M. le président. La parole est à M. Henri de Raincourt. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Henri de Raincourt. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, après six semaines de suspension, le Parlement reprend ses travaux.
La campagne des élections municipales et cantonales est close.
M. Yannick Bodin. Elle fut bonne !
M. Thierry Repentin. Excellente !
M. Henri de Raincourt. La France des territoires a choisi ses élus locaux. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. François Marc. Oui !
M. Yannick Bodin. C'était très bien !
M. Henri de Raincourt. En 2001, nous avions remporté ces élections. En 2008, nous les avons perdues. (Oui ! sur les travées du groupe socialiste.) Ainsi va la démocratie !
Loin de nous décourager, cette situation nouvelle nous incite à redoubler d'ardeur pour mettre en oeuvre le programme quinquennal sur lequel le Président de la République a été élu en mai dernier. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)
Le diagnostic posé sur la situation de la France est le même. Il impose des mesures fortes et coordonnées pour adapter notre pays à son temps.
Monsieur le Premier ministre, nous ne sommes pas habités par la crainte de l'action. L'hésitation ne saurait se substituer au courage.
Depuis plusieurs semaines, la situation économique et financière internationale se dégrade. Les conséquences ne sont pas neutres pour notre économie et pour nos finances publiques.
M. Jacques Mahéas. Elles sont même catastrophiques !
M. Henri de Raincourt. Toutefois, grâce aux mesures déjà mises en oeuvre depuis l'été dernier en vue de redonner du sens à la valeur travail, d'encourager l'accession à la propriété, de renforcer les atouts de notre pays en matière de compétitivité et d'attractivité, nous semblons mieux résister que certains de nos voisins. Nous devons, monsieur le Premier ministre, continuer à aller dans cette voie.
Dans le même temps, nous devons dire la vérité aux Français sur la situation de notre pays et sur l'impérieuse nécessité de poursuivre et d'amplifier les réformes engagées. Nos compatriotes doivent savoir que la réforme est non pas une punition, mais une chance pour demain.
M. Yannick Bodin. Ça dépend pour qui !
M. Henri de Raincourt. Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous confirmer les priorités de l'action gouvernementale et démentir - des insinuations viennent encore d'être lancées - toute velléité de mise en oeuvre d'un plan de rigueur ?
Par ailleurs, pouvez-vous nous présenter les grandes mesures sur lesquelles nous allons travailler jusqu'à la fin de la session ? (Très bien ! et vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, depuis dix mois, la majorité a réalisé un travail considérable de réforme.
M. Yannick Bodin. Notamment le 16 mars !
M. Jacques Mahéas. Personne ne s'en est aperçu !
M. François Fillon, Premier ministre. Qu'on en juge : hier, on débattait de la réduction du temps de travail, aujourd'hui, on débat des heures supplémentaires. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'esclaffe.)
Hier, on débattait des régimes spéciaux de retraite, aujourd'hui, on débat de l'équité des régimes de retraite. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Hier, on débattait des blocages qui empêchaient l'université de se développer, aujourd'hui, les universités sont...
Mme Catherine Tasca. Dans la rue !
M. François Fillon, Premier ministre. ... en marche vers leur autonomie. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Hier, on évoquait la fatalité de l'insécurité et de la délinquance, aujourd'hui, c'est la fermeté (Protestations sur les mêmes travées) qui tient lieu de politique au Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Yannick Bodin. Allez faire un tour dans les banlieues !
M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président de Raincourt, oui, nous allons poursuivre cet effort de réforme, d'autant que les retards que la France a accumulés sont dus non pas à la crise économique internationale, mais à une très mauvaise habitude qu'elle a prise voilà très longtemps et qui consiste à changer de politique tous les dix-huit mois, au premier coup de vent.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est sans doute parce qu'elle n'est pas bonne !
M. François Fillon, Premier ministre. Cela fait vingt ans que, dans notre pays, on ne mène jamais jusqu'à leur terme les réformes qui doivent être faites, ...
