M. le président. L'amendement n° 97, présenté par MM. Frimat, Assouline, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 4 de la Constitution, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art.... - Afin d'assurer l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion, les services de radio et de télévision doivent respecter, au sein de leurs programmes, une répartition des temps d'intervention entre le Président de la République et le Gouvernement, pour un tiers du temps, les personnalités appartenant à la majorité parlementaire, pour un tiers du temps et les personnalités appartenant à l'opposition parlementaire, pour un tiers du temps.
« Par exception aux dispositions qui précèdent, lorsque le Président de la République et le Gouvernement sont issus de majorités politiques d'orientations différentes, les interventions du Président de la République sont décomptées avec celles des personnalités appartenant à l'opposition parlementaire. »
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Nous avons déjà présenté, en première lecture, nos arguments en faveur de l’introduction dans la Constitution de la règle dite « des trois tiers », mise en œuvre par le CSA pour garantir le pluralisme dans les médias audiovisuels.
Nous souhaitons en effet intégrer dans ces trois tiers le temps de parole du Président de la République. Je note que cette idée commence à faire son chemin, car même le chef de l’État, principal intéressé, a laissé entendre qu’il ferait prochainement un geste dans ce sens.
Nous souhaitons néanmoins constitutionnaliser ce dispositif, afin de garantir un réel équilibre des prises de parole sur les chaînes de télévision et les radios entre les membres de l’exécutif, ceux de la majorité parlementaire et ceux de l’opposition, par la comptabilisation du temps d’expression du Président de la République avec celui du Gouvernement et, en cas de cohabitation, avec celui de l’opposition parlementaire.
Mais quelle curieuse manière de considérer le Parlement que l’on dit vouloir revaloriser ! Cela fait plusieurs semaines que nous débattons sur cette question de la comptabilisation du temps de parole du Président de la République. Le groupe UMP et le Gouvernement ont avancé de multiples arguties pour soutenir mordicus que ce n’était pas possible.
En principe, ce sont les parlementaires qui élaborent la loi constitutionnelle. Eh bien, on nous dit que, peut-être, dans les jours qui viennent, le Président va faire un geste !
M. Jean-Marc Todeschini. Pour Jack Lang !
M. David Assouline. Ainsi donc, c’est le Président de la République qui peut nous octroyer une liberté supplémentaire, et pas le débat parlementaire ! Cela en dit long, très long sur la façon dont on considère la revalorisation du Parlement et son travail à travers ce débat constitutionnel…
M. Christian Cointat. C’est parce que la loi n’est pas encore faite !
M. David Assouline. Le dispositif s’inspire directement de la régulation élaborée par le CSA qui, dans sa mission légale de garant du respect de l’expression pluraliste au sein des médias audiovisuels, a, depuis 1989, repris et adapté en principe de référence la « règle des trois tiers » héritée d’une ancienne directive du conseil d’administration de l’ORTF du 12 novembre 1969. Cette directive posait le principe d’un équilibre de « la présentation des points de vue », sur les deux chaînes de l’ORTF, entre les représentants des pouvoirs publics, ceux qui les approuvent et ceux qui les critiquent. C’était très clair !
Cependant, le CSA, dans un souci de respect du rôle d’arbitre dévolu au Président de la République par la Constitution, le plaçant au-dessus des partis politiques, a toujours refusé de comptabiliser le temps de parole du chef de l’État avec celui du Gouvernement.
Saisi de cette question lors de la campagne liée au référendum sur la ratification du traité constitutionnel européen, le Conseil d’État, dans une décision du 13 mai 2005, a confirmé la position du CSA, estimant que « en raison de sa place qui, conformément à la tradition républicaine, est celle du chef de l’État dans l’organisation constitutionnelle des pouvoirs publics, le Président de la République ne s’exprime pas au nom d’un parti ou d’un groupement politique ». Il a considéré que l’instance de régulation avait ainsi « exclu à bon droit » les interventions du chef de l’État du décompte des présentations des positions des partis et groupements politiques dans les programmes audiovisuels.
La réflexion dans laquelle le CSA s’est engagé pour aménager cette règle, depuis le mois de juillet 2006, n’a toujours pas abouti.
