M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « l’organisation du service public de l’audiovisuel est un devoir de l’État. [...] Cette phrase n’insulte aucun avenir ; elle n’interdit aucune réforme en profondeur du service public. Elle interdit sa lente agonie [...]. L’essentiel est d’inscrire le principe de la télévision publique dans les piliers de l’identité française. L’essentiel, c’est vrai, consiste à sacraliser la télévision publique en France. »
Par ces mots, Catherine Clément, philosophe et écrivain, dans son rapport sur l’évaluation, l’analyse et les propositions concernant l’offre culturelle sur France Télévisions remis au ministre de la culture en 2002, a énoncé des principes qui me semblent aujourd’hui prophétiques.
Il faut sacraliser la télévision publique, car elle est un support extraordinaire de transmission de culture et de valeurs. C’est notre patrimoine commun, un outil au service du plus grand nombre. Elle est la première pratique culturelle contemporaine, la quasi-totalité de nos concitoyens la regardant. Pour ce faire, face à un paysage audiovisuel qui a profondément changé ces dernières années et qui va continuer à le faire, il est urgent de moderniser France Télévisions.
Il n’y a pas d’autre solution que le changement : la suppression de la publicité est une chance pour la télévision publique, une chance de sortir des émissions formatées et segmentées, une chance d’accroître son indépendance et sa spécificité, une chance de développer des projets audacieux sans pour autant tomber dans l’élitisme.
Les deux premiers titres du projet de loi visent ainsi, d’une part, à donner à la télévision publique les moyens juridiques et financiers de ce changement, et cela comporte plusieurs aspects, et, d’autre part, à l’inciter à mettre en œuvre les ambitions que l’on a pour elle, à s’emparer de la réforme de l’audiovisuel public.
Ce qui est certain, c’est que la réforme ne se fera pas sans le groupe France Télévisions. Ce groupe a d’ailleurs su prendre en main son destin, ayant déjà, par exemple, opéré un virage éditorial significatif ces dernières années et encore plus ces derniers mois. Reste que le chantier est important et France Télévisions peut, mieux que quiconque, donner un visage et une voix au service public.
Ce visage aura de multiples facettes qui correspondront aux lignes éditoriales des antennes, autant de marques à ne pas confondre avec l’entreprise ; mais il devra être aussi le reflet d’une politique exemplaire du groupe, respectueuse des diversités dans les modes de représentation au sein de la maison mais aussi sur les antennes. Quand je parle de « diversité », c’est, bien sûr, dans une large acception : je vise bien évidemment la diversité culturelle et sociale, mais aussi la diversité des origines et la diversité des sexes qui, toutes, font partie des exigences que l’on doit avoir pour notre audiovisuel public.
Un recensement effectué par le monitorage des médias montre qu’au niveau mondial la présence médiatique des femmes est de 21 %, contre 79 % pour celle des hommes. Selon ce même recensement, la France se situe en dessous de cette moyenne mondiale puisque la place qu’elle accorde aux femmes atteint 17,7 %, contre 82,3 % aux hommes. Elle dispose donc d’une certaine marge de progression !
La suppression de la publicité – mesure la plus emblématique du texte – ne doit pas pour autant occulter d’autres enjeux tout aussi fondamentaux. L’avenir passe aussi, bien évidemment, par la mise en place d’un média global. Les modes de communication et les usages médiatiques sont aujourd’hui déjà bouleversés.
Il faut bien mesurer que, s’il est vrai que la « consommation » de la télévision restera demain largement familiale, la délinéarisation permettra à chacun de faire un usage autonome et personnel de cet outil. L’écran du Net favorisera la recherche d’informations ainsi que le dialogue et le mobile sera aussi un écran de services et d’alerte.
De nouveaux produits seront proposés en amont et en aval de la chaîne premium sur tous les supports, déclinant ainsi une offre interactive pour tous les publics.
