M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Ce fait est en lui-même significatif. En effet, si le consensus est difficile à obtenir, c’est en avançant avec ceux qui sont prêts à s’engager dans la rénovation que le visage de l’école pourra se transformer.
C’est pourquoi je suis convaincu que des partenariats pourraient être noués avec l’ensemble des membres de la communauté éducative, que j’ai tenus à recevoir.
Un partenariat pourrait être établi avec tous les personnels de l’éducation nationale, qui ne souhaitent qu’une chose, voir leur travail au service des élèves pleinement reconnu. Avec la revalorisation du métier d’enseignant, comme avec le protocole d’accord sur le métier d’inspecteur, vous avez témoigné de cette reconnaissance. Dès 2009, 188 millions d’euros seront consacrés aux mesures catégorielles, sans compter les crédits liés aux heures supplémentaires, qui portent le montant total de ces revalorisations à plus de 300 millions d’euros.
Les personnels de l’éducation nationale, ce sont aussi les personnels médico-sociaux. Permettez-moi, monsieur le ministre, de revenir sur ce point, après Gérard Longuet, rapporteur spécial. Ces personnels sont essentiels pour la réussite de tous les élèves. Chacun de nous connaît les difficultés de recrutement auxquelles vous êtes confronté. Ne serait-il toutefois pas temps de nouer des conventions avec le secteur libéral pour garantir aux élèves qu’ils bénéficieront effectivement de cette aide dont ils ont besoin et à laquelle ils ont droit ?
Sur ces questions de personnels, permettez-moi toutefois de vous poser la question suivante qui inquiète beaucoup les personnels de votre ministère : qu’en est-il des conditions de départ à la retraite dans la fonction publique des mères ayant eu plus de trois enfants ? Des rumeurs circulent, de nombreux enseignants hésitent à partir dès maintenant. Pouvez-vous les rassurer sur ce point ?
Ce partenariat pourrait également lier plus étroitement encore l’école aux familles. Ces dernières sont les principales bénéficiaires des réformes que vous avez engagées, et plus particulièrement les familles modestes, qui pouvaient rarement offrir à leurs enfants les cours de soutien, les stages de langue ou les activités culturelles et sportives dont bénéficiaient nombre d’élèves.
Avec l’accompagnement éducatif, avec les heures de soutien au primaire, avec les stages offerts gratuitement à tout niveau, ces inégalités inacceptables seront réduites, et je suis convaincu que, sur toutes les travées de cette assemblée, nous ne pourrons que nous en réjouir.
Pour autant, les familles peinent parfois à saisir la différence et l’articulation de ces dispositifs. Un travail d’explication reste donc à accomplir et je suis certain, monsieur le ministre, que vous aurez à cœur de continuer à le mener.
Permettez-moi également, mes chers collègues, d’insister un instant sur le cas des familles qui font le choix de scolariser leurs enfants dans le privé sous contrat, car c’est sur elles que retombe la charge financière des engagements que l’État prend et qu’il ne tient pas toujours avec toute la célérité voulue.
Il serait donc bon que toute revalorisation ne fasse pas l’objet d’un lissage systématique, a fortiori lorsqu’était intervenu un accord préalable ; je pense en particulier à la revalorisation du forfait « élève ».
Au cœur de ce partenariat, se situent également les collectivités territoriales. En quelques années, elles sont devenues le second partenaire financier de l’école après l’État, puisqu’elles acquittent à elles seules 22 % de la dépense publique d’éducation.
Elles ont donc vocation à être associées de manière privilégiée aux réformes envisagées en matière scolaire. Je crois donc opportun, monsieur le ministre, de formaliser les concertations informelles, mais régulières, que vous avez engagées avec elles, en créant un comité consultatif de suivi des réformes, qui permettrait aux collectivités territoriales de faire des propositions pratiques de mise en œuvre de ces réformes. Bien souvent, elles n’y sont pas opposées par principe, mais elles s’interrogent sur leurs modalités d’application. Vous pourriez donc les rassurer sur ce point.
