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Modification de l’ordre du jour
M. le président. Par lettre en date de ce jour, M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, a informé M. le président du Sénat que le Gouvernement modifie comme suit l’ordre du jour prioritaire du Sénat de demain mardi 21 octobre 2008 :
À 11 heures :
Deuxième lecture du projet de loi relatif à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes ;
À 16 heures et le soir :
– Suite du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion ;
– Puis, projet de loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion.
M. Thierry Repentin. C’est ambitieux !
M. le président. Acte est donné de cette communication, et l’ordre du jour de demain sera ainsi complété.
La parole est à Mme Bernadette Dupont.
Mme Bernadette Dupont. Je souhaiterais savoir à quelle heure nous débuterons demain l’examen du projet de loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion, car je ne vois pas l’intérêt d’entamer la discussion générale de ce texte à dix heures du soir.
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis de la commission des finances. Dieu seul le sait ! (Sourires.)
M. le président. Ma chère collègue, compte tenu de la densité du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion et de l’intensité de nos échanges sur ce texte, il ne m’est malheureusement pas possible de répondre à votre interrogation. Je vous prie de m’en excuser.
Mme Bernadette Dupont. Je le comprends, monsieur le président, mais il aurait été préférable de prévoir que l’examen du projet de loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion commence mercredi. Cela aurait été plus simple.
M. Thierry Repentin. On va vous aider, madame Dupont !
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Logement et lutte contre l'exclusion
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. Nous reprenons l’examen du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion.
Dans la suite de la discussion, nous en sommes parvenus à l’article 15.
Article 15
I. - Le h du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts est complété par l'alinéa suivant :
« Pour les acquisitions ayant fait l'objet d'un dépôt de demande de permis de construire à compter du lendemain de la date de la publication au Journal Officiel de la République française de l'arrêté de classement des communes par zone pris en application de la loi n° ...... du ......... de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion et pour les constructions de logements par le contribuable ayant fait l'objet d'un dépôt de demande de permis de construire à compter de cette date, les dispositions du présent h s'appliquent aux logements situés dans des communes classées parmi les zones du territoire définies par décret, dans lesquelles le marché immobilier présente des tensions. Le classement des communes par zone est établi par arrêté du ministre chargé du budget et du ministre chargé du logement et est révisé au moins tous les trois ans. »
II. - Le k du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts est abrogé pour les acquisitions ayant fait l'objet d'un dépôt de demande de permis de construire à compter du lendemain de la date de publication au Journal Officiel de la République française de l'arrêté de classement des communes par zone pris en application de la loi n° ...... du ......... de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion et pour les constructions de logements par le contribuable ayant fait l'objet d'un dépôt de demande de permis de construire à compter de cette date.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, sur l'article.
Mme Évelyne Didier. L’article 15 nous ramène à des débats que nous avons déjà eus les années précédentes.
Ainsi, en 2003, ma collègue Odette Terrade déclarait que « la demande étant importante, la solution que l’on met aujourd’hui en avant est le développement de l’offre, sur un créneau spécifique.
« Par conséquent, on modifie les règles en vigueur en matière d’investissement locatif des particuliers, sous quelque forme que ce soit, en majorant sensiblement l’incitation fiscale issue du dispositif Besson. En fait, il s’agit de permettre aux investisseurs de capter une clientèle moyennement ou relativement fortunée en proposant des loyers de première mise en location particulièrement attractifs. […] Cela se passerait au travers de deux mesures essentielles : la non-prise en compte d’un plafond de ressources pour les locataires et le sensible relèvement des loyers autorisés.
« Croit-on vraiment que l’on va résoudre les problèmes de logement dans notre pays en ne faisant qu’accroître la rentabilité de l’investissement locatif ?
« Le choix est donc clair, poursuivait ma collègue : on ne répond pas aux attentes sociales, on retarde la mise en œuvre des chantiers urgents et l’on ne fait que favoriser une frange limitée de la population en lui offrant un nouveau produit fiscal attractif. »
Faut-il véritablement ajouter autre chose ? La simple lecture de l’exposé des motifs du présent projet de loi démontre que le dispositif Robien n’a pas permis de répondre aux attentes de ses propres auteurs, comme en témoigne de manière spectaculaire le volume croissant de logements inoccupés.