On pourra regarder – c’est déjà le cas – des émissions de manière différée. Nos jeunes, qui consomment beaucoup d’images et de fictions sur le haut débit et se constituent ainsi leur propre télévision, ont déjà compris le système.
L’essentiel est de pouvoir retrouver sur l’ensemble des supports médiatiques l’image et la voix du service public, avec des programmes spécifiques et un ton reconnaissable.
Donne-t-on à la télévision publique les moyens juridiques et financiers de réaliser ces projets ?
Je ne m’appesantirai pas sur les modalités de mise en place de l’entreprise unique France Télévisions qu’évoquera mon collègue Michel Thiollière, avec lequel j’ai mené un travail de collaboration. Je partage avec lui la conviction que des garanties doivent être apportées à l’entreprise en matière d’indépendance, de pluralisme et de vision à long terme.
Pour ce qui concerne le financement, constitué d’un panachage de ressources, mon collègue évoquera la création des taxes. J’aborderai, quant à moi, une question qui me paraît être au cœur du débat sur la télévision publique : celle de la redevance.
Nous estimons, en effet, que la question du financement de France Télévisions ne peut se passer d’un débat sur la redevance, qui est son financement le plus naturel, le plus dynamique et le plus pérenne. Un financement majoritairement assuré par la redevance, c’est ce qui différencie une télévision publique d’une télévision d’État.
Ce débat, que nous avions tenu à aborder lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2008, se poursuit et se développe ainsi aujourd’hui.
Je souhaite vous exposer, mes chers collègues, les différents arguments en présence.
La commission pour la nouvelle télévision publique a longuement réfléchi sur le modèle de développement et le modèle culturel de France Télévisions. Nous nous félicitons, à ce titre, que nombre de propositions qu’elle a émises aient été reprises à la fois dans le présent projet de loi et dans le projet de cahier des charges élaboré par le ministère de la culture. Le groupe de travail sur le modèle de financement a également œuvré, et de manière importante, notamment sur l’impact de la suppression de la publicité après vingt heures sur les ressources de France Télévisions, en l’estimant assez précisément à 450 millions d’euros.
S’agissant du coût du nouveau modèle de développement envisagé pour France Télévisions, le groupe de travail l’a chiffré à 200 millions d’euros, estimation reposant sur plusieurs ressources, dont les économies et les indexations de la redevance. Ce travail n’a pu que rester approximatif, car il faut reconnaître qu’il paraît difficile de réellement anticiper la totalité des conséquences de la mise en place de l’entreprise unique dans toutes ses dimensions.
De la même manière, la mesure précise de l’impact financier des missions de service public confiées à France Télévisions ne pourra être définitive qu’à l’issue de l’adoption de la loi.
Le groupe est, bien sûr, susceptible de réaliser des économies importantes, mais à quelle hauteur précisément, notamment pour ce qui concerne les trois prochaines années ?
Enfin, la question des possibilités qu’offrirait la modernisation de la redevance n’a pas été étudiée.
Ainsi, ni le coût du développement de France Télévisions, ni celui de la programmation de la nouvelle grille, ni celui de la mise en place de l’entreprise unique, encore moins les gains liés aux synergies mises en place n’ont pu faire l’objet d’une estimation approfondie et documentée.
L’indexation de la redevance prévue par la dernière loi de finances rectificative, âprement obtenue après que notre commission des affaires culturelles l’a défendue sans relâche ces dernières années, devrait permettre d’assurer un financement à euros constants de France Télévisions si l’intégralité de l’augmentation est affectée au groupe.
Si nécessaire soit-elle, cette indexation n’aura cependant qu’un impact de 40 millions d’euros en 2009. La commission des affaires culturelles vous proposera un amendement visant à renforcer le dynamisme de l’indexation en prévoyant que le montant sera arrondi à l’euro supérieur après indexation. Cela reste cependant modeste.
