M. le président. L’article 25 ter a été supprimé par l’Assemblée nationale.
Mais l'amendement n° 79, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, tend à le rétablir dans la rédaction suivante :
Le deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution est complété par les mots : « ou par un groupe parlementaire ».
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Cet amendement vise à rétablir la disposition adoptée par le Sénat en première lecture pour élargir le droit de saisine du Conseil constitutionnel aux groupes parlementaires.
Cela étant, dans un souci de cohérence avec le débat que nous avons eu tout à l’heure, je propose de rectifier cet amendement en y ajoutant les mots : « à l’unanimité de ses membres ».
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 79 rectifié, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, et tendant à rétablir l’article 25 ter dans la rédaction suivante :
Le deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution est complété par les mots : « ou par un groupe parlementaire à l'unanimité de ses membres ».
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 15, présenté par MM. Haenel et Grignon, Mme Keller, MM. Leroy et Richert et Mmes Sittler et Troendle, est ainsi libellé :
Après l'article 26, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 74-1 de la Constitution, il est inséré un article 74-2 ainsi rédigé :
« Art. 74-2. - La République reconnaît la légitimité de la législation particulière aux départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin. »
La parole est à Mme Catherine Troendle.
Mme Catherine Troendle. L’article 26 du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République crée un article 61-1 de la Constitution du 4 octobre 1958.
Ce nouvel article permettra à tout justiciable de soulever une exception d’inconstitutionnalité à l’occasion d’un procès si la disposition législative qui lui est applicable lui semble contraire aux droits et libertés reconnus par la Constitution. Par un mécanisme de filtrage, il appartiendra à la Cour de cassation ou au Conseil d’État de saisir le Conseil constitutionnel.
S’agissant du droit local alsacien-mosellan, il n’est pas inconcevable que cette exception soit invoquée au sujet des libertés fondamentales, au motif d’une atteinte aux principes d’égalité devant la loi, de laïcité ou d’unité de la République. Pour l’essentiel, les matières qui relèvent du droit local sont la sécurité sociale, les associations, l’enseignement religieux et le statut des cultes.
Pour ce qui est des cultes, il est important de souligner que la législation locale est conforme au principe de laïcité. Comme vous le savez, ce principe n’interdit pas le financement public des activités religieuses, mais il implique une neutralité de l’État par rapport aux cultes. L’État doit précisément faire preuve de neutralité dans ses choix en matière de nomination des ministres des cultes statutaires.
Au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, il n’est pas exclu que l’une ou l’autre disposition du droit local soit déclarée contraire à la Constitution. En effet, la jurisprudence constitutionnelle a développé une conception stricte de l’unité territoriale du régime des libertés publiques, dans le cadre de laquelle le principe même du droit local pourrait être contesté.
Le droit local maintenu en vigueur en Alsace et en Moselle après le retour de ces territoires à la France, et rétabli comme élément de la légalité républicaine après la fin de l’annexion de ces territoires par le IIIe Reich, constitue une institution respectée par tous les gouvernements successifs des IIIe, IVe et Ve Républiques. D’ailleurs, les populations locales y sont très attachées.
Après quatre-vingt-dix ans d’intégration dans le système juridique français, ce droit local apparaît comme une déclinaison spécifique des droits et libertés constitutionnels.
Afin de prévenir toute difficulté, trois possibilités étaient envisageables.
La première aurait consisté à ajouter la phrase suivante à la fin de la première phrase du premier alinéa de l’article 61-1 de la Constitution : « Sont exclues de cette procédure les dispositions législatives maintenues en vigueur par la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle et la loi du 1er juin 1924 portant introduction des lois commerciales françaises dans lesdits départements, ainsi que les dispositions ayant modifié ces lois. »
La deuxième aurait visé à rétablir le texte du projet du Gouvernement limitant le domaine de l’exception d’inconstitutionnalité aux lois postérieures à 1958.
Enfin, la troisième aurait eu pour objet d’inscrire le droit local alsacien dans la Constitution, à l’instar du droit des territoires d’outre-mer : « La République reconnaît la légitimité de la législation particulière aux départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin. » Cette solution est de loin préférable.
