Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Plusieurs années de suite déjà, nous avons examiné des amendements très voisins. La commission des finances est bien entendu intéressée par ces propositions.
Il s’agit cependant de dispositions n’ayant pas d’impact sur le solde du projet de loi de finances, et il serait préférable, si Dominique Braye le voulait bien, que ces amendements soient retirés à ce stade de la discussion pour être présentés dans le cadre des articles non rattachés de la seconde partie.
C’est donc dans le but de mieux organiser la discussion et d’assurer le respect de nos règles de procédure que je suis obligé d’apporter cette réponse, la même que celle que j’avais déjà dû donner vendredi aux auteurs d’une série d’amendements, au début de l’examen des articles de la première partie, de telle sorte que le débat puisse avoir lieu sur le fond.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement se joint à l’invitation de M. le rapporteur général de reporter ces amendements à l’examen de la seconde partie.
Pour éclairer le débat ultérieur, je souhaite cependant indiquer dès maintenant, monsieur Braye, qu’une discussion sur le champ d’application de la responsabilité élargie des producteurs est en cours dans le cadre, notamment, d’un groupe de travail constitué par M. le ministre d'État, et que les déchets sanitaires, que vise l’un de vos amendements suivants, entrent d’ores et déjà dans le champ d’application du projet de loi « Grenelle II », qui est actuellement soumis au Conseil d'État et qui pourrait utilement recouvrir également les deux autres secteurs d’activité, notamment celui du meuble, qui font l’objet de vos amendements.
Mme la présidente. Monsieur Braye, l'amendement n° I-141 rectifié est-il maintenu ?
M. Dominique Braye. Les années se suivent mais ne se ressemblent pas forcément ! Vous laissez en effet entendre, monsieur le rapporteur général, que cet amendement est un « cavalier » !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pas un cavalier, mais un amendement de seconde partie !
M. Dominique Braye. Je tiens néanmoins à rappeler qu’un amendement relatif à la responsabilité élargie des producteurs dans le secteur du textile a été adopté dans les mêmes termes en première partie du projet de loi pour 2007, après avoir reçu un avis favorable tant de la commission des finances que du ministre d’alors.
Cependant, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, je vous ai bien entendus, et comment pourrais-je vous être désagréable ? Je me rends donc à votre invitation.
En tant que président du groupe d’études du Sénat sur la gestion des déchets, je tiens toutefois à souligner, madame la ministre, que nous parlons depuis quatre ans déjà du traitement des DASRI, les déchets d’activités de soins à risques infectieux, que vous avez évoqués. Qu’il se soit agi de problèmes relevant du ministère de la santé ou de celui de l’environnement, on a toujours trouvé de bonnes raisons pour ne pas arriver à une solution,…
M. Dominique Braye. …de sorte que, comme la communauté d’agglomération de Mantes-en-Yvelines, plusieurs collectivités locales ont mis elles-mêmes en place des bornes pour collecter les DASRI, tout ce que l’on appelle « les piquants et les coupants », c'est-à-dire en particulier les seringues qu’utilisent les personnes, et principalement les diabétiques, recevant des soins à domicile. À ce jour, ce service est entièrement aux frais du contribuable !
Il serait grand temps que l’État cesse de donner l’impression de suivre les collectivités locales en la matière, alors que c’est lui qui devrait donner l’impulsion. J’espère donc que le Grenelle donnera une énergie nouvelle à des politiques qui devraient être mises en place depuis longtemps, mais je rêve sans doute…
M. Dominique Braye. Je retire donc l’amendement n°I-141 rectifié, et je ne présenterai pas l’amendement n° I-140 rectifié bis relatif aux DASRI…
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. En examinant les choses de façon plus précise, je constate que j’ai sans doute un peu trop rapidement demandé le retrait de l’amendement n° I-140 rectifié bis, car il devrait pouvoir s’appliquer au 1er janvier 2009.