Nous tenions à souligner ce fait avant d’entamer l’examen des amendements portant sur l’article 15.
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, sur l'article.
M. Thierry Repentin. Madame la ministre, pourquoi le cacher, c’est avec déception que nous avons pris connaissance de l’article 15, relatif au deuxième recentrage des dispositifs d’aide à l’investissement locatif Robien et Borloo sur les zones où la situation du logement est le plus tendue, à savoir les zones A, B1 et B2.
Depuis longtemps, nous vous mettons en garde contre les effets pervers de ces dispositifs et nous vous demandons de les supprimer afin de les remplacer par un dispositif plus équilibré, ou à défaut de les recentrer. Mais vous nous « renvoyez dans nos buts » sans jamais reconnaître la validité de nos arguments.
Il aura fallu un rapport, publié voilà quelques mois, émanant de votre ministère – ce qui prouve l’intérêt des rapports présentés au Parlement, qui recèlent parfois des données intéressantes, bien qu’ils ne soient, prétend-on, jamais lus –, suivi d’un rapport d’information de l’Assemblée nationale, relevant tous deux l’utilisation prédominante de ces dispositifs dans les zones non tendues, voire en zone de revitalisation rurale, à hauteur de près de 40 % de la production, pour mettre l’État face à ses responsabilités.
Avec cet article, vous nous proposez un recentrage sur les trois zones où la situation du logement est le plus tendue. Mieux vaut tard que jamais ! En effet, les dispositifs d’aide à l’investissement locatif continuent de provoquer de nombreux dégâts, comme en témoignent les investisseurs se considérant « victimes du Robien », qui ne cessent de nous faire part de leur désarroi et ont tenu à nous rencontrer avant l’examen de ce projet de loi par le Sénat.
Nous avons relayé leurs plaintes sans relâche, car les logements relevant de ce dispositif présentent d’incompréhensibles paradoxes : ils sont subventionnés sans qu’aucune obligation sociale soit prévue et, surtout, tant leur coût d’achat que leur loyer se situent généralement au-dessus des prix du marché.
De plus, ce dispositif donne lieu à des effets pervers. Ainsi, il contribue à l’inflation du marché immobilier et engendre une construction de logements totalement déconnectée de la demande. Certains qui croyaient bénéficier d’avantages fiscaux se retrouvent endettés sans pouvoir ni louer ni revendre leur logement, le pire étant qu’il s’agit le plus souvent de ménages modestes.
Malheureusement, l’article 15 ne comporte aucune disposition permettant de lutter contre les pratiques de certains réseaux de commercialisation peu scrupuleux, qui ont systématiquement séparé de plusieurs centaines de kilomètres les constructions et les acheteurs, tout en vantant à ces derniers les qualités d’un marché local du logement qu’ils ne pouvaient pas eux-mêmes connaître.
Cette situation a été poussée jusqu’à l’absurde : certains Aquitains se sont vu proposer des appartements Robien dans les Alpes, alors que ceux qui étaient construits dans leur département étaient vendus, par exemple, à des Franciliens.
L’inadéquation entre le type de logements construits, le niveau de loyer et le marché local devenait très difficile à appréhender pour les acquéreurs, qui de ce fait n’avaient guère conscience du risque qu’ils prenaient.
Aujourd’hui, trop nombreux sont ces logements, situés dans des territoires où le marché du logement est peu tendu, qui restent vides de tout occupant et ne procurent donc aucun loyer à leurs acquéreurs.
En conséquence, ce qui devait constituer une aubaine pour les nouveaux acquéreurs s’est parfois transformé en cauchemar ! Et ce n’est pas la « mesurette » que vous nous proposez qui permettra de remédier à ce problème, qui mine tout l’intérêt de ce type de dispositif.
Pourquoi ne pas passer le cap du « prêt-à-porter » pour faire du « sur mesure », pour paraphraser l’excellente formulation employée dans son rapport d’information par mon collègue et ami Jean-Yves Le Bouillonnec ?