Tel est l’objet de cet amendement. (M. Hubert Haenel applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous comprenons très bien les interrogations que la création d’une exception d’inconstitutionnalité peut susciter chez nos collègues élus d’Alsace-Moselle, qui se demandent si une telle disposition pourrait remettre cause le droit local, dont notre collègue Catherine Troendle vient de rappeler les fondements.
Nous le savons, les départements concernés sont très attachés à ce système. J’en profite pour saluer la qualité du travail effectué par l’Institut du droit local alsacien-mosellan, que nous apprécions. Il pourrait parfois se révéler utile d’étendre le droit local aux autres départements français. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) En effet, il s’agit d’un droit très bien fait qui pourrait nous inspirer, notamment en matière de sécurité sociale. Cela changerait sans doute beaucoup de choses.
Néanmoins, il apparaît clairement qu’aucune des lois locales ne porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution. Il n’y a, me semble-t-il, aucun risque en la matière.
En effet, l’objectif du constituant n’est pas de permettre la remise en cause d’un ordre juridique préservé depuis bientôt un siècle. Les habitants des trois départements concernés doivent bénéficier du maintien du droit local, au nom de la sécurité juridique.
La loi organique qui déterminera les conditions et réserves d’application de l’exception d’inconstitutionnalité pourra, le cas échéant, préciser ce point.
Mme le garde des sceaux le démontrera sans doute beaucoup mieux que moi, et apportera toutes les garanties nécessaires de la part du Gouvernement, mais il ne me semble pas nécessaire d’introduire une telle précision dans le projet de loi constitutionnelle, car il n’y a aucun risque pour la pérennité du droit local en Alsace-Moselle.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission sollicite le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement comprend tout à fait l’attachement légitime des populations des trois départements d’Alsace et de Moselle au droit local en vigueur sur ces territoires.
Madame Troendle, comme j’ai eu l’occasion de le faire à l’Assemblée nationale, je peux répondre par l’affirmative aux trois questions que vous venez de poser.
D’abord, je partage pleinement votre affirmation selon laquelle le droit local doit faire l’objet d’une protection constitutionnelle.
En 1918, lorsque les territoires concernés ont réintégré la souveraineté française, les plus hautes instances de l’État se sont engagées politiquement et moralement au respect des spécificités locales.
Puis, en 1946, le constituant a choisi de restaurer le droit local alsacien-mosellan, qui avait été mis entre parenthèses après l’annexion allemande.
Le droit local alsacien a ainsi été progressivement incorporé dans notre tradition républicaine. Voilà pourquoi vous n’avez rien à craindre de sa confrontation avec le bloc de constitutionnalité, madame la sénatrice.
Par ailleurs, comme vous l’avez justement rappelé, le droit local d’Alsace-Moselle est déjà soumis au contrôle des juges puisque le Conseil d’État contrôle la compatibilité des lois antérieures à 1946 avec la Constitution de 1958 et avec le préambule de la Constitution de 1946. Il a toujours jugé le droit local compatible avec la Constitution de 1958. Il a ainsi rejeté des recours dirigés contre le régime des cultes d’Alsace et de Moselle, par un arrêt du 6 avril 2001, mais également contre la législation locale sur les associations, par un arrêt du 22 janvier 1988 Association « Les Cigognes ».
De même, le Conseil constitutionnel, dans le cadre du contrôle de la conformité des lois antérieures à 1958, n’a jamais déclaré une seule disposition du droit local d’Alsace-Moselle contraire à la Constitution.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Voilà !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Vous avez très justement rappelé à ce propos sa très récente décision portant sur la loi du 21 janvier 2008 relative au code du travail, qui modifie le droit du travail d’Alsace-Moselle.
Les juges n’ont jamais remis en cause le droit local alors qu’ils disposent de cette faculté. Il n’y a donc aucune raison de penser que cette jurisprudence puisse évoluer dans un sens différent à la suite de la révision constitutionnelle.
