M. le président. La parole est à M. François Marc, sur l'article.
M. François Marc. L’article 60 donne une traduction concrète aux conclusions du Grenelle de l’environnement en ce qui concerne les transports, et plus particulièrement le transport routier, en créant une écotaxe de 2,5 à 20 centimes d’euro par essieu et par kilomètre pour les trajets effectués sur notre territoire.
Nous partageons tous, bien entendu, l’objectif visé au travers de cet article, car il est tout à fait louable. On peut espérer que ce dispositif aidera à l’atteindre.
Cela étant, quelles conséquences sur notre économie peut-on attendre de la mise en œuvre d’un tel levier fiscal ?
Ces conséquences sont pour l’instant mal anticipées, puisque les études d’impact que l’on pouvait souhaiter voir réaliser n’ont guère été mises en avant. En tout cas, nous n’avons pas connaissance de résultats. Elles auraient pourtant pu nous éclairer.
Quoi qu’il en soit, le dispositif de cet article suscite de l’inquiétude dans le monde économique, dans la mesure où si l’on peut espérer que certains objectifs seront atteints, il faut aussi craindre des effets pervers.
En effet, les mesures prévues peuvent engendrer des distorsions de concurrence ou des pertes de compétitivité pour certains territoires. Voilà ce qui me préoccupe.
Aujourd’hui, deux questions se posent.
Première question, existe-t-il en France des disparités territoriales, des régions sont-elles handicapées par leur éloignement des marchés, qui sont de plus en plus situés à l’est de l’Europe ? Incontestablement, la réponse est positive.
Afin de tenir compte de cette réalité, des actions ont été conduites en faveur de l’aménagement du territoire et d’une meilleure desserte des régions les plus excentrées, et ce depuis deux ou trois décennies. De telles actions ont été menées en Corse, dans un certain nombre de secteurs de montagne, peut-être dans les Charentes, monsieur le secrétaire d’État, et en tout cas en Bretagne.
Dans ma région, il y a déjà bien longtemps, en 1969, le général de Gaulle avait lancé le plan routier breton, qui a conduit à la réalisation de voies express ouvertes gratuitement aux usagers.
Seconde question, s’il répond à une exigence louable, ce dispositif d’écotaxe que l’on nous propose aujourd’hui de mettre en place ne contribuera-t-il pas, sous sa forme actuelle, à aggraver les handicaps liés à la périphéricité, à l’éloignement ?
Le monde économique, dans plusieurs de nos régions, s’interroge, concernant les transports routiers, sur la possibilité de recourir à des modes de transport de substitution et sur l’incidence d’une telle mesure sur les coûts. Je pense en particulier ici aux denrées périssables, à la filière du poisson, pour lesquelles il n’existe pas vraiment d’autre solution que le transport par camions.
À la lumière de tout cela, une question essentielle vient à l’esprit : en instaurant un dispositif insuffisamment articulé et n’offrant pas assez de possibilités de modulation pour tenir compte des handicaps géographiques, ne risque-t-on pas d’envoyer un signal négatif aux acteurs économiques implantés dans des régions périphériques, aux transporteurs, certes, mais aussi aux autres entreprises ?
Pour revenir au cas de la Bretagne, beaucoup d’entreprises s’interrogent déjà sur leur localisation et envisagent de se rapprocher des marchés. Si le handicap du coût de transport s’accroît, des départs massifs d’entreprises se produiront sans aucun doute.
Par conséquent, afin de parer à ce risque, le dispositif d’écotaxe doit être suffisamment modulable et mieux articulé. C’est l’objet d’un certain nombre d’amendements que nous souhaitons voir adopter.
M. le président. L'amendement n° II-76 rectifié, présenté par MM. de Legge, Bizet, Kergueris, Paul, Trillard et de Rohan, Mme Papon et M. Zocchetto, est ainsi libellé :
I. - Compléter le 1 du I du texte proposé par le A du I de cet article pour l'article 285 septies du code des douanes par une phrase ainsi rédigée :
Sont concernés par cette taxe les axes de transit.
II. - En conséquence, compléter par la même phrase le texte proposé par le A du II de cet article pour l'article 269 du code des douanes.
La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. Je m’exprimerai en fait sur les quatre amendements portant sur l’article 60 que j’ai déposés avec un certain nombre de mes collègues. Mes propos rejoindront ceux de M. François Marc.
