M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je réitère l'avis favorable de la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Si la commission était favorable à cette mesure, il est vrai que le Gouvernement se posait des questions à son sujet. Or, aujourd'hui, la précision apportée par M. Lambert, qui est de taille, permet au Gouvernement d'émettre un avis favorable sur cet amendement et de lever le gage.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 101 rectifié.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances rectificative, après l'article 19 bis.
L'amendement n° 102, présenté par M. Lambert, est ainsi libellé :
Après l'article 19 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Au f de l'article 787 B du code général des impôts, après les mots :
« En cas de non-respect de la condition prévue au c par suite de l'apport »
insérer les mots :
« à titre pur et simple ou en cas d'apport mixte ».
II. Les pertes de recettes pour l'État résultant du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Alain Lambert.
M. Alain Lambert. Le Sénat a adopté tout à l'heure un article portant sur la neutralité fiscale en matière d'apport de société. En effet, la démographie des chefs d'entreprise est aujourd'hui telle qu'elle justifie que nous nous occupions de favoriser la transmission d'entreprises.
Cet amendement a trait - M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur général connaissent ces sujets par coeur -, aux apports mixtes, c'est-à-dire rémunérés, pour partie, par l'attribution de biens sociaux et, pour le surplus, par la prise en charge d'un passif qui incombe à l'apporteur.
Par conséquent, il convient de favoriser la transmission d'entreprises familiales, tant il est vrai que, bien souvent, l'entreprise familiale est le seul bien, le seul actif, de la famille. Lorsqu'il s'agit de répartir les biens de la famille entre les enfants, il faut naturellement que l'enfant repreneur soit en mesure de verser une soulte aux autres enfants afin qu'ils recueillent leur part de la succession.
Or l'on voit bien que, pour rembourser ces soultes ou ces emprunts, l'entreprise doit elle-même générer des ressources, des dividendes, qui sont soumis à l'impôt, ce qui aboutit à un affaiblissement des moyens, des fonds propres dont elle a besoin pour se développer. C'est là un problème que nous rencontrons tous dans nos départements.
Dès lors, pour éviter cette déperdition financière, ne serait-il pas possible de transférer ce genre de titres à une société holding, avec prise en charge par cette dernière du montant de l'emprunt en recourant au régime des sociétés mère-fille. La société holding pourrait alors rembourser l'emprunt avec des dividendes qui n'auraient pas à supporter l'impôt, à l'exception de la quote-part des frais et charges.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il semble avéré que ce type d'apport favorisant la transmission en donation-partage d'une entreprise familiale qui constitue le principal actif de l'apporteur représente un montage favorable à la continuité de l'activité, et c'est à partir de cet argument qu'il convient d'examiner le dispositif.
Celui-ci consiste à faire payer par l'entreprise la soulte versée aux codonataires. Tout en n'étant pas en mesure d'approfondir plus avant la proposition formulée par notre collègue Alain Lambert, je dirai simplement qu'elle me paraît présenter un réel intérêt économique et qu'elle semble de nature à faciliter des passages de relais d'une génération à l'autre de manière harmonieuse, tout en préservant l'outil économique.
Cela étant dit, compte tenu de la complexité des situations que l'on est susceptible de rencontrer en ce domaine, la commission souhaite connaître la position du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur le sénateur, vous justifiez votre proposition par le souci de limiter le coût fiscal des transmissions d'entreprises en faisant payer par l'entreprise, d'une certaine façon, une partie du coût de la transmission.
À cet égard, je vous rappelle que le dispositif auquel vous faites référence permet d'ores et déjà d'exonérer, à concurrence de 75 %, les transmissions.
Votre proposition ne conduit pas à limiter le coût de la transmission, mais modifie le mode de prélèvement et de taxation des dividendes prélevés pour le paiement de la soulte. Elle aboutit ainsi à compléter l'exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit par un allégement substantiel de l'impôt sur le revenu du repreneur.
