M. Jacques Mahéas. Ces informations m'ont été fournies - excusez du peu - par l'enquête des directeurs généraux des communes ! (Brouhaha.)
Je vois que M. Dallier est impatient de connaître les chiffres dont je dispose...
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Surtout qu'ils sont périmés !
M. Jacques Mahéas. Je les lui communiquerai bien volontiers !
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Je n'en ai pas besoin !
M. Jacques Mahéas. Madame la ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, si vous le permettez, je souhaiterais enfin attirer votre attention sur la situation des personnes sans domicile fixe, notamment dans ma commune.
Pour les héberger, vous avez, sans le dire vraiment, réquisitionné des locaux qui étaient dans un hôpital.
Outre que cela ne passe pas bien, je me permets de vous rappeler les dispositions de la loi du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, selon lesquelles les locaux qui sont réquisitionnés de fait ne doivent pas se situer dans des communes où existent d'importants déséquilibres entre l'offre et la demande de logements au détriment des personnes défavorisées ou ayant des revenus modestes.
En clair, de telles réquisitions devraient plutôt avoir lieu dans la commune de M. Dallier. (Sourires.)
En revanche, dans la mienne, où l'on dénombre déjà 45 % de logements sociaux et où nous réalisons des efforts considérables, les personnes sans domicile fixe que l'on nous impose représentent un problème supplémentaire.
Bien entendu, nous ne refusons pas de les accueillir, mais nous voudrions le faire en compagnie des associations spécialisées dans ce domaine. Aujourd'hui même, j'ai dû interpeller Mme la commissaire sur les difficultés suscitées par des personnes sans domicile fixe, qui ont squatté une surface commerciale moyenne.
Par conséquent, madame la ministre, je souhaiterais que nous puissions résoudre ensemble un tel problème. Je vous ai écrit, mais la situation n'a malheureusement pas évolué depuis. Certes, j'en suis conscient, il s'agit de cas difficiles à régler, mais, dans d'autres départements, certaines villes ont également des locaux libres dans leur hôpital et elles ne sont pas traitées de la même manière que nous.
C'est la raison pour laquelle j'attire votre attention sur de telles difficultés et je vous remercie d'essayer de les résoudre, madame la ministre, madame la secrétaire d'État. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-deux heures.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des crédits de la mission « Ville et logement ».
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Gérard Delfau.
M. Gérard Delfau. Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la crise du logement atteint un niveau dramatique pour un nombre de plus en plus important de Français, au point que le logement est passé en tête des préoccupations de nos concitoyens dans les enquêtes d'opinion.
Désormais, même ceux qui travaillent éprouvent des difficultés à se loger décemment. Et quand ils y parviennent, c'est trop souvent en payant un loyer au coût démesuré par rapport à leurs ressources, jusqu'à 30 % à 40%, contre 15 % à 25% dans les années quatre-vingt-dix.
Environ 900 000 personnes seraient privées d'un domicile personnel. Pour elles, il n'existe que des solutions de fortune : rester chez les parents, être hébergées par des amis ou par un CHRS... Nombre d'entre elles sont abritées provisoirement, mais le provisoire dure, dans des hôtels vétustes, où l'insalubrité et l'inconfort vont de pair avec des loyers exorbitants, acquittés par la collectivité. Il faudrait y ajouter les copropriétés dégradées, appartenant le plus souvent à des offices d'HLM, et, plus grave encore, les personnes qui vivent dans des logements dépourvus d'eau et de sanitaire, ou dans des résidences de type mobile home et caravane.
N'oublions pas, enfin, les 100 000 « sans domicile fixe », les SDF, qui sont la honte de notre société.
Pourquoi observe-t-on une dégradation si rapide de l'habitat ? La flambée des prix immobiliers depuis neuf ans, avec une augmentation cumulée de 125 %, et l'affaiblissement continu des ratios de solvabilité ont peu à peu écarté du marché de l'acquisition une bonne part des ménages à faibles revenus. De même, les fortes hausses de loyers du secteur privé, principalement en Île-de-France et dans le sud du pays, proches de 5 % par an, réduisent l'accès de certains ménages au marché locatif, tandis que l'offre en matière de logement social demeure inférieure aux besoins.
