M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Albanel, ministre. Même avis défavorable que M. le rapporteur, pour les mêmes raisons techniques.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis.
M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. Mme Khiari a soulevé un problème réel, mais que nous allons sans doute résoudre dans le cadre de l’article 49 quater.
En effet, comme l’a très bien expliqué Michel Thiollière, le pylône n’est pas l’essentiel ! Certes, l’aspect matériel est important, mais, pour pouvoir diffuser, il faut avant tout disposer d’une fréquence. Or, c’est là que réside la difficulté : les fréquences analogiques resteront certes disponibles, mais, pour un même site, la diffusion en numérique ne pourra pas les réutiliser. Cela implique, en l’état de notre droit, que le Conseil supérieur de l’audiovisuel réassigne les fréquences pour chaque site.
Nous reviendrons tout à l’heure sur cette question, puisque, précisément, elle fait l’objet de l’article 49 quater, par lequel les députés ont prévu que le Conseil supérieur de l’audiovisuel assignera des fréquences aux collectivités qui le demandent ; nous comptons d’ailleurs ajouter quelques conditions au dispositif.
Je rappelle aussi que nous nous étions beaucoup battus, ici même, pour obtenir que le taux de couverture du territoire soit fixé à 95 % au lieu de 85 %, augmentation qui a eu pour conséquence de porter le nombre des sites concernés de 115 à près de 2 000.
Enfin, chère collègue, vous avez eu raison de souligner que, si l’investissement est significatif pour les chaînes, le coût de la diffusion est inférieur en numérique à ce qu’il est en analogique.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 396, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Collombat, Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 49 A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 96-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. … - Pour les départements dont la couverture hertzienne en mode numérique n'est pas assurée à 95 % au moins, aux termes de la liste publiée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel en application de l'article 96-2, celui-ci publie avant le 30 juin 2009 une liste complémentaire des sites existants, propriété des collectivités locales, régulièrement autorisés, permettant d'assurer une couverture au moins équivalente à celle de la télévision hertzienne terrestre en mode analogique en service. »
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Bariza Khiari vient d’exposer l’esprit de cette série d’amendements.
L’amendement no 396 tend à l’extension, dans les départements où la couverture en TNT telle qu’elle résulte de la liste des sites publiée par le CSA est inférieure à 95 %, de l’obligation de mise à niveau à l’ensemble des sites existants, propriété des collectivités locales, régulièrement autorisés et diffusant actuellement la télévision hertzienne terrestre en mode analogique.
L’objectif est d’assurer une couverture en TNT équivalente à celle qui existe déjà en mode analogique. Ce n’est tout de même pas une demande exorbitante !
J’ai entendu les arguments de M. Thiollière et de M. Retailleau. Le premier a évoqué un problème technique, ce qui n’est pas tout à fait la même chose que ce qu’a dit le second. Celui-ci, en effet, a d’une certaine façon reconnu que l’idée que nous avons défendue n’était pas irréalisable et que notre proposition pouvait même être votée, puisque le problème qu’elle soulève sera réglé dans un article ultérieur. Ainsi, la technique peut être compatible avec notre volonté politique !
Je souhaite donc, avant que nous n’examinions la manière concrète dont notre vœu peut être exaucé, que le principe qui est au fondement des présents amendements soit voté.
M. le président. L'amendement n° 397, présenté par MM. Collombat, Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 49 A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 96-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. … - Pour les départements dont la couverture hertzienne en mode numérique n'est pas assurée à 91 % au moins, aux termes de la liste publiée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel en application de l'article 96-2, celui-ci publie avant le 28 février 2009 une liste complémentaire des sites le permettant. »
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Bien évidemment, je souscris aux propos que vient de tenir mon collègue David Assouline.
L’amendement n° 397 est un amendement de repli qui vise à assurer dans chaque département une couverture de 91 % au moins, ce qui ne sera pas réalisé si les chaînes équipent les seuls sites actuellement retenus par le CSA.
Il tend à éviter que ne soit transférée aux collectivités des quarante départements les moins bien desservis – notamment les départements de montagne – la charge du coût du basculement vers le numérique d’une partie minimum de leur territoire. Un tel transfert serait d’autant plus injuste que la plupart d’entre elles, on l’a dit tout à l’heure, ont déjà fait l’effort de financer un réseau de diffusion analogique minimum et que cette nouvelle charge ne résulte pas d’une décision qui leur appartient. En effet, il n’est pas envisageable que le service numérique soit moins bien distribué que l’analogique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. Sur l’amendement no 396, j’invoquerai le même argument et j’émettrai le même avis défavorable que précédemment.
