cette bonne mesure d’un abonnement, sans prendre à bras-le-corps la question de l’éducation aux médias, qui est désespérément absente de notre éducation nationale…
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. C’est vrai !
M. David Assouline. …et qui, en dépit des initiatives pilotes qui existent aujourd’hui, se voit affaiblie par des mesures de réductions de postes qui interviennent mois après mois.
Je veux conclure par cette note que j’espère optimiste : la commission des affaires culturelles ayant été unanime sur ce point, il faudra à un moment donné que le Gouvernement, voire le législateur, surveille la façon dont les choses se mettent en place. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Pierre Plancade. Absolument !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, trois minutes de temps de parole sur un sujet aussi important et sensible ne me permettront que d’apporter un témoignage.
J’en conviens, il faut aider la presse. Cependant, pourquoi, en période de crise, continuer à verser plus de 175 millions d’euros au titre du programme 180 d’aide directe à la presse écrite sans la moindre contrepartie ?
Je ne suis pas de nature liberticide, et vous le savez, mais la liberté des uns s’arrête où commence celle des autres et, en la matière, cela fait bien longtemps que la presse dans son ensemble a dépassé les bornes.
Notre droit de la presse est inadapté tant sur le fond que sur la forme aux médias du XXIe siècle et les victimes de diffamation doivent attendre des années pour voir leur préjudice réparé. Et encore l’est-il alors dans des proportions ridicules.
Je suis favorable à ce que l’on aide la presse, à condition qu’on lui impose un code de bonne conduite, comme beaucoup d’orateurs l’ont dit avant moi. Un peu de déontologie s’impose !
Pourquoi avoir exigé un contrat d’objectifs et de moyens avec l’AFP et rien avec la presse écrite ?
Ayons le courage de revoir le système !
Je ne dispose que de peu de temps pour évoquer internet et les blogs anonymes.
La fameuse adresse IP ne doit pas être le protecteur des infamies anonymes balancées sur le net et le gage de l’impunité.
M. Jean-Pierre Plancade. Très bien !
Mme Nathalie Goulet. J’applaudis des deux mains la récente décision de la chambre criminelle de la Cour de cassation. Certains, je le sais, y voient une décision qui viserait les auteurs de téléchargement, mais c’est aussi et surtout une voie ouverte aux victimes de diffamations.
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Eh oui !
Mme Nathalie Goulet. Les jeunes qui téléchargent musiques et films ne sont pas seuls au monde ! Il faut tout de même qu’ils le sachent.
Je ne partage, en règle générale, aucune des idées de Mme Morano ; en revanche, j’approuve sa démarche contre Dailymotion : jusqu’où doit-on accepter de se faire critiquer jusqu’à l’humiliation ?
De Salengro à Pierre Bérégovoy, combien d’hommes politiques n’ont pas supporté que leur honneur soit « livré aux chiens », pour reprendre des mots de François Mitterrand ?
L’honneur est bien peu de chose.
Je prendrai l’exemple d’une plainte contre X, n’ayant pas encore fait l’objet d’une ordonnance de consignation, c’est-à-dire sans existence juridique. Un grand journal du soir fait un article à charge, non pas un petit article, mais une pleine page. (L’oratrice brandit le document.) L’affaire a abouti à un non-lieu : avons-nous alors une ligne sur celui-ci ? Aucune ! pas la moindre !
Combien de temps allons-nous supporter ces instructions médiatiques et ce mélange des genres qui peuvent anéantir un être humain et sa famille ?
Je pense à Dominique Baudis, à l’affaire d’Outreau, à tant d’autres drames. Je pense également à ceux qui ont frappé tant de gens complètement inconnus ; je songe notamment à cette personne dénoncée par son ex-compagne dans un élan vengeur comme l’auteur des envois de lettres anonymes et de projectiles au Président de la République, qui s’est retrouvée immédiatement cernée par la presse et victime d’une campagne absolument délirante.
Nous devons obtenir que les déclarations du syndicat des journalistes, dans lesquelles il prônait de remettre la déontologie au cœur du métier, soient appliquées. Je rappelle que, dans cette charte, datant de juillet 1918 et révisée en 1938, il est précisé que la calomnie et les accusations sans preuves sont les plus grandes fautes professionnelles. Ce texte date – j’insiste sur ce point – de 1918 : les états généraux de la presse écrite n’ont rien inventé de mieux !
Il faudra sûrement plus de sévérité et de contrôle s’agissant de l’attribution des cartes professionnelles.
Je peux vous le dire d’expérience, mes chers collègues : cela n’arrive pas qu’aux autres ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l’Union centriste et de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales reconnaissent le droit à l’information comme une composante essentielle des libertés d’opinion et d’expression.
Dans une démocratie, l’exercice de ce droit suppose que l’État veille à assurer le pluralisme de l’information sur tout le territoire, par tous les moyens de communication.
Quelle que soit la progression réelle des moyens électroniques de communication sur le territoire national, la presse écrite reste un support d’information essentiel, et ce particulièrement dans les zones rurales, où les habitants ne bénéficient pas tous, loin s’en faut encore aujourd’hui, du haut débit ou du très haut débit.
Le rôle primordial du transport de la presse est, d’ailleurs, reconnu dans notre nation, puisqu’il fait partie des quatre missions de service public confiées à La Poste, à côté du service universel postal, de la présence postale territoriale et de l’accessibilité bancaire.
La mission de service public du transport et de la distribution de la presse est ainsi garantie dans son principe par la loi du 21 mai 2005.
Qu’en est-il dans les faits ?
D’un coût annuel de 1,2 milliard d’euros, la mission de transport et de distribution de la presse connaît un déficit structurel, qui s’est élevé à 414 millions d’euros en 2007 après contribution de l’État de 242 millions d’euros.
Alors que le marché du courrier va être totalement ouvert à la concurrence au 1er janvier 2011, il est nécessaire de garantir le bon exercice de cette mission de service public.
Un protocole d’accord entre l’État, la presse et La Poste a donc été signé le 23 juillet 2008 pour la période 2009-2015. Selon ses signataires, il devrait permettre de couvrir, au terme de cette période, les coûts complets du transport de la presse, les éditeurs acceptant des hausses tarifaires en moyenne de 1,5 % à 4 % par an, La Poste s’engageant à réduire ses coûts nets attribuables au transport de la presse de 200 millions d’euros en 2015 hors inflation et l’État réduisant progressivement sa contribution annuelle de 242 millions d’euros à 180 millions d’euros entre 2009 et 2015.
Que faut-il penser de cet accord ?
L’optimisme affiché dans cet accord a de quoi laisser un peu dubitatif.
D’abord, je ferai un constat : l’État va réduire sa contribution.
Ensuite, comment ne pas s’interroger sur les conséquences de l’importante revalorisation des tarifs postaux et son incidence sur des éditeurs dont certains titres de presse connaissent de grandes difficultés ? Faut-il se satisfaire de l’affirmation selon laquelle les tarifs de presse de La Poste demeureront parmi les plus abordables en Europe ?
Enfin, que penser de l’engagement pris par La Poste de considérer la question du déficit du transport de la presse définitivement réglée dès lors que le protocole sera intégralement appliqué et de faire son affaire, le cas échéant, de tout écart résiduel entre les coûts attribuables au transport de la presse et les recettes provenant des clients éditeurs et de la contribution de l’État ?
En effet, si la question du déficit n’était pas réglée, le risque serait réel de voir La Poste, confrontée à la concurrence, réduire le champ de sa mission de transport et de distribution.
Pour éviter ce risque et contribuer à assurer l’avenir de la presse écrite, l’État doit s’engager à renforcer, si besoin est, sa contribution au transport de la presse. Nous considérons, madame la ministre, que, quoi qu’il arrive, il doit accompagner La Poste à un niveau suffisant pour garantir dans la durée l’exercice d’un droit aussi fondamental que le droit à l’information de tous les citoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Pierre Plancade. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Fauchon.
M. Pierre Fauchon. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j’évoquerai le problème de la déontologie de la presse, qui a été abordé de manière émouvante par Mme Nathalie Goulet voilà quelques instants.
Je m’en tiendrai à deux questions, à une mise en garde et à une suggestion.
La première question est selon moi essentielle : est-il compatible avec l’idée même de démocratie et d’équilibre des pouvoirs que le pouvoir de la presse, dont nul n’ignore qu’il est considérable, se développe au gré de ceux qui le détiennent sans rencontrer aucune sorte de contre-pouvoir réel ? C’est la seule hypothèse d’un pouvoir sans contre-pouvoir.
La seconde question est la suivante : qui peut ignorer que le système de procédures pénales pour diffamation aussi bien que le recours au droit de réponse ne sont que des palliatifs rarement efficaces,…
M. Paul Blanc. Ca, c’est vrai !
M. Pierre Fauchon. …étant donné les difficultés de procédure dont les juges sont friands et les habiletés de mise en application du droit de réponse où excellent les rédacteurs en chef ?
Ainsi le citoyen et – ce qui est plus grave à mes yeux – l’opinion sont-ils en réalité la proie désarmée d’un journalisme qui, pour très honorable et difficile qu’il soit, n’en relève pas moins des obligations que devraient imposer tout à la fois la liberté d’informer, si essentielle dans un état de droit, et les aides financières publiques qui sont mises à son service.
Chacun sait combien ces obligations sont méconnues, tantôt par action et, plus souvent peut-être, par omission dans le devoir d’informer, trop souvent ignoré au profit de la liberté de commenter, qui correspond non à un devoir mais à un privilège de la presse.
Et que dire d’internet, évoqué tout à l’heure, qui diffuse en toute impunité des informations durables, indépendamment de toute garantie et souvent à l’abri de pseudonymes, qui sont la variante moderne et redoutable des lettres anonymes ?
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Pierre Fauchon. La mise en garde que je voulais formuler, c’est évidemment que tout contrôle extérieur exercé sur la presse présente le risque de porter atteinte à sa liberté d’expression, qui est aussi sacrée que la liberté d’opinion. Elles sont d’ailleurs indissociables.
Enfin, la suggestion que je veux faire est que l’on ne saurait se contenter de créer un observatoire des problèmes de déontologie : la question est non pas d’observer, mais d’agir et de remédier. Elle est non pas – ou pas seulement – d’édicter des « chartes », certes très respectables, mais de faire en sorte que leur respect ne soit plus laissé à la discrétion soit de ceux-là mêmes qu’elles sont supposées régir – c’est trop facile ! –, soit d’autorités professionnelles – généralement les rédactions – le plus souvent paralysées ou obligées de s’en tenir à une prudence embarrassée.
La solution que je préconise est de mettre en place un système d’autodiscipline auprès duquel tout citoyen ou groupe de citoyens puisse trouver audience et réponse sans subir les coûts et les turpitudes des procédures judiciaires. Je pense ici non pas aux juridictions, qui doivent réserver leur action aux offenses les plus graves, mais à un dispositif de médiation paritaire inspiré des procédures de médiation, qui connaissent actuellement un développement prometteur.
Ce mode de résolution des conflits me paraît approprié dans la mesure où il permet toute une gamme de mesures plus délicates et mieux adaptées, à travers un processus allant de la confrontation des parties – cette confrontation est en elle-même un progrès puisqu’il est déjà considérable, pour une partie victime d’un abus, d’être entendue – jusqu’aux recommandations ou avertissements dont la publication suffirait le plus souvent à garantir ce qu’il faut d’efficacité, sans compromettre ce qu’il faut de liberté.
La liberté de la presse reste sacrée, à condition qu’elle concerne une presse citoyenne et responsable, c’est-à-dire une presse qui échappe au risque de défiance. M. Assouline, notre rapporteur pour avis, a rappelé tout à l’heure que cette défiance était une des causes des difficultés qui sont actuellement rencontrées par la presse. Mais c’est une cause dont elle préfère généralement ne pas s’inquiéter. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Serge Lagauche applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, comme cela a été dit, la presse connaît effectivement une crise très grave.
Certaines des causes de cette crise sont, en quelque sorte, internationales et affectent la presse de tous les pays. Je pense par exemple à l’émergence des « gratuits », même si la presse gratuite peine en réalité à trouver son équilibre, à la montée en puissance d’internet et à la crise qui, naturellement, provoque une crise du marché publicitaire.
Mais, nous le savons bien, certaines causes sont aussi propres ou, du moins, plus liées à la France : des coûts d’impression qui sont supérieurs de 30 % à 40 % à la moyenne européenne, un système de distribution inadapté aux exigences du marché et, certainement, une insuffisante valorisation du métier de vendeur par rapport aux autres pays. Cette liste n’est pas exhaustive.
Cette situation explique la mobilisation du Gouvernement et la décision du Président de la République de lancer ces états généraux de la presse écrite, qui étaient très attendus et qui, je crois, ont été salués par la profession.
Le plan auquel ceux-ci ont abouti est, me semble-t-il, exhaustif et tout à fait concret. Construit sur trois ans, il représente pour l’État un effort important : l’enveloppe globale est légèrement inférieure à 200 millions d’euros par an et reconductible sur chacun des exercices. Le total atteint donc 600 millions d’euros entre 2009 et 2011, sachant que 150 millions d’euros ont été inscrits, au collectif de printemps, pour les besoins de 2009. Cette ouverture de crédit s’ajoute naturellement aux 277 millions d’euros déjà inscrits pour le programme « Presse » dans la loi de finances pour 2009.
Ce plan comporte des mesures d’urgence et, bien sûr, de nombreuses mesures structurantes ou structurelles.
Parmi les mesures d’urgence, certaines concernent le moratoire de l’accord État-presse-La Poste, signé en juillet 2008 après, d’ailleurs, de longues négociations. Pourquoi nous étions-nous mobilisés pour conclure cet accord ?
D’abord, outre le fait que les précédents accords prenaient fin, ce texte avait tout de même l’avantage de confirmer la mission de service public du transport et de la distribution de la presse confiée à La Poste. Ce point est important.
Ensuite, l’État pérennisait son engagement financier pour une durée historiquement longue de sept ans et garantissait le pluralisme de la presse et sa diffusion postale sur l’ensemble du territoire. Il apportait une contribution de 242 millions d’euros par an, de 2009 à 2011, avec l’objectif de résorber le déficit résiduel de La Poste d’ici à 2015.
Enfin, l’accord prévoyait des tarifs différenciés entre la presse d’information politique et générale, dont les enjeux démocratiques sont considérables, et le reste du secteur. Ce point est également important.
Toutefois, compte tenu de la crise, il est apparu urgent de différer, pour la partie tarifaire, la mise en application de cet accord État-presse-La Poste et de prévoir une compensation intégrale, par l’État, du manque à gagner pour La Poste, ce qui représente un effort de 25,4 millions d’euros. Ces crédits ont été inscrits dans le projet de loi de finances rectificative pour 2009 du 4 mars 2009. Bien sûr, nous ferons un état des lieux à la fin de l’année pour voir où nous en sommes. L’application de cet accord est donc différée d’une année, pour sa partie tarifaire.
La deuxième mesure d’urgence était tout à fait à la portée de l’État puisqu’elle concernait la réorientation de ses dépenses publicitaires en faveur de la presse. Le Président de la République a décidé d’un redéploiement massif des crédits vers la presse, qui verra l’investissement publicitaire public doubler en 2009 et passer de 18 millions à 36 millions d’euros.
Enfin, une troisième mesure pourrait s’adresser aux publications les plus fragiles, c’est-à-dire aux quotidiens à faibles ressources publicitaires dont Ivan Renar nous a parlé à plusieurs reprises. Pour eux, nous envisageons une disposition exceptionnelle visant à doubler l’aide apportée dans le cadre du fonds de soutien aux quotidiens à faible ressource publicitaire, qui passerait ainsi de 7 millions à 14 millions d’euros pour l’année 2009.
Au-delà de ces mesures d’urgence exceptionnelles, des mesures plus structurelles sont évidemment nécessaires.
S’agissant des coûts d’impression en France, qui, comme je l’ai dit voilà un instant, sont de 30 % à 40 % plus élevés qu’ailleurs, il faut avancer. Le Président de la République a d’ailleurs souhaité qu’un effort de mutualisation soit mis en œuvre dès l’imprimerie, effort que nous allons encourager au travers du fonds d’aide à la modernisation.
Cette mutualisation pourrait prendre la forme d’une décentralisation ou d’un regroupement des centres d’impression, de la rentabilisation des imprimeries existantes ou encore de l’ouverture des imprimeries de presse « journal » à une partie des travaux réservés, jusqu’à présent, à la presse magazine.
Par ailleurs, nous souhaitons encourager la négociation d’un nouveau contrat social destiné à repenser les relations entre les éditeurs, la presse parisienne et le syndicat du livre. D’ores et déjà, cette négociation a commencé avec la presse quotidienne nationale et l’État s’engage à l’accompagner.
S’agissant de la presse régionale, sa diversité et son étendue n’ont pas permis, pour le moment, d’engager une négociation au même rythme que la presse nationale. Pour cette famille de presse, un audit clair et opérationnel des besoins s’impose peut-être avant d’envisager un accompagnement de l’État sur des objectifs de rationalisation ou de mutualisation des capacités d’impression. Quoi qu’il en soit, il est évident que ce chantier devra être ouvert, à l’instar de celui qui concerne la presse quotidienne nationale.
La modernisation du réseau de distribution, c’est-à-dire la vente au numéro, qui est très importante, constitue un deuxième grand sujet. Sur ce point, la France a plusieurs handicaps.
D’une part, comme je l’ai rappelé, la rémunération des marchands de journaux est l’une des plus faibles d’Europe. Leur commission est comprise entre 15 % et 18 % du prix de vente, contre 18 % à 20 % en Allemagne, 21 % à 26 % au Royaume-Uni et 20 % à 25 % en Espagne.
D’autre part, nous souffrons d’un déficit de points de vente. En moyenne, à l’échelle nationale, il existe un point de vente pour 2 000 habitants en France, contre un peu plus d’un pour 1 000 habitants au Royaume-Uni et un point pour 700 habitants en Allemagne – et cette situation fait une énorme différence !
Dans ce contexte, trois objectifs prioritaires ont été fixés.
Le premier concerne la réorganisation du réseau de distribution, que nous espérons pouvoir mettre en œuvre dans un calendrier relativement serré.
Nous souhaitons que des accords soient conclus entre les différentes messageries de presse : MLP, NMPP et Transport Presse. Un accord a déjà été passé, au mois de mars, sur le plafonnement des quantités dans les points de vente afin de traiter la problématique des invendus, très justement soulignée par différents orateurs. Le déploiement de la gestion de l’assortiment, visant à offrir une plus grande liberté aux vendeurs est envisagé pour le mois de septembre.
Enfin, le Conseil supérieur des messageries de presse vient d’annoncer la mise en place d’un groupe de travail chargé d’une réflexion sur les missions et les réseaux des dépositaires de presse.
Ce sont les premiers pas positifs vers la réalisation des objectifs posés à l’issue des états généraux de la presse écrite.
