Mme la présidente. L’amendement n° 624 n’est pas soutenu.
L'amendement n° 370, présenté par M. Vasselle, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa de cet article, après le mot :
production
insérer les mots :
, auxquels est contrainte la profession agricole pour des raisons économiques,
La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à l’amendement précédent, qui vise à la suppression de tout l’alinéa.
Cet amendement tend à préciser les raisons pour lesquelles la profession agricole en est arrivée là. M. Muller y a fait allusion tout à l’heure dans son intervention.
Il existe d’ailleurs une certaine forme de consensus à cet égard. Le groupe socialiste a ainsi déposé un sous-amendement à mon amendement n° 370.
Les agriculteurs ne demandent qu’une chose : vivre de leur production en faisant appel aux moins d’intrants possible, mais à condition de pouvoir tirer de leur production un revenu économique satisfaisant !
M. Rémy Pointereau. Très bien !
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 809, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Dans le dernier alinéa de l'amendement n° 370, remplacer les mots :
est contrainte
par les mots :
a été poussée
et les mots :
pour des raisons économiques
par les mots :
par la politique agricole
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Il est à mon avis impératif de maintenir le deuxième alinéa de l’article 28 tel qu’il résulte des travaux de l’Assemblée nationale, car il précise le constat avec la rigueur nécessaire.
Pour autant, la dimension historique doit être soulignée. Mon sous-amendement n° 809 vise à préciser que la profession agricole n’est pas « contrainte » aux processus intensifs de production, mais qu’elle y « a été poussée ». Et, au lieu d’invoquer des « raisons économiques », il faut appeler les choses par leur nom et indiquer que la cause tient à « la politique agricole ».
Je précise mon propos. La politique agricole qui a longtemps marqué et orienté notre agriculture a été construite dans un contexte déficitaire. En 1962, pour répondre à ce déficit, les prix intérieurs ont été augmentés, selon un raisonnement économique très simple : il fallait faire correspondre l’optimum économique à l’optimum de rendement.
Lorsque les prix agricoles sont bas, on gagne plus d’argent en produisant moins. Il fallait donc soutenir les prix pour avoir intérêt à augmenter les rendements. Les agriculteurs n’ont pas demandé à le faire, ils l’ont fait parce que la politique agricole les y a incités.
Il est donc très important d’indiquer dans le texte que, historiquement, la profession « a été poussée par la politique agricole ».
Mme la présidente. L'amendement n° 470, présenté par M. Guillaume, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa de cet article, supprimer les mots :
parfois trop forts
La parole est à M. Didier Guillaume.
M. Didier Guillaume. Nous sommes au cœur du débat sur l’agriculture. Il faut éviter tout manichéisme.
Évidemment, la France a demandé aux agriculteurs, au cours des trente ou quarante dernières années, de produire toujours plus pour nourrir la France, dans un premier temps, et l’Europe, dans un second temps. La France a été le grenier de l’Europe, nous le savons très bien.
Il ne s’agit pas de revenir sur ce fait ni de le montrer du doigt, quelles qu’aient pu être les productions françaises de ces trente dernières années.
Nous souhaitons le maintien de ce deuxième alinéa parce qu’il fait un constat important. Cet alinéa ne met pas en cause ce qui s’est passé ni les modes de production ; il constate simplement que l’agriculture intensive peut parfois entraîner des risques au niveau de l’agriculture en général.
C’est la raison pour laquelle l’amendement n° 470 vise simplement à supprimer les mots : « parfois trop forts », qui qualifient les risques indiqués. Ces mots sont en effet inutiles puisque les risques ne sont pas « parfois trop forts » et d’autres fois moins forts.
Au regard du constat formulé, ce deuxième alinéa doit être maintenu, sans quoi l’esprit de l’article 28 serait dénaturé.
Mme la présidente. L'amendement n° 489, présenté par M. Soulage et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Compléter le deuxième alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :
C'est pourquoi il faut poursuivre le développement de l'agriculture raisonnée et de l'agriculture biologique.
La parole est à M. Daniel Soulage.
M. Daniel Soulage. Depuis plusieurs années déjà, de nombreux agriculteurs sont engagés dans des démarches de protection de l'environnement. Il convient de poursuivre ces efforts et de les accompagner encore davantage.
L'agriculture devient une activité extrêmement technique. Il est indispensable que le consommateur soit conscient du fait que l'agriculteur n'a pas vocation ni même intérêt à déverser des quantités considérables de produits phytopharmaceutiques, qui polluent les sols.