L’amendement no 397 tend à poser une obligation de couverture à 91 % au moins des départements par la TNT et, en conséquence, à contraindre le CSA à publier une nouvelle liste de sites de diffusion complétant celle que, conformément à l’article 96-2 de la loi de 1986, il a fait connaître à la fin du mois de décembre dernier.
Or, cet article 96-2 pose une obligation de couverture de 95 % de l’ensemble de la population française, mais il ne définit pas d’obligation au niveau de chaque département. Au demeurant, l’obligation de couvrir 91 % de la population serait excessive, car, actuellement, la couverture en analogique, pour l’ensemble des départements, n’atteint pas 80 %.
Au surplus, cette disposition conduirait à mettre à la charge des chaînes des coûts supplémentaires extrêmement importants qui se chiffreraient, pour la plupart d’entre elles, en millions d’euros. C’est en effet aux éditeurs de service qu’il revient d’acquitter les coûts de diffusion.
Au moment où nous cherchons à garantir le financement pérenne de France Télévisions, qui serait sans doute le groupe le plus touché par un tel amendement, il n’apparaît pas opportun de revenir sur la rédaction actuelle de l’article 96-2 de la loi du 30 septembre 1986.
En conséquence, la commission est également défavorable à l’amendement no 397.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Albanel, ministre. Comme vient de l’indiquer M. le rapporteur, ces deux amendements se traduiraient par la mise en service de nombreux émetteurs supplémentaires. Dans certains départements, ils aboutiraient même à la constitution d’un réseau beaucoup plus dense que celui qui existe aujourd’hui pour la diffusion en mode analogique et qui compte environ 3 600 sites sur l’ensemble du territoire, ce qui est évidemment considérable.
Il semble que la situation économique difficile des groupes audiovisuels ne plaide pas en faveur d’un alourdissement aussi significatif de leurs obligations. En particulier, l’équilibre financier déjà fragile des nouveaux entrants de la TNT risque d’être aggravé par la conjoncture économique tendue que nous connaissons.
Je rappelle par ailleurs que les chaînes en clair de la TNT sont aujourd’hui disponibles par satellite sur tout le territoire métropolitain, sans abonnement ni frais de location de matériel.
En conséquence, le Gouvernement a émis un avis défavorable sur les deux amendements nos 396 et 397.
M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai, pour explication de vote sur l’amendement no 396.
Mme Bernadette Bourzai. Je suis un peu abasourdie par ce que je viens d’entendre.
Il n’est pas normal de considérer la couverture incomplète du territoire comme un fait acquis. De même, comment peut-on tirer argument de ce que la couverture analogique n’est toujours pas totale à l’heure actuelle – ce qui, soixante ans après les débuts de la télévision, reste tout de même ahurissant ! – pour envisager que, dans l’avenir, un nouveau mode de diffusion ne permette même pas d’arriver au pourcentage qui était jusque-là assuré ? Voilà qui est curieux ! J’avoue même que je tombe des nues !
Ainsi, on considère qu’il est logique, qu’il est parfaitement normal que, dans certaines zones du territoire métropolitain ou des départements et territoires d’outre-mer, on n’ait pas accès au même service public que dans les autres parties du territoire national !
Je vis dans une zone de montagne où les élus ont accompli tous les efforts possibles pour que les citoyens qui y résident puissent accéder à des modes de communication modernes et adaptés. Ainsi, comme je l’ai indiqué hier, les collectivités locales de la région Limousin ont financé la création d’une boucle haut débit. Grâce à cela, nous parviendrons, parce que nous y avons mis les moyens, à faire en sorte que tous les citoyens bénéficient du haut débit. Et voilà que vous venez en quelque sorte nous expliquer que nos efforts sont inutiles et qu’il n’est pas normal de dépasser un certain taux de couverture !
Je rappelle que la loi de 2007 prévoyait que 95 % de la population serait couverte à la fin de 2011. Quand, ici, nous avançons le taux de 91 %, nous sommes déjà en deçà !