Mais les difficultés d'accès au logement ont aussi des causes plus anciennes. Elles sont, d'abord, la conséquence d'une insuffisance du rythme de construction au cours des années quatre-vingt-dix.
Par ailleurs, la demande de logement a augmenté du fait de l'allongement de la durée de vie, de la multiplication du nombre de célibataires, de divorcés et de familles monoparentales. Le déficit de logements cumulé de 1990 à 2004 peut être estimé à environ 600 000.
En 2005, les mises en chantier se sont redressées, pour atteindre 390 000 unités. C'est un progrès important, mais il correspond en réalité au besoin global annuel de logements. Donc, sur les prochaines années, il faudrait des mises en chantier durablement supérieures à 400 000 par an pour résorber peu à peu le déficit.
Chacun peut faire le constat qu'il manque beaucoup de logements sociaux. Cette situation s'explique par les chiffres suivants : le nombre de nouveaux logements sociaux construits était de l'ordre de 100 000 dans les années soixante-dix, de 60 000 dans les années quatre-vingt. Or, de 1992 à 2004, le nombre de logements sociaux neufs n'a été que de 41 000 par an, d'où un décrochage que nous payons aujourd'hui au prix fort.
Ces chiffres sont notoirement insuffisants, compte tenu de la forte demande en logements à bon marché. Certes, le plan de cohésion sociale, présenté en 2004, prévoit la construction de 500 000 logements sociaux entre 2005 et 2009 et, en 2005, 80 000 nouveaux logements sociaux ont été financés. C'est, là encore, un vrai progrès, mais la mise en service de l'ensemble des logements programmés sera forcément graduelle et ne va résorber que lentement les besoins accumulés.
De plus, selon la fondation Abbé-Pierre, une partie seulement de ces nouveaux logements sera accessible aux ménages cumulant de faibles ressources et des difficultés sociales ; ces logements seront financés en prêt locatif aidé d'intégration, avec des loyers plafonnés entre 4 euros et 5 euros environ le mètre carré.
Face aux besoins marqués de logement et à l'insuffisance de l'offre, une piste fréquemment évoquée est celle d'une taxation accrue, voire d'une réquisition des logements vacants. En réalité, quand on étudie de près cette question, on se rend compte que, s'il existe sans doute une marge possible, elle est loin d'être suffisamment importante pour donner une solution d'ensemble à ce problème.
Au total - j'y insiste - seul un effort marqué de construction de logements, particulièrement de logements sociaux, permettra d'ici à quelques années d'avoir une offre adaptée à la demande, notamment à celle des ménages à faibles ressources. Cela suppose un effort budgétaire important, mais aussi le respect par l'ensemble des communes du fameux article de la loi SRU qui prévoit que les logements locatifs sociaux doivent atteindre 20 % du nombre de résidences principales. Sur ce point, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, la volonté politique fait encore défaut.
M. Gérard Delfau. Si ce n'est pas le cas, je serais vraiment très heureux de vous l'entendre dire à cette tribune, madame la ministre !
L'augmentation excessive des loyers, indexés sur le coût de la construction dans le privé, est l'une des causes de la crise actuelle. Je n'ai cessé de dénoncer ce fait, je n'étais d'ailleurs pas le seul, et de proposer que les loyers varient annuellement en fonction de la hausse des prix. Je constate avec satisfaction que le Président de la République vient d'annoncer une mesure de ce type.
Mais je suis plus dubitatif sur un autre aspect de son annonce concernant la fin du système de la garantie et la réduction à un mois de la caution. Je crains que cela ne rende frileux les propriétaires-bailleurs à l'égard des familles à petits revenus. Il faudrait, en contrepartie, développer une assurance, dotée pour partie de financements prélevés sur la plus-value de l'immobilier. Où en êtes-vous à ce sujet, madame la ministre ?
Un problème alourdit encore le climat, celui des crédits à risques dans le cadre de l'accession à la propriété. L'évolution des taux variables met en difficulté des dizaines de milliers de ménages. Certains emprunteurs français commencent à avoir du mal à rembourser leurs crédits immobiliers. Certes, la situation en France n'a rien de comparable avec la crise que connaissent les Américains, voire les Britanniques et les Espagnols, car, chez nous, heureusement, le taux fixe est la norme - encore que je me souvienne d'un débat au Sénat où le Gouvernement nous proposait de développer les prêts hypothécaires, et nous étions quelques-uns à y être fermement opposés.
