Article 1er A
Six mois après la publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif aux possibilités de développement d’un plan de relance de la production de protéines végétales alternatif aux cultures d’organismes génétiquement modifiés afin de garantir l’indépendance alimentaire de la France.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er A.
(L'article 1er A est adopté.)
Articles additionnels avant l’article 1er
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 2 est présenté par MM. Le Cam, Billout et Danglot, Mmes Didier, Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L’amendement n° 92 est présenté par MM. Darniche et Retailleau et Mme Keller.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Lors de la présidence européenne française, la France propose aux États membres d’organiser un grand débat public qui associe les populations sur les organismes génétiquement modifiés et de rediscuter en conséquence la réglementation européenne relative aux organismes génétiquement modifiés.
La parole est à M. Gérard Le Cam, pour présenter l’amendement n° 2.
M. Gérard Le Cam. Aux termes de cet amendement, la France, quand elle présidera l’Union européenne, devrait proposer aux autres États membres l’organisation d’un grand débat public sur les OGM, associant les populations et préfigurant une renégociation de la réglementation européenne sur ce sujet.
Vous le comprenez, mes chers collègues, il s’agit d’un amendement d’appel, puisqu’il n’a aucune portée juridique contraignante. Notre souhait est de souligner l’objectif d’adéquation entre la réglementation européenne et les exigences citoyennes de précaution, voire de méfiance, quant à ce type de culture.
Monsieur le ministre d’État, lors de la première lecture de ce projet de loi devant la Haute Assemblée, vous nous avez expliqué que ce débat européen était en cours, puisqu’une déclaration conjointe récente rappelait que l’Allemagne et la France souhaitaient une évolution du mode d’expertise européen relatif aux autorisations de mise sur le marché, aux risques de dissémination des OGM et au contrôle de cette dernière.
Certes, cette déclaration correspond à une avancée, puisque les ministres de l’environnement des deux pays ont formulé le souhait que l’Autorité européenne de sécurité des aliments, d’une part, s’engage avec force pour renforcer l’expertise et améliorer la transparence des procédures d’autorisations européennes pour les OGM et, d’autre part, prenne davantage en compte les positions des États membres dans ces procédures.
Cependant, je veux insister sur la dimension citoyenne de notre amendement : il s’agit de consulter directement la population.
À ce titre, je rappellerai que, en 2002, plus de 65 % des Européens déclaraient qu’ils n’achèteraient pas de nourriture génétiquement modifiée, même si celle-ci était moins chère. Plus de 70 % d’entre eux ne voulaient pas d’aliments OGM et 94 % souhaitaient pouvoir choisir d’en manger ou non. Par ailleurs, parmi les Européens, 83 % estimaient manquer d’information sur les effets à long terme des aliments OGM sur la santé, 78 % craignaient que cette nouvelle technologie ne privilégie la recherche du profit aux dépens de l’intérêt du public et 75 % se déclaraient préoccupés par la contamination des semences conventionnelles par les OGM. Enfin, 71 % des Européens se sentaient concernés par les effets négatifs des OGM sur l’environnement.
Tous ces chiffres montrent, s’il en était besoin, la nécessité d’un véritable débat national, afin de sortir des discussions d’initiés qui ne suscitent qu’une méfiance accrue des citoyens. Pour notre part, nous faisons confiance à l’intelligence collective et nous souhaitons que ce sujet, puisqu’il passionne, soit l’occasion d’une démarche démocratique nouvelle.
Nous ne pouvons décider arbitrairement, comme le proposait M. le rapporteur en première lecture, que le temps de la décision est venue : une décision qui n’est pas partagée et acceptée par la population est mauvaise. Il nous faut donc nous donner du temps pour aboutir à un consensus sur cette question.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier que la Commission européenne fait pression pour que les clauses de sauvegarde soient levées, alors même que la France, la Hongrie, la Pologne, la Grèce, l’Italie, l’Autriche et, récemment, le gouvernement roumain ont choisi de suspendre la commercialisation du maïs MON 810.
