M. Robert del Picchia. Oh si!
Mme Nicole Bricq. .. et ils le savent très bien au fond d’eux-mêmes.
Pour nous, membres de l’opposition, la relativité est moins grande, car nous voterons contre ce projet de budget. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) En effet, madame la ministre, monsieur le ministre, nous ne croyons pas aux vertus de ce texte, et ce pour deux raisons essentielles.
Votre hypothèse macroéconomique et votre prévision de croissance, même révisées, ne seront pas tenues, vous le savez très bien. Quant à votre hypothèse de déficit, elle est d’ores et déjà dépassée.
Comme pour le budget précédent de 2008, dont l’exécution s’est révélée fausse, ainsi que nous l’avions annoncé, le présent budget repose sur des hypothèses qui ne manqueront pas de se révéler tout aussi fausses, dans des circonstances, il est vrai, exceptionnelles.
Il faudra bien, cependant, que nous sortions un jour de la crise. Nous ne savons ni quand ni comment, d’autant que celle-ci n’a pas encore fait sentir tous ses effets. En tout état de cause, nous n’en sortirons pas plus forts que lorsque nous y sommes entrés.
Que peut-on retenir de cet exercice ?
Premier enseignement, – et vous avez beaucoup insisté sur ce point, monsieur le ministre –, ce budget est marqué par la compression de la dépense, au détriment, principalement, des collectivités locales.
M. René-Pierre Signé. C’est vrai !
Mme Nicole Bricq. Vous le savez tous, mes chers collègues, les collectivités locales seront obligées soit de réduire la voilure de leurs investissements, précisément au moment où le Président de la République, dans son discours de Douai, les a appelées à concourir au soutien à l’investissement et à l’activité économique, soit d’augmenter les impôts, ce qui pèsera à l’évidence sur le pouvoir d’achat des Français.
Si cette compression de la dépense peut vous satisfaire, elle ne correspond vraiment pas à la situation actuelle.
Ensuite, s’agissant de la première partie du budget consacrée aux recettes, je note, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des finances, que vous avez refusé le débat fiscal.
Nous vous avons proposé, au nom du groupe socialiste, nombre d’amendements portant sur la fiscalité, notamment sur l’impôt sur le revenu pesant sur les ménages, l’impôt de solidarité sur la fortune et le bouclier fiscal, mais vous ne nous avez pas entendus.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous en avez tout de même parlé longuement ! On vous a écoutés, sinon entendus ! (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Bricq. Lors de l’examen de la seconde partie, alors que celle-ci n’a aucune portée opérationnelle immédiate, nous avons assisté à une pièce de théâtre : nous nous sommes trouvés en présence d’une trilogie où le péché originel de notre fiscalité était attribué à l’impôt sur la fortune, source de tous ses défauts.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Non ! C’est le bouclier fiscal !
Mme Nicole Bricq. En ces temps de disette budgétaire et de crise, est-ce vraiment le moment de supprimer un impôt qui rapporte, bon an mal an, 4 milliards d’euros ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Quelle est la trilogie ?
Mme Nicole Bricq. Il faut la prendre dans le bon ordre !
Vous avez refusé de supprimer le bouclier fiscal. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Comment cela ?
Mme Nicole Bricq. Nous vous renvoyons au principe républicain, selon lequel chaque citoyen doit payer l’impôt à raison de ses facultés contributives.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est ce que nous proposons !
Mme Nicole Bricq. À la fin de ce débat, vous avez abouti à un plafonnement global des niches – disposition que le Gouvernement a fini par admettre, après y avoir été longtemps réticent –, alors même que l’on sait très bien – cela a été démontré excellemment à l’Assemblée nationale – que ce plafonnement ne règlera pas le problème de la contribution à l’impôt sur le revenu et que certains de nos concitoyens les plus aisés continueront à ne pas le payer.
Pour notre part, nous sommes attachés à la progressivité de l’impôt, à son paiement par tous.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous aussi !
Mme Nicole Bricq. Nous n’avons jamais entendu, dans ce théâtre d’ombres sur la fiscalité,…
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous êtes donc une ombre parmi les ombres !
