Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est la majorité des votants !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Si le vote a lieu par scrutin public, il est procédé au comptage des votes, mais cela ne change strictement rien.
Les divers modes de votation sont prévus dans le règlement, mais c’est sans incidence : c’est toujours voté à la majorité des suffrages exprimés, puisqu’il n’est pas tenu compte des abstentions.
C'est la raison pour laquelle tout le monde ne peut qu’être d’accord avec la commission quand elle propose la suppression du dernier alinéa de l’article 5.
La commission est évidemment défavorable à tous les autres amendements.
Mme Nathalie Goulet. Bien sûr !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements et le sous-amendement ?
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Dans le texte initial du projet de loi organique, le Gouvernement n’avait prévu aucune modalité de vote.
Lors des débats à l’Assemblée nationale, si j’ai bonne mémoire, c’est une disposition résultant de l’adoption d’un amendement déposé par l’opposition qui a été ajoutée à l’article 5, certains membres de l’opposition craignant une rédaction du règlement de leur assemblée plus contraignante.
Le Gouvernement avait alors répondu, comme vient de le rappeler M. le rapporteur, que, dans la mesure où la Constitution ne le prévoit pas, hormis les quelques exemples cités tout à l’heure, aucun élément plus contraignant ne peut être introduit.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur l’amendement n° 8. Si ce dernier est adopté, les trois autres amendements deviendront sans objet. Si tel n’était pas le cas, le Gouvernement y serait défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 8.
M. Jean-Pierre Sueur. Je l’ai déjà indiqué, les membres de mon groupe voteront deux des amendements présentés. Tel est le cas de l’amendement n° 8. Il nous paraît raisonnable de ne pas maintenir dans la loi l’alinéa concerné et de supprimer le concept de majorité absolue. Les résolutions doivent être adoptées à la majorité des suffrages exprimés.
Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 33 rectifié et les amendements identiques nos 50 et 161 n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 5, modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Article additionnel après l'article 5
Mme la présidente. L'amendement n° 92, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les résolutions adoptées par une assemblée ont une valeur contraignante.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La rédaction de cet amendement va certainement vous déplaire, chers collègues, mais je suis prête à la modifier, car la question est sérieuse et nous tenons à ce qu’elle soit traitée.
Les résolutions ont un champ limité ; elles sont strictement encadrées d’abord par la Constitution, puis par la loi organique. Sans avoir de portée normative, elles doivent cependant avoir une certaine portée, sinon pourquoi déposer des propositions de résolution ?
L’amendement n° 92 a pour objet de prévoir qu’une fois adoptée à la majorité une résolution est suivie d’effet. Sinon, il s’agirait d’un vœu pieux.
Mes chers collègues, si vous préférez une autre rédaction, je suis prête à modifier mon amendement et à remplacer les mots « ont une valeur contraignante » par les mots « doivent être suivies d’effet ». Mais on ne peut pas accepter qu’une résolution adoptée, et on sait au bout de quel parcours, soit immédiatement rangée dans un tiroir !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Assortir une résolution d’une valeur contraignante serait contraire à la définition même des résolutions.
De surcroît, à qui serait opposé ce caractère contraignant ? On ne peut pas engager la responsabilité du Gouvernement ni formuler d’injonctions, je vous le rappelle.
Une résolution reflète ce que pense une assemblée parlementaire sur tel ou tel sujet, notamment historique. On a déjà évoqué l’esclavage et les commémorations. Sur le génocide arménien, il aurait sans doute mieux valu adopter une résolution qu’une loi.
Le fait même qu’une résolution émane d’une assemblée lui donne une valeur vis-à-vis de l’opinion publique ; elle a un caractère pédagogique. C’est aussi ce à quoi je faisais allusion quand je parlais de la fonction tribunitienne du Parlement. Mais on ne peut pas dire qu’une résolution a une valeur contraignante.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Madame Borvo Cohen-Seat, si vous voulez un texte à valeur contraignante, normative, il faut déposer une proposition de loi et non une proposition de résolution. Ne mélangeons pas les genres. Les critères et les contraintes ne sont pas identiques. Ne travestissons pas la procédure.
Les choses sont simples. Nous avons défini le champ des résolutions ; leur donner un caractère contraignant serait contraire à la définition retenue.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Au cours du débat, j’ai déjà évoqué notamment l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Elle adopte un certain nombre de mesures qui devraient être soumises au comité des ministres mais qui sont rarement suivies d’effet, sauf exception. Cependant, ce travail, même s’il n’a pas de force obligatoire, peut servir ultérieurement.