Ces produits, outre leur impact environnemental, ont en effet un coût élevé. L'agriculture a beaucoup évolué et, désormais, les agriculteurs sont capables, grâce à des prélèvements réguliers, de connaître avec précision les besoins des plantes, tout au long de leur croissance.
L'agriculture raisonnée est reconnue depuis 2002 comme un mode cultural respectueux de l'environnement. Or, ce type cultural n’est pas même cité dans le projet de loi, alors qu’il s’inscrit dans la même logique que la certification environnementale des exploitations portée par ce texte.
Il convient de remédier à cette lacune du texte.
Il est nécessaire de sortir de l’image un peu caricaturale de l’activité agricole donnée par ce projet de loi, laquelle se réduirait à une opposition entre une agriculture intensive qui détruit notre environnement et l’agriculture biologique. Cela ne reflète pas la réalité agricole.
C’est pourquoi je souhaite que le concept d’agriculture raisonnée soit inscrit dans le projet de loi.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 810, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa de l'amendement n° 489, remplacer le mot :
poursuivre
par le mot :
favoriser
et le mot :
raisonnée
par le mot :
intégrée
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Il s’agit aujourd’hui non pas de poursuivre le développement de l’agriculture raisonnée et de l’agriculture biologique, mais de favoriser le développement de l’agriculture intégrée et de l’agriculture biologique. Cela mérite une explication.
« Agriculture intégrée » et « agriculture raisonnée » ne signifient pas du tout la même chose. L’agriculture raisonnée utilise la bonne dose d’engrais et de produits phytosanitaires – c’est-à-dire pas trop –, dans le souci de respecter l’environnement. L’agriculture intégrée, quant à elle, en utilise le moins possible : on s’interdit les produits phytosanitaires, sauf si cela devient trop délicat d’un point de vue économique. Ce n’est pas du tout la même logique.
En outre, dans le premier cas, on reste dans des schémas classiques et, dans le second cas, on s’appuie sur l’agro-écologie.
Je prendrai un exemple très simple : dans le sud de l’Alsace, on cultive le maïs en monoculture. Or, celui-ci est vulnérable aux attaques des prédateurs, notamment à la fameuse chrysomèle. Tous les agriculteurs pratiquant l’agriculture raisonnée ont donc été amenés à traiter massivement leurs champs pour enrayer la chrysomèle, faute de pouvoir faire autrement.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. Mais non !
M. Jacques Muller. En Suisse, de l’autre côté de la frontière, on ne connaît pas la chrysomèle,…
M. Bruno Sido, rapporteur. C’est comme le nuage de Tchernobyl ! (Sourires au banc de la commission.)
M. Jacques Muller. …parce qu’on y pratique la rotation des cultures.
Il ne s’agit pas d’opposer de manière manichéenne l’agriculture chimique ou non. La question concerne les itinéraires techniques.
L’agriculture raisonnée est une création du forum de l’agriculture raisonnée respectueuse de l’environnement, c’est-à-dire une fabrication du syndicalisme agricole et de l’union industrielle des producteurs de produits phytosanitaires ! (Protestations au banc de la commission.)
On l’a bien compris, l’agro-industrie préfère évidemment les méthodes utilisant la juste dose de pesticides, pour continuer ainsi à en vendre, aux méthodes alternatives qui ne sont pas forcément biologiques à 100 %, mais qui permettent de s’en passer. Ce débat est important.
Scientifiquement, le cahier des charges de l’agriculture raisonnée est constitué à 50 % de dispositions réglementaires et à 50 % de l’engagement de l’agriculteur à inscrire ces pratiques. Mais cela ne mérite pas une distinction particulière.
Lorsque l’on conduit sa voiture, on doit respecter le code de la route. Dire qu’on le respecte à moitié n’est pas un argument recevable !
Il faut être scientifique dans ce domaine. Comme je l’ai dit en introduction, madame la secrétaire d’État, votre texte a l’immense mérite d’annoncer le besoin d’une transformation de l’agriculture. Cela ne signifie pas forcément qu’il faut recourir uniquement aux produits biologiques et n’utiliser aucun produit de synthèse ; cela veut dire qu’il faut utiliser le moins possible d’intrants, quand on peut, quand c’est économiquement raisonnable. Cela s’appelle « l’agriculture intégrée ». Demandez à l’INRA, consultez les experts : ils vous confirmeront que cette agriculture modifie complètement la donne ; elle respecte les écosystèmes, améliore les paysages et est quantifiable.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Je répondrai globalement à l’ensemble de ces amendements.
