M. Roland Courteau. Évidemment !
M. Daniel Raoul. Seraient-ce les habitudes et usages commerciaux qui bloqueraient tout changement ?
Doit-on encore ajouter que la plupart des secteurs travaillent à flux tendus ?
Soulignons aussi qu’il y a eu des précédents et qu’ils ont abouti : avec la loi Gayssot, les délais de paiement dans les transports ont été plafonnés à trente jours à compter de la date d’émission de la facture.
Permettez-moi de citer maintenant le Président de la République lui-même, votre patron politique, chers collègues de la majorité : « L’Observatoire des délais de paiement nous montre une chose : il y a une branche où l’on a progressé, c’est celle des transports. Et pourquoi on a progressé ? C’est parce qu’on a légiféré… Dans toutes les autres, cela n’a pas progressé. »
Nicolas Sarkozy a également déclaré, précisément à propos du texte que nous sommes en train d’examiner : « Dans cette loi, nous proposerons au Parlement de limiter à soixante jours le délai maximal de paiement à compter de la réception de la facture, sous peine d’intérêts de retard dissuasifs. Cela permettra de mettre fin rapidement aux abus. Mais ce ne sera qu’une première étape, car je ne veux pas que notre pays rattrape la moyenne européenne, je veux qu’il fasse mieux. Je vais donc laisser pour cela une deuxième chance à la négociation secteur par secteur. Mais je veux être très clair aujourd’hui : si dans un an nous n’avons pas abouti, je demanderai au Parlement d’intervenir une nouvelle fois pour fixer un calendrier précis, progressif et contraignant de réduction supplémentaire des délais de paiement. »
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Raoul.
M. Daniel Raoul. Vous savez tous qu’une directive relative aux délais de paiement est actuellement en préparation à Bruxelles, qui vise à les ramener à trente jours. Si le Président de la République est constant, je pense donc qu’il s’efforcera de faire avancer ce dossier durant la présidence française de l’Union européenne.
L’un des amendements que nous proposons s’inscrit justement dans le sens souhaité par le chef de l’État. Il est certes original que nous nous alignions ainsi sur une position défendue par l’actuel Président de la République, mais c’est l’intérêt général de l’économie qui le commande !
M. le président. Maintenant, il faut vraiment conclure !
M. Daniel Raoul. En revanche, j’observe que, depuis l’examen du texte par l’Assemblée nationale, la majorité va de reculade en reculade. Quel affront pour « votre » président ! À ce titre, et j’aurai l’occasion d’y revenir, l’amendement de la commission spéciale qui vise à repousser jusqu’à 2015 les délais dérogatoires constitue un grand recul par rapport à la rédaction initiale du projet de loi. Une fois de plus, les promesses sont abandonnées, et je crains que l’on enterre purement et simplement cette réforme, pourtant nécessaire.
Merci, monsieur le président, de m’avoir autorisé à aller au bout de mon propos.
M. le président. Mes chers collègues, je comprends que chacun veuille s’exprimer sur un article, mais je vous demanderai alors de faire preuve de concision lorsque vous défendrez vos amendements. En effet, nous avons encore 868 amendements à examiner et, pour la clarté du débat, je pense qu’il vaut mieux essayer d’éviter les répétitions.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, si j’ai sollicité d’emblée la parole, c’est pour essayer de cadrer au mieux notre débat.
Le Gouvernement privilégie une solution équilibrée qui réglerait néanmoins pour l’essentiel le problème que constitue, pour notre économie, la fâcheuse habitude de pratiquer des délais de paiement anormalement longs. Cette volonté d’équilibre est d’ailleurs largement partagée sur toutes les travées de cette assemblée.
Le Président de la République – et je vous remercie, monsieur Raoul, de l’avoir cité abondamment – a effectivement demandé au Gouvernement d’agir.
Lorsque j’ai pris mes fonctions, j’ai immédiatement réuni l’Observatoire des délais de paiement, auquel vous avez également fait allusion. Dans sa dernière production, son président, Jean-Paul Betbèze, identifie bien le problème principal : la moyenne française des délais de paiement est plus élevée que la moyenne européenne. Il y a certes d’importantes disparités, que le dispositif gouvernemental s’efforce d’ailleurs de prendre en compte, mais la moyenne française est de soixante-sept jours. Sans parler de l’Allemagne, où cette moyenne est de quarante-sept jours – vingt jours de moins que nous : imaginez ce que cela représente en termes de trésorerie ! –, la moyenne européenne est de cinquante-sept jours, soit dix jours de moins.