Il est important que la proposition de résolution soit immédiatement publiée dès son dépôt, afin d’assurer une certaine communication sur le sujet. Il est extrêmement dommageable que les résolutions n’aient pas plus d’effet, mais laissons ce nouvel outil évoluer.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Les membres du groupe socialiste ne partagent pas l’objectif des auteurs de l’amendement n° 92. Dès lors que l’on instaure des résolutions, on crée un droit à l’expression au profit d’une assemblée parlementaire,…
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Absolument ! C’est ce que j’ai dit !
M. Jean-Pierre Sueur. …qui peut ainsi exprimer une position majoritaire.
Mais que signifie l’adjectif « contraignant » ? Si l’on veut un texte contraignant, normatif, qui aboutit à une action et qui s’applique à l’ensemble des citoyens, comme l’a dit M. le secrétaire d’État, il faut déposer une proposition de loi.
M. Bernard Frimat. C’est évident !
M. Jean-Pierre Sueur. Or il ne faudrait pas que la pratique des résolutions porte préjudice aux propositions de loi.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Absolument !
M. Roland du Luart. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Sueur. D’ailleurs, les auteurs de la révision constitutionnelle ont bien dit qu’elle avait pour objet de donner plus de pouvoir au Parlement. Une plus grande place sera donc laissée à l’initiative parlementaire et, par conséquent, aux propositions de loi.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Sueur. Il reviendra au législateur de choisir s’il veut s’exprimer par la voie d’une résolution ou d’une proposition de loi, qui a un caractère normatif, donc contraignant.
M. Roland du Luart. Vous avez tout à fait raison, mon cher collègue !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le débat parlementaire est toujours très intéressant. Si je comprends bien, il ne serait pas possible qu’une résolution exprime un souhait.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais si ! Ce n’est pas une contrainte !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais un souhait doit être suivi d’effet, si une majorité se dégage pour le formuler. Je vous ai déjà indiqué, mes chers collègues, que j’étais prête à modifier l’amendement n° 92 en ce sens. J’ai conscience que l’actuelle rédaction n’est pas satisfaisante.
Donner aux parlementaires un droit d’expression, fort bien ! On pourrait tenir des séances sympathiques, et passionnantes, au cours desquelles tous les parlementaires s’exprimeraient, par exemple sur le mode psychanalytique. (Sourires.) Mais tel n’est pas le rôle du Parlement.
Une fois une résolution adoptée, elle a une certaine signification. Elle peut exprimer un souhait de l’assemblée et ce souhait doit alors être suivi d’effet. Il peut s’agir, notamment, d’une réponse du Gouvernement.
Bien sûr, le champ des propositions de résolution est déjà très limitatif. Le Premier ministre peut s’opposer à une telle proposition s’il pense, par exemple, qu’elle l’obligerait à déposer un projet de loi ou à prendre une décision.
Sauf à se contenter d’une grande séance de blabla, une résolution adoptée doit être suivie d’effet, sinon nous nous dispenserons de déposer des propositions de résolution !
M. Alain Vasselle. Cela limitera d’autant le nombre des propositions de résolution déposées !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est la première fois aujourd'hui que l’on entend s’exprimer un membre de la majorité : cela valait vraiment la peine d’attendre !
Madame la présidente, je souhaite rectifier l’amendement n° 92 et, comme je l’ai indiqué, remplacer les mots « ont une valeur contraignante » par les mots « doivent être suivies d’effet ».
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 92 rectifié, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, et ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les résolutions adoptées par une assemblée doivent être suivies d'effet.
Je le mets aux voix.
M. Jean-Pierre Sueur. Les membres du groupe socialiste s’abstiennent, compte tenu de cette rectification.
Mme la présidente. L'amendement n° 93, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les règlements des assemblées déterminent les conditions dans lesquelles sont inscrites à l'ordre du jour, chaque mois, un nombre minimum de propositions de résolution émanant de chacun des groupes parlementaires.
Cet amendement a été retiré.
CHAPITRE II
Dispositions, prises en vertu de l'article 39 de la Constitution, relatives à la présentation des projets de loi
Mme la présidente. L'amendement n° 9, présenté par M. Hyest, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit l'intitulé de cette division :
Dispositions relatives à la présentation des projets de loi prises en vertu de l'article 39 de la Constitution
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Au risque de me faire brocarder par M. Sueur, mais il s’est lui-même condamné au silence en disant tout à l’heure qu’il défendait son second argument, et non pas son deuxième, je vous présente un amendement rédactionnel, de syntaxe, pour reprendre son observation de ce matin.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Comme ce matin, nous continuons dans la prose : « belle marquise, d’amour me font… ». (Sourires.) Les membres du groupe socialiste ne s’opposeront pas au changement de libellé proposé, mais sans plus...
