M. Daniel Raoul. Encore !
M. Michel Houel. Au final, cette dernière réforme n'a fait que compliquer davantage la négociation, en créant beaucoup trop d'insécurité juridique pour les entreprises.
Ce projet de loi ne constitue que la première étape d'une réforme de plus grande ampleur. Toutefois, la négociabilité des tarifs et des conditions générales de vente représente un enjeu important. Il faut réfléchir, dès à présent, aux mesures d'accompagnement de cette réforme concernant le petit commerce et les PME.
M. Gérard Cornu, rapporteur. Très bien !
M. Michel Houel. Bien entendu, je voterai pour l'adoption de ce projet de loi équilibré, qui répond aux attentes des consommateurs, en s'attaquant aux causes de la vie chère, et qui a trait à ce qui représente une priorité majeure pour nos concitoyens, à savoir le pouvoir d'achat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, comme l'a souligné notre rapporteur, Gérard Cornu, le projet de loi qui nous est présenté est un texte intermédiaire. Il sert à occuper le terrain, tout comme les lois sur les chiens dangereux ou les manèges qui n'auraient dû être que des mesures réglementaires.
Le Gouvernement veut en réalité reporter au printemps la véritable refonte des lois concernées. Si l'on regarde le calendrier, on peut deviner à quelle date les vrais projets de fond nous seront présentés. Devant l'échec des lois Galland et Dutreil, on nous soumet un texte qui a simplement comme vertu de calmer les acteurs intéressés en leur assurant une sorte de statu quo.
Prenons l'exemple de l'Union professionnelle artisanale, qui était vent debout contre le projet. Comme elle a changé d'attitude et baissé de ton ! On peut sérieusement se demander ce qu'elle a pu négocier entre-temps...
La politique menée et les mesures prises pour limiter la prolifération de la grande distribution sont un échec. La loi Dutreil, pourtant considérée à l'époque par son rapporteur comme le « fin du fin », n'a pas eu les effets annoncés.
Les gouvernements ont fait adopter de nombreuses lois : la loi Royer en 1973, la loi Raffarin en 1996, la loi Galland en 1996, la loi Dutreil en 2005. Et voilà maintenant la loi Chatel ! Ce bricolage permanent n'a rien stabilisé. Les arguments avancés contre chacune de ces lois par les parlementaires socialistes sont toujours rejetés, mais ils se révèlent finalement justes dans les années qui suivent. Quand pourrons-nous enfin vous croire ? Combien de temps encore resterez-vous sourds ?
Ces lois ont eu pour conséquence de faire disparaître les commerces viables des quartiers urbains et des bourgs-centres des communes rurales. Les grands groupes - la grande distribution, mais aussi les industriels, en particulier de l'agro-alimentaire - se partagent le gâteau, et les PME du secteur sont étranglées.
Le Président de la République affirme que la réforme qu'il avait engagée lorsqu'il était ministre des finances doit être menée à bien. On voit aujourd'hui que ce texte confus ne réglera rien et que la vraie réforme est reportée au printemps.
Mais, surtout, le pouvoir d'achat des consommateurs est en panne. Les prix restent élevés alors qu'il y a une concentration de la distribution. La politique salariale de la grande distribution est drastique. Les marges sont faites sur le personnel, sur les petits fournisseurs et sur les produits importés des pays à faibles coûts salariaux, comme cela a été relevé par plusieurs intervenants. En fait, il y a surtout accord entre grands industriels et grande distribution.
Quel est alors l'intérêt de ce débat et de ce projet de loi ? Un seul des amendements déposés par notre groupe a été retenu par la commission. Le vrai débat est reporté, mais on ne sait ni à quelle date ni avec quels objectifs.
S'agissant des dispositions portant sur les fournisseurs de téléphonie et de produits en ligne ainsi que sur les services bancaires, il y avait sans doute bien mieux à faire et les mesures qui nous sont proposées auraient pu relever de dispositions réglementaires.
Le problème est l'absence d'une véritable politique des revenus pour garantir le pouvoir d'achat des ménages.
Nous devons nous demander quel type de société nous voulons en termes d'aménagement du territoire, de qualité sanitaire, de mode de vie : désirons-nous réellement travailler plus et faire du dimanche une journée de visite des rayons de la grande distribution pour des familles favorisées, qui, elles, conserveront une journée commune de rassemblement familial ?
Vous comprendrez donc, mes chers collègues, que je ne puisse que m'associer à la motion, déposée par Mme Odette Terrade, tendant à opposer la question préalable.