Nous saisissons donc l’occasion de cette révision pour faire évoluer cette situation qui n’est plus tenable sous le règne de la « République sarkozyste », marquée par l’agitation médiatique permanente du chef de l’État.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est vous qui parlez d’agitation ?
M. David Assouline. En effet, le décompte du temps de parole du Président de la République dans les médias est devenu une question urgente à régler, et ce pour plusieurs raisons. Le Président s’est même donné une possibilité supplémentaire de grand show quand il viendra s’exprimer à Versailles !
Les institutions de la Ve République connaissent aujourd’hui une présidentialisation accentuée. Cette tendance est encore renforcée par la réforme constitutionnelle dont nous débattons. Le Président de la République ne pourra plus désormais être considéré comme l’arbitre au-dessus des partis politiques, rôle que lui avait initialement conféré la Constitution de 1958.
Parallèlement, on assiste à une hypermédiatisation du chef de l’État sur tous les médias - pas une heure sans que celui-ci apparaisse sur une antenne !
Enfin, je l’ai déjà rappelé, le Président de la République nourrit des rapports ambigus avec les patrons des principaux médias.
Bien entendu, les prises de parole du Président lorsqu’il représente la Nation, lors de commémorations qui n’appellent aucun esprit partisan, ne doivent pas être décomptées par le CSA.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Assouline !
M. Éric Doligé. Vous avez dépassé votre temps de parole : il vous sera décompté !
M. David Assouline. Je conclus, monsieur le président.
En revanche, pour ce qui nous intéresse, c'est-à-dire le décompte du temps respectivement attribué à l’action gouvernementale, à l’action engagée de la majorité et à l’opposition, il est temps d’intégrer le temps de parole du Président de la République. Ce serait une avancée démocratique !
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Votre dépassement de temps de parole sera accordé au Président de la République !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je n’entrerai pas dans ce débat. Je rappelle que les modalités de décompte des interventions des autorités politiques n’ont pas leur place dans la Constitution.
M. Philippe Richert. Évidemment pas !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais enfin, chers collègues, à quoi va ressembler la loi fondamentale si l’on vous suit ?
C’est la loi qui fixerait éventuellement de telles règles.
Je donne donc un avis défavorable sur ces deux amendements, par ailleurs quasi identiques.
Monsieur le président, nous entendons exactement les mêmes propos que lors de la première lecture !
M. David Assouline. Non, j’ai réécrit !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Très bien ! Nous progressons !
Apparemment, M. Assouline n’a pas supporté hier de voir autant le Président de la République sur les écrans de télévision.
M. Jean-Marc Todeschini. Même Jack Lang !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je rappelle que nous étions le 14 juillet, jour où le Président de la République est appelé à présider un certain nombre de cérémonies, lesquelles sont couvertes par tous les médias nationaux et internationaux.
De plus, en raison de la présence de nombreux chefs d’État, ce dont nous nous réjouissons, …
M. David Assouline. Des soldats n’ont pas aimé défiler devant un certain chef d’État !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. … dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée, il s’agissait de manifestations de grande ampleur.
M. Jean-Pierre Sueur. Quel est le rapport avec la Constitution ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est le cœur du débat, puisque c’est ce que vous reprochez au chef de l’État !
Permettez-moi, de manière plus générale, de m’élever contre ces critiques permanentes adressées au Président de la République et qui sont quelquefois excessives.
M. Bernard Saugey. C’est sûr !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La fonction présidentielle mérite d’être traitée avec plus de dignité ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. J’aimerais également que chacun respecte l’institution et cesse de tenir des propos déplacés à l’égard de la fonction présidentielle.
M. David Assouline. Lesquels ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Évitez d’abord de parler d’agitation, monsieur Assouline, surtout que vous connaissez beaucoup mieux le sujet que le Président de la République ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP - Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. David Assouline. Si parler d’agitation est déplacé, comment faut-il qualifier les propos à teneur psychiatrique visant une candidate à l’élection présidentielle ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je vous le répète, le terme « agitation » n’est pas approprié lorsque l’on évoque la fonction présidentielle.
Par ailleurs, si l’initiative de la révision de la Constitution appartient bien aux membres du Parlement, elle appartient également au Président de la République, conformément aux dispositions de l’article 89 de la Constitution. Vous pourriez donc respecter ses initiatives en la matière.