De même, en raison de l’arrivée du média global et de l’utilisation grandissante de l’ordinateur comme récepteur de télévision, la commission vous présentera un amendement visant à étendre la redevance à tout type de terminal. Le but est d’éviter que ne prospère une situation dans laquelle les personnes ayant choisi un mode de réception autre que l’écran traditionnel échappent à cette juste contribution.
Ce sont des premières étapes. Pour aller plus loin, il faut désormais que le législateur bénéficie de moyens dont il ne dispose pas aujourd’hui ; ces éléments n’ont pas été spécifiquement étudiés en détail par la commission Copé. Il faut que tous les aspects de la question évoquée désormais de la nécessaire modernisation de la redevance soient étudiés.
Du fait du manque de données objectives, il ne peut y avoir aujourd’hui de consensus ou d’accord politique ambitieux sur cette question. Nous l’admettons mais, dans ce cas, il est absolument impératif que l’on donne les moyens au Parlement d’étudier de manière plus approfondie la question du financement de France Télévisions.
C’est toute la tâche à laquelle s’est attelée la commission, soucieuse de se donner les conditions nécessaires pour entamer ce travail pour l’année 2009 afin d’aborder la prochaine loi de finances avec tous les éléments adéquats.
Il convient donc tout d’abord de confier au CSA le soin de rendre un rapport au Parlement sur le financement de France Télévisions avant l’examen de chaque projet de loi de finances. La commission a, d’ailleurs, renforcé ses moyens d’enquête afin que le Conseil puisse avoir des données précises et fiables et élaborer son avis de manière indépendante.
En Allemagne, une autorité indépendante spécifique évalue les besoins de financement de l’audiovisuel public. En France, nous avons estimé que le régulateur, autorité administrative indépendante, était le mieux placé pour mener à bien un audit régulier et pertinent de l’entreprise.
Par ailleurs, il faut aussi que le Parlement s’engage dès maintenant à définir le meilleur mode de financement des chaînes publiques. C’est la raison pour laquelle la commission propose la mise en place d’un comité de suivi de la loi, notamment sur le financement, composé de parlementaires et chargé de faire les propositions adéquates, après une enquête précise. Avec l’aide du rapport du CSA publié avant l’examen du projet de loi de finances, l’idée est de faire des propositions précises lors de la discussion du prochain projet de loi de finances afin – pourquoi pas ? –, de relever, si nécessaire, de manière importante le montant de la redevance ou de le baisser si des économies majeures sont réalisables.
Ainsi, nous donnons à France Télévisions les moyens de remplir ses missions à court terme et nous nous engageons, à moyen terme, à lui trouver un mode de financement satisfaisant et conforme à ses missions, un mode de financement qu’il faudra concevoir de manière pluriannuelle : tout chef d’entreprise a besoin d’un suivi sur le long terme.
Par ailleurs, afin de renforcer dès maintenant sa légitimité, nous proposons de mensualiser la redevance, de reconnaître un droit de regard sur la programmation aux téléspectateurs, qui sont aussi les premiers contributeurs de la télévision publique, d’affecter la redevance uniquement aux principaux opérateurs de l’audiovisuel public et même de changer sa dénomination : elle deviendrait la « contribution à la télévision et la radio publiques ». Je rappelle que, si nos propositions étaient adoptées, le montant de la redevance serait porté à 10 euros par mois, ce qui représente trois fois moins qu’un abonnement à un opérateur satellitaire proposant quelques chaînes supplémentaires, et dix fois moins que les dépenses moyennes mensuelles d’un ménage en matière de téléphonie. C’est également moins que le montant de redevance que les Français ont le sentiment de payer et qui s’établit, en moyenne, à 140 euros annuels.
Nous insistons néanmoins sur le fait que cette revalorisation de la redevance ne sera pleinement acceptée que si les programmes évoluent dans le sens d’une plus grande originalité, d’une plus large diversité et d’une meilleure qualité. Il faut donc que France Télévisions s’empare pleinement de la réforme.