En effet, en matière d'impôt sur le revenu, ce montage permet à l'héritier repreneur de s'affranchir de sa dette en cédant une partie de ses titres en franchise d'impôt et de prélèvements sociaux.
Un tel montage n'a donc d'intérêt que pour l'héritier repreneur et non pas pour la pérennité de l'entreprise, puisque les dividendes ne seront pas taxés entre ses mains, mais au niveau de la société holding qui bénéficie du régime. Les intérêts d'emprunt seront déductibles du résultat de la société holding, alors qu'ils ne le seraient pas des revenus perçus par l'héritier repreneur et imposables en son nom à l'impôt sur le revenu.
Vous comprendrez donc, monsieur le sénateur, que j'éprouve quelques difficultés à accepter un tel schéma qui permet à une personne physique de bénéficier de revenus en franchise d'impôts. C'est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Lambert ?
M. Alain Lambert. Je vais bien sûr le retirer, monsieur le président. Toutefois, je suis sûr qu'avant quatre ou cinq ans nous ferons beaucoup mieux, au moment où sauver des entreprises en favorisant leur transmission deviendra un impératif national absolu. La disposition que j'ai proposée était plutôt soft, mais nous parviendrons sans aucun doute à l'exonération totale, mesure qui est attendue.
M. le président. L'amendement n° 102 est retiré.
L'amendement n° 99, présenté par M. Lambert, est ainsi libellé :
Après l'article 19 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après le h de l'article 787 B du code général des impôts, il est inséré un i ainsi rédigé :
« i. en cas de non-respect de la condition prévue au c par suite d'une donation, l'exonération partielle accordée au titre de la mutation à titre gratuit n'est pas remise en cause, à condition que le ou les donataires soient le ou les descendants du donateur et que le ou les donataires poursuivent l'engagement prévu au c jusqu'à son terme. »
II. - Après le c de l'article 787 C du même code, il est inséré un d ainsi rédigé :
« d. en cas de non-respect de la condition prévue au b par suite d'une donation, l'exonération partielle accordée au titre de la mutation à titre gratuit n'est pas remise en cause, à condition que le ou les donataires soient le ou les descendants du donateur et que le ou les donataires poursuivent l'engagement prévu au b jusqu'à son terme. »
III. - La perte de recettes résultant pour l'État des dispositions des I et II est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Alain Lambert.
M. Alain Lambert. Il s'agit toujours de la transmission des entreprises aux jeunes générations.
Cet amendement vise précisément à permettre au conjoint survivant, lorsqu'il veut les transmettre à ses enfants, de céder les titres qu'il a reçus de son époux prédécédé - nous avons évoqué ce point l'autre jour lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2008 -, sans que soit remise en cause l'exonération partielle des droits de mutation, dès lors que les enfants poursuivent l'engagement individuel qui avait été pris par le conjoint survivant jusqu'à son terme.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission est favorable à cet amendement qui vise à assouplir les contraintes pesant sur l'engagement individuel de conservation.
Nous avons effectivement déjà abordé cette question lors de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2008.
L'assouplissement qui est ici sollicité ne concerne plus que les donations en ligne directe, ce qui est conforme à la logique des dispositions existantes du code général des impôts visant à faciliter la transmission des entreprises dans un cadre familial.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur le sénateur, j'avais souhaité que la proposition que vous aviez faite lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2008 soit soumise à une expertise.
Celle-ci ayant eu lieu, je puis vous indiquer que le Gouvernement est favorable à votre proposition, compte tenu de la précision que vous avez bien voulu apporter, puisqu'elle concerne désormais un cercle familial restreint. Bien entendu, je lève le gage.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 99 rectifié.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances rectificative, après l'article 19 bis.