Si l’on dresse un bilan de l’efficacité de ces programmes, force est de constater qu’ils coûtent cher, comme cela a été dit, puisque les dépenses fiscales liées à ces dispositifs d’investissement locatif ont atteint 2,97 milliards d’euros au total pour la période 2003-2008, et ce pour une efficacité plus que relative, de nombreux logements restant vacants, ce qui oblige les propriétaires à les revendre à perte, quand ils y parviennent, avec une moins-value pouvant aller jusqu’à 30 %, avant même de les avoir loués une seule fois.
Une telle vacance est due au fait que la majorité de ces constructions ont été réalisées dans des zones peu urbanisées, où elles ont excédé les besoins.
De plus, la taille de ces logements n’est pas adaptée à la demande, car ils sont trop petits pour accueillir des familles.
On est très loin de ce que certains commerciaux ont vanté comme un dispositif « permettant d’acquérir un bien immobilier sans apport et avec un faible effort d’épargne » !
Devant tous ces constats, madame la ministre, vous ignorez encore une fois le fond du problème. À l’article 15, vous ne touchez ni aux plafonds des loyers ni aux contreparties sociales demandées aux investisseurs.
En conclusion, ce nouveau recentrage n’est pas de nature à assainir la situation d’un secteur qui a contribué à produire une offre totalement déconnectée de la demande et à tirer les prix vers le haut, surtout si les zones concernées sont élargies au point que le recentrage serait en partie gommé.
Dès lors, pourquoi vouloir maintenir ces programmes sous cette forme ? Pourquoi n’avez-vous pas retenu les préconisations du rapport de nos collègues députés François Scellier et Jean-Yves Le Bouillonnec, telles que l’instauration de contrats territoriaux de l’habitat, qui permettraient aux élus locaux et aux services déconcentrés de l'État de participer à la mise en œuvre de réponses efficaces aux besoins des territoires, aux besoins de nos concitoyens ?
Pourquoi, en parallèle, ne pas avoir profité de l’élaboration de ce projet de loi pour encourager l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH, à développer ses conventionnements en zone tendue et pour des logements très sociaux ?
Si vous aviez eu l’ambition de mener une véritable réforme redéfinissant de fond en comble les dispositifs d’aide à l’investissement locatif, vous nous auriez .proposé des outils permettant de prendre en compte les besoins locaux, et ainsi de passer du « prêt-à-porter » au « sur mesure ».
Enfin, je confirme les propos tenus voilà quelques instants par mon collègue Daniel Raoul : les loyers pratiqués dans le dispositif Besson ne sont pas au niveau de ceux des logements financés par le biais de PLAI.
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l'article.
Mme Bariza Khiari. En février 2008, le Gouvernement a remis au Parlement un rapport d’évaluation des dispositifs d’aide à l’investissement locatif.
Afin que nous légiférions en prenant en considération les différentes évaluations de politiques publiques dont nous disposons, je souhaiterais revenir sur les éléments de réflexion que ce rapport nous livre.
Le bilan est pour le moins contrasté.
Entre 1995 et 2005, environ 471 000 logements ont été vendus par les promoteurs sous un régime d’incitation fiscale, dont 184 600 dans le cadre du dispositif Robien pour les seules années 2003 et 2005, ce qui confirme l’intérêt du dispositif en matière de soutien à la construction. Mais de quelle construction s’agit-il ?
Il s’agit, d’abord, d’une construction mal adaptée.
En 2005, 71 % des logements acquis par les investisseurs au titre du Robien étaient des appartements, plus petits que la moyenne en termes de nombre de pièces – 3 pièces contre 4,4 – et de surface, la moyenne étant de 74 mètres carrés.
Le prix au mètre carré du logement acquis par le biais d’un investissement locatif est 14 % plus cher, et a augmenté plus rapidement que celui des logements destinés à l’accession à la propriété, ce qui, en l’absence de contrepartie sociale très stricte, a eu pour effet de porter les loyers au plus haut. C’est ce qui explique que, sur certains territoires, les loyers des logements relevant du Robien soient à la fois inférieurs aux plafonds de la zone et supérieurs aux loyers du marché local ! Ce point a déjà été évoqué.