Notre démarche est animée par le souci de respecter un impératif écologique inscrit dans le Grenelle de l’environnement. Il n’y a pas lieu de revenir sur cette exigence, nous y adhérons pleinement.
Par ailleurs, il existe un principe de réalité. Il me paraît d’autant plus important d’en parler que nous pouvons regretter qu’une étude d’impact n’ait point été réalisée à ce jour. Cependant, je connais les raisons de cette situation…
Dans ce contexte, nos quatre amendements tendent à préciser un certain nombre d’éléments.
L’amendement n° II-76 rectifié vise à rappeler l’objectif initial : il s’agit de taxer le transit et d’éviter les reports de trafic, et non de frapper les dessertes de proximité, de courte distance, puisqu’il n’y a pas d’alternative à la route dans ce cas.
Mon collègue Albéric de Montgolfier a déposé un amendement qui, sans aller exactement dans le même sens que le mien, souligne également la difficulté de définir quels trajets seront taxés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La commission est perplexe : nous ne sommes pas convaincus que la précision apportée permette de clarifier les choses. Quelle est la définition d’un axe de transit ?
Dans ces conditions, la commission souhaiterait entendre le Gouvernement, dont l’avis sera certainement déterminant.
M. Paul Raoult. C’est la patate chaude !
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Avant de donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement, je souhaite rappeler de quoi il s’agit exactement ici. Cela vaudra réponse globale sur tous les amendements déposés à cet article.
Le dispositif répond d’abord à un engagement pris par le Président de la République durant la campagne électorale. Sur le modèle de ce qui existe déjà en Allemagne, en Autriche, en République tchèque et qui existera bientôt, peut-être, aux Pays-Bas, en Italie et au Royaume-Uni, il s’agit de mettre en place dans notre pays un système constituant à la fois une incitation au report modal et un instrument de financement des infrastructures.
De là vient l’idée, consacrée par le Grenelle de l’environnement et qui a d’ailleurs fait l’objet d’un consensus entre les syndicats, les collectivités territoriales, les forces politiques et le monde économique, d’instaurer une redevance d’usage. Celle-ci s’appliquera sur les autoroutes actuellement non concédées – puisque la taxe existe déjà, par nature, sur les autoroutes concédées –, sur ce qu’il reste, dans nos départements, de routes nationales, et, en ce qui concerne les collectivités départementales, sur les axes départementaux qu’elles désigneront.
En effet, il peut également exister des reports de trafic à cet échelon. L’exemple alsacien le montre bien : la LKV-Maut étant en service sur la rive droite du Rhin, le report se fait sur la rive gauche, et quand l’autoroute est saturée le trafic se déplace vers les routes départementales.
Il faut d’ailleurs, naturellement, que les départements, qui entretiennent les routes départementales, reçoivent le produit de la taxe pour les axes qu’elles auront décidé d’y soumettre, diminuée du coût de perception pour l’ensemble du dispositif.
MM. Gérard Longuet et Dominique de Legge. Exactement !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Cependant, il y a des écueils.
D’abord, il ne faut pas remettre en cause la compétitivité de nos territoires, comme l’ont rappelé M. Marc et M. de Legge. Nous avons eu un long débat sur ce point à l’Assemblée nationale, au-delà des clivages politiques, et nous avons pris des engagements visant à tenir compte du caractère périphérique de certaines zones.
Une exonération de la taxe sur les axes les moins empruntés a ainsi fait l’objet d’un amendement, ce qui concerne par exemple, en Bretagne, la route centrale du dispositif du plan routier breton.
Il a également été décidé de réduire la taxe de 25 % dans les départements considérés comme périphériques au sein de l’espace européen. Enfin, a été prévue la possibilité de contracter un abonnement, comme sur le réseau autoroutier.
Ces propositions ont fait l’objet d’amendements votés à la quasi-unanimité par l’Assemblée nationale. Notre premier impératif était donc de ne pas pénaliser les territoires.
Ensuite, il ne faut pas pénaliser nos entreprises de transport routier.
Dans le contexte actuel de crise, un grand nombre de PME ou de TPE du transport routier sont menacées de faillite. C’est un secteur fragile : dès que l’économie tousse, les transporteurs s’enrhument !