L’Assemblée nationale a accompli son travail, la nécessité de réduire les délais de paiement dans notre pays y ayant fait l’objet, comme au Sénat, d’un assez large consensus.
L’intervention du législateur me semble justifiée dans son principe. Certes, le contrat est souvent préférable à la loi dans la vie économique, car les acteurs économiques sont mieux placés que le législateur pour apprécier la réalité. La mise en place des 35 heures l’a d’ailleurs bien montré : si nous avions contractualisé au lieu de légiférer, nous n’en serions pas là ! (M. Roland Courteau proteste.) Mais, dans le domaine des délais de paiement, force est de reconnaître que la contractualisation souffre de beaucoup d’imperfections. Par exemple, dans le secteur des transports, c’est la législation qui a permis une baisse effective des délais de paiement.
Si l’intervention du législateur fait consensus, en revanche l’ampleur de la réforme ainsi que son rythme suscitent encore le débat.
Le principe de base du projet de loi qui vous est proposé est simple : plafonnement généralisé des délais de règlement à soixante jours dans un premier temps et, parallèlement, négociations interprofessionnelles pour tenter à l’avenir de faire mieux, c'est-à-dire de descendre en dessous de soixante jours.
À partir de là, faut-il aller plus vite et plus loin, comme certains parlementaires le proposent, ou, au contraire, plus lentement et plus prudemment, comme d’autres le souhaitent, en particulier le président de la commission spéciale, qui propose d’autoriser jusqu’en 2015, sous conditions, les dérogations sectorielles ?
Le Gouvernement était conscient que les secteurs qui ont fondé leur modèle économique sur le crédit commercial auraient des difficultés à s’adapter rapidement à la nouvelle règle. C’est pourquoi un mécanisme dérogatoire a finalement été prévu. Celui-ci se fonde sur des justifications économiques précises. De plus, il est temporaire et strictement encadré : il repose en effet sur une procédure réglementaire qui implique le Conseil de la concurrence, afin de vérifier que la dérogation sollicitée ne nuit pas au jeu concurrentiel.
Il ne s’agit donc pas de renvoyer aux calendes grecques l’indispensable réduction des délais de paiement dans notre pays. Dans tous les cas, il est fondamental que les dérogations restent l’exception et conservent un horizon temporel limité ; il y va de la crédibilité même de la loi.
Au total, le projet qui vous est présenté est, je le crois, équilibré : il est d’application générale ; il prévoit la possibilité de dérogations limitées et temporaires ; enfin, il laisse trois ans aux entreprises pour s’adapter aux nouvelles conditions de règlement. En outre, je suis convaincu qu’il devrait commencer à porter ses fruits dès l’année prochaine. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 951, présenté par M. Émin, est ainsi libellé :
A. - Remplacer le deuxième alinéa du 1° du I de cet article par trois alinéas ainsi rédigés :
« A partir du 1er janvier 2009, le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours à compter de la date d'émission de la facture.
« À partir du 1er janvier 2011, le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser trente jours fin de mois ou quarante-cinq jours à compter de la date d'émission de la facture.
« A partir du 1er janvier 2012, le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser quinze jours fin de mois ou trente jours à compter de la date d'émission de la facture.
B. - En conséquence, rédiger comme suit le IV de cet article :
IV. - Le II s'applique aux contrats conclus à compter du 1er janvier 2009.
La parole est à M. Jean-Paul Émin.
M. Jean-Paul Émin. Pour vous faire plaisir, monsieur le président, puisque vous nous avez demandé d’être concis, je pourrais dire que mon amendement a déjà été défendu par mes collègues qui se sont exprimés sur l’article, ainsi que par M. le secrétaire d’État.
Je préciserai néanmoins que je me range du côté de ceux qui privilégient une « médecine de cheval », si j’ose pareille expression devant les vétérinaires que compte cette assemblée. Je souhaite en effet que la mise en œuvre de la réduction des délais de paiement soit aussi rapide que dans le domaine des transports, qu’a évoqué hier Mme Lamure dans son propos introductif.