Les logements construits dans le cadre du dispositif Robien accueillent majoritairement des ménages jeunes, plus riches que la moyenne des locataires et que les accédants à la propriété dans le parc ancien.
En d’autres termes, le Robien produit bien du logement locatif haut de gamme pour des jeunes couples plus mobiles que la moyenne. Le rapport souligne qu’il s’agit de jeunes ménages en mobilité résidentielle ascendante, c’est-à-dire de jeunes cadres… Le logement Robien type correspond à un appartement de 65 mètres carrés, destiné à un couple avec un enfant disposant d’un revenu annuel de 60 000 euros…
Il s’agit, ensuite, d’une construction mal localisée.
Les logements en investissement locatif sont construits non pas dans les zones les plus tendues, mais dans celles où la situation est intermédiaire. Ce constat conforte notre dénonciation désormais récurrente d’un mauvais ciblage géographique, d’une part,…
Mme Bariza Khiari. … d’un important effet d’aubaine, d’autre part.
Vous nous proposez, certes, de revenir sur ce ciblage géographique, mais ce n’est pas suffisant à nos yeux.
En effet, la dépense fiscale cumulée est estimée à 620 millions d’euros pour 2008. Ce sera pis en 2009. Le rapport que j’ai mentionné montre bien que le dispositif Robien est le champion toutes catégories de l’effet d’aubaine, puisque plus aucune construction locative n’échappe à ce régime et que c’est le dispositif qui coûte le plus cher à l'État.
En effet, le coût pour l'État d’un logement type s’élève à 16 900 euros en Île-de-France et à 16 100 euros en province. Si l’on compare ces montants aux 2 700 euros dépensés par l'État pour chaque logement social, on peut s’étonner que vous ne proposiez rien d’autre que le recentrage géographique.
Enfin, nous avons pu prendre connaissance, dans ce même rapport, d’un panorama d’études locales très intéressantes.
On y apprend que, dans les zones où les collectivités territoriales ont su imposer aux promoteurs des exigences en matière de type de logements, de mode d’occupation et de mode de financement, non seulement les objectifs de construction ont été remplis, mais ils se sont accompagnés d’un ralentissement de la hausse des loyers et d’une meilleure adaptation de l’offre locative à la demande locale. Tel a été le cas à Rennes, par exemple.
À l’inverse, les stratégies des investisseurs non régulées par la puissance publique et fondées sur des hypothèses théoriques ont parfois conduit à la multiplication de programmes inadaptés à la demande locale et ne trouvant pas de locataires.
Toutes les agglomérations ne disposent pas de services techniques et d’une expérience comparables à ceux de la ville de Rennes qui leur permettraient de telles régulations. Surtout, en l’absence d’outils de droit, ces régulations passent par la négociation avec les promoteurs, et toutes les agglomérations et communes ne sont pas armées pour obtenir de bons résultats de cette façon.
C’est pourquoi nous présenterons des amendements visant à transformer le dispositif Robien en un outil « sur mesure » et à donner aux territoires la possibilité de décider si, oui ou non, ils peuvent accueillir ce type de programmes, à l’image de ce que prévoit l’amendement adopté par le Sénat la semaine dernière et tendant à permettre aux maires de réguler la taille des logements.
M. le président. Je suis saisi de treize amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 195, présenté par Mme Terrade, M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Schurch et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen et rattaché, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
I. - Après la quatrième phrase du troisième alinéa du h du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « Ce décret détermine également les conditions dans lesquelles le programme local de l'habitat, approuvé par le préfet, peut majorer ou minorer ce plafond sur les parties de leur territoire qu'ils déterminent. »
II. - Après la deuxième phrase du l du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « Ce décret détermine également les conditions dans lesquelles le programme local de l'habitat approuvé par le préfet, peut majorer ou minorer ce plafond sur les parties de leur territoire qu'ils déterminent. »
III. - La perte de recettes pour l'État résultant des modifications du plafond prévu au h du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Le recentrage des dispositifs d’aide à l’investissement locatif privé Robien et Borloo est une vraie question.
En effet, l’article 15 montre en creux que le dispositif Robien, même sous la forme du Borloo dit « populaire », n’a pas atteint les objectifs qui lui étaient assignés.