Mais cette crise révèle que des crédits à risques à la française existent bel et bien, en dépit de règles très protectrices pour les consommateurs. Ces emprunteurs en difficulté découvrent que la durée de leur crédit s'est allongée, souvent de cinq à six ans, que leurs mensualités se sont alourdies et que la part du capital remboursé diminue d'une année sur l'autre. On estime à 100 000 le nombre de ménages concernés par la hausse brutale des taux, avec des mensualités pouvant augmenter de 27 % à 50 %, ce qui est évidemment insupportable pour un budget moyen.
Face à cette situation du mal-logement, le Gouvernement a réagi, entre 2003 et 2007, avec une série de textes législatifs. Mais, surtout, le nombre de mises en chantier a substantiellement augmenté. L'effort a porté principalement sur les quartiers urbains classés en zone sensible et relevant de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, au détriment, il est vrai - et je l'avais dit en son temps - du reste du territoire, ce qui ouvrirait un autre débat.
Sur ces sites, cette démarche de renouvellement de l'habitat combine la démolition, le relogement, la reconstruction d'immeubles plus petits et d'une réelle qualité architecturale. La difficulté, c'est que ce genre de chantier doit coordonner des partenaires nombreux - État, collectivités, opérateurs publics, HLM, et privés - ce qui induit des retards importants et reporte la dépense sur les années 2009-2010. Il faudra alors prévoir un effort budgétaire considérable : or, nous n'avons aucune certitude à cet égard.
La loi instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, dite loi DALO, que j'ai approuvée malgré quelques réserves, est venue compliquer encore la lecture de votre budget et ajouter des zones d'incertitudes.
Je passe sur le fait qu'il faille, dans ce but, créer 100 nouveaux emplois et que le seul redéploiement des fonctionnaires existants ne suffise pas. Ma crainte, comme celle de notre excellent rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, est qu'elle n'ait pour effet pervers de recréer les ghettos que le programme national de rénovation urbaine avait pour vocation d'abolir.
Cela pose la question délicate de la mixité de l'habitat. Il faudrait inventer une incitation financière de l'État pour les opérations entreprises courageusement par les communes intégrant une réelle diversité de logements, de l'accession à la propriété à toute la palette des logements locatifs aidés.
De ce point de vue, votre budget donne le sentiment de rechercher seulement l'aspect quantitatif. Même si la priorité est bien de combler rapidement le déficit de logements, il conviendrait d'intégrer l'urbanisme dans cette démarche, afin de produire des éco-quartiers mêlant toutes les catégories de population et répondant aux préconisations du Grenelle de l'environnement. J'espère que vous aborderez ce point dans vos réponses, madame la ministre, madame la secrétaire d'État.
Cela me conduit à parler du foncier. Malgré les efforts du Sénat - et nous étions quelques-uns, répartis sur toutes les travées, à aller dans ce sens -, aucune mesure dissuasive n'a été prise pour casser la hausse vertigineuse du foncier et prélever une partie de la rente foncière au profit de la commune - et non du département ou de l'État -, qui, seule, subit le contrecoup de cette envolée du prix du mètre carré. Où en êtes-vous de la réflexion à ce sujet ? Pourquoi les projets d'établissements publics fonciers, comme celui de la région Languedoc-Roussillon, sont-ils bloqués par l'État ?
J'aurais bien d'autres choses à dire, notamment pour déplorer la baisse de 30 millions d'euros des crédits alloués à la DSU, baisse incompréhensible et contre-signal total de la politique affichée par le Gouvernement !
Par ailleurs, je me réjouis, je le dis au passage, de la création de l'Agence pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, à laquelle je souhaite bonne chance.
Au total, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, le budget que vous nous présentez n'a pas la consistance de celui des années 2006, 2007. Il est loin de répondre aux ambitions des grandes lois qui ont été récemment adoptées, notamment la loi DALO.
Il pose, une fois de plus, le problème du décalage entre l'ampleur des objectifs affichés et les ressources financières affectées aux missions. Pour autant, c'est un effort significatif dans une période de pénurie causée, il est vrai, par les choix hasardeux du Président de la République en faveur de ce que l'on nomme le « paquet fiscal ».
