Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse très précise, qui permet de dissiper nos craintes.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Madame la ministre, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 comporte une innovation qui préfigure ce que sera demain le paysage médical dans notre pays : il s’agit de la possibilité ouverte aux agences régionales de l’hospitalisation, qui deviendront bientôt les agences régionales de santé, de placer provisoirement un établissement public de santé sous administration provisoire, c’est-à-dire sous tutelle.
Vous justifiez cette disposition par la situation de certains établissements présentant un déficit, qu’il faudrait replacer sur le bon chemin de l’efficience. Vous entendez confier sa mise en œuvre au « superpréfet » que sera le directeur de la future ARS, qui se substituerait au directeur de l’établissement, forcément responsable de la situation.
Madame la ministre, il nous paraît particulièrement injuste de stigmatiser cette personne, en faisant retomber sur elle le poids de toutes les responsabilités. Cela tendrait à faire croire à nos concitoyens que la situation financière de nos hôpitaux ne résulterait que de la mauvaise gestion de leurs directeurs.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Cela peut arriver !
M. Guy Fischer. Il en est de très mauvais, sans doute, mais l’on peut supposer qu’ils sont connus ! C’est comme les mauvais chirurgiens : on les connaît, et pourtant ils exercent toujours !
Aujourd’hui, le déficit global des établissements publics de santé est estimé à près de 880 millions d’euros. Nous avons du mal à croire que cette situation gravissime n’est que la conséquence d’une mauvaise gestion. François Autain et moi-même avons souligné qu’elle résulte souvent d’un sous-financement de l’hôpital public.
Je vous poserai donc deux questions, madame la ministre.
Tout d’abord, pouvez-vous nous indiquer précisément quels sont les effets de l’application de la T2A à l’hôpital ? Certes, nous avons le sentiment de nous répéter, mais la formule y incite !
M. Guy Fischer. Ensuite, quelle forme pourraient prendre les mesures proposées par le directeur de l’ARH dans la situation que j’ai évoquée ? Qu’est-il prévu – nous n’avons pas trouvé d’éléments à ce sujet dans le projet de loi – pour le cas où l’autorité de tutelle de l’établissement public de santé ne parviendrait pas à ramener la situation financière à l’équilibre ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur le sénateur, je ne me lasse jamais de vous répondre, même si vous me posez toujours les mêmes questions… (Sourires.)
Je vais néanmoins essayer de varier un peu mes réponses et de vous apporter d’autres éléments d’appréciation.
Je rappellerai d’abord, pour situer les choses, que nos dépenses hospitalières par habitant sont les plus élevées au monde…
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Eh oui !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … et que notre maillage hospitalier est le plus dense au monde !
M. François Autain. Il y a l’Allemagne, quand même !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Or, malgré cela, et en dépit de la crise financière que nous traversons, nous fixons un ONDAM hospitalier en augmentation de 3,1 %, soit une hausse très nettement supérieure à la progression de la richesse nationale.
Comment, dans ces conditions, peut-on affirmer que nous sommes dans une logique de rationnement ? Bien au contraire, ces dépenses, qui sont les plus élevées au monde, connaissent un taux de progression beaucoup plus rapide que la croissance de la richesse nationale. Telle est la vérité des chiffres, que je voulais redire devant le Sénat.
Nous devons réfléchir ensemble à l’emploi judicieux des ressources extrêmement importantes que la solidarité nationale consacre à l’hôpital, en particulier à l’hôpital public, pour que celui-ci dispense des soins de qualité à l’ensemble de nos concitoyens.
Dans cette perspective, la tarification à l’activité répond à un double souci de justice : justice entre les établissements, justice pour les malades.
J’ai expliqué par quel mécanisme la tarification à l’activité place le malade au centre du dispositif. En aucun cas elle n’a eu pour effet de diminuer la dotation globale consacrée à l’hôpital ! J’en veux pour preuve que les ONDAM hospitaliers ont continué de progresser. Simplement, elle a redistribué les ressources entre les hôpitaux.