L'amendement n° 97, présenté par M. Lambert, est ainsi libellé :
Après l'article 19 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après l'article 791 bis du code général des impôts, il est inséré un article 791 ter ainsi rédigé :
« Art. 791 ter. - En cas de donation en ligne directe de biens antérieurement transmis à un premier donataire en ligne directe et ayant fait retour au donateur en application des dispositions des articles 738-2, 951 et 952 du code civil, les droits acquittés lors de la première donation sont imputés sur les droits dus lors de la seconde donation. La nouvelle donation doit intervenir dans les cinq ans du retour des biens dans le patrimoine du donateur. »
II. - La perte de recettes résultant pour l'État est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Alain Lambert.
M. Alain Lambert. Je vais devoir évoquer en cet instant une situation bien triste. Des parents qui ont donné des biens à leurs enfants voient parfois, au titre du retour conventionnel ou du retour légal, revenir ces biens dans leur patrimoine, naturellement en franchise de droits.
Il convient de rappeler que ces biens ont naturellement fait l'objet, au moment de la première donation, d'un paiement de droits.
Aussi, lors d'une seconde transmission, il est juste, me semble-t-il, que ces mêmes biens ne soient pas soumis au paiement de droits supplémentaires. En d'autres termes, il s'agit de faire en sorte, en cas de nouvelle donation, que les droits de mutation à titre gratuit ne soient pas perçus une seconde fois.
En effet, en cas de décès accidentel du premier donataire, le coût fiscal résultant de cette double taxation serait dommageable à la pérennité de l'entreprise.
Par conséquent, la mesure proposée permet d'imputer la totalité des droits initialement payés sur la première donation sur les droits dus à la seconde donation, lorsque celle-ci intervient dans un délai de cinq ans - puisqu'il faut bien fixer un délai -, et ce afin de faciliter la transmission anticipée du patrimoine.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission est tout à fait favorable à cet amendement qui évite un « frottement fiscal », en d'autres termes une double taxation dans des situations qui, comme l'a souligné Alain Lambert, peuvent être extrêmement douloureuses, notamment en cas de décès d'un enfant à qui des parents ont consenti une donation.
Dans un tel cas de figure, les biens dont l'enfant décédé était attributaire retournent au patrimoine de ses parents, et la double taxation pourrait évidemment être considérée comme tout à fait inique.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement est également favorable à cet amendement visant à éviter une sorte de double taxation à un moment particulièrement difficile pour les intéressés. Bien entendu, je lève le gage.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 97 rectifié.
La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. Je souhaiterais simplement obtenir une précision : je trouve cet amendement très bien, ce qui n'étonnera pas Alain Lambert. Mais il est évident que, si les droits résultant de la seconde opération sont supérieurs à ceux découlant de la première, il ne doit pas y avoir restitution de la part de l'État. Cela, me semble-t-il, va de soi, mais, étant donné que ce n'est pas précisé dans le texte, je tenais à soulever ce point.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. À partir du moment où nous disons que les droits acquittés lors de la première acquisition sont imputés sur les droits dus lors de la seconde donation, cela signifie qu'il n'y a pas de restitution.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances rectificative, après l'article 19 bis.
Article 20 (réserve)
I. - Le c du 1 du 7 de l'article 257 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« dans des conditions fixées par décret, de logements neufs, destinés à être affectés à l'habitation principale de personnes physiques qui acquièrent le terrain ou la nue-propriété de manière différée, si ces personnes accèdent pour la première fois à la propriété au sens du I de l'article 244 quater J, si elles bénéficient d'une aide à l'accession sociale à la propriété attribuée par une ou plusieurs collectivités territoriales ou un groupement de collectivités territoriales du lieu d'implantation du logement et si la somme des revenus fiscaux de référence, au sens du 1 du IV de l'article 1417, des personnes destinées à occuper ce logement ne dépasse pas les plafonds de ressources prévus pour les titulaires de contrats de location-accession mentionnés au dixième alinéa du présent c. »
II. - L'article 278 sexies du même code est ainsi modifié :
1° Dans le 2, le mot : « quatorzième » est remplacé par le mot : « quinzième » ;
2° Après le 3 septies, il est inséré un 3 octies ainsi rédigé :
« 3 octies. Les ventes de terrains à bâtir, d'immeubles, de leur terrain d'assiette, de droit au bail à construction et de droits immobiliers démembrés, en vue de l'acquisition de logements neufs à titre de première résidence principale dans le cadre d'une opération d'accession à la propriété assortie d'une acquisition différée du terrain ou de la nue-propriété, dans les conditions mentionnées au quinzième alinéa du c du 1 du 7 de l'article 257 ; ».
