M. Alain Gournac, rapporteur. … et, en même temps, d’ouvrir une nouvelle page de l’histoire des relations sociales. J’y vois, pour ma part, deux excellentes raisons de l’approuver. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF.)
Organisation des débats
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, pour la clarté de nos débats, je souhaiterais que puissent être examinés séparément les amendements nos 78, 232, 141, 233 et 79, à l’article 16, les amendements nos 85 et 247, à l’article 17, et les amendements nos 95 et 268, à l’article 18.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Paul Amoudry. (Applaudissements au banc de la commission.)
M. Jean Desessard. Ne vous laissez pas faire au Congrès, l’UDF ! (Sourires.)
M. Jean-Paul Amoudry. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi est pour le moins ambitieux. En effet, il ne vise pas moins qu’à redynamiser la démocratie sociale, à assouplir l’organisation du temps de travail, à relégitimer les syndicats en améliorant leur représentativité et à s’affranchir des contraintes liées aux 35 heures.
Lorsque l’on connaît les difficultés du dialogue social et la réalité de la vie économique, peut-on ne pas souscrire à de tels objectifs ? Cela me semble difficile.
Cela étant, par-delà une ambition et un volontarisme politique bienvenus, l’architecture de ce projet de loi ne nous semble pas couler de source et son contenu apparaît quelque peu déséquilibré.
Le présent texte met en effet en parallèle, et sur un pied d’égalité, deux volets qui, pourtant, ne relèvent pas de la même logique procédurale et ne visent pas le même aboutissement législatif.
Tandis que la partie du projet de loi consacrée à la démocratie sociale s’appuie sur une concertation substantielle, formalisée par la position commune du 9 avril 2008, et porte une réforme structurelle de la représentativité syndicale, le volet relatif à la réforme du temps de travail va très largement au-delà du seul article de la position commune traitant de cette question… mais en ne réformant l’aménagement du temps de travail que par touches et contournement.
Alors, pourquoi avoir voulu traiter de l’un et de l’autre sujets au sein du même véhicule législatif ?
Le choix fait par le Gouvernement n’ôte rien à l’importance du texte en matière de représentativité syndicale. La représentativité des syndicats, c’était le serpent de mer de la démocratie sociale. Jusqu’alors, aucun gouvernement n’avait osé s’y attaquer. Celui-ci le fait. C’était une nécessité, une urgence même, car les critères de représentativité, inchangés depuis 1946, étaient totalement obsolètes.
Partenaires sociaux et Gouvernement ont voulu prendre à bras-le-corps la question de la représentativité syndicale, mais le résultat est-il positif ? À notre avis, oui, même si cette affirmation mérite d’être nuancée.
La réforme proposée démocratisera vraiment la représentativité syndicale, renforçant potentiellement les organisations. Pourtant, elle pourrait, dans le même temps, fragiliser ces mêmes organisations, à tout le moins certaines d’entre elles, et c’est bien là le paradoxe.
Oui, indéniablement, la réforme qui est proposée démocratisera le dialogue social, d’une manière positive en fondant la légitimité des organisations sur des critères pleinement démocratiques, et négativement en battant en brèche tous les archaïsmes liés aux anciens critères de représentativité.
Positivement, les nouveaux critères de représentativité établis par le présent texte et issus de la position commune – respect des valeurs républicaines, indépendance, transparence financière, ancienneté minimale, audience, influence, effectifs et cotisations – sont bien de nature à renforcer la légitimité des syndicats de salariés et à redynamiser la démocratie sociale.
Arrêtons-nous un instant sur certains de ces critères.
L’influence, tout d’abord, est un critère jurisprudentiel très pertinent désormais intégré au corpus législatif. Il est éminemment démocratique puisqu’il évalue la capacité d’une organisation à mobiliser et à peser dans le débat.
Ensuite, les critères de la transparence financière et de l’audience sont, eux aussi, déterminants pour démocratiser le dialogue social.
Ce n’est donc pas un hasard si ces critères sont détaillés dans le projet de loi.