Vous ne serez donc pas surpris, mes chers collègues, si je soutiens non seulement les deux amendements qui viennent d’être présentés, mais aussi les trois propositions de nos collègues Hérisson, Jarlier et Jacques Blanc ayant un objet similaire. Comme eux, je suis une élue de la montagne. À ce titre, nous avons une voix spécifique à faire entendre, celle de territoires qui connaissent des handicaps permanents et qui, pourtant, veulent être traités de la même façon que les autres territoires français.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Albanel, ministre. Bien évidemment, il n’est absolument pas question de priver certaines zones de la diffusion en mode numérique, et l’objectif est bien que 100 % du territoire soient couverts : 95 % par voie hertzienne terrestre et 5 % par voie satellitaire.
De surcroît, aux termes des dispositions votées par le Sénat, deux offres de TNT par satellite seront présentes sur le marché, et je rappelle que le GIP France Télé Numérique a vocation à aider les personnes qui auront besoin d’un accompagnement financier pour cette évolution technologique.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement no 397.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 49
Le premier alinéa de l’article 29-3 de la même loi est complété trois phrases ainsi rédigées :
« Ils peuvent statuer, dans des conditions fixées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, sur la reconduction des autorisations délivrées en application des articles 29, 29-1, 30 et 30-1, pour les services à vocation locale, dans les conditions prévues à l’article 28-1, sur les demandes de modification non substantielle des éléments de l’autorisation ou de la convention et sur la délivrance, dans leur ressort territorial, des autorisations temporaires prévues à l’article 28-3. Dans ce cas, le président du comité technique peut signer l’autorisation et la convention y afférente. Les comités techniques peuvent également organiser, dans leur ressort, les consultations prévues à l’article 31. »
M. le président. La parole est à M. Jean-François Voguet, sur l’article.
M. Jean-François Voguet. L’article 49 du projet de loi modifie le champ de compétences des comités techniques radiophoniques en matière d’instruction des demandes d’autorisation pour les services de radio et de télévision à vocation locale.
Cet article suscite des critiques si nombreuses que, lors de son examen à l’Assemblée nationale, M. le rapporteur de la commission spéciale en a demandé la suppression.
Il aura pour effet – outre son caractère de cavalier législatif, c’est sur ce point que porte la principale critique – de déposséder partiellement le CSA de son domaine de compétence en matière de régulation de la radio et de la télévision.
Les comités techniques radiophoniques n’ont jusqu’à présent qu’une compétence facultative dans le cadre de l’instruction des demandes d’autorisation pour les services de radio et de télévision à vocation locale.
L’article 49 remet en cause cette situation au motif que, selon vos propres termes, madame la ministre, « les comités techniques disposent, on le sait, de la meilleure connaissance du paysage radiophonique local ».
Nous pensons au contraire que la nouvelle situation risque de créer des disparités dans la régulation du fait que le CSA sera compétent pour les radios nationales et les comités techniques radiophoniques pour les radios locales.
Cet article pose donc des problèmes. En conséquence, nous ne pourrons pas le voter.
M. le président. L’amendement n° 399, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bourzai, MM. Boutant et Domeizel, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. L’article 49 a pour objet de modifier l’article 29-3 de la loi du 30 septembre 1986 en donnant compétence aux comités techniques radiophoniques, les CTR, pour statuer en lieu et place du CSA sur la reconduction des autorisations accordées aux services de radio.
Il convient de rappeler qu’actuellement les CTR ne sont dotés que d’une compétence consultative auprès du CSA, dans le cadre de l’examen des dossiers lors des appels aux candidatures pour les radios et du contrôle du respect des obligations par les titulaires d’autorisations.
Compte tenu des enjeux locaux, des intérêts relayés au sein même des CTR et des pressions qui ne manqueront pas de les accompagner, cette substitution de compétence du CSA, qui concernera 80 % des opérateurs radio, constitue, au niveau local, une menace pour la diversité de l’offre radio et le maintien du pluralisme dans ce secteur.
Si les CTR ne se contentent plus de donner un avis mais décident à la place du CSA, il faut au moins prévoir un droit de regard de ce dernier sur leurs décisions, par exemple sous la forme d’un avis ou d’une possibilité de recours. La décentralisation absolue des décisions risquerait en effet d’exposer celles-ci aux pressions et au jeu des intérêts croisés, et d’empêcher que la régulation des autorisations ne soit, à l’échelon national, la meilleure possible.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. La commission s’est longuement interrogée sur cet article, qui conduit à faire exercer par des démembrements du CSA des compétences que celui-ci exerçait en propre. Sont notamment concernés les services de télévision et de radio à vocation locale ou événementielle.