Monsieur Fischer, ne trouvez-vous pas juste, tout de même, que les établissements réalisant le plus grand nombre d’actes – au service des malades, au service de notre santé ! – reçoivent davantage d’argent que les établissements moins actifs ? Cela me paraît pourtant relever de l’évidence !
La dotation globale, que tout le monde critiquait et dénonçait comme un système parfaitement injuste quand elle existait, a été remplacée par la tarification à l’activité, système qui ne pénalise pas les établissements hospitaliers.
M. Bernard Cazeau. Si !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Bien au contraire, elle les a placés en situation de responsabilité, et de nombreux établissements y ont trouvé leur compte.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Poitiers, entre autres !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. En particulier, ils ont pu connaître des évolutions qui étaient devenues nécessaires et que leurs performances ont rendues possibles.
Vous m’interrogez enfin sur la mise sous administration provisoire. Bien évidemment, cela concerne des établissements dont la situation financière est tellement dégradée qu’elle ne peut qu’être le signe d’une déficience dans la gouvernance de l’établissement.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ajaccio !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Elle n’intervient qu’au terme d’une gradation des mesures que j’ai décrite dans mon propos liminaire. Je ne citerai pas, parce que je ne souhaite pas le stigmatiser, l’établissement que je viens de mettre sous administration provisoire, mais vous connaissez le montant de son déficit par rapport à son chiffre d’activité – je ne parle jamais de chiffre d’affaires à propos d’un hôpital public, car j’estime que ce terme n’est pas approprié en l’occurrence – et la gravité des déficiences de la gouvernance qui y ont été constatées.
Quand une équipe rencontre manifestement des difficultés, il faut l’aider, et la mise sous administration provisoire est une manière de le faire. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Madame la ministre, je vous poserai quatre questions rapides, révélatrices d’autant de facettes de l’hôpital.
Vous connaissez les inquiétudes des patients souffrant de maladies dites orphelines. Quelles initiatives le Gouvernement compte-t-il prendre afin que l’hôpital prenne mieux en charge les pathologies rares ?
En matière de recherche et de thérapies, à l’heure où les découvertes sur les cellules-souches se succèdent, la France est confrontée à un paradoxe, puisque le sang de cordon ombilical y est considéré comme un déchet opératoire. Le pays dans lequel Éliane Gluckman, voilà vingt ans, a réalisé la première greffe mondiale de sang de cordon vient aujourd’hui au seizième rang, après la République tchèque, pour la collecte de greffons !
Alors qu’elle compte 800 000 naissances par an, la France est obligée d’importer des cordons. Cela coûte à l’assurance maladie plus de 3 millions d'euros, ce qui équivaut à la conservation de 1 700 greffons.
Madame la ministre, avez-vous l’intention de lancer une véritable politique en la matière et de permettre à davantage de maternités de collecter le sang de cordon ? Si oui, dans quelle mesure et dans quels délais ?
Par ailleurs, un service d’addictologie a-t-il les mêmes lettres de noblesse à vos yeux, madame la ministre, qu’un service de chirurgie neurologique à l’hôpital de La Pitié- Salpêtrière ou un service de cardiologie à l’hôpital européen Georges-Pompidou ? Si oui, compte tenu de l’ampleur de la problématique des addictions en France, avez-vous l’intention de développer et de valoriser l’addictologie au sein de l’hôpital ?
Enfin, vous avez la volonté de moderniser l’hôpital, madame la ministre, mais avez-vous étudié l’incidence sur l’organisation hospitalière des innovations médicales et technologiques ?
Le rapport de Mme Polton portant sur le devenir de l’hôpital à l’horizon de 2020 a-t-il été utilisé pour orienter les politiques publiques à l’égard des innovations médicales et technologiques, qui permettent des gains de temps et de lits et le redéploiement de moyens humains ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il me faudrait vingt minutes pour répondre à toutes les questions de Mme Hermange ! (Sourires.)