L’article 8, consacré aux ressources et moyens des organisations syndicales et professionnelles, est porteur d’une avancée significative en ce qu’il impose une obligation de transparence financière aux syndicats. Dorénavant, ceux-ci auront l’obligation d’assurer la certification et la publicité de leurs comptes.
En outre, la possibilité de créer, par accord ou convention, une ressource assise sur la masse salariale assurera le financement du dialogue social tout en n’imposant pas aux entreprises de payer deux fois, puisque toutes leurs dépenses engagées au titre du dialogue social pourront être déductibles de l’assiette de cette nouvelle contribution.
Ces règles sont fondamentales et nous y sommes très favorables, en particulier parce qu’elles permettront d’organiser le dialogue social dans les branches composées de très petites entreprises au sein desquelles des négociations internes ne peuvent avoir lieu.
C’est pourquoi il nous paraît important qu’elles puissent entrer en vigueur en même temps que l’ensemble de la loi, et non à partir du 30 juin 2009 comme le prévoit actuellement le texte, tel qu’amendé par l’Assemblée nationale. Nous avons déposé un amendement en ce sens, aucune raison valable ne nous semblant justifier un tel différé.
L’autre critère fondateur de la nouvelle représentativité syndicale est bien sûr l’audience, un critère qui substitue une légitimité réellement démocratique, fondée sur le vote, à une légitimité historique, héritée du passé. Dans son principe, nous ne pouvons qu’adhérer à cette mesure.
Je l’ai dit, la présente réforme démocratisera le dialogue social positivement en fondant sa légitimité sur des critères démocratiques, mais aussi négativement en tirant les conséquences de cette rénovation des critères de légitimité, c’est-à-dire en battant en brèche, un à un, tous les archaïsmes associés aux anciens critères.
Premier archaïsme, de taille : la présomption irréfragable de représentativité. Elle disparaît, c’est un grand pas en avant.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est vrai !
M. Jean-Paul Amoudry. Cette présomption sans fondement démocratique nous venait d’une tout autre époque. Il appartiendra maintenant à chaque organisation de faire établir sa représentativité sur la base de critères objectifs.
Deuxième archaïsme : l’ouverture du premier tour des élections professionnelles aux seules organisations syndicales représentatives. Cela aussi, heureusement, va changer. L’ouverture du premier tour de ces élections à tous les syndicats est une mesure de justice.
Troisième archaïsme : un délégué syndical peut engager les salariés parce qu’il a été désigné par son organisation. C’est encore un changement majeur : dorénavant, le délégué syndical devra avoir recueilli personnellement au moins 10 % des suffrages valablement exprimés au premier tour des élections professionnelles. Le délégué syndical tirera sa légitimité de sa désignation, mais aussi directement des urnes.
Quatrième archaïsme, peut-être le plus important : la possibilité qu’avait chaque syndicat représentatif d’engager tous les salariés en signant un accord jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social.
La loi du 4 mai 2004 est heureusement revenue là–dessus en posant le principe de l’accord majoritaire, principe dont la mise en œuvre est concrétisée par ce texte avec la création du droit d’opposition.
Le présent projet de loi va beaucoup plus loin en prévoyant que la validité d’un accord soit subordonnée à sa signature par des syndicats ayant recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés aux élections professionnelles, ainsi qu’à l’absence d’opposition de syndicats représentatifs ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors du même scrutin. Avec ce texte, c’est la conclusion même des accords qui se démocratise réellement.
Cette démocratisation renforce la légitimité des organisations et devrait théoriquement conduire à un accroissement de leur poids dans le dialogue social. Pourtant, paradoxalement, de nombreux aspects du texte nous font craindre que son application ne conduise à un affaiblissement des syndicats.
Tout d’abord, si la réforme démocratise la représentation syndicale, le fait-elle en favorisant le pluralisme ? En apparence, oui ; en réalité, nous craignons que ce ne soit pas le cas.
En apparence, entre l’ouverture du premier tour des élections professionnelles à tous les syndicats, l’abandon de la présomption irréfragable de représentativité et le droit de désigner un représentant de la section syndicale à toute organisation, le projet de loi favorise le pluralisme syndical.