Enfin, cette culture du partenariat doit valoir également pour le monde socio-économique. De ce point de vue, la réforme du baccalauréat professionnel, qui permettra d’élever le niveau de qualification des diplômés de l’enseignement professionnel, est une excellente chose. (Mme Annie David s’exclame.) Et je sais, monsieur le ministre, qu’elle recueille l’approbation du monde socio-économique.
Celui-ci pourrait toutefois s’exprimer plus encore, notamment à l’échelon régional. C’est déjà le cas lors de l’élaboration du plan régional de développement des formations professionnelles, le PRDF. Il ne manque à ce dernier que d’avoir valeur d’engagement pour tous les partenaires concernés pour devenir le support privilégié de la concertation et de l’action commune.
Je souhaite vivement que la réforme de la formation professionnelle voulue par le Président de la République concerne aussi bien le segment de la formation continue que celui de la formation initiale.
Tous ces partenariats vous permettront de mener à leur terme et dans les meilleures conditions les réformes extrêmement ambitieuses que vous avez engagées.
Car cela ne fait aucun doute : le visage de notre école est en train de changer, en offrant désormais à chaque élève, à côté du temps de classe, un accompagnement individualisé synonyme de réussite.
Il était donc logique de réaffecter une partie des maîtres spécialisés des réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté dans les classes. Ils pourront ainsi faire bénéficier leurs élèves, mais aussi leurs collègues, de leur expérience particulière en matière de remédiation.
M. Alain Fauconnier. Non !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Ils l’ont déjà !
M. Guy Fischer. C’est incroyable !
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. C’est pourquoi, mes chers collègues, ce budget doit être pris pour ce qu’il est, un budget de réforme, marqué par le double souci de mieux utiliser l’argent public dans une administration qui n’a pas toujours été exemplaire de ce point de vue et de redonner comme point de repère à l’école sa vocation républicaine d’institution de promotion sociale
Un seul point en témoigne, le non-renouvellement de 13 500 postes se fera sans affecter le nombre d’enseignants présents devant les élèves, mais en utilisant mieux les moyens humains dont dispose le ministère.
Le rapporteur que j’ai été de la commission d’enquête du Sénat sur la gestion des personnels de l’éducation nationale voilà quelques années ne peut qu’approuver cette démarche. Le remplacement, les mises à disposition, tout cela pouvait et devait être optimisé. Vous en avez eu le courage, monsieur le ministre, et cela méritait d’être souligné.
C’est pourquoi la commission des affaires culturelles a souhaité vous soutenir pleinement dans cette démarche.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur pour avis. Sa majorité !
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Elle a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire », sous la réserve toutefois, que je fais mienne, du rééquilibrage des crédits destinés à l’enseignement agricole, qui fait l’objet d’un amendement de notre collègue Françoise Férat, rapporteur pour avis.
Cet enseignement est souvent la voie de la réussite pour des jeunes en situation d’échec scolaire. C’est lui qui répond le mieux aux besoins de ces jeunes, de la profession et à la diversité des territoires. Le ministre de l’agriculture et de la pêche, Michel Barnier, nous dira tout à l'heure, après le conseil des ministres, combien il lui est attaché. C’est pour cet enseignement qu’il convient aujourd’hui de faire un effort supplémentaire.
Je souhaite donc que le Gouvernement s’engage dans ce domaine et qu’il le fasse sur des crédits réels, qui ne seront ni gelés ni affectés ailleurs en cours d’année. Je sais, monsieur le ministre, que nous pouvons compter sur vos engagements en la matière. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis.
Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, voilà huit années que la commission des affaires culturelles me fait l’honneur et le plaisir de me confier l’examen du budget de l’enseignement agricole et, sur cette période, je n’ai jamais connu une déception aussi forte qu’aujourd’hui.
Voilà un an, je rapportais devant vous le budget pour 2008 en faisant un double constat.