En clair, les dispositions qui relèvent de la première partie sont celles qui ont vocation à entraîner des conséquences financières dès le 1er janvier de l’année n+1. C’est le cas de cet amendement comme de l’amendement n° I-77 ; ce n’est pas le cas en revanche des amendements relatifs à d’autres filières, l’organisation avec les producteurs qu’ils supposent n’étant pas encore en place.
Ce n’est pas de l’arbitraire. Nous essayons, autant que possible, de suivre notre jurisprudence, et je demande à M. Braye de m’excuser de lui compliquer ainsi la vie !
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Braye.
M. Dominique Braye. Vous ne compliquez rien, monsieur le rapporteur général. L’essentiel est d’aboutir !
L’amendement n° I-141 rectifié relèverait donc plutôt de la seconde partie, et je confirme que je le retire. Je vais en revanche présenter mon amendement n° 140 rectifié bis puisque la question des DASRI va finalement trouver, après quatre ans de discussion, une issue favorable en 2009.
Je souligne par ailleurs que ce que l’on appelle maintenant les déchets dangereux des ménages, qui étaient autrefois appelés les déchets toxiques en quantités dispersées, les DTQD, sont ceux, même s’ils sont en petite quantité, qui provoquent le plus d’atteintes à l’environnement,…
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ça, c’est pour 2010 !
M. Dominique Braye. …raison pour laquelle je présenterai également l’amendement qui s’y rapporte. Il serait peut-être bon, si l’on veut respecter l’esprit du Grenelle, que l’on s’attaque d’abord à tout ce qui a l’impact le plus dangereux sur l’environnement !
Mme la présidente. L'amendement n° I-141 rectifié est retiré.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-77, présenté par M. Miquel, Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 541-10-3 du code de l'environnement, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L.... - À compter du 1er janvier 2009, toute personne privée physique ou morale qui fabrique, importe ou introduit sur le marché des produits à usage thérapeutique destinés aux activités de diagnostic, de suivi et de traitement préventif, curatif ou palliatif dans les domaines de la médecine humaine et vétérinaire générant des déchets d'activités de soins professionnels ou d'usagers en automédication, est tenue de prendre en charge techniquement et financièrement la collecte sélective auprès des professionnels de santé et l'élimination desdits déchets d'activité de soin.
« La personne visée au premier alinéa qui ne s'acquitte pas de cette prise en charge est soumise à la taxe prévue à l'article 266 sexies du code des douanes.
« Les modalités d'application du présent article sont définies par décret. »
La parole est à M. Gérard Miquel.
M. Gérard Miquel. Cet amendement vise, dans la droite ligne des conclusions du Grenelle de l’environnement, à étendre le principe de la responsabilité élargie du producteur aux déchets d’activités de soins à risques infectieux, les DASRI.
Ces déchets représentent près de 200 000 tonnes, dont seulement 3 000 tonnes environ issues des ménages, le reste étant issu des activités professionnelles. Mais ce gisement de 3 000 tonnes, en forte augmentation du fait du développement rapide des pratiques d’auto-traitement à domicile, ne fait pas l’objet d’une collecte sélective en pharmacie, et les DASRI se retrouvent le plus souvent mélangés aux déchets ménagers ou dans la collecte sélective des emballages.
De nombreuses collectivités n’ont pas attendu d’être soutenues financièrement pour mettre en place des dispositifs de collecte. Nous avons ainsi organisé, avec la collaboration des directions départementales de l’action sanitaire et sociale ainsi qu’avec le réseau des pharmacies, la collecte et le traitement de ces déchets. Il n’en reste pas moins que ce traitement incombe, sur le plan financier, aux collectivités.
Le décret du 6 novembre 1997 impose pourtant que les DASRI, « dès leur production », soient séparés des autres déchets au regard de leur caractère dangereux. Il est donc urgent de mettre en place une collecte sélective et une élimination des DASRI à l’échelle nationale en la finançant par une contribution payée par les fournisseurs de ces produits.
Cette responsabilité des producteurs ne doit pas se limiter à la mise à la disposition des usagers de contenants vides gratuits. Il faut aussi se soucier de la collecte des contenants pleins et de leur élimination, qui, à défaut, seraient portées par les collectivités et financées par les contribuables : si le producteur ne s’acquittait pas de cette prise en charge technique et financière, il serait alors soumis à la TGAP.