M. Jean-Louis Carrère. Et vous, vous n’êtes pas une lumière !
Mme Nicole Bricq. … défendre la réhabilitation de l’impôt. Eh bien ! nous, nous sommes pour la réhabilitation de l’impôt ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Madame la ministre, vous nous aviez présenté, en tout début d’exercice, l’introduction, révolutionnaire, de la fiscalité écologique dans notre budget. Or, la nuit dernière, nous en avons vu les limites et nous avons pu mesurer la distance entre les déclarations liées au Grenelle de l’environnement et la mise en application très concrète dans le budget de mesures fiscales dans ce domaine.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
Mme Nicole Bricq. Du reste, on peut le comprendre, car notre fiscalité est tellement contrainte que, aujourd’hui, à prélèvement constant, vous ne pouvez pas introduire de telles dispositions
Vous ne vous donnez pas les moyens de faire en sorte qu’il ne s’agisse pas d’une fiscalité pour les riches ! La fiscalité doit permettre à tout le monde, notamment aux plus pauvres, de bénéficier de l’effort de mobilisation d’un grand nombre d’investissements qui sera accompli au cours des dix prochaines années. Avec la fiscalité que vous mettez en place, les pauvres en seront exclus et ce seront les riches qui en profiteront, comme d’habitude !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Faisons-les partir ! C’est une bonne idée !
Mme Nicole Bricq. Avant de terminer (Ah ! sur les travées de l’UMP.) – je garde le meilleur pour la fin ! (Sourires.) – j’évoquerai quatre dispositions dont la portée symbolique de vos orientations s’étend bien au-delà de cet hémicycle. Si vous avez lu la presse, entendu les commentaires de personnes de condition très modeste, vous comprendrez mon propos.
Tout d’abord, nous avons échappé – il faut le dire, soyons honnêtes ! –, mais de peu, à une proposition visant à faire éponger par les contribuables les moins-values boursières enregistrées en 2008. (Huées sur les travées du groupe socialiste.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. C’est faux ! C’est du terrorisme intellectuel !
Mme Nicole Bricq. Nous y avons échappé, mais il s’en est fallu de peu !
En revanche, nous n’avons pas échappé à l’amendement connu du grand public sous l’appellation « amendement Tapie » !
M. Yannick Bodin. C’est une honte !
Mme Nicole Bricq. Il s’agissait à nos yeux non pas de morale, mais de la défense des intérêts de l’État dans le cadre d’une procédure extraordinaire.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous étiez contente de l’avoir dans les gouvernements que vous souteniez !
Mme Nicole Bricq. Je vous parle de la situation d’aujourd’hui, 10 décembre 2008 !
M. Jean-Louis Carrère. Le Front populaire, c’est fini !
Mme Nicole Bricq. Nous avons eu droit sans vergogne au vote de cet amendement.
Nous avons également eu droit à l’amendement « Lefebvre », voté par la majorité de l’Assemblée nationale, visant à relever une nouvelle fois le plafond des réductions d’impôt pour les ménages employant une personne à domicile.
M. Henri de Raincourt. C’est la première fois !
Mme Nicole Bricq. Quand on reprend tous les budgets, on constate que vous avez augmenté ce plafond régulièrement, alors que, vous le savez très bien, cette mesure ne profite qu’aux personnes les plus aisées, soit 10 % des ménages, selon la publication de l’INSEE France, portrait social du 6 novembre.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Image d’Épinal !
Mme Nicole Bricq. Enfin, en parallèle, la nuit dernière, vous avez supprimé, certes de façon progressive, la demi-part des personnes seules ayant élevé un enfant. (Nouvelles huées sur les travées du groupe socialiste.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mais n’ayant personne à charge !
Mme Nicole Bricq. La société étant ce qu’elle est, ces personnes seules sont des bataillons de femmes qui ont travaillé pour le pays, qui ont élevé leurs enfants ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. C’est une image d’Épinal ! La demi-part est d’autant plus intéressante que l’on a des revenus élevés !
Mme Nicole Bricq. Au moment où les sénateurs, de gauche comme de droite, sont quelque peu vilipendés, croyez-vous qu’il est à l’honneur du Sénat de voter les dispositions que je viens de vous énumérer ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Michel. Certainement pas !