Par conséquent, l’exception d’inconstitutionnalité ne constitue pas une menace pour le droit local. Je pense même qu’elle pourra conforter l’ancrage constitutionnel de ce droit local. Celui-ci est toujours sorti renforcé et légitimé de sa confrontation avec notre bloc de constitutionnalité.
S’il y avait des craintes particulières s’agissant du régime spécifique des cultes, je rappelle qu’il a été jugé non contraire à la Constitution par le Conseil d’État, dans sa décision du 6 avril 2001.
Naturellement, en Alsace-Moselle comme ailleurs, le principe constitutionnel de laïcité s’applique.
Vous souhaitez insérer dans la Constitution un nouvel article qui reconnaîtrait, de manière expresse, la « légitimité de la législation particulière aux départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin ». Compte tenu de ce que je viens de dire, une reconnaissance expresse n’est pas juridiquement nécessaire. Paradoxalement, elle pourrait même contribuer à jeter le doute sur la compatibilité entre le droit local et la Constitution, alors que la jurisprudence ne l’a jamais remise en cause.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, il y serait défavorable.
M. le président. La parole est à M. Hubert Haenel, pour explication de vote sur l'amendement n° 15.
M. Hubert Haenel. Ce droit local concernant 3 millions de Français, je voudrais revenir quelques instants sur le sujet, en tant que président de la commission d’harmonisation du droit local d’Alsace-Moselle.
Je remercie M. le président de la commission des lois de ses propos, ainsi que Mme le garde des sceaux de sa réponse très étayée.
Madame le garde des sceaux, si j’ai bien compris, vous affirmez trois choses.
Premièrement, le droit local est constitutionnellement protégé ; vous l’avez, je crois, démontré.
Deuxièmement, le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel n’ont jamais remis en cause le droit local d’Alsace-Moselle, alors qu’ils peuvent déjà le faire.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tout à fait !
M. Gérard Longuet. C’est exact !
M. Hubert Haenel. À cet égard, vous avez cité plusieurs décisions, dont celle du Conseil constitutionnel portant sur la loi du 21 janvier 2008 relative au code du travail.
Enfin, madame le garde des sceaux, vous venez d’affirmer publiquement et solennellement que le droit local ne pourrait pas davantage être remis en cause en bloc dans le cadre du contrôle de constitutionnalité par voie d’exception.
Cela ne signifie pas pour autant que, s’agissant de l’harmonisation du droit local, le Conseil constitutionnel ne pourra pas déclarer que telle disposition est contraire à la Constitution ou à tel principe constitutionnel du préambule.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Bien sûr !
M. Hubert Haenel. Il ne faut pas non plus se méprendre sur la portée de nos propos, afin de ne tromper personne.
C’est à présent à Mme Catherine Troendle, après sa présentation particulièrement brillante, de nous dire, au nom de tous les parlementaires d’Alsace et de Moselle qui ont signé l’amendement, si elle le retire ou pas.
M. le président. Madame Troendle, l'amendement n° 15 est-il maintenu ?
Mme Catherine Troendle. Je voudrais remercier Mme la garde des sceaux de sa réponse. Bien évidemment, nous retirons cet amendement, parce que nous sommes rassurés.
Permettez-moi néanmoins de profiter de l’occasion qui m’est donnée, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, pour vous dire qu’il ne serait pas inintéressant, comme M. le rapporteur l’a évoqué, de mener une réflexion sur la possibilité de transposer certains dispositifs de notre droit local dans le droit français.
Dans divers domaines, le droit local s’avère bien plus efficace. M. Hyest a fait allusion à la sécurité sociale ; je citerai également le droit des associations et, tout particulièrement, le livre foncier.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le cadastre également !
M. le président. L'amendement n° 15 est retiré.
Article 28
L'article 65 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Art. 65. - Le Conseil supérieur de la magistrature comprend une formation compétente à l'égard des magistrats du siège et une formation compétente à l'égard des magistrats du parquet.