Ce texte intermédiaire relève plus d'une politique de communication que d'une politique de la consommation, qui aurait, elle, mérité une véritable loi d'orientation, comme l'a souligné notre collègue Bernard Dussaut.
Malgré le travail important et remarquable accompli par notre rapporteur, qui, pour la première fois, nous a associés aux auditions, je continue à penser que l'énergie qu'il a déployée relève plutôt de la méthode Coué pour s'auto-persuader du bien-fondé de ce texte, car je ne saurais sous-estimer ses capacités d'analyse et de lucidité ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Éric Doligé.
M. Éric Doligé. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le Président de la République a annoncé le 29 novembre 2007 diverses mesures en faveur du pouvoir d'achat. Avec le titre II de ce projet de loi de développement de la concurrence au service des consommateurs, nous faisons une première incursion au coeur de cette problématique.
Comment répondre de manière équilibrée à la juste attente concernant la revalorisation du pouvoir d'achat ? Le Président de la République a dit vouloir « aller très loin sur la négociabilité dans les relations entre distributeurs et producteurs ».
Dans ma courte intervention, je m'interrogerai sur la réponse qu'apporte ce projet de loi à la « commande » du Président de la République. Je n'aborderai pas les deux autres grands thèmes - les communications électroniques et le secteur bancaire -, et encore moins l'ouverture des magasins le dimanche, qui va, comme le pense M. le rapporteur, s'inviter dans ce débat. Si les deux sujets que j'ai cités plus haut sont très présents dans le texte, ils ont été mis en arrière-plan dans les travaux préparatoires.
Monsieur le secrétaire d'État, votre texte met-il en avant la nécessaire négociabilité entre distributeurs et producteurs ? À l'évidence non, nous n'y sommes pas encore : c'est un sujet qui inquiète, car il est vaste et a des conséquences multiples.
J'ai lu en détail le rapport de l'Assemblée nationale et le compte rendu des discussions qu'il relate. J'ai très clairement éprouvé le désagréable sentiment de pénétrer au coeur d'un mauvais scénario décrivant un véritable règlement de comptes avec la distribution, qui porterait tous les maux et serait la seule responsable des prix. Il est vrai que la distribution est très concentrée, avec ses six centrales d'achat, alors que la production est très éclatée, même si - ne l'oublions pas - elle comprend quelques majors mondiales.
J'ai pu lire dans le rapport de l'Assemblée nationale que « permettre aux distributeurs de négocier les prix avec leurs fournisseurs serait dangereux », et je n'oublie pas l'allusion très précise à de « fausses factures », accusation grave dans un rapport parlementaire, qui ne peut certainement pas contribuer à apaiser les esprits.
Je vous propose, mes chers collègues, de dépasser ces agressions ridicules et sans intérêt tant elles sont systématiques. Pour nous aider à être logiques, posons simplement le problème et cherchons à y apporter la bonne solution.
L'énoncé du problème pourrait être le suivant. Un consommateur souhaite acheter un produit dont le prix de vente est composé de deux éléments principaux : le coût de production et le coût de distribution. Ce consommateur espère bénéficier des conditions les plus favorables pour améliorer son pouvoir d'achat. Comment peut-il espérer y parvenir ? Schématiquement, trois solutions peuvent être retenues : faire baisser le coût de distribution, diminuer le coût de production ou abaisser les deux composantes du prix de vente. J'ai écarté du raisonnement les taxes et certains frais annexes.
Analysons chacune de ces solutions.
La première - baisser le coût de distribution - est, pour simplifier, celle qui est retenue dans le projet de loi. La marge dont nous disposons dans cette hypothèse est très faible puisque, malgré la loi de 2005, les distributeurs sont toujours encadrés dans certains aspects de la négociation et dans la constitution du prix de vente.
Nous trouverons peut-être une piste d'amélioration dans la suppression des marges arrière, même si elles sont, à mon avis, tout à fait acceptées par les parties, malgré des réactions apparentes, mais aussi dans la mise en place du « triple net ». Aujourd'hui, la marge brute de la grande distribution est comprise entre 2,5 % et 3,5 %, voire 4 %. Il ne faut pas s'attendre à trouver uniquement dans ces marges finales une amélioration significative du pouvoir d'achat. À titre d'exemple, si l'on prélève 50 % de la marge brute, cela ne représente au mieux que 0,2 % d'amélioration du pouvoir d'achat puisque les dépenses alimentaires ne constituent que 14 % des achats des consommateurs.