Néanmoins, compte tenu de la nature des compétences en question – modifications non substantielles ou reconductions d’autorisations, qui sont le plus souvent de droit – et du fait que le pouvoir d’évocation du CSA est garanti par la loi, la commission a jugé qu’il n’y avait pas lieu de s’opposer à cette disposition, à laquelle le CSA est par ailleurs très favorable.
Cette mesure ne tend en réalité qu’à alléger la charge de travail qui pèse sur le CSA. En outre, le présent article prévoit que toute décision prise par les CTR pourra faire l’objet d’un recours auprès du CSA.
La commission a donc émis un avis défavorable sur l’amendement no 399.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Albanel, ministre. L’article 49 tend à permettre au CSA, dans des conditions précisées par décret, de déléguer une partie de sa compétence aux comités techniques radiophoniques. Ces organes sont ceux qui connaissent le mieux le paysage radiophonique local, et une telle organisation déconcentrée ne me semble pas de nature à porter atteinte à la diversité ni au pluralisme des programmes.
En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement no 399.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.
Mme Catherine Tasca. L’histoire est un éternel recommencement !
Vous l’avez vous-même rappelé, madame la ministre, les comités techniques radiophoniques ont été mis en place à un moment où l’évolution du CSA rendait nécessaire de décharger l’instance centrale d’un certain nombre de travaux sans toutefois que celle-ci renonce à sa véritable fonction, la fonction de régulation.
Le mouvement qui se dessine dans votre projet de loi me semble aller à l’encontre de ce concept de régulation, qui suppose la mise en commun d’un certain nombre de décisions. La possibilité de faire appel ne suffira pas à garantir la cohérence des décisions à l’échelle de l’ensemble du territoire.
Le projet de loi ne propose aucune réforme véritable du CSA ; il aurait pourtant été bien utile de se pencher, par exemple, sur sa composition et sur ses missions ! En revanche, il le déshabille, par petites touches successives, d’un certain nombre de responsabilités, au point que l’on ne voit plus très clairement qui exercera la fonction de régulation du paysage audiovisuel français.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement no 399.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas l’amendement.)
M. David Assouline. C’était l’occasion de faire un peu de gymnastique !
M. le président. Je mets aux voix l’article 49.
(L’article 49 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 49
M. le président. L’amendement n° 284, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Après l’article 49, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 38 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, il est inséré un article 38-1 ainsi rédigé :
« Art. 38-1. - Toute société détenant au moins 10 % des parts d’une société de service de télévision ainsi que toute filiale dans laquelle une société exerce une influence déterminante, sont exclues des procédures de soumission aux marchés publics au-delà d’un seuil fixé par décret. »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Après ce petit réveil par assis et levé, je vous propose un petit réveil politique… (Protestations sur certaines travées de l’UMP.)
Le secteur de l’audiovisuel attire toutes les convoitises, pour son aura, son argent, ses métiers passionnants et son influence. N’oublions pas qu’il s’agit du quatrième pouvoir !
Les grands groupes se sont très vite rendu compte de l’intérêt multiple qu’ils trouveraient à y placer leurs capitaux, voire à en devenir les propriétaires. Aujourd’hui, ces grands groupes sont aussi ceux des travaux publics, des armes et de la vente d’eau. Soit dit en passant, ce ne sont guère les amis des écologistes, qui réprouvent le bétonnage du pays, sont pacifistes dans l’âme et plaident pour les régies municipales de distribution de l’eau…
Dans leurs activités initiales, ces grands groupes répondent aux appels d’offres et dépendent de la commande publique, donc du pouvoir politique. Dans leurs activités audiovisuelles, ils contribuent à forger l’opinion. Cherchez l’erreur, cherchez les liens incestueux…
Pour remédier à cette situation, mes chers collègues, je vous propose à travers cet amendement de procéder à un assainissement déontologique.
M. Henri de Raincourt. Voilà qui est intéressant !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. La commission ne peut qu’être défavorable au présent amendement, qui contraindrait de fait les groupes audiovisuels à n’être que des groupes audiovisuels.