Nous constatons avec plaisir que d’autres collègues, Dominique Braye en particulier, poursuivent le même objectif. Il nous semble en effet urgent de mettre en place cette responsabilité élargie du producteur sur les déchets d’activités de soins. Les conclusions du Grenelle de l’environnement prévoyaient déjà une application de ce dispositif à l’été 2008. C’est la raison pour laquelle nous espérons que nous arriverons à un accord le plus rapidement possible.
Mme la présidente. L'amendement n° I-140 rectifié bis, présenté par MM. Braye, Hérisson, J. Gautier, P. André, Détraigne, Soulage et J. Blanc, Mme Bout et MM. Dubois, Beaumont, Pointereau, Merceron et Vasselle, est ainsi libellé :
Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 4211- 2 du code de la santé publique, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - En l'absence de dispositif de collecte de proximité spécifique, les officines de pharmacies, les pharmacies à usage intérieur et les laboratoires de biologie médicale sont tenus de collecter gratuitement les déchets d'activités de soins à risque infectieux produits par les patients en auto traitement, apportés par les particuliers qui les détiennent.
« Un décret pris après avis du Conseil de la concurrence précise les conditions de la pré-collecte, de la collecte et de la destruction des déchets mentionnés ci-dessus, notamment les conditions du financement de celles-ci par les exploitants et les fabricants de médicaments, dispositifs médicaux et dispositifs médicaux de diagnostic in vitro mentionnés à l'article R. 1335-8-1 conduisant à la production de déchets perforants destinés aux patients en auto-traitement, ou les mandataires des fabricants.
« Les modalités de financement prévues au présent article ainsi que les sanctions en cas de non-respect de l'obligation visée au premier alinéa sont fixées par décret en Conseil d'État.
La parole est à M. Dominique Braye.
M. Dominique Braye. Cet amendement a le même objet que l’amendement n° I-77 que vient de présenter Gérard Miquel, membre éminent du groupe d’études sur la gestion des déchets.
Lequel de nos amendements est le meilleur ? Je ne le sais pas, mais, en tout cas, je n’ai rien à ajouter à l’excellente présentation que vient de faire Gérard Miquel de son amendement, si ce n’est pour dire que nous souhaitons tous que le traitement des DASRI incombe non pas aux collectivités locales mais aux consommateurs.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. C’est un vrai sujet. Bien sûr, nous sommes un peu à la limite de la loi de finances, mais, puisqu’il s’agit de créer une « TGAP sanction », ces amendements ont bien un certain caractère budgétaire ou financier.
En tout état de cause, ils tendent à répondre à une nécessité, celle de mieux organiser les circuits de collecte de ces déchets. Nombre de nos collectivités ont mis au point des systèmes de ramassage avec la participation des professionnels, mais ces systèmes reposent sur les bonnes volontés et peuvent être lacunaires. Ils sont inévitablement coûteux pour les collectivités.
Mieux vaudrait que les professionnels de soins, en particulier les officines de pharmacie et les laboratoires de biologie médicale, soient clairement tenus de collecter gratuitement les DASRI.
C’est ce à quoi tend la disposition principale des deux amendements similaires qui nous sont soumis.
Quoique les démarches soient tout à fait convergentes sur le plan tant technique que juridique, la commission a une légère préférence pour l’amendement de Dominique Braye. Elle a donc émis un avis favorable sur l’amendement n° I-140 rectifié bis, qui devrait satisfaire l’amendement n° I-77 ; mais, je le répète, c’est uniquement pour des raisons de formalisation juridique que l’amendement de M. Braye lui paraît être un meilleur support.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Je reprends l’argumentation que j’ai développée tout à l’heure et répète que le Gouvernement est favorable, sur le principe, à la demande que vous formulez par le biais de cet amendement, monsieur Braye.