III. - Le II de l'article 284 du même code est ainsi modifié :
1° Dans la première phrase, après les mots : « s'est fait apporter », sont insérés les mots : « des terrains à bâtir, », après les mots : « des logements », sont insérés les mots : «, leur terrain d'assiette, le droit au bail à construction, » et, après la référence : « 3 septies, », est insérée la référence : « 3 octies, » ;
2° La troisième phrase est complétée par les mots : « ou de terrains à bâtir, d'immeubles, de leur terrain d'assiette, du droit au bail à construction ainsi que de droits immobiliers démembrés dans le cadre d'une opération d'accession à la propriété assortie d'une acquisition différée du terrain ou de la nue-propriété, pour les logements neufs mentionnés au quinzième alinéa du c du 1 du 7° de l'article 257 ».
IV. - L'article 1384 A du même code est complété par un IV ainsi rédigé :
« IV. - 1. Les constructions de logements neufs affectés à l'habitation principale réalisées dans le cadre d'une opération d'accession à la propriété assortie d'une acquisition différée du terrain ou de la nue-propriété dans les conditions fixées au quinzième alinéa du c du 1 du 7° de l'article 257, sont exonérées de taxe foncière sur les propriétés bâties pendant une durée de quinze ans à compter de l'année suivant celle de leur achèvement.
« 2. L'exonération est maintenue, pour la durée restant à courir, lorsque l'accédant à la propriété acquiert le terrain ou la nue-propriété du logement, le cas échéant jusqu'à la date de cession du logement.
« L'exonération est également maintenue, pour la durée restant à courir, lorsque le logement fait à nouveau l'objet d'une opération d'accession à la propriété assortie d'une acquisition différée du terrain ou de la nue-propriété dans les conditions fixées au quinzième alinéa du c du 1 du 7° de l'article 257.
« 3. Pour bénéficier de cette exonération, le propriétaire doit déposer une déclaration dans des conditions fixées par décret.
« 4. Lorsqu'une construction remplit simultanément les conditions pour être exonérée de taxe foncière sur les propriétés bâties au titre du III et du présent IV, seule l'exonération prévue au III est applicable. »
V. - Dans le dernier alinéa de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales, après la référence : « 3 ter, », est insérée la référence : « 3 octies, ».
VI. - Les I, II, III et V sont applicables aux opérations engagées à compter du 1er janvier 2008. Le IV s'applique aux constructions achevées à compter de la même date.
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'article 20 traite d'une forme particulière d'accession à la propriété.
Il s'agit des opérations réalisées dans le cadre de ce que l'on appelle un « Pass-Foncier » - expression un peu étonnante, certes, mais qui a le mérite d'être pratique - individuel ou collectif.
Cette formule, inventée par les collecteurs du 1 % logement et par la Caisse des dépôts et consignations, est en vigueur depuis le 1er janvier 2007. Son principe est de dissocier le bâti du foncier pour permettre à des personnes très modestes d'accéder à la propriété.
Au cours des débats à l'Assemblée nationale, différentes critiques ont été émises sur ce dispositif.