Le deuxième objectif, c’est la revalorisation de la rémunération des diffuseurs.
Il est prévu, dans une phase transitoire, de mettre en œuvre un accompagnement, sous la forme d’une aide directe équivalant à une exonération partielle des charges pour près de 14 000 diffuseurs qualifiés. Ce plan de soutien, limité dans le temps, revêtira la forme d’un nouveau fonds, officialisé dans le courant du mois d’avril, doté de 27,6 millions d’euros dans un premier temps et dont la mise en place technique sera effective à la rentrée 2009.
Enfin, le troisième objectif consiste à maintenir et à augmenter le nombre de points de vente. Cette démarche, nous le savons, est déjà portée dans le plan Défi 2010 des NMPP et représente un enjeu tout à fait essentiel.
Arnaud de Puyfontaine, qui était l’un des chefs de pôle des Etats généraux de la presse écrite, est chargé de travailler sur ces différents objectifs pour la distribution.
Des expérimentations sont actuellement en cours pour tester la faisabilité de l’ouverture du réseau de vente de la presse quotidienne régionale à la presse quotidienne nationale. Nous savons ce point problématique : on ne trouve souvent que la presse quotidienne régionale, et rien d’autre, dans les points de vente.
Par ailleurs, des expérimentations seront prochainement menées pour la mise en place d’opérations hors contrats d’exclusivité des messageries. Des tests vont être conduits avec la presse magazine.
Enfin, Arnaud de Puyfontaine diligentera une mission d’évaluation sur les blocages administratifs, techniques et réglementaires qui limitent l’implantation de nouveaux points de vente, afin que nous puissions agir.
Toutes ces opérations, au moins dans un premier temps, seront conduites sur la base de la loi Bichet. Il nous semble effectivement que nous pouvons agir de façon très volontariste et efficace dans ce cadre.
Parallèlement à la mission confiée à Arnaud de Puyfontaine, l’Autorité de la concurrence doit réfléchir au rôle et à la composition du Conseil supérieur des messageries de presse. Ses conclusions sur le sujet sont attendues pour la fin du mois d’avril. Évidemment, je ne peux pas les anticiper, mais les travaux sont bien en cours.
S’agissant du portage – j’ai déjà évoqué la vente au numéro –, nous sommes plutôt en retard. Le portage concerne seulement 14 % de la presse quotidienne nationale, contre 40 % de la presse quotidienne régionale. Les marges d’évolution et de progrès sont donc tout à fait importantes.
Le dispositif annoncé par le Président de la République le 23 janvier 2009 comporte en fait deux volets. D’une part, une mesure d’exonération totale des charges sociales patronales, qui vise à réduire le coût du portage, à en structurer le marché et à fidéliser les porteurs. D’autre part, le dispositif incitatif d’aide directe à l’exemplaire porté, inscrit dans la durée, c’est-à-dire sur trois ans, avec une dotation qui va passer de 8 millions à 70 millions d’euros par an. C’est donc un effort considérable qui est réalisé en direction du portage.
Après la concertation menée, au cours des dernières semaines, avec les professionnels, le nouveau dispositif est maintenant prêt. Il cible la presse quotidienne, tout simplement parce que c’est elle qui est le plus mal en point et qui en a le plus besoin.
J’ai entendu évoquer la problématique du portage multi-titres. Ce point ne fait pas l’objet d’un accord généralisé, y compris de la part des éditeurs de presse magazine. Nous nous interrogeons sur la compatibilité entre le portage dédié aux quotidiens et le portage consacré à la presse. Quoi qu’il en soit, nous allons continuer à travailler sur ce sujet, qui est tout de même intéressant, et sur lequel le volet de soutien structurel correspondant à l’exonération totale des charges sociales patronales répond déjà en bénéficiant de toute évidence à l’ensemble de la presse.
Outre l’impression et la distribution, la presse rencontre un autre problème, qui a également été évoqué, celui de son financement.
Une partie de ce financement provient des aides. À ce propos, je souscris tout à fait à certaines interventions. Les aides à la presse ont effectivement beaucoup contribué à l’évolution structurelle du secteur, mais, j’en conviens, le modèle doit évoluer.
Il faut favoriser les aides à l’innovation par opposition aux aides à l’exploitation, qui ne permettent pas à la presse de se développer. Il faut passer de la notion d’aide à la notion d’investissement. Enfin, il faut redéfinir les critères d’attribution des aides, qui permettront une expertise plus poussée sur la pertinence technique ou stratégique des projets, une meilleure prise en compte en aval du retour sur investissement et une incitation à la mutualisation.
À titre d’exemple d’actions visant à encourager l’investissement, et non le pur soutien, le fonds d’aide au développement des services en ligne des entreprises de presse verra sa dotation passer de 0,5 million à 20 millions d’euros dès 2009. Il sera d’ailleurs ouvert aux éditeurs de presse en ligne et, par exemple, aux pure players.
Au-delà des aides, il faut évidemment aider la presse à constituer des fonds propres et à accroître ses sources de financement, d’où la décision d’élargir les conditions d’accès au mécénat. Les éditeurs souhaitent en effet pouvoir disposer de dons en numéraire, et non forcément en capital. Il s’agirait de permettre à des associations – je pense, par exemple, à l’association Presse et Pluralisme, présidée par François d’Orcival, que nous connaissons bien – de souscrire à d’autres opérations que des augmentations en capital.
Dans un premier temps, nous souhaitons adapter le dispositif fiscal existant pour rendre éligibles les dons effectués au profit des associations, ce qui permettrait l’octroi de prêts ou de subventions aux entreprises de presse. Ce dispositif est prêt à être publié sous forme de rescrit sur le site de la direction de la législation fiscale.
Dans un second temps, nous souhaitons adapter le dispositif fiscal du mécénat dans le cadre de la loi de finances, pour rendre éligibles les dons effectués au profit d’un fonds placé sous le contrôle de la Caisse des dépôts et consignations. Les modalités de fonctionnement et de gestion de ce nouveau fonds seront à déterminer avant l’été, afin de pouvoir les adopter dans la prochaine loi de finances.
Par ailleurs, le Président a indiqué qu’il était ouvert à l’idée de remettre en question la limite fixée à la prise de participation en capital des entreprises de presse par des investisseurs étrangers. Il a tout de même précisé que sa préférence allait plutôt à des investisseurs en provenance de pays francophones, à l’instar de la Suisse, et qu’une telle mesure devait s’appliquer au cas par cas, dans le cadre, naturellement, d’accords internationaux qui seraient conclus par le ministère des affaires étrangères. C’est en tout cas une piste que nous ne nous interdisons pas d’explorer.
Au-delà des problèmes d’ordre technique et financier, il a été beaucoup question de déontologie dans les différentes interventions. C’est vrai qu’il y a beaucoup d’exigence en la matière et nombreux sont ceux qui aspirent à la renforcer. Nous avons tous en mémoire les exemples cités aujourd'hui et qui ont fait l’actualité. Il est fort regrettable que des articles ou d’autres publications puissent ainsi porter gravement atteinte à des personnes : leurs conséquences sont terribles et leur pouvoir de destruction est bien réel.
Au cours de l’histoire, l’exigence en matière de déontologie est une responsabilité que la profession a, au fond, toujours cherché à assumer et à exercer. À cette fin, elle a rédigé, d’abord, la charte des devoirs professionnels des journalistes français, en 1918, dans laquelle furent énoncés les principes de base, puis la déclaration des devoirs et des droits des journalistes, dite « charte de Munich », élaborée en 1971.
Sur ce sujet transversal, un grand travail a été fait dans le cadre des états généraux de la presse écrite, sous l’égide, notamment, de Bruno Frappat et François Dufour. La création d’un comité des sages chargé d’élaborer un code de déontologie, puis de le défendre, a ainsi été préconisée. Celui-ci devrait en tout état de cause être très contraignant puisqu’il serait annexé à la convention collective nationale de travail des journalistes : négocié, puis accepté par les partenaires sociaux, il aurait donc la même valeur juridique que la convention elle-même. Les principes édictés par ce code devront se combiner avec les obligations légales pesant sur la profession.
Il est prévu que les différents chefs de pôle chargés de présider les débats et les réflexions des états généraux vont saisir l'ensemble des organisations professionnelles pour composer ce comité des sages. Il est bon que ce soit la profession elle-même qui porte une telle ambition. D’ailleurs, c’est ce qui se passe dans tous les pays et c’est ce qui s’est toujours passé dans le nôtre. Nous serons en tout cas très attentifs aux développements à venir pour atteindre cet objectif si important.
J’en viens aux droits d’auteur, qui ont également été évoqués cet après-midi à de nombreuses reprises.
Les états généraux se sont finalement inspirés d’un document, communément appelé le « blanc », issu des réflexions d’un groupe de travail informel réuni avant leur tenue et qui comprenait diverses personnalités de la presse. L’idée est en fait de faire acter dans la loi un certain nombre de principes pour donner une base légale aux droits d’auteur des journalistes et aux conditions de leur cession aux éditeurs de presse en vue de leur exploitation dans un titre de presse.
Il s’agit, premièrement, de la cession automatique des droits d’auteur à l’éditeur pour une première exploitation durant une période de référence.
Il s’agit, deuxièmement, de la garantie pour les journalistes d’une rémunération complémentaire sous forme de droits d’auteur au-delà de cette période de référence et en dehors du périmètre direct de la publication.
Il s’agit, troisièmement, du recours à la négociation collective pour fixer la période de référence, le montant des rémunérations complémentaires et, au besoin, le périmètre de la cession dans une famille cohérente de presse.
Il s’agit enfin, quatrièmement, du renvoi à une commission ad hoc pour contribuer à la fixation des rémunérations et du périmètre de la cession, en cas d’échec de la négociation.
La commission ad hoc pourrait être composée à parité de représentants des journalistes et des éditeurs et présidée par un magistrat de la Cour de cassation. Nous souhaitons que ces principes soient inscrits dans la loi « création et internet », et nous sommes en train d’étudier différentes possibilités pour ce faire.
Il devrait d’ailleurs en être de même pour le statut d’éditeur de presse en ligne. À cet égard, les principaux éléments de définition de la presse en ligne retenus par les états généraux sont les suivants : une maîtrise éditoriale par la personne éditrice ; la production et la mise à disposition du public d’un contenu original, renouvelé régulièrement ; le traitement journalistique des informations et leur lien avec l’actualité ; l’emploi de journalistes professionnels lorsque le site est consacré à la presse d’information politique et générale ; l’exclusion des sites de promotion commerciale.
Tout cela mérite aussi d’être gravé dans la loi, ce qui permettrait aux éditeurs de presse en ligne de bénéficier des mêmes avantages fiscaux que les autres. Parallèlement, l’affaire « de Filippis » nous l’a montré, le régime de responsabilité éditoriale des services de communication en ligne devra être adapté et, probablement, atténué. En effet, dans le dispositif actuel, c’est le directeur de la publication qui est présumé responsable à titre principal des délits de presse commis sur ce type de services.
La formation professionnelle est un autre point très important. Si elle est du ressort de la profession, elle doit néanmoins être encouragée puisque moins de 20 % des jeunes journalistes sont en fait issus des écoles spécialisées reconnues par la profession, ce qui est tout de même très peu. Les états généraux ont avancé l’idée d’une formation obligatoire, d’une à deux semaines, en matière de droit de la presse et de déontologie pour les jeunes journalistes en poste depuis moins de trois ans. Il s’agit, à mon avis, d’un projet très intéressant et je me réjouis qu’il soit, là encore, porté par la profession.
Pour assurer le renouvellement du lectorat, qui a fait l’objet de nombreuses interventions au cours du débat, les états généraux ont proposé que les jeunes, l’année de leurs dix-huit ans, bénéficient d’un abonnement gratuit à un journal de leur choix, qu’ils recevraient un jour par semaine pendant un an, soit en moyenne 52 numéros par an. Pour fidéliser ces nouveaux lecteurs l’année ou les deux années suivantes, ceux-ci se verraient offrir un abonnement à un tarif préférentiel. Il convient en parallèle de produire un contenu dédié et adapté aux attentes des jeunes et de développer l’interactivité avec ce lectorat grâce à des actions « plurimédias ».
Cette démarche est fondée sur un double volontariat, celui des jeunes, d'une part, et celui des éditeurs, d'autre part. À cet effet, un collectif regroupant les représentants de la PQR, de la PQN et de la PQD vient d’être constitué et est en train de définir le dispositif qui devrait être proposé à la rentrée 2009.
Cela suppose également, bien sûr, une action volontariste de l'éducation nationale, afin non seulement de développer l’éducation aux médias, comme cela a été souligné, mais aussi de mobiliser les plus jeunes pour les inciter justement à lire la presse.
Le ministère de la culture et de la communication entend mener une réflexion plus globale sur les problèmes du lectorat et de l’innovation éditoriale. Il met actuellement en place un programme de recherche et de développement, rassemblant des acteurs tant privés que publics, comme l’ANR, l’Agence nationale de la recherche, ou encore le CNRS, pour réfléchir justement sur l’évolution des contenus, les pratiques de consommation et les modèles de diffusion. Il aura, me semble-t-il, toute son utilité.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je dirai un petit mot sur la loi Évin, qui a aussi été évoquée, tant il est vrai qu’un équilibre doit être trouvé entre la nécessité de préserver, d'un côté, la santé de nos concitoyens contre l’abus d’alcool et, de l’autre, la liberté d’expression des journalistes, y compris à l’occasion d’une présentation positive de certaines boissons.
Comme vous le savez, lors du débat sur le projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires » à l’Assemblée nationale, un amendement visant à mieux séparer l’information et la promotion lors de l’évocation des boissons alcooliques, la promotion devant être seule encadrée, a été déposé mais n’a finalement pas été adopté. Il s’agissait pourtant d’une bonne idée, que nous devrons, me semble-t-il, reprendre tant elle est importante. Nous allons d’ailleurs y travailler avec Roselyne Bachelot-Narquin.
Je terminerai mon propos en évoquant le statut de l’AFP, qui, je veux le redire ici, fait la fierté de la France et constitue l’un de nos fleurons.
C’est l’une des trois grandes agences internationales, et la seule à ne pas être anglo-saxonne. Pesant près de 30 % du chiffre d’affaires global des trois leaders mondiaux, elle est présente dans cent soixante-cinq pays et dispose d’un service d’information en six langues.
À l’évidence, l’AFP doit se moderniser. C’est d’ailleurs ce qu’elle fait en étant, bien sûr, puissamment soutenue par l’État. Respectant ses objectifs, elle n’est actuellement plus en déficit, contrairement à la période antérieure où elle bénéficiait pourtant déjà d’un soutien analogue.
L’État et l’AFP ont signé un nouveau contrat d’objectifs et de moyens, dans lequel le premier confirme son soutien tandis que la seconde, en retour, s’engage sur des objectifs de croissance et de rentabilité, avec une progression des recettes commerciales fixée à 4,7 % par an. L’agence doit élargir son offre dans les domaines à fort potentiel – multimédia, vidéo, nouveaux produits adaptés aux mobiles –, qui devraient atteindre à terme près de 35 millions d'euros de chiffres d’affaires, et mettre à niveau son outil de production devenu obsolète. Elle va y investir 30 millions d'euros au cours des cinq prochaines années, dont 20 millions d'euros d’aides de l’État et 10 millions d'euros en autofinancement.
Pour porter tout ce processus de modernisation, l’AFP doit évidemment évoluer. Sa situation est en fait très particulière puisque c’est une entreprise commerciale sans actionnaire ni capital. Or, elle a besoin, comme les autres agences, de lever des fonds nécessaires pour se financer, pour prendre le tournant du numérique, sans, bien sûr, remettre en cause en quoi que ce soit son indépendance rédactionnelle, qui est précisément la clé de sa réputation et de sa crédibilité.
J’ai ainsi demandé à son président de faire des propositions sur les évolutions statutaires de nature à assurer une meilleure adaptation de l’AFP au contexte actuel. J’insiste, l’idée n’est évidemment pas du tout de privatiser l’AFP. Il s’agit de lui permettre éventuellement d’ouvrir le capital à des actionnaires publics ou parapublics. Cela étant, il est difficile d’anticiper sur les propositions qui nous seront faites.
En tout état de cause, notre objectif est tout simplement de donner à cette agence, dont nous sommes fiers, les moyens de son développement, sans remettre en question son indépendance. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. Nous en avons terminé avec ce débat sur l’avenir de la presse.
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Conseil européen des 19 et 20 mars 2009
Déclaration du Gouvernement suivie d'un débat
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, préalable au Conseil européen des 19 et 20 mars 2009.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Bruno Le Maire, secrétaire d’État chargé des affaires européennes. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires européennes, cher Hubert Haenel, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, cher Josselin de Rohan, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux de venir m’exprimer à nouveau devant vous. Je vous remercie d’avoir organisé cette séance, qui va me permettre de vous présenter l’ordre du jour du prochain Conseil européen qui se déroulera les 19 et 20 mars prochains.
Comme il est de tradition, le Conseil européen de printemps sera principalement consacré aux questions économiques. Il revêt une importance particulière, car il préparera le sommet du 2 avril à Londres, l’une des réunions les plus importantes de l’agenda international de 2009. Il s’agira d’un rendez-vous essentiel puisqu’il visera à trouver des points d’accord au niveau mondial pour apporter des réponses collectives à la crise grave qui affecte l’économie mondiale.
Les dernières projections européennes et internationales dessinent en effet un tableau très sombre de la situation économique et sociale à laquelle l’Europe devra faire face dans les prochains mois.
La France s’est attachée, durant sa présidence, à favoriser une réponse concertée et coordonnée à la crise de la part de l’Union européenne et de ses membres.
En octobre, un cadre a été fixé pour permettre l’adoption de mesures d’urgence en faveur du secteur financier et bancaire, et pour préserver les conditions de financement de l’économie. Nous savons aujourd’hui qu’il s’agit de l’une des questions essentielles pour relancer l’activité économique des PME, des TPE et des grandes entreprises. En décembre, une « boîte à outils » a été définie pour soutenir l’activité économique. Sur le plan international, l’appel de la France et de l’Union à une réforme du système financier international a conduit au sommet de Washington, le 15 novembre. Nous avons donc, durant toute la présidence française de l’Union européenne, préparé les étapes d’une réorganisation du système financier et économique international.
Les mesures de garantie et de recapitalisation préventive qui ont été arrêtées conformément au plan d’octobre ont permis d’éviter une débâcle financière en Europe : aucune banque n’a fermé ses portes, aucun compte en banque de particulier n’a disparu au cours des derniers mois.
Une forte impulsion budgétaire a également été donnée : au total, l’effort engagé par l’ensemble des États européens représente plus de 440 milliards d’euros, soit une contribution comprise entre 3,5 % et 4 % du produit intérieur brut si on inclut le jeu des stabilisateurs automatiques, qui sont puissants dans les pays européens. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce sujet au cours de notre débat, mais je ne vois pas pourquoi les pays européens, lesquels ont un système social qui leur coûte cher et qui permet de participer à la relance budgétaire, ne tiendraient pas compte, dans l’ensemble de leurs plans de relance, du volume de ces stabilisateurs automatiques.