Je comprendrais très bien que vous refusiez de retirer cet amendement. Pour ma part, je souhaiterais qu’il puisse être examiné dans un cadre qui lui soit plus approprié, à savoir le projet de loi de transition environnementale, dit « Grenelle II » (Mme Nicole Bricq s’exclame.), qui est actuellement soumis au Conseil d’État et qui sera présenté au Parlement très prochainement.
Le dispositif concernant les déchets d’activités de soins à risques figure expressis verbis dans ce projet de loi « Grenelle II », et M. le ministre d’État aurait probablement grand plaisir à ce qu’il s’y trouve effectivement.
Mme la présidente. Monsieur Braye, l'amendement n° I-140 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Dominique Braye. J’entends la demande de Mme la ministre et suis sensible à son désir de faire plaisir au ministre d’État. Comment ne pas être dans les mêmes dispositions, d’ailleurs ? (Sourires.)
Pour autant, je maintiens cet amendement. En effet, comme l’a souligné M. le rapporteur général, nous souhaitons que ce dispositif soit mis en place très vite, à partir du 1er janvier 2009 si possible. Or le projet de loi dit « Grenelle II » risque de ne pas être présenté avant cette date au Parlement.
Mme Michèle André. C’est sûr !
M. Dominique Braye. Nous avons suffisamment tardé sur ce dossier. Il nous semble que l’impulsion du Parlement est indispensable pour que soit institué le principe de la responsabilité élargie du producteur pour la filière des déchets d’activités de soins à risque infectieux.
Madame la ministre, je vous prie de bien vouloir m’excuser de ne pas accéder à votre demande. Toutefois, si vous m’assurez que le projet de loi dit « Grenelle II » sera présenté au Sénat avant le 31 décembre 2008 (Rires.), je retirerai cet amendement. Sinon, je le maintiens !
Mme la présidente. Monsieur Miquel, l'amendement n° I-77 est-il maintenu ?
M. Gérard Miquel. Je partage la position de mon collègue Dominique Braye. Nous nous battons depuis des années pour que soit pris en compte le traitement des déchets d’activités de soins à risque infectieux et pour que les producteurs y prennent une part financière.
Nous avons déposé des amendements similaires à plusieurs reprises à l’occasion de l’examen de lois de finances antérieures. Les amendements nos I-140 rectifié bis et I-77 visent à mettre en application le dispositif au 1er janvier 2009. Nous anticipons, ce dont le ministre d’État, M. Jean-Louis Borloo, nous sera reconnaissant.
Attendre l’examen du projet de loi dit « Grenelle II », son vote, la publication des décrets d'application nous ferait perdre encore beaucoup de temps. Or il s’agit d’un problème urgent : les collectivités se sont engagées, et il nous faut trouver rapidement une solution.
Cela étant, je retire l’amendement n° I-77 au profit de l'amendement n° I-141 rectifié bis, que je voterai.
Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur Braye, dans la mesure où je ne peux répondre de manière satisfaisante à votre demande, puisque j’ignore si ce projet de loi sera examiné avant le 31 décembre 2008, je m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 9.
L'amendement n° I-139, présenté par MM. Braye, Hérisson, J. Gautier, P. André, Détraigne et Soulage, est ainsi libellé :
Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 541-10-3 du code de l'environnement, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - À compter du 1er janvier 2010, toute personne physique ou morale qui fabrique, importe ou introduit sur le marché national des peintures, vernis, solvants, détergents, huiles de vidanges, pesticides, herbicides, fongicides et autres produits chimiques pouvant représenter un risque significatif pour la santé et l'environnement est tenue de prendre en charge techniquement et financièrement la collecte et l'élimination desdits produits en fin de vie (contenants et contenus). Ces produits devront faire l'objet d'une signalétique « point rouge » afin d'éviter aux usagers de les faire collecter en mélange avec les déchets municipaux résiduels. À partir du 1er janvier 2010, tout émetteur sur le marché ne respectant pas cette obligation sera soumis à la taxe générale sur les activités polluantes.
« Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret. »
La parole est à M. Dominique Braye.