Bien sûr, il convient en effet d’agir avec une certaine progressivité. C’est pourquoi la volonté d’équilibre exprimée par M. le secrétaire d’État est pleinement fondée. En somme, comme le disait un grand Président, il faut laisser du temps au temps…
Puisque c’est aujourd’hui le deuxième jour de la présidence française de l’Union européenne et puisqu’une directive plus contraignante que celle qui est actuellement en vigueur est en préparation, je souhaiterais que nous montrions à l’Europe notre bonne volonté en prévoyant dans ce projet de loi une programmation conforme à cette volonté dont vous nous avez fait part, monsieur le secrétaire d’État.
Mes propositions s’inscrivent dans un esprit d’alignement de notre pays sur les meilleures performances européennes et, surtout, dans la logique de la future directive européenne.
Vous allez peut-être trouver, mes chers collègues, que je défends les PME de manière excessive. Mais, pour les PME qui doivent consentir des investissements particulièrement importants et qui font de la sous-traitance, l’activité de livraison en flux tendu les oblige à anticiper la fabrication de leurs articles de longs mois avant les dates de livraison. Elles doivent donc préfinancer le crédit fournisseur très longtemps à l’avance, et les frais financiers à court terme engendrés par ces préfinancements occupent aujourd’hui dans ces entreprises le troisième poste du compte d’exploitation.
Vous voyez donc, mes chers collègues, que ma demande, qui peut de prime abord paraître excessive, est finalement tout à fait justifiée au regard de l’avenir de nos PME.
J’approuve certes le contenu du projet de loi et je félicite tant le Gouvernement que la commission spéciale, qui a énormément travaillé. Mais n’oublions pas que, dans ce domaine, nous avons beaucoup régressé dans les années passées, et que le chapitre du projet de loi que nous examinons s’intitule « favoriser le développement des petites et moyennes entreprises ».
M. le président. L'amendement n° 820, présenté par MM. Darniche et Cornu, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du 1° du I de cet article, remplacer les mots :
quarante-cinq jours fin de mois ou soixante
sont remplacés par les mots :
trente jours fin de mois ou quarante-cinq
La parole est à M. Philippe Darniche.
M. Philippe Darniche. L’amendement que je propose va dans le sens de celui que vient de défendre mon collègue Émin. Je serai donc très bref.
Je trouve également, monsieur le secrétaire d’État, que le projet de loi va dans le bon sens et qu’il apportera un progrès très sensible. Pour autant, quand on rencontre les chefs d’entreprise, on constate qu’ils souhaitent effectivement aller un peu plus loin.
Je me ferai l’avocat des très jeunes sociétés qui ont peu de trésorerie et qui seraient grandement soulagées si l’on pouvait encore raccourcir ces délais de quinze jours. Ce progrès serait vraiment perçu de manière positive par les très nombreuses jeunes entreprises qu’abrite notre territoire. C’est pourquoi je souhaite vraiment que ma position soit entendue, ou à tout le moins qu’elle permette d’engager une réflexion à moyen terme qui déboucherait sur une réduction supplémentaire de quinze jours dans les années à venir.
M. le président. L'amendement n° 512, présenté par Mmes Terrade, Beaufils et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du 1° du I de cet article, remplacer les mots :
quarante-cinq jours fin de mois ou soixante
par le mot :
trente
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Il est heureux que l’article 6 du projet de loi, s’agissant du calcul du délai de paiement, ait retenu la date d’émission de la facture comme point de départ de ce délai. En effet, dans le cadre d’un rapport équilibré entre acteurs économiques, ce point de départ relève de la seule décision du fournisseur, le client pouvant difficilement la différer.
Par ailleurs, il est important que le Gouvernement puisse nous apporter l’assurance que l’article 6 s’applique également aux contrats qui peuvent faire l’objet de paiements intermédiaires, même si le transfert de propriété, dans certains cas, n’est pas encore réalisé. En effet, selon le rapport rendu par l’Observatoire des délais de paiement en 2007, les délais de paiement n’ont baissé en moyenne que pour les entreprises les plus importantes.
Ainsi, plus l’entreprise est petite, plus elle est étranglée, par la grande distribution en particulier. Dès lors, la limitation à quarante-cinq jours fin de mois ou à soixante jours à compter de l’émission de la facture ne nous paraît pas excessive.
Rappelons qu’en France les délais de paiement sont déjà en moyenne de soixante jours, quand d’autres pays européens ont su réduire de manière substantielle leurs délais de paiement : le Danemark les a ramenés à trente-cinq jours en moyenne ; le Royaume-Uni à cinquante-deux jours ; l’Allemagne, qui est exemplaire s’agissant des PME, à quarante-sept jours.