Cependant, la réalité est certainement moins favorable. Le choix des élections professionnelles comme mesure de l’audience n’est pas satisfaisant, car il exclut les salariés des très petites entreprises, qui représentent 92 % des entreprises françaises et 37 % des salariés.
C’est pourquoi nous présenterons deux amendements, l’un visant à retenir les résultats des élections prud’homales comme mesure de l’audience, l’autre étendant à toutes les branches le mécanisme prévu par le projet de loi pour les seules branches au sein desquelles plus de 50 % des entreprises n’organisent pas d’élections professionnelles.
Non seulement le choix des élections professionnelles ne nous semble pas judicieux, mais le seuil de voix retenu pour déterminer la représentativité dans l’entreprise, sans qu’il ne soit fait de distinction entre les entreprises, est aussi de nature à exclure de la table des négociations des organisations qui représentent pourtant de nombreux salariés. Pour mémoire, on a retenu un seuil de 10 % alors que le Conseil économique et social évoquait, dans son avis de décembre 2006, un seuil de 5 %.
Un tel système pourrait réduire le pluralisme syndical dans les grandes entreprises, et ce alors même que l’entreprise devient l’échelon de négociation de droit commun.
Afin de corriger cet effet indésirable de la loi, nous proposerons de distinguer entre les entreprises de plus de 1000 salariés et les entreprises de moins de 1000 salariés pour l’application du seuil de 10 %.
Mais que révèlent ces choix ? Certainement que l’on attend une recomposition du paysage syndical, faite de fusions et d’alliances. Une fois de plus, si c’est le choix de la démocratie, c’est aussi celui d’une forme de démocratie bien déterminée : la démocratie majoritaire.
En d’autres termes, si nous nous félicitons des réelles avancées qu’elle permet en matière de représentativité syndicale, nous craignons que cette réforme ne porte irrémédiablement atteinte au pluralisme syndical.
La position commune du 9 avril dernier porte bien mal son nom. Seules deux des centrales syndicales bénéficiant de la présomption irréfragable et représentant l’ensemble des catégories socioprofessionnelles l’ont signée : la CGT et la CFDT. Cela ressemble à une alliance de deux grands contre les petits. Cette tendance lourde, que nous autres centristes connaissons bien pour la subir, nous ne pouvons que la déplorer. La démocratie, ce n’est pas seulement la majorité, c’est aussi la représentativité ; la représentativité, ce n’est pas uniquement le vote, c’est aussi le pluralisme.
Ainsi, le présent projet de loi risque de fragiliser le syndicalisme en ne favorisant pas son pluralisme. De surcroît, alors qu’il vise prétendument à renforcer les organisations, il pourrait encore les affaiblir.
En premier lieu, ce texte consacre, paradoxalement, la fin du monopole syndical de négociation.
En effet, il permet tout d’abord aux institutions de représentation du personnel ou à un salarié de négocier en l’absence même d’accord collectif préalable. Afin de conserver le principe de la négociation des accords collectifs par les syndicats, nous défendrons un amendement visant à abaisser de 200 à 50 l’effectif salarié au-dessous duquel les accords collectifs peuvent être négociés par les représentants élus du personnel ou par des salariés mandatés en l’absence de représentation syndicale.
Par ailleurs, le projet de loi bat en brèche le monopole de négociation syndical en faisant sortir certaines matières du champ de la négociation et en multipliant les cas d’accord de gré à gré entre salariés et employeurs. C’est justement ce que prévoit ce texte, en matière d’aménagement du temps de travail, avec les dispositions relatives au forfait annuel jours.
En second lieu, en faisant de l’entreprise l’échelon de principe du dialogue social, le texte affaiblit les syndicats. Cela apparaît notamment en matière de réforme du temps de travail.
J’en arrive ainsi au second volet du projet de loi.
Cette partie du texte ne bénéficie pas, à nos yeux, de la même légitimité sociale que la précédente. Sans avoir été formellement transgressée, la règle posée par la loi du 31 janvier 2007 n’aura pas été appliquée avec l’effectivité que l’on pourrait attendre. La question du temps de travail n’a été rajoutée aux négociations ayant conduit à la position commune que tardivement, par le biais d’un document d’orientation additionnel. Aussi ce qui est aujourd’hui proposé dépasse-t-il de très loin le seul article de la position commune abordant la question.