M. Dominique Braye. Cet amendement, comme les autres amendements portant sur le même sujet, fait suite aux propositions du groupe de travail sur la gestion des déchets, dont je suis le président et, ce soir, le porte-parole.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il relève de la seconde partie !
M. Dominique Braye. Effectivement, monsieur le rapporteur général. Je vais donc le retirer pour l’instant, et le déposerai à nouveau en seconde partie.
Mme la présidente. L'amendement n° I-139 est retiré.
L'amendement n° I-138, présenté par MM. Braye, Hérisson, J. Gautier, P. André, Détraigne et Soulage, est ainsi libellé :
Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le premier alinéa de l'article L. 2333-92 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée : « Son montant est déduit de la taxe générale sur les activités polluantes prévue à l'article 266 sexies du code des douanes ».
II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Dominique Braye.
M. Dominique Braye. La loi de finances pour 2006 a créé une taxe locale pour les communes d'accueil d'un nouveau centre de stockage de déchets ménagers et assimilés ou d'un nouvel incinérateur de déchets ménagers.
Monsieur Marini, cette taxe a fait l’objet d’une discussion au moment de son institution entre le rapporteur général de la commission des finances que vous êtes et le président du groupe d’études sur la gestion des déchets que je suis. La loi de finances pour 2007 a étendu cette disposition aux installations existantes, en réduisant la contribution à 1,5 euro par tonne en supplément de la TGAP existante.
Avec la forte augmentation de la TGAP sur ces mêmes installations, il n'est pas acceptable que ces deux contraintes fiscales soit cumulatives. La TAGP pourrait alors s’élever à 11,50 euros par tonne, ce qui nous paraît excessif.
Par cet amendement, il est donc proposé que le montant de la taxe locale pour les communes d'accueil soit déduit du calcul de la TGAP sur les installations de stockage et d'incinération, afin que le montant total ne dépasse pas 10 euros par tonne.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le raisonnement qui nous est tenu est fort logique.
Créée par la loi de finances pour 2006, la « taxe Pélissard » est une taxe locale pour les communes d’accueil d’un nouveau centre de stockage ou d’un nouvel incinérateur, étendue par la loi de finances pour 2007 aux installations existantes.
Aujourd'hui se pose la question d’une double taxation, taxe locale et TGAP. Sur ce sujet, la commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur le sénateur, vous proposez que le montant dû au titre de la taxe sur les déchets ménagers soit déduit de celui que les redevables doivent acquitter au titre de la TGAP.
Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement, et ce pour trois raisons.
D’abord, la double taxation au titre de la taxe sur les déchets ménagers et au titre de la TGAP est très limitée dans les faits.
Ensuite, cet amendement n’est pas tout à fait cohérent avec les objectifs que s’est fixés le Gouvernement dans le cadre du projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement.
Enfin, cet amendement complique de façon assez délicate les relations entre ces deux taxes.
La loi de finances pour 2007 a déjà pris en compte les situations de double taxation au titre de la taxe sur les déchets ménagers et au titre de la TGAP, puisqu’elle a abaissé le tarif maximal applicable dans le cadre de la taxe sur les déchets ménagers de 3 euros par tonne à 1,5 euro par tonne. La double taxation que vous dénoncez est donc très limitée dans les faits depuis l’entrée en vigueur de la loi de finances pour 2007.
Vous connaissez les engagements pris par le Gouvernement, dans le cadre du Grenelle de l’environnement, pour réduire la pollution. Abaisser aujourd'hui le montant d’une taxe aussi essentielle que la TGAP ne serait pas cohérent avec cet objectif de lutte contre la pollution.
Par ailleurs, cet amendement pose des difficultés de coordination technique entre les deux taxes : la taxe sur les déchets ménagers et la TGAP.
Ces deux taxes n’ont pas le même objet.
La taxe sur les déchets ménagers a été créée afin d’encourager les communes à favoriser l’implantation de nouvelles installations de stockage. C'est la raison pour laquelle elle ne peut être instituée que sur les équipements installés ou étendus après le 1er janvier 2006.