D’abord, les moyens prévus pour 2008 étaient extrêmement justes. Ensuite, des engagements avaient été pris afin de présenter, pour 2009, un budget plus ambitieux, condition nécessaire pour insuffler le nouveau souffle dont l’enseignement agricole avait besoin.
Un an plus tard, ce nouveau souffle est bien là et il prend la forme d’un cinquième schéma des formations en préparation, qui permettra sans doute – et je l’espère tout particulièrement, puisque j’ai eu l’opportunité de participer aux premiers stades de son élaboration – de donner un nouvel élan à l’enseignement agricole.
Si le projet est là, les moyens n’y sont pas.
Pour toute la communauté éducative que rassemble l’éducation agricole, c’est une immense déception. Pour la première fois, j’ai le sentiment que tous ceux qui font vivre cette exception remarquable sont au bord du découragement, voire, si rien n’est fait, du renoncement.
Cette année, tous m’ont dit l’impossibilité de continuer dans la direction indiquée par le projet de loi de finances, qui ne permettra ni de mettre en œuvre la rénovation prévue par le cinquième schéma, ni de maintenir en l’état l’offre éducative. Des suppressions massives de classes sont prévisibles. Selon certaines projections, officieuses, mais crédibles, elles pourraient concerner l’année prochaine soixante à quatre-vingt classes.
En apparence, ce budget peut pourtant paraître satisfaisant : il progresse en effet de 0,64 %, alors que d’autres régressent ; il intègre quelques avancées, comme le recrutement d’auxiliaires de vie scolaire pour accueillir plus de jeunes handicapés ; il prévoit un effort sur le remplacement de courte durée dans le public, grâce au recrutement centralisé de cinquante contractuels.
Cependant, ce budget n’est en réalité pas soutenable. Le seul chiffre de l’évolution de la masse salariale hors contribution de pension le démontre. La masse salariale régresse effectivement de plus de 1,60 %. De ce point de vue, l’enseignement agricole, particulièrement l’enseignement agricole public, est clairement entré en récession.
En fait de récession, je devrais parler d’un krach : en deux années, les moyens humains de l’enseignement agricole public ont diminué de 6,01 %. La raison en est simple : comme tous les ministères, celui de l’agriculture doit appliquer la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Cela conduit mécaniquement à des coupes sévères dans les ressources humaines du ministère.
Bien entendu, mes chers collègues, la maîtrise de la dépense publique revêt un caractère impératif et nous ne pouvions continuer indéfiniment à accumuler des dettes supplémentaires aux dépens des générations à venir. Cependant, si l’effort de maîtrise doit être systématique, il ne peut être aveugle. Comme chacun de nous le sait bien, l’enseignement agricole ne faisait pas partie des services publics où les gains de productivité potentiels étaient légion.
Il s’agit d’un service public rural, mis en œuvre dans des lycées publics où règne un esprit particulier ainsi que dans des établissements privés qui n’ont cessé, depuis des années, de prélever sur leur propre trésorerie, c’est-à-dire sur les familles, les crédits qui leur manquaient. Or ces familles sont souvent celles d’élèves boursiers : dans l’enseignement agricole, plus d’un élève sur trois est effectivement boursier.
Du côté du privé, qui, pour des raisons historiques, est très présent dans l’enseignement agricole, la situation n’est pas meilleure, et ce pour chacune de ses composantes.
Les établissements du temps plein, tout d’abord, ne sont toujours pas parvenus à obtenir de l’État qu’il respecte ses engagements. Outre les salaires des enseignants qu’il prend à sa charge, l’État leur verse une subvention de fonctionnement calculée sur la base des dépenses de fonctionnement des lycées agricoles publics. Tous les cinq ans, le coût de l’élève dans le public doit donc être réactualisé, pour revaloriser en conséquence la subvention. Cette actualisation revêt néanmoins les apparences d’une épopée : le plus souvent, l’enquête quinquennale prévue par le code rural sur le coût de l’élève n’est pas menée et, lorsqu’elle l’est, sa prise en compte devient un véritable feuilleton.