Mme la présidente. En conséquence, l’intitulé du chapitre II est ainsi rédigé.
Article 6
Les projets de loi sont précédés de l'exposé de leurs motifs.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l'article.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet article 6 doit avoir un intérêt, sinon il ne figurerait pas dans le projet de loi organique.
Je me suis interrogé sur les raisons qui ont conduit le Gouvernement à faire figurer cette phrase et je pense, monsieur le secrétaire d’État, que vous pourrez nous éclairer.
Je me suis penché sur cette question des exposés des motifs et j’ai retrouvé une jurisprudence du Conseil constitutionnel formulée à la suite d’une requête présentée par M. Philippe de Villiers, dont je ne partage pas les thèses par ailleurs. Voilà en quels termes s’exprime le Conseil constitutionnel dans sa décision du 7 avril 2005 : « L’exposé des motifs qui, conformément à la tradition républicaine, accompagne un projet de loi et présente les motifs pour lesquels son adoption est proposée, est inséparable de ce projet. »
Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite vous interroger sur la portée de cet article 6 et j’ai plusieurs questions à vous poser. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mes chers collègues, on nous demande de voter un article de loi : j’interroge le Gouvernement, c’est mon rôle.
M. Roland du Luart. C’est normal !
M. Pierre Fauchon. C’est un bonheur de vous entendre !
M. Jean-Pierre Sueur. Merci, monsieur Fauchon.
Premièrement, comment se fait-il que cette disposition ne s’applique pas aux propositions de loi ? Pourquoi le Gouvernement restreint-il la nécessité d’un exposé des motifs aux seuls projets de loi ?
La proposition de loi, dès lors qu’elle est destinée à devenir, après débat parlementaire, une loi, ressortit à la même exigence à cet égard, me semble-t-il, que le projet de loi. Autrement dit, si un exposé des motifs est nécessaire pour un projet de loi, je ne comprends pas pourquoi il ne le serait pas pour une proposition de loi.
Deuxièmement, monsieur le secrétaire d’État, quelles seraient les conséquences de l’absence d’un exposé des motifs ?
Considérez-vous que l’exposé des motifs est, comme le dirait M. le président du Sénat, « consubstantiel » à la loi, de telle manière que la conférence des présidents ne pourrait pas inscrire à l’ordre du jour un projet de loi qui ne serait pas précédé de son exposé des motifs ?
Troisièmement, un projet de loi qui ne serait pas précédé de l’exposé des motifs serait-il constitutionnel ? Le Conseil constitutionnel aura peut-être l’occasion de se prononcer.
Enfin, quatrièmement, l’exposé des motifs étant inséparable du projet de loi, et ici je reviens à un argument que vous avez présenté tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État,…
M. Jean-Pierre Sueur…. que se passe-t-il si, comme il arrive quelquefois, un exposé des motifs est dilatoire…
M. Jean-Pierre Sueur.… je veux dire tellement vague et général qu’il n’a pas de rapport avec l’objectif réel poursuivi par le Gouvernement ?
Mme Nathalie Goulet. L’objet ou l’objectif ?
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le secrétaire d’État, pas plus tard qu’il y a quinze jours, ici même, nous avons eu à examiner le projet de loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés. Nous avons lu l’exposé des motifs et nous avons vu ensuite ce qui était dans ce projet de loi et surtout les dispositions que le Gouvernement y introduisait, celles qu’il approuvait, qu’il s’agisse des partenariats public-privé, de mesures financières tout à fait exceptionnelles sans rapport avec la crise, de l’archéologie, ou encore des architectes des Bâtiments de France, auxquels, je le signale, le Conseil constitutionnel vient de rendre la totalité de leurs attributions en annulant des dispositions de ce projet de loi.
Ce n’est qu’un exemple, mais on peut citer de nombreux cas d’exposés des motifs sans grand rapport avec le contenu du texte.
Mais un exposé des motifs tout à fait « innocent », comme dirait mon collègue Pierre Fauchon, tout à fait terne et général, n’est-ce pas finalement une imposture ? Parce que le Gouvernement sait très bien ce à quoi il veut arriver, et cela n’est pas toujours dit.
J’ai lu l’exposé des motifs du présent projet de loi et, hormis quelques propos généraux, il n’est nulle part indiqué qu’il vise à restreindre le droit d’amendement, ce qui est pourtant l’objectif. (M. le secrétaire d’État rit.)