Nous constatons donc clairement un décalage entre la volonté des institutions européennes de favoriser la culture des OGM, dans une logique libérale, et les aspirations des peuples européens et de leurs gouvernements, qui restent sceptiques, voire méfiants, quant aux conséquences irréversibles de la culture et de la dissémination des OGM.
Nous considérons que cet amendement est utile, puisqu’il vise à construire une Europe plus forte et qui soit en accord avec ses peuples.
M. le président. La parole est à M. Philippe Darniche, pour présenter l’amendement n° 92.
M. Philippe Darniche. Cet amendement, identique à celui qu’a défendu M. Le Cam, peut toutefois se justifier par quelques arguments supplémentaires.
Aujourd’hui, 12 millions d’agriculteurs dans 23 pays sont concernés par les cultures d’OGM, qui couvrent quelque 114 millions d’hectares à travers le monde, avec quatre variétés de plans commercialisés, à savoir le colza, le coton, le maïs et le soja.
Nous réfléchissons actuellement dans un cadre national, mais nous savons que tous les peuples européens sont préoccupés par les OGM. Il me semble que la présidence française pourrait être une chance unique de rappeler à nos partenaires qu’un problème de fond n’a pas encore été tout à fait réglé : celui de l’innocuité de ces produits pour la santé.
En effet, si un certain nombre de chercheurs ont émis des avis plutôt favorables aux OGM, il y en a au moins autant qui formulent des réserves ! C’est pourquoi il nous semble important d’organiser un débat sur cette question, à travers cet amendement, qui, c’est vrai, se trouve dépourvu de valeur juridique. La présidence française aurait cette utilité : elle contribuerait à renforcer la sécurité en matière de culture des OGM, s’agissant notamment de leur dissémination, qui pose un véritable problème à tous nos peuples.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Bizet, rapporteur de la commission des affaires économiques. Nous débattons des OGM depuis des années. Le débat a eu lieu à l’échelle nationale, mais aussi européenne.
Le Parlement européen s’est prononcé de façon démocratique sur la directive de 2001, comme sur le règlement de 2003. Les conclusions de ce débat ne satisfont pas MM. Le Cam et Darniche – je me permets de les associer ! –, ni les autres signataires de leurs amendements, ce qui les conduit naturellement à proposer la relance de cette discussion.
Il faut pourtant rappeler que le texte que nous examinons vise à transposer la directive 2001/18/CE. Il serait paradoxal que ce texte contienne un article invitant à revoir la directive qu’il tend précisément à transposer ! Alors qu’elle se trouve sur le point de prendre la présidence de l’Union européenne, la France doit assumer ses responsabilités et en finir avec l’esquive.
Le 5 juin prochain, l’assemblée générale de la Cour de justice des Communautés européennes doit se réunir pour discuter de la pénalité encourue par la France, qui pourrait atteindre les 42 millions d’euros. Revenons donc aux fondamentaux, c’est-à-dire à l’objet même de ce texte : la transposition de la directive, et c’est tout !
Enfin, je rappelle, pour ne pas avoir à y revenir tout au long de ce débat, que cette directive a été adoptée à l’époque où Lionel Jospin était Premier ministre et Dominique Voynet ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. J’entends bien l’argumentation avancée. Pour autant, il n’est pas possible de mélanger le texte que nous examinons et la question qui est posée par le biais de ces amendements, même si celle-ci est justifiée.
Je tiens à rappeler un point qui semble avoir échappé à la vigilance de nombreux observateurs.
Le 25 octobre dernier, lors du discours de clôture du Grenelle de l’environnement, le Président de la République a affirmé, en présence de M. José Manuel Barroso, qu’une loi s’imposait et qu’il fallait faire preuve de transparence et de responsabilité. Il a également exprimé ses doutes sur un produit particulier, et a reconnu qu’un problème d’évaluation et d’expertise existait.
Que le président de la Commission européenne ait été présent au moment où le Président de la République française non seulement demandait la transcription de la directive européenne, mais surtout manifestait les inquiétudes de la France sur un produit particulier et annonçait que notre pays ferait jouer la clause de sauvegarde est loin d’être un événement anodin.