Tel est à nouveau le cas depuis 2006 : une enquête a été réalisée – ce fut déjà l’objet de rudes négociations – et ses résultats ont été publiés en 2007. Le ministère, qui aurait dû en tenir compte en 2008, s’y est refusé faute de crédits, tout en promettant de le faire en 2009.
Ce ne sera évidemment pas le cas : la première tranche de crédits de paiement est prévue pour 2010, le reste étant versé en 2011, puis en 2012. En 2012, la subvention de fonctionnement sera donc calquée sur ce qu’elle était, en 2006, dans le public. À l’évidence, cela n’a rien de sérieux.
C’est pourquoi les établissements du temps plein ont, après deux années de négociations infructueuses, décidé d’engager une action contentieuse, qu’ils gagneront : les règles fixées par le code rural sont très claires, elles s’appliqueront mécaniquement et l’État sera condamné. Nul ne le conteste au demeurant.
Pour éviter ce contentieux, il aurait suffi de verser la première tranche de la revalorisation dès 2009 et de l’achever en 2011. Je m’interroge, mes chers collègues, sur les raisons qui ont pu conduire le ministère du budget à refuser, lors des négociations budgétaires, une mesure qui aurait évité à l’État une condamnation rétroactive pour manquement à ses obligations légales et réglementaires.
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Très juste !
Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis. Quant à la troisième composante de l’enseignement agricole, l’enseignement dit « du rythme approprié », c’est-à-dire en alternance, sa situation n’est plus avantageuse qu’en apparence.
La subvention de fonctionnement versée au temps approprié a effectivement fait l’objet d’un rattrapage de 19 millions d’euros étalé sur quatre ans – la dernière tranche est versée cette année. En échange de ce rattrapage, les établissements ont été contraints de déclarer des effectifs d’élèves accueillis inférieurs à ce qu’ils sont en réalité et d’assumer la charge de l’éventuelle différence. Bon gré mal gré, la subvention du rythme approprié n’en a pas moins nettement progressé depuis trois ans. Il faut dire qu’elle partait de très loin. Cela dit, comme souvent avec l’État, les chiffres inscrits en loi de finances sont bien différents des sommes effectivement versées.
Entre-temps, le gel budgétaire a fait des ravages. Il affecte particulièrement l’enseignement agricole privé pour deux raisons.
D’une part, n’étant pas des dépenses dites de titre II, c’est-à-dire de personnel, les subventions versées à l’enseignement privé se voient appliquer un taux de mise en réserve en début d’année extrêmement important. Il s’élève à près de 10 % pour le rythme approprié et de 20 % pour le temps plein.
D’autre part, le ministère de l’agriculture doit, en cours d’année, faire face à des intempéries et calamités agricoles diverses, qui justifient moult plans d’action et d’urgence financés par voie d’annulation de crédits sur les autres lignes du ministère. Or que fait le ministre du budget lorsqu’il doit annuler des crédits ? Il supprime définitivement les crédits gelés en début d’année. Les subventions au privé s’en trouvent chaque année plus que rabotées et les reports de charge se multiplient.
Le résultat en est simple : l’effet de la mise à niveau de la subvention du temps approprié sur quatre ans est annulé chaque année. Cette revalorisation équivaut à un peu moins de 20 millions d’euros versés sur quatre ans. Or, chaque année, entre 20 et 25 millions d’euros ne sont pas versés au rythme approprié pour cause de gels, puis d’annulations.
Par ailleurs, étant endémiques, ces gels conduisent à l’accumulation, année après année, de nouveaux reports de charge. Au total, ils pourraient atteindre en 2009 le montant – rendez-vous compte – de 58,52 millions d’euros, dont 46 millions concernent les seules subventions versées à l’enseignement privé.
À l’évidence, tout cela n’est pas de bonne gestion. Il est temps de remettre à niveau l’enseignement agricole dans son ensemble : toutes ses composantes souffrent, qu’elles soient publiques ou privées. Toutes doivent être aidées pour retrouver un nouveau souffle.