Mme Nicole Bricq. Nous ne le pensons pas. Par conséquent, nous ne voterons pas en faveur de ce projet de budget ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’heure tardive ne se prête pas aux grands exposés. À défaut d’être original, il faut choisir d’être bref. C’est ce que j’essaierai de faire. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Madame la ministre, le projet de loi de finances sur lequel nous nous prononcerons dans quelques instants présente la particularité d’être éphémère puisque, dès la semaine prochaine, le collectif budgétaire nous amènera à le modifier profondément.
Néanmoins, même si le projet de loi de finances pour 2009 aura une vie relativement brève, nous devons nous interroger : les dispositions prévues sont-elles de nature à aider notre pays à faire face à la crise et nous permettront-elles, en en ajoutant d’autres, d’être plus efficaces ?
M. Michel Mercier. C’est à l’aune de cette réponse qu’il nous faudra prendre notre décision concernant le vote de ce texte.
Nos discussions ont montré que nous pouvions faire avancer les choses sur un certain nombre de points, et que des thèmes intéressants étaient abordés au Sénat.
Je pense, notamment, au débat très long que nous avons eu sur les relations entre l’État et les collectivités locales. Il en est ressorti que le fonds de compensation de la TVA était devenu un outil essentiel pour bien équiper notre pays. Parmi les concours financiers que l’État accorde aux collectivités locales, seul le FCTVA a son régime propre et doit être respecté. Si les autres concours de l’État doivent connaître des limitations, la Haute Assemblée a décidé qu’il ne fallait pas toucher au fonds de compensation de la TVA. Ce faisant, nous avons été bien inspirés puisque, quelques heures après notre discussion, le Gouvernement et le Président de la République ont décidé de faire du fonds de compensation de la TVA pour 2009 l’un des outils de la relance.
Il est donc sage que le Sénat ait pris l’initiative de bien dégager le fonds de compensation de la TVA des autres concours financiers que l’État peut apporter aux collectivités locales.
À l’évidence, ce n’est pas la loi de finances qui fera disparaître le déficit : ce sont les efforts que nous accompliront et les forces que nous mettrons pour sortir de la crise.
Ce budget est forcément un budget d’attente ; il prépare les conditions de la relance. Je souhaite que, dès le projet de loi de finances rectificative pour 2008, qui comprendra de nombreuses mesures pour 2009, et le second projet de loi de finances rectificative du début du mois de janvier prochain, nous trouvions les vrais moyens d’assurer une relance massive.
Les Françaises et les Français attendent de nous cette relance. Nous ne pouvons pas rester en dehors de l’action quand autant d’emplois sont en jeu et que de nombreuses entreprises peuvent être sinistrées. Nous devons être prêts à aller plus vite, plus loin et plus fort afin de participer, dans un cadre qui ne peut être qu’européen, à la grande relance de notre économie.
C’est seulement si cette relance réussit que nous pourrons retrouver la voie de la sagesse budgétaire. Mais, aujourd'hui, la sagesse exige de nous un peu d’audace en matière de finances publiques.
Notre groupe soutient le projet de loi de finances pour 2009, car il nous permettra d’avoir demain des marges de manœuvre pour nous engager en faveur de la relance. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant toute chose, permettez-moi de remercier, au nom des membres du groupe CRC-SPG, l’ensemble des personnels du Sénat, administrateurs et fonctionnaires, qui, par leur disponibilité, ont permis que les débats qui nous ont occupés se déroulent dans les meilleures conditions.
Mes chers collègues, les débats budgétaires sont toujours complexes et s’apparentent parfois à des pièces de théâtre où les rôles sont relativement bien partagés, mais il s’agit d’abord et avant tout de débats profondément politiques.
Je serais presque tenté de dire que la controverse politique est peut-être la seule chose qui nous reste, à défaut de voir le contenu de la loi de finances évoluer de manière significative au fil des discussions.
Quand nous examinons le budget, nous prenons date plus que nous n’agissons sur le présent, et l’opinion publique est le témoin de nos controverses politiques et idéologiques.
Idéologie pour idéologie, monsieur le rapporteur général, votre discours pathétique sur les malheurs des petits porteurs que la chute des cours de Bourse a conduits à vendre leurs actions en est une parfaite illustration. Vous n’avez jamais réussi, ni vous ni la majorité, à nous faire comprendre qui étaient ces petits porteurs !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je vous en ferai rencontrer !