Le premier point que vous avez évoqué, madame la sénatrice, me tient particulièrement à cœur.
Les maladies rares, celles qui affectent moins d’une personne sur 2 000, touchent néanmoins de 3 à 4 millions de nos concitoyens, et 30 millions de personnes au sein de l’Union européenne.
Le plan national maladies rares s’achève à la fin de l’année. De multiples lettres émanant d’associations et de personnes privées m’interpellent sur ce sujet, et je voudrais profiter de votre question, madame la sénatrice, pour rassurer les patients qui souffrent de ces pathologies, ainsi que leurs familles.
Le diagnostic et la prise en charge initiale des patients atteints de maladies rares sont essentiellement hospitaliers. L’un des axes du plan maladies rares a été de mettre en place des centres de référence. Ces centres de référence ont été implantés dans les hôpitaux afin de bénéficier de l’expertise des équipes médicales en place et de leurs plateaux techniques.
Ainsi, 131 centres de référence ont été labellisés et financés à hauteur de 40 millions d'euros. Le nombre de maladies rares étant, selon les experts, de l’ordre de 7 000 à 8 000, chaque centre a la responsabilité du traitement de plusieurs d’entre elles. Elles ont été classées en dix-sept groupes. En outre, 475 centres de compétence, s’articulant avec les centres de référence, doivent être désignés d’ici à la fin de l’année 2008.
Enfin, dans le cadre du PHRC, le programme hospitalier de recherche clinique, près de soixante-dix projets de recherche émanant d’équipes hospitalières ont été financés à hauteur d’environ 26 millions d'euros.
Je souligne que cette organisation est considérée comme un modèle par nos partenaires européens. J’ai inscrit la question des maladies rares à l’ordre du jour de la présidence française de l’Union européenne. Vous avez d'ailleurs assisté à l’un des séminaires d’experts que j’ai organisés, madame la sénatrice. Ce sujet figurera à l’ordre du jour du conseil de décembre, où une communication sur les maladies rares sera faite.
Il reste beaucoup à faire. En particulier, les liens entre les centres de référence et les maisons départementales du handicap doivent être renforcés. La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie a entrepris d’améliorer les choses sur ce point.
Nous allons en outre évaluer la mise en œuvre du plan maladies rares. L’année 2009 sera une année de stabilisation, les financements étant bien entendu maintenus. Je veux en particulier rassurer les associations qui avaient fait part de leurs inquiétudes quant à l’avenir du centre Orphanet. Nous avons réservé les financements ce dernier et un nouveau plan maladies rares sera mis en place au plus tard à la fin de l’année 2009.
S’agissant maintenant de la greffe de sang de cordon, le rapport d’information que vous venez de publier sur ce sujet, madame la sénatrice, comporte dix préconisations fort intéressantes. J’ai demandé à mes services et à l’Agence de la biomédecine de les expertiser. L’intérêt thérapeutique du sang placentaire n’est plus à démontrer, et nous devons tout mettre en œuvre pour que les patients puissent bénéficier de ces avancées.
Vous estimez que la France serait en retard dans ce domaine. Votre appréciation mérite à mon sens d’être nuancée. La France reste le premier pays européen en termes de nombre de greffes de sang de cordon réalisées et conserve 6 632 unités de sang placentaire, ou USP, à ce jour, stockées dans cinq banques. Un plan sur trois ans, doté d’un budget de 3,64 millions d'euros et visant à atteindre 10 000 unités de sang placentaire a été mis en place par l’Agence de la biomédecine. L’Agence pilote un réseau qui comptera en 2009 quatre banques publiques supplémentaires. S’il existe dans le monde près de 300 000 USP, elles ne sont stockées que dans une cinquantaine de banques.