Je vais attendre vos réponses et la discussion des amendements avant de me déterminer, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, tandis que mes collègues du groupe appartenant à la majorité sénatoriale approuveront votre budget.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je me réjouis que cette mission soit présentée par deux femmes, sous l'autorité, ce soir, d'une vice-présidente. (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Il faut au moins reconnaître une évolution en politique, c'est l'avancée de la parité !
M. Jean Desessard. Mais je ne sais pas si je vais rester dans ce ton, madame la ministre ! (Nouveaux Sourires.)
Mme la présidente. C'est un bon début !
M. Jean Desessard. Comme chaque année, on ne peut que déplorer la pénurie de logements, qui alimente l'inflation des loyers et rogne le pouvoir d'achat des ménages modestes.
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Le ton change, en effet !
M. Jean Desessard. Depuis 2005, les alertes sociales autour du mal-logement se sont multipliées : incendies d'immeubles vétustes, révolte des banlieues, tentes des Enfants de Don Quichotte, ouverture du ministère de la crise du logement, campement de familles rue de la banque, etc. Ces actions sont le révélateur d'un malaise sans précédent autour de la question essentielle du logement, qui est devenue l'une des trois priorités des Français.
Longtemps, les pouvoirs publics n'ont pas anticipé la crise. Aujourd'hui, tout le monde en est conscient, mais elle est toujours là : les loyers sont toujours aussi chers, les mal-logés et les SDF toujours aussi nombreux !
Où va donc l'argent dépensé pour le logement ? Le problème, c'est que si la majorité des budgets débloqués vont temporairement aider les plus nécessiteux, les pauvres et les classes moyennes modestes, qui sont majoritairement locataires, ils profitent en réalité aux plus aisés. Ce sont des aides à la personne détournées !
Comme les années précédentes, 5 milliards d'euros seront encore consacrés aux APL. Si l'on compte tous les crédits - organismes paritaires, collectivités locales, État - en faveur des aides à la personne pour le logement, ils représentent la somme importante de 14 milliards d'euros chaque année. Or, si ces aides ne sont pas conditionnées à des loyers décents, à des loyers modérés, elles ont un effet pervers inflationniste, comme l'a démontré l'INSEE dans l'étude de 2005 de Gabrielle Fack. De plus, les APL sont maintenant indexées sur l'évolution des loyers. Donc, plus les loyers montent, plus les aides augmentent et plus les propriétaires en profitent !
M. Gérard Delfau. Eh oui !
M. Jean Desessard. Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche dans le Gouvernement auquel vous appartenez, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, a reconnu elle-même récemment cet effet pervers, lors d'une émission sur le logement étudiant : « Le problème, c'est que nous avons un effet d'aubaine que nous constatons, qui est que la plupart des bailleurs qui mettent des petites surfaces en location augmentent le loyer à due concurrence des aides, et ça c'est quelque chose contre lequel il faut lutter ». Mais, apparemment, rien n'est à l'étude pour passer à l'action !
M. Jean Desessard. Seuls 798 millions d'euros de l'enveloppe budgétaire sont consacrés au financement des logements sociaux. Vous me rétorquerez que cette somme est en hausse et que vous avez prévu un plan de financement de logements sociaux extraordinaire, mais cela fait déjà plusieurs années que nous entendons cela ! Et la réalité ne suit toujours pas les promesses ! Le rapport du député Jean-Pierre Abelin souligne en effet que, en 2006, 102 000 agréments de subvention ont été octroyés, mais que seuls 57 000 logements locatifs sociaux ont été mis en chantier.
L'ANAH mène une action déterminante. C'est là que les financements devraient porter en priorité. Or on en reste à du saupoudrage avec 13 500 logements insalubres et 21 000 copropriétés dégradées rénovés en 2007. Franchement, c'est très peu, tout comme les malheureux 25 millions d'euros attribués pour la lutte contre l'habitat indigne !
En comparaison, combien coûtent les investissements locatifs « Robien » ? Ils reviennent à 22 000 euros par logement, soit 300 millions d'euros en 2006, 580 millions d'euros en 2007, 670 millions d'euros en 2008, 700 millions d'euros en 2009, et je m'arrête là !