« La formation compétente à l'égard des magistrats du siège est présidée par le premier président de la Cour de cassation. Elle comprend, en outre, cinq magistrats du siège et un magistrat du parquet, un conseiller d'État désigné par le Conseil d'État, un avocat ainsi que six personnalités qualifiées qui n'appartiennent ni au Parlement, ni à l'ordre judiciaire, ni à l'ordre administratif. Le Président de la République, le Président de l'Assemblée nationale et le Président du Sénat désignent chacun deux personnalités qualifiées. La procédure prévue au dernier alinéa de l'article 13 est applicable aux nominations des personnalités qualifiées. Les nominations effectuées par le président de chaque assemblée du Parlement sont soumises au seul avis de la commission permanente compétente de l'assemblée intéressée.
« La formation compétente à l'égard des magistrats du parquet est présidée par le procureur général près la Cour de cassation. Elle comprend, en outre, cinq magistrats du parquet et un magistrat du siège, ainsi que le conseiller d'État, l'avocat et les six personnalités qualifiées mentionnés au deuxième alinéa.
« La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du siège fait des propositions pour les nominations des magistrats du siège à la Cour de cassation, pour celles de premier président de cour d'appel et pour celles de président de tribunal de grande instance. Les autres magistrats du siège sont nommés sur son avis conforme.
« La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du parquet donne son avis sur les nominations qui concernent les magistrats du parquet.
« La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du siège statue comme conseil de discipline des magistrats du siège. Elle comprend alors, outre les membres visés au deuxième alinéa, le magistrat du siège appartenant à la formation compétente à l'égard des magistrats du parquet.
« La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du parquet donne son avis sur les sanctions disciplinaires qui les concernent. Elle comprend alors, outre les membres visés au troisième alinéa, le magistrat du parquet appartenant à la formation compétente à l'égard des magistrats du siège.
« Le Conseil supérieur de la magistrature se réunit en formation plénière pour répondre aux demandes d'avis formulées par le Président de la République au titre de l'article 64. Il se prononce, dans la même formation, sur les questions relatives à la déontologie des magistrats ainsi que sur toute question relative au fonctionnement de la justice dont le saisit le ministre de la justice. La formation plénière comprend trois des cinq magistrats du siège mentionnés au deuxième alinéa, trois des cinq magistrats du parquet mentionnés au troisième alinéa, ainsi que le conseiller d'État, l'avocat et les six personnalités qualifiées mentionnés au deuxième alinéa. Elle est présidée par le premier président de la Cour de cassation, que peut suppléer le procureur général près cette cour.
« Sauf en matière disciplinaire, le ministre de la justice peut participer aux séances des formations du Conseil supérieur de la magistrature.
« Le Conseil supérieur de la magistrature peut être saisi par un justiciable dans les conditions fixées par une loi organique.
« La loi organique détermine les conditions d'application du présent article. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L’Assemblée nationale a voté conforme la proposition du Sénat en première lecture : le débat ne devrait donc pas avoir lieu !
M. Bernard Frimat. Vous n’êtes pas obligés de voter conforme !
M. le président. L'amendement n° 81, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'article 65 de la Constitution est ainsi rédigé :
« Art. 65. - Le Conseil supérieur de la magistrature comprend une formation compétente à l'égard des magistrats du siège et une formation compétente à l'égard des magistrats du parquet.
« La formation compétente à l'égard des magistrats du siège est présidée par un magistrat du siège élu en son sein. Elle comprend cinq magistrats du siège et un magistrat du parquet, trois représentants élus des avocats, des universitaires et du Conseil d'État, ainsi que trois personnalités qualifiées désignées respectivement, à la majorité qualifiée, par l'Assemblée nationale, par le Sénat et par le Président de la République selon la procédure prévue au dernier alinéa de l'article 13.
« La formation compétente à l'égard des magistrats du parquet est présidée par un magistrat du parquet élu en son sein. Elle comprend cinq magistrats du parquet et un magistrat du siège, ainsi que les trois représentants élus des avocats, des universitaires et du Conseil d'État et les trois personnalités qualifiées mentionnées à l'alinéa précédent.
« La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du siège fait des propositions pour les nominations des magistrats du siège à la Cour de cassation, pour celles de premier président de cour d'appel et pour celles de président de tribunal de grande instance. Les autres magistrats du siège sont nommés sur son avis conforme. Elle statue comme conseil de discipline des magistrats du siège.