C’est pourquoi j’ai proposé à la commission des affaires culturelles un amendement, qu’elle a adopté à l’unanimité. Il permettrait de remettre à niveau les crédits de l’enseignement agricole une fois pour toutes, en lui attribuant les 51 millions d’euros dont il a besoin, notamment pour annuler l’effet des suppressions d’emplois dans un enseignement public désormais exsangue, pour tenir les engagements pris par l’État vis-à-vis des établissements du temps plein et pour combler le déficit creusé dans la trésorerie des établissements du rythme approprié par le « découvert sans frais » que l’État s’est autorisé via les reports de charges.
Compte tenu des contraintes de l’article 40 de la Constitution, c’est par voie de prélèvement sur le budget de l’éducation nationale que cette remise à niveau doit se faire. Permettez-moi de vous le dire d’emblée, ce prélèvement ne représentera pas grand-chose pour elle, puisque 50 millions d’euros équivalent à 0,08 % de ses crédits.
Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis. J’en suis d’autant plus convaincue qu’il existe, si ce n’est dans les structures, du moins dans les faits, une vraie complémentarité entre les deux formes d’enseignement.
Ainsi l’enseignement agricole assure-t-il, dans les territoires ruraux, une indiscutable mission de remédiation : ses classes de quatrième et de troisième remettent souvent sur pied des élèves que l’Éducation nationale n’a pas su faire progresser. Ces élèves sont très souvent des boursiers – c’est le cas d’un élève sur trois dans l’enseignement agricole, alors que la proportion d’élèves boursiers n’est que d’un quart dans l’enseignement en général. Enfin, l’insertion des diplômés de l’enseignement agricole est remarquable. Une enquête commune aux deux ministères montre que le taux moyen d’insertion à 7 mois des diplômés de l’enseignement agricole est supérieur de près de 9 % à celui des élèves formés dans les établissements dits « classiques ».
Je crois donc qu’il nous incombe, de manière parfaitement cohérente avec la logique de résultats de la LOLF, de revenir sur des arbitrages gouvernementaux manifestement erronés en donnant aujourd’hui à la complémentarité existant entre ces deux formes d’enseignement le visage de la solidarité.
À long terme, la gestion budgétaire du programme devra toutefois changer – je rejoins sur ce point Gérard Longuet, rapporteur spécial. C’est pourquoi l’amendement que je vous propose d’adopter aujourd’hui est bien un amendement pour solde de tout compte. À cet égard, je veux être très claire ; c’est la dernière fois, je m’y engage, que je vous propose d’intervenir sur le budget de l’enseignement agricole.
Au nom de la commission, j’adresse au ministre de l’agriculture et de la pêche un message particulièrement explicite : il vous reviendra à l’avenir de faire les arbitrages budgétaires nécessaires à la survie de l’enseignement agricole. La commission souhaite que vous preniez des engagements très clairs à ce sujet pour que, tant en autorisation qu’en exécution, le budget de l’enseignement agricole ne soit pas la victime expiatoire des arbitrages opérés par ailleurs.
M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial. Très bien !
Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis. Au vu de l’ensemble de ces éléments, vous comprendrez donc, mes chers collègues, que j’aie recommandé à la commission des affaires culturelles de donner un avis défavorable à l’adoption en l’état des crédits de la mission. Elle m’a fait l’honneur de me suivre à l’unanimité et a subordonné tout avis favorable à l’adoption de l’amendement que je vous présenterai ce matin. (Applaudissements.)
M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial. Très bien !
M. Ivan Renar. Bravo pour votre courage, madame Férat !
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur pour avis.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’enseignement professionnel est sous les feux de l’actualité avec la généralisation du baccalauréat professionnel en trois ans.
S’il n’y avait que la notoriété soudaine dont il bénéficie désormais, la généralisation serait une excellente nouvelle pour l’enseignement professionnel. À cet égard, je salue, monsieur le ministre, l’intérêt que vous témoignez à cette forme d’enseignement. Faute d’une dignité suffisante aux yeux de l’opinion publique, la voie professionnelle a effectivement trop souvent été reléguée au deuxième plan.