Une telle disposition serait inédite dans notre droit. Au surplus, elle constituerait une discrimination injustifiée à l’égard des sociétés visées puisqu’elle ne serait fondée sur aucune préoccupation concernant la préservation de la concurrence.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Albanel, ministre. L’avis est également défavorable, pour les raisons que vient d’exposer M. le rapporteur.
M. le président. L’amendement n° 385 rectifié, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’article 49, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa du I de l’article 39 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, le taux : « 8 % » est remplacé par le taux : « 2,5 % ».
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Nous tentons, une fois encore, d’abroger cette disposition inique qui a été introduite voilà moins d’un an dans la loi de modernisation économique, la loi LME, et qui met à mal le dispositif anticoncentration de diffusion hertzienne.
Je rappelle que le paragraphe I de l’article 39 de la loi du 30 septembre 1986, que cet amendement tend à modifier, constitue la clef de voûte du système anticoncentration applicable aux services de télévision titulaires d’une autorisation de diffusion par voie hertzienne.
La rédaction initiale de ce paragraphe interdisait à toute personne morale ou physique de détenir plus de 49 % du capital ou des droits de vote d’une société diffusant par voie hertzienne terrestre dès lors que l’audience de cette société, tant en mode analogique qu’en mode numérique, dépassait une audience de 2,5 % de l’ensemble des services de télévision.
Sur l’initiative d’un ancien conseiller du Président de la République devenu député et pseudo-spécialiste des médias, Frédéric Lefebvre, cet article a donc été modifié par l’Assemblée nationale lors de l’examen du projet de loi LME, le seuil d’audience étant porté de 2,5 % à 8 %.
En conséquence, certains opérateurs propriétaires de chaînes de la TNT, tels Bolloré, Bouygues ou le groupe M6, pourront rester en deçà du seuil d’audience et détenir 100 % des parts de leur société. Certaines chaînes de la TNT, comme Direct 8, filiale de Bolloré, W9, qui appartient à M6, ou TMC, qui pourrait être bientôt détenue à 100 % par Bouygues, sont près d’atteindre le seuil fatidique de 2,5 % d’audience ou l’ont dépassé : TMC est au-dessus de 4 %, W9 se situe aux alentours de 4 % et Direct 8 approche 2,5 %…
Jusqu’en 2008, le droit de l’audiovisuel français, soucieux de ne pas permettre que le capital d’une chaîne soit concentré dans les mains d’une même personne, était construit sur la règle de la détention d’une part maximale de 49 % d’un service de télévision diffusé en hertzien.
Certes, cette disposition anticoncentration, garante du pluralisme dans le secteur audiovisuel, avait été élaborée dans le cadre restreint de la ressource hertzienne en mode analogique. Pour autant, l’arrivée du numérique, si elle multiplie la ressource environ par six, ne saurait justifier que de nouveaux entrants puissent se soustraire au droit commun de l’audiovisuel et détenir jusqu’à 100 % du capital de leur société. La ressource est supérieure, mais elle n’est pas infinie ; les exigences de pluralisme doivent s’accroître en même temps que le nombre des opérateurs.
Le cadeau ainsi fait aux opérateurs privés de télévision, préalable à ceux que leur accorde ce projet de loi, concerne potentiellement tous ceux d’entre eux qui n’atteignent pas 8 % d’audience cumulée. Or, compte tenu de l’abondance de la ressource numérique, ils ne peuvent espérer franchir ce seuil ! Tous pourront donc se porter acquéreur des droits qu’ils ne détiennent pas encore sur leurs services de télévision en hertzien.
Sous ses airs de mesure technique, cette modification met à mal la règle anticoncentration qui garantissait le pluralisme et qui, sous tous les gouvernements, constituait un socle commun. Mais il est vrai que la politique ultralibérale de l’actuel gouvernement a cassé bien des socles communs ces derniers mois, parfois en catimini ! En l’occurrence, cette disposition, introduite dans l’anonymat d’un amendement cavalier au projet de loi LME, trouve subrepticement une place dans ce projet de loi sans que nous ayons réellement eu l’occasion d’en débattre sur le fond.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. La commission ne juge pas utile de revenir sur les dispositions de la loi de modernisation de l’économie, dont l’adoption, il y a moins de six mois, a déjà donné lieu à un débat. Elle est donc défavorable à l’amendement n° 385 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Albanel, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.