Nous devons poursuivre cet effort et conserver à l’Union son rôle d’impulsion : c’est l’enjeu assigné au prochain Conseil européen, comme l’a rappelé le Président de la République il y a quelques jours, à Berlin, en plein accord d’ailleurs avec la Chancelière fédérale d’Allemagne, au terme d’un travail considérable qui a abouti à un franc succès. La France et l’Allemagne sont d’accord pour renforcer le système financier international ainsi que les mesures visant à réorganiser le système financier mondial, et pour faire de ce Conseil européen un succès.
Nous attendons du prochain Conseil européen qu’il exprime trois volontés.
Tout d’abord, le Conseil européen doit exprimer une volonté d’action, afin de poursuivre et de renforcer nos efforts communs en réponse à la crise.
Des mesures nouvelles sont indispensables pour assurer la stabilité et la surveillance du système financier. C’est une condition nécessaire au retour de la confiance et à un assouplissement durable des canaux de crédit. Nous le constatons tous dans nos circonscriptions, dans nos régions : des efforts ont été faits par les banques, mais ces efforts ne sont pas suffisants pour permettre, aujourd’hui, un financement satisfaisant des PME, des TPE, et donc une relance forte de l’activité économique.
Dans cette perspective, nous souhaitons que le Conseil européen fixe une orientation et un calendrier précis pour la mise en œuvre du rapport de Larosière sur la supervision en Europe. Les premières décisions devront être prises en juin. Dans la communication qu’elle a présentée en vue du Conseil européen, la Commission a confirmé qu’elle y était prête : nous nous en félicitons. Nous jugerons aux actes.
Votre commission des finances a entendu M. Jacques de Larosière aujourd’hui même ; je ne reviendrai donc pas sur le détail du rapport qu’il a présenté le 25 février dernier. Je précise simplement que nous en appuyons les recommandations sur la supervision : leur mise en œuvre rapide doit permettre de combler les graves lacunes que la crise financière a révélées dans nos mécanismes de régulation et de supervision.
Par ailleurs, la Commission a annoncé la présentation prochaine de nouvelles propositions réglementaires fortes dans le domaine financier : sur les rémunérations, sur l’encadrement des fonds d’investissement, sur les échanges de produits dérivés, sur l’encadrement de la prise de risque dans les établissements financiers. Même si tous ces termes peuvent paraître techniques, derrière chacun d’entre eux se dessine une vraie question politique : voulons-nous, oui ou non, réorganiser le système financier international ? Cela passe par des décisions techniques fortes sur l’ensemble des sujets que je viens d’indiquer.
La Commission a aussi approuvé, le 25 février, des lignes directrices sur le traitement des actifs dépréciés auxquelles il appartient désormais aux États membres de se conformer.
Je l’ai dit, nous sommes aujourd’hui au-delà des objectifs que nous nous étions fixés en décembre. Les objectifs alors retenus étaient les suivants : 1,5 % du PIB et 175 milliards d’euros. Il ne s’agit donc pas d’échafauder de nouveaux plans de relance, comme certains veulent nous y inciter, mais de poursuivre la mise en œuvre des mesures prises et de mieux orienter les efforts vers les secteurs structurants de nos économies. Nous estimons ainsi important que des voies soient tracées pour de nouvelles initiatives, notamment de nature sectorielle et dans le domaine de la recherche-innovation, afin de renforcer la compétitivité de nos entreprises.
De façon plus générale, des progrès sont nécessaires dans la coordination de nos politiques économiques. Le 12 mars dernier, lors du conseil des ministres franco-allemand, l’Allemagne et la France sont convenues de « renforcer la coordination de leur politique économique contre la crise économique et financière ». Je souhaite que cet accord soit l’amorce d’une évolution plus large en Europe. Nous avons besoin que la France et l’Allemagne travaillent étroitement ensemble à coordonner leurs politiques économiques si nous voulons qu’une politique économique européenne commune, nécessaire face à la crise, voie le jour.
Ensuite, et c’est une deuxième attente, le Conseil européen doit confirmer sa volonté de solidarité, que nous devons aux pays européens les plus vulnérables, en particulier nos partenaires d’Europe centrale et orientale.
Le débat s’est parfois concentré, au cours des derniers jours, sur la question de l’assouplissement des critères ou du calendrier d’entrée dans la zone euro : il paraît difficile d’aborder pour le moment ces sujets, d’ailleurs réglés par les traités.
En revanche, nous devons identifier les mesures supplémentaires, en particulier financières, qui peuvent être prises pour assister nos partenaires en difficulté. Vous savez que 25 milliards d’euros ont déjà été débloqués pour les pays d’Europe centrale et orientale qui rencontraient des difficultés financières. Nous devons examiner si des dépenses supplémentaires, en geste de solidarité à l’égard de ces États, ne sont pas aujourd’hui utiles.
Enfin, le Conseil européen doit exprimer une volonté d’unité dans la perspective du prochain sommet du G20, à Londres.
Le Président de la République l’a dit : la rencontre de Londres doit permettre d’aboutir à des résultats forts, substantiels et concrets dans la mise en œuvre du plan d’action de Washington. Au total, tous les acteurs financiers et tous les produits doivent être soumis à des procédures de surveillance et de contrôle, voire à des sanctions, comme dans le cas des paradis fiscaux.
Nous attendons des avancées concrètes sur la transparence et la régulation financières, l’intégrité des marchés, la coopération internationale et le renforcement des institutions financières internationales, comme le Fonds monétaire international, le FMI.
D’autres sujets seront évoqués à l’occasion du Conseil européen par les chefs d’État et de gouvernement. Je les évoque brièvement, car ils ne seront pas au cœur des débats.
Le Conseil européen approuvera tout d’abord un ensemble d’orientations en matière de sécurité énergétique, concernant en particulier l’amélioration de l’efficacité énergétique, la diversification des sources et des routes d’approvisionnement, le dialogue avec les principaux partenaires énergétiques.
Le Conseil européen sera invité à arrêter les lignes directrices de l’Union en vue de la préparation de la Conférence des Parties sur le changement climatique qui se tiendra à Copenhague, en décembre prochain.
Dans cette perspective, l’Union européenne doit naturellement confirmer le message ambitieux qu’elle avait délivré lors de la présidence française.
Au titre des relations extérieures, le Conseil européen saluera le lancement du partenariat oriental en vue du sommet qui réunira à Prague, le 7 mai, les Vingt-Sept et les six pays concernés. Nous appuyons cette initiative, qui vient enrichir la politique de voisinage dans laquelle elle s’inscrit.
Parallèlement, le Conseil européen réaffirmera son soutien à l’Union pour la Méditerranée, l’UPM, en appelant tous les partenaires à travailler à la mise en œuvre des projets de celle-ci et à la mise en place rapide de ses structures.
Le Conseil européen évoquera, enfin, le processus de ratification du traité de Lisbonne et les travaux conduits pour assurer la traduction juridique des engagements pris en décembre dernier à l’égard de l’Irlande. Il ne s’agira pas d’une discussion de substance, qui doit intervenir au Conseil européen de juin, mais d’un point d’information.
Naturellement, la France rappellera son attachement au traité de Lisbonne et son espoir qu’une nouvelle consultation sera bien organisée en Irlande pour autoriser l’entrée en vigueur du traité d’ici à la fin de l’année.
Telles sont les principales attentes pour le prochain Conseil européen. Vous le voyez, celles-ci sont concentrées sur les questions économiques et financières. Notre feuille de route a été dessinée à l’occasion de la présidence française de l’Union européenne, à la fois sur des questions économiques et sur des questions financières. Un certain nombre de rendez-vous, au cours des mois de janvier et de février, nous ont permis de progresser dans la réalisation de cette feuille de route. Le conseil des ministres franco-allemand, important et fondateur, a permis de sceller une nouvelle union entre la France et l’Allemagne sur ces sujets et nous fera avancer encore davantage lors du Conseil européen et du G20 de Londres.
Notre objectif est bien de conforter le rôle de l’Europe, d’avoir une Europe politique qui rende plus efficace le modèle de régulation qui la caractérise. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Conseil européen des 19 et 20 mars sera essentiellement consacré à la situation économique et financière qui affecte l’économie mondiale et les économies nationales de manière profonde et durable.
Depuis l’automne dernier, l’Europe a pris un certain nombre de mesures pour traiter de la dimension financière de la crise ainsi que de ses causes. Les décisions prises touchent à la réforme du secteur financier, notamment en matière de supervision, aux mesures pour relancer l’économie réelle et traite naturellement des préoccupations dans le domaine de l’emploi.
Il est toutefois évident que les conséquences géopolitiques de cette crise seront importantes et elles me paraissent, à ce stade, encore insuffisamment évaluées. La crise présente un caractère mondial. Certes, il est tout à fait compréhensible que le Conseil européen confirme la volonté des États membres d’agir dans le cadre de l’Union européenne. En effet, le rétablissement des équilibres et le fait de regagner la confiance que les investisseurs, les consommateurs et les entreprises sont en droit d’attendre s’agissant de leur épargne, de leur accès au crédit et de leurs droits en ce qui concerne les produits financiers sont des éléments fondamentaux de la relance et de la contribution de la zone européenne à la résolution collective de la crise mondiale. Cette assertion souligne du reste l’importance d’une bonne coordination entre l’ensemble des acteurs étatiques et régionaux.
Il est néanmoins significatif que le projet de conclusions, à la tonalité plutôt optimiste sur les capacités de l’Union européenne à surmonter la crise, ne mentionne que dans son annexe 1, consacrée aux éléments de langage préparatoires au sommet du G20 à Londres, la nécessité de prendre en compte l’assistance aux pays en développement pour répondre aux effets de la crise. Cette annexe propose de promouvoir le développement global comme une partie de la solution à la crise et une base pour promouvoir la paix et la stabilité. Elle appelle également à respecter nos engagements d’accroissement de l’aide au développement dans le cadre des objectifs du Millénaire.
L’approche économique et financière du Conseil européen, complétée par celle du G20, doit mieux prendre en compte l’ampleur de la crise et ses conséquences géopolitiques. À cet égard, deux rapports récents devraient être pris en compte par le Conseil pour affiner sa réflexion.
Le premier est le rapport annuel d’évaluation des menaces que les seize agences de sécurité et de renseignement américaines ont transmis au Sénat des États-Unis, en février dernier. Ce rapport, présenté par l’amiral Dennis Blair, directeur national du renseignement, identifie comme première menace menaçant la sécurité globale des États-Unis la crise économique mondiale et son impact déstabilisateur sur les alliés et les adversaires, « y compris la probable diminution de la capacité des alliés des États-Unis pour assurer leur défense et leurs obligations humanitaires ».
Comparé aux rapports précédents, il s’agit de la principale innovation de l’analyse de seize agences de sécurité américaines. La communauté du renseignement américain indique que « la première question qui se pose à court terme à la sécurité des États-Unis est la crise économique mondiale et ses implications géopolitiques », avant même le terrorisme international.
Outre le recours d’un nombre croissant de pays à l’aide internationale multilatérale ou bilatérale, ou aux demandes auprès du FMI, le rapport souligne la perspective possible d’une vague destructive de protectionnisme et les risques pour un certain nombre de pays en Amérique latine, dans l’ancienne Union soviétique et dans l’Afrique subsaharienne de connaître une forte instabilité politique si la crise économique perdure au-delà d’un an ou deux ans.
Il met également l’accent sur les risques de flux de réfugiés fuyant les conséquences de la crise économique.
Seul aspect positif, la baisse des prix du pétrole, outre le fait qu’elle profite aux consommateurs, entraîne la baisse des revenus d’un certain nombre d’États producteurs, comme l’Iran ou le Venezuela, ce qui limite leur « aventurisme ».
La perception de cette crise par un certain nombre de pays dans le monde fait porter la responsabilité aux États-Unis et, plus largement, aux pays développés, ce qui nuit évidemment à l’image de l’Occident dans le monde et ne sera pas sans conséquences politiques.
En se référant à la crise économique mondiale, l’amiral Blair a déclaré : « Le temps est probablement notre plus grande menace. Plus il faut de temps pour amorcer la reprise, plus il existe un risque d’effets graves pour les intérêts stratégiques des États-Unis ». Je crois que le même raisonnement peut s’appliquer à l’Europe. Nous sommes indiscutablement confrontés à une situation d’urgence.
Le second rapport, élaboré par le FMI, s’intéresse aux incidences de la crise financière sur les pays à faibles revenus. Il constate que cette crise « remet en question les progrès considérables accomplis par de nombreux pays à faibles revenus au cours de la décennie écoulée, qui ont rehaussé leur croissance économique, fait reculer la pauvreté et sont parvenus à une plus grande stabilité politique ».
Il estime à « au moins » 25 milliards de dollars de financements concessionnaires urgents les sommes qui seront nécessaires en 2009 pour répondre aux besoins de la plupart des pays touchés.
Selon Dominique Strauss-Kahn, « une baisse de la croissance pourrait avoir des conséquences graves pour la pauvreté et, peut-être, pour la stabilité politique ».
Le rapport conclut que « la crise mondiale pèsera lourdement sur les exportations des pays à faibles revenus, ainsi que sur leurs entrées d’investissements directs étrangers et les envois de fonds des travailleurs à l’étranger. En conséquence, on peut s’attendre à une forte baisse des recettes budgétaires de ces pays et de leurs réserves de change. »
Les conséquences de cette baisse des revenus peuvent être extrêmement importantes non seulement en termes économiques, avec leurs répercussions sur l’immigration, mais aussi en termes de sécurité puisqu’il est évident que l’extrémisme et le terrorisme trouvent un climat favorable dans la fragilisation des structures étatiques et dans la misère. Cette déstabilisation d’États structurellement fragiles peut conduire à un accroissement des conflits internes, voire interétatiques.
S’agissant du FMI, on peut se réjouir que la réunion des ministres des finances du G20, qui s’est tenue le 14 mars, ait souligné la nécessité d’augmenter ses ressources « de manière substantielle » pour qu’il accroisse son aide aux pays en difficulté.
Par ailleurs, l’ONU est en train de préparer, avec certaines difficultés, la tenue d’une conférence sur les conséquences de la crise en matière de développement. Il convient que l’Europe et le G20 adressent aux pays en développement un message clair sur leur volonté de maintenir l’effort en matière de développement et d’aboutir à la réalisation des objectifs du Millénaire.
J’observe que la conférence qui s’est tenue la semaine dernière à Londres sur l’initiative des autorités britanniques tient un langage très clair sur ces questions. Le Premier ministre, Gordon Brown, veut faire du G20 l’occasion d’un « global new deal », réaffirmant l’engagement du Royaume-Uni en matière d’aide au développement et la pleine actualité des objectifs du Millénaire. Il reprend même à son compte l’idée française de créer un fonds fiduciaire pour aider les plus pauvres à faire face à la crise et aider les pays en développement à assurer une couverture sociale aux plus vulnérables.
Il conviendrait également d’envisager, sans faiblesse ni complaisance, une relance des négociations commerciales internationales engagées dans le cadre de l’OMC. La conclusion des accords de Doha devrait avoir un impact de 1 à 2 points sur la croissance mondiale.
Enfin, l’ordre du jour du Conseil traite du changement climatique et de la préparation de la conférence de Copenhague. Les conséquences économiques et géopolitiques du changement climatique sont également porteuses d’insécurité. La multiplication des catastrophes naturelles, la montée des eaux, l’accès à l’eau et la gestion de cette ressource ainsi que l’aggravation éventuelle de la crise alimentaire mondiale du fait de la sécheresse, qui s’ajoutent à la baisse des ressources étatiques pour financer les importations nécessaires, se traduiront inévitablement en termes de conflits et de mouvements de populations.
Par ailleurs, la diminution des ressources des pays en développement ne manquera pas d’avoir des effets en matière écologique, en particulier sur leur capacité à prendre des engagements conformes au protocole de Kyoto.
C’est dans cet esprit que les conclusions du Conseil appellent l’Union européenne à apporter « une attention spéciale aux besoins des pays développés les plus vulnérables » – phrase qui n’est sans doute pas à la hauteur du message politique qu’il faudrait envoyer.
En conclusion, pour reprendre les propos du Président de la République lors de sa visite d’État au Mexique : « Pour faire face à cette crise, la coopération n’est pas une option, c’est une absolue nécessité. » Il ajoutait : « L’histoire nous a montré que le protectionnisme et le repli sur soi n’étaient jamais des solutions, qu’ils ne faisaient qu’aggraver les problèmes. »
C’est cette communauté d’intérêts face à la crise qui a conduit à ouvrir le G20 de Washington aux grands pays émergents. II convient de poursuivre cette ouverture et d’affirmer la solidarité de l’ensemble des pays du monde et des grands blocs économiques face à une crise globale. Je ne doute pas que ce soit l’intention de la France et de l’Europe. Il serait opportun que cela soit exprimé lors de la réunion du Conseil. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.
M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce qui apparaît un peu plus chaque jour, c’est l’incertitude sur la gravité et la durée de la crise économique et financière.
Bien sûr, nous entendons sans cesse de nouveaux pronostics – plus ou moins concordants –, mais il suffit de regarder ce que disaient les mêmes prévisionnistes il y a un an pour conclure que leur marge d’erreur est, pour le moins, confortable.
Dans une aussi grande ignorance, il faut s’en tenir à la maxime de Descartes : pour sortir d’une forêt, il faut avancer toujours dans la même direction.
Or, ce n’est pas l’impression que donne aujourd’hui l’Europe. À l’automne dernier, nous avons eu le sentiment que l’Union, après quelques atermoiements, réagissait vigoureusement et en bon ordre. Aujourd'hui, on ne sent plus tout à fait la même unité de pensée et d’action, la même détermination commune.
Pourtant, si nous voulons que les citoyens croient en l’Europe, c’est dans ce genre de circonstances qu’elle doit faire ses preuves, toutes ses preuves : elle doit montrer que face à une crise gravissime, elle est capable d’être à la hauteur.
Nous ne sortirons pas de la crise sans rétablir la confiance ; et, pour cela, une Europe à la fois unie et efficace est un élément essentiel.
Ma conviction est que nous ne rétablirons la confiance qu’à partir des valeurs de solidarité européenne, d’une part, et de responsabilité, d’autre part.
La solidarité entre Européens, c’est, d’abord, que chacun prenne sa part de l’effort de relance, sans se comporter en passager clandestin. Si chacun se contente d’une relance en trompe-l’œil, en espérant bénéficier à bon prix des efforts de relance des autres, nous n’arriverons à rien, et nos concitoyens s’enfonceront dans le pessimisme. L’effort conjugué de relance doit être clair, évident et doit être pleinement commun. Les citoyens, les agents économiques doivent avoir le sentiment que l’Europe appuie sans réticence sur l’accélérateur.