Nous devons donc maintenir nos entreprises, éviter qu’elles ne soient placées en situation de concurrence déloyale par rapport aux autres entreprises européennes. C’est l’objet du travail que nous menons avec les transporteurs routiers sur la législation sociale, sur le temps de travail, sur le cabotage.
J’aurai d’ailleurs l’occasion de vous présenter, lors de l’examen du projet de loi relatif aux transports ferroviaires, une mesure qui sera l’application de l’une des décisions prises lors du conseil des ministres européens de juin dernier et qui permettra de réglementer le cabotage à partir du 1er mai 2009 sur notre territoire.
En outre, nous avons discuté longuement, et nous continuons de le faire, avec l’ensemble des organisations professionnelles du transport routier, afin d’éviter de faire peser une charge supplémentaire sur les entreprises. L’idée est de faire en sorte que cette charge supplémentaire se répercute en pied de facture, sur le client, et non sur les entreprises de transport, qui n’en ont pas besoin.
Enfin, l’interopérabilité est un autre impératif.
Aux XIXe et XXe siècles, à cause de querelles d’ingénieurs ou parfois pour des raisons stratégiques et militaires, les réseaux ferroviaires n’étaient pas interopérables : les écartements étaient plus larges en Espagne, en Pologne, en Russie, et des systèmes d’électrification complètement différents coexistaient, parfois à l’intérieur d’un même pays. Ainsi, en France, en 1965, on comptait encore quatre systèmes d’électrification différents sur notre réseau ferroviaire ! Il en va de même pour les dispositifs de signalisation : un train international comme le Thalys est équipé de quatre ou cinq systèmes de signalisation embarqués… La situation est donc très complexe.
Placer à l’avant de chaque camion de plus de 3,5 tonnes toute une série d’appareils n’est pas envisageable. L’interopérabilité est donc indispensable, et il faudra s’appuyer sur le système Galileo de positionnement par satellites. C’est d’ailleurs l’option qu’ont retenue nos amis Allemands, en faisant appel à des entreprises françaises.
Voilà la direction que nous suivons.
Pour ce qui concerne l’amendement n° II-76 rectifié, monsieur de Legge, je tiens à dire que nous devons tenir compte, dans tous les engagements pris et dans les aménagements décidés lors des débats parlementaires, de l’équilibre auquel nous sommes déjà parvenus : je ne suis donc pas favorable aux amendements portant sur de nouveaux axes de transit ou sur les transports frigorifiques.
En revanche, je vous le dis par avance, le Gouvernement est très favorable à l'amendement n° II-74 rectifié, qui permet d’enrichir l’équilibre trouvé à l’Assemblée nationale en faisant intervenir le PIB dans la détermination du caractère périphérique des régions, ce qui est très intéressant.
Le Gouvernement est également favorable aux propositions de la commission des finances visant à permettre au Sénat d’assurer un suivi de la mise en place et de l’incidence de la taxe. Cela est très important.
Enfin, je souligne que nous menons ces actions dans le cadre assez contraignant de la directive « eurovignette ». Je mène actuellement le débat, qui se poursuivra sous les présidences tchèque, puis suédoise, afin de faire évoluer cette directive de manière qu’elle soit plus souple, ce qui nous permettra peut-être, à terme, d’améliorer le dispositif franco-français que nous vous proposerons.
Je ne suis donc pas favorable, dans l’immédiat, à l'amendement n° II-76 rectifié, que je vous demande, monsieur de Legge, de bien vouloir retirer, en soulignant de nouveau que le Gouvernement donnera tout à l'heure un avis favorable à l'amendement n° II-74 rectifié, qui me paraît parfaitement équilibré.
Cette longue explication me permettra de répondre plus brièvement sur les amendements suivants.
M. le président. Monsieur de Legge, l'amendement n° II-76 rectifié est-il maintenu ?
M. Dominique de Legge. Monsieur le secrétaire d'État, je suis sensible à cet esprit d’ouverture. J’apprécie particulièrement que vous vouliez bien faire évoluer le texte afin de tenir compte d’un élément économique, ce qui donnera plus de souplesse au dispositif.
J’approuve, je le dis d’emblée, l'amendement n° II-6 de la commission des finances, qui tend à demander qu’un bilan de l’expérimentation alsacienne soit présenté au Parlement. En effet, en l’absence d’étude d’impact, nous devons absolument tirer de cette expérience des enseignements qui nous permettront d’ajuster le dispositif.