M. Thierry Foucaud. Et pourquoi n’avez-vous pas pu le faire ? Tout simplement parce que notre pays compte 5 millions d’actionnaires et que votre amendement ne paraissait devoir en intéresser que 100 000 ou 150 000, soit 2 % à 3 % des actionnaires,…
M. Philippe Marini, rapporteur général. C’est bien ce que je disais !
M. Thierry Foucaud. …ce qui est peu au regard du nombre des contribuables de l’impôt sur le revenu. Pour quelle raison la grande majorité des actionnaires ne fait-elle pas jouer le dispositif d’imposition séparée des plus-values, monsieur le rapporteur général ? Tout simplement parce que ceux-ci n’y ont pas intérêt. Pour avoir intérêt au régime particulier, il faut acquitter un impôt sur le revenu dépassant 18 % de son revenu imposable, c’est-à-dire un peu plus de deux mois de salaire. Dans un pays qui compte 50 % de personnes non-imposables, dont un grand nombre de petits et très petits porteurs d’actions, ce n’est pas forcément une situation si fréquente.
Bref, sur cette question, comme sur bien d’autres, nous sommes en présence d’une discussion profondément politique et idéologique.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela n’aurait pas coûté beaucoup !
M. Thierry Foucaud. Cette idéologie a conduit la majorité sénatoriale, en 2007, à soutenir bec et ongles la prétendue loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat. À l’époque, il s’agissait de traduire les propositions présidentielles du candidat Nicolas Sarkozy.
Travailler plus pour gagner plus ? Pas de problème : défiscalisons les heures supplémentaires ! Bilan de cette mesure : 1 milliard d’euros de dépenses non réalisées, c’est-à-dire d’heures supplémentaires qui n’ont pas été accomplies. Dans le même temps, nous assistons à des suppressions massives d’emplois dans le secteur de l’intérim : 50 000 postes ! Désormais, de nombreuses entreprises sont touchées par le chômage technique et les plans sociaux !
Les salariés de Renault à Sandouville, d’Amora à Dijon ou de Peugeot à Sochaux ont peut-être fait des « heures supplémentaires Sarkozy », mais, aujourd’hui, ils sont soit licenciés, soit en vacances forcées pour cause de chômage technique jusqu’au 1er janvier prochain.
Faut-il renforcer le bouclier fiscal pour faire en sorte que le travail soit moins taxé ? Pas de problème : on a réduit le taux de plafonnement à 50 % du revenu, on a ajouté la CSG, et on a attendu. Où en est-on ? Plus ou moins 20 000 contribuables ont demandé une restitution au titre du bouclier fiscal et moins de 500 d’entre eux se sont partagé 120 millions d’euros, soit les deux tiers de ce qui a été rendu.
Cette année, le bouclier fiscal aura coûté 650 millions d’euros, permettant sans doute aux plus aisés de bénéficier d’une remise encore plus importante. Les 7 millions de Mme Meyer sont peut-être devenus 20 millions ou 30 millions d’euros cette année !
Et le tout, pour quel résultat ? Vu l’état de la croissance, le moins que l’on puisse dire est que nous sommes loin du compte, loin de vos discours, loin de vos promesses.
À dire vrai, rien dans la politique menée par le Gouvernement n’a empêché le développement de la crise, la dérive des comptes publics, la hausse du chômage, la persistance d’un haut niveau d’inflation et les atteintes au pouvoir d’achat populaire.
Pour notre part, nous nous étions attachés, dans la loi de finances pour 2008 comme dans la présente loi de finances, à proposer des mesures tendant à accroître le pouvoir d’achat des ménages salariés et à remettre d’aplomb notre fiscalité en direction de l’économie de production, abandonnant enfin la primauté accordée à la financiarisation et à la spéculation. Vous avez voté contre nos propositions.
Baisser la TVA ? Vous avez voté contre ! Impossible, pour vous : ce n’est pas le moment.
Financer les entreprises par un développement du crédit peu onéreux assis sur l’épargne populaire? Vous avez voté contre : ce n’est pas le moment. La Bourse, c’est tellement mieux !
Supprimer les niches fiscales bénéficiant exclusivement aux plus riches et aux grandes entreprises ? Ah non, cela met en cause l’emploi ! Les mesures que nous avons proposées sont trop brutales, techniquement mal rédigées, que sais-je encore ? (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.) Vous avez également voté contre.