Cet article 17 prévoyait, à titre expérimental, que des accords d’entreprise puissent déroger aux règles fixées par la branche en matière de dépassement du contingent d’heures supplémentaires. Ce qui est proposé va bien au-delà de ce dispositif, sans toutefois bouleverser directement le régime des 35 heures.
Vous le rappeliez, monsieur le ministre, la durée légale du travail demeure fixée à 35 heures et constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires. Le taux de majoration de ces heures reste le même. La durée maximale hebdomadaire n’est pas modifiée, comme la durée maximale hebdomadaire moyenne de travail sur douze semaines ou la durée maximale quotidienne de travail et les durées minimales de repos quotidien et hebdomadaire.
Toutefois, avec ce texte, nous assistons à un renversement des principes gouvernant la négociation relative au temps de travail : l’entreprise devient l’échelon de négociation de principe. L’autorisation administrative est supprimée et le repos compensateur entre dans le champ de la négociation.
Certes, un règlement continuera de jouer le rôle de filet de sécurité en déterminant les règles de dépassement du contingent d’heures supplémentaires, mais faire de l’entreprise l’échelon de négociation de principe ne constitue pas un progrès social et humain. C’est pourquoi, le pouvoir de négociation des syndicats nous paraissant affaibli, la branche doit demeurer l’échelon pertinent. Nous défendrons des amendements en ce sens.
Nous avons relevé que les changements les plus substantiels relatifs au temps de travail portent sur les forfaits annuels jours. Or le dispositif présenté nous semble insuffisamment protecteur des salariés. Nous considérons que le nombre de jours annuels travaillés doit être mieux encadré et que leur rémunération doit être réellement attrayante. Par ailleurs, il appartient au législateur de favoriser une meilleure conciliation entre vie familiale et vie professionnelle. Là encore, nous défendrons des amendements visant à corriger les insuffisances du texte.
Comme je l’ai dit, monsieur le ministre, notre groupe accueille favorablement la réforme que vous nous proposez,…
M. Jean-Paul Amoudry. … mais il la considère aussi largement perfectible.
Je voudrais conclure par deux questions touchant aux deux volets du texte.
Première question : pourquoi un projet de loi portant sur la rénovation de la démocratie sociale n’aborde-t-il pas en même temps la question de la représentativité des organisations patronales ? Il y a là, nous semble-t-il, un manque, qu’il importe de combler.
M. Guy Fischer. Deux poids, deux mesures !
M. Jean-Paul Amoudry. Seconde question : puisque l’on supprime le contrôle administratif sur le recours aux heures ou jours supplémentaires, comment entend-on contrôler l’effectivité de l’augmentation de salaire qui doit l’accompagner ? Comment s’assurera-t-on que, dans notre pays, l’on pourra effectivement travailler plus pour gagner plus ? (Applaudissements sur les travées de l’UC-UDF et sur certaines travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, la rondeur de vos paroles ne fera pas oublier la brutalité de vos décisions.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je vois que vous appréciez et j’en suis ravi, monsieur le ministre !
Le projet de loi que nous allons examiner est une illustration de mon propos. En effet, ce texte est perçu comme une trahison par les partenaires sociaux.
Alors que les deux principaux syndicats de salariés, la CGT et la CFDT, ainsi que le MEDEF et la CGPME, étaient parvenus à un accord, le Gouvernement a décidé de ne pas le respecter, au seul motif qu’il ne correspondait pas à ses objectifs.
Monsieur le ministre, si vous vous en étiez tenu à la première partie de votre projet de loi, nous aurions pu en débattre sereinement, même s’il ne va pas sans poser un certain nombre de problèmes. Nous aurions pu, sous conditions, être favorables à la transcription de cet accord dans la loi.
M. Jean-Pierre Godefroy. Ce sont des procès d’intention, monsieur le ministre.
M. Jean-Pierre Godefroy. Hélas, vous avez profité de la situation pour proposer un texte radical, rompant brutalement avec tous vos discours antérieurs sur la place de la négociation sociale et la protection de notre contrat social.