C’est l’un des axes sur lequel s’est penchée la commission Copé, notamment le groupe de travail sur le modèle culturel auquel j’ai eu l’honneur de participer. J’insiste, à cet égard, sur la qualité du travail effectué par cette commission grâce à la rigueur et à la pertinence des interventions des professionnels du secteur, auxquels je souhaite aujourd'hui rendre un hommage appuyé. Pour ce qui me concerne, ils ont ouvert une large fenêtre sur la richesse et la complexité de la création et de la production audiovisuelles françaises. La plupart de leurs préconisations ont été reprises dans le projet de cahier des charges, comme le renforcement du soutien à la diversité et à la création, la définition d’une nouvelle ambition culturelle et l’incitation à la mise en place du média global, notamment par la mise en œuvre de nouvelles manières de produire des contenus.
Ce cahier des charges fait ainsi de France Télévisions une télévision exemplaire en matière d’accessibilité aux personnes handicapées, d’accès à la culture, de promotion de la citoyenneté, d’éducation de la jeunesse, de sensibilisation à notre environnement, à l’Europe. Je vous y renvoie parce qu’il serait fastidieux en cet instant de vous en décliner le contenu.
C’est bien, c’est même très bien, mais l’on peut encore faire mieux. C’est la raison pour laquelle l’Assemblée nationale a élargi le champ des missions de service public. C’est aussi la raison pour laquelle la commission des affaires culturelles vous proposera de promouvoir le multilinguisme dans les programmes de France Télévisions, en rendant systématiquement accessible la version originale des œuvres étrangères diffusées,…
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Très bien !
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. …et, surtout, de rendre gratuite la télévision de rattrapage sur les sites internet de France Télévisions.
Il est capital, selon moi, que les programmes financés par la contribution à la télévision et à la radio publiques soient accessibles gratuitement dans un certain délai après leur diffusion à l’antenne. Cette disposition rajeunira l’audience des chaînes de France Télévisions et donnera une justification supplémentaire à la revalorisation de la redevance.
Si l’on veut une réforme de l’audiovisuel réussie, il faut de nouveaux services pour les citoyens. Voilà deux services qui nous ont semblé être au cœur de la mission de service public.
Par ailleurs, la commission pour la nouvelle télévision publique a décrypté les raisons du succès des chaînes publiques étrangères comme la BBC. Je constate que le projet de loi permet une adaptation pertinente du modèle de l’audiovisuel public français. Cette évolution s’inscrira dans une mutation européenne globale accompagnée par une transposition équilibrée de la directive « Services de médias audiovisuels », la directive SMA. Ce rapprochement des régimes juridiques en Europe devrait permettre de répondre aux impératifs de protection des mineurs, d’accessibilité des programmes et de développement des nouvelles méthodes de production et de diffusion.
Après avoir évoqué les conditions du succès de la présente réforme, je souhaite enfin dissiper quelques inquiétudes qui apparaissent ici et là.
Tout d’abord, nous nous attachons à ce que le secteur de la création sorte renforcé de ce projet de loi. Le risque est qu’une plus grande diversité n’engendre pas plus de création
Je veux maintenant dire quelques mots, mes chers collègues, sur le formidable secteur qu’est l’industrie de la création, source de nombreuses richesses et de nombreux emplois, elle qui fait travailler en partenariat des producteurs, des auteurs, des créateurs, des techniciens, ainsi que des réalisateurs, autant de métiers artistiques qui font vivre cette industrie et qui en vivent.
Notre pays peut s’enorgueillir de cette industrie culturelle. Rappelons que la moitié des films nommés aux César en 2008 étaient coproduits par France 2 Cinéma et par France 3 Cinéma. Il faut avoir cela à l’esprit lorsque l’on envisage une réforme profonde du paysage audiovisuel français. La richesse des métiers de la production pourra d’autant mieux s’exprimer, selon moi, que les regards des différentes chaînes du paysage audiovisuel français seront multiples, différents, singuliers.