Monsieur Muller, j’espère que vous n’allez quand même pas passer la nuit à nous donner des leçons d’agriculture, d’économie ou d’écologie ! Vous êtes spécialiste en tout, alors que, pour ma part, je ne suis qu’un modeste paysan !
Ce deuxième alinéa, tel qu’il a été proposé par le Gouvernement et adopté sans modifications par l’Assemblée nationale, est d’une limpidité absolue.
Refaire l’histoire, c’est très facile. Vous êtes comme moi trop jeune pour vous souvenir de la loi d’orientation agricole lancée par Edgar Pisani, à cette même tribune, en 1962. C’était dans l’air du temps. Nous sortions de la guerre. Les Français avaient faim ou se souvenaient qu’ils avaient eu faim. Par conséquent, il fallait que l’agriculture produise.
Il y avait également les Européens, mais on n’en était pas du tout à la politique agricole commune, qui, à l’époque, était encore balbutiante. L’administration, l’ensemble des acteurs – les agriculteurs pas plus que les autres – voulaient que cette agriculture produise plus pour nourrir les Français d’abord, les Européens ensuite, et l’humanité enfin.
Par conséquent, toutes les propositions qui nous sont faites sont superfétatoires, sauf peut-être celle de M. Soulage, sur laquelle la commission s’en remet à la sagesse du Sénat, car elle apporte un élément qui nous paraît opportun.
Il ne faut pas non plus, monsieur Vasselle, dire que l’on était contraint. On ne l’était pas ! C’était ainsi ! L’agriculture devait se développer comme les cheminées d’usine devaient déverser de la fumée noire ! C’était l’époque ! Cette époque a existé, mais elle est révolue.
Pourquoi retracer dans ce projet de loi quelque chose que nous ne récusons d’ailleurs pas puisque, finalement, la France a fait de nous tous ce que nous sommes aujourd’hui ? Il ne faut quand même pas l’oublier ni cracher dans la soupe ! On a changé d’époque ; on sait que, aujourd’hui, la planète est menacée par le réchauffement, les dérèglements climatiques, et qu’il faut changer son fusil d’épaule.
Je le répète, le texte proposé par le Gouvernement est d’une limpidité parfaite. Il se suffit à lui-même. J’accorde à M. Soulage que sa proposition est intéressante. Mais sur tous les autres amendements, la commission a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d’État. Comme l’a rappelé M. le rapporteur, ce texte résulte d’un compromis obtenu à l’issue d’un long débat entre les acteurs. On a abouti à un compromis très équilibré sur cette question, dont, jusque-là, on ne parlait pas. Par conséquent, je préférerais vraiment que la rédaction initiale soit conservée.
L'amendement n° 489 de M. Soulage soulève d’autres questions. Il faudrait que l’on vise, comme cela a été rappelé, l’agriculture intégrée,…
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. Je préfère parler d’« agriculture raisonnée » !
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. …l’agriculture durable, la certification environnementale, que l’on est en train de développer.
Peut-être pourrions-nous modifier cet amendement afin de remplacer les mots : « de l’agriculture raisonnée et de l’agriculture biologique » par les mots : « de modèles agricoles économes en intrants » ? Nous visons tous, en effet, le développement de modèles agricoles économes en intrants.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. Non, cela ne veut rien dire !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. Dans ce débat très intéressant sur l’agriculture, j’ai le sentiment que certains parmi nous sont amnésiques : ils ne se souviennent pas de ce qu’a été l’agriculture des trente ou quarante dernières années !
J’entends dire que la politique agricole commune aurait été à l’origine des excès de productions agricoles : ce n’est pas du tout le cas !
Je me réjouis qu’il y ait eu à un moment des hommes comme Jean Monnet, et bien d’autres, pour faire de l’agriculture européenne une agriculture intégrée. Mais ce que vous oubliez, chers amis – et je m’adresse aux agriculteurs présents dans cette salle –, c’est que, durant cette période, ce n’est pas la PAC qui a développé la recherche agricole ! Il y a eu la recherche au niveau des plantes : souvenez-vous de la création, voilà quarante ans, des premiers maïs hybrides. Il y a eu le développement des technologies : souvenez-vous des premiers petits tracteurs qui tassaient les sols, alors que les tracteurs actuels permettent de travailler comme le faisaient les jardiniers autrefois.