La seconde partie de ce projet de loi est en effet pour nous inacceptable, et nous allons tenter de vous démontrer à quel point votre texte constitue un recul, bien au-delà de la question des 35 heures. C’est en fait une véritable régression sociale, un retour en arrière considérable en matière de législation sociale.
Avant d’entrer dans les détails, il me faut tout de même dire un mot sur la forme et les délais inacceptables que vous nous imposez. L’été est une nouvelle fois le moment que vous avez choisi pour infliger de mauvais coups aux salariés. Plusieurs textes nous ont ainsi été soumis dans l’urgence, sous couvert de réforme, pendant cette session extraordinaire.
À l’heure où l’on parle de réforme des institutions et de renforcement des droits du Parlement, ce texte vient démontrer une fois de plus à quel point vos actes sont très différents de vos paroles, notamment pour ce qui est de la déclaration d’urgence, qui est, de fait, devenue la règle et non plus l’exception. Ainsi, vous avez déclaré l’urgence pour la totalité des textes réformant le droit du travail.
M. Jean-Pierre Godefroy. La première partie de ce projet de loi organise donc la transposition dans notre droit de la position commune signée au mois d’avril dernier par la CGT, la CFDT, le MEDEF et la CGPME.
Nul ne conteste la nécessité d’établir de nouvelles règles de représentativité des syndicats de salariés. Les dispositions de l’arrêté de 1966 sur la représentativité des cinq centrales de l’époque sont clairement obsolètes.
D’une meilleure représentativité doit naître une validité moins contestable des accords, ce qui impliquera moins de recours juridictionnels ; nous sommes d’accord sur ce point.
Depuis longtemps, le parti socialiste dénonce l’archaïsme d’un système de représentativité déterminé par décret et l’existence d’accords minoritaires s’imposant à l’ensemble des salariés.
Nous nous réjouissons donc que les partenaires sociaux aient pu discuter de ce sujet et aboutir à un compromis, même si celui-ci n’est pas parfait et pose question sur un certain nombre de points. Nous y reviendrons.
À l’évidence, la représentativité syndicale ne peut résulter que du vote des salariés, de tous les salariés. C’est pourquoi, sans rien ignorer du débat légitime entre les organisations syndicales, nous avions songé, pour notre part, à retenir comme instrument de mesure le scrutin prud’homal, qui présente l’avantage de permettre à tous les salariés,…
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais certains en sont exclus !
M. Jean-Pierre Godefroy. … y compris ceux des PME, d’exprimer leur choix, de surcroît le même jour.
Monsieur le ministre, pourquoi ne pas imaginer un « scrutin national du dialogue social », organisé le même jour sur l’ensemble du territoire ?
M. Jean Desessard. Très bien !
M. Jean-Pierre Godefroy. Le choix des élections professionnelles par entreprise pour déterminer la représentativité nous gêne dans la mesure où cela conduit à une application progressive de la loi, au fur et à mesure du déroulement de ces élections, tous les quatre ans.
L’argument du vote et de la représentativité mesurée dans l’entreprise, au plus près de l’action syndicale, conserve néanmoins toute sa force : c’est le choix des signataires de la position commune et nous le respectons, même si le débat, pour nous, reste ouvert. Nous prenons acte de leur volonté de négocier rapidement sur la question de la représentation des salariés dans les petites entreprises, aujourd’hui exclues du dispositif.
De même, nous nous sommes toujours clairement prononcés en faveur de l’accord majoritaire à tous les niveaux. Les signataires de la déclaration commune ont avancé dans cette voie, en reprenant le principe d’une validation des accords par des syndicats représentant au moins 30 % des salariés, en l’absence d’opposition majoritaire. Nous respectons cette position, même si l’objectif de l’engagement majoritaire reste en débat.
Pour autant, le texte, dans sa rédaction actuelle, n’est pas satisfaisant. Si nous reviendrons plus en détail, au cours de l’examen des articles, sur les nombreux points qui nous posent problème, je voudrais d’ores et déjà en évoquer deux.
En premier lieu, il faut noter qu’aucune disposition n’est prévue dans le texte pour déterminer la représentativité des organisations patronales, qui est pourtant peu claire.