M. Gérard Delfau. Eh oui !
M. Jean Desessard. Au total, plus de 2 milliards d'euros seront partis en fumée pour construire des logements en décalage avec la demande. Même l'un de vos collègues du Gouvernement, Martin Hirsch, demande leur suppression.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Jean Desessard. La principale innovation de ce projet de loi de finances passerait presque inaperçue : je veux parler, bien sûr, de la déduction des intérêts d'emprunt immobilier, qui s'applique à tous les accédants, sans condition de ressources ni condition écologique.
En cette première année, elle ne coûtera « que » 440 millions d'euros, contre 1,8 milliard d'euros l'année suivante, puis 2,5 milliards d'euros en 2010, pour aboutir au coût faramineux de 4,6 milliards d'euros en année pleine, soit les deux tiers du budget que l'on nous présente aujourd'hui. C'est un bouleversement majeur !
Quand le rapporteur spécial Philippe Dallier évoque à ce sujet « un certain rééquilibrage de ces dépenses en faveur de l'accession à la propriété », on a l'impression qu'il manque d'anticipation. Ce n'est plus du rééquilibrage, monsieur le rapporteur spécial, c'est une rupture avec la politique sociale du logement ! Reste que ce n'est pas une rupture avec les cadeaux fiscaux, comme M. Delfau l'a rappelé : le paquet fiscal qui va aux plus riches est aussi transposé dans le domaine du logement ! (Mme Odette Terrade acquiesce.)
Vous parlez de rééquilibrage ; comparez donc, par exemple, avec les crédits de l'hébergement, qui représentent 198,67 millions d'euros en autorisations d'engagement et 149,44 millions d'euros en crédits de paiement.
Le PARSA, le plan d'action renforcé en direction des personnes sans abri, négocié l'an dernier par Jean-Louis Borloo avec les Enfants de Don Quichotte, n'est pas doté des crédits nécessaires pour entrer en vigueur.
M. Jean Desessard. Si bien que les associations, qui avaient accueilli avec bienveillance ce plan d'urgence du gouvernement précédent, sont aujourd'hui très déçues.
M. Jean Desessard. Elles annoncent même un nouveau campement dans les semaines qui viennent. Il faut vous y préparer, madame la ministre !
M. Jean Desessard. Non, c'est le même problème, celui du logement !
Mme Christine Boutin, ministre. Je ne peux pas vous laisser dire que les crédits ne permettent pas d'atteindre les objectifs !
M. Jean Desessard. Non seulement on peut annoncer que le droit opposable au logement ne sera pas mis en oeuvre l'an prochain, ...
M. Jean Desessard. ... mais, hélas ! on peut également être pessimiste sur sa réalité au cours du quinquennat, si les grands équilibres budgétaires restent inchangés. (Mme la ministre proteste.)
Quant à la politique des faubourgs, ou des banlieues, madame la secrétaire d'État chargée de la politique de la ville, les crédits sont reconduits et elle reste la même. Que croyez-vous donc qu'il arrivera ? Eh bien, ce seront les mêmes émeutes sociales, puisque sont concentrées dans ces banlieues la pauvreté, l'exclusion et les discriminations !
Vous souhaitez organiser un plan Marshall. Mais avec quels moyens ? Comment voulez-vous lutter sans moyens contre une politique qui fabrique de plus en plus de pauvres, qui délocalise l'économie, qui crée un fossé de plus en plus important entre les riches et les pauvres ? Il faudra bien qu'ils se logent quelque part tous ces pauvres. Ce sera, bien sûr, dans les faubourgs !
Avec une telle politique, c'est un plan Marshall sur papier,-3 avec des avions et des camions miniatures ! Vous ne résoudrez rien face à la politique antisociale du Gouvernement. Je vous souhaite malgré tout bon courage, mais je n'y crois pas beaucoup !
Dans le domaine du logement, alors tout va mal, que rien ne change et que rien ne changera, sinon en pire, vous comprendrez que les sénatrices et les sénateurs Verts ne puissent voter ce budget.
M. Gérard Delfau. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Madame la présidente, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, parler en l'espace de huit minutes des crédits du logement et de la ville est une forme de gageure, eu égard aux enjeux recouverts par cette mission et aux préoccupations majeures vécues par les Français en ces matières, que nous rappellent les nombreuses associations mobilisées pour le droit au logement.