Monsieur le secrétaire d’État, vous aviez deux solutions : soit ne pas inscrire dans cet article 6 que les projets de loi sont précédés de l’exposé de leurs motifs, considérant que la pratique est suffisante, soit introduire cette disposition dans le projet de loi organique. C’est cette seconde solution que vous avez choisie, ce qui m’amène à vous poser trois questions.
Premièrement, pourquoi les propositions de loi ne sont-elles pas concernées ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Parce que la Constitution vise les projets de loi !
M. Jean-Pierre Sueur. Deuxièmement, peut-on inscrire à l’ordre du jour un projet de loi qui, par hypothèse, ne serait pas précédé d’un exposé des motifs ?
Troisièmement, qu’en serait-il dans le cas, fréquent, où l’exposé des motifs n’a qu’un rapport très lointain avec les dispositions du texte ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Je veux bien croire que M. Sueur ne lit dans la Constitution que ce qui lui convient, mais c’est toujours un bonheur de lui apporter des éclaircissements.
L’article 39 de la Constitution dispose que la présentation des projets de loi déposés devant l’Assemblée nationale ou le Sénat répond aux conditions fixées par une loi organique. Voilà pourquoi il est normal de parler des projets de loi et non pas des propositions de loi, dont les modalités de dépôt peuvent être organisées par ailleurs.
L’exposé des motifs existe depuis 1793. S’il arrivait qu’un projet de loi soit présenté sans exposé des motifs, que déciderait le Conseil constitutionnel ? Il lui reviendrait de déterminer si l’absence d’exposé des motifs est substantielle ou pas.
Dans la pratique, il dirait, me semble-t-il, que c’est substantiel et que l’absence d’exposé des motifs dans un projet de loi pose problème. En revanche, je ne suis pas sûr, monsieur Sueur, que le Conseil constitutionnel vérifie le contenu de l’exposé des motifs, contenu qui est éminemment politique et qui est, par définition, beaucoup moins normatif que le texte lui-même.
L’exposé des motifs existe depuis deux cent quinze ans, l’article 39-1 l’impose pour les projets de loi et ne mentionne pas les propositions de loi. Le Conseil constitutionnel pourrait considérer que l’exposé des motifs est un élément substantiel pour un projet de loi et qu’il n’a pas à se prononcer sur son contenu.
M. Jean-Pierre Sueur. Il a dit que c’était « inséparable » !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Voilà pourquoi l’article 6, même s’il ne change pas la nature du texte, n’est pas inutile : il résulte de l’article 39.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est inséparable : cela vaut donc pour la substance, pas seulement pour la forme !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 6.
(L'article 6 est adopté.)
Article additionnel avant l'article 7
Mme la présidente. L'amendement n° 162, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Chaque assemblée parlementaire a la faculté de procéder à des audits et études à l'occasion du dépôt de projets de loi ou de propositions de loi. À cette fin, chaque assemblée dispose de la faculté de commander à l'ensemble des organismes de contrôle et d'évaluation des rapports et des études.
La parole est à M. Richard Yung, étant précisé que, à l’issue de l’examen de cet amendement, je suspendrai la séance et renverrai la suite de la discussion à une prochaine séance.
M. Richard Yung. Madame la présidente, il s’agit d’un article additionnel avant l’article 7, mais, puisque nous sommes dans la liturgie romaine, pour reprendre une expression qui a déjà été utilisée, il est « consubstantiel » à l’article. (Sourires.)
Nous formulons cette proposition en amont du débat qui va avoir lieu sur le fond, parce que nous sommes des traumatisés de l’article 40 de la Constitution !
Mme Nathalie Goulet. Oh !
M. Richard Yung. Nous allons discuter de la possibilité de procéder à des audits, des études, mais tout cela ne tiendra pas, puisque, chaque fois que notre noble assemblée s’adressera à tel ou tel organisme de recherche, au Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, le CREDOC, à l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l’AFSSA, elle ne pourra pas les financer. Les foudres de l’article 40 de la Constitution, invoqué par M. le président de la commission des finances, s’abattront sur nous et la proposition sera vidée de son sens.
C’est dans cet esprit-là que nous avons rédigé cet article additionnel. Le Gouvernement est, bien sûr, dans son droit et il a le pouvoir de présenter des études d’impact, mais il nous semble vraiment fondamental que le Parlement puisse faire procéder à ses propres études, sans avoir à se contenter de produits tout faits. De surcroît, nous savons que, dans la plupart des cas, les études d’impact sont réalisées après le projet de loi. C’est en quelque sorte le service après-vente.
Dans l’état actuel des choses, le Parlement n’a aucune possibilité d’apprécier ces études, de les faire analyser, d’avoir une vision intelligente et critique des dossiers.