Cela veut dire que le problème de la dette n’est pas actuellement la priorité. Il le deviendra lorsque la reprise sera là. Mais, aujourd’hui, minorer la relance au nom de la dette, ce serait, à mon avis, une erreur.
Que se passera-t-il si, voulant à tout prix maîtriser la dette, nous refusons une vraie relance ? La récession sera plus marquée et, finalement, le rapport entre la dette et le PIB se détériorera tout autant. En réalité, dans un contexte de récession, l’inaction dégrade plus les finances publiques que la relance : les recettes fiscales baissent davantage et les dépenses sociales augmentent plus vite.
Je crois aussi qu’il faut éviter une présentation par trop alarmiste de la dette française. Nous aimerions tous qu’elle soit moins élevée. Toutefois, elle est comparable à celle de l’Allemagne, comme à celle des États-Unis, qui s’acheminent comme nous vers une dette représentant de 75 à 80 % du PIB. C’est beaucoup. Mais que dire du Japon, où la dette dépasse 180 % du PIB, ou même de l’Italie, où elle dépasse 110 % ?
J’ajouterai qu’il ne faut pas seulement considérer le niveau de la dette. L’Espagne est beaucoup moins endettée que nous : son endettement est inférieur à 50 % du PIB. Et, cependant, elle est obligée de rémunérer plus que nous les titres de sa dette, car les caractéristiques structurelles de l’économie espagnole inquiètent les investisseurs.
Et, de toute manière, nécessité fait loi. Dans un contexte où seul l’État peut emprunter à bon compte, il doit utiliser sa capacité d’emprunt pour être à même de soutenir l’investissement et, donc, d’encourager des anticipations plus positives des entreprises. S’il ne joue pas ce rôle, personne ne le jouera à sa place.
La conclusion me paraît claire : les États membres ne doivent pas paraître hésitants, incertains, fuyants quand on parle de relance européenne. Ils doivent s’engager clairement et solidairement dans cette voie.
Et, monsieur le ministre, la Commission européenne doit elle aussi donner le sentiment qu’elle est concentrée sur la lutte contre la crise – et, allais-je dire, uniquement sur la lutte contre la crise. Je suis un défenseur de la Commission. Mais je dois reconnaître qu’il lui arrive de prendre des initiatives qui laissent pantois. Quelle image donne-t-on de l’Europe en pleine crise et à trois mois des élections européennes en proposant de créer un vin rosé barbare par un mélange de vin rouge et de vin blanc ? (Applaudissements.) Quelle image donne-t-on en voulant faire passer, presque en catimini, un règlement qui rendrait impossible la publicité pour la plupart des fromages français, comme s’ils étaient des produits dangereux ?
Je sais bien, je l’ai souvent dit à cette tribune, que lorsque les fonctionnaires occupent le terrain, c’est que les politiques l’ont déserté.
M. Bruno Retailleau. Ça, c’est vrai !
M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes. Un technocrate, c’est, selon ma définition, un fonctionnaire qui n’est pas commandé. Or, s’il y a précisément un moment où il ne faut pas laisser la bride sur le cou aux fonctionnaires européens, c’est bien lorsqu’on traverse une crise comme celle que nous vivons !
Le rétablissement de la confiance n’est pas seulement une affaire de relance économique : c’est aussi une question de responsabilité.
La notion de responsabilité me paraît même au cœur de la crise que nous traversons. Des techniques financières de plus en plus élaborées ont conduit à diluer toujours davantage la sanction du risque, et c’est ainsi qu’elles ont créé les conditions d’une crise globale. La crise financière est le produit d’une irresponsabilité généralisée, à l’encontre des principes de base de l’économie de marché.
Pour bien fonctionner, l’économie de marché a besoin que les agents économiques supportent les conséquences de leurs erreurs. Comment ne pas éprouver un malaise en voyant les États – même s’ils ont le devoir d’agir ainsi – faire assumer par la collectivité les lourdes conséquences de la dilution des responsabilités financières ?
Nous ne devons plus revoir cela ! Plus jamais !
Pour établir la confiance, il ne faut pas seulement un effort crédible de relance. Il faut donner aussi le sentiment que la dilution des responsabilités ne sera plus tolérée.
Cela passe, naturellement, par des règles prudentielles plus strictes, dont tout le monde paraît reconnaître – enfin ! – la nécessité. Ces règles devraient, à mon avis, tenir compte de la taille et du rôle des établissements.
Nous avons bien vu comment les choses se passaient durant la crise financière : la FED a voulu faire un exemple avec Lehman Brothers, et beaucoup le regrettent aujourd’hui. Ensuite, tout a été fait pour qu’aucun établissement important ne fasse faillite. Les établissements qui se trouvent ainsi protégés ne doivent pas pouvoir tirer avantage de cette impunité assurée. Ils doivent être astreints à des règles adaptées à leur position particulière. On ne doit pas pouvoir gagner sur tous les tableaux !
La responsabilité passe aussi par les contreparties qui doivent être demandées aux banques en échange de l’aide publique dont elles bénéficient. On a mis l’accent sur la limitation des rémunérations des dirigeants : soit ! mais c’est seulement un symbole. Ce qui serait plus utile, me semble-t-il, c’est que les banques qui bénéficient en ce moment d’une forte baisse du loyer de l’argent répercutent complètement cette baisse auprès de leurs clients, au lieu d’en profiter pour parfois augmenter leurs marges.
M. Paul Blanc. C’est vrai !
M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes. Avant de conclure, je voudrais me réjouir que, malgré une actualité économique et financière si pressante, le Conseil européen ait conservé à son ordre du jour un point sur l’énergie et le changement climatique.
Car rien ne serait pire que de laisser croire que tout se ramène désormais à retrouver à n’importe quel prix un meilleur niveau d’activité. Nous avons déjà oublié l’envolée du prix de l’énergie, des matières premières, des produits alimentaires et les inquiétudes face au réchauffement de la planète qui étaient au centre des préoccupations avant le déclenchement de la crise financière.
Pourtant, au-delà des fluctuations économiques, c’est bien notre conception du développement qui doit changer.
Quelle que soit la complexité de l’entreprise, il faut absolument conjuguer la lutte contre la crise et le tournant vers le développement durable. C’est seulement ainsi que nous sortirons par le haut des difficultés si graves que nous traversons.
Et nous n’y parviendrons pas si le couple franco-allemand ne joue pas pleinement son rôle, qui n’est pas exclusif, qui n’est pas suffisant, mais qui est irremplaçable. Bien sûr, nos amis britanniques peuvent être des partenaires essentiels sur certains sujets importants. Mais c’est avec l’Allemagne que nous pouvons avoir une force d’entraînement à caractère global pour faire progresser la construction européenne dans son ensemble. C’est pourquoi je me réjouis de constater que les relations franco-allemandes semblent actuellement repartir du bon pied : nous savons, monsieur le ministre, que vous faites beaucoup pour cela.
On peut toujours essayer de tirer un bien d’un mal. Cette crise nous invite à changer beaucoup de choses : à l’échelon européen, à l’échelon national et, même, à l’échelon individuel.
On me dira peut-être que j’inflige au Sénat un sermon de carême, mais cette crise montre à quel point nous nous sommes éloignés des valeurs européennes.
J’ai participé à la convention qui a élaboré la charte des droits fondamentaux, puis à celle qui a préparé le traité constitutionnel ; nous nous sommes référés aux meilleurs héritages de l’Europe, nous avons proclamé notre attachement aux principes de solidarité, de justice entre les générations, de développement durable, de dignité humaine ; mais, finalement, ce n’était peut-être que des mots… La réalité, c’est la course au profit, l’indifférence à l’avenir comme au passé, le culte de la consommation. Nous voyons aujourd’hui où cela nous a conduits.
Il faudrait en tirer les conséquences dans les politiques que nous menons, et même dans nos comportements ; il faudrait prendre au sérieux les valeurs européennes que nous proclamons. Si tel était le cas, et ce sera ma conclusion, madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cette crise pourrait à long terme se révéler salutaire pour l’Europe. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. Dans la suite du débat, la parole est à M. Roland Ries.
M. Roland Ries. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la prochaine réunion du G20, qui se tiendra à Londres le 2 avril prochain, pourrait, dit-on, avoir l’importance historique des accords de Bretton Woods. Cette réunion devrait en effet définir pour les décennies futures les nouvelles règles permettant d’éviter que de telles crises financières ne se reproduisent.
Il est donc indispensable que l’Europe pèse de tout son poids dans les décisions de Londres ; c’est, à mon sens, l’enjeu principal du prochain Conseil européen des 19 et 20 mars. Mais encore faudrait-il ne pas être en total décalage avec nos partenaires.
Les États-Unis souhaitent que le G20 se concentre surtout sur une politique de relance économique ; ils se sont montrés assez réservés sur l’instauration de nouvelles règles financières. C’est en somme la position inverse des pays européens. En la matière, la position des socialistes européens, qui consiste à vouloir traiter de manière conjointe ces deux domaines, me semble être la voix de la raison dans la mesure où régulation financière et relance économique sont intimement liées, me semble-t-il.
La Commission vient d’établir un calendrier précis de présentation de mesures destinées à favoriser une régulation financière sur le sol européen.
Je tiens à rappeler que les socialistes européens avaient estimé dès 2007 qu’il était indispensable d’adopter une législation européenne, en particulier pour encadrer les fonds spéculatifs
Cependant, on ne peut donner totalement tort aux États-Unis lorsque ceux-ci critiquent l’insuffisance des plans de relance européens. Il est vrai que la seule proposition de contribution financière directe de l’Europe à la relance économique portait sur un montant de 5 milliards d’euros. Il s’agit d’une petite mesure au regard de l’étendue du désastre et des centaines de milliards investis par l’ensemble des pays membres et qui, du reste, ne fait même pas l’unanimité parmi les États membres après six mois de concertation.
Au-delà de ce constat, quel premier bilan pouvons-nous dresser de la gestion de la crise par l’Union européenne depuis six mois ?
À défaut d’un engagement financier important, nous avons dû nous contenter d’une réévaluation de la mission de la Banque européenne d’investissement, d’un plan de relance des banques et de la perspective d’un accord sur les paradis fiscaux, à savoir la levée du secret bancaire pour les cas de fraude ou d’évasion fiscales. C’est somme toute assez maigre et je ne suis pas sûr que les citoyens y trouvent leur compte.
Au final, l’Union européenne s’est surtout contentée d’encourager les plans de relance nationaux, lesquels n’ont d’ailleurs fait l’objet que d’une coordination limitée : chacun est resté maître de l’évaluation de son plan. Il ne reste qu’à espérer que l’ensemble de ces plans ne débouche pas, à terme, sur une cacophonie généralisée.
Mais, une fois de plus, démonstration a été faite d’une forme d’impuissance de l’Union à organiser une véritable réponse collective européenne à la crise. On a d’ailleurs pu mesurer cette impuissance à l’occasion du dernier Conseil européen, qui s’est tenu à Bruxelles le 1er mars dernier : aucune décision d’envergure n’a été prise.
Il est à craindre que le « sommet extraordinaire sur l’emploi » prévu par la présidence tchèque et qui aura lieu le 7 mai à Prague ne se résume, une fois encore, à un simple « échange d’expériences ».
Pourquoi, par exemple, avoir isolé la question de l’emploi et avoir réduit la question sociale à la portion congrue ? Je rappelle que la crise économique pourrait entraîner une augmentation du nombre des chômeurs pouvant aller jusqu’à 7 millions à l’horizon 2010 si nous ne sortons pas de la spirale négative.
Les socialistes français, comme leurs homologues européens, estiment qu’une autre relance est possible.
Nous proposons, d’abord, le lancement d’un grand emprunt européen pour investir dans des travaux d’infrastructure continentaux ; je pense notamment aux réseaux ferrés et, plus particulièrement, aux TGV. L’émission d’euro-obligations avait d’ailleurs été évoquée par Joaquin Almunia, commissaire européen chargé des affaires économiques et financières, au début du mois de mars, mais, apparemment, cette proposition a été enterrée par le président de la Commission.
Nous suggérons, ensuite, l’intégration dans le plan de relance européen d’un volet social : réorientation de la stratégie de Lisbonne, notamment ses lignes directrices, sur l’emploi, afin de mettre l’accent sur la qualité des emplois créés et la formation ; assouplissement des règles d’utilisation du fonds d’ajustement à la mondialisation, précisément destiné à faire face à la crise ; adoption d’un pacte européen du progrès social établissant des objectifs et des normes pour les politiques nationales de solidarité, de santé et d’éducation ; enfin, relance du dialogue social européen pour mettre les partenaires sociaux au cœur des négociations et arriver à un accord européen sur les niveaux de salaires.
En d’autres termes, parallèlement aux investissements nécessaires pour le développement de nouvelles infrastructures, il convient aussi de relancer le pouvoir d’achat des ménages à l’échelle européenne, bref, de donner un coup de pouce à la consommation européenne.
Ces mesures sont tout à fait envisageables à compétences constantes de l’Union européenne. Mais encore faut-il une volonté politique pour les mener et c’est, me semble-t-il, à la France qu’il incombe de pousser à agir en ce sens lors du Conseil européen qui s’annonce.
Venons-en à la question, importante elle aussi, à laquelle ce prochain Conseil va devoir s’atteler : la sécurité énergétique, priorité choisie par la présidence tchèque. Cette dernière souhaite se concentrer sur l’élaboration d’une stratégie en matière de sécurité énergétique. Il est vrai que la récente rupture des approvisionnements de l’Europe en gaz russe en janvier dernier a mis en évidence notre fragilité dans ce domaine.
Si l’objectif semble, en soi, tout à fait louable, les orientations trop libérales des solutions proposées le sont nettement moins. Il n’est plus possible d’appréhender la question énergétique simplement en termes de marché : les politiques de rentabilité immédiate ne sont plus de mises. Chacun sait que le marché seul, par ses logiques propres, n’encourage guère les investissements de moyen et long terme. Il représente donc un frein à une stratégie de long terme en matière de sécurité énergétique ; nous en avons pourtant besoin.
Il faut le dire et le redire, la sécurité de l’approvisionnement constitue un impératif catégorique et l’on imagine mal que nous puissions l’assurer en nous contentant, comme le propose la Commission, de diversifier l’approvisionnement.
La sécurité de l’approvisionnement énergétique de l’Union passe par la mise en place d’infrastructures adéquates, une capacité de stockage et des réserves obligatoires, ainsi que par une stratégie garantissant la solidarité des États membres.
Le prochain Conseil sera enfin l’occasion d’aborder la contribution financière que l’Union européenne sera prête à mettre sur la table lors de la Conférence internationale de Copenhague sur le changement climatique, en décembre 2009.
À l’heure où je vous parle, malgré les négociations au sein du conseil Environnement et du conseil Ecofin, on ne voit aucun accord se dessiner entre les États membres.
L’Europe s’est montrée jusque-là ambitieuse en s’engageant sur une forte réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il serait bon qu’elle soit également ambitieuse lorsque l’on aborde la question de sa contribution financière en faveur des pays en voie de développement, qui eux aussi, ne l’oublions-pas, devront fournir un effort. C’est sa responsabilité que de les aider !
Il ne vous aura pas échappé qu’en dépit des apparences la crise financière, la politique énergétique et le changement climatique sont des sujets intimement liés in fine.
La lutte contre le réchauffement climatique est à même de redonner une dynamique à l’économie européenne, de créer les conditions d’une croissance écologique et innovante, source d’emplois et de richesses pour les Européens. C’est le message que je souhaite délivrer ici pour ne pas terminer sur une note pessimiste. Des voies existent, notamment dans ces nouvelles logiques de développement durable.
C’est à ces conditions que le prochain sommet du G20 pourra contribuer à sortir les pays d’Europe des graves difficultés dans lesquelles ils s’enlisent jour après jour. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.- MM. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes, et Jean Bizet applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Denis Badré.
M. Denis Badré. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes à l’avant-veille d’un conseil critique, au sens étymologique du terme, puisque nous sommes dans un temps de crise profonde et que krisis en grec, comme critique ou comme crise, signifie l’instant décisif.
Nous sommes au temps des vrais choix, au temps où l’avenir peut se rouvrir, au temps où pragmatisme et imagination, volonté politique et sens des responsabilités doivent se conjuguer, au temps où les fondamentaux reprennent leurs droits.
Parmi ces fondamentaux, j’en citerai deux : face à la crise, l’Europe est « la » solution et, l’Europe, c’est nous, ce « nous » englobant, bien sûr, nos partenaires, car nous sommes engagés dans un jeu d’équipe ; les échecs de l’Europe seront les nôtres, ses succès le seront aussi.
Je ferai une observation liminaire. Nous devons soutenir la présidence tchèque, sans défaillance ni arrière-pensée. La présidence est un service rendu à tous, nous l’avons éprouvé en son temps. Pour que ce service soit bien rendu au bénéfice de tous, deux conditions doivent être réunies : il faut que tous jouent le jeu en secondant la présidence, car un échec de la présidence tchèque ferait tort à tous, mais il faut aussi que la présidence joue le jeu ; à cet égard, je le dis d’emblée, je trouve désolant et inacceptable que le président tchèque, président en exercice de l’Union, se vante d’utiliser tous les moyens dilatoires possibles pour retarder la ratification du traité de Lisbonne, pourtant signé par l’ensemble des chefs d’État, donc par le chef de l’État tchèque.
Nous sommes en crise, financière, économique, sociale et de société, crise telle que, si l’Union n’existait pas, il faudrait d’urgence la créer.
Cette crise se développe dans un monde ouvert et qui se cherche, dans un contexte où les inégalités entre États n’ont jamais été aussi fortes, en un temps où les conflits armés se multiplient.
Il faut, en particulier, construire rapidement un partenariat durable avec la Russie, progresser vers une Europe de la défense, plus que jamais indispensable – je ne développe pas ce point, car nous sommes là dans l’actualité –, enfin, et c’est peut-être l’essentiel, réaffirmer encore et toujours que l’Union européenne a été créée d’abord pour promouvoir les valeurs qui sont les siennes, et que reprend la charte du Conseil de l’Europe : les droits de l’homme, la primauté du droit et la démocratie.
Vous m’autoriserez à y faire référence, monsieur le secrétaire d'État, parce que, ce matin encore, je rapportais devant la Commission des questions politiques du Conseil de l’Europe sur l’Euro-Méditerranée : ces valeurs ont été au cœur des débats que nous avons eus non seulement sur l’Euro-Méditerranée, mais aussi sur le conflit au Proche-Orient et sur le Bélarus.
N’oublions pas que nous sommes à trois mois du renouvellement du Parlement européen, puis de la Commission. Il nous faut envoyer aux Français et à l’ensemble des Européens un message clair et fort, qui ait du sens et qui prépare l’avenir. Si, par malheur, le 7 juin prochain, l’abstention l’emportait, nous le paierions tous longtemps et au prix fort.