La réflexion sur les biotechnologies commence seulement. Certains produits sont discutables, cela arrive, et le Président de la République a pris une position, forte, sur l’un d’entre eux. Toutefois, ce projet de loi vise à transcrire une directive européenne et prévoit des dispositions afin de la mettre en œuvre de manière précautionneuse.
Par ailleurs, le 3 mars dernier, j’ai fait, au nom de la France, une déclaration au Conseil européen sur ce sujet. Ayant constaté que le mode d’expertise européen avait une dizaine d’années, que la question ne se posait plus dans les mêmes termes et que les perspectives avaient évolué, j’ai demandé une modification du dispositif d’expertise européenne, qui se réduit pour l’instant à une analyse des expertises des tiers. Il me semble raisonnable que l’Europe se dote d’une expertise propre.
Cette position française, qui rejoint la préoccupation exprimée par les auteurs de ces amendements, a été soutenue par quatorze États membres. Mandat a été donné à la Commission européenne d’établir un rapport pour le mois de juin prochain, afin d’examiner comment faire progresser la situation.
Je considère qu’il n’appartient pas au Parlement français d’adresser des injonctions. Le Gouvernement a formulé des propositions, il a été soutenu au Conseil européen ; la réflexion est donc engagée.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement demande le retrait de ces amendements identiques. À défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Sur le fond, je soutiens ces amendements.
Monsieur le ministre d’État, vous avez évoqué la présence du président de la Commission européenne, M. José Manuel Barroso. Vous avez omis de mentionner celle de Mme Wangari Maathai et de M. Al Gore.
Vous avez rappelé les propos que le Président de la République a tenus à cette occasion. Mais, et cela n’avait pas manqué de susciter quelques sourires, il avait également manifesté l’ambition d’organiser un Grenelle de l’environnement européen.
Mme Marie-Christine Blandin. Mondial ! Ne mégotons pas ! (Sourires.)
Mme Marie-Christine Blandin. Pourtant, nous en sommes loin ! L’idée était de consulter les citoyens et d’assurer une meilleure démocratie.
Nombre de nos collègues qui sont intervenus dans ce débat sont très pressés d’en finir et considèrent que tout cela dure depuis trop longtemps. Ainsi, en 2005, Jean Bizet, auditionné par les membres de la mission d’information de l'Assemblée nationale sur les enjeux des essais et de l’utilisation des organismes génétiquement modifiés s’exprimait en ces termes : « il me semble, je le répète, que nous sommes arrivés au terme du débat démocratique. [...] Il faut maintenant un débat politique ».
Pour nous, la politique n’exclut pas la démocratie ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Évelyne Didier. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 et 92.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 21, présenté par MM. Pastor, Raoul et Bel, Mme Herviaux, MM. Courteau, Repentin, Saunier et Dussaut, Mme Schillinger et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Sauf à des fins de recherche confinée, toute production et mise sur le marché d'animal transgénique ou cloné est interdite.
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Monsieur le président, je souhaite rectifier cet amendement en supprimant les mots : « production et ».
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 21 rectifié, présenté par MM. Pastor, Raoul et Bel, Mme Herviaux, MM. Courteau, Repentin, Saunier et Dussaut, Mme Schillinger et les membres du groupe Socialiste et apparentés, et ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Sauf à des fins de recherche confinée, toute mise sur le marché d'animal transgénique ou cloné est interdite.
Vous avez la parole pour le défendre, monsieur Raoul.
M. Daniel Raoul. Cet amendement vise à interdire, sauf à des fins de recherche confinée, toute mise sur le marché d’animal transgénique ou cloné. Dans ce domaine, nous avons encore moins de recul que dans celui des plantes génétiquement modifiées.
D’ailleurs, l’Autorité de sécurité européenne s’est engagée à lancer des recherches supplémentaires en la matière et prépare un avis scientifique. Les données dont elle dispose pour l’instant sont très limitées, ce qui signifie que nous ne savons pas grand-chose, hormis le fait que le taux de mortalité est extrêmement élevé parmi ces animaux.
