M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Madame Herviaux, vous l’avez dit vous-même, l’équilibre est subtil.
À partir du moment où un bailleur ne rendrait pas la somme qu’il doit au locataire dans le délai imparti, il ne me semblerait pas tout à fait injustifié de le pénaliser, puisqu’il y aurait rupture d’engagement.
La commission souhaiterait connaître l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Boutin, ministre. Cet amendement tend à instituer une pénalité particulièrement élevée, largement supérieure au taux légal en vigueur prévu par la loi du 6 juillet 1989. Cette mesure serait confiscatoire. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est, en définitive, l’avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Elle se rallie à l’avis défavorable du Gouvernement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 481.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article additionnel après l'article 18 ou après l'article 27
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 119, présenté par M. Braye, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Après l'article 27, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 22 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de mutation à titre gratuit ou onéreux des locaux loués, la restitution du dépôt de garantie incombe au nouveau bailleur. Toute convention contraire n'a d'effet qu'entre les parties à la mutation. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Braye, rapporteur. Cet amendement vise à clarifier les conditions dans lesquelles le dépôt de garantie doit être restitué au locataire en cas de changement de propriétaire. La solution présentée par cet amendement vise à préciser que, en cas de mutation du logement, la restitution du dépôt de garantie incombe au nouveau bailleur.
En effet, en cas de vente de l’appartement, il arrive que l’ancien propriétaire parte sans restituer le dépôt de garantie au nouveau bailleur, et que le pauvre locataire ne puisse plus joindre l’ancien propriétaire.
Il nous semble normal que la restitution du dépôt de garantie soit effectuée par le nouveau bailleur avec lequel le locataire est en relation.
M. le président. L'amendement n° 479, présenté par Mme Herviaux, MM. Repentin et Raoul, Mmes San Vicente-Baudrin, Voynet et Khiari, MM. Caffet, Courteau, Lagauche, Ries et Godefroy, Mmes M. André et Ghali, MM. Collombat, Jeannerot et Patient, Mme Alquier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 18, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 22 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de mutation à titre gratuit ou onéreux des locaux loués, la restitution du dépôt de garantie incombe au nouveau bailleur. Toute convention contraire n'a d'effet qu'entre les parties à la mutation. »
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Cet amendement vise à modifier, sans en bouleverser exagérément l’équilibre subtil, la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs pour résoudre le problème posé au locataire dont le logement a changé de propriétaire en cours de bail. Il n’est donc pas étonnant que cet amendement ressemble comme un frère jumeau à l’amendement n° 119 que vient de présenter M. le rapporteur.
De plus en plus souvent, lorsque le locataire demande la restitution de son dépôt au nouveau propriétaire, ce dernier le renvoie à l’ancien. Il s’ensuit une partie de ping-pong qui se joue au détriment du locataire et peut ne jamais prendre fin.
C’est pourquoi nous souhaitons que les conditions de transfert de ce dépôt soient considérées au moment de la mutation du bien. Ce n’est pas au locataire d’en faire les frais lorsqu’il quitte les lieux.
M. le président. Madame Voynet, accepteriez-vous que votre amendement s’insère après l’article 27, ce qui le rendrait identique à l’amendement n° 119 ?
Mme Dominique Voynet. Dans un souci de subtilité, j’accepte évidemment cette proposition. (Sourires.)
M. le président. Je suis donc saisi de l’amendement n° 479 rectifié, présenté par Mme Herviaux, MM. Repentin et Raoul, Mmes San Vicente-Baudrin, Voynet et Khiari, MM. Caffet, Courteau, Lagauche, Ries et Godefroy, Mmes M. André et Ghali, MM. Collombat, Jeannerot et Patient, Mme Alquier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :
Après l'article 27, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 22 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de mutation à titre gratuit ou onéreux des locaux loués, la restitution du dépôt de garantie incombe au nouveau bailleur. Toute convention contraire n'a d'effet qu'entre les parties à la mutation. »
Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Madame Voynet, veuillez excuser mon caractère pragmatique : en l’occurrence, il s’agit non pas de subtilité, mais simplement de cohérence !