En revanche, ce qui vous semble plein de bon sens, c’est réduire encore la dépense publique, quitte à accroître encore et toujours la dépense fiscale. C’est supprimer des milliers de postes de fonctionnaires, dont 28 000 enseignants. C’est taxer les contribuables célibataires, veufs ou divorcés modestes, les salariés victimes d’accidents du travail, plus que les contribuables de l’ISF.
Permettez-moi de rappeler ici, rapidement, ce que la majorité des parlementaires centristes, Nouveau centre et Modem réunis, ont proposé tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. Ces parlementaires ont suggéré, sans succès, la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune, mais ils ont obtenu, pour le moment, gain de cause sur l’imposition des indemnités d’accident du travail. Ils ont également réussi à supprimer la demi-part des veuves et divorcées. Notre groupe avait déposé un amendement pour la rétablir.
Ils ont été aidés en cela par le rapporteur général qui, manifestement, a une vision pour le moins déformée de la lutte contre les niches fiscales.
Que les élus centristes, comme ceux de la majorité qui les ont suivis, aillent expliquer, demain, aux salariés de ce pays que, s’ils sont accidentés du travail, ils paieront des impôts même si leur employeur voit sa responsabilité engagée dans l’affaire, et que, s’ils sont divorcés, ils devront se résoudre à en payer davantage.
Tout le monde, il est vrai, n’a pas la chance d’être actionnaire ou d’investir, au mieux de ses intérêts, outre-mer ou dans le capital des PME !
C’est la France de l’affairisme, des châteaux, de l’optimisation fiscale (Exclamations indignées sur les travées de l’UMP.), du parasitisme financier, que vous avez, encore une fois, et peut-être bien une fois de trop, défendue avec acharnement depuis trois semaines.
M. Christian Cointat. Vous remontez trente ans en arrière !
M. Thierry Foucaud. Nous remontons peut-être trente ans en arrière, mais, pour l’instant, nous avons 30 000 chômeurs de plus et 300 000 à 400 000 prévus pour l’année prochaine ! Essayez de prendre des dispositions d’avenir pour que la France puisse aller mieux demain !
M. Christian Cointat. Il faut se moderniser !
M. Thierry Foucaud. C’est la France qui travaille, celle qui se lève tôt, celle qui ne ménage pas sa peine et qui produit des richesses que vous allez encore taxer, encore et toujours ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Bien sûr, mes chers collègues, tout ce débat budgétaire n’a qu’une portée limitée. Avant même que la commission mixte paritaire ait rendu ses conclusions sur le présent texte, le Gouvernement, emboîtant le pas au Président de la République, dans la continuité du discours de Douai, aura présenté au Palais-Bourbon le contenu des dispositions fiscales prévues par le plan de relance annoncé.
Nous connaissons déjà les contours de ces mesures : crédit d’impôt renforcé pour les banques distribuant les prêts à taux zéro, nouveau crédit d’impôt pour les filiales de crédit de Renault et de Peugeot confrontées à la mévente de l’automobile, entre autres, ...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Toujours la même chose, toujours des exonérations !
M. Thierry Foucaud. … mais rien, apparemment, pour les salariés !
Pas de baisse de la TVA, même pas de baisse ciblée en faveur d’un secteur à « forte intensité de main-d’œuvre », comme la restauration ou la coiffure et les services personnels ! Pas de baisse de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, pas de baisse des prix de l’énergie, pas de décision de blocage des loyers du secteur privé ! Aucune des mesures contenues dans les annonces du plan de relance ne répond, d’une manière ou d’une autre, aux attentes des salariés de ce pays et de leurs familles.
D’ailleurs, le monde du travail doit s’attendre, cette année encore, à de nouveaux sacrifices, puisqu’aux mesures fiscales que j’ai rappelées plus haut vont s’ajouter les franchises médicales, les déremboursements, la mise en cause de la retraite à soixante ans et la hausse des impôts locaux, conséquence du reniement, par l’État, de la parole donnée aux collectivités locales. (Exclamations sur les travées de l’UMP) Une fois encore, vous allez les mettre à contribution pour solder les mauvais comptes de votre mauvaise politique, en leur transférant des charges et en réduisant leurs moyens !
