M. Hubert Haenel. Dans ce domaine, il ne faut jamais aller trop vite !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État. C’est une première étape, et vous êtes habitué à la progressivité dans le domaine ferroviaire : de la réforme vient la révolution !
Ce service aura pour mission de gérer le trafic et la circulation sur le réseau ferroviaire national. Il regroupera 14 400 agents en charge de la production et de la gestion des sillons, comme les horairistes, les régulateurs et les agents de circulation, également appelés « aiguilleurs ». Ces agents appartiendront toujours à la SNCF : ils ne changeront pas de statut. Toutefois, cette structure, afin que son indépendance soit assurée et qu’elle soit compatible avec les prescriptions de l’Union européenne, disposera d’un budget propre, et son directeur sera nommé par l’État, en conseil des ministres. D’éventuelles évolutions réglementaires ou législatives viendront assurer l’autonomie de gestion de ce service.
J’ai bien précisé en commençant mon propos que l’ouverture à la concurrence européenne concernera uniquement les services de transports internationaux de voyageurs, qui auront la possibilité de prendre et de déposer des voyageurs en cours de route dans un même pays : c’est ce que l’on appelle le « cabotage », qui existe déjà dans le domaine aérien. Mais la frontière n’est jamais loin : du côté de Mulhouse, elle peut être à Müllheim, du côté de Strasbourg, à Kehl, du côté de Nice, à Vintimille, et du côté de Perpignan, quand le réseau espagnol nous aura rejoints, à Figueras… Toutes sortes de géométries sont donc envisageables !
La question des transports express régionaux, les TER, auxquels nos régions sont très attachées, se pose évidemment. Je remercie Hubert Haenel d’avoir permis, voilà quelques années, une évolution des esprits en faveur de la régionalisation du transport ferroviaire. Cette innovation a donné les résultats considérables que nous connaissons, avec l’augmentation de l’offre dans toutes les régions de notre pays.
Soyons clairs, l’ouverture à la concurrence du transport domestique de voyageurs, comme les services TER, n’est pas explicitement prévue par le droit européen ni par les « paquets ferroviaires », même si ces textes donnent matière à plusieurs interprétations.
Cela étant, j’ai bien noté les propositions d’Hubert Haenel et de nombreux élus régionaux, de toutes sensibilités politiques, en faveur de l’ouverture à la concurrence des services TER.
M. Jean-Louis Carrère. Pas en Aquitaine !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État. Mais l’Aquitaine n’a pas raison en tout, monsieur Carrère ! M. Darcos vous en parlera dans les mois à venir,…
M. Jean-Louis Carrère. Il ferait mieux d’aller parler d’abord à Périgueux !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État. … et vous connaissez toute mon amitié pour Alain Rousset, qui date de nos études communes.
L’exemple de nos voisins européens incite à réfléchir à cette évolution. Ainsi, en Allemagne, le bilan de la régionalisation ferroviaire, qui a donné aux Länder, en 1993, la possibilité de choisir leurs opérateurs ferroviaires par appel d’offres – la SNCF s’y est d’ailleurs vigoureusement engagée, par l’intermédiaire de ses filiales, ainsi que Veolia et bien d’autres entreprises –, est tout à fait positif. Les Länder ont relancé leur offre ferroviaire de façon très substantielle puisque, en termes de train x kilomètre, cette offre est passée de 502 millions en 1994 à 633 millions en 2007. L’opérateur historique, la Deutsche Bundesbahn, devenue Deutsche Bahn ou DB, a continué à se développer dans ce nouveau contexte. Cette ouverture à la concurrence a permis également de réduire considérablement les coûts facturés aux Länder, qui, quelle que soit la sensibilité politique de leur gouvernement, ont réinvesti l’argent économisé dans le développement de l’offre du service public.
Aussi, l’idée que développe Hubert Haenel dans la deuxième partie de son rapport mérite un examen très attentif. J’ai écrit à ce sujet à Alain Rousset, président de l’Association des régions de France, l’ARF, qui ne m’a pas encore répondu, ainsi qu’à votre collègue Roland Ries, président du Groupement des autorités responsables de transports publics, le GART, qui ne m’a pas répondu non plus…
Mme Odette Terrade. Comment ? On ne répond pas au ministre ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État. Je pense que leurs réponses me parviendront, car il s’agit de deux personnalités – un député et un sénateur – extrêmement sympathiques !