S’agissant du décompte du temps d’intervention du Président de la République, la formule que vous proposez n’est pas bonne. Je m’associe pleinement aux arguments de M. le rapporteur : un tel dispositif n’a effectivement pas sa place dans la Constitution.
Le Président de la République n’occupe pas la même place que les membres du Gouvernement ou les autres acteurs de la vie publique. C’est son droit le plus élémentaire de s’exprimer ou de prendre des initiatives dans le cadre de la Constitution.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces amendements, dont nous avons déjà longuement débattu en première lecture.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 97.
(L'amendement n'est pas adopté.)
(M. Christian Poncelet remplace M. Roland du Luart au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
Article 3 bis
L'article 11 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa, les mots : « ou sociale » sont remplacés par les mots : «, sociale ou environnementale » ;
2° Après le deuxième alinéa, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« Un référendum portant sur un objet mentionné au premier alinéa peut être organisé à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Cette initiative prend la forme d'une proposition de loi et ne peut avoir pour objet l'abrogation d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an.
« Les conditions de sa présentation et celles dans lesquelles le Conseil constitutionnel contrôle le respect des dispositions de l'alinéa précédent sont déterminées par une loi organique.
« Si la proposition de loi n'a pas été examinée par les deux assemblées dans un délai fixé par la loi organique, le Président de la République la soumet au référendum.
« Lorsque la proposition de loi n'est pas adoptée par le peuple français, aucune nouvelle proposition de référendum portant sur le même sujet ne peut être présentée avant l'expiration d'un délai de deux ans suivant la date du scrutin. » ;
3° Dans le dernier alinéa, après le mot : « projet », sont insérés les mots : « ou de la proposition ».
M. le président. L'amendement n° 37, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du deuxième alinéa du 2° de cet article, remplacer les mots :
un cinquième
par les mots :
un dixième
et les mots :
un dixième des
par les mots :
un million d'
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. En présentant cet amendement, nous sommes motivés par le souci de respecter la parole du peuple, qui est, elle aussi, digne de respect !
Nous considérons qu’à partir du moment où le peuple a clairement signifié son refus d’un projet de loi par référendum, il n’est pas acceptable qu’un nouveau projet de loi contenant des dispositions similaires au précédent puisse être adopté par voie parlementaire.
Le parallélisme des formes et le respect de « l’expression directe de la souveraineté nationale » exigent donc d’encadrer le pouvoir législatif du Parlement sur les sujets ayant précédemment fait l’objet d’une consultation populaire.
Il convient surtout de garder à l’esprit que, ce qui fonde la légitimité de la démocratie parlementaire, c’est l’élection par le peuple au suffrage universel : les citoyens délèguent, certes, leur souveraineté à leurs représentants, mais pas tous leurs pouvoirs. Dès lors, il est parfaitement injustifiable d’opposer la légitimité parlementaire à la légitimité populaire, la première n’existant que par délégation de la seconde.
Notre amendement vise à tenir compte du cas spécifique des traités internationaux. Afin d’éviter un contournement de la disposition constitutionnelle envisagée, il tend à prévoir l’organisation obligatoire d’un référendum pour autoriser la ratification d’un traité contenant des dispositions qui figuraient déjà dans un précédent traité rejeté par référendum.
Vous l’aurez compris, c’était précisément le cas du traité de Lisbonne, qui aurait dû faire l’objet d’un référendum.
Notre amendement vise donc à compléter notre Constitution. Il entend ainsi éviter un nouveau déni de démocratie qui n’honorerait pas les représentants du peuple.
En outre, vouloir se soustraire à l’expression du peuple par le biais de l’expression du Parlement ne renforce en rien le rôle de ce dernier. Au contraire, cela revient à renforcer le fossé existant entre une expression populaire, d’un côté, et ses institutions et ses représentants, de l’autre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ma chère collègue, j’ai eu l’impression que votre argumentation, mais peut-être n’ai-je pas été assez attentif, portait largement sur l’amendement n° 39.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Quoi qu’il en soit, je vais donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 37, même si je pense que vous avez défendu en même temps un autre amendement.