En ce qui concerne les délais de paiement appliqués par les administrations, tant les débats à l’Assemblée nationale que l’audition de Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi par la commission spéciale du Sénat ont été l’occasion de rappeler qu’en la matière le secteur public devait montrer l’exemple. Ainsi ont été soulignés les importants efforts accomplis depuis quelques années, notamment grâce au décret du 28 avril 2008, qui porte les délais de paiement de l’État à trente jours. Il s’agissait surtout de mieux pointer du doigt les collectivités locales et les établissements publics !
Permettez-moi de relativiser ce propos quelque peu caricatural : l’État est loin de respecter les délais de paiement quand il s’agit de s’acquitter de ses dettes envers les collectivités locales, auxquelles il donne pourtant toujours plus de missions sans leur allouer les finances nécessaires !
C’est pourquoi cet amendement vise à réduire à trente jours les délais de paiement. Certaines petites entreprises le pratiquent déjà, notamment dans le secteur de la plasturgie, dont nous avons entendu les craintes.
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Souhaits de bienvenue à une délégation du Conseil consultatif d'Arabie Saoudite
M. le président. Mes chers collègues, j’ai le très grand plaisir, au nom du Sénat tout entier, de saluer la présence, dans notre tribune officielle, d’une délégation du Conseil consultatif d’Arabie Saoudite. (M. le secrétaire d'État, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
Cette délégation est accompagnée par notre collègue Philippe Marini, président du groupe d’amitié France-Arabie Saoudite-pays du Golfe, et son homologue de l'Assemblée nationale.
Nous sommes particulièrement sensibles à l’intérêt et à la sympathie que les membres du Conseil consultatif portent à notre institution.
Au nom du Sénat de la République, je leur souhaite la plus cordiale bienvenue et je forme des vœux pour que leur séjour en France contribue à renforcer les liens d’amitié entre nos deux pays. (Nouveaux applaudissements.)
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Modernisation de l'économie
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, de modernisation de l’économie.
Article 6 (suite)
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 951, 820 et 512 ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur de la commission spéciale. La commission spéciale a bien entendu le plaidoyer de M. Jean-Paul Émin, dont l'amendement n° 951 vise à établir une réduction progressive des délais de paiement. Nous pensons toutefois que l’échelonnement dans le temps qu’il propose est trop rapide. Il semble en effet difficile de passer d’une moyenne de délais de paiement de soixante-sept jours, qui cache de surcroît une grande dispersion, à un plafonnement à trente jours seulement. Si nous partageons l’idée d’une réduction progressive des délais de paiement et approuve la date du 1er janvier 2012, nous souhaitons, quant à nous, maintenir les délais à soixante jours.
C’est pourquoi la commission spéciale demande le retrait de cet amendement.
Il en va de même pour l'amendement n° 820 : en proposant que, dès le 1er janvier prochain, les plafonds des délais de paiement soient réduits de quinze jours par rapport à ce que propose le Gouvernement, M. Darniche est sans doute un peu trop ambitieux. Tout le monde l’a souligné, le plafonnement à soixante jours représentera déjà un choc en raison du transfert de milliards d'euros de trésorerie qu’il induira.
Avec l'amendement n° 512, le groupe CRC fait, lui aussi, preuve d’un volontarisme qui paraît irréaliste au regard des délais pratiqués dans certaines filières, par exemple le bricolage, l’ameublement, les travaux publics, où les délais de paiement atteignent cent sept jours. La commission spéciale émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces trois amendements.
L'amendement n° 951, qui tend à fixer un calendrier de réduction des délais de paiement, est tout à fait légitime et le Gouvernement en partage les objectifs. Toutefois, établir un calendrier pose un problème en ce que cela fait abstraction de la négociation. Or il faut donner ses chances à la négociation : faisons en sorte qu’elle se déroule et enregistrons son issue, succès ou échec. Il sera toujours temps d’en tirer les conséquences, y compris législatives, si d’aventure elle ne permet pas d’atteindre le but recherché, à savoir arriver en deçà des soixante jours.
Je le répète, le Gouvernement a des ambitions élevées en matière de réduction des délais de paiement. Je suis donc persuadé que l’impatience qui se manifeste sur certaines travées pourra être satisfaite. Toutefois, le dispositif que le Gouvernement propose est équilibré : il prévoit d’abord une intervention législative, ensuite des négociations interprofessionnelles pour permettre d’aller plus loin aux branches qui y sont disposées, enfin un mécanisme de dérogation limitée dans le temps et encadrée pour des secteurs spécifiques.
Le Gouvernement est plus nettement défavorable aux amendements nos 820 et 512, dans la mesure où ils sont irréalistes, compte tenu de la situation de l’économie de notre pays.
M. le président. Monsieur Émin, l'amendement n° 951 est-il maintenu ?
M. Jean-Paul Émin. Vous avez raison, monsieur le secrétaire d'État : nous partageons les mêmes objectifs. C'est la raison pour laquelle je retire cet amendement.
Je reprendrai à mon compte cette phrase que je trouve très juste : « Là où il y a une volonté, il y a un chemin. » Je fais tout à fait confiance au Gouvernement pour trouver ce chemin.
M. le président. Très belle formule !
M. Gérard Longuet. Oui !
M. Roland Courteau. Elle est de Daniel Raoul ! (Sourires.)
M. Daniel Raoul. C’est du plagiat ! (Rires.)
M. le président. L'amendement n° 951 est retiré.
Monsieur Darniche, l'amendement n° 820 est-il également retiré ?
M. Philippe Darniche. Oui, monsieur le président.
Je conçois tout à fait les difficultés immédiates que provoquerait l’adoption de cet amendement. En le déposant, je voulais montrer qu’il sera absolument nécessaire d’aller plus loin une fois que le mouvement aura été amorcé avec le raccourcissement des délais à soixante jours et que les entreprises s’y seront adaptées.
M. le président. L'amendement n° 820 est retiré.
Madame Terrade, l'amendement n° 512 est-il maintenu ?
Mme Odette Terrade. Oui, monsieur le président !
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Il nous a été reproché d’être impatients, mais nous avons eu la démonstration, dans le secteur des transports, que des avancées étaient possibles.
Notre impatience est également liée à l’analyse de la situation sur le terrain. Voilà un peu plus d’un an, dans le cadre d’une visite avec la chambre des métiers et de l’artisanat de mon département, j’ai rencontré un certain nombre d’artisans et de chefs de petites entreprises : la question des délais de paiement est pour eux très importante ! Il faut également préciser que c’est sur leurs salariés qu’ils font finalement peser les efforts qu’ils doivent consentir vis-à-vis de leurs clients !
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez insisté sur les efforts de trésorerie qui seront demandés aux entreprises lorsqu’elles devront respecter des délais de paiement plus courts. Cela aura, pour une petite part, une incidence sur leurs résultats et donc, peut-être, sur le montant des dividendes que leurs actionnaires attendent.
Nous, nous faisons un autre choix : cet effort doit peser davantage sur les actionnaires que sur la petite entreprise et ses salariés. C’est pourquoi nous souhaitons un véritable raccourcissement des délais de paiement.
Mme Odette Terrade. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 269, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du troisième alinéa du 1° du I de cet article, après le mot :
réduire
insérer les mots :
ou d'augmenter
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Pour avoir écouté attentivement Mme la ministre lors de la discussion générale, j’ai bien saisi la philosophie de l’ensemble du projet de loi. J’ai bien compris que les pouvoirs de la Commission des clauses abusives allaient être renforcés.
Comme Marie-France Beaufils et Odette Terrade, je suis une femme de terrain. J’évoquerai donc le cas d’une très importante société de La Ferté Macé. La réduction des délais de paiement à soixante jours entraînera un besoin de trésorerie supplémentaire de 150 000 euros.
Mon département connaît une énorme activité de sous-traitance automobile : y sont notamment implantés Faurecia, dont a parlé Gérard Longuet, et Renault Trucks, le plus important employeur de la Basse-Normandie, avec 3 000 salariés. Pour ce type d’entreprises, une modification des délais de paiement peut provoquer des appels en trésorerie d’environ 300 000 euros, ce qui est considérable.
Lorsque des entreprises emploient autant de salariés, il faut être extrêmement prudent et préférer le « sur-mesure » au « prêt-à-porter ». Nous sommes tous conscients des problèmes que provoquent les délais de paiement pour les artisans et il faut y remédier. Mais il existe des entreprises qui ne font pas peser sur leurs salariés leurs besoins en trésorerie et qui, comme c’est le cas dans l’industrie automobile, essaient de trouver des solutions dans le cadre d’une négociation et en respectant le code des bonnes pratiques qu’a évoqué Louis Souvet.
C’est pourquoi cet amendement vise à revenir au droit des obligations et, pour ce qui est des délais de paiement, à laisser la plus grande part à la négociation entre les partenaires, surtout dans le secteur automobile, en réduisant l’intervention du législateur.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. L'amendement n° 269 est satisfait par l'article 6, qui prévoit que des accords interprofessionnels pourront définir, dans un secteur déterminé, un délai de paiement supérieur ou égal au délai légal.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Je partage l’avis de la commission spéciale. Cet amendement, qui vise à permettre à la négociation de fixer des délais de paiement supérieurs à soixante jours, est satisfait par l'article 6, qui prévoit des accords dérogatoires. Toutefois, la négociation doit avant tout permettre une réduction supplémentaire des délais de paiement en deçà de soixante jours. C’est tout le sens du rapport que M. Yvon Jacob me remettra dans quelques semaines.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Madame Goulet, l'amendement n° 269 est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Ce qui va sans dire va encore mieux en le disant ! Forte de ces précisions, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 269 est retiré.
L'amendement n° 403 rectifié, présenté par M. Raoul, Mmes Bricq et Demontès, M. Godefroy, Mme Khiari, MM. Lagauche, Massion, Pastor, Repentin, Sueur, Yung, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Supprimer la deuxième phrase du troisième alinéa du 1° du I de cet article.
II. - En conséquence, après le mot :
paiement
rédiger comme suit la fin de la dernière phrase du troisième alinéa du 1° du I de cet article :
ainsi défini à tous les opérateurs du secteur.
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Le texte qui nous est soumis prévoit, conformément à sa rédaction initiale, que les délais de paiement ne peuvent dépasser quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours à compter de la date d’émission de la facture. Cependant, les députés ont introduit une modification qui dénature le contenu de cet article, le vidant même de son sens : ils ont prévu que les clients et fournisseurs pouvaient également proposer de retenir la date de réception des marchandises ou d’exécution de la prestation de service demandée comme point de départ de ce délai.
Cette nouvelle disposition permet en fait de contourner le dispositif obligeant à réduire les délais de paiement.
La date d’émission de la facture constitue une garantie, alors que la date de réception de la marchandise permet précisément de rallonger les délais de paiement. Nous l’avons maintes fois observé et dénoncé : dans un rapport de force inégal, les distributeurs, qui ont pourtant reçu la marchandise, refusent de signer le bon de livraison et décalent ainsi le moment où le paiement sera effectif.
De plus, il est prévu que les accords conclus par les organisations professionnelles et proposant de retenir la date de réception des marchandises à la place de la date d’émission de la facture pourront être étendus par décret à tous les opérateurs du secteur.
Bref, cette disposition constitue vraiment un retour en arrière puisque, en fin de compte, elle permettra d’allonger les délais de paiement.
Que signifie, dans ces conditions, la garantie apportée par le paragraphe II de l’article 6, qui précise : « Est abusif tout délai de règlement supérieur au délai maximal prévu au neuvième alinéa de l’article L. 441-6, et notamment le fait pour le débiteur de demander au créancier, sans raison objective, de différer la date d’émission de la facture, allongeant ainsi le délai de règlement effectif » ?
Si la référence à la date d’émission de la facture disparaît, quelle garantie a-t-on quant à la date de réception des marchandises ?
Comme le signale le rapport de l’Observatoire des délais de paiement, le délai de vérification est souvent invoqué et cela permet de rallonger les délais de paiement. Pourtant, il ne devrait pas, en soi, justifier les délais abusifs qu’il implique. Mais, dans la pratique, c’est précisément ce qui se passe, et nous le savons tous.
J’ajoute que, selon une étude de l’AFDCC-Eurofactor, par rapport à l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, l’Italie, le Portugal, la Grande-Bretagne, notre pays est celui où le taux de facturation en temps réel est le plus faible : 12 %. Et pour cause ! Il a aussi les plus longs délais de paiement !
La disposition introduite par les députés constitue donc un recul. Elle semble contraire à la volonté de réduire les délais de paiement.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous pensons qu’il est nécessaire d’en revenir à la rédaction initiale du projet de loi.