M. Thierry Repentin. C'est la faute de Jean-Pierre Raffarin ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. François Fillon, Premier ministre. ... contrairement à tous les autres pays européens. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Nous allons poursuivre cet effort de réforme avec d'autant plus de détermination que les décisions que nous avons prises donnent des résultats. Je citerai trois exemples.
Je commencerai par évoquer la situation de l'emploi, ...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. De plus en plus précaire !
M. François Fillon, Premier ministre. ... dont a déjà parlé Laurent Wauquiez : le taux de chômage s'établit désormais à 7,5 % et il va continuer de baisser tout au long de l'année 2008, comme vous allez pouvoir le constater. Ce taux, qui est historiquement bas, ...
M. Jean-Pierre Michel. Démographie aidant !
M. François Fillon, Premier ministre. ... se traduit cette année par un excédent des comptes de l'UNEDIC de plus de 4,5 milliards d'euros. Cela faisait longtemps que les comptes de l'UNEDIC n'avaient pas été équilibrés et, a fortiori, en excédent ! Le recul du taux de chômage se traduit également par une baisse de 8 % du nombre des RMIstes.
J'évoquerai ensuite la consommation intérieure. Si toutes les organisations et institutions économiques internationales disent que, en 2008, le taux de croissance en France sera supérieur à celui de la zone euro,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On verra !
M. François Fillon, Premier ministre. ... notamment à celui de l'Allemagne, c'est parce que la demande intérieure reste forte. Si la demande intérieure est forte, c'est en raison des décisions que vous avez prises au mois de juillet...
M. Christian Cointat. Très bien !
M. David Assouline. Vous repeignez le tableau !
M. François Fillon, Premier ministre. Les 9 milliards d'euros que nous avons injectés dans l'économie grâce au dispositif sur les heures supplémentaires, à la déduction des intérêts d'emprunt pour le logement,...
M. Jacques Mahéas. Mais pourquoi les Français n'ont-ils pas voté pour vous ?
M. François Fillon, Premier ministre. ... ainsi qu'aux mesures fiscales, nous permettent aujourd'hui de faire la différence avec les autres pays européens en matière de croissance.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement vous propose, pour la suite de la session, un programme articulé autour des priorités que sont l'emploi, la croissance et le développement durable.
Il vous soumettra d'abord un projet de loi destiné à traduire en termes législatifs la réforme du contrat de travail...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et celui-ci sera encore plus précaire !
M. François Fillon, Premier ministre. ...qui a été adoptée par les partenaires sociaux.
Il vous proposera ensuite un projet de loi de modernisation de l'économie, qui permettra à la fois d'améliorer la compétitivité des PME françaises - elles en ont bien besoin ! - et d'accroître la concurrence afin de mieux peser sur les prix et d'augmenter le pouvoir d'achat des Français.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On sait ce que donne la concurrence sur les prix !
M. François Fillon, Premier ministre. Nous vous proposerons également un projet de loi visant à étendre aux salariés des petites et moyennes entreprises l'intéressement et la participation auxquels ils n'ont pas droit aujourd'hui et la conditionnalité des allégements de charges, ...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Encore ?
M. François Fillon, Premier ministre. ... afin de permettre à la puissance publique, au Gouvernement, de disposer d'un levier sur les politiques salariales.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez déjà baissé les charges !
M. François Fillon, Premier ministre. Vous le réclamez à grands cris, mais vous ne l'avez jamais fait lorsque vous étiez au pouvoir ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Par ailleurs, nous vous proposerons un premier train de mesures à la suite du Grenelle de l'environnement, afin, en particulier, de financer les projets de transport public dans les collectivités locales.
M. Charles Revet. Très bien !
M. François Fillon, Premier ministre. Enfin, nous vous proposerons une réforme des institutions destinée à donner plus de pouvoir au Parlement et des droits nouveaux aux citoyens.
M. Charles Revet. C'est très bien aussi !
M. François Fillon, Premier ministre. Vous participerez à la maîtrise des dépenses publiques et à la consolidation de notre modèle social lors du rendez-vous sur les retraites. Le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité a déjà commencé à recevoir les partenaires sociaux. Nous engagerons une réforme de la protection sociale à l'occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Enfin, la préparation du budget pour 2009 devra être une étape significative vers le retour à l'équilibre des comptes publics, ...