Il faudra évidemment, comme le souligne votre rapport, poursuivre nos efforts pour atteindre un objectif de 50 000 USP. En 2007, je le reconnais, 60 % des greffons ont été importés. Une augmentation du stock français permettrait de diminuer le taux de greffons importés, sans pour autant l’annuler, pour des raisons de compatibilité génétique. En effet, la banque doit avoir une dimension mondiale, afin de pouvoir répondre à toutes les demandes.
Cette importation d’USP est très coûteuse, et notre niveau d’exigence éthique est très élevé. Aucune partie du corps humain ne doit faire l’objet d’une démarche commerciale : il n’en est pas ainsi dans un certain nombre de pays. Je rappelle que la législation actuelle permet à des structures privées ou publiques, autorisées par l’AFSSAPS, de conserver des produits du corps humain seulement s’il existe un usage thérapeutique. La conservation de cellules autologues du sang de cordon n’ayant pas encore fait la preuve d’un intérêt thérapeutique, elle ne peut être autorisée.
Nous confirmons notre opposition aux banques de sang de cordon autologue, suivant ainsi les recommandations du Comité consultatif national d’éthique et de l’Académie nationale de médecine. Cette opposition tient notamment à l’absence de bases scientifiques des greffes autologues et au risque de rupture d’égalité selon des critères économiques.
M. François Autain. Très bien !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Si la médecine régénérative utilisant des greffes autologues peut représenter, pour l’avenir, de grands espoirs, elle ne saurait éclipser la priorité accordée par le Gouvernement aux banques qui privilégient la solidarité, pour la mise en place de traitements dont l’efficacité est prouvée. Je crois que nous nous rejoindrons, madame la sénatrice, sur ces considérations éthiques.
J’en viens à votre question sur l’addictologie, thème sur lequel j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer. Je vous rappelle que 33 millions d'euros sont réservés aux services d’addictologie des centres hospitaliers.
Je vous prie de m’excuser de ne pas faire ici l’analyse du rapport que vous avez mentionné, madame la sénatrice. Cependant, comme pour tout élément porté à notre connaissance, ses préconisations feront l’objet d’un examen particulièrement soigneux ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. Je vous rappelle, mes chers collègues, que la durée de chaque échange ne doit pas excéder cinq minutes, question et réponse comprises. Nous rendons la tâche de Mme la ministre extrêmement difficile, voire impossible, en lui posant quatre questions en une.
En ma qualité de gardienne des temps de parole, je souhaiterais que les prochains intervenants respectent les règles qui ont été fixées.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Si nous continuons à ce rythme, nous ne serons pas en mesure de commencer l’examen du projet de loi de finances jeudi prochain !
Mme la présidente. La parole est à M. Raymond Vall.
M. Raymond Vall. Je vais pouvoir élaguer ma question, madame la ministre, puisque vous avez déjà répondu à plusieurs reprises aux inquiétudes relatives à l’avenir de l’hôpital de proximité.
Élu d’un département rural, je préside le conseil d'administration d’un hôpital qui dessert trois cantons.
Vous annoncez le maintien des hôpitaux de proximité. Vous avez même déclaré, et je souscris pleinement à vos propos, que vous souhaitez leur donner une nouvelle orientation, vers l’organisation des soins de suite et de rééducation, ainsi que la gériatrie. La télémédecine et la gestion de l’hospitalisation à domicile peuvent permettre de conserver ces hôpitaux ruraux, en y adossant des maisons de santé.
Toutefois, pouvez-vous nous préciser, madame la ministre, si vous entendez maintenir leurs lits de médecine ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je vous remercie, monsieur le sénateur, d’avoir souligné ma volonté de sauvegarder le maillage des hôpitaux de proximité. Il me semble, effectivement, que les soins de médecine courants font partie des services devant continuer à relever de l’hôpital de proximité, de même que les urgences et les soins post-aigus.
