Articles additionnels avant l'article 2 ou après l'article 15
Dossier législatif : projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion
Article additionnel avant l'article 2 (interruption de la discussion)

Article additionnel avant l'article 2

Mme la présidente. L'amendement n° 460 rectifié ter, présenté par M. Revet, Mme Rozier, M. Bizet, Mme Henneron et MM. Juilhard et Pierre, est ainsi libellé :

Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Il est créé par la présente loi une Caisse nationale de dépôt des garanties logements sociaux et de garantie du logement social.

II. - Le conseil d'administration de la Caisse est composé de :

- 6 représentants de l'État ;

- 3 députés désignés par l'Assemblée nationale ;

- 3 sénateurs désignés par le Sénat ;

- 4 représentants de l'Association des maires de France ;

- 2 représentants de l'Association des régions de France ;

- 2 représentants de l'Association des départements de France ;

- 2 représentants des organismes de logements sociaux ;

- 2 représentants des associations de locataires.

III. - Les ressources de la Caisse sont constituées :

a) du transfert des dépôts de garanties détenus par les organismes de logement sociaux ;

b) des prélèvements effectués par les dispositions de l'article 2 de la présente loi ;

c) des produits prévus aux articles L. 313-1 à L. 313-3 du code de la construction et de l'habitation tels qu'ils résultent de l'article 3.

Chaque fois que nécessaire, le montant du dépôt de garantie versé par un locataire à son entrée dans le logement est réajusté, dans le cadre du plafond fixé par la loi, afin de lui conserver sa capacité de financement des travaux qui pourraient être à effectuer. Le réajustement se fait étaler sur plusieurs loyers pour ne pas pénaliser trop lourdement les locataires concernés.

Lorsqu'une personne ou une famille n'a pas la capacité de verser le montant de la garantie qui lui est réclamé pour obtenir un logement, le montant de celle-ci pourra être constitué par une majoration du loyer de base avec un étalement correspondant à la capacité financière de l'intéressé mais ne pouvant en tout état de cause excéder deux années. La Caisse nationale de dépôt des garanties logements sociaux et de garantie du logement social sera caution tant pour la garantie que pour les loyers.

Les organismes d'habitations à loyer modéré sont tenus de signaler tout retard de versement de loyer supérieur à deux mois ; l'organisme concerné en informe les services sociaux qui doivent solliciter, si la famille concernée est en incapacité d'assumer sa situation, une mise sous tutelle. Le versement de l'aide personnalisée au logement ou de l'allocation logement sera de droit versé à l'organisme concerné.

En cas de modification de la situation d'un locataire (licenciement, séparation ou autre), celui-ci pourra solliciter de la caisse d'allocations familiales dont il dépend le réexamen en cours d'année de son dossier.

La parole est à M. Charles Revet.

M. Charles Revet. En commission, M. le rapporteur a estimé qu’avec cet amendement, je bouleversais un certain nombre de situations bien ancrées : autrement dit, je ne fais pas dans la dentelle… Ce ne sont pas là les termes exacts qu’il a employés, mais tel était bien, en substance, le sens de son propos.

Eh bien j’en conviens ! En effet, il est selon moi plus que temps d’aller au fond des choses. Je suis de ceux qui pensent qu’on ne peut avancer, en matière d’urbanisme et de logement, notamment, qu’en prenant des décisions ambitieuses et en ne restant pas à la marge.

Madame la ministre, en ces deux domaines, c’est la cinquième ou sixième fois que nous légiférons en quelques années, comme l’ont rappelé hier plusieurs de mes collègues.

Beaucoup d’entre nous souhaitent favoriser l’accession à la propriété, qui est une aspiration de nombre de nos concitoyens. Or l’augmentation du coût du foncier, aggravée par des lourdeurs administratives qui nous empêchent d’accroître l’offre, aboutit à ce que bon nombre de nos concitoyens qui auraient pu accéder à la propriété voilà dix ou quinze ans ne le peuvent plus aujourd’hui. Cette situation a également des conséquences néfastes pour la construction de logements locatifs : si certains bailleurs sociaux ne peuvent pas construire, c’est qu’ils ne trouvent pas de foncier, ou à des coûts tels que l’équilibre de l’opération ne peut être trouvé.