L’amendement n° 37 avait déjà été déposé en première lecture. Il vise à abaisser les seuils nécessaires pour soutenir une initiative référendaire en prévoyant que le Président de la République devrait soumettre la proposition de loi au référendum dans un délai d’un mois à compter de son dépôt.
Comme en première lecture, la commission a émis un avis défavorable sur ce dispositif, qui nous éloigne de l’équilibre trouvé par les deux assemblées en matière de seuils et qui n’est pas réaliste en termes de délai.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 38, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le troisième alinéa du 2° de cet article :
« Les modalités de sa présentation sont déterminées par une loi organique.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Aux termes du cinquième alinéa de l’article 3 bis, le Conseil constitutionnel contrôle le respect des modalités de l’initiative référendaire. Cela n’a pas de lien direct avec les seuils, monsieur le rapporteur !
Ainsi, ce qui est exigé dans le projet de loi constitutionnelle amendé par notre assemblée en première lecture, c’est un contrôle de constitutionnalité a priori, puisque celui-ci porte sur la régularité de l’opération dès la phase de recueil des signatures, comme l’a d’ailleurs confirmé Mme le garde des sceaux.
Une loi organique fixera les modalités de ce contrôle effectué par le Conseil constitutionnel. Cela permettra, a ajouté Mme le garde des sceaux, d’éviter toute dérive démagogique.
Je vous rappelle tout de même que, quand des valeurs fondamentales sont remises en cause, quand le populisme gagne du terrain, la responsabilité en incombe bien souvent aux représentants du peuple, au Gouvernement ainsi qu’aux candidats aux élections qui ne le combattent pas, voire qui le portent. Et c’est le contenu de la bataille idéologique qui est en jeu !
Quand un gouvernement et une majorité parlementaire tentent, par exemple, d’opposer les Français et les immigrés dans les différents volets de leur politique, tentent d’opposer ceux qui ont du travail et ceux qui n’en ont pas, d’opposer ceux qui ont un statut public et ceux qui ont un statut privé, alors, oui, on peut parler de populisme. D’ailleurs, c’est là que sont les risques.
Contrairement à ce qu’a affirmé le Premier ministre, à savoir que la majorité a gagné la bataille idéologique, il y a dans le peuple beaucoup plus de résistance sur le plan des luttes et sur le plan des idées.
Ajouter une nouvelle restriction à l’initiative populaire et donc au débat au sein du peuple n’a pas non plus d’objet. C’est pourquoi notre amendement reprend des modalités de cette initiative.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous ne partageons pas les craintes du groupe CRC sur le contrôle de constitutionnalité des initiatives référendaires, qui paraît au contraire une garantie essentielle pour encadrer la procédure d’initiative parlementaire et populaire et assurer sa crédibilité.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 39, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
4° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le référendum a conclu au rejet d'un projet de loi, tout nouveau projet de loi contenant des dispositions analogues ou autorisant la ratification d'un traité contenant des dispositions similaires à celles du traité ayant fait l'objet de la consultation, doit être soumis au référendum. »
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Défavorable !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 3 bis.
(L'article 3 bis est adopté.)
Article 4
L'article 13 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Une loi organique détermine les emplois ou fonctions, autres que ceux mentionnés au troisième alinéa, pour lesquels, en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation, le pouvoir de nomination du Président de la République s'exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée. Le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l'addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions. La loi détermine les commissions permanentes compétentes selon les emplois ou fonctions concernés. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 40, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le second alinéa de cet article :
« L'ensemble des emplois pourvus par le Président de la République est soumis à avis conforme d'une commission constituée des membres des deux assemblées du Parlement à la proportionnelle des groupes parlementaires, tels que mentionnés à l'article 51-1. Ces nominations doivent être approuvées à la majorité des trois cinquièmes. »
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous redéposons cet amendement à l’occasion de la seconde lecture, car il touche à un point essentiel de la révision constitutionnelle : le renforcement au Parlement du fait majoritaire au seul service de la majorité présidentielle.
Vous parlez de renforcement des droits du Parlement. Or il s’agit d’un renforcement du fait majoritaire. Cet article 4 est à lui seul porteur de ce tour de passe-passe que vous voulez nous faire accepter.