Madame la secrétaire d'État, ne nous refaites pas le coup de l'Assemblée nationale ! Ne nous répondez pas que cet amendement serait contraire à la législation relative aux OGM et ne serait pas compatible avec le droit communautaire. Il n’existe pas de réglementation européenne et vous ne pouvez donc pas nous opposer ce genre d’arguments !
Enfin – et c'est la raison pour laquelle j’ai rectifié cet amendement –, je sais très bien que des applications sont possibles dans le domaine pharmaceutique. Ainsi, en Argentine, les vaches servent à la fabrication d’insuline. C’est pourquoi cet amendement vise à interdire la mise sur le marché d’animal transgénique ou cloné, et non sa production à des fins de recherche.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Bizet, rapporteur. Ce projet de loi a pour objet de transposer une directive européenne qui n’évoque pas la question des animaux génétiquement modifiés : elle a trait uniquement au végétal. Il n’est donc pas possible d’adopter cet amendement.
C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable.
Toutefois, je reconnais que cette question devra être examinée dans les prochaines années à l’échelon communautaire ; je rappelle, une fois encore, que nous sommes dans un environnement législatif européen.
Le Sénat pourrait se saisir de cette problématique, car une telle réflexion s’imposera.
M. Daniel Raoul. La directive européenne ne traite que du végétal ? C’est un scoop ! Vous avez soutenu le contraire lors de la discussion générale et même en première lecture !
M. Jean Bizet, rapporteur. La directive 2001/18/CE porte essentiellement sur le végétal !
Mme Marie-Christine Blandin. Essentiellement ou strictement ?
M. Jean Bizet, rapporteur. Essentiellement ! Mais il est inutile de tout mélanger pour le moment !
M. Daniel Raoul. C’est à géométrie variable ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 22, présenté par MM. Pastor, Raoul et Bel, Mme Herviaux, MM. Courteau, Repentin, Saunier et Dussaut, Mme Schillinger et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Avant l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 2° de l'article L. 531-1 du code de l'environnement est ainsi rédigé :
« 2° Organisme génétiquement modifié : un organisme, à l'exception des êtres humains, dont le matériel génétique a été modifié d'une manière qui ne s'effectue pas naturellement par multiplication et/ou par recombinaison naturelle ; ».
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Le présent amendement vise à opérer une sorte de « copier-coller » de la directive 2001/18/CE. Il est tout de même étonnant que, dans un texte relatif aux OGM, ne figure aucune définition des organismes génétiquement modifiés. Cet amendement vise à combler cette lacune.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Bizet, rapporteur. Cet amendement nous a déjà été soumis en première lecture. Il vise à écarter explicitement l’être humain du champ de la définition des OGM. Cette exclusion est effectivement prévue par la directive européenne, mais elle n’exige pas que des dispositions expresses figurent dans notre ordre juridique national. En effet, le principe selon lequel la personne est sujet de droit s’oppose à toute possibilité de la considérer comme un OGM.
Je rappelle les termes de l'article 16-4 du code civil.
« Nul ne peut porter atteinte à l’intégrité de l’espèce humaine.
« Toute pratique eugénique tendant à l’organisation de la sélection des personnes est interdite. […]
« Sans préjudice des recherches tendant à la prévention et au traitement des maladies génétiques, aucune transformation ne peut être apportée aux caractères génétiques dans le but de modifier la descendance de la personne. »
M. Daniel Raoul. Vous êtes hors-sujet, monsieur le rapporteur !
M. Jean Bizet, rapporteur. En interdisant de modifier les caractéristiques génétiques de l’espèce humaine, le droit national est déjà en harmonie avec la législation communautaire sur ce point.