Je vous remercie, monsieur le président du Sénat, d’avoir vous-même proposé cette rectification.
La commission émet un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements identiques nos 119 et 479 rectifié ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 119 et 479 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 27.
Article additionnel après l'article 18
M. le président. L'amendement n° 483, présenté par Mme Herviaux, MM. Repentin et Raoul, Mmes San Vicente-Baudrin, Voynet et Khiari, MM. Caffet, Courteau, Lagauche, Ries et Godefroy, Mmes M. André et Ghali, MM. Collombat, Jeannerot et Patient, Mme Alquier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 18, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 632-1 du code de la construction et de l'habitation est ainsi rédigé :
« Art. L. 632-1. - Toute personne qui loue un logement meublé, que la location s'accompagne ou non de prestations secondaires, bénéficie d'un contrat établi par écrit d'une durée d'un an dès lors que le logement loué constitue sa résidence principale.
« Un état des lieux, établi contradictoirement par les parties lors de la remise et de la restitution des clés ou, à défaut, par huissier de justice, à l'initiative de la partie la plus diligente et à frais partagés par moitié, est joint au contrat. Lorsque l'état des lieux doit être établi par huissier de justice, les parties en sont avisées par lui au moins sept jours à l'avance par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. À défaut d'état des lieux, la présomption établie par l'article 1731 du code civil ne peut être invoquée par celle des parties qui a fait obstacle à l'établissement de l'état des lieux. Pendant le premier mois de la période de chauffe, le locataire peut demander que l'état des lieux soit complété par l'état des éléments de chauffage.
« Est également joint au contrat de location un inventaire détaillant la liste et l'état du mobilier mis à la disposition du locataire.
« Les dispositions de l'article 22 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 sont applicables lorsqu'un dépôt de garantie est demandé au locataire.
« À l'expiration de ce contrat, le bail est tacitement reconduit pour un an sous réserve des dispositions suivantes.
« Lorsque la location est consentie à un étudiant, la durée du bail peut être réduite à neuf mois. Dans ce cas, la clause de reconduction tacite prévue au premier alinéa est inapplicable.
« Lorsque le contrat prévoit la révision du loyer, celle-ci intervient chaque année à la date convenue entre les parties ou, à défaut, au terme de chaque année du contrat. L'augmentation qui en résulte ne peut dépasser la variation de l'indice de référence des loyers mentionné au d de l'article 17 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.
« Le bailleur qui souhaite, à l'expiration du contrat, en modifier les conditions doit en informer le locataire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par acte d'huissier avec un préavis de trois mois. Si le locataire accepte les nouvelles conditions, le contrat est renouvelé pour un an. Lorsque le bailleur fait application des dispositions du présent alinéa, il ne peut donner congé au locataire pour la même échéance.
« À peine de nullité, le bailleur qui ne souhaite pas renouveler le contrat doit en informer le locataire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par acte d'huissier en respectant le même préavis et motiver son refus de renouvellement du bail soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux, notamment l'inexécution par le locataire de l'une des obligations lui incombant. Le bénéficiaire de la reprise ne peut être que le bailleur, son conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité enregistré à la date du congé, son concubin notoire depuis au moins un an à la date du congé, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint, de son partenaire ou de son concubin notoire.
« Lorsque le bailleur est titulaire d'un bail commercial venant à expiration ou lorsque la cessation d'activité est prévue, le contrat peut être d'une durée inférieure à un an et doit mentionner les raisons et événements justificatifs. Toutefois, si le bail commercial est renouvelé ou si l'activité est poursuivie, la durée du contrat est portée à un an.
« Le locataire peut résilier le contrat à tout moment sous réserve du respect d'un préavis d'un mois et de notifier le congé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou de le signifier par acte d'huissier.
« Pendant le délai de préavis, le locataire n'est redevable du loyer et des charges que pour le temps où il a occupé réellement les lieux si le congé a été notifié par le bailleur. Il est redevable du loyer et des charges concernant tout le délai de préavis si c'est lui qui a notifié le congé, sauf si le logement se trouve occupé avant la fin du préavis par un autre locataire en accord avec le bailleur.