Ainsi la complexité du montage juridique pour l'accession dans des immeubles collectifs a-t-elle été très souvent dénoncée. Ont aussi été soulignés les risques pour l'accédant et sa famille, en cas de problème familial ou financier ; il est en effet impossible d'obtenir une hypothèque sur un usufruit sans être également propriétaire du foncier. A également été rappelée l'absence de valeur du marché de l'usufruit ; or, dans le cas des copropriétés verticales, un partage existe entre nue-propriété et usufruit. Le coût global élevé du « Pass-Foncier » a encore été mis en avant ; il faut concevoir un portage de la charge foncière par un collecteur ou par la Caisse des dépôts et consignations, sinon par les deux ensemble.
Par ailleurs, alors qu'existe déjà une obligation d'aide des collectivités territoriales, l'article 20 prévoit d'ajouter des aides fiscales. De nombreux députés ont clairement affirmé leur préférence pour une solution plus simple et guère plus coûteuse consistant à compléter le prêt à taux zéro actuel par un prêt complémentaire foncier assorti d'un différé de remboursement. Enfin, notre collègue député Pierre Méhaignerie, grand expert de ces questions, a souligné le nombre très faible des « Pass-Foncier » accordés en 2007 - sans doute moins de cent, monsieur le ministre, alors que l'objectif proclamé était d'en réaliser vingt mille par an.
À ces arguments, le Gouvernement a répondu, d'une part, que le seul risque du dispositif était qu'il ne fonctionne pas, d'autre part, qu'il faudrait procéder à une évaluation dans deux ou trois ans pour lui apporter d'éventuelles modifications.
À dire vrai, dans l'avenant à la convention conclue avec le 1 % logement et la Caisse des dépôts et consignations, le 27 septembre 2007, l'État s'est engagé à accorder deux avantages fiscaux : l'application de la TVA à 5,5 % et une exonération de taxe foncière. J'ai le sentiment que le Gouvernement s'est engagé pour le Parlement, au moment où le projet de loi de finances rectificative se trouvait en cours de confection, mais n'avait pas encore été approuvé en conseil des ministres. Le Parlement peut considérer que l'on a préjugé de son accord.
Ces incitations fiscales, qui n'ont pas été estimées par le Gouvernement - je ne détiens aucune évaluation budgétaire -, peuvent sans doute donner un nouvel élan au dispositif, mais elles ne lèvent pas les interrogations sur la solidité du montage juridique proposé à des personnes qui, par nature, sont dans une situation financière extrêmement fragile.
Monsieur le ministre, pour compléter cette présentation argumentée de l'amendement de suppression déposé par la commission des finances, je veux préciser que nous apprécions tous les efforts qui ont été déployés, en particulier par l'Union d'économie sociale pour le logement, l'UESL, pour trouver des formules imaginatives en vue d'accroître le nombre d'accédants à la propriété et de favoriser la construction en accession à la propriété. Pour autant, le dispositif actuel appelle deux réserves.
En premier lieu, conçu initialement sans avantage fiscal, ce dispositif devait concerner vingt mille logements par an. Un an après sa mise en place, la nécessité d'un avantage fiscal se fait jour. Il ne semble donc pas que les effets de la mesure aient été correctement évalués à l'origine.
En second lieu, la Caisse des dépôts et consignations, pour une bonne part, et l'UESL ont pratiqué une ingénierie financière et juridique tout à fait digne d'éloge. Néanmoins, comment expliquer à une personne très modeste qui accède à la propriété en acquérant un appartement dans un immeuble collectif qu'une dissociation entre la nue-propriété et l'usufruit est prévue et que ce système transitoire complexe durera très longtemps, jusqu'au dénouement du prêt complémentaire destiné à financer l'équivalent de la charge foncière afférant à l'appartement ? Les modalités de ce dispositif semblent donc d'une excessive complexité, voire, de ce point de vue, presque dissuasives.