C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. Daniel Raoul. Ce n’était pas la question !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er
Après l'article L. 531-2 du code de l'environnement, il est inséré un article L. 531-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 531-2-1. - Les organismes génétiquement modifiés ne peuvent être cultivés, commercialisés ou utilisés que dans le respect de l'environnement et de la santé publique, des structures agricoles, des écosystèmes locaux et des filières de production et commerciales qualifiées «sans organismes génétiquement modifiés», et en toute transparence.
« Les décisions d'autorisation concernant les organismes génétiquement modifiés ne peuvent intervenir qu'après une évaluation préalable indépendante et transparente des risques pour l'environnement et la santé publique. Cette évaluation est assurée par une expertise collective menée selon des principes de compétence, pluralité, transparence et impartialité.
« Les études et les tests sur lesquels se fonde cette évaluation en vue des autorisations prévues aux articles L. 533-3 et L. 533-5 sont réalisés dans des laboratoires agréés par les pouvoirs publics.
« Les conclusions de toutes les études et tests réalisés dans ces laboratoires sont mises à la disposition du public sans nuire à la protection des intérêts énumérés aux I de l'article L. 124-4 et II de l'article L. 124-5 et à la protection de la propriété intellectuelle lorsque l'organisme génétiquement modifié ne fait pas encore l'objet d'une protection juridique à ce titre.
« La liberté de consommer et de produire avec ou sans organisme génétiquement modifié, sans que cela nuise à l'intégrité de l'environnement et à la spécificité des cultures traditionnelles et de qualité, est garantie dans le respect des principes de précaution, de prévention, d'information, de participation et de responsabilité inscrits dans la Charte de l'environnement de 2004 et dans le respect des dispositions communautaires. »
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, sur l'article.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, l’article 1er du projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés pose, dans la lettre, les garde-fous nécessaires à leur culture, à leur commercialisation et à leur utilisation généralisées voulues par le Gouvernement et sa majorité.
Après les déclarations de principe et les mesures d’affichage du Gouvernement et du Président de la République, il nous est très difficile de ne pas considérer cet article avec amertume.
En effet, monsieur le ministre d’État, dans le cadre du Grenelle de l’environnement, vous aviez annoncé un gel de la commercialisation des semences d’OGM, tout en autorisant la poursuite des recherches en laboratoire.
Le Président de la République avait justifié l’activation de la clause de sauvegarde contre le maïs MON 810 en soulignant que ne pas prendre cette décision controversée eût été « choquant » au regard des orientations du Grenelle de l’environnement.
Mais la pratique est bien éloignée de ces prises de positions. Ainsi, la Commission européenne va devoir se prononcer sur la validité de la clause de sauvegarde ; on connaît sa position sur la question. Par ailleurs, le Gouvernement propose un texte qui présente des garanties techniques insuffisantes pour éviter toute contamination et qui contient, de surcroît, des sanctions contre les faucheurs sans prévoir de dispositions au cas où l’arrêté d’interdiction du maïs MON 810 ne serait pas respecté.
Malgré tout, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen entendent défendre les avancées issues des débats à l’Assemblée nationale.
Rappelons qu’au terme d’un débat houleux cet article a été sensiblement amélioré par l’adoption du fameux amendement n° 252, présenté par notre collègue député André Chassaigne. Ainsi, la culture et la commercialisation des OGM devront respecter les structures agricoles, les écosystèmes locaux et les filières de production et commerciales qualifiées « sans organismes génétiquement modifiés », et en toute transparence.
L’encre n’était pas encore sèche que M. Fillon s’engageait, méprisant la dignité des représentants du peuple – et votre indépendance, mes chers collègues ! –, à ce que le Sénat supprime cette garantie.
À l’heure où le Président de la République se fait le fervent défenseur de la gastronomie française, il serait particulièrement choquant que la majorité parlementaire du Sénat supprime une disposition visant à protéger la production labellisée, qui fait la plus-value de l’agriculture française et européenne, et l’excellence de notre gastronomie !
Nous espérons donc, mes chers collègues, que notre assemblée saura montrer son attachement à la protection de nos terroirs, en rejetant l'amendement qui entend revenir sur les améliorations apportées par les députés.