L'année a, en effet, été marquée par l'acuité toute particulière de la question du logement consacrée, si l'on peut dire, par l'adoption de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit opposable au logement, dont nous attendons encore qu'elle commence à prendre sens dans la vie quotidienne des habitants de notre pays. Ainsi, le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées a-t-il pu pointer le fait que la définition même des personnes pouvant faire valoir le droit opposable au logement n'était pas encore arrêtée, faute de publication du décret prévu à l'article 1er de la loi !
Au total, ce sont plus de vingt dispositions règlementaires diverses prévues par cette loi qui n'ont toujours pas été prises. Pendant ce temps, des familles sont contraintes de camper rue de la Banque, des milliers d'autres attendent un logement, et l'arbitraire de l'intervention policière se substitue à toute politique de relogement des plus démunis !
L'autre évènement de l'année, c'est la renaissance des incidents dans les quartiers sensibles, et souvent prioritaires aux sens de la politique de la ville.
Les évènements récents de Villiers-le-Bel, dans le quartier de la ZAC Derrière-les-Murs-de-Monseigneur, faisant suite à ceux qu'a connus le quartier du Vert-Bois à Saint-Dizier, montrent à l'envi que tous les équilibres que d'aucuns pensaient avoir trouvés sont pour le moins fragiles.
Le rapport de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles nous a montré, au fil de ses chapitres, que rien de fondamental n'avait changé pour les habitants des quartiers sensibles. Les jeunes, les salariés, les femmes, les habitants de ces quartiers disposent de plus faibles ressources et demeurent moins formés, plus privés d'emploi, discriminés à plus d'un titre que n'importe quel autre groupe social de notre pays.
Les injustices sociales se voient dans ces quartiers comme au travers d'une loupe grossissante : elle accuse, chaque jour, tous ceux qui délocalisent les activités, qui discriminent et qui ignorent et méprisent les potentiels créatifs de ces habitants de notre pays, de ces membres à part entière de notre communauté nationale.
Face à ces énormes enjeux, quelles réponses apporte ce budget de la mission « Ville et logement » ? Celles qu'il donne sont liées aux contraintes de réduction des déficits et des dépenses ; c'est dire si elles sont incomplètes et imparfaites.
Si les sommes engagées au titre de la ville et du logement progressent légèrement - très légèrement - en crédits de paiement, d'environ 31 millions d'euros sur 7,14 milliards en 2007, ces engagements sont à apprécier au regard de la réalité.
Or, la réalité, c'est le programme « Rénovation urbaine », qui a été amputé de plus de 150 millions d'euros, tandis que le programme destiné à la construction de logements progresse de 128 millions d'euros. Le programme « Aide à l'accès au logement », quant à lui, est déterminant en regroupant près de 5 milliards d'euros - nous y reviendrons en examinant les amendements - sur les 7,17 milliards d'euros inscrits dans la mission.
En outre, ces crédits ont un caractère d'affichage assez marqué et constituent de longue date - nous l'avions déjà pointé du doigt par le passé - l'une des variables d'ajustement des collectifs budgétaires de fin d'année.
Ils sont, d'abord, à mettre en regard des politiques de dépenses fiscales associées à la mission, qui atteignent 150 millions d'euros sur le programme « Rénovation urbaine », 216 millions d'euros sur le programme « Équité sociale et territoriale et soutien », 35 millions d'euros sur le programme « Aide à l'accès au logement » et, surtout, près de 13 milliards d'euros pour le programme « Développement et amélioration de l'offre de logement ». Encore cette dernière évaluation ne mesure-t-elle pas l'impact de la taxation séparée des plus-values de cessions immobilières, celle du régime des sociétés d'investissements immobiliers cotées, les SIIC, ou encore l'effet de l'imputation des déficits fonciers reportables sur le revenu des propriétaires.