« À l'expiration du délai de préavis, le locataire est déchu de tout titre d'occupation des locaux loués.
« Les délais du présent article courent à compter du jour de la réception de la lettre recommandée ou de la signification de l'acte d'huissier. »
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Cet amendement a pour objet d'aligner les conditions des locataires des appartements meublés sur celles des locataires de logements vides.
La modification des modes de vie, les déplacements professionnels de longue durée, les spécificités des besoins des étudiants rendent nécessaires l’existence d’un type de location souple, de courte durée, pouvant s’appliquer à ceux qui recherchent un logement à titre temporaire comme à ceux qui souhaitent une certaine stabilité.
Il s’agit non pas de réformer la loi du 6 juillet 1989, mais de développer la location meublée. En effet, cette dernière est soumise à un régime juridique spécifique distinct de la loi de 1989. Cette spécificité, en tant que telle, ne poserait pas de problème si la location meublée était véritablement encadrée. Or la réalité est tout autre.
À l’heure actuelle, les logements meublés sont soumis à une réglementation éparse et imprécise.
Elle est éparse, car l’on trouve des dispositions les concernant aussi bien dans certains articles particuliers des lois du 6 juillet 1989 et du 1er septembre 1948 que dans le code civil et le code de la construction et de l’habitation.
Elle est imprécise, car la plupart de ces textes sont lacunaires et source de contentieux. Ainsi, il n’est fait mention nulle part du dépôt de garantie et de sa restitution ; aucune précision n’est donnée quant aux conditions de forme du congé ou aux modalités d’établissement de l’état des lieux.
À cela s’ajoute le problème de la portée juridique des textes concernant la location meublée, notamment les articles L. 632-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation, la jurisprudence étant particulièrement défavorable aux locataires.
C’est pourquoi il est nécessaire d’apporter des précisions aux textes existants, non seulement par souci de protection juridique, mais également pour protéger tant les locataires recherchant une location de courte durée que les locataires demeurant plusieurs années dans ce type de logement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Il s’agit là encore du problème de l’équilibre entre bailleur et locataire.
Cet amendement, pour légitime que soit son objet, nécessite une vaste concertation entre les parties en cause. Or cette dernière n’a pas eu lieu dans le cadre de la préparation du projet de loi.
Par conséquent, mon cher collègue, comme je vous l’ai indiqué lors de nos travaux en commission, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, car il m’est difficile d’émettre un avis défavorable sur un vrai problème, qui exige, à mes yeux, cette concertation préalable pour nous permettre d’accomplir un travail de qualité.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Boutin, ministre. Le Gouvernement est favorable à une précision de la réglementation des locaux loués meublés.
En effet, la modification des modes de vie, les déplacements professionnels de longue durée, les spécificités des besoins des étudiants rendent nécessaires l’existence d’un type de location souple, de courte durée, pouvant s’appliquer aussi bien à celui qui recherche un logement à titre temporaire qu’à celui qui souhaite une stabilité.
Certaines de vos propositions, monsieur le sénateur, sont de bon sens.
M. Daniel Raoul. Ah !
Mme Christine Boutin, ministre. Mais je pense, comme M. le rapporteur, qu’il est indispensable de procéder à une concertation entre les bailleurs et les organisations de locataires.
Je m’engage, monsieur Raoul, à la lancer dans les meilleurs délais.
Si vous ne vouliez pas retirer votre amendement, je serais obligée d’émettre un avis défavorable, tout en considérant que votre amendement soulève une vraie question.
M. le président. Monsieur Raoul, l'amendement n° 483 est-il maintenu ?
M. Daniel Raoul. Je me doutais de la nature des avis qui seraient émis sur cet amendement, mais il me semblait indispensable d’appeler l’attention sur la nécessité de cette concertation.
Madame la ministre, serait-ce beaucoup vous demander que de lancer cette dernière avant l’examen du texte par les députés ? Mais, si j’ai bien compris, on ne sait pas à quel moment le projet de loi sera inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
M. Daniel Raoul. Très bien, ce sera peut-être le cadeau de Noël ! (Sourires.)
En tout état de cause, il est urgent de régler ces problèmes. Vous avez évoqué les situations difficiles liées à la mobilité professionnelle mais aussi à la mobilité étudiante dans le cadre des stages de masters ou de diverses formations.