La deuxième hypothèse est de diminuer le coût de production. C'est là que se situe probablement la plus grande marge potentielle. Certains produits très ciblés produits par des grands groupes de taille mondiale risquent de connaître des hausses. Vous nous l'avez confirmé, monsieur le secrétaire d'État. Depuis quelques semaines, on entend parler de hausses insupportables, de l'ordre de 15 % à 20 %, pour certains produits majeurs qui pèsent lourd dans le panier de la ménagère.
Monsieur le secrétaire d'État, je vous ai écouté ce matin parler de ce que quelques-uns appellent des réformettes - il faut mettre l'emploi de ce terme au compte de la tension ambiante -, et affirmer votre conviction - que je partage - que le nouveau projet va permettre au distributeur d'abaisser de 15 % le prix de certains produits.
Mais, vous l'avez dit également, l'augmentation de 10 % du prix du lait ne peut avoir un impact supérieur à 2 % sur le prix du yaourt nature. Cherchez l'erreur ! Une analyse très fine de la production doit être menée, car il y a des marges de manoeuvre très importantes.
Nous devons par ailleurs être très attentifs à la protection de nos PME et de nos agriculteurs. Dans ce texte, des dispositions vont dans ce sens et j'en suis satisfait. Bien protéger les plus fragiles doit nous permettre d'être plus vigilants sur la grande production.
La troisième voie, qui paraît la plus logique, est de travailler sur les deux composantes - distributeurs et producteurs - et de combiner les efforts de ces deux secteurs.
Est-ce que le « triple net » est la bonne réponse ? Je m'interroge. Les comptes financiers de la douzaine d'entreprises majeures des deux secteurs dont nous connaissons les chiffres précis montrent que, d'un côté, nous avons six centrales d'achat qui dominent la distribution et contrôlent près de 86 % du marché, avec une marge brute de 2,5 % à 3,5 %, voire 4 %, et, de l'autre, cinq ou six multinationales qui contrôlent directement ou indirectement 81 % du marché du panier de la ménagère, hors marques de distributeurs. Ces entreprises atteignent des taux de rentabilité allant de 12 % à 18 %. Le Président de la République connaît très bien ces chiffres, ce qui explique sa demande d'aller loin dans la négociabilité.
Le sujet est complexe et les grandes réformes n'ont pas toujours permis d'atteindre le but recherché - je pense notamment à la loi Galland. Les PME et les agriculteurs ont besoin de protection face aux centrales d'achat et aux multinationales. C'est l'intérêt de toutes les parties, et les grandes entreprises le savent fort bien. Comme vous l'avez d'ailleurs souligné, monsieur le secrétaire d'État, les produits des PME et des agriculteurs sont de plus en plus présents dans les linéaires : le diable n'est pas forcément là où certains le voient !
J'ai pu trouver avec plaisir dans le rapport de Gérard Cornu des réflexions très intéressantes. Le rapporteur a raison de souligner que les liens qu'entretiennent la concurrence et la consommation sont fort complexes et qu'il faut réaliser des études d'impact et une large concertation préalable. J'ai cru comprendre, au travers des propos tenus ce matin, que les entretiens préalables à la discussion du texte ont été nombreux et ouverts à tous.
Un projet de loi de modernisation de l'économie devrait être présenté au printemps 2008. Nous en attendons beaucoup ! J'espère seulement, monsieur le secrétaire d'État, que vous ne regretterez pas de ne pas être allé plus vite sur la négociabilité et que le pouvoir d'achat n'aura pas à souffrir d'une hausse des prix dans les prochains jours.
Je voterai ce texte parce qu'il contient certaines mesures et orientations qui me paraissent fort positives et parce que vous m'avez rassuré sur la volonté du Gouvernement de prendre en compte dans les prochains mois tous les aspects contenus dans le concept de négociabilité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis.
M. Jean Arthuis. Monsieur le secrétaire d'État, je m'empresse de vous dire que je voterai le projet de loi que vous nous proposez. Je formulerai toutefois une observation et une question.
Mon observation porte sur le pouvoir d'achat et le plein-emploi. Tous les gouvernements ont la double ambition de se battre pour le pouvoir d'achat, c'est-à-dire contre la vie chère, et le plein-emploi.