Par les divers amendements que j’ai déposés sur ce texte, en particulier celui que je présente maintenant, je tente de remédier à ce problème.

Cet amendement vise à dégager des ressources pour assurer le financement du logement social, et à prendre en compte la situation de familles, en nombre croissant, qui connaissent des difficultés financières, soit au moment de prendre un logement, soit à la suite d’un accident de la vie.

Lorsqu’une personne prend un logement en location, elle doit verser un dépôt de garantie, dont le montant a été ramené de deux mois à un mois de loyer. Cette somme lui appartient et ne sera peut-être mobilisée qu’au bout de longues années, soit pour financer des réparations dans le logement qu’il occupe, soit pour lui être restituée si le logement est en bon état à son départ.

Il me paraîtrait souhaitable, madame le ministre, que le montant cumulé de ces dépôts de garantie, qui est très important, puisse être versé à une caisse nationale, qui recevrait aussi une part des fonds du 1 % logement et les pénalités qu’a évoquées tout à l’heure M. le rapporteur.

Nous constituerions ainsi un fonds extrêmement important, qui pourrait être mobilisé pour aider les organismes du logement social à obtenir des prêts à des taux plus que préférentiels. Eu égard au taux de mobilité des locataires, il suffirait de réserver de l’ordre de 5 % à 10 % des crédits du fonds au remboursement des dépôts de garantie.

Par ailleurs, nombre de familles ou de personnes seules demandant un logement n’ont pas les moyens de verser un dépôt de garantie correspondant à un mois de loyer. Permettre qu’elles étalent le versement de cette somme sur deux ans, avec la garantie de la caisse nationale dont je propose la création, pourrait résoudre le problème.

Je propose également, par cet amendement, que la caisse nationale assure la garantie globale des loyers pour les organismes d’HLM.

Certaines situations sont aberrantes. Des changements surviennent parfois brutalement : une famille qui ne pouvait prétendre à l’APL lors de la présentation de son dossier peut perdre la moitié de ses ressources et devenir alors éligible, mais doit attendre sept ou huit mois pour la percevoir, ce qui crée de graves difficultés ; à l’inverse, une famille qui, au moment du dépôt de son dossier, avait droit à l’APL, peut voir, au cours de l’année, ses ressources doubler, sans pour autant que le versement de l’APL soit suspendu.

Je propose donc que, selon des modalités qui restent à définir, les caisses d’allocations familiales puissent ponctuellement examiner la situation de ces familles et y remédier immédiatement. Je suggère aussi que les organismes d’HLM, qui sont les premiers à avoir connaissance des difficultés rencontrées par une famille pour payer son loyer, procèdent à un signalement immédiat auprès des organismes sociaux, de façon à examiner la situation de cette famille sans attendre qu’elle soit au fond du trou et ne puisse plus en sortir.

Je suis conscient que cet amendement doit sans doute être amélioré, mais ce n’est pas un simple amendement d’appel. C’est en travaillant de cette façon que nous allons véritablement faire avancer les choses. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Michel Mercier applaudit également.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Braye, rapporteur. Mon cher collègue, tout en saluant votre sens de l’initiative et votre créativité, je dois néanmoins souligner que votre proposition pose de sérieuses difficultés.

Tout d’abord, son adoption aurait pour conséquence la mobilisation de ressources considérables. En particulier, vous proposez d’affecter à cette caisse nationale le montant de la participation des employeurs à l’effort de construction,…

M. Charles Revet. Partiellement !

M. Dominique Braye, rapporteur. … soit une somme comprise entre 1,6 milliard d’euro et 4 milliards d’euros, selon que vous prenez ou non en compte les retours sur prêts. Ce n’est tout de même pas rien !

Vous conviendrez qu’une telle disposition est certainement excessive, puisqu’il n’apparaît pas nécessaire de mobiliser une telle masse d’argent pour garantir les impayés de loyers dans le parc social, ce qui se ferait, au surplus, au détriment de nombreuses politiques, notamment la politique de rénovation urbaine, à laquelle tient particulièrement M. Dallier.

Par ailleurs, je peine à discerner les missions précises de cette caisse, hors la collecte des dépôts de garantie des locataires.