Je souhaiterais vivement que le ménage soit fait dans tous les textes relatifs aux locations meublées.
Tenant compte de l’engagement que vous avez pris, madame la ministre, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 483 est retiré.
Article 19
I. - L'article L. 613-1 du code de la construction et de l'habitation est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa, les mots : « excédant une année » sont supprimés ;
2° Au même alinéa, les mots : « ou l'hébergement » sont ajoutés après les mots : « le relogement ».
II. - L'article L. 613-2 du même code est ainsi modifié :
1° Dans la première phrase, les mots : « trois ans » sont remplacés par les mots : « un an » ;
2° À la fin de la deuxième phrase, après les mots : « de son relogement » sont ajoutés les mots : « ou de son hébergement ».
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, sur l’article.
Mme Dominique Voynet. Le nombre d’expulsions locatives a fortement augmenté depuis dix ans, pour atteindre 100 000 assignations annuelles.
Les initiatives parlementaires de ces dernières années, quelle que soit la majorité, ont toutes eu pour objet, avec les lois du 29 juillet 1998, du 13 décembre 2000 et du 13 juillet 2006, de trouver des alternatives à l’expulsion, le souci constant étant de faire la distinction entre les personnes en difficulté, les plus nombreuses, et les mauvais payeurs – la démagogie n’est pas notre tasse de thé ! –, qui existent aussi
Pour les locataires de bonne foi, mais frappés par la crise du pouvoir d’achat, les délais permettent d’établir un plan d’apurement soutenable. Il faut savoir que le juge judiciaire n’accorde jamais de tels délais aux occupants de mauvaise foi ; cette disposition ne les pénalise donc pas. L’article 19, s’il était adopté, aboutirait à ne durcir la loi que pour les victimes des accidents de la vie. C’est parfaitement injuste !
Votre projet de loi s’appuie sur le droit au logement opposable, mais ce droit n’est pas un dispositif de prévention. Il s’agit d’une obligation faite à l’État.
Dans l’article 19, vous entérinez la possibilité d’une solution en hébergement, comme si hébergement valait relogement. Une telle disposition n’est pas bonne, car, à terme, elle condamne les ménages à un sous-statut.
Enfin, le Gouvernement ne prévoit à aucun moment que soient rendues obligatoires la mise en place et la saisine de la commission de prévention des expulsions locatives.
Vous avez affirmé tout à l’heure, madame la ministre, que vous étiez la ministre des sans-logements. Comment oser se qualifier soi-même ainsi quand on propose pour l’essentiel une réduction des délais d’autorisation des expulsions locatives ? Comment oser parler de prévention des expulsions et ne proposer, par ailleurs, qu’une réduction des délais ?
Nous proposerons, au cours du débat, d’autres mesures allant dans le sens d’une réelle prévention. Espérons pour toutes les personnes qui souffrent aujourd’hui de difficultés financières et craignent de perdre leur logement que certaines de ces dispositions trouveront grâce à vos yeux !
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l'article.
Mme Éliane Assassi. Nous voici en présence de l’article 19 qui, s’agissant du logement privé, vise à accélérer encore un peu plus les procédures d’expulsion des locataires.
Ce n’est pas la peine de lire le rapport de la commission pour comprendre que ce qui compte dans l’opération est bel et bien le seul droit du bailleur à récupérer au plus tôt son logement, avec tout ce que cela peut impliquer !
Je rappelle tout de même les conclusions tirées par ce rapport quant à l’analyse des mesures prises depuis la loi de lutte contre les exclusions en 1998.
« En moyenne sur 130 000 contentieux assortis d’une demande de commandement de quitter les lieux, environ 53 000 se soldent par une délivrance d’un tel commandement, dont 40 000 avec une demande de concours de la force publique. Cette demande est accordée dans près de la moitié des cas et seule une autre moitié est suivie d’une intervention effective, soit environ 10 000 cas par an. Au total, les indemnités versées par l’État au bailleur pour refus d’intervention varient d’une année sur l’autre et tournent autour de 50 millions d’euros. »
Permettez-moi de vous faire part de mon sentiment, monsieur le rapporteur.