Ces objectifs étaient précisés par le ministre lui-même, qui tenait les propos suivants lors de notre séance du 7 mai 2003 : « Ce dispositif reprend l’ensemble des mesures annoncées par le Gouvernement en faveur de la relance de l’investissement locatif privé pour développer une offre nouvelle tant dans le parc ancien, ce qui est vraiment une grande innovation, que dans les opérations de construction de logements neufs. Nous en attendons la création de plus de 50 000 logements locatifs par an. »
À la suite de nos remarques, le ministre poursuivit en ces termes : « Nous préférons, quant à nous, inciter d’éventuels investisseurs à se tourner vers le logement ancien, pour transformer des logements insalubres en logements décents au bénéfice d’une catégorie de la population qui peut consentir un loyer, mais légèrement inférieur au prix du marché. Ce seront autant de personnes en moins dans les files d’attente pour les logements HLM. Je pense que tout le monde a quelque chose à gagner avec ce dispositif. Encore une fois, nous en attendons 50 000 logements par an. »
Aujourd’hui, force est de constater que les choses ne se sont pas passées exactement comme prévu…
D’abord, si les loyers sont légèrement inférieurs aux prix du marché, ils demeurent à un niveau encore largement supérieur aux capacités des aspirants locataires.
Ensuite, comme cela vient d’être rappelé, nombre de petits investisseurs, parfaitement naïfs, ont vu leurs économies détournées dans le financement de magnifiques programmes invendables et impossibles à louer.
Enfin, la conception même du dispositif Robien n’a qu’un intérêt limité au regard de la réalité des situations locales.
La presse s’est répandue, ces derniers temps, sur la saturation des marchés locatifs de nombreuses villes, tant en province que dans la banlieue francilienne, du fait que le niveau des loyers autorisés est sans commune mesure avec les capacités financières des locataires potentiels.
Il importe donc que les programmes d’investissement locatif privé puissent être adaptés à la réalité des conditions locales.
Prévoir de construire des logements assortis de conditions particulières d’incitation fiscale nécessite d’adapter la dépense fiscale au double objectif qu’on lui assigne : le premier est d’encourager des investisseurs à se manifester ; le second est de constituer une offre permettant de répondre à la demande effective de logements.
N’oublions pas, mes chers collègues, que 2 % ou 3 % seulement des logements construits chaque année relèvent des prêts locatifs aidés d’intégration, qui correspondent à la situation de ressources de 70 % des demandeurs. Il est inutile d’en dire davantage !
Ce que nous souhaitons, c’est que les niveaux de ressources et de loyers soient appréciés, s’agissant de l’éligibilité à la dépense fiscale, en fonction des situations locales. Il est inutile d’utiliser du foncier pour construire des logements vides dont personne ne voudra. Par conséquent, autant fixer les plafonds en tenant compte des situations locales.
Tel est le sens de notre amendement.
M. le président. L'amendement n° 85, présenté par M. Braye, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Remplacer le I de cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
I. - Le h du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent h s'applique aux logements situés dans des communes classées dans des zones géographiques se caractérisant par un déséquilibre entre l'offre et la demande de logements. Un arrêté des ministres chargés du budget et du logement, révisé au moins tous les trois ans, établit le classement des communes par zone. »
I bis. - Le I du présent article s'applique aux acquisitions et constructions de logements ayant fait l'objet d'un dépôt de demande de permis de construire à compter du lendemain de la date de la publication de l'arrêté pris en application du même I.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Braye, rapporteur. C’est un amendement rédactionnel.
M. le président. Le sous-amendement n° 674, présenté par MM. Repentin et Raoul, Mmes Herviaux, San Vicente-Baudrin, Voynet et Khiari, MM. Caffet, Courteau, Lagauche, Ries et Godefroy, Mmes M. André et Ghali, MM. Collombat, Jeannerot et Patient, Mme Alquier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter la première phrase du troisième alinéa de l'amendement n° 85 par les mots :
et sauf délibération contraire de la commune
La parole est à Mme Odette Herviaux.
Mme Odette Herviaux. Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps l’amendement n° 390.