Enfin, mon cher collègue, vous utilisez des concepts de manière un peu rapide à mon sens, puisque vous faites allusion à la mise sous tutelle,…

M. Charles Revet. De manière exceptionnelle !

M. Dominique Braye, rapporteur. … qui correspond à une procédure bien définie dans le code civil, ne recouvrant pas les cas d’impayés de loyer.

En outre, vous proposez de rendre obligatoire le signalement par les organismes d’HLM de tout retard dans le versement de loyers, or une telle procédure d’alerte est déjà prévue dans la législation en vigueur.

En réalité, l’adoption de votre amendement aurait pour effet de bouleverser l’ensemble des dispositifs existants, notamment la mise sous tutelle, notion extrêmement sensible et solidement établie.

Dans la mesure où une bonne part des procédures que vous appelez de vos vœux sont déjà prévues dans les différents textes votés ces dernières années, l’adoption de cet amendement serait, selon moi, source de confusion.

Lors de l’examen des articles de ce texte en commission, je vous avais invité à retirer cet amendement ; vous vous étiez déclaré prêt à le faire en séance. Je réitère donc ma demande de retrait aujourd’hui.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Boutin, ministre. Monsieur Revet, je suis toujours sensible à l’intérêt de vos propositions. En l’espèce, je reconnais bien là votre souci du concret et du pragmatisme, que je tiens à saluer tout particulièrement.

Cela dit, l’adoption de votre amendement poserait d’énormes problèmes, que, je vous le dis très clairement, je ne suis pas en mesure de résoudre aujourd’hui en séance.

Pour autant, il est à mes yeux très important que vous ayez soulevé ces questions en essayant de remédier concrètement à des situations qui peuvent apparaître aberrantes à différents égards.

Cependant, si la caution versée au bailleur a vocation à garantir celui-ci contre tout manquement du locataire à ses obligations, il s’agit d’un dépôt à court terme, qui ne doit pas être considéré comme une ressource disponible pour financer l’investissement. Ne serait-ce que sous cet aspect, votre amendement me pose problème. Or le dispositif que vous proposez est beaucoup plus global.

Quoi qu’il en soit, monsieur le sénateur, j’ai bien entendu votre proposition ; elle sera étudiée. Toutefois, si vous maintenez cet amendement, je serai contrainte d’émettre un avis défavorable tant les problèmes posés sont complexes.

M. Charles Revet. Je l’ai bien compris !

Mme Christine Boutin, ministre. En tout état de cause, je tiens à vous remercier de vos initiatives.

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.

M. Thierry Repentin. J’ignore si vous maintiendrez ou non votre amendement, monsieur Revet, mais votre proposition mérite véritablement d’être approfondie de façon très sérieuse, car elle comporte la possibilité de mettre en place une garantie universelle des risques locatifs, dispositif qui n’existe pas aujourd’hui dans notre pays.

En effet, vous entendez en quelque sorte instaurer un système mutualiste, et non assurantiel. Certes, Mme la ministre, à l’époque où elle était parlementaire, fut le rapporteur d’un projet de loi qui a mis en place la garantie des risques locatifs, mais ce dispositif repose sur la souscription, par le propriétaire bailleur lui-même, d’une assurance auprès d’une compagnie privée.

Or le système que vous préconisez au travers du présent amendement tend à créer une sorte d’« auto-assurance » des organismes bailleurs, financée par les dépôts de garantie versés par les locataires.

Cela reviendrait à réunir dans un « pot commun », géré par les partenaires sociaux – pourquoi pas, d’ailleurs ? –, l’ensemble des dépôts de garantie, à y ajouter une part des fonds du 1 % logement – et non pas 4 milliards d’euros, comme cela a été dit par M. le rapporteur –, voire une petite participation, à hauteur, par exemple, de 1 % du montant des loyers perçus, des propriétaires bailleurs eux-mêmes, lesquels n’y étaient pas défavorables lorsque, voilà deux ans, ils ont été interrogés sur le sujet. En définitive, un tel fonds de garantie libérerait entièrement les propriétaires de l’obligation de souscrire une assurance auprès d’une compagnie privée qui s’impose aujourd’hui à eux.