En vertu de l'ensemble de ces éléments, après avoir entendu les arguments échangés à l'Assemblée nationale et mené une large réflexion sur le sujet, la commission des finances a décidé de présenter un amendement de suppression du présent article.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur le rapporteur général, pour une fois - cela arrive de temps à autre ! -, le Gouvernement n'est pas d'accord avec la commission des finances. Cela ne vous étonnera guère puisque vous proposez de supprimer un article qui, aux yeux du Gouvernement, a beaucoup d'importance.
Il est vrai que le « Pass-Foncier », tel qu'il a été conçu à ce jour, c'est-à-dire sans avantage fiscal, ne fonctionne pas très bien. Vous en avez dressé le bilan, monsieur le rapporteur général, à la suite de l'Assemblée nationale.
Nous proposons donc de « doper » ce « Pass-Foncier » par des avantages fiscaux concernant la TVA et la taxe foncière. Il faut en revenir à la finalité du dispositif : je rappelle qu'il a été créé pour permettre aux ménages modestes de devenir primo-accédants, en distinguant la propriété du foncier de celle du bâtiment lui-même.
Tout cela se fait avec l'intervention du 1 % logement, pour tout ce qui concerne le hors fiscal, mais aussi avec l'aide des associations départementales d'information sur le logement, les ADIL. Ce dispositif est très élaboré et vise à répondre à un seul et simple objectif, permettre aux ménages modestes d'accéder à la propriété en gommant de la façon la moins risquée possible le coût du foncier, lequel, compte tenu de la rareté de l'offre, se révèle extrêmement dissuasif.
L'Assemblée nationale juge le dispositif compliqué et coûteux. Je n'ai rien à opposer à cet argument. Par essence, le dispositif est complexe. Il n'est pas simple de séparer le foncier de la construction : c'est le montage qui le veut !
Il n'est pas simple non plus de distinguer les maisons des appartements dans des immeubles collectifs : cela nécessite un montage juridique spécifique, qui sera sécurisé.
Au demeurant, ce dispositif, élaboré avec les acteurs du 1 % logement et en partenariat, est bien conçu.
La réponse que j'ai apportée à l'Assemblée nationale vaut pour le Sénat : il convient de laisser à cette mesure le temps de se mettre en place ; il ne sert à rien de la supprimer brutalement sous prétexte qu'elle est trop compliquée. Le Gouvernement tente de la rendre plus incitative, afin qu'elle puisse prendre toute sa place dans le marché immobilier français et qu'elle permette notamment à de jeunes ménages primo-accédants de concrétiser leurs projets.
En outre, cette mesure coûte quelque 20 millions d'euros. Je serai le dernier à prétendre qu'une telle somme ne représente rien. Mais, si le dispositif se révèle un échec, le Gouvernement économisera 20 millions d'euros et le dispositif mourra de sa belle mort. En revanche, s'il connaît un succès, il permettra d'atteindre l'objectif que partage l'ensemble de la majorité ; permettre à des ménages modestes de devenir primo-accédants a été au coeur de la campagne du Président de la République.
Un dispositif existe, porté par le ministère du logement et de la ville qui croit en sa pertinence et qui s'est concerté avec le 1 % logement. Laissez ce dispositif se déployer : s'il se révèle inefficace, nous le supprimerons !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le ministre, la commission des finances ne propose pas de supprimer le dispositif. Elle souhaite simplement ne pas lui attacher d'avantage fiscal.
Après vous avoir écouté et afin de préparer la décision de nos collègues, voire celle de la commission mixte paritaire, je souhaite vous interroger sur trois points.
Premièrement, l'article 20 prévoit un régime d'exonération permanent. Accepteriez-vous que ce régime d'exonération ait une durée limitée à deux ans ?
Deuxièmement, ce régime d'exonération vise à la fois un impôt d'État, la TVA, et un impôt local, la taxe foncière. Seriez-vous prêt à ne faire peser l'avantage fiscal que sur la TVA ?
Troisièmement, le dispositif porte à la fois sur la construction individuelle et sur la copropriété verticale.