Nous proposons de faire du Robien un outil sur mesure, pour reprendre l’expression utilisée tout à l’heure par mon ami Thierry Repentin.
Il s’agit de permettre aux communes de délibérer pour décider si elles souhaitent ou non que des logements relevant du Robien ou du Borloo soient construits sur leur territoire.
Dans un rapport au Parlement transmis en février 2008, vos services, madame la ministre, nous ont montré que la situation est diverse selon les territoires.
Mme Odette Herviaux. Là où les collectivités locales ont su imposer aux promoteurs des exigences en matière de type de logement, de mode d’occupation et de mode de financement, non seulement les objectifs de construction ont été remplis, mais ils se sont accompagnés d’un ralentissement de la hausse des loyers. Mme Khiari, tout à l’heure, a cité l’exemple de la ville de Rennes.
Cependant, à l’inverse, on a pu assister à la multiplication de programmes inadaptés à la demande locale, et qui ne trouvent pas de locataires.
Certains territoires ont donc subi de plein fouet les assauts des spéculateurs, qui se sont fait une spécialité de vendre des logements relevant du Robien comme de simples outils d’optimisation fiscale.
Il faut, à notre sens, donner aux maires la possibilité d’arrêter ce jeu de massacre et leur permettre d’exercer une sorte de droit de retrait du dispositif sur le territoire de leur commune.
M. Thierry Repentin. Très bien !
M. le président. Le sous-amendement n° 531 rectifié, présenté par MM. Repentin et Raoul, Mmes Herviaux, San Vicente-Baudrin, Voynet et Khiari, MM. Caffet, Courteau, Lagauche, Ries et Godefroy, Mmes M. André et Ghali, MM. Collombat, Jeannerot et Patient, Mme Alquier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter la seconde phrase du troisième alinéa de l'amendement n° 85 par les mots :
après avis des associations représentatives des Établissements publics de coopération intercommunale
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Il s’agit de permettre aux associations représentatives des intercommunalités de donner un avis sur la liste des communes comprises dans les zones où pourront être construits des logements au titre des dispositifs de défiscalisation.
Madame la ministre, monsieur le rapporteur, en ce qui concerne cet article, tout dépendra du décret. Si vous réduisez le nombre de zones, mais que vous augmentez parallèlement leur étendue, le recentrage que vous proposez ne servira à rien.
Nous souhaitons donc, pour le moins, que les associations précitées travaillent avec vos services afin que les zones soient définies au mieux.
M. le président. L'amendement n° 196, présenté par Mme Terrade, M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mme Schurch et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen et rattaché, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le I de cet article :
I. Le h du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts est abrogé à compter de la publication de la loi n° .... du .... de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion.
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Nous proposons de supprimer le dispositif d’amortissement Robien, qui consiste à octroyer des réductions d’impôt substantielles aux particuliers achetant des logements en vue de les louer. Ce dispositif est un véritable échec au regard de la politique du logement telle que nous la comprenons.
En effet, cette mesure en faveur des promoteurs et des investisseurs ne comporte aucune contrepartie sociale, ou alors une contrepartie très faible : un plafond de loyer au niveau du marché et aucun plafond de ressources pour les locataires titulaires du bail.
Aujourd’hui, la raréfaction de la construction neuve, l’absence d’offre adaptée et l’importance de la demande en matière de logement social conduisent à un engorgement des demandes de logement.
Face à cette situation de blocage, vous proposez, comme hier, un développement de l’offre sur des territoires et un créneau spécifiques, avec l’idée de procéder à un recentrage des dispositifs. Pour nous, c’est une erreur.
Rappelons encore une fois que, du fait des exonérations fiscales, l’État consacre dans son budget en moyenne 33 000 euros à chaque logement relevant du Robien, ce qui représente chaque année une dépense d’environ 400 millions d’euros. À titre de comparaison, l’État consacre tout au plus 20 000 euros à la construction d’un logement social.
Ce projet de loi prend acte de l’échec des programmes Robien sans en tirer les leçons. Vous persistez dans votre démarche et vous recentrez le dispositif en laissant croire qu’il aura ainsi des conséquences différentes. C’est là une aberration qui coûtera cher à l’État et aux contribuables.