Cela étant dit, je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° II–76 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-75 rectifié, présenté par MM. de Legge, Kergueris, Paul, Trillard et de Rohan, Mme Papon et M. Zocchetto, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le A du II de cet article pour l'article 269 du code des douanes par une phrase ainsi rédigée :
Les transports de marchandises à température dirigée ne pourront faire l'objet d'une taxation.
La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. Je retire cet amendement, compte tenu de la réponse que vient d’apporter M. le secrétaire d'État.
M. le président. L’amendement n° II–75 rectifié est retiré.
L'amendement n° II-78, présenté par Mme Herviaux, M. Marc, Mmes Chevé et Blondin, MM. Botrel, Fichet et Hervé, Mme Klès et M. Le Menn, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le A du II de cet article pour l'article 269 du code des douanes par une phrase ainsi rédigée :
Des exonérations peuvent être accordées aux véhicules de transport de marchandises à température dirigée dont la liste est fixée par décret, après consultation des collectivités locales concernées.
La parole est à Mme Odette Herviaux.
Mme Odette Herviaux. Cet amendement, dont M. le secrétaire d'État a déjà parlé tout à l’heure par anticipation, concerne les transports de marchandises à température dirigée, pour lesquels il n’existe aucune alternative à la route.
Le projet d’écotaxe issu du Grenelle de l’environnement a pour objet de favoriser le report des transports de marchandises vers le réseau ferroviaire. C’est un objectif que nous partageons tous ici, j’en suis persuadée. Encore faut-il que de tels reports soient possibles et que les chargeurs aient le temps de s’adapter.
Or il se trouve que le mode ferroviaire est inopérant la plupart du temps pour le transport à température dirigée, car les prescriptions en matière de qualité, d’hygiène et de sécurité alimentaire ne pourraient être totalement observées.
Il s’agit donc ici d’enjeux économiques, mais aussi sanitaires, qui, s’ils ne doivent pas entrer en contradiction avec les principes du développement durable, ne peuvent néanmoins en aucun cas être ignorés.
Si nous ne remettons pas en cause le bien-fondé de cette taxe, nous restons attachés au principe d’équité. De trop nombreuses entreprises de transport, dans plusieurs régions de France, verraient leur développement largement compromis si le dispositif était appliqué en l’état, ce qui fragiliserait encore davantage des territoires et des populations déjà fortement éprouvés par la crise.
Cela est d’autant plus vrai que le transport sous température dirigée a connu une très forte expansion au cours de ces trente dernières années, en raison de multiples facteurs : en particulier, les consommateurs demandent de plus en plus de produits frais – entre 230 et 280 kilogrammes par personne et par an –, et le nombre de produits soumis à la réglementation du transport de denrées périssables a augmenté.
La fragilisation de ces entreprises menacerait, je le répète, l’économie de nombreuses régions de notre pays.
En Bretagne, par exemple, les denrées alimentaires représentent près de 30 % du trafic, contre 15 % seulement à l’échelle nationale. Ce n’est pas surprenant quand on connaît la réalité du tissu économique de notre région : l’agriculture, la pêche et les industries agroalimentaires représentent en effet 14 % de l’emploi total, contre 7 % seulement au plan national.
Ces trois activités placent la Bretagne au premier rang pour la production agricole et les produits transformés, mais cette filière se distingue par la faiblesse de sa valeur ajoutée, ce qui, proportionnellement, rend le coût du transport, et donc le montant de la taxe, beaucoup plus élevé.
On nous objectera que cette taxe ne s’appliquera qu’en 2011, mais qu’en sera-t-il d’ici là ? Personne ne peut aujourd’hui répondre à cette question. C’est la raison pour laquelle je souscris à la proposition de mon collègue Dominique de Legge, qui demande à ce que soit fait le bilan de l’expérimentation en Alsace.
En tout cas, il ne faut pas prendre le risque d’assister, d’ici à deux ans, à des fermetures en chaîne et à la disparition de centaines d’emplois. Quand bien même le réseau ferroviaire se développerait grâce au produit de cette taxe – et nous sommes les premiers à le souhaiter –, il ne remplacera pas la route pour le transport de marchandises sous température dirigée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La commission souhaite entendre le Gouvernement.