Il faut intégrer tous ces éléments et se rappeler que cette augmentation de la production agricole est venue non pas seulement des intrants, mais aussi de la recherche et de la technologie, c’est-à-dire du matériel agricole et de la mécanisation.
Le texte du Gouvernement est à mon avis très équilibré. Notre collègue Daniel Soulage parle d’une « agriculture raisonnée » à laquelle, personnellement, je suis très favorable parce qu’elle présente un équilibre au niveau des productions, et même dans la protection des sols. On peut en effet imaginer que la recherche sur les molécules va évoluer puisque le texte de loi fixe des objectifs dans la réduction des intrants.
Je me souviens de la mise en place de l’agriculture raisonnée. Nous arrivons aujourd'hui à un équilibre. Pour cette raison, la rédaction de l’amendement n° 489, qui mentionne le développement « de l’agriculture raisonnée et de l’agriculture biologique », me paraît très bonne.
Madame le secrétaire d’État, avec tout le respect que je vous dois, je dirai que l’on ne sait ni où commencent ni où finissent les intrants ! C’est pourquoi l’amendement n° 489 de Daniel Soulage complète opportunément le texte : en partant de l’agriculture raisonnée et de l’agriculture biologique – « raison » est un mot que j’aime beaucoup –, on va dans la bonne direction s’agissant de l’avenir de notre agriculture.
M. François Trucy. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote sur l’amendement n° 123 rectifié.
M. Didier Guillaume. Nous nous engageons dans un débat qui peut durer…
M. Rémy Pointereau. Toute la nuit !
M. Didier Guillaume. … des heures, des jours, voire des semaines ! Nous discutons d’un projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement et non pas d’une loi-cadre sur l’agriculture en France en nous appuyant sur le passé pour tracer les perspectives d’avenir. Mais les questions peuvent être conjointes, monsieur le président de la commission.
Le deuxième alinéa de l’article 28 me convient. Si M. le rapporteur et Mme la secrétaire d’État étaient d’avis qu’il faut maintenir cet alinéa en l’état, je serais prêt à retirer mon amendement. En effet, si nous ouvrons le débat sur cet alinéa pour savoir s’il faut parler de processus « plus ou moins intensifs », « plus ou moins économes en intrants », nous allons rouvrir un débat sur le reste !
Je voudrais revenir sur ce que j’ai dit tout à l’heure et qu’a également souligné M. le rapporteur : les agriculteurs ont été amenés à produire plus parce qu’il fallait nourrir la France, puis l’Europe, en recourant aux techniques de l’époque, c’est-à-dire en cultivant plus, en faisant de l’agriculture intensive et en utilisant des intrants.
Mais force est de constater qu’aujourd’hui, dans toutes les chambres d’agriculture, des techniciens dispensent des séances de formation, apportent des explications et aident les agriculteurs à pratiquer une agriculture la plus propre possible, avec le moins d’intrants possible.
En même temps, nous devons aussi pouvoir dire que, dans certaines zones, s’il n’y a pas d’intrants, il n’y aura pas de production, pas de revenu économique, et l’on n’arrivera pas à faire ce qu’il faut. C’est aussi une réalité.
Je ne souhaite pas que l’on oppose les uns aux autres. Si M. le rapporteur et Mme la secrétaire d’État considèrent que mieux vaut, par sagesse, s’en tenir au deuxième alinéa de cet article, je suis prêt à retirer mon amendement et à ne pas aller plus loin. Si l’on commence à intégrer d’autres mots comme « intrants », « agriculture raisonnée » etc., nous allons rouvrir d’autres débats.
Je suis donc prêt à retirer cet amendement de manière à conserver en l’état le deuxième alinéa de l’article 28, qui semblait pouvoir faire consensus.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Je suis tout à fait d’accord avec M. Guillaume. Je m’en suis remis à la sagesse sur l’amendement n° 489 de M. Soulage, mais, au fond, peut-être peut-on trouver un consensus. Conservons le texte qui nous a été transmis par l’Assemblée nationale, et restons-en là !
Mme la présidente. Monsieur Pointereau, l'amendement n° 123 rectifié est-il maintenu ?