Par conséquent, mon cher collègue, je souhaitais saluer votre initiative, tout en regrettant que nous ne puissions l’adopter aujourd’hui. Malheureusement, les engagements pris à votre endroit risquent de ne pas être tenus. En effet, des propositions très proches de celle que vous formulez aujourd'hui ont été faites par le passé, notamment par Mme la ministre lorsqu’elle était elle-même parlementaire, et n’ont pas été retenues !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Boutin, ministre. Monsieur Repentin, je persiste et signe : les idées avancées par M. Revet présentent à mes yeux un grand intérêt, et je souhaite vraiment qu’elles soient étudiées de très près.

S’agissant de la garantie des risques locatifs, nous aurons l’occasion d’en reparler lorsque nous évoquerons l’accord que j’ai signé avec les partenaires sociaux sur le 1 % logement. Cependant, je vous indique dès à présent que nous n’avons absolument pas renoncé à un tel dispositif, bien au contraire. La question est à l’étude, et nous devons réfléchir aux moyens d’apporter des garanties tant au locataire qu’au bailleur.

Vous avez fait allusion aux nombreuses propositions de cet ordre qui ont élaborées ces dernières années, monsieur Repentin. Nous le savons tous les deux très bien : lorsqu’une idée nouvelle est lancée, il faut du temps pour que les mentalités l’acceptent.

M. Thierry Repentin. Merci de nous donner raison par avance, madame la ministre ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Christine Boutin, ministre. Ce n’est pas toujours simple ! Puissiez-vous, vous aussi, entendre certaines des propositions nouvelles que je peux vous soumettre ! (Sourires.)

M. Thierry Repentin. Nous allons vous écouter, madame la ministre !

Mme la présidente. Monsieur Revet, l’amendement n° 460 rectifié ter est-il maintenu ?

M. Charles Revet. Je remercie Mme la ministre de son appréciation sur mon amendement et M. Repentin de son soutien.

Monsieur le rapporteur, vous m’avez lancé un appel pour que je retire cet amendement. Chacun l’a bien compris : en le déposant, je souhaitais que nous puissions poser le problème et en débattre entre nous,…

Mme Christine Boutin, ministre. Très bien !

M. Charles Revet. … tout en ayant bien conscience qu’il ne pouvait être adopté en l’état.

Madame la ministre, mes chers collègues, dans ce domaine, comme dans d’autres, il convient, me semble-t-il, que nous allions au fond des choses. Soyons ambitieux, ne nous contentons pas de rester à la marge des problèmes : c’est la seule manière d’avancer ! Tel est bien l’esprit dans lequel j’avais déposé cet amendement.

Cela étant dit, madame la présidente, je le retire ! (M. André Dulait applaudit.)

Mme Christine Boutin, ministre. Très bien !

Mme la présidente. L'amendement n° 460 rectifié ter est retiré.

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Discussion générale

4

Nomination de membres d’un organisme extraparlementaire

Mme la présidente. Je rappelle que la commission des affaires économiques a proposé deux candidatures pour un organisme extraparlementaire.

La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame Mme Evelyne Didier et M. Bruno Sido membres du Comité national de l’eau.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

5

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l’auteur de la question ainsi que la ou le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes trente.

Je demande aux orateurs de respecter le temps qui leur est imparti, par égard pour les sénateurs qui poseront les questions suivantes et pour les ministres qui auront à y répondre.

conséquences de la crise sur les collectivités locales

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, dont je salue la première intervention dans cet hémicycle.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question, dont mon ami François Fortassin est le coauteur, s’adressait à M. le Premier ministre. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Didier Boulaud. Il n’est pas là !

Mme Anne-Marie Escoffier. Dans le contexte de crise financière que connaît aujourd’hui la nation, certains, à commencer par le Premier ministre lui-même, ont émis l’idée que les critères de Maastricht puissent être assouplis, voire suspendus, pour une durée plus ou moins longue.

Cet assouplissement du pacte de stabilité pourrait alors avoir pour effet immédiat de dégager des ressources nouvelles, qui devraient profiter à tous les Français.