Je rappelle toutefois qu’elle présentera tout à l’heure au Sénat un amendement tendant à faire le bilan de l’expérimentation alsacienne et à en tirer les enseignements. En effet, l’échéance fixée, sur la base de cette expérience, est le 31 décembre 2010, ce qui nous laisse donc un peu temps.
J’ajoute que les camions réfrigérés sont assez nombreux sur les routes, sans parler du réchauffement de la planète qui crée une contrainte supplémentaire ! (Sourires.)
La commission a besoin de connaître l’avis du Gouvernement sur cet amendement.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. J’ai suivi avec attention l’argumentation de Mme Herviaux.
Nous ne pouvons accepter cet amendement – et j’ai déjà fait la même réponse à l’Assemblée nationale sur un amendement analogue –, d’abord pour des raisons d’application de la directive « eurovignette ».
En outre, l’énorme trafic qui rend les conditions de circulation sur les axes routiers au nord de Bordeaux extrêmement dangereuses, moins d'ailleurs sur l’autoroute A 10 que sur la route nationale 10, où passe un camion toutes les douze secondes, est constitué pour moitié de camions frigorifiques venus d’Espagne, du Portugal, du Maroc…
Outre le fait que cet amendement est contraire au droit européen, qui nous est opposable, son adoption remettrait donc largement en cause la pertinence de notre système.
Il faudra naturellement tenir compte des diverses contraintes, notamment dans le cadre de l’expérimentation qui sera menée en Alsace, conformément à la volonté qu’ont exprimée à plusieurs reprises les parlementaires de cette région. Pour l’heure, je ne peux être favorable, madame Herviaux, à cet amendement relatif au transport frigorifique.
M. le président. L'amendement n° II-83, présenté par M. de Montgolfier, est ainsi libellé :
I. - Rédiger comme suit le 2° du I du texte proposé par le A du II de cet article pour l'article 270 du code des douanes :
« 2° Les routes à grande circulation appartenant à des collectivités territoriales, telles que définies à l'article L. 110-3 du code de la route. »
II. - Supprimer le III du même texte.
La parole est à M. Albéric de Montgolfier.
M. Albéric de Montgolfier. Mon amendement vise tout simplement à poser la question du financement de l’entretien des routes départementales à fort trafic.
Je rappelle que, dans plus de la moitié des départements français, il n’y a plus de routes nationales, celles-ci ayant été transférées aux départements sans aucune compensation financière, et qu’aujourd’hui les régions n’interviennent plus sur les routes départementales, lesquelles nécessitent parfois des travaux plus importants que certaines routes nationales.
La rédaction actuellement présentée dans le projet de loi de finances pour l’article 270 du code des douanes est pour le moins imprécise. L’article 60 vise à taxer, d’une part, des routes nationales – sur environ 12 000 kilomètres –, et, d’autre part, un certain nombre de routes départementales – soit environ 3 000 kilomètres –, mais la taxation proposée repose sur une définition tout à fait subjective de la voirie, puisqu’il est fait référence aux routes « susceptibles de supporter un report significatif de trafic ». Le texte ne précise pas comment l’importance de ce report de trafic sera appréciée et ce qu’il convient d’entendre par les termes « susceptibles de ».
Par cet amendement, je propose de substituer à cette définition la notion beaucoup plus précise de routes à grande circulation, qui figure dans le code de la route.
Je rappelle qu’il s’agit de routes supportant un fort trafic, qui permettent d’assurer la continuité des grands axes, ainsi que, notamment, le délestage du trafic et la circulation des transports exceptionnels. Ce sont également les routes sur lesquelles l’État a le droit de faire peser des obligations de mise à niveau et de police particulières.
La liste des routes à grande circulation est fixée par décret, après avis des collectivités qui en sont propriétaires. Retenir cette définition permettrait d’identifier de manière beaucoup plus précise les voies supportant un fort trafic qui doivent être visées par la nouvelle taxe.
Je souhaite donc que le Gouvernement nous fournisse des explications sur la manière dont sera mesuré objectivement le report du trafic et sur les modalités de prise en compte de la volonté des conseils généraux quant à la taxation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La commission souhaite entendre le Gouvernement, car la mise en œuvre de ce dispositif de taxation appelle des définitions suffisamment précises pour lever toute ambiguïté.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Je comprends parfaitement les arguments de M. de Montgolfier.