M. Rémy Pointereau. Non, je le retire, madame la présidente.
Mais je veux souligner que les choses ont évolué. Le texte de l’article précise ceci : « Cependant les processus intensifs de production font peser des risques parfois trop forts… » On fait peser des risques. Toutefois, les agriculteurs ne sont pas fous et ne mettent pas plus d’intrants qu’il n’en faut. Aujourd’hui, les agriculteurs sont des gestionnaires, ils pratiquent une agriculture raisonnée, même si pèsent des risques parfois trop forts.
C’est pourquoi l’amendement n° 489 de M. Soulage me paraît intéressant, et je le voterai.
Mme la présidente. L'amendement n° 123 rectifié est retiré.
Monsieur Vasselle, l'amendement n° 370 est-il maintenu ?
M. Alain Vasselle. Je n’arrive pas à me résoudre à adopter, à l’article 28, un alinéa qui laisse sous-entendre que les agriculteurs, par la pratique de la culture intensive, ont mis en difficulté l’écosystème et notre environnement et qu’ils sont responsables de la situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement.
Cela mérite une explication et justifie, au moins, d’être assorti de la précision que j’ai apportée.
Je regrette également que ni le président de la commission, ni le rapporteur, ni la secrétaire d’État n’aient éprouvé le besoin de préciser que, si la profession agricole en était arrivée là, c’est parce qu’elle y avait été encouragée et que, pour des raisons économiques, elle n’avait pas d’autre choix.
Je suis agriculteur depuis plus d’une trentaine d’années ; je fais partie de ceux qui ont réprouvé l’utilisation des produits phytosanitaires, notamment des insecticides. À chaque fois, que, sur ce sujet, je me suis opposé au technicien agricole de la chambre d’agriculture, qui est en même temps un conseiller de gestion, celui-ci m’a répondu qu’il fallait que j’utilise ces produits afin d’assurer le retour sur investissement. Selon lui, en n’utilisant pas ces produits, j’aurais diminué mon rendement, donc mon revenu.
Je ne vois pas pourquoi, à l’époque, encouragé d’ailleurs par la politique agricole, je n’aurais pas recouru, en qualité d’agriculteur, à ces produits phytosanitaires pour améliorer mes rendements !
L’innovation par la recherche a permis d’améliorer le potentiel de la production céréalière. D’ailleurs, l’augmentation des rendements a pesé sur les cours et, sans le soutien de la politique agricole, nous ne serions pas aujourd'hui dans la même situation.
Il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt : nous devons avoir le courage de dire les raisons pour lesquelles nous en sommes arrivés là ! J’ai éprouvé le besoin d’apporter cette précision pour que l’opinion publique soit au courant de la situation lorsqu’elle prendra connaissance de ce texte.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’étais favorable à l’amendement n° 123 rectifié de Rémy Pointereau. À mon sens, le deuxième alinéa de l’article 28 n’apporte rien au texte. Je suis désolé de m’écarter de la position de M. Guillaume, mais le troisième alinéa se suffit à lui-même. Il montre bien que le Gouvernement souhaite que le monde agricole tourne le dos à la production intensive tout en essayant de trouver un équilibre sur les plans économique et environnemental : l’objectif est d’offrir aux Français une alimentation saine, mais de permettre en même temps aux agriculteurs de vivre correctement de leur production. Ces derniers n’ont jamais demandé à être subventionnés pour leur production ; ils veulent en vivre, tout comme on vit de son produit dans l’industrie ou de son salaire dans les entreprises.
Aujourd'hui, par exemple, on annonce aux producteurs betteraviers que le prix de la tonne de betterave va baisser, mais que la différence ne leur sera que partiellement compensée. Qui accepterait de voir son salaire diminué compte tenu d’une compensation seulement partielle ? C’est pourtant bien la situation que nous connaissons dans l’agriculture !
Mes chers collègues, je m’étonne que personne n’ait soulevé ce point. Pour ma part, je vis cette situation quotidiennement. Je suis encore en exercice et je sais de quoi je parle ! Je vous invite à venir dans mon exploitation agricole, à examiner ma comptabilité et à regarder mes résultats économiques : peut-être pourrez-vous ainsi comprendre la situation dans laquelle je me trouve ! Je ne sais pas si la situation de mon département est tellement différente de celle de la Haute-Marne, de l’Alsace ou de la Dordogne, mais, je le répète, je sais de quoi je parle !