Je profite de cette occasion pour exprimer ma désolation de constater que certains élus considèrent la gériatrie et la prise en charge de nos aînés comme peu valorisantes pour l’hôpital de proximité.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Les médecins sont les premiers à penser ainsi : il suffit d’étudier les résultats des concours pour s’en rendre compte !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Précisément, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux que notre société change d’optique dans ce domaine ; c’est une exigence éthique. Nous vivons une période de transition démographique : la gériatrie est une très belle spécialité !
M. Alain Gournac. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jacky Le Menn.
M. Jacky Le Menn. Madame la présidente, je vous indique d’ores et déjà que je n’utiliserai pas la minute qui m’est impartie pour répondre à Mme la ministre.
Madame la ministre, j’ai apprécié le volontarisme que vous avez exprimé ce matin. J’espère qu’il concernera aussi les unités de soins de longue durée, les USLD, dont je vais vous entretenir.
Jusqu’à présent, ces unités accueillaient principalement des personnes âgées ayant des pathologies lourdes plus ou moins stabilisées, susceptibles de décompensation. Ce sont d'ailleurs les médecins hospitaliers eux-mêmes qui orientent les patients concernés vers les USLD.
La réforme en cours, qui arrête le nouveau périmètre de prise en charge des pathologies organiques chroniques ou polypathologies dans les USLD dites « redéfinies », se traduit par la fermeture de près de 70 % des lits de long séjour hospitalier et par leur reconversion en lits dans les établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes, les EHPAD. Dans mon département, par exemple, plus de 1 000 lits d’USLD sur 1 515 vont être reconvertis.
Loin d’être une simple formalité administrative, cette réforme modifie radicalement, et sans avoir été accompagnée d’aucun débat national, les conditions de l’accès aux soins pour de nombreuses personnes âgées dépendantes.
Aujourd’hui, les EHPAD ne disposent pas d’un encadrement médical et paramédical suffisant, vous le savez. Le Gouvernement ne peut ignorer que le personnel soignant est en moyenne moitié moins nombreux dans les EHPAD que dans les actuelles USLD, l’écart par rapport aux USLD redéfinies étant encore bien supérieur.
Dans ces conditions, la qualité des soins ne pourra pas être maintenue pour les personnes âgées qui bénéficiaient d’un hébergement en USLD avant la réforme, alors même qu’elles ne bougeront vraisemblablement pas du service qui les accueille actuellement, celui-ci disparaissant simplement d’un point de vue administratif s’il ne se trouve pas trente patients dans l’établissement concerné, seuil réglementaire pour constituer une USLD redéfinie ! Ubu est devenu roi !
Que va-t-on faire, par ailleurs, des personnes âgées qui, déjà hébergées en EHPAD, auraient pu relever d’une USLD redéfinie, mais qui n’ont pas été recensées dans le cadre de l’outil Pathos utilisé à cette fin ?
En outre, si les grandes structures hospitalières pourront « s’auto-alimenter », en quelque sorte, en interne, où iront les personnes âgées des EHPAD périphériques de ces hôpitaux s’il n’y a plus de place, comme ce sera le cas dans les grands établissements ?
Les personnes âgées dépendantes – et je sais que vous en êtes consciente, madame la ministre – ont droit, comme toute la population, à des soins adaptés, à une bonne qualité de vie et au respect de leur dignité. La fermeture massive d’unités de soins de longue durée ne garantit en rien ce droit.
L’objectif ne peut être uniquement de transférer des enveloppes budgétaires entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social. Il convient de mieux adapter le type de prise en charge aux besoins réels des personnes âgées. Avec la réforme en cours des USLD, ce ne sera pas le cas.
Madame la ministre, ne serait-il pas plus opportun que vous suspendiez cette réforme, afin d’entreprendre une étude portant sur l’ensemble des structures accueillant des personnes âgées, en concertation étroite avec les départements, qui sont chefs de file en matière de politiques à destination des personnes âgées ? Une telle étude permettrait d’avoir la visibilité nécessaire avant de prendre des décisions aux conséquences humaines et financières importantes pour nos aînés et leurs familles.