Au cours des auditions qu’ils ont conduites, vos rapporteurs ont pu constater que l’idée de constituer des unités de programme au sein de l’entreprise unique éveillait l’intérêt mais suscitait aussi un certain nombre de craintes.
Mes chers collègues, tout en maintenant le principe des unités de programme, la commission des affaires culturelles vous proposera donc des amendements visant à assurer la collégialité des décisions prises par France Télévisions, afin que la mise en place de l’entreprise unique ne signifie pas qu’une seule personne tiendra dans ses mains l’ensemble de la programmation des chaînes publiques.
Garantir le financement de l’audiovisuel public, c’est préserver l’économie de ce secteur face à la concurrence du marché américain.
En outre, nous souhaitons renforcer l’identité des différents réseaux, et notamment de France 3, dite « la chaîne des régions ». J’évoquerai en quelques mots ce sujet auquel, mes chers collègues, je vous sais sensibles.
La chaîne préférée des Français doit sortir dynamisée de l’examen de ce texte. À cet égard, la commission des affaires culturelles a proposé de confirmer l’existence législative de France 3 et de préciser ses missions, au premier rang desquelles figure la dimension régionale, qui doit être renforcée.
Les temps de décrochage sont aujourd’hui largement insuffisants. Sans se départir de sa dimension nationale, France Télévisions devra non seulement diffuser plus – c’est évident –, mais aussi concevoir des programmes en région.
France 3 dispose en effet d’un énorme potentiel : elle est la seule chaîne qui puisse, jour après jour, refléter la richesse de la vie culturelle, économique, sociale et politique de nos territoires.
Avec la mondialisation, les Français aspirent à un ancrage territorial. Il faut donc laisser plus de place sur les antennes, y compris nationales, aux programmes conçus et réalisés dans les régions.
De même, la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France devra trouver un équilibre pertinent qui soit à la hauteur des ambitions que nous avons conçues pour elle. Les amendements que nous proposerons viseront principalement à améliorer le contrôle du Parlement sur cet organisme et à stabiliser son conseil d’administration.
Mes chers collègues, malgré ma satisfaction d’ensemble, qui ne sera entière que si le Sénat accepte de suivre les propositions de la commission dont j’ai l’honneur d’être le co-rapporteur, je souhaiterais vous faire part d’un regret personnel.
La commission Copé avait proposé que la suppression de la publicité après vingt heures ne soit effective qu’en septembre prochain, ce qui aurait permis de laisser plus de temps au débat et à l’analyse, ainsi que d’apaiser les esprits. Cette proposition n’a pas été retenue : le conseil d’administration de France Télévisions a dû accéder à la requête du Gouvernement et appliquer cette mesure dès le 5 janvier dernier. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Michel Boutant. Caporalisme !
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. J’en prends acte, par réalisme et pragmatisme, mais je ne pouvais, à ce moment de la discussion, faire taire en moi la voix du regret.
Avant de conclure, je soulignerai que nous allons vivre une période d’innovation passionnante, dont nous devons nous emparer.
Au cœur du paysage nouveau, le service public doit jouer un rôle central et exemplaire ; il doit être le moteur de la recherche, du développement et de la créativité des programmes.
Mes chers collègues, c’est un TGV que nous lançons. Il faut donc veiller – et nous comptons sur vous à cet égard, madame la ministre – à lui offrir, pour les années qui viennent, des moyens qui ne soient pas ceux d’un train corail !
Enfin, je me félicite de l’avis favorable émis par la commission sur ce projet de loi, sous réserve de l’adoption des amendements ambitieux, mais propres à conforter l’équilibre du texte, qu’elle vous proposera tout au long de ce débat. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Michel Thiollière, rapporteur.