M. Jacques Mahéas. Vous n'êtes pas crédibles !
M. François Fillon, Premier ministre. ... situation que, je vous le rappelle, la France n'a pas connu depuis trente-trois ans !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est toujours content !
M. François Fillon, Premier ministre. Avec le Président de la République, nous avons choisi la continuité, la ténacité et le courage. Nous vous demandons de nous accompagner sur cette route. (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. Ma question s'adressait à M. le ministre des affaires étrangères et européennes.
J'évoquerai la situation d'un peuple loin de tout et riche de peu, si ce n'est de ce qui lui reste de sa culture ; un peuple qui vit actuellement dans un État et sous un gouvernement qu'il n'a pas choisis ; un peuple qui souffre plus vivement depuis plusieurs semaines parce qu'il a osé relever la tête et lutter contre l'oppression coloniale qu'il subit depuis maintenant plus de soixante ans, plus précisément depuis que les troupes chinoises ont envahi Lhassa, capitale de son pays. Je veux parler, vous l'avez compris, du peuple tibétain.
Nous sommes nombreux, sur toutes les travées de cet hémicycle, à être extrêmement préoccupés par la dégradation de la situation au Tibet. Les rares informations qui filtrent à travers les frontières brutalement refermées montrent que la répression qui est en train de s'abattre sur les manifestants tibétains est dure, sans commune mesure avec leurs revendications de liberté ni avec les violences que certains d'entre eux ont pu commettre.
La France va-t-elle assister impuissante à l'engrenage de la violence au Tibet ? Va-t-elle se contenter de « regrets » ou d'« appel à la retenue » ? Ou bien fera-t-elle part de sa condamnation sans appel, à l'instar de plusieurs gouvernements européens, qui manifestent sur ce dossier lucidité et de courage ?
Contrairement aux allégations des dirigeants de Pékin, il ne s'agit pas d'une question de politique intérieure qui ne concernerait que la Chine : d'abord parce que plus de 130 000 réfugiés tibétains vivent en dehors de leur pays et que, tous les jours, il en arrive de nouveaux, qui traversent l'Himalaya au péril de leur vie ; ensuite, parce que la communauté internationale a reconnu la stature de leur chef spirituel et leader politique, en attribuant en 1989 le prix Nobel de la paix au dalaï-lama. Aujourd'hui, celui-ci est reçu, avec les égards qui lui sont dus, dans toutes les capitales du monde par des chefs d'État ou de gouvernement.
Permettez-moi de faire, à l'appui de ma question, une citation : « Des cris étouffés s'élèvent de ces montagnes et de ces hauts plateaux. Une population hurle silencieusement vers nous : les Tibétains. Un homme nous tend la main : le dalaï-lama ». Cette citation est de M. Kouchner.
Le dalaï-lama sera-t-il reçu à l'Élysée par le Président de la République, comme il devrait d'ailleurs l'être par le président du Sénat, à l'occasion de son déplacement en France, en août prochain ?
Dans la perspective des jeux Olympiques de Pékin, mais aussi de l'exposition universelle de Shanghai, de quels moyens disposons-nous pour inciter le gouvernement chinois à adopter une attitude plus conforme à ce que l'on attend d'une grande nation amie, la Chine, qui se veut démocratique ?
Quelles actions concrètes allez-vous engager à l'échelon européen, sous la présidence française, et, sans attendre, à celui des Nations unies, qui ont déjà condamné par trois fois l'attitude de la Chine au Tibet ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE. MM. Hubert Haenel et Christian Cointat applaudissent également).
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous n'avons pas attendu les émeutes de Lhassa pour nous préoccuper du Tibet. J'ai eu l'occasion de m'en entretenir plusieurs fois ces derniers mois avec des représentants du dalaï-lama. Depuis le début de cette crise, la France a réagi avec fermeté aux événements qui se sont déroulés à Lhassa et dans les provinces avoisinantes.