Je maintiens par conséquent l’amendement n° 370.
M. Rémy Pointereau. Très bien !
Mme la présidente. Je mets donc aux voix le sous-amendement n° 809.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Monsieur Guillaume, l’amendement n° 470 est-il maintenu ?
M. Didier Guillaume. Non, je le retire.
Mme la présidente. L’amendement n° 470 est retiré.
Monsieur Muller, le sous-amendement n° 810 est-il maintenu ?
M. Jacques Muller. Avec l’amendement n° 489 et le sous-amendement n° 810, nous sommes au cœur du débat : devons-nous inscrire « l’agriculture raisonnée » ou « l’agriculture intégrée » dans la loi, ou nous en tenir à la rédaction initiale ?
Mme la secrétaire d’État a proposé d’ajouter « économes en intrants ». Cette expression me paraît tout à fait intéressante, car elle permet de tracer le cap. Ceux qui pratiquent l’agriculture intégrée, tout comme ceux qui font des efforts en développant une agriculture raisonnée, s’y retrouvent.
J’attends de connaître la position des uns et des autres. Si M. Soulage maintient son amendement sur l’agriculture raisonnée, je maintiendrai mon sous-amendement. Je ne le retirerai que s’il faisait de même et si était reprise la proposition de Mme la secrétaire d’État, qui me paraît vraiment très bonne.
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 810.
M. Paul Raoult. L’expression « agriculture raisonnée » est utilisée par certains milieux agricoles en référence à des propositions de la FNSEA. (Protestations sur les travées de l’UMP.) Mais si on l’inscrit dans un texte de loi, il faudrait qu’un décret précise sa définition.
M. Bruno Sido, rapporteur. C’est vrai !
M. Charles Revet. L’« agriculture intégrée » n’est pas mieux définie !
M. Paul Raoult. Je connais des agriculteurs qui affichent un panonceau « agriculture raisonnée » alors que, franchement, ils font peu d’efforts, notamment en ce qui concerne les intrants.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Soulage.
M. Daniel Soulage. Madame la présidente, je retire l’amendement n° 489.
M. Alain Vasselle. C’est dommage, je l’aurais voté ! C’était un amendement de bon sens !
Mme la présidente. L'amendement n° 489 est retiré.
En conséquence, le sous-amendement n° 810 n’a plus d’objet.
L'amendement n° 222, présenté par Mme Didier, MM. Danglot et Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du troisième alinéa de cet article, remplacer les mots :
d'efficacité économique
par les mots :
de rémunération équilibrée des exploitants agricoles en tenant compte des coûts de leurs productions
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. La priorité de l’agriculture est de satisfaire les besoins alimentaires de la population. L’agriculture doit respecter les exigences de production qualitative et quantitative. Malheureusement, il est aujourd’hui difficile de dissocier la production agricole de l’efficacité économique. Aucun indicateur ne permet d’assurer que la rémunération des exploitants agricoles est en équilibre avec les coûts de production engendrés.
Depuis plusieurs décennies, l’agriculture française s’est modernisée, et différents critères de mise aux normes et de modernisation, conjugués à des crises à répétition, ont accru les charges des exploitants. Dans la plupart des créneaux de production, la situation d’un nombre croissant d’exploitations se caractérise par une précarité accrue en termes économiques : c’est notamment le cas de la viticulture, que M. Soulage connaît bien.
De plus en plus d’agriculteurs quittent le métier au bout de quelques années en raison du cumul des astreintes inhérentes à certaines productions et de revenus rendus trop aléatoires par l’instabilité des marchés. Les agriculteurs ont besoin d’un cadre sécurisé pour continuer à produire de la qualité et de la diversité. Il faut également rééquilibrer les relations entre producteurs et distributeurs. La priorité de cet amendement est d’assurer une rémunération équilibrée et sécurisée aux agriculteurs, tout en tenant compte des coûts de production, qui sont connus.
Il est de notre devoir de permettre à la filière agricole de subsister non pas au travers d’une économie de plus en plus stratégique, mais en garantissant une rémunération qui soit en accord avec les coûts de production.
Les chiffres parus dans la presse ces jours derniers sont d’ailleurs éloquents : le revenu agricole a baissé depuis quelques décennies alors que, pendant la même période, les marges de la grande distribution ont augmenté dans une proportion bien plus importante.
Telles sont les raisons pour lesquelles je vous demande d’adopter cet amendement.