M. Hubert Haenel propose de mettre en place un comité réunissant l’ensemble des parties prenantes pour réfléchir à toutes les questions que soulèverait une éventuelle ouverture à la concurrence des TER. En effet, ces questions sont nombreuses : la propriété et la mise à disposition du matériel roulant, le transfert du personnel affecté à ces services, le calendrier et, le cas échéant, la modification des conventions actuelles, sachant que certaines régions ont récemment renouvelé leurs contrats avec la SNCF, et d’autres non.
M. Hubert Haenel. Et encore, on n’a pas tout vu !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État. J’attends donc avec impatience les réponses de l’ARF et du GART et, une fois que le groupe de travail d’Hubert Haenel se sera réuni, nous pourrons, si certaines régions le souhaitent et en font la demande à l’État, donner à ces dernières la possibilité de libéraliser leurs services TER. Cette évolution suppose l’accord du Parlement puisque, si elle devait intervenir – Hubert Haenel l’explique d’ailleurs très bien dans son rapport –, une modification de la loi d’orientation des transports intérieurs, la LOTI, serait nécessaire. Dans tous les cas, il conviendra de commencer par une expérimentation limitée aux régions candidates. Je rappelle que la régionalisation réalisée en 1995 reposait sur le volontariat : certaines régions ont été volontaires et ont passé des conventions.
M. Jean-Louis Carrère. Jacques Valade n’avait pas été volontaire, et il avait eu tort !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État. C’était avant la décentralisation mise en œuvre par le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin.
Je terminerai cet exposé en mentionnant d’autres dispositions qui ne concernent pas le domaine ferroviaire.
Tout d’abord, l’article 23 a pour objet d’adapter le code de la voirie routière aux dispositions de la convention passée entre la France et l’Italie, visant à sécuriser le trafic dans le tunnel routier du Mont-Blanc, après la catastrophe de 1999, dont nous allons, hélas ! célébrer le dixième anniversaire. Ces dispositions modifient en outre les contrats de concession des autoroutes ayant réalisé d’importants travaux de sécurisation de leurs tunnels, à la suite du renforcement des normes de sécurité décidé après cette catastrophe.
Le paragraphe III de l’article 23 intègre à la concession autoroutière de la société Autoroute et tunnel du Mont Blanc, ou ATMB, une portion de route nationale, la RN 205. Cette opération permettra d’engager les travaux de mise aux normes de sécurité et de respect de l’environnement de cette « enclave », sans en changer le statut.
Enfin, l’article 24 porte sur la définition du temps de travail du personnel naviguant de l’aviation civile. Des décrets successifs ont tenté d’établir une correspondance entre le « temps de vol » défini par le code de l’aviation civile et la « durée légale du travail » fixée par le code du travail. Cependant, l’articulation entre ces deux codes était devenue peu claire et avait donné lieu à plusieurs contentieux. Cet article vise donc à clarifier cette correspondance, afin de rendre les règles plus lisibles et d’assurer au personnel navigant une plus grande sécurité juridique. Toujours dans le même objectif de lisibilité et de cohérence entre le code de l’aviation civile et le code du travail, cet article encadre précisément la rémunération des heures supplémentaires.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi est avant tout ferroviaire, mais il comporte diverses dispositions en matière de transports. Il intervient à un moment où le paysage ferroviaire est en train de se modifier en profondeur : le Parlement a voté, au moins en première lecture, un programme historique de création de lignes nouvelles – 2 000 kilomètres de lignes à très grande vitesse avant 2020 et 2 500 kilomètres ensuite –, les régions développent le TER et engagent des plans de régénération ferroviaire, RFF passe un contrat avec l’État, le Grenelle de l’environnement a émis le souhait d’un transfert modal.
Bien sûr, nous sommes tous conscients du fait que le fret ferroviaire souffre dans la période de crise actuelle. D’après les chiffres fournis par la SNCF, on a enregistré une baisse du trafic de 25 % environ au mois de janvier 2008, une baisse que déplorent hélas ! également les chemins de fer russes, chinois, et européens dans leur ensemble. Toutefois, on le sait bien, le chemin de fer sera certainement le mode de transport du XXIe siècle. Son développement entraîne l’ouverture à la concurrence, l’arrivée de nouveaux entrants nous donnant l’obligation de faire évoluer nos institutions, notre gestion des infrastructures et l’organisation de notre système ferroviaire. C’est ce à quoi s’attache ce projet.