Relever le seuil d’audience de 2,5 % à 8 % était une mesure de bon sens ! Si nous ne l’avions pas adoptée dans le cadre de la loi de modernisation de l’économie, la chaîne M6 aurait par exemple été contrainte de vendre 51 % du capital de W9. TF1 était dans une situation similaire vis-à-vis de TMC.
Adopter cet amendement reviendrait à pénaliser le succès des chaînes de la TNT, ce qui ne semble absolument pas souhaitable.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Voguet, pour explication de vote.
M. Jean-François Voguet. Il est ici question de la loi de modernisation de l’économie, cavalier législatif à elle toute seule, et de l’amendement de commande déposé par M. Frédéric Lefebvre. Ce dernier est député des Hauts-de-Seine, département qui héberge un grand nombre de sièges sociaux de chaînes de télévision, dont TF1 à Boulogne-Billancourt, M6 à Neuilly-sur-Seine, Direct 8, propriété du groupe Bolloré, à Puteaux…
Cet amendement a permis de modifier le premier alinéa du I de l’article 39 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dite loi Léotard, en assouplissant les règles anticoncentration dans le secteur de la télévision. Pour les chaînes de la TNT, il a modifié non pas le taux relatif à la part de capital – la manœuvre aurait été trop grossière –, mais le taux d’audience totale, relevé de 2,5 % à 8 %. Avec un tel niveau, la règle anticoncentration a désormais peu de chance de se déclencher dans ce domaine !
Je rappelle que la majorité actuelle, qui était alors dans l’opposition, s’était opposée à la TNT lors du vote de la loi du 1er août 2000. Il faut dire que M6 et, surtout, TF1 avaient œuvré très activement contre son développement, ne croyant pas à l’époque à ce modèle de télévision.
En huit ans, la situation a bien évolué ! Les opposants d’hier, TF1 comme M6, ont investi dans ce secteur, la première de ces chaînes détenant 50 % de TMC et la seconde 100 % de W9. La TNT a peu à peu trouvé son public et d’autres groupes leur ont emboîté le pas. Bolloré détient par exemple 100 % de Direct 8 et Lagardère 100 % de Virgin 17 et 66 % de Gulli.
Pour justifier ce tripatouillage, on nous a expliqué que ce changement de taux d’audience était « vital pour soutenir le développement de la TNT ». Les chaînes du secteur ont pourtant très bien réussi à se développer avec l’ancien seuil !
Par ailleurs, le Gouvernement nous a expliqué que nous traitions d’un « modèle économique fragile ». Ne l’était-il pas au moment de son lancement en 2000 ?
Enfin, cette fragilité exigerait que ces chaînes – je cite toujours l’argumentaire que le Gouvernement a présenté l’été dernier – « soient soutenues par des groupes à l’assise financière solide », ces mêmes groupes qui avait tout fait pour que la TNT ne sorte jamais des cartons !
Aujourd’hui, les audiences sont en constante progression. Les grandes entreprises du secteur, ne souhaitant pas partager le gâteau, se sont donc inquiétées de l’obligation d’ouverture du capital que la loi leur imposait. Un simple changement des règles du jeu a suffi !
Le seuil de 2,5 % d’audience totale permettait de protéger le pluralisme et de lutter contre la concentration du secteur de la télévision. Cet objectif est plus que jamais d’actualité, alors que la question de la trop forte concentration des médias se pose avec autant d’acuité et que l’audiovisuel public est menacé d’asphyxie par la suppression de la publicité.
La disposition dont il est question ici avait déjà été orchestrée par le Président de la République au profit des chaînes privées, chaînes auxquelles le présent projet de loi accorde, faut-il le rappeler, une deuxième coupure publicitaire. Et, comme si cela ne suffisait pas, le Gouvernement vient également d’offrir, par décret en date du 24 décembre 2008, la possibilité aux seules chaînes privées d’allonger le temps de publicité en introduisant la méthode de comptabilisation par heure d’horloge.
Non content de supprimer la publicité sur l’audiovisuel public, le Gouvernement balise la voie pour pouvoir la rediriger vers les chaînes privées, qui se voient offrir de nouveaux et trop nombreux cadeaux.
C’est pourquoi nous soutenons et voterons cet amendement déposé par le groupe socialiste.