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre cette loi de finances pour 2009, telle qu’elle résulte des travaux du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite commencer mon propos par des remerciements.
Je voudrais vous remercier, monsieur le président, ainsi que les vice-présidents qui ont dirigé les débats pendant l’ensemble de la discussion.
Je voudrais également remercier M. le président de la commission des finances, Jean Arthuis, M. le rapporteur général, Philippe Marini, ainsi que les quarante-six rapporteurs spéciaux de la commission des finances et les soixante-six rapporteurs pour avis, avec une attention particulière, si vous le permettez, pour les rapporteurs qui ont examiné les crédits des missions dont j’ai la charge : MM. Charasse, Hervé, Duvernois, Cambon, Vantomme, pour la mission « Aide publique au développement » ; MM. Ferrand, Rebsamen, Hérisson, Cornu et Mme Terrade pour la mission « Économie » ; MM. Fourcade, Patriat et Mme Bricq pour la mission « Engagements financiers de l’État » ; enfin, MM. Dassault et Gournac pour la mission « Travail et emploi ».
Je voudrais aussi remercier tous les sénateurs de la majorité de leurs amendements et de leur soutien sans faille, …
Un sénateur socialiste. Merci aux actionnaires ! (Sourires.)
Mme Christine Lagarde, ministre. … les sénateurs de l’opposition qui ont, bien sûr, animé les débats, nous l’avons noté et nous le notons encore, et l’ensemble des collaborateurs qui ont travaillé ardemment pour assurer un débat de qualité.
M. Jacques Mahéas. Il faudrait aussi remercier les micros !
Mme Christine Lagarde, ministre. Je pourrais, à ce stade, dire simplement que je souscris à toutes les déclarations des intervenants de la majorité et de tous ceux qui soutiendront le projet de loi de finances et que je m’inscris en faux contre les déclarations de ceux qui ne le défendront pas. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jacques Mahéas. Quelle originalité !
Mme Christine Lagarde, ministre. Mais ce serait peut-être un peu simple ! Alors, j’abuserai encore quelques instants du temps de parole que vous m’avez accordé pour vous remercier tous d’avoir fait preuve de sang-froid et d’avoir su adopter une réflexion de long terme dans des circonstances exceptionnelles, qui font traverser à notre économie, comme à toutes celles d’Europe et du monde, des moments qui sont et seront difficiles.
Jean Arthuis et Philippe Marini n’ont compté ni leur temps ni leur énergie pour animer ces débats avec intelligence et toujours éclairer vos votes et nos réflexions.
Je vais simplement retenir quelques-unes des avancées que les débats devant votre assemblée ont permises, sans revenir sur celles que certains d’entre vous ont déjà commentées.
Monsieur le président de la commission des finances, vous avez jeté les bases d’un régime fiscal transparent, rigoureux et cohérent, celui du carried interest, qui exige, en contrepartie de la fiscalité des plus-values, une véritable prise de risque par les équipes de gestion des fonds. Je retiens en particulier la nécessité d’investir un pourcentage significatif de l’actif du fonds à un juste prix et pour une période de cinq ans au minimum.
Un débat du même ordre s’est d’ailleurs déroulé lors du dernier conseil ECOFIN et nous a permis d’adopter une directive fondée sur le même type de principes. Ces principes nous éclaireront pour mettre en place de meilleurs systèmes de supervision et de responsabilité dans la sphère financière.
Les débats de la première partie vous ont permis de faire évoluer la gestion du bouclier fiscal, qui passe de l’univers de la réclamation à celui de la déclaration, ce qui n’exclut pas le contrôle, bien entendu. Je tiens à en remercier tout particulièrement M. le rapporteur général, qui a accepté de rectifier son amendement initial pour donner un plein effet à la simplicité du mécanisme, sans pour autant peser sur les finances publiques.
Nos discussions à l’occasion de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances ont été tout aussi riches.
Tout d’abord, je tiens à vous remercier, monsieur le président de la commission des finances, de la qualité du débat, où des vues différentes ont pu s’exprimer sur ce que vous avez élégamment appelé la « trilogie » : suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune, suppression du bouclier fiscal et création d’une nouvelle tranche marginale d’impôt sur le revenu pour gager cette réforme, agrémentée éventuellement d’une augmentation du taux d’imposition des plus-values sur cession de valeurs mobilières.