Pour conclure, je tiens à remercier à nouveau Hubert Haenel pour la qualité de son rapport qui a permis d’éclairer ce débat, et Francis Grignon, rapporteur, …
M. Hubert Haenel. Bravo !
M. Hubert Haenel. Il mérite de présider le groupe de travail !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Nous avons réalisé avec la commission des affaires économiques, présidée par Jean-Paul Emorine, un travail préparatoire de qualité, …
M. Philippe Richert. Bravo !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. … fondé sur le dialogue. Je vous conseille, mesdames, messieurs les sénateurs, notamment vous, monsieur Richert, qui soutenez toujours vos collègues, ….
M. Jean-Louis Carrère. Certains de ses collègues ! (Sourires.)
M. Hubert Haenel. Ceux d’Alsace ! (Nouveaux sourires.)
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. … de le lire attentivement, car il s’agit d’un rapport de très grande qualité, comme, d’ailleurs, tous ceux qui émanent des sénateurs, notamment des sénateurs alsaciens ! (Sourires. – Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Francis Grignon, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà deux semaines, avant même que le présent projet de loi relatif à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et guidés et portant diverses dispositions relatives aux transports ne vienne en discussion, nous avons examiné le projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, dont l’un des axes forts concerne la relance du transport ferroviaire, en particulier du fret, sujet que M. le secrétaire d'État a longuement évoqué. Ce débat nous a permis de constater le chemin parcouru en quelques années, voire en quelques mois.
Je me rappelle très bien la remise des conclusions de la mission d’information de la commission des affaires économiques portant sur le fonctionnement et le financement des infrastructures de transports terrestres que j’avais eu l’honneur de présider voilà un an, quasiment jour pour jour.
M. Hubert Haenel. Excellent rapport !
M. Francis Grignon, rapporteur. Il était alors encore presque tabou de dénoncer l’insuffisance des financements accordés au réseau ferré, en particulier à sa régénération. Ce n’est qu’à demi-mot que l’on évoquait la possibilité de confier à des opérateurs locaux la gestion des petites lignes de fret, afin de les rendre de nouveau utilisables grâce à une exploitation plus souple et plus économique. Et je ne parle même pas, monsieur le secrétaire d'État, du tabou parmi les tabous, à savoir la question du partage des rôles entre Réseau ferré de France et la SNCF en matière de gestion de l’ensemble du réseau. C’était il y a à peine un an, mais, aujourd’hui, les choses ont bien changé ; les actes sont là.
Un contrat de performance pluriannuel entre l’État et RFF, qui était tant attendu, a été signé. Par ailleurs, des efforts ont été consentis puisque des analyses ont été réalisées et des propositions formulées dans le second audit de l’École polytechnique fédérale de Lausanne, dans le rapport de la Cour des comptes publié au printemps dernier et, surtout, comme vous l’avez longuement évoqué, monsieur le secrétaire d'État, dans le rapport remis par notre collègue Hubert Haenel au Premier ministre.
Aujourd’hui, nous sommes tous conscients de l’enjeu, à savoir réengager le cercle vertueux du développement ferroviaire dans notre pays.
M. Charles Revet. Il y a du travail à faire !
M. Francis Grignon, rapporteur. Il s’agit de mieux exploiter le réseau pour lui permettre d’accueillir plus de circulation : plus de trains qui roulent, c’est plus de redevances reversées par les transporteurs aux gestionnaires du réseau, pour mieux exploiter ensuite ce dernier, et ainsi de suite.
Le rapport d’Hubert Haenel a identifié les principaux goulets d’étranglement qui bloquent ce développement au niveau de l’exploitation des réseaux : il s’agit, d’une part, de la programmation et du financement pluriannuel des travaux et, d’autre part, de la façon dont les circulations sont actuellement gérées.
La concurrence peut être une opportunité supplémentaire d’enclencher ce cercle vertueux, car l’arrivée de nouveaux opérateurs constitue une réelle chance d’augmenter le trafic et d’inciter à la performance de l’ensemble du système avec, à la clé, une meilleure qualité de service et des coûts plus intéressants pour l’usager. In fine, cela conduira à une fréquentation plus importante du transport collectif sur rail, ce qui est bien l’objectif. Encore faut-il bien entendu que cette concurrence soit encadrée, organisée, en un mot, régulée.
D’ailleurs, le Président de la République s’est exprimé en faveur d’une autorité de régulation ferroviaire en juin 2007 dans un discours à Roissy, soit un an avant que la Commission européenne ne nous fasse part de ses observations dans un courrier daté du 24 juin dernier.
La mise en place de la régulation publique est précisément l’objet essentiel du présent projet de loi, puisque le titre III de ce dernier, intitulé « De la régulation des activités ferroviaires », qui est consacré à la création d’une commission de régulation des activités ferroviaires, la CRAF, représente dix-huit des vingt-cinq articles que compte ce texte au total.
La commission des affaires économiques a examiné ce projet de création d’une commission de régulation avec trois exigences.
La première d’entre elles portait bien entendu sur le respect de nos obligations européennes, car la mise en place d’une autorité indépendante constitue l’un des trois griefs de la mise en demeure adressée à la France en juin dernier pour non-transposition de la directive 2001/14/CE du Parlement et du Conseil du 26 février 2001.
Notre deuxième exigence a été de nous assurer que le nouveau système proposé par le projet de loi était bien adapté au secteur ferroviaire et qu’il ne s’agissait pas, comme cela est parfois à craindre, d’un simple décalque de la régulation qui existe déjà en matière d’énergie ou de télécommunications, par le biais de la CRE, la Commission de régulation de l’énergie, ou de l’ARCEP, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.
À la différence de ces secteurs, le transport ferroviaire fait figure d’une industrie lourde, soumise à de fortes contraintes techniques liées au réseau ainsi qu’à une exigence omniprésente de sécurité. Une conception abstraite de la concurrence qui ne prendrait pas en compte ces spécificités risquerait fort d’être contre-productive, voire dangereuse, ce qui serait contraire au but recherché.
Pour ces raisons, la commission a été conduite à réécrire entièrement l’article 9, article central du projet de loi, qui concerne les pouvoirs de traitement des litiges de la CRAF, afin de renforcer l’impératif de sécurité en le séparant clairement de la régulation économique stricto sensu.
Enfin, notre troisième exigence a été de renforcer les pouvoirs de la CRAF en lui donnant les moyens de son ambition. Nous avons ainsi adopté plusieurs amendements visant à lui permettre d’étendre son contrôle non seulement au respect de l’accès au réseau, mais aussi à l’ensemble des infrastructures de services susceptibles d’être utilisées par les opérateurs ferroviaires, à commencer bien sûr par les gares.
De même, outre son droit de veto sur le montant des péages ferroviaires, nous avons tenu à inscrire à l’article 8 du projet de loi que la CRAF sera consultée sur la fixation de la règle du jeu du transport ferroviaire : je veux parler du fameux DRR, le document de référence du réseau.
Surtout, nous avons voulu mieux assurer l’indépendance de cette nouvelle instance en lui conférant, par un amendement à l’article 4, une personnalité juridique autonome, corollaire de son autonomie financière, que nous proposons également, par un amendement n° 16 à l’article 14. La CRAF ne serait pas financée par le budget général de l’État ; nous suggérons que, comme l’établissement public de sécurité ferroviaire, l’EPSF, créé en 2006, elle perçoive une fraction des péages payés par les entreprises ferroviaires pour utiliser le réseau.
L’amendement n° 16, à l’article 14, vise également à un changement de nom de la CRAF, afin d’affirmer l’autorité de la nouvelle instance, qui n’est pas seulement une commission administrative.
M. Hubert Haenel. Tout à fait !
M. Francis Grignon, rapporteur. C’est ainsi que nous proposons que la CRAF s’appelle désormais : « Autorité de régulation des activités ferroviaires. »
M. Hubert Haenel. Très bien !
M. Francis Grignon, rapporteur. Ce nouveau nom sera donc repris dans tous nos amendements.
Si je devais citer encore l’un des principaux amendements de la commission parmi les trente-deux qu’elle présentera, je citerai l’amendement n° 6 rectifié, qui vise à transposer en droit français le troisième paquet ferroviaire de 2007. Il s’agit là de mettre en place le certificat de conduite ferroviaire européen, c’est-à-dire le permis de conduire des cheminots de l’Union européenne, ce qui constitue l’ébauche d’un cadre social européen du transport ferroviaire.
M. Hubert Haenel. Très bien !
M. Francis Grignon, rapporteur. J’ai en effet estimé qu’aucun obstacle technique ne s’opposait à cette transposition dès aujourd’hui, d’autant que l’article 1er du projet de loi tend à transposer d’autres dispositions du troisième paquet ferroviaire, notamment la plus emblématique de toutes, à savoir le début de l’ouverture à la concurrence du trafic de voyageurs.
En effet, si le premier paquet ferroviaire européen, en 2001, avait surtout traité de l’accès aux infrastructures et le deuxième, en 2004, avait annoncé l’ouverture de la concurrence du fret deux ans plus tard, le troisième paquet ferroviaire, quant à lui, concerne essentiellement le transport de voyageurs.
Il est notamment prévu que, fin 2009, la concurrence soit instaurée pour le transport de voyageurs entre plusieurs pays européens. Le service strictement domestique – TER, corail, etc. – reste à l’écart de cette ouverture, puisque le « cabotage », c’est-à-dire le service intranational, ne devra constituer qu’une partie très accessoire des transports transnationaux ; mais c’est un sujet sur lequel nous reviendrons lors de l’examen des amendements de la commission.
L’ensemble de ces éléments permet ainsi à la France de participer à la mise en place de l’Europe ferroviaire, en s’adaptant au nouveau contexte et en corrigeant les aspects de son droit national qui posaient des difficultés.
Sur les trois griefs formulés par la Commission européenne dans la mise en demeure de l’été dernier, deux trouvent aujourd’hui une réponse dans le présent projet de loi : il s’agit bien sûr de la création d’une autorité de contrôle et de régulation indépendante et de la fixation du niveau des péages, qui sera désormais soumise à l’avis conforme de cette autorité indépendante.
En revanche, le troisième reproche fait à la France ne trouve pas de réponse dans le texte qui nous est soumis. Il s’agit de la gestion des droits d’utilisation du réseau, les « sillons », qui devrait être exercée de façon indépendante de tous les opérateurs ferroviaires. Or elle est aujourd’hui déléguée par RFF à l’un des opérateurs, à savoir la SNCF. Tel est l’héritage de la loi de 1997, qui pose, on le sait bien, de nombreux problèmes d’ordre non seulement juridique, mais aussi organisationnel. À quoi bon voter une loi de transposition du droit ferroviaire européen si le travail n’est pas fait jusqu’au bout ?
M. Hubert Haenel. Tout à fait !
M. Francis Grignon, rapporteur. À quoi bon créer une autorité de régulation si le système à réguler est lui-même déséquilibré ?
Parmi les solutions proposées, notamment à l’occasion du débat relancé par notre collègue Hubert Haenel dans son excellent rapport, la plus cohérente est, à mon avis, de s’inscrire résolument dans la perspective d’un transfert à RFF des 14 000 agents de la SNCF aujourd’hui chargés de la gestion des capacités et des circulations.
M. Charles Revet. C’est la logique !
M. Francis Grignon, rapporteur. Une telle évolution nécessite bien sûr de passer par des étapes, dans la mesure où il faut, au préalable, que ces services soient bien identifiés au sein de la SNCF et qu’ils soient bien séparés d’un point de vue opérationnel au niveau des locaux, des systèmes informatiques ou encore, par exemple, de la protection des informations commerciales.
En réponse aux très fortes interrogations de la commission des affaires économiques, M. le secrétaire d’État nous avait annoncé, en décembre dernier, qu’il travaillait sur le franchissement de cette étape, qui se concrétiserait dans le présent projet de loi.
Effectivement, nous observons que le Gouvernement présentera, à l’article 1er, l’amendement n° 131 visant à distinguer dans une structure indépendante les services de la SNCF travaillant à la gestion du réseau. Cette solution ne ferme pas la porte à des évolutions ultérieures. Comme j’aurai l’occasion de le préciser ultérieurement, la création, en parallèle, de l’autorité de régulation indépendante pourrait lui permettre de produire tous ses effets dès lors qu’elle s’accompagnerait d’une réorganisation des services concernés, dans le sens d’une séparation effective et rigoureuse avec la SNCF-entreprise de transport ferroviaire, qu’il convient de placer dans une position strictement identique à celle de ses concurrents.
La commission des affaires économiques s’est aussi penchée sur une autre évolution du secteur ferroviaire fortement sujette à débat, je veux parler de l’ouverture éventuelle des actuels TER à la concurrence, permettant ainsi aux régions de confier l’exploitation de ces services publics à d’autres opérateurs que la SNCF. Vous avez longuement évoqué ce sujet, monsieur le secrétaire d'État, sujet qui motive particulièrement les élus d’Alsace, notamment le président de la région, au vu de ce qui se passe en Allemagne ; nos voisins allemands nous reprochent d’ailleurs de ne pas faire la même chose qu’eux.
Nous avions abordé cette question sans tabou ni a priori, et il nous a semblé que rien ne militait aujourd’hui pour un changement de la loi, puisque cette activité est encore hors du champ de toute ouverture européenne, en principe jusqu’en 2019, date de la fin de l’exception prévue par le règlement européen sur les obligations de service public, dit « règlement OSP ».
Cela dit, il n’est pas interdit de réfléchir à la façon dont, précisément, ce service public pourrait être assuré dans les meilleures conditions au moyen de délégations à des opérateurs privés ; c’est déjà le cas de nombreux services urbains, y compris de transports. Monsieur le secrétaire d'État, vous nous avez donné sur ce point l’assurance que la situation pourra évoluer.
M. Charles Revet. C’est une bonne étape !
M. Francis Grignon, rapporteur. L’examen du présent projet de loi était très attendu par le Sénat. C’est en effet la première occasion, depuis au moins plusieurs mois, voire plusieurs années, d’avoir, sur l’évolution d’ensemble de l’organisation du transport ferroviaire, un débat précisant les échanges que nous avons déjà eus à l’occasion de l’examen du projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement.
La qualité et l’intensité des échanges qui ont été les nôtres en commission, notamment à l’occasion des auditions, a souligné l’importance de ce débat. Tous les membres de notre assemblée, représentante des territoires, sont extrêmement attentifs au développement du transport ferroviaire dans ses différentes composantes, même si nous ne sommes pas toujours d’accord sur le point de savoir si l’ouverture européenne peut ou non être l’un des éléments de ce développement, et ce alors même que les directives de 1991 et de 2001 sur l’autorité de régulation indépendante ont été négociées par d’autres majorités politiques que celles d’aujourd’hui.
Je me félicite que ce débat puisse enfin avoir lieu. Même si nous aurions préféré que ce projet de loi ne fût que ferroviaire, les trois articles du projet de loi traitant d’autres modes de transport – la route et le transport aérien – ne me semblent pas de nature à diluer ce débat ferroviaire.
L’essentiel est là : nous avons un bon texte qui se justifie bien au-delà de la seule obligation de remplir nos engagements européens. C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, la commission des affaires économiques vous propose d’adopter ce projet de loi, sous réserve des trente-deux amendements qu’il me reviendra de vous présenter. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour un rappel au règlement.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, mon rappel au règlement concerne l’organisation de nos travaux.
Je souhaiterais savoir comment vous envisagez le déroulement de la discussion. Selon la conférence des présidents, l’examen de ce projet de loi n’est prévu que sur un seul jour, aujourd’hui, ...
M. Hubert Haenel. Et la nuit !
Mme Odette Terrade. ... alors que quelque cent trente amendements ont été déposés.
J’imagine que, à la veille d’une suspension des travaux du Sénat en séance plénière, cette question intéresse tous nos collègues. Nous souhaitons en effet disposer du temps nécessaire pour examiner dans de bonnes conditions cette centaine d’amendements.
M. le président. Madame Terrade, la conférence des présidents a effectivement prévu que le Sénat poursuivrait l’examen de ce projet cet après-midi, après les questions d’actualité au Gouvernement, et ce soir. Mais, sans préjuger la suite de la discussion, il est possible, compte tenu du nombre d’amendements, que le débat se prolonge.
Peut-être M. le secrétaire d’État va-t-il nous éclairer ?
Vous avez la parole, monsieur le secrétaire d’État.