Je tiens à vous rendre attentif au fait que, dans une économie globalisée, mondialisée, nos lois et nos prélèvements obligatoires rendent ces deux préoccupations incompatibles. Nous devons, avec lucidité et courage, prévoir des réformes structurelles, lourdes, afin de retrouver la compétitivité.
La grande problématique des relations entre les distributeurs et les producteurs nous conduit à nous demander s'il n'y a pas parfois une sorte de schizophrénie en chacun de nous, entre le consommateur et le producteur. Nous voulons naturellement consommer au meilleur prix, le moins cher possible, mais nous voulons aussi, pour nous-mêmes et pour nos enfants, des emplois bien rémunérés, sécurisés. Or nous savons bien que, avec la globalisation, acheter moins cher consiste bien souvent à aller faire ses courses hors du territoire national.
Lorsque le Gouvernement donne du pouvoir d'achat en distribuant de l'argent que l'État n'a pas, cela ne crée pas d'emplois en France. La prime pour l'emploi, monsieur le secrétaire d'État, crée probablement beaucoup plus d'emplois en Asie qu'en France !
Vous me direz que ce n'est pas très grave, car les Chinois ont maintenant des fonds souverains et qu'ils achètent sans doute des bons du trésor : autrement dit, ils nous fournissent à la fois les biens de consommation et l'argent pour consommer. Ce faisant, ils participent également à l'empilement de notre dette souveraine, eux qui ont des fonds souverains.
Je vous poserai maintenant une question sur la possibilité de rendre transparentes les relations entre les producteurs et les distributeurs. Lorsque M. Dutreil avait présenté sa dernière loi devant le Sénat, je l'avais interrogé sur une pratique qui s'est développée en France, à savoir le versement par les fournisseurs français d'une redevance, de l'ordre de 0,5 % à 1 % de leur chiffre d'affaires, aux grandes enseignes de distribution. Quatre des cinq grandes enseignes sont concernées. Cette redevance était versée soit à Genève, soit à Zurich. Je ne suis pas sûr que le niveau de 0,5 % ou 1 % se soit stabilisé. Il a plus probablement progressé. (Sourires.)
Monsieur le secrétaire d'État - c'est là une nouvelle illustration de la globalisation -, si nous légiférons en France alors que les acteurs économiques déplacent une partie de leurs unités opérationnelles hors du territoire national,...
M. Philippe Nogrix. Eh oui !
M. Jean Arthuis.... nos lois deviennent de simples gesticulations et des aveux d'impuissance.
M. Philippe Nogrix. Eh oui !
M. Pierre Hérisson, vice-président de la commission des affaires économiques. C'est vrai !
M. Jean Arthuis. Méfions-nous donc de ces phénomènes.
Je souhaitais attirer votre attention sur les risques d'infraction aux règles que nous allons poser. Je ne suis pas sûr que la transparence soit au rendez-vous de toutes nos espérances.
En outre, il pourrait bien y avoir également un problème fiscal, car les fournisseurs français qui, sous la pression de ces redevances, finissent par aller produire ailleurs, sont eux aussi des activateurs de délocalisation. Peut-être ces fournisseurs français déduisent-ils ces redevances du montant de leur bénéfice imposable ? J'avais calculé qu'au moins 600 millions d'euros étaient versés en Suisse. Le fisc, et donc le budget de l'État, se trouve ainsi privé de quelque 200 millions d'euros d'impôt sur les sociétés. Si ces redevances ont augmenté depuis lors, c'est autant d'argent qui s'en va.
Enfin, y a-t-il une logique ? Cette redevance est destinée à financer le développement international des groupes de distribution, mais si encore c'était pour distribuer des produits français ! Or notre déficit commercial est de 3,6 milliards d'euros au mois d'octobre. Les Français consomment plus qu'ils ne produisent. (M. Philippe Nogrix applaudit.)
Je souhaitais vous interroger sur ce sujet, monsieur le secrétaire d'État. Malheureusement, je ne serai pas présent lorsque vous me répondrez, car je serai retenu par mes obligations de président de la commission des finances. En effet, je dois participer cet après-midi à la réunion de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances pour 2008, qui se tiendra à l'Assemblée nationale. Croyez bien que je serai attentif à votre réponse. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
M. le président. La séance est reprise.
6
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.
Je rappelle que l'auteur de la question et le ministre qui lui répond disposent chacun de deux minutes trente.