Il est bon que ce débat ait eu lieu, en particulier à la lumière des exigences de compétitivité de notre pays et d’attractivité de son système fiscal. Nous saurons nous en inspirer lorsque nous procéderons à la revue générale des prélèvements obligatoires, dans le courant de l’année 2009, examen que nous mènerons en parallèle avec un certain nombre de propositions de révision de la fiscalité locale, après la remise des conclusions du comité Balladur, au mois de mars, et dont certaines seront retenues.
La suite des débats sur la seconde partie du projet de loi de finances a permis, me semble-t-il, deux autres avancées que je commenterai très rapidement.
La première avancée, nous vous l’avons proposée pour tirer les enseignements d’un rapport qui vous a été remis : il s’agit du plafonnement individuel des niches fiscales, afin qu’aucun contribuable ne puisse plus, à la faveur de dispositifs dérogatoires, échapper totalement à l’impôt.
Dans un souci partagé d’équité, ce principe a fait l’objet d’un consensus. Nous avons pu, dès lors, discuter des modalités pratiques du plafonnement du régime « Malraux », du régime des monuments historiques, des réductions d’impôt pour investissement outre-mer et, enfin, du régime du loueur en meublé, afin de parvenir à trouver le meilleur équilibre pour chacun de ces dispositifs.
Lors des débats, votre assemblée a ainsi choisi d’augmenter à 30 % et 40 % le taux de la réduction d’impôt « Malraux » et a aussi décidé de soumettre à la navette une augmentation du plafond. M. le rapporteur général a proposé un dispositif plus équilibré pour les monuments historiques, qui protège mieux le patrimoine immobilier français, tout en évitant que ce régime ne dérive vers un produit d’optimisation fiscale. Vous avez aussi apporté des améliorations au dispositif de plafonnement des réductions d’impôt pour investissement outre-mer, notamment lorsque l’investisseur est un entrepreneur ultramarin.
La seconde grande avancée de ce projet de loi de finances, en matière d’équité fiscale, est l’introduction d’un plafonnement global à la fois opérationnel et simple à comprendre pour les contribuables. C’est la première fois qu’un tel plafonnement global, qui complète le plafonnement individuel que nous avons appliqué à chacune des niches, est introduit en droit fiscal. C’est un dispositif qui va également dans le sens d’une meilleure justice fiscale, puisque les avantages fiscaux ayant pour objet la contrepartie d’une situation subie par le contribuable ou la poursuite d’un intérêt général seront exclus du champ d’application du plafonnement global.
Je ne crois pas, madame Bricq, que le Sénat ait besoin de l’Assemblée nationale pour être éclairé sur les vertus ou les limites du plafonnement global. Il est assez grand pour tirer lui-même les conclusions des propositions présentées et des débats qui ont lieu ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Nous avons également eu des désaccords, mais c’est le propre du débat, et, finalement, bien des progrès ont été réalisés, comme l’ont noté M. le rapporteur général et M. le président de la commission des finances. Ils serviront l’objectif d’une meilleure justice fiscale et d’une fiscalité au service du développement durable.
Sur le dernier point que je souhaite évoquer devant vous, à savoir le plan de relance, je rejoins le président du groupe UMP dans l’appréciation des propositions du Président de la République développées dans le discours de Douai. Je souscris également à l’affirmation de la nécessité d’une relance rapide et massive, rappelée par MM. de Montesquiou et Mercier. Notre action s’inscrit très clairement dans cette perspective.
Le plan de relance fera l’objet d’une loi de finances rectificative au début de l’année 2009, au prix d’une augmentation du déficit budgétaire de 0,8 point de produit intérieur brut. Comme je vous l’ai annoncé hier, nous aurons l’occasion de discuter prochainement de certaines des mesures fiscales de ce plan de relance, probablement les 18 et 19 décembre.
Je sais que ce tribut est lourd pour les finances publiques. C’est un pari sur la croissance de demain, un pari que font tous les autres pays, à leur rythme, selon des modalités qui leur sont propres. Il est parfaitement inutile – et peu productif – d’opposer les relances de type français ou américain, telles qu’elles sont annoncées, aux relances de type britannique ou à la relance de type allemand, sachant que chaque pays fait comme il peut, …