Notre position est claire : condamnation de la répression, appel à l'arrêt des violences, à la libération des manifestants pacifiques, à la transparence et à la réouverture du Tibet, à une reprise du dialogue entre les autorités chinoises et le dalaï-lama.
Aucun pays n'est favorable, comme vous le savez, au boycott des jeux Olympiques. Le dalaï-lama lui-même ne le souhaite pas.
S'agissant de la cérémonie d'ouverture, le Président de la République a souligné que toutes les options étaient ouvertes. J'ai dit que les portes de notre pays étaient également ouvertes au dalaï-lama et que j'étais totalement disposée à l'accueillir.
M. David Assouline. Et le Président de la République ?
Mme Rama Yade, secrétaire d'État. Le Président de la République fera son choix le moment venu. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Simon Sutour. Ce n'est tout de même pas la même chose !
Mme Rama Yade, secrétaire d'État. En attendant, il en a appelé au sens des responsabilités de la Chine. Nous espérons qu'elle sera à la hauteur des attentes qu'elle suscite et de son rang.
Nous ne remettons pas en cause l'appartenance du Tibet à la Chine, mais, parce que le Tibet fait partie de la Chine, il appartient au gouvernement chinois de veiller à ce que les droits de l'homme soient respectés au Tibet, à ce que les Tibétains puissent jouir d'une autonomie digne de ce nom et à ce que leurs droits à la liberté de religion et de conscience, ainsi que leurs droits économiques, sociaux et culturels, soient respectés.
La France, en tant que partenaire stratégique, a clairement indiqué qu'elle était disponible pour faciliter ce dialogue. Nous avons mobilisé nos partenaires européens, sans attendre la présidence française. À notre demande, la question tibétaine sera, demain, à l'ordre du jour de la réunion des ministres des affaires étrangères. La France souhaite que l'Union européenne adopte une position unie et ferme, susceptible de contribuer à une solution pacifique dans l'intérêt de tous.
Au-delà de l'échéance des jeux Olympiques, nous continuerons à attendre de la Chine qu'elle fasse des progrès en matière de droits de l'homme, au Tibet comme partout sur son territoire, et nous continuerons à l'inciter à aller dans ce sens. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Yannick Bodin. Ça, c'est de la langue de bois !
INSTITUTIONS : LES NOUVEAUX POUVOIRS DU PARLEMENT
M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Gérard Larcher. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
Ainsi que M. le Premier ministre vient de le rappeler, l'avant-projet de loi sur la réforme des institutions a été présenté en conseil des ministres la semaine dernière. Parmi les mesures annoncées figurent un certain nombre de dispositions tendant à attribuer de nouveaux pouvoirs très importants au Parlement.
Monsieur le secrétaire d'État, pourriez-vous tout d'abord nous fournir des indications sur le calendrier de l'examen de cette réforme ?
J'aimerais également savoir comment elle s'articulera avec la mission que M. le Président de la République a confiée à Mme Simone Veil sur une éventuelle modification du préambule de la Constitution.
Pourriez-vous, en outre, nous apporter des précisions quant au contenu même de la réforme, s'agissant notamment de l'extension et de l'approfondissement des pouvoirs du Parlement ? Je pense particulièrement à la possibilité pour les parlementaires d'émettre un avis sur les nominations aux emplois publics les plus importants, au rôle accru de l'Assemblée nationale et du Sénat dans l'élaboration des textes législatifs et au partage de l'ordre du jour, qui est une question essentielle.
En effet, au-delà des principes, c'est bien un esprit nouveau que, dans le respect de la Ve République, nous devons apporter aux relations entre l'exécutif et le législatif. Cet esprit nouveau, comment le Gouvernement entend-il qu'il se manifeste ? À mon sens, le Sénat est prêt à un tel approfondissement du travail en commun, mais également au débat entre le législatif et l'exécutif. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Monsieur Larcher, comme vous venez de le souligner, le Premier ministre a présenté une communication sur la réforme de nos institutions au conseil des ministres de la semaine dernière. L'avant-projet de loi a d'ores et déjà été transmis au Conseil d'État.