Dans ce monde qui se cherche, l’Europe doit se renforcer, en s’appuyant sur des solidarités internes qu’il lui faut réaffirmer sans cesse.
Je formulerai quelques remarques.
Ne nous formalisons pas de voir les pays d’Europe centrale et orientale qui ont rejoint l’Union européenne en 2004 se concerter. Ils en ont le droit ! Il est même assez sain que chacun réfléchisse, à plusieurs ou en petits groupes. Après tout, la France et l’Allemagne se sont bien souvent concertées sans inviter leurs partenaires à ces réunions bilatérales. Le couple franco-allemand est solide : Hubert Haenel rappelait à l’instant qu’il doit être sans cesse renforcé ; je sais que vous y êtes attaché, monsieur le secrétaire d'État, et je tenais à vous en remercier. Il s’agit d’une priorité absolue si nous voulons que l’Europe retrouve son élan.
Ne marginalisons pas les pays d’Europe centrale et orientale membres de l’Union européenne ; veillons à ne pas les renvoyer avec commisération à leurs difficultés. Certains ont prétendu que, ne trouvant aucun écho à leurs difficultés au sein de l’Union européenne, ces pays se sont tournés vers le FMI. C’est inexact : il s’agit d’un raccourci ! Le FMI est l’interlocuteur normal de tous les États du monde.
Ce que je souhaiterais, c’est non pas que l’on s’interpose entre le FMI et les États qui ont un dialogue à développer avec le FMI, mais simplement que, lorsque les situations sont exceptionnelles, si nous sommes au sein de l’Union européenne, cette dernière commence par essayer de voir de quelle façon exprimer sa solidarité à l’égard des pays les plus en difficultés et, le cas échéant, qu’elle serve de porte-parole, d’intermédiaire, voire d’intercesseur entre eux et le FMI.
La crise peut diviser, chacun cherchant son salut dans une sorte de sauve-qui-peut. Veillons à ne pas nous réjouir d’être moins frappés que d’autres, par exemple la Grande-Bretagne, qui est en première ligne face à la crise financière, ou l’Allemagne, dont le solde du commerce extérieur, qui nous réjouissait voilà peu, rend aujourd'hui la situation de notre voisin un peu difficile.
Nous sommes embarqués dans la même aventure : les échecs ou les difficultés de nos partenaires sont aussi, d’une manière ou d’une autre, les nôtres ; ne l’oublions jamais ! Alors, que faire ?
Il faut vous soutenir, monsieur le secrétaire d'État, lorsque vous dites que, au lieu de diviser, la crise doit nous pousser à comprendre que l’Union européenne est la solution.
Il faut vous soutenir lorsque vous déployez des efforts réels afin que l’Union européenne parle d’une seule voix au G20 du 2 avril prochain et soit en état de proposer les voies de l’avenir qu’un monde désormais totalement et irréversiblement ouvert attend, et peut-être en particulier de l’Europe.
Il faut vous soutenir lorsque vous rappelez que, si le protectionnisme semble soulager dans l’instant, il reste porteur des pires désillusions pour la suite.
Il faut vous soutenir lorsque vous cherchez des modes de supervision bancaires, transnationaux, européens, et lorsque vous mettez les paradis fiscaux au ban de l’économie.
Il faut vous soutenir lorsque vous confirmez que les mesures retenues au titre du plan de relance ne doivent pas creuser nos déficits et ainsi alourdir encore une dette déjà insupportable ; Hubert Haenel ayant largement développé ce point, je n’y reviens pas, sinon pour vous demander de continuer à veiller, d’une part, à n’inclure dans les projets de loi de finances rectificatives nourrissant notre plan de relance par étapes successives que des mesures temporaires, et jamais des mesures consolidables en loi de finances, d’autre part, à poursuivre la préparation de réformes qui nous permettront de reprendre l’assainissement définitif de nos finances publiques une fois que nous serons sortis du temporaire.
Que faire encore ?
Peut-être faut-il vous demander, monsieur le secrétaire d'État, d’écouter ceux qui disent que l’Union européenne pourrait recourir à un grand emprunt pour relancer l’économie. Ma religion n’est pas complètement faite à cet égard, mais il s’agit d’une question importante, que nous ne pouvons pas repousser d’un revers de main. Avez-vous eu un commencement de débat sur ce point avec nos partenaires de l’Union européenne ? Quelle réponse apportez-vous à ceux qui posent cette question ? En tant que rapporteur spécial de la commission des finances sur le budget des Affaires européennes, j’y vois une occasion de reprendre ce sujet.
Le budget européen ne ressemble à rien : les recettes sont votées par les Parlements nationaux et les dépenses font l’objet d’une codécision du Parlement européen et du Conseil européen. Il n’est pas raisonnable que deux autorités différentes votent les recettes et les dépenses. Cette procédure n’est pas démocratique et elle n’a pas d’avenir.
Il va de soi que le budget européen pourrait difficilement avoir recours à l’emprunt. Poser la question, c’est rouvrir le débat sur ce que doit être un véritable budget européen.
Nous sommes à un instant décisif, je le disais tout à l’heure. Le temps n’est-il pas venu, enfin, de cesser d’éluder cette question ? Ce serait opportun pour l’avenir de l’Europe.
Par ailleurs, il est des domaines dans lesquels nous serons amenés à évoluer assez naturellement. Le mouvement est amorcé ; il est irréversible, même si la progression ne sera peut-être pas rapide ; je pense à la remise en cause du secret bancaire ou des paradis fiscaux. Ce sera long, difficile, mais nul ne pourra plus désormais se dérober complètement à de nouvelles exigences en la matière.
Je pense surtout, au-delà de ces points particuliers sur lesquels Hubert Haenel a insisté, à la nécessité de mettre en place une véritable politique commune industrielle. Cela ne se fera pas spontanément : il faudra de la volonté politique, mais elle est attendue et nécessaire.
Créer une politique de la concurrence, un marché unique, une monnaie unique fut également difficile. Certes, ce fut réalisé en un temps où l’Union européenne comptait moins de membres. Raison de plus pour nous doter aujourd'hui des capacités à décider à Vingt-Sept ! C’est plus que jamais essentiel, car instaurer une politique commune industrielle ne sera pas plus facile.
Il est indispensable que le traité de Lisbonne soit ratifié rapidement. Je crains que les Irlandais, qui subissent lourdement la crise, n’imputent de nouveau leurs difficultés à l’Europe. Ce serait une catastrophe ! Monsieur le secrétaire d'État, il faut tout faire pour que les Irlandais comprennent qu’il y va de leur intérêt, surtout dans cette période de crise, comme de celui des 500 millions d'Européens qu’ils retiennent actuellement en otage. Il faut mettre les gouvernants irlandais en situation de se battre pour que leur peuple ratifie un texte qu’ils ont signé : ils ne doivent pas considérer que ce n’est pas leur affaire et que le peuple irlandais se déterminera tout seul ! Les gouvernants doivent « se mouiller », tout comme le commissaire irlandais – les Irlandais ont voulu un commissaire, ils en ont un ! –, qui ne peut prétendre que ce n’est pas son problème. Lui aussi doit expliquer aux Irlandais ce que deviendra leur pays sans l’Europe. Ce choix est important !
S’il faut très vite retrouver une capacité à décider, il faut aussi, sur un certain nombre de points clés pour l’avenir, avoir la volonté de décider.
Sur la stratégie de Lisbonne, le moment me semble venu de passer du discours aux actes. Certes, la méthode de coordination retenue est sympathique – elle permet de faire des bilans annuels tout à fait flous –, mais elle est inopérante.
En effet, outre une politique commune industrielle, il faut une politique commune de l’économie, de la connaissance, de la recherche et de l’innovation. Hors ce choix définitif, décisif, fort, nous ne progresserons pas et nous ne serons pas à la hauteur des défis du monde.
C’est ainsi que pourra émerger le nouvel élan indispensable pour que l’Union européenne sorte de la crise rapidement, par le haut, et qu’elle joue son rôle dans un monde tourmenté et déstabilisé.
J’y reviens, nous sommes à un instant décisif ! Il faut que nous sachions être à la hauteur des exigences du monde moderne. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, alors que le taux de chômage dans la zone euro a augmenté en janvier pour atteindre 8,2 % et qu’il y aurait plus de 13 millions de chômeurs en Europe, la question de l’emploi n’a pas trouvé sa place au sein de l’ordre du jour du prochain Conseil européen, les Vingt-Sept reportant ce point spécifique à la tenue d’un sommet informel sur l’emploi, qui se tiendra le 7 mai à Prague, comme s’il s’agissait d’une question secondaire. Nous le déplorons amèrement.
L’ordre du jour du Conseil européen est donc une nouvelle fois dominé par des questions techniques relatives à la crise dans sa seule dimension financière et par la préparation du G20 d’avril, qui prétend révolutionner le capitalisme, projet fort intéressant !
Mais, contre toute attente, la crise constitue aujourd’hui un alibi de premier choix pour demander une nouvelle fois des sacrifices aux seuls salariés.
Ainsi, lors du conseil Emploi du 9 mars, les États membres ont adopté le rapport conjoint sur l’emploi 2008-2009 de l’Union européenne, qui les engage à accroître la flexibilité sur le marché du travail.
Quant au président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet, il appelle de ses vœux des baisses de salaires pour relancer l’économie.
Mme Annie David. Bien sûr !
M. Michel Billout. De plus, sur le fondement des conclusions du Conseil européen du 1er mars, les Vingt-Sept excluent toute possibilité de définir une politique industrielle, laquelle est assimilée à du protectionnisme. En effet, si le plan automobile français a finalement été validé par la Commission, la volonté de donner une dimension européenne a été écartée et les possibilités de recours à de tels plans largement encadrées.
Nous sommes donc manifestement dans un modèle où la politique économique de l’Union européenne se résume à une politique concurrentielle particulièrement intégriste. L’actualité nous en offre un triste exemple avec la suppression de 1 200 emplois directs dans l’Oise par le groupe allemand Continental, ce que nous condamnons avec force.
Cette absence de volonté de s’investir dans le champ industriel et social s’explique non seulement par la nature même de la construction européenne, dont la seule compétence reste la concurrence libre et dévastatrice, mais également par la faiblesse de son budget, qui ne lui permet pas de lancer de véritables politiques.
La crise en est une bonne illustration. En effet, le plan de relance européen s’apparente à une simple compilation de plans nationaux, peu cohérents. Ainsi, l’essentiel de l’effort sera porté par l’action en désordre des États membres : au total, 1 800 milliards d’euros au travers de garanties publiques et 280 milliards d’euros sous la forme de plans de recapitalisation des banques, sans qu’aucune garantie soit exigée sur le contrôle de ces fonds !
Comment penser l’Europe comme une force économique et politique de premier ordre si elle est privée de ressources financières ? À ce titre, je rappelle la proposition du gouvernement autrichien de créer une taxe sur la circulation des actifs financiers pour financer le budget européen. Il serait peut-être temps d’examiner cette piste de réflexion.
Sur le fond, l’Europe a été construite sur les bases de la libre concurrence, ce qui exclut toute intervention publique et, par conséquent, toute politique de développement de l’industrie ou des services publics. La Cour de justice des Communautés européennes reconnaît d’ailleurs, par ses arrêts, la primauté du droit de la concurrence sur les droits fondamentaux.
Nous voyons bien aujourd’hui la difficulté d’obtenir un consensus sur la nécessité d’élaborer une directive-cadre sur les services d’intérêt général, notamment les services sociaux. Si le conseil Compétitivité du 5 mars a reconnu qu’il était nécessaire d’accorder toute l’attention qu’elle mérite à la dimension sociale du marché intérieur et aux services d’intérêt général, les Vingt-Sept se sont bien gardés d’en proposer une traduction législative.
Cette logique a également conduit à une financiarisation accrue de l’économie, ainsi qu’à la généralisation des pratiques de dumping social, écologique et environnemental.
La crise que nous traversons aujourd’hui a donc été nourrie par ce modèle libéral. Mais alors que la situation actuelle devrait conduire à une remise en cause de ces principes, les dirigeants européens font preuve d’un autisme déroutant.
Ainsi, lors de la réunion du conseil Emploi, le vice-premier ministre tchèque, Petr Nečas, a affirmé que les mesures prises « ne devraient pas mettre en danger la viabilité à long terme des finances publiques ni perturber les règles du marché intérieur ».
Lors du Conseil extraordinaire du 1er mars, le président du Conseil déclarait, pour sa part : « Nous devons souligner le rôle vital joué par le marché unique pour la vitalité de l’économie européenne. »
Neelie Kroes, quant à elle, affirmait, dans le même temps, que le marché unique était notre bien le plus précieux et que nous devions le protéger.
Vous l’aurez bien compris, il n’y a donc aucune inflexion des fondements de l’Union européenne ultralibérale. Bien au contraire, la Commission propose d’aller toujours plus loin dans le démantèlement des services publics, dans la financiarisation de l’économie. Cette démarche s’incarne dans la célèbre directive « services », avatar européen de l’Accord général sur le commerce des services, que nous devons transposer en droit interne cette année et dont le conseil Compétitivité a rappelé l’importance le 5 mars dernier.
En parlant de cette directive, je ne peux passer sous silence la volonté de la Commission, par un récent projet de règlement sur la société privée européenne, de réintégrer le principe du pays d’origine. Nous trouvons ce procédé honteux.
Les principes de libéralisation sont également à la base de toute nouvelle adhésion au sein de l’Union européenne. En effet, les critères d’intégration dans l’Union européenne résident principalement dans l’élargissement du marché commun et concurrentiel, ce qui serait l’intérêt des nouveaux entrants comme des anciens. Nous observons, bien au contraire, que ces conditions ont rendu plus vulnérables à la crise les nouveaux entrants.
Pourtant, alors que, par une démarche unique, les neuf pays issus des adhésions de 2004 et de 2007 se sont réunis avant le sommet pour demander à l’Europe de prendre des mesures exceptionnelles au regard de leurs difficultés, ils se sont vus opposer un refus.
L’ordre du jour du Conseil européen de printemps appelle à faire le point sur les progrès réalisés pour renforcer la stabilité, la supervision et la transparence des marchés financiers, notamment au regard des propositions formulées dans le rapport Larosière.
Franchement, ce n’est pas très enthousiasmant ! En effet, le cadre de la discussion est très limité puisqu’il s’agit d’évaluer des décisions déjà prises. Ensuite, toute marge de manœuvre est a priori exclue puisqu’il est rappelé spécifiquement que les réponses doivent intégrer les impératifs liés au pacte de stabilité. Enfin, il est également proposé que le Conseil souligne « la détermination des États membres à respecter les principes fondamentaux du marché intérieur et la nécessité d’en approfondir encore le fonctionnement ».
Autant dire que la solution proposée par la présidence du Conseil pour répondre à la crise consiste à accélérer encore le rythme et l’ampleur des réformes pour tenter de maintenir un système économique défaillant. C’est ce que démontre, notamment, la présentation dans l’ordre du jour du point relatif à l’énergie. En effet, il est indiqué que « le Conseil européen rappellera l’importance d’un marché intérieur de l’énergie opérationnel et efficace. ». Pourtant, nous savons aujourd’hui que l’unique application des règles de marché ne permet pas la préservation des ressources naturelles.
À ce titre, le rapport du Sénat de juin 2007, intitulé Approvisionnement électrique : l’Europe sous tension, adopté à la quasi-unanimité de notre assemblée, concluait à l’indispensable maîtrise publique du secteur énergétique. Il faut maintenant que le Gouvernement porte ce message auprès des institutions européennes, en particulier au sein du Conseil européen.
Quant à l’unité de façade sur le plan « énergie-climat », elle se traduit en réalité par des différences d’approche fondamentales, comme en témoigne le refus du plan de la Commission en faveur des projets d’infrastructures européens, notamment énergétiques, par les États les plus contributeurs.
Nous sommes donc, particulièrement dans le secteur de l’énergie, face à l’éternel principe du laissez-faire, qui permet de confier la définition des règles de vie commune aux intérêts privés des grands financiers. Cela aboutit, au final, à la réalisation de confortables dividendes pour les actionnaires des firmes énergétiques, alors même que le service rendu aux usagers est dégradé et que les tarifs se sont envolés ; le groupe Total en est un bel exemple.
Les sénateurs du groupe CRC-SPG considèrent donc qu’un bilan doit être dressé de l’ensemble des politiques de libéralisation des services, que la construction européenne doit être entièrement réorientée, et qu’il nous faut enfin réfléchir aux bases d’une Europe sociale permettant le progrès partagé par le fruit de coopérations efficaces.
Si la crise financière secoue aujourd’hui l’Europe, il ne faut pas négliger la crise profonde de légitimité démocratique que connaît l’Union. Là encore, rien n’est remis en question puisque l’adoption du traité de Lisbonne reste jugée comme un fait acquis.
Je ne suis pas certain que les Irlandais aient pris en otage les citoyens européens ; j’ai plutôt le sentiment que, dans cette affaire, ce sont les citoyens européens qui ont été bâillonnés.
M. Denis Badré. Chacun son appréciation !
M. Michel Billout. Ainsi, pour obtenir un nouveau référendum en Irlande, des concessions importantes ont été accordées par la Commission, notamment sur l’application de la charte des droits fondamentaux. Accorder des exceptions à l’application de cette charte revient, finalement, à la priver de toute portée juridique réelle.
Le traité de Lisbonne porte en lui toutes les racines de la crise : principe de libre circulation des capitaux, indépendance de la banque centrale, interdiction des aides d’États. Nous continuons donc de le contester non seulement parce que son adoption constituerait une procédure antidémocratique, mais encore en raison des politiques qu’il sous-tend.
Les peuples de plusieurs pays ont manifesté leur exigence de ne pas voir imposer comme unique objectif à la construction européenne la mise en concurrence des hommes, des entreprises et des territoires.
Vous refusez d’entendre ce message, y compris quand tous les indicateurs sont au rouge. Nous en appelons donc une nouvelle fois au Gouvernement français pour qu’enfin une impulsion soit donnée à une Europe politique des peuples, fondée sur la volonté de progrès partagée et celle d’une harmonisation par le haut dans les domaines sociaux, écologiques et fiscaux.
Sur le plan institutionnel encore, le Conseil extraordinaire du 1er mars a permis aux chefs d’État de renouveler leur confiance dans les travaux de la Commission pour trouver des réponses à la crise. Nous trouvons cette prise de position contestable, dans la mesure où elle signe le retour d’une commission omnipotente, clé de voûte des institutions européennes, et ce alors que la présidence française avait permis de renforcer le poids du Conseil européen.
Fixer un ordre du jour est un exercice parfois complexe, mais nous regrettons que la situation internationale, hormis la question des partenariats orientaux et de l’Union pour la Méditerranée, ne soit pas traitée.
Cette situation a beaucoup évolué depuis décembre. Par exemple, une guerre sans précédent s’est déroulée sur les territoires de la bande de Gaza, faisant plus de 1 300 victimes, dont beaucoup de femmes et d’enfants. Cette agression insupportable, ainsi que les crimes de guerre qui ont été commis, appellent une réaction forte de la communauté internationale, et notamment de l’Union européenne ; le Parlement européen s’est déjà prononcé par voie de résolutions.