Il est exact que la décentralisation a eu pour conséquence que, dans un grand nombre de départements, la voirie nationale s’est réduite comme peau de chagrin et que certains même n’en ont plus du tout. Les réseaux sont maintenant surtout départementaux.
Votre amendement, monsieur le sénateur, présente l’inconvénient, dont vous êtes d’ailleurs vous-même fort conscient, d’élargir considérablement l’assiette de la taxe.
Le Gouvernement prend l’engagement d’établir la carte des routes concernées, département par département, après accord et, éventuellement, signature d’une convention, entre le préfet, le directeur régional de l’équipement ou le futur directeur régional de l’environnement, de l’aménagement et du logement, d’une part, et le président du conseil général, d’autre part, qui est à la tête de la voirie départementale. En effet, je pense comme vous que le département est le mieux à même de juger en cette matière.
En outre, les choses peuvent évoluer : le report de trafic peut ne pas se faire immédiatement, mais dans un second temps. Le travail en commun de définition des axes dont le conseil général souhaitera qu’ils soient pris en compte pour l’application de la taxe ne doit pas être fait une fois pour toutes ; au contraire, il doit être régulièrement revu afin d’adapter la liste des axes retenus aux évolutions, car la mise en place du dispositif entraînera de nombreux changements de comportement ou d’habitudes, en particulier parmi les chauffeurs de poids lourds étrangers. La carte devra donc pouvoir être actualisée en permanence.
Je m’engage, au nom du Gouvernement, à ce que ce travail s’effectue département par département, par le biais d’une concertation entre le conseil général et le responsable de l’exécutif du département.
M. le président. Monsieur de Montgolfier, l'amendement n° II-83 est-il maintenu ?
M. Albéric de Montgolfier. J’ai bien noté que le Gouvernement tiendra compte de la volonté des conseils généraux, qui décideront quels axes seront soumis à la taxation.
Compte tenu de cet engagement, que j’aimerais voir formaliser dans une convention, je retire mon amendement.
M. Gérard Longuet. Je souhaitais épauler la démarche de M. de Montgolfier, mais la réponse de M. le secrétaire d’État me convient. J’aimerais cependant savoir s’il est envisagé de moduler la redevance selon les jours et les heures d’utilisation du réseau.
M. le président. L'amendement n° II-80, présenté par MM. Gilles et J.C. Gaudin et Mlle Joissains, est ainsi libellé :
À la fin du premier alinéa du texte proposé par le A du II de cet article pour l'article 271 du code des douanes, remplacer les mots :
supérieur à trois tonnes et demi
par les mots :
supérieur à douze tonnes
Cet amendement n'est pas soutenu.
Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-70, présenté par M. Marc, Mme Blondin et MM. Botrel et Fichet, est ainsi libellé :
I. - Remplacer le premier alinéa du 1 bis du texte proposé par le A du II de cet article pour l'article 275 du code des douanes par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Le taux kilométrique est compris entre 0,025 € et 0,20 € par kilomètre.
« Le taux kilométrique sera le taux minimal pour les deux déciles des départements métropolitains les plus défavorisés pour chacun des deux critères suivants :
« a) Leur périphéricité au sein de l'espace européen, appréciée au regard de leur éloignement des grandes unités urbaines européennes de plus d'un million d'habitants ;
« b) La faiblesse de l'offre alternative à la route.
II. - En conséquence, supprimer le 2 du même texte.
L'amendement n° II-69, présenté par M. Marc, Mme Blondin, M. Botrel, Mme Chevé, MM. Fichet et Hervé, Mmes Herviaux et Klès et M. Le Menn, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du 1 bis du texte proposé par le A du II de cet article pour l'article 275 du code des douanes, remplacer le taux :
25 %
par le taux :
50 %
et avant le mot :
départements
insérer le mot :
vingt
L'amendement n° II-68, présenté par M. Marc, Mme Blondin, M. Botrel, Mme Chevé, M. Fichet et Mme Herviaux, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du 1 bis du texte proposé par le A du II de cet article pour l'article 275 du code des douanes, remplacer le taux :
25 %
par le taux :
50 %
La parole est à M. François Marc, pour présenter ces trois amendements.