« Les procureurs généraux près la Cour de cassation et les cours d'appel sont nommés après avis de la formation du conseil compétente à l'égard des magistrats du parquet. Les autres magistrats du parquet sont nommés sur son avis conforme.
« La formation compétente à l'égard des magistrats du parquet statue comme conseil de discipline des magistrats du parquet. Elle est alors présidée par le procureur général près la cour de cassation.
« Le Conseil supérieur de la magistrature se réunit en formation plénière pour répondre aux demandes d'avis formulées par le Président de la République au titre de l'article 64. Il se prononce, dans la même formation, sur les questions relatives à la déontologie des magistrats, et peut rendre des avis d'initiative sur les atteintes à l'indépendance de la magistrature. La formation plénière comprend l'ensemble des formations compétentes à l'égard des magistrats du siège et du parquet. Elle est présidée par un magistrat élu en son sein.
« Le ministre de la justice peut consulter le Conseil supérieur de la magistrature sur toute question relative au fonctionnement de la justice. Il est entendu par le Conseil chaque fois qu'il en fait la demande. Il peut solliciter une nouvelle délibération sur les propositions ou avis en matière de nomination.
« Le Conseil supérieur de la magistrature peut être saisi par un justiciable dans les conditions fixées par une loi organique.
« La loi organique détermine les conditions d'application du présent article. »
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Vous n’êtes pas obligés de voter conforme, et l’Assemblée nationale n’est pas non plus obligée de s’en tenir à ce vote conforme.
À la lecture de l’article 28, on se rend compte que la grande réforme du CSM n’a finalement pas lieu, que la tutelle du ministère de la justice n’a pas totalement disparu et que l’autonomie de fonctionnement n’est pas garantie. La composition et les modalités de désignation des personnalités extérieures sont très loin d’être parfaites.
Vous persistez à vouloir confier la présidence de la formation du CSM compétente à l’égard des magistrats du siège au premier président de la Cour de cassation. Nous avons pourtant relevé que cela poserait des problèmes de compatibilité, de conflit d’intérêts et d’unité du corps. Tous ces arguments ont été balayés, mais il est encore temps pour vous de faire marche arrière. Nous proposons en effet que la formation compétente à l’égard des magistrats du siège élise son président en son sein, parmi ses membres magistrats. Il en serait d’ailleurs de même pour la formation compétente à l’égard du parquet.
Un autre point pose problème : la composition non paritaire et les conditions de nomination des membres non- magistrats. Le projet de loi modifie la composition des deux formations du CSM, les magistrats y devenant minoritaires. Si nous avons toujours revendiqué un Conseil supérieur de la magistrature plus ouvert, à la légitimité démocratique renforcée, nous ne souhaitons pas, à l’instar de votre réforme, que le poids politique de l’exécutif reste prégnant s’agissant de cette composition. Nous préférons, par conséquent, établir la parité entre magistrats et non-magistrats.
Par ailleurs, la nouveauté que constituent les avis qui précéderont les nominations des personnalités qualifiées ne sera pas de nature à éviter toute politisation. Nous proposons donc un mode de désignation démocratique destiné à garantir le pluralisme au sein de ces personnalités.
De même, nous exigeons la plus grande indépendance en matière de nominations des membres du parquet et de sanctions disciplinaires. L’indépendance des magistrats du parquet ne sera effective qu’à partir du moment où ceux-ci seront nommés sur avis conforme, et non plus simple, de la formation du CSM compétente à l’égard des magistrats du parquet
Il conviendrait également de prévoir que les pouvoirs en matière de sanctions disciplinaires soient identiques dans les deux formations du CSM.
En outre, la présence du garde des sceaux aux séances des formations du CSM est plus que contestable. Nous souhaitons donc clarifier les relations entre celui-ci et le ministre de la justice, en prévoyant une saisine pour consultation, pour demander son audition ou pour solliciter une nouvelle délibération.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. À l’exception d’une simple précision rédactionnelle, l’Assemblée nationale a accepté, en deuxième lecture – et ce n’était pas sa position en première lecture –, les propositions du Sénat. Il s’agissait essentiellement d’assurer la parité dans les formations disciplinaires.