Outre le MEDEF, la CGPME et l’UPA, existent l’UNAPL, pour les professions libérales, l’USGERES, représentant les acteurs de l’économie sociale, le GEMA, pour les mutuelles d’assurances, et l’UNIFED, pour les établissements de soins à but non lucratif. Pour garantir la légitimité des futurs accords, il nous semble indispensable que toutes les parties à l’accord soient représentatives, et pas seulement les syndicats de salariés.
M. Jean Desessard. Absolument !
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous avons donc déposé un amendement à ce sujet.
M. Jean Desessard. Très bon amendement !
M. Jean-Pierre Godefroy. En second lieu, se pose le problème des syndicats professionnels autonomes, dont l’action est menacée par ce texte. Je pense, bien sûr, au Syndicat national des journalistes, dont la place et le rôle dans les entreprises de presse doivent être préservés.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous allons nous y efforcer !
M. Jean-Pierre Godefroy. Il y va de leur indépendance. Pour autant, mes chers collègues, cela ne concerne pas que le SNJ.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il y a également les pilotes.
M. Alain Gournac, rapporteur. Et les conducteurs de train !
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous proposerons donc un amendement concernant l’ensemble de ces syndicats.
Par ailleurs, monsieur le ministre, même sur cette première partie du projet de loi relative à la démocratie sociale, vous avez montré quel était votre véritable objectif, en appelant au respect de la position commune quand cela vous arrangeait ou en modifiant le texte, avec la complicité du rapporteur de l’Assemblée nationale, quand cette position commune ne vous satisfaisait pas complètement.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est une preuve d’intelligence et cela montre la place réservée aux parlementaires dans la rédaction de la loi !
M. Jean-Pierre Godefroy. En effet, les travaux de l’Assemblée nationale ont réservé quelques surprises. Si le projet de loi adopté en conseil des ministres respectait le texte de la déclaration commune, les nombreux amendements adoptés en première lecture ont quelque peu modifié la donne.
J’en veux pour preuve le durcissement des conditions de calcul des effectifs dans les entreprises, ce qui aboutira mécaniquement à un nombre inférieur de délégués du personnel et de comités d’entreprise.
M. Jean-Pierre Godefroy. J’en veux pour preuve, également, le report, une nouvelle fois, de l’entrée en vigueur de l’accord UPA. Ainsi, depuis sept ans, un accord sur le financement du dialogue social signé par toutes les organisations syndicales de salariés et les représentants patronaux de 800 000 entreprises artisanales ne peut entrer en application, par la seule obstruction du MEDEF.
Monsieur le ministre, nous attendons que le Gouvernement « reprenne la main », pour reprendre votre propre expression.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Les tribunaux l’ont validé !
M. Alain Gournac, rapporteur. C’est passé devant la Cour de cassation !
M. Jean-Pierre Godefroy. Quant à la seconde partie du projet de loi, les mots me manquent pour dire tout le mal que je pense des huit articles qui la composent, lesquels rompent définitivement avec le modèle social que nous connaissons aujourd’hui.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je vous remercie de ces félicitations, monsieur le ministre ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Hélas ! Ces six dernières années, notre modèle social a déjà subi de nombreux coups de boutoir ; vous êtes en passe de l’achever ! Et l’on a bien du mal à croire à la sincérité des propos du Président de la République sur l’Europe et la préservation de notre modèle social…
Mme Annie David. Eh oui !
M. Guy Fischer. Il nous a trahis !
M. Jean-Pierre Godefroy. Les organisations syndicales, comme les salariés français, n’oublieront d’ailleurs pas que c’est vous, monsieur le ministre, qui n’avez pas respecté la promesse faite par votre prédécesseur,…
M. Guy Fischer. Vous l’avez trahie !
M. Jean-Pierre Godefroy. … notre collègue Gérard Larcher, en donnant votre accord à l’acceptation de la directive « temps de travail », qui généralise l’opting out.
M. Jean-Pierre Godefroy. Dans ce cas, vous nous le démontrerez tout à l’heure !
À Bruxelles comme à Paris, c’est la frange la plus libérale de l’UMP qui l’a emporté.