La TGAP, quant à elle, est une taxe nationale, dont le champ d’application est beaucoup plus large et qui vise à modifier les comportements en les rendant plus respectueux de l’environnement.
Ces deux taxes n’ont pas la même assiette. La taxe sur les déchets ménagers concerne exclusivement les installations de stockage ou d’incinération de déchets ménagers, tandis que la TGAP porte également sur les installations de stockage ou d’incinération de déchets dangereux. Seule une partie des installations de stockage et d’incinération est donc soumise aux deux taxes.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il y sera défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Braye, l'amendement n° I-138 est-il maintenu ?
M. Dominique Braye. Je comprends tout à fait la position du Gouvernement, qui me paraît cohérente. Le problème, c’est que nous ne sommes pas du même côté de la barrière, madame la ministre ! (Sourires.)
Ce qui préoccupe les élus locaux, les représentants de collectivités territoriales ou de collectivités locales que nous sommes, c’est que ces deux taxes, quelles que soient leurs assiettes respectives, auront inévitablement une répercussion sur la facture de nos administrés. Alors que le Gouvernement est à juste titre soucieux du pouvoir d'achat de nos concitoyens, nous proposons de limiter cette hausse inévitable, qui pèsera sur le budget de nos concitoyens.
C'est la raison pour laquelle je maintiens mon amendement et souhaite que la Haute Assemblée se prononce sur ce sujet.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s’agit d’un authentique dilemme ! Il n’est qu’à se rappeler les réticences de la commission des finances lors de la création de cette taxe locale, dite « taxe Pélissard ».
M. Dominique Braye. Oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nombre d’entre nous étaient extrêmement sceptiques, au motif que l’instauration de cette mesure créerait un coût supplémentaire qui serait répercuté sur les contribuables, en particulier sur les redevables de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères ou sur ceux qui paient la redevance.
J’entends bien le raisonnement de Dominique Braye, mais, dès lors que cette taxe locale serait déductible de la TGAP, les communes concernées seraient incitées à instaurer une telle taxe, voire à en accroître le rendement.
Un effet pervers est donc à craindre : les collectivités seraient tentées de cannibaliser la TGAP, profitant du jeu de vases communicants entre les deux taxes. Je les comprends d’ailleurs, car j’ai tendance à être de leur côté ; mais l’État ne pourrait voir cela d’un œil favorable.
En outre, les collectivités ayant instauré cette taxe locale pour permettre une nouvelle installation prendront le risque de voir celle-ci entrer dans la base de la TGAP et se trouveront dans une situation de taxation sur taxation.
Nous le voyons bien, aucune solution satisfaisante n’existe.
Pour ma part, je considère que cette question devrait faire l’objet d’une concertation entre les collectivités locales et l’État. Nous aurions d’ailleurs pu l’évoquer lors du débat sur les déchets.
Tout le monde reconnaît que le Grenelle de l’environnement a été une très bonne initiative et que les propositions prévues par ce projet de loi de finances pour 2009 pour créer une TGAP plus motivante, susceptible de modifier les comportements, sont bienvenues. Pour autant, la concertation avec les communes et les intercommunalités, notamment celles qui ont la charge de la gestion du transport et du traitement des déchets ménagers, a-t-elle été suffisante ?
Les points de vue de certains de mes collègues, ainsi que le débat que nous avons eu sur les tarifs de la nouvelle TGAP selon la nature des installations font apparaître que de nombreuses questions restent en suspens, dont on méconnaît les répercussions sur les impôts locaux, donc sur le pouvoir d'achat de nos concitoyens.
Il appartient à Dominique Braye de prendre sa décision. Pour ma part, je doute fort que le dispositif de l'amendement n° I-138, si ce dernier était adopté, serait opérant. Il faut à mon avis d’abord poser le problème de façon plus précise, et c’est sans doute le reproche que l’on peut formuler à l’encontre des membres du Gouvernement qui ont en charge ce dossier : ils ont voulu avancer, ce qui est fort louable, mais, du point de vue des collectivités locales, ils l’ont fait un peu à la hussarde, en laissant de côté un certain nombre de points.