Je pense que c’est là un des points importants à prendre en considération dans l’optique de la réforme à venir et de l’examen du projet de loi que vous nous présenterez prochainement, madame la ministre.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Cette question est tout à fait redondante avec celle que me posait à l’instant M. Vall.
Pourquoi cette réforme des USLD ?
En fait, notre objectif est de conserver une filière sanitaire cohérente, avec des services de court séjour, des soins de suite et de réadaptation et des soins de longue durée, destinés aux patients qui en ont médicalement besoin. Or une analyse transversale, menée sur l’ensemble des USLD, montre que seuls 35 % des patients présents dans ces unités requéraient des soins médico-techniques importants.
La réforme a pour objet de partager les capacités et les budgets des USLD entre le secteur sanitaire – quand la prise en charge à ce titre est véritablement justifiée – et le secteur social sur la base du profil des patients hospitalisés. Les patients qui ont besoin de soins médico-techniques lourds, identifiés à l’aide de l’outil Pathos, ont vocation à être pris en charge dans les USLD.
Jusqu’à présent, les soins dispensés dans les USLD et dans le secteur médico-social étaient financés par une dotation évoluant chaque année selon un taux de reconduction. Des dispositions législatives et réglementaires ont été prises en 2008 pour financer les soins dans les EHPAD, tant dans le secteur médico-social que dans le secteur sanitaire, en fonction d’une équation tarifaire tenant compte du niveau de la charge des soins et de celui de la charge liée à la dépendance des personnes accueillies, les besoins en soins étant exprimés en points GMPS – groupe iso-ressources moyen pondéré soins.
Cette réforme permettra d’améliorer l’équité du financement des soins. C’est finalement toujours la même chose, et nous en revenons à des sujets que nous avons déjà abordés : le financement par dotation historique des USLD a entraîné l’apparition de situations très disparates, et donc très injustes. Actuellement, les dotations perçues par les établissements s’échelonnent selon une valeur du point GMPS comprise entre 7 euros et 30 euros.
Par ailleurs, cette réforme s’accompagne d’une augmentation importante des moyens financiers dans le cadre du plan solidarité grand âge. Les établissements qui ont réalisé leur partition en 2008 et qui étaient sous-dotés ont bénéficié d’un abondement de 44,5 millions d’euros, afin de porter la rémunération de leurs points GMPS à au moins 12,40 euros. Les établissements qui réaliseront leur partition en 2009 bénéficieront de mesures d’accompagnement pour un montant de 47 millions d’euros. Dans un premier temps, les établissements sur-dotés conserveront leur excédent de dotation.
La réforme a également pour objet d’instaurer l’équité de traitement des établissements dans le secteur sanitaire grâce à des indicateurs permettant la convergence intrasectorielle. Je puis affirmer, monsieur Le Menn, que c’est un souci d’équité, de justice et de bonne prise en charge des personnes âgées malades ou dépendantes qui nous a conduits à mettre en œuvre cette réforme absolument indispensable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Henneron.
Mme Françoise Henneron. Nous le savons, les Français sont très attachés à leurs hôpitaux, et en particulier aux services de prise en charge des urgences.
En effet, qui dit urgence dit situation de stress intense pour le patient et sa famille, la prise en charge devant être aussi rapide que possible, afin que soient dispensés les soins adéquats dans les meilleurs délais.
Dans cette perspective, la proximité géographique des services des urgences est une nécessité. Le projet de loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires prévoit la constitution de communautés hospitalières territoriales, qui permettront de répondre parfaitement à cette exigence de proximité.
Or les restructurations réalisées afin de garantir la qualité et la sécurité des soins sont souvent perçues par les Français comme un facteur d’éloignement des services des urgences.