En fonction de la rapidité avec laquelle le Conseil d'État nous transmettra sa réponse, le texte devrait être examiné en conseil des ministres le 16 avril ou le 23 avril. Il sera ensuite transmis à la commission des lois de l'Assemblée nationale, pour un examen par la chambre basse en séance plénière aux environs du 20 mai. Cela signifie que le Sénat sera saisi du projet, pour examen en commission, puis en séance plénière, au mois de juin.
Comme je l'ai déjà indiqué, cette première étape de la réforme de nos institutions nécessitera une réunion du Parlement en Congrès. Pour ma part, j'ai évoqué la date - mais ce n'est pas encore une certitude : cela dépendra des travaux du Parlement -, du lundi 7 juillet. En effet, comme vous le savez, le Parlement ne peut se réunir en Congrès à Versailles que le lundi. Or nous ne pouvons naturellement pas retenir la date du lundi 14 juillet et je crains que nous ne soyons pas encore prêts pour adopter la révision constitutionnelle le lundi 30 juin. La date du 7 juillet apparaît donc comme la plus probable.
Monsieur le sénateur, vous avez également évoqué le préambule de la Constitution. Comme vous le savez, une mission a été confiée à Mme Simone Veil, qui préside désormais un comité chargé de proposer une modification de ce texte. Il s'agit d'un travail extrêmement important et intense, qui devra associer tous les courants politiques, idéologiques et philosophiques de notre pays, afin d'introduire de nouveaux principes dans le préambule de la Constitution. Il s'agira donc d'une deuxième étape.
Si nous avions décidé de conduire les deux réformes institutionnelles en même temps, le renforcement des pouvoirs du Parlement n'aurait pas pu intervenir avant la fin de l'année 2008. Nous avons donc préféré scinder ces révisions institutionnelles en deux étapes, la première comprenant les mesures que vous avez évoquées, monsieur le sénateur, c'est-à-dire la maîtrise par le Parlement de la moitié de son ordre du jour, l'examen en séance plénière des textes législatifs dans leur rédaction issue des travaux de la commission saisie au fond, un contrôle parlementaire accru sur les nominations et des prérogatives renforcées en matière de politique étrangère et de défense. Pour le Gouvernement, il s'agit là d'un rééquilibrage tout à fait normal sous la Ve République. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
situation économique de la france
M. le président. La parole est à M. Simon Sutour.
M. Simon Sutour. Ma question s'adressait à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
La crise économique est devant nous. Selon l'ancien président de la Réserve fédérale américaine, M. Alan Greenspan, elle serait la plus grave depuis 1929. Pour le directeur général du Fonds monétaire international, Dominique Strauss-Kahn, la finance mondiale fait aujourd'hui face à un « risque de rupture ».
L'économie française subit une crise liée à l'envolée des cours du pétrole et des matières premières.
Après avoir soutenu fermement pendant des semaines qu'il n'y avait aucune raison de changer les prévisions de croissance de 2008, qui se situaient entre 2 % et 2,25 %, le Gouvernement, contraint par la réalité, s'est résigné à admettre que le taux réel pourrait descendre sous la barre des 2 %, pour se situer entre 1,6 % et 1,8 %.
Pour le premier semestre, l'INSEE table désormais sur une croissance de 0,7 %, contre une précédente prévision de 0,9 %. L'augmentation de l'inflation, qui dépasse 3 % en rythme annuel, affecte le pouvoir d'achat, donc la consommation des ménages.
Pour affronter une telle crise, notre pays est affaibli par l'adoption du paquet fiscal, qui a été une double erreur : il a créé de l'injustice et il a été inefficace économiquement. (Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste.)
La note que les Français vont devoir payer pour ces erreurs économiques sera très lourde. Entre le coût du paquet fiscal - 9 milliards d'euros -, les recettes manquantes liées à l'erreur de prévision de croissance - 10 milliards - et le coût des promesses électorales - près de 7 milliards -, elle s'élèvera à une bonne vingtaine de milliards d'euros.