Je souhaite que cette durée soit rigoureusement respectée.
le traité européen
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, vingt-sept chefs d'État et de gouvernement signent aujourd'hui à Lisbonne un traité dit « modificatif », censé remplacer le traité constitutionnel européen que les Français et les Néerlandais ont, à une très forte majorité, repoussé par référendum, respectivement au mois de mai 2005 et au mois de juin 2005.
Une telle signature, loin des peuples, s'apparente à un véritable tour de passe-passe. On nous présente le même cadeau, mais dans un emballage différent.
Sous couvert de simplification, ce texte de 256 pages, qui empile les articles modifiant les traités existants, texte illisible pour la plupart de nos concitoyens, présente en fait un contenu identique au traité constitutionnel européen.
Où est donc passé le « mini-traité » promis par le candidat Nicolas Sarkozy ?
Hormis quelques modifications institutionnelles, l'essentiel des politiques libérales refusées en France et aux Pays-Bas demeure.
En 2005, après un débat national d'une grande intensité, les Françaises et les Français ont clairement et massivement rejeté un texte qui ne correspondait pas à leurs attentes et à leurs espoirs.
Aujourd'hui, si sa version « simplifiée » était vraiment différente, quel risque prendriez-vous à les consulter de nouveau ?
Refuser a priori la voie référendaire, c'est rendre un mauvais service à la nécessaire construction européenne, qui doit être fondée sur l'adhésion et la souveraineté populaires. Ce serait une fois de plus éloigner les citoyens des décisions et introduire le soupçon sur les objectifs recherchés.
Ne pas consulter directement les Françaises et les Français, alors que le traité constitutionnel a été rejeté par référendum voilà deux ans, constitue un déni de démocratie !
Il est encore temps de décider de recourir à la voie référendaire pour ratifier ce traité. (Non ! sur les travées de l'UMP.) N'écartez pas la voix du peuple !
M. Alain Gournac. Ce n'est pas du tout le cas !
M. Guy Fischer. Je demande solennellement au Gouvernement de renoncer à présenter au Parlement un projet de loi autorisant la ratification, afin de permettre au Président de la République de consulter le peuple français.
Pour notre part, nous continuerons à sensibiliser l'opinion et, avec tous les parlementaires qui se joignent à l'appel du Comité national pour un référendum, (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP), nous obtiendrons une consultation populaire ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de M. le Premier ministre et de M. le ministre des affaires étrangères et européennes, qui se trouvent actuellement à Lisbonne, dans la perspective de la signature du traité modificatif européen.
Monsieur Fischer, vous avez posé le problème, mais en omettant, me semble-t-il, quelques étapes.
Comme vous l'avez souligné, le 29 mai 2005, le peuple français a effectivement dit « non » au traité constitutionnel européen. Nicolas Sarkozy l'a d'ailleurs clairement reconnu. À l'époque, et Mmes et MM. les sénateurs du groupe socialiste voudront bien me pardonner ce rappel, certains avaient évoqué un prétendu « plan B »... Nous l'attendons toujours ! (Sourires et exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est vous qui êtes au pouvoir, pas nous !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Ensuite, vous vous en souvenez certainement, lors de la campagne présidentielle, le candidat Nicolas Sarkozy avait pris deux engagements. D'une part, il avait promis de tout faire pour obtenir la renégociation d'un traité « simplifié ».
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le traité modificatif n'est en rien simplifié, et son contenu est identique à celui du traité constitutionnel européen !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. D'autre part, il avait annoncé que le nouveau traité serait ratifié par voie parlementaire.
Ces deux engagements ont été clairement exprimés pendant la campagne présidentielle. Ils ont été débattus, puis validés par le vote des Français.
Désormais, mesdames, messieurs les sénateurs, la situation est extrêmement simple.
Nous sommes en présence d'un traité qui renforce considérablement les pouvoirs des parlements nationaux dans le contrôle des décisions prises par la Commission européenne. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Robert del Picchia. Exactement !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est une invention pure et simple !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Sur le fond, ce traité modificatif met un certain nombre de sujets en avant, notamment en matière des droits sociaux. Il apporte également des réponses aux questions relatives à la concurrence ou à la majorité qualifiée. En outre, il aborde les grands problèmes qui se posent aux Français, en particulier les mouvements migratoires et les échanges commerciaux.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Montrez-le aux Français ! Ils vous diront ce qu'ils en pensent ! (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. C'est pourquoi il est nécessaire que le traité soit ratifié le plus rapidement possible. Le Sénat sera donc saisi d'un projet de loi en ce sens dès le mois de janvier 2008, afin que le Parlement puisse se réunir en Congrès au début du mois de février pour adopter le projet de loi de révision constitutionnelle qui précédera la ratification du traité.