L’Europe doit donc s’engager cette fois-ci fermement pour obtenir d’Israël l’arrêt de sa politique de colonisation et de ses exactions à l’encontre du peuple palestinien. C’est la base de toute reprise du processus de paix.
Dans la situation actuelle, la question du rehaussement des relations avec Israël doit être abandonnée jusqu’à la création effective de deux États viables et souverains.
Tels sont les quelques éléments que je voulais rapidement aborder en vue du prochain Conseil européen. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
(M. Guy Fischer remplace Mme Catherine Tasca au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
vice-président
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à l’occasion de ce débat préalable au Conseil européen, je voudrais tout d’abord rendre hommage à la présidence française de l’Union européenne, qui a réalisé un travail remarquable en faisant aboutir des dossiers clés pour l’avenir de nos économies, au premier rang desquels le paquet « énergie-climat ».
Témoignant du rôle moteur de la France sur la scène européenne, cette présidence a démontré que notre pays était capable de conduire ses partenaires sur la voie du compromis, en particulier sur les questions économiques et environnementales, alors même que le contexte aurait pu nous inciter au repli national.
En ces temps de crise, en effet, il serait particulièrement tentant de céder au protectionnisme ou de reléguer au second plan les problématiques environnementales, par exemple. En réalité, nos économies ont plus que jamais besoin de solidarité et de coordination pour atténuer les effets du ralentissement conjoncturel et mettre en œuvre les mutations nécessaires pour aller vers des modèles plus durables.
Le Conseil européen des 19 et 20 mars prochains, sous présidence tchèque, s’inscrit dans ce contexte de crise économique et financière sans précédent. Il doit, pour cette raison, nous inviter, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à faire preuve de volontarisme.
Il conviendra, dans cette perspective, de faire le point sur les progrès réalisés pour renforcer la stabilité, la supervision et la transparence des marchés financiers, et d’envisager, le cas échéant, si des mesures complémentaires doivent être arrêtées par les chefs d’État et de gouvernement.
L’Union européenne doit progresser en matière de régulation financière si elle souhaite restaurer la confiance dans nos économies. Dans cette perspective, l’assainissement du secteur bancaire et financier constitue la principale priorité. Par ailleurs, sans rétablissement du crédit bancaire, il n’y aura pas de reprise durable : les entreprises ont besoin d’avoir accès au crédit, et tout particulièrement les petites et moyennes entreprises, qui composent notre tissu industriel et qui créent aujourd’hui des emplois.
S’agissant du plan européen pour la relance économique, il doit lui aussi faire l’objet d’une évaluation lors du Conseil européen. À cet égard, il me semble nécessaire, même si cela peut paraître plus délicat en temps de crise, de ne pas négliger les objectifs budgétaires à moyen terme, conformément au pacte de stabilité et de croissance.
J’ajoute que les mesures de relance doivent faire l’objet d’une coordination. Plus précisément, c’est le soutien à l’industrie qui doit, me semble-t-il, animer en priorité les réflexions au sein du Conseil. Je rappelle ainsi que la part de l’industrie dans la valeur ajoutée française est passée de 20 % à 12 % en dix ans. La question est simple : voulons-nous qu’il existe encore une industrie européenne dans les dix prochaines années ?
Si nous répondons par l’affirmative, alors il faudra renforcer l’innovation et la recherche. Nous devons en particulier travailler à la reconfiguration du paysage automobile européen. Nous voulons tous sauvegarder les emplois et les technologies dans ce secteur, mais nous savons également qu’il faudra accepter et accompagner les évolutions nécessaires, afin de conserver une industrie automobile compétitive.
Par ailleurs, la crise économique que nous traversons doit nous inciter à progresser plus rapidement dans la mise en œuvre de l’ensemble des piliers de la stratégie de Lisbonne. À cet égard, l’amélioration de l’employabilité des salariés constitue un levier important pour amortir les effets de la crise sur le marché du travail. C’est pourquoi une attention particulière doit être accordée à l’emploi des jeunes, des seniors et des moins qualifiés, particulièrement exposés aux conséquences du ralentissement de l’activité.
En outre, si nous voulons faire de l’Europe l’économie de la connaissance la plus compétitive du monde, il est nécessaire de prendre les bonnes décisions en matière de soutien à l’innovation. La stratégie de Lisbonne présente de nombreux aspects positifs, mais elle demeure purement déclaratoire. Aussi, monsieur le secrétaire d'État, je soutiens pleinement votre proposition de faire du ratio des dépenses publiques consacrées à l’innovation – aujourd’hui fixé à 3 % du produit intérieur brut – un objectif prioritaire, et non plus un simple indicateur.
À terme, l’enjeu est bien de définir une véritable politique économique et industrielle européenne.
Je souhaiterais, à ce point du débat, connaître les intentions de l’Europe sur le dossier de l’Organisation mondiale du commerce, plus précisément sur la problématique de la signature de l’accord de Doha. Toute signature en la matière génère deux à trois points de croissance mondiale supplémentaire, mais vous comprendrez, monsieur le secrétaire d'État, qu’un accord sur la base des conclusions de juillet dernier est aujourd’hui inconcevable. Il serait pertinent que l’Europe reprenne l’initiative.
Je voudrais à présent aborder plusieurs dossiers majeurs dans le domaine économique, qui devront être traités en priorité avant le renouvellement du Parlement européen de juin prochain.
L’aboutissement du paquet « télécom » dépendra de la capacité de la présidence tchèque à trouver un compromis sur des questions aussi cruciales que celles de la régulation européenne ou encore des tarifs de roaming.
La commission des affaires économiques s’était prononcée contre la création d’une autorité européenne du marché des communications électroniques, proposant au contraire une harmonisation des pratiques nationales de régulation en Europe. La commission avait fermement rappelé le besoin de mieux assurer les droits et la protection des consommateurs de services de communications électroniques, notamment en matière tarifaire.
Le dossier de l’énergie et du changement climatique doit lui aussi faire l’objet d’un compromis. Le Conseil européen est ainsi invité à arrêter une série d’orientations concrètes en vue de renforcer la sécurité énergétique de l’Union à moyen et long terme. Les voies et moyens à privilégier pour sécuriser nos approvisionnements en Europe ont d’ailleurs été très bien identifiés dans différents travaux sénatoriaux, en particulier ceux de nos collègues Bruno Sido, sur l’approvisionnement électrique de la France, ou encore Marcel Deneux, sur le paquet « énergie-climat ».
Dans cette perspective, et pour faire face aux risques de crise d’approvisionnement, il convient de développer nos infrastructures énergétiques, de renforcer les stocks de pétrole et de gaz, mais aussi et surtout d’améliorer l’efficacité énergétique, tout en diversifiant notre bouquet énergique au profit des énergies renouvelables.
S’agissant de l’important dossier du marché intérieur de l’énergie, si nul ne remet en cause la nécessité de le rendre plus opérationnel et plus efficace, la libéralisation de ce secteur doit être envisagée avec prudence. En effet, comme cela a été réaffirmé par notre Haute Assemblée, il convient de privilégier l’option de la régulation, qui préserve des opérateurs intégrés au niveau européen, plutôt que celle de la séparation patrimoniale, qui aboutirait au démantèlement et à l’affaiblissement de grands groupes européens dans un contexte économique déjà dégradé.
Dans ce domaine, il faut saisir l’occasion de la crise économique pour accélérer la mutation de nos économies vers des modèles plus respectueux de l’environnement. Nous devons réaliser les réformes économiques indispensables à l’émergence d’une économie sûre, durable, économe des ressources disponibles et à faible teneur en carbone.
À cet égard, la lutte contre le changement climatique constitue une priorité, tant pour l’Union européenne que pour ses partenaires. Nous pouvons d’ailleurs nous féliciter, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, d’avoir désormais à Washington une administration résolument engagée sur ces questions.
Ce Conseil européen doit ainsi être l’occasion pour les vingt-sept États membres d’arrêter les grands axes concernant le cycle de négociations sur le changement climatique de Copenhague. Le conseil des ministres de l’environnement du 2 mars dernier a déjà affiné la position qu’il souhaitait voir défendue par l’Union européenne dans ces négociations. Ainsi, il demande aux pays développés de s’engager sur des réductions pour 2020, de traduire le plus rapidement possible les objectifs en mesures contraignantes, et les invite à annoncer leurs intentions à la mi-2009 au plus tard.
Il ne faut pas sous-estimer l’importance du rendez-vous de décembre prochain à Copenhague, car, en cas d’accord international, l’Union européenne réduira ses émissions de gaz à effet de serre non pas de 20 %, mais de 30 %.
Il est indispensable d’obtenir des autres pays développés qu’ils s’engagent sur des exigences similaires à celles qui ont été adoptées au niveau de l’Union européenne, afin d’éviter tout risque de distorsion de concurrence fondée sur un « dumping environnemental ».
Les pays en développement doivent contribuer eux aussi, en fonction de leurs facultés respectives, à l’effort en faveur du climat. Bien évidemment, cela rend nécessaire la promotion de mécanismes de solidarité et un soutien financier en direction des pays les plus pauvres.
Aussi, afin de mesurer les efforts des uns et des autres, le conseil Environnement préconise de retenir quatre critères, qui me paraissent relever d’une approche fondée sur l’équité économique : la richesse, le potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre, l’évaluation des actions déjà réalisées et l’évolution de la démographie.
Le conseil propose également aux partenaires européens de s’engager dans une vision « à long terme » pour parvenir à un taux moyen global d’émission de 2 tonnes de C02 par an et par habitant en 2050, contre 6,2 en France et 20,4 aux États-Unis.
Si nous ne pouvons que nous féliciter de ces propositions, une question n’est pas encore tranchée à ce jour, celle de leur financement. Il conviendra d’y être très attentif afin de ne pas pénaliser les entreprises et, au final, l’emploi.
En définitive, à la veille de ce sommet européen, je souhaite, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, réaffirmer solennellement que l’Union européenne doit défendre le principe d’une croissance durable compatible avec la protection de l’environnement et de la santé et qu’il n’y aura de réponses à la crise qu’européennes. Tous ceux qui croient au primat de solutions nationales non concertées sont dans l’erreur.
Je forme donc le vœu que ce Conseil européen soit l’occasion de débattre ensemble des différents sujets qui viennent d’être abordés et d’envoyer un signal fort d’unité et de solidarité à l’échelon européen. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les trois « E » de la présidence tchèque seront à l’ordre du jour du Conseil européen des 19 et 20 mars prochains : économie, énergie, relations extérieures.
Mon propos concerne la politique de l’énergie dans la perspective du partenariat oriental.
Le 7 mai prochain, la présidence tchèque lancera le partenariat oriental regroupant six États stratégiques en matière énergétique : l’Azerbaïdjan – producteur important d’hydrocarbures –, l’Arménie, la Géorgie, l’Ukraine – pays de transit –, la Moldavie et la Biélorussie.
La sécurité d’approvisionnement est enfin devenue une priorité de l’Union européenne depuis la présidence allemande. Jusqu’à présent, il n’y avait pas de cohésion communautaire, mais le rapport Mandil a fait évoluer cette conception et a étroitement lié la sécurité d’approvisionnement à la solidarité énergétique entre les membres de l’Union.
L’absence de politique européenne de l’énergie nous a privés d’une opportunité formidable en 2006, lorsque les pays producteurs d’Asie centrale – Kazakhstan, Ouzbékistan et Turkménistan – attendaient une réponse à leur appel à l’Union européenne. Notre indigence politique et notre manque de réactivité a renforcé le monopole de Gazprom. Aujourd’hui, cette société achète 80 % du gaz exportable de l’Asie centrale.
Cette politique énergétique extérieure, par le biais de la politique de voisinage, se développe fortement au sud et à l’est : un espace de sécurité, de démocratie partagée et de prospérité se forme aux portes de l’Union.
Monsieur le secrétaire d’État, vous qui êtes un littéraire, vous n’ignorez pas que la belle Europe, enlevée par les Grecs en représailles, était une princesse phénicienne venant des rivages du Liban. Le rapprochement entre l’Union européenne et ses voisins orientaux et méridionaux est finalement un retour aux origines. Il faut qu’il se traduise dans le partenariat sud de l’Union pour la Méditerranée. L’UPM doit mettre en place les jonctions convoyant les hydrocarbures de la Caspienne et de l’Iran vers l’Union européenne.
Guidé par le même principe, mais selon des modalités différentes et plus souples, le partenariat oriental améliore la politique européenne de voisinage. Le principe de « l’intégration sans les institutions », proposé par M. Romano Prodi, permet de rapprocher de l’Union des pays qui ont fait le choix des coopérations économiques et politiques et du développement de projets communs. Réciproquement, l’Union européenne doit s’engager résolument avec ces pays dans une relation souple.
Cette structure de dialogue et de coopération entre eux, et avec l’Union européenne, constituera une enceinte particulièrement importante en matière énergétique. Ce dialogue régional est un facteur de stabilisation dans des zones conflictuelles comme la Géorgie et le Nagorny-Karabakh, où se situent des voies d’évacuation majeures des hydrocarbures russes et caspiens : Bakou-Supsa, Bakou-Tbilissi-Ceyhan et Bakou-Tbilissi-Erzurum. L’Union marque ainsi sa volonté de s’impliquer dans la résolution des conflits « gelés » à ses portes comme ceux de l’Abkhazie, de l’Ossétie du Sud, de la Transnistrie ou du Nagorny-Karabakh.
Soyons vigilants sur l’articulation du partenariat oriental avec la « synergie de la mer Noire », car l’idée est la même : assurer un espace de sécurité, de prospérité et d’avancées démocratiques. La « synergie de la mer Noire » ambitionne de donner une nouvelle dynamique aux pays de la région. La coopération régionale apporte une véritable valeur ajoutée dans des domaines d’intérêt communs, en particulier celui de l’énergie. Mais la portée d’un certain nombre d’actions dépasse la mer Noire et inclut les régions voisines. Les relations avec l’Asie centrale, et l’Europe du Sud-est s’en trouveront renforcées.
Monsieur le secrétaire d’État, comment optimiserez-vous les relations entre les différents organismes ? En particulier, comment la stratégie de la mer Noire se coordonnera-t-elle avec la stratégie pour l’Asie centrale, les États riverains de la mer Noire et de la Caspienne, comme le prévoit l’initiative de Bakou ?
Au-delà du partenariat oriental, les rapports avec la Russie sont vitaux. Ce pays a toujours tenu ses engagements de fournisseur majeur de l’Union européenne : 50 % du gaz et 20 % du pétrole consommés en Europe sont russes.
Par l’importance de ses réserves gazières, les premières du monde, de ses exportations et de l’orientation de ses pipelines, la Russie est naturellement liée à l’Union européenne par un partenariat stratégique et refuse d’être mise sur le même plan que les autres voisins de l’Union.
Je soutiens depuis très longtemps une coopération accrue avec la Russie. Soyons cohérents, ne soyons pas schizophrènes, ne lui demandons pas à la fois de devenir une économie de marché et de pratiquer des tarifs préférentiels pour les pays qui sont situés dans son ancienne sphère d’influence. Parlons, négocions et coopérons.
La présidence tchèque lancera le corridor sud sur l’axe Caspienne-mer Noire. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur son tracé, monsieur le secrétaire d’État?
Il faut que les États de l’Union s’entendent pour élaborer des itinéraires de pipelines en concertation. Il est contreproductif et absurde que des projets s’opposent, comme c’est le cas de South Stream et de Nabucco. L’Union européenne dans son ensemble doit comprendre que son intérêt est de diversifier et de sécuriser ses sources d’approvisionnement. Elle doit absolument mettre en œuvre cet argument de bon sens lors de l’examen de la réalisation d’infrastructures prioritaires dans le plan d’action européenne en matière de sécurité et de solidarité énergétiques.
Les deux principaux projets de pipelines vers l’Union européenne impliquent la Russie. Celle-ci coopère avec l’Allemagne pour le North Stream, qui traverse la Baltique mais contourne la Pologne, et avec l’Italie pour le South Stream, qui traverse la mer Noire vers l’Italie du Sud et l’Autriche, via la Bulgarie et les Balkans.
La Russie est un partenaire à tel point incontournable que le seul projet de tracé qui l’évite, Nabucco, a un avenir plus qu’incertain.
Le sous-secrétaire d’État adjoint américain, en visite à Ankara, s’est opposé à la participation de l’Iran au projet Nabucco. De quoi se mêle-t-il ? (Sourires.)
M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes. Çà !
M. Aymeri de Montesquiou. Plus alarmant, le Conseil vient d’exclure ce projet de la liste des projets prioritaires de l’Union européenne. Pourtant, l’Union ne doit renoncer à aucune opportunité pour diversifier ses sources d’approvisionnement, même si Nabucco doit s’approvisionner en Iran pour être rentable.
J’insiste à nouveau sur la coopération avec l’Iran non seulement pour ramener ce pays dans le concert des nations, mais aussi pour assurer une source importante d’approvisionnement à l’Union européenne. Les États-Unis n’ont pas les mêmes intérêts que nous avec l’Iran. Notre politique envers ce pays doit être indépendante de celle des États-Unis.
La Turquie est un voisin puissant, pays de transit où aboutissent plusieurs pipelines et qui garde de l’influence sur un certain nombre de conflits régionaux. Elle ne participe pas au partenariat oriental et elle est dans une situation particulière de préadhésion. Pourquoi ne pas envisager d’aborder le monde turcophone comme un ensemble ?
Enfin, le marché du gaz, qui était jusqu’à présent régional, devient mondial par le développement du gaz naturel liquéfié. Les entreprises françaises étant à la pointe de cette technologie, elles ont des parts de marché à conquérir sur tous les continents, ce qui leur permettra de mieux assurer l’approvisionnement de l’Union européenne.
Si je me réjouis des progrès évidents dans la stratégie extérieure, la politique énergétique intérieure commune est toujours à développer. Le découplage me semble inapproprié, car il fragilise les entreprises de l’Union. Pour affronter la concurrence, il faut être plus pragmatique qu’idéologue. Monsieur le secrétaire d’État, pendant combien de temps l’énergie va-t-elle demeurer le talon d’Achille de l’Europe ?
Vous qui êtes un homme de culture, réalisez les rêves d’Anaximandre. Philosophe présocratique, il avait dessiné la première carte géographique traçant les contours de l’Europe, du Moyen-Orient et de la proche Asie. Rendez-lui hommage en concrétisant les routes modernes de l’énergie dont il avait rêvé en son temps. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le prochain Conseil européen devra dégager une position commune ambitieuse pour peser lors de la réunion du G20 de Londres, le 2 avril prochain. Il devra notamment tirer toutes les leçons de la crise pour l’ensemble des économies. Mais il nous faudra aussi être capables de tirer chez nous, en Europe et pour l’Europe, les leçons de la gestion de cette crise.