Si le concours de la force publique est finalement aussi peu sollicité, c’est non pas parce que l’inexécution de la procédure coûte à l’État, mais d’abord parce que la plupart des procédures concernent des locataires de bonne foi !
Il y a là un amalgame douteux à vouloir appliquer à l’ensemble des procédures ce qui n’est que très rarement constitué, c’est-à-dire la mauvaise foi du locataire.
Évidemment, pour faire bonne mesure, le rapport s’inquiète ensuite de la situation des propriétaires. Il poursuit en ces termes :
« Il résulte de ces différentes étapes qu’une décision d’obtention du concours de la force publique demande, en moyenne, une durée de deux années si le locataire refuse de quitter les lieux et une moyenne de trente et un mois avant d’obtenir une indemnisation de l’État si un tel concours n’a pas été accordé. Les bailleurs considèrent que ces procédures constituent bien souvent un véritable “parcours du combattant”, avant de pouvoir retrouver la jouissance de leur bien, les privant ainsi de revenus locatifs pendant de nombreux mois. Tout en soulignant que l’acte d’expulsion est un acte hautement traumatisant pour les personnes qui la subissent, il n’en reste pas moins que la loi protège aussi bien les locataires confrontés à de réelles difficultés que les locataires de mauvaise foi.
« Votre commission estime que ces éléments juridiques et statistiques plaident en faveur de la mesure proposée par cet article du projet de loi. En effet, elle ne peut que déplorer, pour reprendre une expression utilisée par le rapport précité, une certaine forme de “réquisition de fait” que constitue le maintien dans les lieux de locataires sans indemnisation rapide des bailleurs. […]
« Dans ces conditions, elle soutient résolument la réduction de trois à un an du délai de sursis à exécution des jugements d’expulsion que peuvent accorder les juridictions, étant entendu que cet aménagement des règles législatives ne concerne qu’une étape, tardive, de la procédure qui continuerait à ménager aux juges de nombreuses possibilités d’octroyer des délais aux locataires pour éviter d’aboutir à la délivrance d’un commandement de quitter les lieux. »
Je vais être très claire, monsieur le rapporteur : en l’état actuel du droit, les juges n’abusent aucunement des délais de procédure, et cet article 19 ne vise donc, dans les faits, qu’à faire droit aux attentes de la frange la plus militante de la propriété foncière.
Libre ensuite, sans doute, à l’État et aux collectivités locales d’assumer la charge des dizaines de milliers d’expulsions qui découleront de l’adoption de cette atteinte caractérisée au droit au logement que constitue cet article 19.
Mme Odette Terrade. Très bien !
M. le président. Je suis saisi de neuf amendements pouvant faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 202 est présenté par Mme Terrade, M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Schurch et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen et rattaché.
L'amendement n° 476 est présenté par Mme Herviaux, MM. Repentin et Raoul, Mmes San Vicente-Baudrin, Voynet et Khiari, MM. Caffet, Courteau, Lagauche, Ries et Godefroy, Mmes M. André et Ghali, MM. Collombat, Jeannerot et Patient, Mme Alquier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Odette Terrade, pour présenter l’amendement n° 202.
Mme Odette Terrade. Avec cet article, l’objectif est de contraindre doublement l’action des juges. Ces derniers, au lieu des trois ans de délai qu’ils avaient la possibilité d’accorder avant de décider d’une expulsion, ne disposeront plus que d’une année.
Cette mesure est contestée aujourd’hui, y compris par l’Association des départements de France.
Par ailleurs, cet article conditionne et encadre la possibilité de ce délai à l’impossibilité de recourir non seulement à un relogement, mais également à un hébergement.
Voilà pourtant moins de deux ans, nous avons inscrit dans la loi le droit opposable au logement.
Alors que durant de nombreuses années la majorité de droite s’était, en de multiples occasions, opposée à notre demande d’inscrire ce droit dans la loi, l’actualité des SDF du canal Saint-Martin, leur combat massif et respectable, leur dignité ainsi que l’émotion et la solidarité suscitées par leur action ont alors obligé à prendre une telle décision.