Pour régler la facture, vous semblez préparer un plan de rigueur, d'abord pour l'État, sous la forme d'annulations de crédits, de suppressions massives d'emplois publics et de baisses de dotations en direction des collectivités locales.
Ensuite, les Français seront évidemment mis à contribution. La hausse de la TVA, de la CSG et de la CRDS, pour financer la dette sociale, sera alors inévitable.
Le Gouvernement doit prendre la mesure de la situation économique et adopter les dispositions qui s'imposent pour préparer notre pays à affronter cette crise.
Nous demandons l'annulation du paquet fiscal. Nous proposons également d'utiliser la présidence française de l'Union européenne pour renforcer le bouclier communautaire par une coordination accrue, avec notamment la création d'un gouvernement économique et le renforcement de l'Eurogroupe. Enfin, nous jugeons qu'il est essentiel de moraliser les pratiques financières. Procéderons-nous comme certains de nos partenaires, qui font assumer aux contribuables les bêtises d'un capitalisme financier totalement dérégulé sans jamais en affronter les limites ?
Que propose donc ce gouvernement qui n'entend ni les messages adressés par les Français aux élections locales - ils sont pourtant forts et puissants (Exclamations sur les travées de l'UMP) - ni ceux des entreprises, inquiètes de l'effondrement de leur compétitivité ? Quand Mme la ministre de l'économie acceptera-t-elle de considérer sérieusement nos propositions, afin de répondre aux difficultés que subissent quotidiennement les Français ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi. Monsieur le sénateur, en l'absence de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, qui est aujourd'hui au Royaume-Uni, vous me permettrez de répondre à votre question.
Vous nous interrogez sur le climat économique. Comme vous l'avez relevé, l'environnement international, et ce n'est une nouvelle pour personne, est incertain, qu'il s'agisse du renchérissement du prix des matières premières ou du climat des marchés financiers, notamment avec les conséquences de la crise des subprimes.
Pour autant, il faut également analyser la situation au niveau de la zone euro, et plus particulièrement de notre pays. S'agissant de la zone euro, les fondamentaux sont beaucoup plus sains puisque les prévisions de croissance de l'OCDE sont, pour les deux premiers trimestres, respectivement de 0,5 % et de 0,4 % pour la zone euro, contre 0 % et 0,1 % aux États-Unis.
S'agissant de la France, la situation économique est encore plus positive, notamment à la suite des réformes qui ont été engagées sous la conduite du Premier ministre.
Prenons des chiffres, monsieur le sénateur.
Tout d'abord, la consommation est restée dynamique en février, avec une hausse de 1,2 %.
M. Jacques Mahéas. Ce sont les prix qui ont augmenté, ce n'est pas la consommation !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Ensuite, les chiffres de la production industrielle sont également en hausse de 1,2 % au mois de février.
Enfin, et nous l'avons mentionné en début de séance, les chiffres de l'emploi restent également orientés de manière favorable.
Par conséquent, monsieur le sénateur, les fondamentaux de notre économie nous incitent à adopter une vision de la réalité un peu moins manichéenne que celle qui a été la vôtre.
L'objectif du Gouvernement est précisément de maintenir une position équilibrée, prenant en compte un climat international qui nous incite à la prudence - sur ce point, vous avez raison -, mais également le fait que l'économie française reste bien orientée.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a prévu un taux de croissance pour 2008 compris entre 1,7 % et 2 %, ce qui est parfaitement conforme aux évaluations de l'OCDE, de l'INSEE et de la Commission européenne.
Pardonnez-moi, monsieur le sénateur, mais voilà un an que vous prédisez l'Apocalypse ! Or l'objet de la politique, c'est non pas de prédire le pire, mais d'agir pour le mieux ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. - Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
situation au tibet
M. le président. La parole est à M. Jean-François Humbert. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-François Humbert. Je souhaite à mon tour interroger le Gouvernement sur ce pays en danger qu'est le Tibet. C'est la raison pour laquelle ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme.