Tout d’abord, que s’est-il passé en Europe et pouvons-nous faire aujourd’hui comme si rien ne s’y était passé ?
Personne ne peut nier que la crise financière a ébranlé les certitudes les mieux établies.
Sur le plan institutionnel, le constat est assez simple : on assiste au grand retour des États ; on l’a vu avec l’effacement de la Commission, avec la remise en question du fonctionnement de l’Eurogroupe, qui s’est réuni au niveau des chefs d’État, et qui a d’ailleurs accueilli le chef d’un État non-membre de la zone euro.
Déjà, pendant la crise géorgienne, on avait vu la présidence française agir avec succès, mais en dehors de tout dispositif communautaire.
La présidence française comme la crise ont changé la donne, avec ce constat incontournable : la gestion d’une crise grave ne peut être assumée que par les seuls gouvernements nationaux, parce qu’ils sont responsables devant leur peuple.
Une situation de crise majeure appelle nécessairement le retour du politique, donc le retour du fait national, non pas comme une situation de repli, mais plutôt comme un espace de solidarité, un espace de volonté où s’exprime la démocratie, et par conséquent la responsabilité politique. D’ailleurs, Jean-Louis Bourlanges, qui n’est pas un philosophe présocratique, mais qui était fort intelligent, avait formulé ce principe : « L’Union européenne n’est pas parvenue à franchir la porte sacrée du politique. » Il s’agit de le constater, sans pour autant porter de jugement de valeur.
Si la présidence française a été une réussite, c’est bien parce que Nicolas Sarkozy a su sortir du carcan bruxellois pour prendre appui directement sur les États.
Au-delà des institutions, il faut également changer le logiciel économique pour construire une Europe qui protège et qui ne se limite pas, comme ce fut trop souvent le cas, à être le marchepied d’une mondialisation sauvage. Il faut moins de dogmatisme et plus de pragmatisme, plus de réalisme et moins d’angélisme.
Avec la crise, que reste-t-il de la doctrine économique bruxelloise ?
Pour la régulation du grand marché, il a fallu mettre à l’écart les règles de la concurrence et celles des aides d’État.
Pour la régulation monétaire, avec pour une fois, il faut le reconnaître, un certain réalisme, la Banque centrale européenne a dû mettre de côté son obsession traditionnelle : la lutte contre l’inflation.
Pour la régulation budgétaire, il y a bien eu des tentatives pour rappeler les États à la discipline du pacte de stabilité, mais avec le succès que l’on sait.
Pour la régulation de l’union douanière, nous avions jusqu’à présent le désarmement commercial unilatéral au nom d’une concurrence libre et non faussée. Désormais, c’est l’idée d’une véritable préférence européenne qui s’impose.
Si nous voulons éviter de nouvelles crises pour demain, il faut absolument tirer les leçons de cette catastrophe financière. Il y aurait un curieux paradoxe à exiger, sur le plan international, l’abandon d’un libéralisme débridé sans balayer devant notre propre porte européenne.
L’autre grand chantier de la prochaine réunion du G20, monsieur le secrétaire d’État, c’est la refondation d’une régulation financière mondiale, qui devra s’articuler autour de trois principes : d’abord, celle-ci devra être « contracyclique » ; ensuite, elle devra être beaucoup plus transparente ; enfin, elle devra être globale, et non locale.
La nouvelle régulation devra être « contracyclique » car, aujourd’hui, toutes les règles ne sont pas des amortisseurs de chocs ; elles sont au contraire des démultiplicateurs de crise. Cela est vrai des règles prudentielles et des normes comptables qui, en se combinant, ont amplifié la chute du prix des actifs. Pour les normes comptables, la valeur de marché n’a jamais exprimé la valeur fondamentale, à long terme, des richesses des actifs et, surtout, elle a conduit à des décotes excessives qui ont eu un effet cumulatif.
Il faut aussi réformer les règles des agences de notation, qui n’ont qu’une vision à court terme du marché et qui ont eu, elles aussi, un rôle procyclique. Le plus choquant, c’est le conflit d’intérêts auxquelles elles sont confrontées ; ce sont elles qui paient ceux qui émettent les produits financiers les plus toxiques !
La nouvelle régulation devra ensuite permettre aux intermédiaires financiers de faire leur métier en toute transparence. Et leur métier, c’est de collecter de l’épargne à court terme pour prêter à long terme. Le risque de liquidité est inhérent à cette activité de transformation de l’épargne. Il ne faut surtout pas l’interdire, mais on peut l’encadrer.
On peut l’encadrer, d’abord, en mettant de l’ordre dans le système de rémunération des institutions financières, lequel est profondément amoral et antiéconomique.
On peut l’encadrer, ensuite, et surtout, en instaurant plus de transparence : c’est la question des paradis fiscaux et de la titrisation, qu’il serait idiot de vouloir interdire ; il faut reconnaître que, pour l’instant, celle-ci a surtout consisté à propager des risques en les rendant indétectables.
Plus généralement, et sans revenir à l’économie de troc, les marchés financiers ne doivent plus fonctionner en eaux troubles, dans l’opacité la plus totale, parce que c’est précisément ce qui a détruit la confiance.
Tous les marchés, toutes les institutions financières, et pas seulement les banques, doivent être régulés, puisque, en cas de crise, c’est l’État qui est prêteur en dernier ressort. C’est ce qui fonde la légitimité des États à vouloir refonder une régulation.
Enfin, cette nouvelle régulation devra être globale et non locale, sinon des zones offshore auront tôt fait de ruiner les efforts des plus méritants, ce qu’il faut à tout prix empêcher.
Pour conclure, cette refondation du système financier international est un objectif ambitieux. Celui-ci sera-t-il atteint en une ou en plusieurs réunions ? Peu importe ! Toujours est-il que l’on n’a pas le droit d’échouer, d’abord pour que le monde ne revive pas demain le même scénario, ensuite, et surtout, pour toutes celles et tous ceux qui sont ou qui seront touchés par cette crise dans leur vie quotidienne et qui seront les victimes innocentes et fragiles d’un système profondément immoral. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Bruno Le Maire, secrétaire d'État. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires européennes, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, mesdames, messieurs les sénateurs, après toutes ces interventions de très haute tenue, émaillées de remarques littéraires ou philosophiques, je ne vous infligerai pas un discours sous forme de leçon au Collègue de France. (Sourires.) Je m’efforcerai plutôt de répondre de la manière la plus pragmatique possible aux questions, tout à fait légitimes, qui m’ont été posées.
Monsieur le président de la commission des affaires étrangères, vous avez axé votre intervention sur l’assistance aux pays en voie de développement et la solidarité. Cette question est malheureusement négligée dans le débat actuel, parce que nous sommes concentrés sur nos propres difficultés, alors qu’elle est primordiale.
Aujourd’hui, toutes les banques, tous les États européens ont du mal à trouver des financements dans la crise financière que nous traversons. Mais ceux qui éprouvent des difficultés encore plus grandes en la matière, ce sont les pays en voie de développement, dont le retard économique est plus important.
Je rappelle, pour mémoire, que les flux de capitaux à destination de l’ensemble des pays en voie de développement ont été divisés par cinq : ils sont passés de 500 milliards à 100 milliards de dollars en quelques semaines.
Il est donc essentiel que nous répondions à ce défi pour éviter une instabilité économique majeure, qui risquerait d’entraîner une instabilité politique et des mouvements de population importants.
Nous devons impérativement empêcher que cette crise financière, qui est aussi une crise économique, et qui tend à devenir une crise sociale, ne dégénère en une véritable crise politique internationale. La meilleure des solutions, c’est la solidarité. Nous avons pris la décision de doubler le montant des fonds du FMI, qui passeront de 250 milliards à 500 milliards de dollars. C’est une première réponse ! En tout cas, il nous faut garder présent à l’esprit ce défi.
Nous devons également refuser le protectionnisme, sous quelque forme qu’il soit. En effet, s’il peut être rassurant pour certains, il se termine toujours par l’appauvrissement définitif des pays en voie de développement.
Si nous fermons nos frontières à des produits qui viennent d’Amérique du Sud, d’Afrique ou des pays d’Asie les moins développés, ce sont ces pays qui seront le plus durement frappés par la crise et leurs populations se retrouveront dans une misère insoutenable. Ne l’oublions pas quand la tentation du protectionnisme revient, de-ci de-là, comme solution à la crise.
Il en va de même à l’intérieur de la zone européenne : nous devons impérativement faire preuve de solidarité à l’égard de l’ensemble des pays de l’Union. Nous ne pouvons pas laisser un pays membre « décrocher », c’est-à-dire ne plus être capable de refinancer sa dette ou de trouver les financements nécessaires à ses propres activités économiques.
Je me suis récemment rendu en Hongrie, où j’ai eu une discussion très approfondie avec le ministre des finances hongrois. Ce pays est confronté à des difficultés telles qu’il a besoin d’assistance. Nous pourrions lui offrir, d’une part, un financement direct en réponse aux efforts qui seraient accomplis par les autorités hongroises dans un certain nombre de domaines et, d’autre part, une perspective en matière d’adhésion à l’euro.
J’insiste sur ce dernier point, car il est important. Offrir une telle perspective ne veut pas dire revenir sur les critères fixés, auquel cas nous risquerions d’affaiblir la zone euro elle-même, ce qui ne serait bon pour personne. Mais nous pourrions réfléchir à un chemin à suivre pour un certain nombre de pays, dont la Hongrie, qui leur permettrait d’avoir une lisibilité s’agissant de l’adhésion à l’euro. C’est un problème politique majeur.
Le ministre des finances d’un pays dont la monnaie – le florin hongrois, pour être exact – perd 30 % de sa valeur depuis le début du mois de janvier 2009, et dont la population s’appauvrit semaine après semaine en raison de cette dévaluation, doit pouvoir offrir une perspective politique et montrer la solidarité des autres États de l’Union européenne. C’est en tout cas la position que nous défendrons au Conseil européen.
Monsieur Haenel, en ce qui concerne la position commune de l’Europe, il est une règle politique selon laquelle plus on approche de la décision, plus celle-ci est difficile à prendre.
En novembre et décembre, notamment lors des réunions organisées sous la présidence française, tout le monde était d’accord pour reconnaître l’impérieuse nécessité d’une régulation financière pour supprimer les paradis fiscaux, contrôler les fonds souverains et améliorer le fonctionnement des agences de notation ; la refondation du capitalisme mondial suscitait une unanimité qui était plutôt de bon aloi.
Maintenant que le temps de la décision et des choix approche, les positions se durcissent et un certain nombre de divisions apparaissent au sein de l’Union européenne, notamment entre la France et l’Allemagne, d’une part, et la Grande-Bretagne, d’autre part, qui n’a pas les mêmes intérêts dans la mesure où son économie est différente et qui n’est pas forcément prête à aller aussi loin sur ces sujets.
La réunion du G20 « finances » qui a eu lieu à Londres ce week-end a été un succès. Effort après effort, les positions commencent à se rapprocher. La déclaration commune des ministres des finances du G20 n’est pas pour nous un aboutissement, parce qu’elle reste trop générale, mais l’ensemble des sujets que nous souhaitons voir aborder y figurent : aucun n’a été écarté ! Nous souscrivons aux principes énoncés, mais ceux-ci doivent être suivis de décisions concrètes, comme l’a rappelé le Président de la République ; j’aurai l’occasion d’y revenir.
J’en viens à la question de la dette, qui a été abordée par plusieurs orateurs.
Il convient tout d’abord de souligner – je réponds au passage à certaines critiques qui ont pu être formulées sur les plans de relance européens – qu’il existe une vraie relance européenne, dont il ne faut pas minoriser le montant.
Je note très simplement et sans esprit polémique que lorsque les Américains calculent le montant de leur plan de relance ils prennent en compte l’ensemble des mesures qui ont été arrêtées pour aider les ménages américains les plus frappés par la crise.
Lorsque Barack Obama décide d’accorder 500 dollars par foyer, en fonction du niveau de revenu initial, aux personnes qui perdraient brutalement leur emploi, il donne directement de l’argent public aux ménages américains et ces 500 dollars, multipliés par le nombre de bénéficiaires, sont intégrés dans le montant total du plan de relance américain.
Nous, nous avons un revenu minimum, des stabilisateurs automatiques, des aides sociales. Nous n’allons donc pas prévoir les mêmes dispositions pour les personnes qui sont touchées par le chômage ou qui se trouvent dans une situation particulièrement difficile. Mais il me paraît légitime que nous comptabilisions dans nos propres plans de relance les stabilisateurs automatiques, qui n’existent pas dans le système américain.
Si l’on prend en considération ces stabilisateurs automatiques, les plans de relance de l’Union européenne représentent 440 milliards d’euros de dépenses, soit environ 3,3 % du PIB européen. Ces plans de relance sont donc massifs !
J’admets volontiers que l’on débatte du montant du PIB qu’il est nécessaire d’engager, à savoir 3,3 %, 4 %, voire 5 %, pour les plans de relance européens. Personnellement, je pense qu’il faut d’abord mettre en œuvre ce qui a été décidé.
En revanche, je n’admets pas que nous ne tenions pas compte, dans les plans de relance européens, des stabilisateurs automatiques, qui sont comptabilisés dans tous les autres plans de relance mondiaux. Partons de la même base et discutons à partir de cette base !
J’en arrive à la deuxième remarque sur la dette.
La crise financière que nous avons connue a été provoquée par un endettement privé massif, favorisé dans des proportions tout à fait inacceptables, notamment aux États-Unis, par les dérèglements financiers, ainsi que par l’absence de contrôle et de règles.
Plusieurs causes peuvent expliquer cet endettement privé trop important, notamment le décalage entre la productivité des salariés américains et le niveau de salaires. Prenons garde à ce que la sortie de crise ne substitue pas à cet endettement privé un endettement public.
Soyons attentifs à un point lorsque nous comparons les niveaux d’endettement américain et européen : le financement de la dette américaine n’est pas le même que celui de la dette européenne. Si, à la sortie de la crise, les Européens se retrouvent avec une dette publique trop importante, ils y perdront en compétitivité, ils y perdront en capacité d’enrichissement collectif, bref, ils y perdront en termes de redistribution du pouvoir d’achat pour l’ensemble des ménages. Soyons donc vigilants : je le redis, la crise actuelle est une crise de la dette privée, et ce n’est pas par le biais d’une crise de la dette publique que nous nous sortirons d’affaire.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’Allemagne et la France ont décidé de travailler conjointement sur ce sujet. Vous le savez, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy viennent de signer une lettre, adressée au président de la Commission et au Premier ministre tchèque, dans laquelle ils annoncent, notamment, que nous allons œuvrer ensemble à la réduction de la dette et à la limitation des déficits des finances publiques dans les années à venir pour répondre à ce défi, qui est l’un des défis majeurs de la sortie de la crise.
Par ailleurs, vous avez raison, monsieur le président de la commission des affaires européennes, quand vous dénoncez l’invention d’un rosé qui serait une addition de rouge et de blanc. Il faut effectivement ne pas aimer beaucoup le vin pour proposer de telles choses, et cela semble bien être un pur produit de la comitologie européenne : une absurdité sortie d’un chapeau et que l’on ne voit venir que trop tard. En pareil cas, il faut simplement indiquer que ce n’est pas acceptable. Le Gouvernement l’a fait, notamment Michel Barnier, et nous continuerons à produire le rosé comme il doit l’être, et certainement pas en mettant un quart de rouge dans un litre de blanc.
Je l’ai déjà dit à cette tribune, comme à vos commissions : il n’y a pas d’autre solution – en tout cas, je n’en connais pas d’autre – au renforcement de l’Europe politique qu’un accord fort, permanent, rigoureux, équilibré, entre la France et l’Allemagne.
M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes. Très bien !
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. C’est juste !
M. Bruno Le Maire, secrétaire d'État. Aujourd’hui, l’Europe souffre justement d’un manque d’audace et d’imagination. La Commission fait des efforts, formule des propositions. Mais elle sera renouvelée en novembre et, par conséquent, elle n’a plus la même capacité d’initiative qu’elle pouvait avoir auparavant. Je ne lui jette pas la pierre, le constat me paraît naturel.
On constate aussi que le système des présidences tournantes se heurte à la réalité des rapports de force. La présidence tchèque fait le maximum de ce qu’elle peut faire, et elle le fait bien. Mais, en période de crise économique, de crise financière, la réalité des poids économiques, des poids financiers, des poids politiques, se rappelle à vous.
Si nous voulons véritablement une Europe politique, c’est-à-dire une Europe capable d’imaginer ce que nous serons tous ensemble demain, il faut que l’Allemagne et la France soient d’accord. Vous avez eu la gentillesse de rappeler que, depuis trois mois, j’y travaille chaque jour ; je suis à Berlin quasiment une fois par semaine, parce que je crois que c’est la voie de sortie de la crise dans laquelle nous nous trouvons et la voie de l’essor de l’Europe politique à laquelle nous aspirons tous.
Monsieur Ries, vous avez évoqué la nécessité de réorganiser la sphère financière, objectif que nous partageons tous, et la difficulté de ne pas mélanger la question de la relance et celle de la réorganisation financière. Vous estimez que ces deux aspects doivent être traités de manière conjointe ; je le crois aussi. Il faut impérativement que nos plans de relance économique soient à la hauteur des enjeux et qu’en même temps nous procédions à la réorganisation financière qui s’impose.
Cependant, en termes de méthode, rien ne serait pire que de vouloir mêler les deux sujets lors des sommets internationaux. Lorsque le sommet du G20 a été convoqué, il était entendu qu’il serait consacré à la réorganisation financière internationale ; il faut s’y tenir ! Je n’ai pas une expérience diplomatique considérable, mais j’ai eu le temps de me rendre compte que, si l’on dilue l’agenda de ces rendez-vous internationaux, on en dilue les résultats, et l’on ne prend donc pas les décisions qu’attendent nos concitoyens.
Pour ma part, je ne m’imagine pas, et je n’imagine pas davantage le Président de la République ou la chancelière Angela Merkel sortir de la réunion de Londres en se félicitant qu’un accord ait été trouvé sur des principes généraux, sans avoir au demeurant débouché sur aucune décision concrète, et que les fonds du FMI aient été doublés… Cela ne conviendrait à personne, et certainement pas à nos concitoyens. Il est donc impératif que, sur les fonds spéculatifs, sur la rémunération des dirigeants des institutions financières, sur les paradis fiscaux, nous prenions des décisions concrètes. Ce sera déjà beaucoup !
Je voudrais, sans trop entrer dans la technique, revenir sur la question des fonds spéculatifs. Si la crise a pris une telle ampleur, c’est tout simplement parce que des fonds dont le bilan faisait apparaître qu’ils n’avaient que 1 euro de disponible pouvaient, avec cet euro, acheter des immeubles à Miami, dans le sud des États-Unis ou à Singapour qui valaient 1 million de dollars.