Dans le cas de l'acquisition d'une propriété individuelle, le système de portage du terrain par un organisme financier se conçoit assez bien, le terrain correspondant à une réalité physique. En revanche, s'agissant de l'acquisition d'un logement en immeuble collectif, le montage se révèle beaucoup plus compliqué dans son principe. En raison des difficultés liées au statut de la copropriété, la structure porteuse doit se porter acquéreur de la nue-propriété du lot de copropriété, l'accédant, quant à lui, acquérant l'usufruit et bénéficiant d'une option d'achat sur la nue-propriété à l'issue de la période de portage.
Envisage-t-on d'expliquer cela clairement à une personne de condition modeste, dont on veut faciliter l'accession à la propriété ? Dès lors, monsieur le ministre, le Gouvernement accepterait-il de réduire le dispositif d'exonération aux seuls lotissements composés de maisons individuelles ?
Le compromis auquel adhérerait la commission des finances peut donc se résumer ainsi : un régime temporaire de deux ans, portant exclusivement sur la TVA et ne concernant que les maisons individuelles.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement va tenter de négocier en direct avec la commission des finances ! (Sourires.)
Monsieur le rapporteur général, vous proposez d'instaurer un régime transitoire ou provisoire, une sorte de niche à durée déterminée...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Voilà !
M. Éric Woerth, ministre.... pour employer des termes que vous aimez bien, tout comme moi, d'ailleurs. Sauf si des impératifs de nature technique s'y opposaient, je ne serais pas défavorable au fait d'expérimenter ce régime pendant deux ans.
De la même façon, j'accepte que ne soit conservé que le principe d'une TVA à taux réduit, car c'est l'aspect le plus important et le plus dynamique.
En revanche, je suis plus réservé sur l'idée de limiter le dispositif aux seules constructions individuelles. J'ai bien entendu votre remarque, monsieur le rapporteur général, mais tout le monde n'est pas capable de s'offrir un pavillon avec un jardin !
M. Gérard Longuet. Oui ! M. le ministre a raison !
M. Éric Woerth, ministre. Il existe, en milieu urbain, de nombreux immeubles dans lesquels il faut tenter de favoriser l'accession à la propriété.
Je reconnais que la nue-propriété est une notion complexe et, sur ce point, je suis d'accord avec vous : tout le monde ne pourra probablement pas l'expliquer, mais c'est le rôle des ADIL.
Pardonnez-moi de me répéter, mais le risque est à peu près nul. Si le dispositif se révèle inefficace et est un échec, tant pis ! Nous le regretterons et nous proposerons alors une nouvelle mesure.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Sans doute le débat devrait-il s'élargir afin que chacun puisse apporter sa contribution. Toujours est-il que je remercie vivement M. le ministre d'avoir saisi la balle au bond et de nourrir la réflexion sur ce sujet. Nous pouvons tout à fait trouver un terrain d'entente.
Cela dit, je ne pense pas que nous soyons capables, en cet instant, de rédiger le texte adéquat. Il me semble préférable d'arrêter dès maintenant l'examen de l'amendement et donc celui de l'article 20, pour les reprendre plus tard, lorsqu'il nous sera possible de présenter au Sénat une rédaction qui convienne.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est sûrement la meilleure méthode !
M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard.
M. Yann Gaillard. Je ne pense pas qu'il faille sous-estimer la faculté de compréhension de nos concitoyens. J'ai toujours observé que, lorsque des questions d'intérêt étaient en cause, les personnes concernées étaient d'une subtilité extraordinaire ! (Sourires.) De ce point de vue, je trouve M. le rapporteur général un peu pessimiste.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le président, compte tenu de l'engagement que nous avons pris d'examiner en priorité ce soir les articles que Mme Lagarde viendra soutenir à vos côtés, monsieur le ministre, je suggère que nous réservions la suite de l'examen de l'article 20 jusqu'à la reprise de nos débats demain après-midi.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
M. le président. La réserve est de droit.