Nous reviendrons sur ce sujet ultérieurement et nous verrons qu’il y a dans d’autres pays, je pense à la Grande-Bretagne, un système d’évaluation tout à fait élaboré.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est curieux, vous nous donnez l’impression, mon cher collègue, que le Parlement dépend du Gouvernement. Mais c’est faux ! Rien n’interdit aujourd'hui aux assemblées parlementaires de faire procéder à des études et à des audits.
M. Richard Yung. L’article 40 !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pas du tout ! Il n’y a pas d’article 40 dans le cadre du budget du Sénat ! C’est nous qui décidons d’affecter les crédits du Sénat, mon cher collègue !
M. Roland du Luart. On serre quand même les écrous ! (M. le secrétaire d’État rit.)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Les bons écrous, pour permettre d’en desserrer d’autres, plus utiles !
M. Roland du Luart. Tout à fait, monsieur le président de la commission !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L’amendement n° 162 ne paraît pas apporter de précisions utiles et n’entre pas, de surcroît, dans le champ d’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution.
Mon cher collègue, vous voulez introduire dans la loi organique une disposition qui ne concerne que le fonctionnement interne du Parlement. Je regretterais vivement qu’elle soit adoptée, car cela signifierait alors que nous nous fixons des limites que nous n’avons pas actuellement ! Je le répète, l’article 40 de la Constitution ne s’applique pas ici ! Les offices parlementaires, même s’ils ont fonctionné assez peu, pouvaient faire procéder à des études.
Ainsi, l’Assemblée nationale et le Sénat ayant décidé d’affecter des crédits à l’office parlementaire d’évaluation de la législation, ce dernier a pu ensuite faire procéder à des études et à des audits. Mais nous n’avons jamais rien demandé au Gouvernement ! D’ailleurs, j’ai toujours entendu le président du groupe UMP de l'Assemblée nationale exprimer la volonté de disposer de cette faculté ; de même, le président de la commission des finances du Sénat, Jean Arthuis, commande souvent des études à la Cour des comptes.
On me rétorquera que l’on opposera l’article 40 à toute demande ; mais pas du tout ! Si des études auprès d’organismes publics sont justifiées, nous les financerons, car cette décision relève de notre fonctionnement interne.
Je vous demande vraiment, mon cher collègue, de retirer votre amendement, qui n’est pas justifié.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Le Gouvernement est un peu embarrassé de donner un avis sur un amendement qui remet en quelque sorte en cause l’autonomie financière des assemblées parlementaires.
De la même manière que le Gouvernement ne se prononce pas sur le budget du Sénat ou de l'Assemblée nationale, il n’a pas à juger si l'Assemblée nationale ou le Sénat prévoit des crédits pour faire procéder à des rapports, à des audits, à des études d’impact. Par définition, le budget des deux assemblées ne tombe pas sous le coup de l’article 40 de la Constitution et ne fait l’objet d’aucune contrainte de la part du Gouvernement.
Par conséquent, je ne vois pas très bien comment le Gouvernement pourrait émettre un avis favorable sur l’inscription dans la loi organique d’une disposition assez contraire à l’autonomie financière des assemblées parlementaires.
C’est pourquoi j’invite également M. Yung à retirer son amendement.
Mme la présidente. Monsieur Yung, l'amendement n° 162 est-il maintenu ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut dire que « le règlement des assemblées déterminera les conditions… » !
M. Richard Yung. Je formulerai deux observations.
Je prends acte des propos de M. le rapporteur : l’article 40 de la Constitution ne s’applique pas au budget du Sénat.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il ne manquerait plus que ça !
M. Richard Yung. J’en conclus que nous pouvons demander des études. Personnellement, au cours des trois ou quatre dernières années, je n’ai pas vu le Sénat passer beaucoup de commandes pour mener un audit sur tel ou tel projet de loi.
M. Roland du Luart. Cela relève des commissions !
M. Richard Yung. Sans doute notre assemblée fait-elle procéder à de telles études, mais j’aimerais bien les connaître.
Toutefois, cet amendement, loin de porter uniquement sur l’article 40, vise, d’une manière générale, à doter les assemblées parlementaires d’une capacité d’intervention.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous faisons ce que nous voulons !
M. Richard Yung. C’est le fondement de la démocratie ! Sinon nous serons pieds et poings liés : nous devrons accepter les différentes études qui nous seront soumises et ne disposerons pas d’études techniques critiques. Il s’agit vraiment là d’un problème de fonctionnement de notre démocratie.
Je maintiens donc l’amendement.