Nous nous étions retrouvés pour que cette loi soit adoptée, malgré les graves lacunes de ce nouveau droit, mais étions persuadés de l’impossibilité de sa réelle mise en œuvre du fait du manque de volonté politique et surtout du manque de moyens budgétaires pour développer l’hébergement d’urgence et le logement social.
Chacun sait que l’on ne naît pas SDF, on le devient : avant d’être à la rue, les gens vivent en général dans un logement.
Parmi les raisons qui font que l’on perd son logement, il y en a une que chacun connaît bien : l’expulsion.
Aussi pour combattre à la source ce drame de la vie dans la rue, il est absolument nécessaire de tarir le flux des expulsions.
C’est pourquoi nous ne pouvons accepter cet article 19, qui vise à fragiliser encore plus les locataires en difficulté, en rendant leur expulsion plus facile et plus rapide.
Par ailleurs, en confondant la notion de relogement et celle d’hébergement, vous précarisez encore plus l’avenir de ces personnes.
Cette disposition tend à instituer l’hébergement comme un logement acceptable pour les plus pauvres. Cette dérive est à la fois coûteuse et absurde.
Vous prenez le risque de jeter à la rue de nouvelles personnes en situation sociale difficile.
Madame la ministre, nous avons le souvenir de vos interventions sur ces questions à l’occasion de l’examen de la loi instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, alors que vous étiez député.
Mme Odette Terrade. Aussi, nous ne pouvons envisager que vous n’ayez pas vu le risque de cette fragilisation de personnes encore logées, mais en grande difficulté.
Nous espérons pourtant que vous allez finalement accepter cet amendement de suppression de l’article 19, qui ne vous est pas seulement demandé par notre groupe, mais qui est également voulu par l’ensemble de toutes les associations intervenant en faveur du logement des publics fragilisés. Plusieurs d’entre elles ont en effet été auditionnées en commission.
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour présenter l'amendement n° 476.
Mme Odette Herviaux. Tout au long des débats, vous nous avez plusieurs fois répété, madame la ministre, que votre souci premier dans le cadre de ce projet de loi était l’être humain.
Nous voilà au cœur du problème humain avec cet article 19 que nous proposons de supprimer. Ce dernier nous semble en effet particulièrement dangereux à plusieurs égards.
Tout d’abord, il diminue de trois ans à un an les délais d’expulsion d’un logement tout en réduisant la faculté du juge de suspendre l’exécution de la décision.
Le Gouvernement souhaite ainsi, au travers de cet article, lever le dernier verrou de l’expulsion en la rendant possible dès que l’hébergement des locataires est acquis. Or, en pratique, les expulsions locatives ont parfois lieu en l’absence de toute solution pérenne.
Cet article permettra ainsi de vider un logement de ses occupants en moins d’un an, sans que les pouvoirs publics, donc l’État, soient pressés de trouver de solution durable aux familles concernées.
Au lieu de masquer le problème en déplaçant la pauvreté, le texte devrait s’attacher, comme le préconise le rapport sénatorial de la mission commune d’information sur les politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion, à prévenir ces expulsions locatives grâce à plusieurs dispositifs : mise en application effective des dispositions de la loi de programmation pour la cohésion sociale et de la loi portant engagement national pour le logement relative aux « créances hyperprivilégiées » ; possibilité pour le préfet de suspendre une procédure d’expulsion ; mise à disposition par le préfet de logements pour reloger les personnes éventuellement expulsées ; mise en place d’une garantie universelle des risques locatifs concernant tous les locataires et propriétaires, quels que soient leurs revenus ou leurs statuts, comme le prévoyait déjà notre amendement relatif au fonds de garantie universel et mutualiste contre les risques locatifs.
Au lieu de multiplier les textes, de brouiller parfois les messages, de tomber dans des logiques qui peuvent paraître répressives à cause du caractère inopérant de dispositions pourtant déjà votées, il faudrait veiller à mettre en œuvre des mesures plus à mêmes de soulager les ménages vulnérables.
Toute expulsion est un drame humain.