M. Michel Thiollière, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après Mme Catherine Morin-Desailly, je vous livrerai à mon tour quelques éléments de réflexion puisés dans les travaux de la commission des affaires culturelles.
Catherine Morin-Desailly soulignait à l’instant que nous lancions un TGV. Or, comme vous l’aurez remarqué, un tel train, pour bien fonctionner, doit posséder une cabine de tête et une cabine de queue ! (Sourires.)
M. Ivan Renar. Et des caténaires !
M. Michel Thiollière, rapporteur. C’est ainsi que nous avons travaillé, ensemble, afin de faire avancer notre TGV !
Mes chers collègues, rarement projets de loi auront fait couler autant d’encre que ceux que nous examinons aujourd’hui.
Sur l’origine de la réforme qui nous occupe, tout a été dit, ou presque, depuis un an. La grande comme la petite histoire auront été scrutées, analysées et parfois même inventées. En effet, nous entamons l’examen de ces textes presque un an jour pour jour après le discours du Président de la République sur la réforme de l’audiovisuel public.
Mes chers collègues, nous avons l’impression que tout a été dit, mais je veux souligner que rien n’est encore fait.
M. Jean-Pierre Bel. En effet !
M. Michel Thiollière, rapporteur. Au contraire même, tout reste à faire pour lancer la réforme de l’audiovisuel public.
Certes, le 5 janvier dernier – voilà donc deux jours –, une réforme importante est intervenue, à savoir la suppression de la publicité, qui modifie considérablement la grille des programmes.
Nous avons eu l’occasion d’en discuter entre nous et de nous exprimer à cet égard. Nous estimons qu’il s’agit d’une réforme utile, même s’il est vrai que son calendrier, c'est-à-dire le télescopage de son entrée en vigueur avec l’examen de ce texte au Sénat, a heurté un certain nombre d’entre nous.
Il nous appartient à présent de nous exprimer sur ce projet de loi, car, je le répète, la suppression de la publicité n’épuise pas le débat sur l’audiovisuel public, loin s’en faut, tant sont considérables les enjeux auxquels nous sommes confrontés.
D'ailleurs, le 5 janvier dernier au soir, France 2 a programmé une très belle émission, Rendez-vous en terre inconnue, qui a rencontré un grand succès d’audience. De nombreux Français ont pu l’apprécier sans coupure publicitaire. C’est l’occasion pour nous de rendre hommage à ceux qui conçoivent et programment ces émissions, lesquelles sont tout à l’honneur du service public.
Le paysage audiovisuel est bien différent aujourd'hui de ce qu’il était voilà maintenant vingt-deux ans, quand fut adoptée la dernière loi importante dans ce domaine. La télévision a en effet changé de périmètre. Son volume n’est plus du tout le même : il n’y a pas si longtemps, mes chers collègues, nous disposions de quelques chaînes seulement ; aujourd'hui, nous pouvons en recevoir dix-huit gratuitement grâce à la TNT, et des centaines grâce au satellite.
Compte tenu de ce grand changement, nous avons le devoir de légiférer en nous adaptant aux nouvelles pratiques de nos concitoyens.
Le 8 janvier 2008, l’annonce par le Président de la République de la suppression de la publicité sur les chaînes publiques fut une surprise, une surprise heureuse pour nombre d’entre nous qui attendions cette mesure depuis longtemps.
Toutefois, ce jour-là, le chef de l’État a également souligné que cette réforme n’avait pas seulement des enjeux financiers : elle met en cause des valeurs, à savoir la transmission des connaissances, la création et l’éducation. Je souhaite y insister, après Catherine Morin-Desailly, au moment où s’engage une réforme essentielle de l’audiovisuel public, car ces valeurs sont au cœur du service que nous devons rendre aux Français.