C’est le décalage entre les fonds propres et les investissements qu’il était possible d’engager qui a créé la crise financière que nous traversons aujourd’hui. Fixer des ratios prudentiels plus raisonnables qui, lorsque vous aurez 1 euro, vous permettront d’acheter à la rigueur trois ou dix pains au chocolat, mais pas mille, ce sera revenir à une forme de raison financière, qui est indispensable si l’on veut éviter les déboires que nous avons connus au cours des derniers mois.
A également été évoquée la question de la coordination des plans de relance. Il s’agit, effectivement, d’une question majeure, et je vous livrerai quelques observations à ce sujet.
Première observation : la coordination progresse ; c’est l’un des objectifs du Gouvernement. Dans la déclaration franco-allemande du dernier conseil des ministres franco-allemand figure pour la première fois, dès le premier paragraphe, l’idée que, désormais, la France et l’Allemagne coordonneront leurs décisions de politique économique.
Deuxième observation : il n’existe pas de budget de l’Union européenne au sens où nous pourrions l’entendre. Le budget de l’Union européenne, vous le savez tous, c’est 0,89 % du PIB européen. Ce n’est pas avec cela que l’on peut élaborer un plan de relance européen, c’est-à-dire communautaire ! Il ne reste donc de place que pour des plans de relance nationaux, qu’il faut coordonner le mieux possible. Si l’on veut vraiment un plan de relance communautaire, collectif, décidé par les États et par la Commission, il faut effectivement s’interroger sur cette question du budget européen, sur laquelle, personnellement, je suis ouvert, car elle mérite à tout le moins un examen attentif.
Troisième et dernière observation : je rappelle que toutes les institutions européennes ont fait le maximum pour la relance. En particulier, la Banque européenne d’investissement, dont j’ai rencontré le président, Philippe Maystadt, hier à Bruxelles, a débloqué des fonds massifs : 7 milliards d’euros doivent permettre aux industries automobiles d’investir dans l’innovation et dans la recherche. Elle l’a fait à la demande des grands pays européens, et Christine Lagarde et moi-même étions en contact permanent avec M. Maystadt. Cet effort important montre que l’Europe est capable de se mobiliser face à la crise.
Le sommet de l’emploi du 7 mai a également été abordé ; nous le préparons avec les partenaires sociaux. C’est un rendez-vous important. Le seul sujet qui compte aujourd’hui pour nos concitoyens, vous le savez tous ici, et je le constate dans ma circonscription lorsque j’y retourne, c’est l’emploi. C’est le sujet qui doit mobiliser tous nos efforts. Si, à l’échelle européenne, nous pouvons trouver des solutions, notamment en matière de formation, d’indemnisation du chômage technique, de temps partiel, eh bien, appliquons les et avançons ! Si, en plus, cela peut faire prendre conscience à un certain nombre d’États européens que la question sociale est aussi une question européenne, je ne pourrai que m’en réjouir !
Denis Badré, en particulier, a évoqué l’emprunt européen. Personnellement, je n’ai pas de réticence devant une telle solution. Je ferai cependant deux remarques rapides.
La première, c’est que l’Europe n’a pas de capacité fiscale propre : c’est l’une de ses réalités !
M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes. Absolument !
M. Bruno Le Maire, secrétaire d'État. Par conséquent, tout emprunt de l’Union européenne ne peut que se traduire par un endettement des États : il n’y a pas de dette européenne. Un tel choix est donc forcément lourd.
Seconde remarque, la voie de l’endettement n’est pas acceptable pour certains de nos partenaires, notamment pour l’Allemagne : elle a très clairement fait savoir qu’il n’était pas question d’un emprunt européen, qui aggraverait la charge de la dette des États. Et la vie internationale, comme la vie politique, est faite aussi de compromis ! Si nous voulons conserver notre capacité d’avancer avec l’Allemagne sur un certain nombre de questions, comme nous le faisons, et de manière efficace, il nous faut prendre en considération ses réticences sur ce sujet.
J’en viens aux propos de Denis Badré sur la présidence tchèque ; nous la soutenons, je l’ai dit. Je suis en contact permanent avec Sacha Vondra, le vice-Premier ministre tchèque chargé de la Présidence, et nous avons des contacts réguliers avec le Premier ministre, M. Topolanek ; quant au président tchèque, il lui appartient de défendre ses propres positions. En l’espèce, et puisque de nombreuses citations ont été faites aujourd’hui, je dirai que « tout ce qui est excessif est insignifiant ». N’y prêtons donc pas une trop grande attention !
L’Europe de la défense reste un projet majeur pour la France, et notre décision de retourner dans le commandement intégré de l’OTAN ne doit pas nous faire perdre de vue que le renforcement de cette Europe de la défense demeure une priorité. Celui-ci suppose un budget ; il nous faudra donc convaincre ceux de nos partenaires qui y sont réticents. Il suppose la définition d’intérêts collectifs ; si la présidence française a permis de progresser sur le sujet, la question reste complexe. Enfin, il suppose un état-major de commandement d’opération collectif européen et non pas plusieurs états-majors nationaux ; je crois que, quelles que soient les réticences qui pourront se faire jour, cette perspective doit rester ouverte.
A aussi été abordée la question des pays d’Europe centrale et orientale. L’enjeu est essentiel ! La crise ne doit pas provoquer le retour des fractures en Europe. Nous avons connu une Europe divisée. Nous avons réussi à reconstruire une Europe unie ; nous devons maintenir à tout prix cette unité. En d’autres termes, nous devons persévérer dans l’effort de solidarité que j’ai déjà indiqué ; c’est essentiel. Nous devons éviter de nous rejeter la responsabilité les uns sur les autres en reprochant à tel d’être protectionniste, à tel autre d’être trop libéral… Trouvons des solutions collectivement, ne dressons pas les États les uns contre les autres et, surtout, évitons que les États nouveaux entrants ne soient opposés aux États fondateurs. Il n’y aurait pas pire division que ces divisions historiques : le propre de la construction européenne est, justement, d’avancer dans l’histoire en les effaçant de la mémoire. Si nous revenons là-dessus, c’est toute l’Europe, c’est tout le processus européen qui s’effondrerait.
Hubert Haenel me glissait tout à l’heure en aparté que cela lui évoquait Les Animaux malades de la peste de La Fontaine : « Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés ». C’est exactement le cas aujourd’hui : tous ne meurent pas de la crise économique, mais tous sont frappés. Alors, plutôt que de chercher un bouc émissaire, trouvons des solutions collectives !
La question de la politique industrielle commune me permettra de faire le lien avec les remarques de Michel Billout.
Depuis ma prise de fonction, je me bats pour obtenir une coordination des politiques économiques européennes. En particulier, je crois indispensable que nous ayons une politique industrielle commune. C’est difficile, parce que l’Europe ne s’est pas construite ainsi. Je considère – il m’arrive d’être d’accord avec les communistes, au Parlement ! – que c’est l’un des enjeux de la construction européenne de demain. Il faut changer la donne !
Comme je l’ai indiqué il y a peu dans une interview au quotidien Les Échos, la concurrence a été l’alpha et l’oméga de la construction européenne des vingt ou trente dernières années. Elle ne peut plus rester l’alpha et l’oméga de la construction européenne pour les vingt ou trente prochaines années : ce n’est pas possible ! Nous devons prendre conscience que la concurrence comme seul principe politique aboutit à des affrontements entre États qui ne sont pas dans l’intérêt même de ces États. La concurrence est nécessaire, mais il faut aussi de la coopération et une vision collective.
Si certaines personnes, sur ces travées, ne sont pas convaincues, qu’elles se demandent ce que sera l’avenir de l’industrie automobile européenne. La bonne solution est-elle de voir les constructeurs automobiles européens se livrer à une concurrence acharnée jusqu’à ce que l’un d’eux disparaisse, ou bien est-elle de les voir travailler ensemble en réfléchissant à ce que peut être l’avenir de l’industrie automobile européenne ?
Pour moi, le choix est clair : nous devons travailler ensemble à la définition d’une industrie automobile européenne, et nous en avons les moyens. Aucun constructeur automobile européen n’est capable, seul, d’investir assez pour pouvoir financer, par exemple, un moteur électrique qui fonctionne et dont le coût de revient soit suffisamment intéressant. Payons cette innovation, finançons cette recherche – nous le faisons déjà avec la Banque européenne d’investissement –, rapprochons les laboratoires de recherche des constructeurs et, à partir de là, créons des synergies industrielles européennes ! C’est la seule solution pour que, véritablement, nous sortions plus forts de cette crise, et je suis persuadé que c’est l’un des sujets sur lesquels nous devrons nous battre dans les prochaines années.
S’agissant du dumping social, monsieur Billout, la meilleure protection, c’est le processus de convergence des différents États. Je prendrai un exemple concret : lorsque la Hongrie est entrée dans l’Union européenne, le salaire minimum y était de 400 euros ; cinq ans plus tard, il s’élève à 700 euros.
Cet effort de convergence, observé en Espagne, au Portugal et en Grèce au début des années quatre-vingt, se produira également dans les pays d’Europe centrale et orientale dans les années à venir. Il doit demeurer l’objectif collectif d’un rattrapage pour que ces États accèdent au même niveau de développement social et économique que les autres afin d’éviter toute forme de dumping social.
En revanche, je ne partage pas votre sentiment sur la crise de légitimité démocratique. On ne peut pas considérer qu’il y a moins de légitimité démocratique et, dans le même temps, être contre un traité qui renforce considérablement les pouvoirs du Parlement au travers de l’extension de la codécision. Le Parlement européen – je le dirai pendant toute la campagne parce que j’en suis intimement persuadé – est devenu un lieu de pouvoir essentiel pour nos concitoyens, peut-être plus important que le Parlement français. Aujourd’hui, un député européen a un pouvoir considérable, qui sera encore accru avec le traité de Lisbonne ; c’est une façon de progresser vers une démocratie européenne.
Monsieur Bizet, vous avez évoqué l’industrie française et européenne ; je le répète, c’est une priorité absolue. Car les questions de l’innovation et de la dette constituent les deux grands défis de la sortie de crise européenne.
S’agissant de l’innovation, je suis convaincu que la stratégie de Lisbonne n’est plus suffisante : on ne peut plus avoir seulement des indicateurs, il faut des obligations.
Je formulerai à cet égard une remarque plus générale sur la construction européenne. Je regrette qu’en la matière les obligations soient toujours négatives : moins de déficit, moins de dette, des critères très stricts sur les budgets, sur l’endettement public. Des obligations positives sont également nécessaires, notamment sur l’innovation, la recherche, le nombre d’étudiants qui pourraient circuler en Europe.
Faisons en sorte que l’Union européenne soit considérée non pas uniquement comme un carcan négatif, mais comme une structure positive qui oblige les États à faire plus pour leurs concitoyens, à faire plus pour ce qui est essentiel au développement futur, c’est-à-dire l’innovation et la recherche.
S’agissant de l’OMC et des accords de Doha, nous voulons un accord global et équilibré. Nous avons accompli des efforts, notamment dans le domaine agricole ; nous ne sommes pas prêts à aller au-delà. Nous attendons maintenant les réponses de nos partenaires ; mais un accord juste en matière commerciale, c’est un accord équilibré : nous avons fait des concessions ; tel n’est pas encore le cas de nos partenaires !
Je terminerai par les questions posées par Aymeri de Montesquiou relatives à l’approvisionnement énergétique.
Nous avons impérativement besoin de diversifier notre approvisionnement énergétique ; de nouvelles voies de circulation des hydrocarbures sont donc nécessaires en Europe, en Asie centrale et en Russie.
Nous avons trois projets majeurs : North Stream, South Stream et Nabucco. Nous sommes favorables à ces trois voies d’approvisionnement, qui sont complémentaires, en ayant tout de même conscience que chacune pose des difficultés ; il ne faut pas en privilégier une plutôt qu’une autre.
South Stream présente des problèmes en termes de tracé et de financement. Quant à Nabucco, sa rentabilité n’est assurée que si nos relations avec l’Iran s’améliorent au point d’obtenir une garantie d’approvisionnement. Enfin, North Stream soulève deux difficultés. La première est politique : la Pologne voit d’un très mauvais œil un accord entre l’Allemagne et la Russie en matière d’approvisionnement énergétique ; on peut le comprendre. Je me rendrai prochainement en Pologne pour essayer de trouver une solution. La seconde difficulté concerne l’environnement, car l’ensemble du tracé passe par des lieux protégés, notamment la mer Baltique, et cela pose de sérieuses difficultés avec la Suède et le Danemark. Nous devrons là aussi trouver des solutions, sachant que tout nouvel aménagement renchérit de deux à trois fois le coût initial de construction de ce pipeline et ne garantit donc pas sa rentabilité.
Enfin, vous avez cité Anaximandre. Je suis très féru de littérature et de philosophie allemande. Heidegger a écrit un très beau texte sur un fragment de cet auteur : « Rien ne reste de ce qui a passé ; ne passe que ce qui ne reste pas. » J’espère que ce ne sera pas une devise pour l’Europe, que jamais elle ne passera et que resteront dans nos cœurs et dans nos esprits ses réalisations concrètes. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.- M. le président de la commission des affaires étrangères et M. le président de la commission des affaires européennes applaudissent également.)
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Dépôt de textes de commissions
M. le président. J’ai reçu le texte de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Guinée sur la promotion et la protection réciproques des investissements (n° 191, 2008-2009).
Le texte sera imprimé sous le n° 271 et distribué.
J’ai reçu le texte de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et l’Organisation internationale de police criminelle-Interpol (OPCI-Interpol) relatif au siège de l’organisation sur le territoire français (n° 193, 2008-2009).
Le texte sera imprimé sous le n° 272 et distribué.
J’ai reçu le texte de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume d’Espagne sur les dispositifs éducatifs, linguistiques et culturels dans les établissements de l’enseignement scolaire des deux États (n° 498, 2007-2008).
Le texte sera imprimé sous le n° 273 et distribué.
J’ai reçu le texte de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l’approbation du protocole sur les registres des rejets et transferts de polluants se rapportant à la convention de 1998 sur l’accès à l’information, la participation du public à la prise de décision et l’accès à la justice dans le domaine de l’environnement (n° 175, 2008-2009).
Le texte sera imprimé sous le n° 274 et distribué.
J’ai reçu le texte de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l’Uruguay sur l’emploi salarié des personnes à charge des membres des missions officielles (n° 81, 2008 2009).
Le texte sera imprimé sous le n° 276 et distribué.
J’ai reçu le texte de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kenya sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements (n° 190, 2008-2009).
Le texte sera imprimé sous le n° 278 et distribué.
J’ai reçu le texte de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant la ratification du traité de Singapour sur le droit des marques (n° 159, 2008 2009).
Le texte sera imprimé sous le n° 280 et distribué.
J’ai reçu le texte de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant la ratification du traité sur le droit des brevets (n° 160, 2008 2009).
Le texte sera imprimé sous le n° 282 et distribué.
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Dépôt d'une proposition de loi
M. le président. J’ai reçu de M. Bernard Saugey une proposition de loi visant à réformer le champ des poursuites de la prise illégale d’intérêts des élus locaux.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 268, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
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Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Projet de directive CE de la Commission modifiant la directive 2004/22/CE du Parlement européen et du Conseil sur les instruments de mesure au regard de l’exploitation des erreurs maximales tolérées, en ce qui concerne les annexes spécifiques relatives aux instruments MI-001 à MI-005.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-4341 et distribué.
J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Projet de décision de la Commission modifiant, pour l’adapter au progrès technique, l’annexe I de la directive 76/769/CEE du Conseil en ce qui concerne la limitation de la mise sur le marché et de l’emploi d’huiles lampantes et d’allume-feu liquides.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-4342 et distribué.
J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Décision du conseil approuvant le plan directeur européen de gestion du trafic aérien du projet de recherche sur la gestion du trafic aérien dans le ciel unique européen (SESAR).
Ce texte sera imprimé sous le n° E-4343 et distribué.
J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil portant modification de la décision 2006/326/CE afin de prévoir une procédure d’exécution de l’article 5, paragraphe 2, de l’accord entre la Communauté européenne et le Royaume de Danemark sur la signification et la notification des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-4344 et distribué.
J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil portant modification de la décision 2006/325/CE afin de prévoir une procédure d’exécution de l’article 5, paragraphe 2, de l’accord entre la Communauté européenne et le Royaume de Danemark sur la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-4345 et distribué.
J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil portant création d’un mécanisme d’évaluation destiné à contrôler l’application de l’acquis de Schengen.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-4346 et distribué.
J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil portant création d’un mécanisme d’évaluation destiné à suivre l’application de l’acquis de Schengen.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-4347 et distribué.
J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à l’établissement de la position de la Communauté à adopter au sein de la Commission des thons de l’océan Indien.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-4348 et distribué.
J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de virements de crédits n° DEC6/2009 à l’intérieur de la section III - Commission - du budget général pour l’exercice 2009 (DNO).
Ce texte sera imprimé sous le n° E-4349 et distribué.
J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil concernant la signature de l’accord de réadmission entre la Communauté européenne et le Pakistan. Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l’accord de réadmission entre la Communauté européenne et le Pakistan.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-4350 et distribué.
J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion d’un accord sous forme d’échange de lettres relatif à l’application provisoire du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues par l’accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre la Communauté européenne et la République de Guinée concernant la pêche au large de la Guinée pour la période allant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2012.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-4351 et distribué.
J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil relatif à la conclusion de l’accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre la Communauté européenne et la République de Guinée.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-4352 et distribué.
J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CEE) n° 95/93 fixant des règles communes en ce qui concerne l’attribution des créneaux horaires dans les aéroports de la Communauté.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-4353 et distribué.
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Dépôt de rapports
M. le président. J’ai reçu de Mme Gisèle Gautier un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l’Uruguay sur l’emploi salarié des personnes à charge des membres des missions officielles (n° 81, 2008 2009).
Le rapport sera imprimé sous le n° 275 et distribué.
J’ai reçu de Mme Gisèle Gautier un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kenya sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements (n° 190, 2008-2009).
Le rapport sera imprimé sous le n° 277 et distribué.
J’ai reçu de M. Jean Milhau un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant la ratification du traité de Singapour sur le droit des marques (n° 159, 2008 2009).
Le rapport sera imprimé sous le n° 279 et distribué.
J’ai reçu de M. Rachel Mazuir un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant la ratification du traité sur le droit des brevets (n° 160, 2008 2009).
Le rapport sera imprimé sous le n° 281 et distribué.
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Dépôt d'un rapport d'information
M. le président. J’ai reçu de Mme Josette Durrieu un rapport d’information fait au nom des délégués élus par le Sénat sur les travaux de la Délégation française à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe au cours de la première partie de la session ordinaire - 2009 - de cette assemblée, adressé à M. le président du Sénat, en application de l’article 108 du règlement.
Le rapport d’information sera imprimé sous le n° 267 et distribué.
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Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 18 mars 2009, à quatorze heures trente :
- Débat sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures trente-cinq.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD