M. David Assouline. Du droit du travail !
M. Jean-Pierre Sueur. « – du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale ; »
Or le droit au logement constitue tout autant, à notre avis, un droit élémentaire. Tout citoyen français a le droit d’exercer le droit syndical et le droit au travail. Le droit à un logement décent s’inscrit dans cette même logique, et cette question est aujourd'hui cruciale.
Il est d’ailleurs choquant de constater que, sauf erreur de ma part, le terme « logement » ne figure pas dans la Constitution, alors qu’il y est question d’environnement. Nous n’avons rien contre le fait que l’environnement y soit mentionné, à plusieurs reprises d’ailleurs, et même dans le préambule ; mais ne concerne-t-il pas, lui aussi, les conditions de vie concrètes et matérielles de nos concitoyens ?
Outre l’enseignement, la préservation de l’environnement, le droit du travail, le droit syndical et de la sécurité sociale, l’article 34 mentionne aussi le régime de la propriété.
On peut certes considérer qu’il s’agit là d’une manière d’aborder la question du logement, et il est peut-être normal de citer le droit du régime de la propriété, droit extrêmement important reconnu très clairement depuis la Révolution française ; mais le fait que toute personne peut disposer en France d’un logement décent a au moins autant d’importance et de pertinence que le droit au régime de la propriété, la préservation de l’environnement, le droit syndical ou l’enseignement !
C’est pourquoi les objections qui nous ont été opposées ne m’ont pas vraiment convaincu ; de nombreux arguments plaident plutôt en faveur de la position défendue par Mme Khiari.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Monsieur Sueur, l’article 34 de la Constitution dispose que la loi détermine les principes fondamentaux non pas du droit au travail, mais du droit du travail. Pour le droit au travail, il y a le préambule de la Constitution ! Par conséquent, si nous décidions de faire figurer le logement dans la Constitution, nous n’inscririons pas le droit à un logement décent, mais le droit du logement.
Mme Bariza Khiari. Oh !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cette distinction est importante, sinon on ne comprend plus rien au texte !
M. David Assouline. Alors mettons le droit du locataire !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Dans ces conditions, je vous demande, madame Khiari, de bien vouloir retirer votre amendement.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous sommes d’accord pour parler du droit du logement !
Mme Éliane Assassi. C’est un droit fondamental !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais on n’a pas besoin de l’inscrire dans la Constitution !
M. le président. Ne reprenons pas la discussion, mes chers collègues !
M. Jean-Pierre Sueur. Accepteriez-vous, monsieur le rapporteur, un amendement rectifié en ce sens ? (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non, parce que l’on pourrait énumérer indéfiniment tous les droits !
M. Jean-Pierre Sueur. Certes, mais le logement, c’est très important !
M. le président. Madame Khiari, l'amendement n° 450 est-il maintenu ?
Mme Bariza Khiari. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 450.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 111 :
Nombre de votants | 327 |
Nombre de suffrages exprimés | 319 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 160 |
Pour l’adoption | 118 |
Contre | 201 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 455, présenté par MM. Frimat, Assouline, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le 4° de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...°Après le dix-huitième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« - de la liberté, du pluralisme et de l'indépendance des médias ; ».
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Je reviens à la charge. Lorsque j’ai présenté cet amendement à l’article 1er, on m’a dit comprendre l’intention qui m’animait, mais considérer que cette disposition n’avait pas lieu d’être à cet endroit du texte et qu’elle devait plutôt être intégrée aux grands principes édictés dans la Constitution ou à ceux qui seront issus des travaux du comité de réflexion sur le préambule de la Constitution que préside Mme Veil. Cependant, il faut absolument que cette Constitution rénovée fasse apparaître la notion de la liberté, du pluralisme et de l’indépendance des médias.
Il s’agit d’inscrire dans la Constitution que la loi garantit explicitement le principe de liberté, du pluralisme et de l’indépendance des médias. Indépendamment de ce qui sera décidé – mais j’espère que vous voterez cet amendement –, la loi doit même veiller à ne pas porter atteinte à ce principe, et, disant cela, je pense au projet de loi relatif à la protection du secret des sources des journalistes.
La loi doit garantir l’indépendance des médias en interdisant à toute entité économique dont l’activité et les revenus sont substantiellement liés à des commandes publiques de participer au capital d’une entreprise éditant des titres de presse et/ou des services de communication audiovisuelle ou électronique.
Tel est le sens de ma proposition, même si d’aucuns peuvent en faire une autre interprétation. Au demeurant, nous devrions pouvoir nous accorder sur le fait d’inscrire ce principe dans cet article de la Constitution, étant entendu que les médias envahissent notre vie depuis 1958 et qu’ils ont une influence extraordinaire sur la vie publique et sociale. Il faut donc absolument garantir leur liberté et leur indépendance.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il va arriver un moment où nous allons devoir réviser entièrement l’article 34 de la Constitution parce que de nombreux domaines ne figurent pas dans les principes fondamentaux qui y sont énumérés !
Les principes fondamentaux de la liberté, du pluralisme et de l’indépendance relèvent du domaine de la loi.
M. David Assouline. C’est ce que je dis !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.
M. Richard Yung. Bravo !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Tout en comprenant la philosophie de cet amendement, le Gouvernement considère qu’il n’est pas utile de mentionner ces principes à l’article 34 de la Constitution, qui se borne à définir la répartition des compétences entre le domaine législatif et le domaine réglementaire.
Si la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias sont évidemment de nature législative et relèvent donc bien, à ce titre, des libertés publiques visées à cet article, il n’est pas utile de le préciser dans la mesure où l’article ne décline pas tous les champs.
Dans son deuxième alinéa, l’article 34 de la Constitution « fixe les règles concernant […] les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ». Si l’on mentionne la liberté de la communication audiovisuelle, il faut alors mentionner également toutes les autres libertés.
En outre, cet amendement rappelle des principes qui sont déjà garantis au niveau constitutionnel, puisque la liberté de la communication audiovisuelle est directement liée à la liberté d’opinion, à la libre communication des pensées et des opinions affirmées par les articles 10 et 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs rappelé la valeur constitutionnelle de ces principes dans ses décisions de 1982, de 1986 et de 1989, de même qu’il a reconnu, en 1984, la valeur constitutionnelle de la liberté de la presse et son rôle nécessaire dans la démocratie. Il a également érigé en objectif constitutionnel le caractère pluraliste des courants d’expression socioculturels.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. L’idée est intéressante, mais la manière dont l’amendement est rédigé est plutôt inquiétante.
Actuellement, tout ce qui touche aux libertés publiques relève naturellement du domaine de la loi, cette dernière en fixant les règles au sens du deuxième alinéa de l’article 34 de la Constitution. Concernant les libertés publiques fondamentales, ce sont les articles 10 et 11 de la Déclaration de 1789 qui couvrent la libre communication des pensées et des opinions, en précisant que c’est l’« un des droits les plus précieux de l’Homme ».
Pour le moment, s’agissant de la liberté de la presse, au sens large, le domaine de la loi s’applique donc à toute la matière, et le domaine réglementaire, ramené à quelques mesures pratiques d’application, est très restreint, …
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui !
M. Michel Charasse. … comme on l’a vu d’ailleurs lorsque ont été créées les institutions telles que le CSA, la CNCL, la Haute Autorité, etc., et que les décisions du Conseil constitutionnel ont rappelé toutes ces règles.
Chers amis, ce soir, on nous propose d’inscrire cette disposition dans la troisième partie de l’article 34, là où la loi ne fait que « déterminer les principes fondamentaux. C’est un peu imprudent, car cela revient à opérer un déclassement partiel d’une matière qui, pour l’instant, émarge au domaine complet de la loi, puisque la loi en fixe toutes les règles.
Je propose donc à mes collègues du groupe socialiste de rectifier l’amendement afin de faire remonter l’alinéa au tout début de l’article 34, dans le premier alinéa qui suit la mention : « la loi fixe les règles ».
Puisque la commission des lois est d’accord, il est plus prudent et plus efficace d’ajouter ces précisions dans le paragraphe qui donne pleine compétence au législateur. Les deuxième et troisième alinéas de l’article 34 se liraient donc ainsi :
« La loi fixe les règles concernant :
« – les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques, la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias » ; […] ;
Le fait de remonter l’amendement à ce niveau ne nous conduirait à aucun déclassement partiel. Tant qu’à voter l’amendement, autant le mettre au bon endroit !
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Je suis favorable à la proposition de Michel Charasse, et modifie mon amendement en ce sens. Une telle rectification est tout à fait satisfaisante si elle lève une ambiguïté et permet de répondre partiellement à ce que nous a expliqué Mme le garde des sceaux.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 455 rectifié, présenté par MM. Frimat, Assouline, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le 3° de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
...°Dans le troisième alinéa, après les mots : « libertés publiques ; », sont insérés les mots : « la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias ; ».
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. David Assouline. Je m’inquiétais, observant que, depuis mardi, date du début de l’examen de ce texte, aucun amendement proposé par le groupe socialiste n’avait été retenu !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Celui-ci est accepté !
M. David Assouline. C’est ce que j’allais dire. Laissez-moi faire mes effets ! (Sourires.)
Je m’inquiétais, je le répète. Mais ce samedi matin – car nous sommes déjà samedi matin ! –, c’est la fête ! La commission des lois, dans sa sagesse, se montre favorable à cet amendement.
Cela paraît évident, mes chers collègues : vous êtes favorables au pluralisme des médias, à leur indépendance, même si celle-ci est gravement mise en danger tous les jours…On le constate dans la réalité quotidienne, et je l’ai rappelé dans mes interventions à l’article 1er.
Mais voilà que le Gouvernement, qui voulait vraiment, pour rénover la Constitution, renouer le dialogue avec l’opposition, émet un avis défavorable, nous privant d’un petit plaisir possible. Je pense que ce refus est aussi un aveu !
Je demande donc à l’assemblée de suivre l’avis de la commission des lois pour remédier à cette attitude de fermeture et permettre à notre disposition d’être améliorée par tous à l’occasion de la navette, dans un esprit constructif.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J’avais proposé, avant l’article 1er A, un amendement n° 159 tendant à insérer un article additionnel ainsi rédigé : « Les droits fondamentaux sont indivisibles et sont des droits opposables. Tout résident sur le territoire français peut demander et obtenir de la puissance publique le respect de ces droits. »
Le Sénat a refusé une telle disposition, ce que je regrette. Je voterai donc cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 455 rectifié.
(L'amendement est adopté. –Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. L’article 12 a été supprimé par l’Assemblée nationale.
Mais six amendements faisant l’objet d’une discussion commune tendent à le rétablir.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 109 est présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.
L'amendement n° 138 est présenté par M. de Rohan, au nom de la commission des affaires étrangères.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l'article 34 de la Constitution, il est inséré un article 34-1 ainsi rédigé :
« Art. 34-1.- Les assemblées peuvent voter des résolutions dans les conditions fixées par une loi organique. Sont irrecevables les propositions de résolution mettant en cause, directement ou indirectement, la responsabilité du Gouvernement. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 109.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Dans son texte initial, le Gouvernement donnait aux assemblées la possibilité de voter des résolutions, suivant en cela le comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions, présidé par Édouard Balladur. L’Assemblée nationale est revenue sur cette disposition, estimant qu’elle était dangereuse et susceptible de remettre en cause la responsabilité du Gouvernement.
Nous n’avons pas partagé cet avis.
D'abord, le Parlement doit, selon nous, assumer la fonction tribunicienne, qui est inhérente à la démocratie représentative et qui trouve dans les résolutions son moyen d'expression le plus naturel, comme en témoigne l'expérience d'une grande majorité des parlements étrangers.
Aujourd'hui, cette fonction ne peut pas vraiment se satisfaire de l'organisation de débats dans le cadre d'une question orale, par exemple, débats qui n’ont pas vocation à déboucher sur une position formalisée. Dès lors, elle utilise le seul vecteur qui lui soit permis, la loi, au risque d’en dévoyer la nature.
Lois « mémorielles » ou à caractère déclaratoire, nombre de dispositions législatives ont perdu tout caractère normatif. Malgré les critiques suscitées par ces dérives, dans lesquelles le Gouvernement porte, tout comme le Parlement, une part de responsabilité, le mouvement n’a pas été enrayé.
M. Michel Charasse. L’exécutif, pas le Gouvernement !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L’exécutif !
M. Michel Charasse. Les dérives n’ont pas commencé avec celui-ci...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Les gouvernements et le Parlement, parfois même dans son histoire récente !
Ce mouvement répond à des aspirations fortes et à un vrai besoin dont seul le mode d’expression actuel est d’ailleurs en cause.
La possibilité de voter des résolutions offre ainsi une chance de recentrer la loi sur l'édiction de normes.
Par ailleurs, le vote des résolutions s’inscrirait dans un contexte très différent de celui des Républiques antérieures : sous l’empire de la Constitution de 1958, la responsabilité du Gouvernement ne peut être mise en cause que dans le cadre des dispositions de l’article 49.
Enfin, l’expérience des résolutions européennes introduites dans la Constitution par les révisions des 25 juin 1992 et 25 janvier 1999 montre que le Parlement a fait un usage très mesuré du pouvoir qui lui était reconnu.
En conséquence, la commission des lois vous propose de reprendre la disposition figurant dans le texte initial du projet de loi constitutionnelle, en prévoyant toutefois de renvoyer à la loi organique, et non aux règlements des assemblées – c’est important ! –, les modalités de mise en œuvre du droit de voter des résolutions.
Par ailleurs, seraient irrecevables les propositions de résolution mettant en cause, directement ou indirectement, la responsabilité du Gouvernement.
En outre, parmi les conditions fixées dans la loi organique, devraient figurer l’obligation d'un nombre minimal de signatures pour présenter une résolution et celle d’un examen préalable en commission.
Ainsi, entre la fonction de légiférer et celle de contrôler, le Parlement disposerait d’un instrument adapté pour formuler une position ou un vœu.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à suivre l’intention initiale du Gouvernement de mieux encadrer les résolutions. Cet outil extrêmement utile devrait permettre aussi de revaloriser le rôle du Parlement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° 138.
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, rapporteur pour avis. La commission des affaires étrangères s’est saisie de cette question. Nous sommes parvenus exactement aux mêmes conclusions que la commission des lois.
Je reconnais, avec M. Hyest, que le fait pour les assemblées de pouvoir voter des résolutions va établir une vraie délimitation entre le vote de la loi et le vote, par exemple, de motions mémorielles qui, il faut bien le dire, ont pu avoir sur nos relations avec des pays étrangers…
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Des effets ravageurs !
M. Josselin de Rohan, rapporteur pour avis. … une incidence réelle.
Permettez-moi d’insister sur deux points importants.
Tout d’abord, il est indispensable que la loi organique veille à ce que l’Assemblée nationale et le Sénat aient le même corps de règles, afin qu’il soit impossible aux assemblées d’agir chacune d’une manière différente. (M. le rapporteur acquiesce.)
Par ailleurs, il est important de disposer d’un dispositif de filtrage. En effet, les motions peuvent, si l’on n’y prend pas garde, se transformer en injonctions au Gouvernement. C’est ce contre quoi avait voulu lutter le Conseil constitutionnel en son temps, puisque, sous des républiques précédentes, c’est par le biais de motions que l’on mettait en réalité en cause, de manière sournoise, la responsabilité gouvernementale, …
M. Michel Charasse. Sur l’ordre du jour !
M. Josselin de Rohan, rapporteur pour avis. … sur l’ordre du jour effectivement. La bataille de l’ordre du jour était en réalité une interpellation du Gouvernement et une mise en cause de sa responsabilité.
Bien que je sois extrêmement méfiant à l’égard des résolutions, le dispositif proposé par la commission des lois offre, me semble-t-il, beaucoup de garanties et se révélera même extrêmement utile, par exemple pour appuyer le Gouvernement dans sa politique étrangère ou, en tout cas, pour faire connaître le sentiment du Parlement sur des affaires importantes, à condition toutefois que les résolutions restent votives, sans devenir injonctives.
M. le président. L'amendement n° 188, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l'article 34 de la Constitution, il est inséré, un article ainsi rédigé :
« Art.... Les assemblées peuvent voter des résolutions dans les conditions fixées par leur règlement. Elles s'imposent au gouvernement. »
La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. Nous souhaitons, pour notre part, que les résolutions soient injonctives, et c’est le sens de notre amendement.
Cet article 12 a été fort débattu à l’Assemblée nationale, et la disposition présentée a finalement été supprimée.
Initialement, il s’agissait de la proposition n° 48 du comité Balladur, ayant reçu l’agrément du Gouvernement.
Cette disposition nouvelle aurait permis utilement de contourner la jurisprudence du Conseil constitutionnel selon laquelle les chambres ne peuvent voter de résolutions que dans les domaines prévus par la Constitution, soit, en pratique, dans un nombre très limité de cas : modification du règlement de l’assemblée, levée de l’immunité de l’un de ses membres, mise en accusation du Président de la République ou, depuis 1992, déclaration sur un projet d’acte de l’Union européenne.
La volonté du comité et du Gouvernement était donc d’offrir la faculté au Parlement, à l’instar de la grande majorité des parlements étrangers, d’adopter en tout domaine des résolutions n’ayant pas de valeur contraignante, mais marquant l’expression d’un souhait ou d’une préoccupation.
Cette disposition, dans l’esprit de ses auteurs, aurait permis également de décharger la loi de cette fonction tribunitienne, et ainsi de lui garantir son caractère normatif, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Un certain nombre de sénateurs, tous groupes politiques confondus, se sont émus de cette suppression et proposent de rétablir cet article. Nous sommes bien sûr favorables à une telle réintroduction.
Toutefois, nous allons plus loin dans la conception du rôle de ces résolutions, afin de ne pas les cantonner à une simple fonction tribunitienne. Nous souhaitons en effet qu’elles deviennent impératives pour le Gouvernement. C’est le sens de cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 278 rectifié, présenté par MM. Mercier, About, Amoudry, Badré et Biwer, Mme Dini, M. Fauchon, Mmes Férat, Gourault et Payet, MM. Soulage, Deneux et Merceron, Mme Morin-Desailly, MM. Nogrix, J.L. Dupont, Dubois, C. Gaudin, Jégou, Zocchetto, Pozzo di Borgo et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l'article 34 de la Constitution, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. 34-1. - Sans préjudice de l'application des articles 49 et 50, les assemblées peuvent voter des résolutions dans les conditions fixées par leur règlement. »
La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Comme tous, dans cet hémicycle, si je comprends bien, nous souhaitons rétablir le droit de résolution supprimé par les députés.
Cette volonté unanime cache peut-être quelques différences de rédaction et d’encadrement de l’exercice de ce droit. Mais, pour nous, il est indispensable de rétablir ce droit de résolution, qui constitue l’une des pierres angulaires du projet de loi constitutionnelle. C’est peut-être une mesure emblématique de revalorisation et de renforcement des pouvoirs du Parlement.
La suppression votée par les députés est d’autant plus regrettable que ceux-ci ont, en contrepartie, inséré dans la Constitution un article instaurant un mécanisme de déclaration thématique du Gouvernement.
J’en viens aux modalités d’exercice de ce droit.
Si nous souhaitons que le règlement des assemblées fixe les conditions d’exercice de ce droit, c’est pour que chaque assemblée décide souverainement de la manière d’exercer ce droit, à l’instar de ce qui se passe pour le vote des résolutions européennes, en vertu de l’article 88-4 de la Constitution. Ce n’est pas à une loi organique de décider pour l’une ou pour l’autre assemblée. L’amendement n° 278 rectifié vise donc au rétablissement de la possibilité pour les assemblées de voter des résolutions « dans les conditions fixées par leur règlement ». Nous espérons que les députés suivront notre position.
M. le président. L'amendement n° 353, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l'article 34 de la Constitution, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. 34-1. - Les assemblées peuvent voter des résolutions dans les conditions fixées par leur règlement. Une loi organique détermine le nombre maximum de résolutions que peuvent voter les assemblées par session ainsi que leur domaine. »
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Comme d’autres collègues, je souhaite saluer l’initiative de M. le rapporteur de rétablir le droit, pour les assemblées, de voter des résolutions. Ce droit me semble très utile, en particulier pour les lois mémorielles et tout ce qui concerne les relations internationales, à condition, bien sûr, de ne pas les oublier au fond des tiroirs. C’est malheureusement trop souvent le cas pour certaines résolutions européennes.
Il me semble cependant que l’amendement n° 109 ne donne pas aux assemblées une maîtrise suffisante de ce droit, puisqu’il renvoie à une loi organique le soin d’en fixer les conditions d’exercice. Il y a là un risque de dérive. C’est la raison pour laquelle il faut encadrer ce droit par une loi organique.
Mon amendement vise donc à laisser aux règlements de chaque assemblée le soin de fixer les modalités d’exercice de ce droit, tout en réservant à la loi organique le soin de définir le nombre de résolutions qui pourront être adoptées, ainsi que leur champ.
M. le président. L'amendement n° 456, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l'article 34 de la Constitution, il est inséré un article 34-1 ainsi rédigé :
« Art. 34-1. - Les assemblées parlementaires peuvent voter des résolutions. Celles-ci sont transmises au Gouvernement et publiées au Journal officiel. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Le vote de résolutions par les assemblées parlementaires a été historiquement une victime du parlementarisme rationalisé.
Le coup fatal a été porté par le Conseil constitutionnel saisi automatiquement des projets de règlement, dès la première session ordinaire du Parlement de la Ve République dans ses décisions des 17 et 24 juin 1959.
Ces décisions du Conseil constitutionnel ont eu pour effet de réduire considérablement le champ des résolutions, qui ne peuvent exister aujourd’hui, cela a été dit, que dans des cas très précis.
Le Parlement est donc placé dans une situation dans laquelle, pour pouvoir exprimer son opinion, il ne peut que recourir au dépôt de propositions de loi ou d’amendements sans véritable portée normative et dont la seule fonction est de servir de support à l’expression d’une opinion.
Il existe donc des lois, ou des parties de loi, dont le seul objet est souvent de répondre à des nécessités de communication. On a parlé des lois mémorielles. Tout cela ressortit plus à la littérature, souvent intéressante et porteuse de fortes convictions, qu’à un véritable travail législatif qui consiste à établir une norme.
Il est très important de rétablir cet article 12, qui a été supprimé par l’Assemblée nationale. Nous ne sommes pas du tout convaincus par les amendements qu’elle a présentés. Le Parlement doit pouvoir s’exprimer et prendre position sur des sujets essentiels sur lesquels nos concitoyens s’interrogent.
On ne peut pas dire qu’il faut, d’un côté, renforcer les droits du Parlement et, de l’autre, lui interdire d’user de cette procédure. Enfin, il est paradoxal de permettre le vote de résolutions sur les projets de texte européens, mais pas sur les sujets nationaux.
La seule différence entre notre amendement et celui qui a été présenté par M. le rapporteur, c’est que nous ne pensons pas qu’il soit utile de préciser que ce vote se déroule dans les conditions fixées par une loi organique et que les propositions de résolution mettant en cause, directement ou indirectement, la responsabilité du Gouvernement sont irrecevables. Nous estimons qu’il ne faut pas poser de limites au vote de résolutions par le Parlement.