M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. C’est vrai !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur pour avis. Je regrette toutefois la forme que prend cet intérêt. Permettez-moi de le préciser, mes fortes réserves tiennent non pas à l’existence du baccalauréat professionnel en trois ans, mais aux risques que fait courir sa généralisation.
Pour certains élèves, capables de suivre un tel rythme, ce sera un parcours de réussite. Les expérimentations l’ont d’ailleurs montré.
Cependant, elles démontrent également que la grande majorité des élèves n’est pas capable de suivre un tel cursus. Près de 50 % des lycéens concernés ne parviennent pas jusqu’au diplôme et quittent le lycée sans aucune qualification.
C’est, au demeurant, logique. Les élèves qui fréquentent l’enseignement professionnel ont souvent connu des difficultés scolaires. II faut leur laisser le temps de reprendre confiance et de construire de nouveaux parcours de réussite.
C’est pourquoi l’enseignement professionnel était jusqu’ici caractérisé par une grande diversité. Le CAP, certificat d’aptitude professionnelle, se préparait en une, deux ou trois années. Le BEP, brevet d’études professionnelles, pouvait être passé la même année que le CAP. Les cursus de BEP et de baccalauréat professionnel pouvaient être fondus en des parcours de trois ans. C’est cette diversité qui est menacée par la généralisation.
Pour répondre aux inquiétudes, vous avez souhaité maintenir le BEP, qui sera passé en fin de deuxième année. Vous souhaitez ainsi garantir à tout élève l’obtention d’une qualification minimale. Cependant, quelle valeur aura-t-elle ?
Passé essentiellement sous la forme de contrôle en cours de formation, préparé dans des conditions plus ou moins rocambolesques, ce BEP sera une forme de « bac-1 » et ne jouira plus de la reconnaissance qui était la sienne jusqu’à présent.
Cette reconnaissance était effectivement bien plus forte qu’on ne le croit généralement.
Il est vrai que le BEP n’a jamais totalement éclipsé le CAP, essentiellement parce que le BEP, à la différence du CAP, était tout à la fois un diplôme propédeutique et une qualification professionnelle. Certains secteurs sont donc restés très friands du CAP et méfiants à l’endroit du BEP.
Cependant, les chiffres sont là. L’insertion des titulaires d’un BEP est supérieure à celle des titulaires d’un CAP. Dès lors, pourquoi prendre le risque de faire disparaître une formation qualifiante ? Pourquoi le faire au profit d’un diplôme, le CAP, qui donne de moins bons résultats pour l’insertion et qui permet moins facilement de poursuivre des études ?
C’est pourquoi cette généralisation hâtive m’inquiète, d’autant que cette expérimentation n’a jamais été conduite dans l’optique d’une généralisation.
C’est d’ailleurs pour cela que ni les référentiels ni les programmes des nouveaux baccalauréats professionnels ne sont encore prêts.
Comme l’immense majorité des interlocuteurs que j’ai rencontrés, je crains les conséquences de cette généralisation. Pour qu’elle ne pénalise pas les élèves, je ne vois qu’une solution, monsieur le ministre : mettre fin à l’orientation par l’échec, qui fait de l’enseignement professionnel une voie de remédiation tout autant que de qualification.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur pour avis. Le mal vient de loin. C’est au collège que se construit l’échec scolaire, qui conduit à l’orientation vers la voie professionnelle. Si le collège unique n’a tenu qu’une part de ses promesses, c’est qu’il est resté un collège général. À l’issue de la troisième, il n’y a, en effet, qu’un débouché naturel : la seconde générale et technologique.
Les élèves à qui cette forme d’enseignement ne convient pas sont donc orientés par l’échec. Ce constat, nul ne le conteste. Pourtant, rien ne change.
Vous aviez annoncé l’année dernière la création du « parcours de découverte des métiers et des formations ». Au premier abord, la mesure semblait ambitieuse. Le dispositif devait permettre de dissiper les préjugés qui alimentent l’orientation par l’échec, et ce de deux manières.