Le 10 mars dernier, à l'occasion du quarante-neuvième anniversaire du soulèvement de Lhassa, le dalaï-lama a dénoncé la « répression continuelle », et « le génocide culturel » infligés aux Tibétains par les forces de sécurité du régime chinois.
Depuis plusieurs jours, de nombreuses voix s'élèvent en France, en Europe et dans le monde pour dénoncer les exactions et les violences commises au Tibet.
Si la situation s'aggrave, elle ne nous est pas inconnue. Avec le groupe d'information internationale sur le Tibet, présidé par notre collègue Louis de Broissia et rassemblant une cinquantaine de sénateurs issus de tous les groupes politiques de la Haute Assemblée, nous avons tiré la sonnette d'alarme après que nous nous fûmes rendus à Dharamsala, en Inde, à la rencontre des réfugiés tibétains, à Pékin et à Lhassa.
Nous n'avons donc pas attendu le relais, au demeurant fort appréciable des médias nationaux et internationaux, qui dénoncent les événements actuels au Tibet, à l'approche des jeux Olympiques.
D'ailleurs, il y a fort à craindre qu'une fois ces jeux terminés le problème du Tibet en République populaire de Chine ne passionne plus personne, si ce n'est le groupe d'information du Sénat.
Alors, madame la secrétaire d'État, outre la polémique sur un éventuel boycott des cérémonies d'ouverture et de clôture des jeux Olympiques, action médiatique, mais qui ne réglera pas durablement la situation, quelle est la position du Gouvernement ? Vous avez commencé à répondre à mon collègue Thierry Repentin.
Je souhaiterais savoir quelle est notre marge de manoeuvre pour que la République populaire de Chine rétablisse un dialogue constructif avec le dalaï-lama et qu'une solution géopolitique viable puisse être envisagée, les droits de l'homme ne devant pas être une préoccupation ponctuelle uniquement liée au calendrier olympique.
Par ailleurs, au mois de juillet, nous allons assumer la présidence de l'Union européenne. N'avons-nous pas la responsabilité d'entraîner nos partenaires européens vers une position commune, ferme et constructive ?
Enfin, je m'interroge à titre personnel. Quel sera le poids sur nos consciences de notre incapacité à aider un peuple non-violent ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme. Monsieur le sénateur, la France a réagi dès le début des événements du Tibet.
Le 14 mars, Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, a condamné les exactions à Lhassa et réclamé l'arrêt immédiat des violences. Il a demandé que les manifestants arrêtés soient relâchés et que les droits de l'homme soient respectés. Ce message a été immédiatement relayé à Pékin et auprès de l'ambassade de Chine à Paris.
Pour ma part, j'ai exprimé l'émotion de la France. J'ai appelé au dialogue entre les autorités chinoises et le dalaï-lama, indiqué que la France était disposée à jouer un rôle d'intermédiaire dans ce dialogue indispensable et, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, je me suis déclarée prête à rencontrer le dalaï-lama.
Le Président de la République a adressé un message à son homologue chinois pour lui faire part de sa profonde émotion et demander l'arrêt des violences. Il a confirmé notre disponibilité pour faciliter la reprise du dialogue, afin que tous les Tibétains soient en mesure de vivre pleinement leur identité spirituelle et culturelle. Interrogé sur un boycott de la cérémonie d'ouverture, il a souligné que toutes les options étaient ouvertes ; je crois que c'est un message fort.
Nous allons maintenir la pression. À cette fin, et sans attendre la présidence française de l'Union européenne - les ministres des affaires étrangères l'évoqueront demain, comme je l'ai dit -, nous souhaitons que l'Union réagisse de façon ferme et constructive, qu'elle pèse en faveur du dialogue. Il est important que nous ayons une position unique. (M. David Assouline s'exclame.)
Au-delà de la crise actuelle et des jeux Olympiques, nous veillerons à ce que la question du Tibet reste, comme vous le demandez, en haut de l'agenda bilatéral et européen. Soyez certains que j'aurai à coeur d'être à vos côtés, dans le futur, pour accompagner cette longue et douloureuse marche dans laquelle le Tibet s'est engagé. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)