Si, depuis quelques jours, le Sénat a paru parfois dépossédé de son débat, si quelques-uns d’entre nous ont été blessés par le calendrier adopté, je tiens néanmoins à vous indiquer, mes chers collègues, que la commission des affaires culturelles a l’intention de s’emparer de cette question dans tous ses aspects, et de débattre au fond de l’audiovisuel, sans céder à l’amertume. En effet, le Sénat doit être volontaire, ambitieux et constructif dans l’examen de ce projet de loi.
Dans cette perceptive, nous avons mené au sein de la commission une réflexion, qui se poursuivra d'ailleurs dans les semaines qui viennent. Nous avons beaucoup dialogué, en écoutant des avis nombreux, divergents parfois, mais qui avaient tous la même ambition : refondre l’audiovisuel public de notre pays.
Nous nous sommes aussi efforcés, autant que faire se pouvait, de développer une vision d’avenir, en réfléchissant à ce que doit être à long terme le paysage de l’audiovisuel français.
Confrontés à ces enjeux, et parfois aussi à certaines idées reçues, nous souhaitons évoquer quatre exigences, qui nous semblent fondamentales, afin de baliser les nouveaux territoires de l’audiovisuel : un bon équilibre entre les secteurs public et privé, l’indépendance du secteur public – cela va sans dire –, le service public rendu à tous les Français et le domaine de la création.
En ce qui concerne l’équilibre entre le secteur public et le secteur privé, notre pays a besoin, à mon avis, d’un pôle public fort, ambitieux et populaire dans le meilleur sens du terme, c'est-à-dire qui s’attache à toucher le plus grand nombre d’entre nous.
Comme le soulignait le réalisateur Pascal Thomas dans l’entretien qu’il a accordé au journal Le Monde le 3 janvier dernier, ce nouveau pôle public devra être, en quelque sorte, désintoxiqué de la publicité. Il aura une véritable vocation de service public, avec des contraintes et un métier qui lui sont propres, certes, mais aussi des ambitions nobles.
Parallèlement, notre pays a tout intérêt à disposer d’un pôle privé qui soit fort, parce qu’il sera ainsi garant de la pluralité de l’offre et de la diversité des contenus offerts à nos concitoyens.
C’est l’occasion pour nous de rendre hommage aux salariés qui travaillent dans le service public ou dans le secteur privé de l’information, à la télévision comme à la radio, parce qu’ils sont compétents et mettent tout en œuvre pour offrir des programmes de qualité à nos concitoyens.
Ces deux pôles, essentiels pour garantir une offre de service diversifiée, contribuent aussi à assurer la présence de notre pays partout dans le monde, du moins là où nos nombreuses chaînes de télévision et de radio sont vues et entendues.
En ce qui concerne l’indépendance, nous devons nous arrêter un instant sur le sens de ce mot.
À qui doit profiter cette indépendance ? Selon nous, elle doit d'abord servir les Français, les valeurs de la République et la création ! S'agissant du service public, par rapport à quoi s’exerce-t-elle ? Par rapport aux intérêts commerciaux, au formatage des idées, dont on sait qu’il peut atteindre tous les domaines de la société, et à la pensée unique. Comment atteindre ce haut niveau d’indépendance ? Tout d'abord, en faisant confiance à l’indépendance d’esprit de ceux qui travaillent dans le service public et auxquels je rendais hommage, très sincèrement, voilà un instant.
Cette indépendance s’applique aussi au domaine de la création et de l’innovation. Ceux qui sont chargés de l’audiovisuel doivent faire preuve à la fois de créativité et d’innovation, car celles-ci constituent également des garanties d’indépendance.
Bien entendu, se posent les questions de la nomination et, éventuellement, de la révocation du mandat du président de France Télévisions, qui ont fait l’objet de longs débats.
En ce qui concerne la nomination du président de France Télévisions, il ne nous paraît pas illégitime, dans un pays comme le nôtre, que le Président de la République puisse indiquer clairement et de façon transparente à qui il souhaite confier la responsabilité de cette entreprise. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)