Tout d’abord, il était prévu que, pour préparer son orientation, chaque élève visiterait un lycée général et technologique, un lycée professionnel et un centre de formation d’apprentis, un CFA. Ce projet a fait long feu : la circulaire sur les parcours de découverte s’est réduite à la visite d’un des trois types d’établissements au choix. Il n’y a rien de nouveau donc, puisque c’était déjà le cas. L’« entre-soi » continuera à prédominer et la découverte n’aura pas lieu.
Ensuite, les premières annonces sur ce parcours de découverte laissaient espérer également un contact plus régulier avec la diversité des métiers, via des stages, des visites, des rencontres. Au final, il ne s’agit que de dix journées sur quatre années – ce qui est peu –, passées en entreprise ou en relation avec des professionnels. Là encore, la découverte n’aura pas lieu.
Ce dispositif était pourtant nécessaire. De plus en plus nombreux sont, en effet, les étudiants qui, après quelques années, se découvrent une vocation pour un métier qui n’a rien à voir avec la formation générale qu’ils ont suivie.
C’est pourquoi, monsieur le ministre, il vous faut vous emparer de cette nécessité impérieuse : l’école doit aussi faire naître des vocations et ne plus laisser jouer à plein les inégalités scolaires et sociales, qui font que le fils d’ouvrier s’imagine en ouvrier et le fils de cadre en cadre. Il faut ouvrir les esprits.
Cela suppose un véritable engagement, bien sûr, mais aussi des personnels pour guider ce travail de découverte et d’orientation.
Or, pour l’heure, nul n’est vraiment responsable de l’orientation dans le système éducatif. Le code de l’éducation précise, d’ailleurs, que l’orientation est du ressort de l’ensemble de la communauté éducative.
Au final, personne ne s’investit pleinement dans cette mission, à l’exception des conseillers d’orientation-psychologue, qui ne sont que 5 000 environ pour plus de 7 000 établissements du second degré.
C’est pourquoi, je veux vous faire la proposition d’attribuer à chaque élève un adulte référent. Ce dernier serait chargé de le suivre, de le rencontrer régulièrement, de l’aider à réfléchir à son avenir, à trouver un stage utile pour son projet, en un mot, de l’aider à s’orienter.
Bien entendu, il faudrait former ces adultes référents. À coût quasi constant, monsieur le ministre, il y aurait ainsi moyen de changer les choses et de donner un peu de chair à « l’éducation à l’orientation » dont parlent les textes, mais qui, pour l’heure, ne recouvre pas grand-chose !
Je formulerai, enfin, une dernière suggestion : il faut continuer à recruter des conseillers d’orientation-psychologue et leur confier pour mission de coordonner l’action de ces adultes référents.
Ces derniers adresseraient aux conseillers d’orientation-psychologue les élèves qui en ont besoin et viendraient chercher auprès d’eux toutes les informations nécessaires.
Les conseillers d’orientation-psychologue pourraient également gérer des banques de stage, proposées par les familles. Ce stage de troisième pourrait alors être un vrai moment de découverte et d’ouverture aux métiers, et non plus un stage de confort, fait avec ses parents ou avec des amis de la famille.
En faisant enfin de l’orientation une véritable priorité, en ouvrant les élèves à la diversité des métiers, l’orientation par l’échec pourrait enfin cesser d’être une réalité.
Pour cela, il faut des moyens. Or je m’interroge, monsieur le ministre : pourquoi l’enseignement professionnel sous statut scolaire ne sera-t-il pas relativement préservé en 2009, comme le sera, à vous entendre, le lycée général et technologique ?
Cela fait beaucoup d’incertitudes. C’est pourquoi je ne voterai pas, à titre personnel, les crédits pour 2009 de la mission « Enseignement scolaire », auxquels la commission des affaires culturelles a toutefois donné un avis favorable, sous réserve de l’adoption d’un amendement rééquilibrant les crédits de l’enseignement agricole. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)