Ne serait-il pas dès lors opportun que ces ressources viennent abonder en tout premier lieu le budget des collectivités locales, gravement fragilisées par la diminution des dotations de l’État ? Cette mesure, sans nul doute, pourrait constituer un signe positif fort adressé aux collectivités, dont les observateurs les plus avertis soulignent la gestion exemplaire et, globalement, le faible niveau d’endettement.

Chacun sait, dans cette enceinte, la part prépondérante que prennent les collectivités locales en matière d’investissement, puisque, à l’échelon national, elles concourent pour 70 % au montant total des investissements réalisés. C’est dire l’importance de l’enjeu, et elle n’échapperait à aucun de nos concitoyens : on connaît l’attachement profond des Français pour leurs collectivités locales.

À l’heure où notre économie a un besoin urgent d’être soutenue, tant les entreprises que les collectivités verraient dans la redistribution de ces crédits la marque de l’intérêt que leur porte le Gouvernement.

C’est pourquoi je souhaite savoir si le Gouvernement envisage de dégager des ressources nouvelles pour permettre aux collectivités locales de faire face à la crise. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE et de l’Union centriste, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Madame le sénateur, le Gouvernement n’a pas l’intention de s’exonérer des critères de Maastricht.

M. Éric Woerth, ministre. En réalité, le pacte de stabilité, vous le savez parfaitement, prévoit la possibilité de tenir compte de circonstances exceptionnelles. Or, si ce ne sont pas des circonstances exceptionnelles que nous connaissons actuellement, je ne sais pas ce que cela peut être !

Ces circonstances exceptionnelles nous autorisent donc à dépasser les niveaux de déficit prévus. Cela ne veut pas dire que nous devons le faire : nous avons au contraire, bien évidemment, l’obligation de tout tenter pour maîtriser la dépense.

La raison principale qui nous conduirait à dépasser le déficit prévu serait une chute de recettes due au ralentissement économique, une croissance moindre entraînant de moindres rentrées fiscales. Il est évident que, dans cette hypothèse, l’objectif de l’État – le Premier ministre l’a rappelé – ne saurait être de compenser la diminution de recettes par une éventuelle augmentation des impôts, car cela reviendrait, selon la formule usuelle, à « rajouter de la crise à la crise ». Il n’en est donc pas question.

S’il nous est donc possible d’invoquer des circonstances exceptionnelles, je pense que nous devons néanmoins rester très prudents en matière de dépenses : nous ne pouvons pas dégager des moyens supplémentaires, c’est-à-dire des dépenses supplémentaires, qui accroîtraient par trop les soldes déficitaires de l’État.

Je rappelle que le retour à l’équilibre des finances publiques reste un objectif essentiel, car c’est lui qui peut nous donner les marges de manœuvre politiques nécessaires à un moment où nous en aurions vraiment besoin.

Vous m’interrogez aussi, madame, sur les ressources des collectivités locales. Dans le projet de loi de finances pour 2009 que je présenterai à l’Assemblée nationale la semaine prochaine, et dans les semaines qui viennent au Sénat, le Gouvernement prend en compte leurs besoins puisqu’il propose d’augmenter du taux de l’inflation les dotations aux collectivités locales, soit 1,1 milliard d’euros supplémentaire par rapport à l’année dernière. (M. René-Pierre Signé s’exclame.)

Je précise par ailleurs, puisque la question a été évoquée à plusieurs reprises, que le fonds de compensation pour la TVA sera intégralement versé aux collectivités, qui plus est en augmentation de 670 millions d’euros par rapport à l’année dernière, en raison du surcroît d’investissements réalisés par les collectivités locales il y a deux ans.

Madame le sénateur, comme vous l’avez vous-même souligné, les collectivités sont des acteurs publics extrêmement importants, tout particulièrement pour l’investissement ; il est normal que nous les traitions correctement, et c’est ce que nous faisons. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.)

conséquences de la crise sur l’industrie automobile

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question est du ressort du ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.

À l’occasion du Mondial de l’automobile, le Président de la République a rappelé l’importance de l’enjeu industriel que représente pour notre pays le secteur automobile. Il a notamment indiqué qu’il n’acceptait pas « l’idée que la France, qui a produit jusqu’à 3,2 millions de voitures en 2004, n’en fasse plus que 2,5 millions en 2007 ».