Madame la ministre, vous avez annoncé, en mai dernier, que vous souhaitiez resserrer le maillage pour la prise en charge des urgences, en vous appuyant sur les hôpitaux de proximité, les antennes des SMUR et les services des urgences. Je pense pouvoir dire que cette décision répond à une attente forte des Français, plus particulièrement de ceux d’entre eux qui vivent loin des métropoles et des centres urbains.
Pouvez-vous nous préciser, madame la ministre, comment les hôpitaux, en particulier ceux qui sont situés en milieu rural, vont pouvoir contribuer à ce maillage ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Madame la sénatrice, la prise en charge des urgences est une dimension majeure de l’organisation des soins.
Nos concitoyens doivent pouvoir être pris en charge à proximité de leur domicile, que ce soit par un véhicule du service mobile d’urgence et de réanimation ou par un service des urgences, et ce à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. Je le disais dans mon propos liminaire : si l’on peut toujours se déplacer quand il s’agit de subir un acte technique de très haut niveau, les services des urgences doivent être disponibles près de chez soi, en tout point du territoire. Nous sommes tous égaux devant les urgences.
Je tiens à rappeler que les efforts entrepris dans ce domaine sont tout à fait considérables. Comme le montre une étude menée par mon ministère et par l’Institut géographique national, on peut aujourd’hui considérer que 99,35 % de la population se trouve déjà à moins de vingt minutes d’une structure d’accueil des urgences, et 99,86 % à moins de trente minutes, si l’on prend en compte les temps de transport par hélicoptère.
Cependant, le transfert héliporté ne saurait être, bien évidemment, qu’un moyen d’exception, à réserver aux cas les plus graves et les plus urgents. Il convient donc de conserver un objectif de réduction des délais d’accès aux services des urgences par voie terrestre. Aujourd’hui, ces délais sont inférieurs à trente minutes dans 90 % des cas.
L’existence de structures nombreuses rassure nos concitoyens et sécurise l’accès aux soins. Les services des urgences restent identifiés comme la porte ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre, le point d’entrée dans le système de soins quand tout est fermé.
Atteindre l’objectif que j’évoquais à l’instant pour l’ensemble du territoire national nécessite la création nette de plusieurs dizaines d’unités. Cependant, la réorganisation des filières et des plateaux techniques constitue une véritable chance, puisqu’elle permet de réaffecter des ressources paramédicales et médicales.
J’ai donc demandé que les restructurations de services soient systématiquement accompagnées d’une étude de faisabilité visant au développement d’une offre de services des urgences ou de SMUR lorsque cela est nécessaire. De même, la création d’antennes SMUR rattachées aux services des urgences déjà existants est un moyen d’assurer une prise en charge de qualité de proximité tout en mutualisant les moyens médicaux. Cette démarche permettra de renforcer encore un maillage fort aujourd’hui de 670 services des urgences.
Bien entendu, je n’entends pas créer un système de services des urgences à deux vitesses. Toutes les qualifications requises, notamment la capacité en médecine d’urgence pour les médecins, seront exigées pour l’ouverture de ces nouveaux services. Le plan Hôpital 2012 accompagnera les transformations nécessaires. Plus de 66 millions d’euros d’investissements ont ainsi été consacrés à la mise aux normes des services des urgences au titre de la première tranche du plan, que j’ai présentée voilà quelques jours.
Enfin, je souhaite poursuivre le travail sur la modernisation des SAMU amorcé dans le cadre du plan urgences. J’ai demandé, dans cette perspective, la réalisation d’une mission d’expertise et de préconisation, qui tiendra compte des évolutions en matière de permanence des soins et devra déterminer le nombre d’antennes SMUR à créer.
Vous voyez que nous est offerte une excellente occasion de recentrer les hôpitaux de proximité, auxquels, madame la sénatrice, vous êtes légitimement attachée, sur les missions nécessaires à nos compatriotes. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)