Il s’agit de savoir si l'amendement de M. le rapporteur, qui a fait l’objet d’un accord entre le Gouvernement et l’UMP, modifie ou non en profondeur l'amendement n° 252 de notre collègue député du Puy-de-Dôme. Ou bien l'amendement de la commission vide partiellement de sa substance l'amendement n° 252, en permettant partout, y compris dans les zones AOC, de semer du maïs MON 810 ou tout autre PGM autorisé, et nous le rejetons avec force ; ou bien il ne sert à rien, sinon à calmer les parlementaires de l’UMP,...
M. Henri de Richemont. Ce n’est déjà pas mal !
M. Gérard Le Cam. ...et il faut alors le retirer.
Monsieur le ministre d’État, j’aimerais que vous nous précisiez, exemples concrets à l’appui, la façon dont vous envisagez l’application sur le terrain de cet ajout au texte de l’Assemblée nationale et de quelle manière vous interprétez l’expression « espèce par espèce ».
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux.
Mme Odette Herviaux. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, déjà objet de toutes les attentions en première lecture, l’article 1er est révélateur de positions parfois pour le moins contradictoires.
Nous notons un progrès réel pour la préservation de la diversité de notre agriculture grâce à l’adoption de l’amendement n° 252 par l'Assemblée nationale. Mais en affirmant la liberté de produire avec ou sans OGM, l’article 1er a réduit les espoirs nés du Grenelle de l’environnement.
J’ai déjà fait part de mon point de vue quant à l’utilisation du mot « liberté » dans un tel cas de figure. Où a-t-on vu que liberté et irréversibilité étaient synonymes ? La liberté d’aujourd’hui deviendra une contrainte sans échappatoire pour les générations futures et l’on ne pourra pas dire que l’on ne savait pas !
La culture d’OGM en plein champ implique des risques de dissémination remettant en cause ce qui fait la force de notre agriculture, à savoir la qualité, la diversité.
Tous les signes de qualité – AOC, IGP, agriculture biologique, Label rouge, etc. – obéissent à un cahier des charges très strict qui comprend des dispositions précises, incompatibles avec la présence de PGM, pour garantir aux consommateurs une réponse à leur attente.
Selon une enquête récente, 72 % des Français estiment en effet qu’il est important de ne pas consommer de produits contenant des OGM. D’aucuns revendiqueront peut-être une mauvaise information, un manque de pédagogie, mais, loi du marché oblige, les consommateurs ont toujours raison !
Dans cet esprit, il faut être offensif et poser le principe de l’impossible délivrance d’un label de qualité pour tout produit ayant bénéficié de l’apport d’OGM, à quelque niveau de sa production que ce soit, et ce dès le seuil de détection scientifique, et non pas se contenter du seuil d’étiquetage de 0,9 %.
D’ailleurs, certains ne s’y sont pas trompés. Sur le territoire national, dans les régions, qu’il s’agisse des fournisseurs de labels privés, des producteurs de marques propres qui en font un véritable argument marketing; des producteurs de produits détenteurs d’une IGP qui ont inséré des clauses valorisantes dans leur cahier des charges : toutes ces personnes revendiquent la non-présence d’OGM dans leurs productions.
À défaut d’une protection supplémentaire, les efforts déjà fournis par toutes ces filières seraient anéantis par des contaminations inévitables à l’intérieur même du territoire de ce signe de qualité. De plus, les producteurs du signe de qualité pour lesquels l’interdit de culture OGM est effectif sur leur exploitation se verraient injustement mis hors du champ de l’AOC ou de l’IGP par des contaminations extérieures.
Tout au long de la discussion des amendements, vous pourrez compter sur notre vigilance la plus totale pour tenter – puisque l’on a cru comprendre que l’on ne pourrait pas y arriver, avant même d’avoir débattu – de permettre à tous les agriculteurs qui le souhaitent, notamment ceux dont les productions sont à haute valeur ajoutée, de pouvoir réellement produire sans OGM, dans le respect de l’environnement et des attentes des consommateurs.