Si, en septembre, les immatriculations de voitures neuves ont connu un regain sur le marché français, contrairement à ce que l’on a constaté dans nombre de pays de l’Europe de l’Ouest, et si la production des constructeurs français durant les six premiers mois de l’année 2008 a été en hausse par rapport à celle du premier semestre de 2007, on constate toutefois que cette augmentation de la production industrielle est réalisée hors de France et que la baisse de la production automobile intérieure se poursuit, d’autant que l’inquiétude des consommateurs face à la situation économique actuelle et l’effet du « bonus-malus » poussent les ménages français à acheter des modèles plus petits, souvent fabriqués à l’étranger.

Si le chef de l’État a également confirmé sa volonté d’aider l’industrie automobile à concevoir des véhicules plus propres et plus économes en énergie, et s’il a souhaité, à juste titre, que notre pays augmente la part des énergies renouvelables dans le secteur des transports automobiles, on remarque cependant que certains constructeurs restent sceptiques sur l’avenir du véhicule électrique et que la disparition progressive de la fiscalité incitative sur les biocarburants, prévue dans le projet de loi de finances pour 2009, s’est immédiatement traduite par un coup d’arrêt donné aux ventes de véhicules flex-fioul et, au-delà, représente une menace pour le développement de la production nationale de biocarburants.

Si les intentions du Gouvernement sont donc louables, les faits sont têtus, et les incertitudes liées à la crise financière actuelle ne jouent pas en faveur d’une relance de l’industrie automobile dans notre pays. Aussi, monsieur le secrétaire d’État, j’aimerais que vous nous indiquiez ce que le Gouvernement compte faire concrètement pour que les évolutions souhaitées dans le secteur automobile ne se produisent pas au détriment de l’emploi industriel en France. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. Monsieur Détraigne, vous avez raison de souligner l’importance stratégique de la filière de l’industrie automobile française pour l’ensemble de notre économie. Je ne donnerai pas ici les chiffres qui le montrent, vous les connaissez aussi bien que moi.

Je souhaiterais plutôt, à partir des déclarations du Président de la République, auxquelles vous avez fait justement allusion, regarder vers l’avenir.

Le chef de l’État a mentionné les nombreux défis que doit relever l’industrie automobile et qui sont de trois ordres : défis environnementaux, défis énergétiques et défis industriels vont de pair, et les défis énergétiques rendent certainement nécessaire de modifier en profondeur notre modèle en ce domaine.

En 2009, le dispositif du bonus-malus automobile, qui oriente la consommation des Français vers les modèles sobres, sera maintenu. Son efficacité est avérée puisque les ventes d’un véhicule bénéficiant d’un bonus ont progressé de 50 % au premier semestre de 2008. Dès le 1er janvier 2009, un décret remplacera, pour les véhicules courants de l’État, la limite de puissance par un taux maximal d’émission de dioxyde de carbone par kilomètre, qui sera fixé à 130 grammes, c’est-à-dire le seuil de déclenchement du bonus.

Mais nous irons évidemment au-delà. Nous engageons dès maintenant un vaste plan de soutien aux véhicules « décarbonés » pour veiller à ce que soient réunies les conditions de leur implantation en France. J’en viens ainsi, monsieur le sénateur, à la question que vous avez posée, avec raison, et qui porte sur les conditions de la production, en France, de ces nouveaux véhicules.

Le Président de la République a annoncé la mobilisation, au cours des quatre prochaines années, de plus de 400 millions d’euros de financements publics consacrés exclusivement à la recherche et au développement de ces véhicules « décarbonés ». Bien évidemment, ces mesures sont à inscrire dans un cadre plus global, celui de la politique menée par le Gouvernement en matière d’innovation. Je citerai à ce titre la réforme du crédit d’impôt recherche et le développement des pôles de compétitivité.

En conclusion, monsieur le sénateur, je peux vous assurer que nous sommes parfaitement conscients du rôle stratégique que joue l’industrie automobile dans l’économie française. Nous sommes déterminés à la défendre et à faire en sorte que, dans les années qui viennent, la production de ces nouveaux véhicules puisse être localisée en France, ce qui serait très bénéfique pour l’économie en général, et pour l’emploi en particulier. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)