On voit bien que le Président de la République renforce sa mainmise sur les institutions par l’intermédiaire de la majorité présidentielle, qui lui doit tout, notamment depuis l’instauration du quinquennat et l’inversion du calendrier, qui soumet les élections législatives au scrutin présidentiel.
Quant à la majorité sénatoriale, elle cédera toujours, tant qu’elle conservera son mode de scrutin, qui lui permet de garder la majorité.
S’agissant des nominations de personnalités, depuis les travaux du comité Balladur, nous assistons également à un véritable tour de passe-passe.
D’une majorité devant approuver les nominations, c’est-à-dire avec l’accord de l’opposition, nous sommes parvenus à une majorité des trois cinquièmes pouvant refuser des nominations, c’est-à-dire, cette fois-ci, avec l’accord de la majorité.
D’un accord du Parlement en amont, nous sommes passés à un droit de veto, un de plus, accordé à la majorité. C’est donc de son accord ou de son refus que dépendra le rejet d’une nomination. On voit bien la signification de cette inversion…
La polémique, pleinement justifiée, autour de l’annonce de la nomination, dans le futur, du Président de France Télévisions par le Président de la République, est particulièrement significative à cet égard.
Où sont les garde-fous ? Où est le contrôle démocratique ? Que devient la transparence pourtant si chère sinon au Président du moins au candidat Sarkozy ?
Instaurer, comme le prévoit l’article 4, un veto aux mains de la seule majorité présidentielle pour contrecarrer une nomination du Président de la République montre bien que nous sommes – j’espère me tromper – à la veille d’un basculement institutionnel. C’est la raison pour laquelle nous défendons cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 98, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après les mots :
avis public
rédiger comme suit la fin du second alinéa de cet article :
d'une commission, désignée en début de législature, constituée paritairement de membres des deux assemblées du Parlement, à la proportionnelle des groupes parlementaires. Cette commission statue à la majorité des trois cinquièmes. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Leurre, trompe-l’œil, faux-semblant, décidément ce texte nous permet d’enrichir constamment notre vocabulaire !
Comme vient de le rappeler Mme Borvo Cohen-Seat, les propositions du comité Balladur contenaient l’idée très intéressante que ces nominations devraient être faites après avis des trois cinquièmes d’une instance représentative du Parlement.
Cette idée simple avait pour conséquence évidente la nécessité de recueillir l’assentiment à la fois de représentants de la majorité et de l’opposition. Comme on a pu le constater récemment lorsque la commission des lois a donné un avis sur la nomination du contrôleur général des lieux de privation de liberté, c’est un système qui fonctionne.
Nous reprenons donc cette proposition novatrice dans notre amendement n° 98. Au reste, je ne vois pas comment on peut être en désaccord avec ce dispositif, même si je sais que la pseudo-commission mixte paritaire UMP-UMP a inversé les choses en décidant qu’il ne pourrait y avoir qu’un veto négatif.
Chacun l’aura compris, cela suppose que l’avis de la majorité et de l’opposition n’est plus requis de la même manière et que la majorité garde les prérogatives qui sont aujourd'hui les siennes.
Pour revenir au Président de la République dont il était question tout à l’heure, quand il nous annonce qu’il désignera le président de France Télévisions et que la publicité disparaîtra des chaînes publiques, ou quand il s’exprime sur la qualité des chaînes publiques, il est clair que nous sommes dans un système assez monocratique. Cela renforce naturellement le poids de nos amendements, qui visent à contrebalancer cette hyper-présidentialisation.
Comme il me reste peut-être encore une minute, …
M. le président. À peine !
M. Jean-Pierre Sueur. … j’en profite pour dire que je regrette que l’on ait reproché à l’un de nos collègues de critiquer les propos du Président de la République.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce n’est pas ça !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous ressentons tous du respect pour le Président de la République, d’abord pour l’homme et ensuite pour la fonction. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Mais nous sommes dans une démocratie et nous avons le droit de nous exprimer, y compris sur le Président de la République, qui joue un rôle très éminent au sein de l’exécutif de notre pays.
Je rappelle, tout de même, qu’il y a eu des critiques à l’encontre d’anciens Présidents de la République ; je pense, par exemple, à François Mitterrand.
M. Éric Doligé. Jamais !