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Ainsi, la France figurera parmi les premiers pays à ratifier le traité.
Or, je vous le rappelle, au 1er juillet 2008, Nicolas Sarkozy et la France en général auront une responsabilité éminente puisque notre pays présidera l'Union européenne et devra prendre l'initiative de nouvelles avancées. (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP.)
la carte judiciaire
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux.
Madame le garde des sceaux, en opposition totale avec le chef de cour de Besançon, vous proposez pour le Jura, outre la fermeture du tribunal d'instance d'Arbois et du conseil des prud'hommes de Saint-Claude, la disparition du tribunal de grande instance de Dole.
Ces mesures ne manquent pas de surprendre, de choquer et de susciter des doutes.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pourtant, cela figurait également dans le programme de Nicolas Sarkozy !
M. Gilbert Barbier. Certes, une telle réforme est nécessaire, mais il faut qu'elle soit concertée, objective et équitable. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)
Si le niveau d'activité est le critère déterminant, je signale que sont conservés trente-six tribunaux d'instance dont l'activité est moindre que celui de Dole.
Si c'est la trop grande proximité d'un autre tribunal qui justifie une fermeture, je vous fais remarquer, madame le garde des sceaux, que Dole se situe à quelque 55 kilomètres de Lons-le-Saunier, avec des liaisons qui ne sont vraiment pas pratiques.
Et si c'est le principe d'un tribunal de grande instance par département qui prévaut, j'observe que neufs départements d'importance voisine conservent deux tribunaux.
Dans ces conditions, madame le garde des sceaux, nous ne comprenons pas votre choix, qui semble fondé sur considérations pour le moins subjectives.
Le 15 octobre dernier, les chefs de cour faisaient valoir ceci : « Compte tenu de la géographie du Jura et de l'importance de bassin économique et démographique de Dole, le maintien d'un tribunal détaché à Dole sous l'autorité d'un vice-président, avec un ministère public dirigé par un vice-procureur conservant une compétence étendue tant au civil qu'au pénal, paraît s'imposer. »
Madame le garde des sceaux, entendez-vous donner quelque écho à ces recommandations, qui ne sont pas de mon fait ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La réponse est non !
M. Gilbert Barbier. La région doloise est fragile. Située dans le sillon Rhin-Rhône, elle se trouve au centre d'un vaste réseau international de drogue qui emprunte un grand axe nord-sud. Les années passées sont là pour en témoigner.
Une amélioration importante a été notée avec les procédures de comparution immédiate. Qu'en sera-t-il demain avec les comités de prévention de la délinquance, les politiques de prévention dans les quartiers en difficulté ou les opérations de renouvellement urbain ?
Madame le garde des sceaux, j'attire votre attention sur ce point non pas par égoïsme local, mais au nom de la protection régalienne que notre jeunesse est en droit d'attendre. Ne détruisez pas ce qui fonctionne bien. J'espère que vous saurez m'entendre. (M. Jean-Luc Mélenchon applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, avec 255 000 habitants, le département du Jura a deux tribunaux de grande instance.
Nous avons examiné les recommandations des chefs de cour, que vous avez d'ailleurs mentionnées.
Pour des raisons d'activité judiciaire, mais également de contentieux, nous avons souhaité regrouper les deux tribunaux de grande instance sur le site de Lons-le-Saunier.
Néanmoins, nous maintenons un tribunal d'instance « renforcé » à Dole. Cela signifie que tout le contentieux de proximité continuera d'être traité dans cette ville. Or il faut savoir que les affaires familiales, contentieux de proximité par excellence, constituent aujourd'hui l'essentiel de l'activité civile du tribunal de grande instance de Dole.
Pour ce qui est des affaires pénales, conformément aux recommandations des chefs de cour, un magistrat référent du tribunal de grande instance de Lons-le-Saunier sera spécifiquement chargé des procédures pénales relevant actuellement du ressort du tribunal de grande instance de Dole.
En outre, vous avez fait référence aux différentes instances des politiques publiques de prévention de la délinquance. Sachez que celles-ci continueront de fonctionner et qu'un magistrat y sera toujours affecté.
En conclusion, les affaires civiles de proximité resteront traitées à Dole, par le tribunal d'instance, et les procédures pénales intéressant Dole et sa région seront spécifiquement suivies par un magistrat référent. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)