Ne remettons pas en cause cet article qui a été adopté par les deux assemblées, avec une simple modification de forme concernant les personnalités qualifiées.
Dans ces conditions, je ne peux qu’être défavorable à cet amendement, ainsi qu’aux deux suivants.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Nous avons longuement débattu de cette réforme constitutionnelle, en première lecture à l’Assemblée nationale et au Sénat, en deuxième lecture à l’Assemblée nationale.
Cette réforme du CSM comporte trois avancées.
D’abord, le CSM n’est plus présidé par le Président de la République ; on ne pourra donc pas le soupçonner de politisation.
S'agissant de la participation du garde des sceaux aux séances des formations du CSM, je veux souligner que c’est tout de même le ministre qui débat du budget et des moyens alloués à la justice. Il peut également proposer des nominations, notamment en ce qui concerne les magistrats du siège, mais il ne peut les nommer.
S’agissant des magistrats du parquet, il y a une avancée puisque, désormais, la formation compétente donnera son avis non seulement pour les procureurs, mais aussi pour les procureurs généraux.
On garantit l’indépendance des magistrats en confiant la présidence, pour la formation du parquet, au procureur général près la Cour de cassation et, pour la formation du siège, au premier président de la Cour de cassation.
Pour ce qui est du parquet et des procureurs de la République, nous ne souhaitons pas qu’ils soient indépendants, conformément aux statuts.
M. Gérard Longuet. Ils ne sont pas propriétaires de leur fonction !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Ils sont sous l’autorité du garde des sceaux !
Les Français élisent le Président de la République sur une politique claire. S’agissant, par exemple, de la politique pénale, s’ils ont voté pour un Président de la République qui s’engageait à lutter contre la récidive, il importe que les procureurs de la République luttent contre la récidive, conformément à la demande des citoyens. Si les procureurs de la République sont indépendants, l’action publique ne sera plus menée conformément aux attentes des Français.
L’indépendance de la magistrature, je tiens à le rappeler, est dans l’activité juridictionnelle des magistrats du siège, à laquelle nous sommes extrêmement attachés. L’indépendance des juges, c’est rendre une justice sans influence, la même pour tout le monde, sur l’ensemble du territoire.
L’indépendance du parquet, c’est une autre question ! Les procureurs généraux seront toujours nommés en conseil des ministres, mais il y aura désormais un avis du Conseil supérieur de la magistrature. Jusqu’à présent, il n’y a pratiquement jamais eu de « passer outre » au sujet des nominations des procureurs de la République.
Je voudrais simplement rappeler la signification d’un « passer outre » pour la nomination d’un procureur de la République. Pourquoi le garde des sceaux peut-il souhaiter passer outre l’avis défavorable du Conseil supérieur de la magistrature ? Les raisons ne sont nullement suspectes. Parfois, plutôt que de favoriser l’ancienneté, il peut être intéressant de privilégier la compétence, la spécialisation, et de reconnaître le talent d’un magistrat, procureur de la République, de manière volontaire, individuelle, sans remettre en cause le pouvoir de nomination en lui-même. Un « passer outre », ce n’est ni plus ni moins que cela.
Ce texte comporte donc trois avancées majeures : le Président de la République ne préside plus le CSM ; la confiance accordée aux plus hauts magistrats est renforcée ; le CSM émettra un avis sur la nomination des procureurs généraux, mesure qui était attendue par de nombreux magistrats.
L’Assemblée nationale a adopté la proposition du Sénat concernant la parité. Tel n’était pas le projet du Gouvernement dans le cas de l’instance disciplinaire. Nous avons accepté cette modification.
Hormis l’ajout d’une précision formelle, l’Assemblée nationale a adopté cet article dans la rédaction du Sénat en ce qui concerne la parité au sein des formations exerçant une compétence disciplinaire et les personnalités extérieures. La réforme du CSM a longuement été débattue en première et en deuxième lecture.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’ensemble des amendements portant sur le Conseil supérieur de la magistrature.