De fait, la politique de la ville et du logement dans notre pays est d'abord une politique de dépense fiscale. Il n'est donc pas étonnant que, malgré vos communiqués sur la construction et la production de logements dans notre pays, nous ayons quelque peine à faire face aux énormes besoins sociaux. On construit des logements « Robien » défiscalisés avant de construire des logements sociaux - tout à l'heure, notre collègue Marcel-Pierre Cléach a souligné combien ces logements restaient vides dans son département -, et l'on construit des logements en accession à la propriété faiblement aidés - en fait, ce sont les banques qui touchent la prime du « prêt à taux zéro » -, qui portent en eux la bombe à retardement du surendettement des ménages
Avec cette mission, vous mettez en oeuvre la théorie de l'État passif avant toute véritable politique de développement du logement.
Si l'on examine attentivement le collectif budgétaire pour 2007, il finit de nous en apprendre sur la gestion des crédits de la mission. En effet, dans quelques jours, nous allons examiner un projet de loi de finances rectificative comportant, entre autres mesures, des annulations de crédits : annulation de 237 millions d'euros, soit près de 62 % des crédits ouverts, sur le programme « Rénovation urbaine » : annulation de 29 millions d'euros sur le programme « Équité sociale et territoriale et soutien » ; annulation de 76 millions d'euros sur le programme « Aide à l'accès au logement » ; annulation de 177 millions d'euros sur le programme « Développement et amélioration de l'offre de logement ».
Au total, le budget voté à la fin de 2006 sera finalement amputé de près de 520 millions d'euros. De fait, il y a des moments où la réduction du déficit budgétaire ainsi permise se construit sur l'aggravation des déficits sociaux dont souffrent les quartiers et que la politique du Gouvernement n'est pas prête de réduire, loin de là !
Quant au guichet unique de l'ANRU, mis en place par M. Borloo, on a fortement l'impression qu'il ne fonctionne pas tous les jours ouvrables, compte tenu du fait que l'État ne tient pas les engagements pris dans la loi d'août 2003 ! Celle loi disposait pourtant, dans son article 7, qu'aucune dotation annuelle de l'État, entre 2004 et 2008, ne pouvait être inférieure à 465 millions d'euros.
Vous pouvez, mesdames les ministres, nous annoncer un énième plan pour les banlieues : quelles que soient les intentions affichées, la pratique nous incite à la méfiance plus qu'à la prudence, eu égard aux politiques finalement suivies...
Sabrer comme on le fait aujourd'hui dans les budgets de la rénovation urbaine, c'est retarder toujours plus des projets de reconquête urbaine, pourtant indispensables au bien-être des populations !
Alors que nombre d'associations s'accordent sur le chiffre de 900 000 logements sociaux nouveaux à construire dans les cinq ans à venir et d'au moins 150 000 autres logements sociaux à réhabiliter pour faire face aux urgences, rien dans le projet de budget pour 2008 ne semble devoir nous inciter à adopter ces crédits, largement insuffisants et, de surcroît, promis à la régulation budgétaire. (M. Jean Desessard applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville. Madame la présidente, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d'abord souligner la qualité des rapports qui ont été présentés ce soir sur la mission « Ville et logement » et remercier leurs auteurs.
Je vais essayer de répondre, sur l'ensemble des points qui ont été soulevés, aux différents orateurs en traitant du logement, puis de la politique de la ville, sur laquelle Mme Fadela Amara s'exprimera plus longuement.
Monsieur le rapporteur spécial, vous avez abordé la question de la revalorisation des aides personnelles, à hauteur de 2,76 %, décidée dans le cadre de la loi DALO et mise en oeuvre pour la première fois en 2008. Le Gouvernement a choisi de maintenir cette augmentation. Vous sera néanmoins proposée très bientôt la révision des loyers sur la base de l'indice des prix à la consommation. C'est là, madame Khiari, une vraie garantie de l'évolution des aides personnelles, puisque les aides seront indexées sur l'indice de référence des loyers, et les loyers sur l'indice des prix à la consommation.
Vous avez souligné, monsieur le rapporteur spécial, l'effort budgétaire considérable consenti dans le présent projet de loi de finances pour assurer la réalisation des objectifs, à savoir, je le rappelle, la construction de 500 000 logements neufs, dont 120 000 logements sociaux, auxquels s'ajoutent 22 000 logements sociaux financés.
Vous avez également fait part de votre inquiétude quant aux crédits consacrés à l'entretien du parc social, préoccupation qui rejoint celle de plusieurs de vos collègues, notamment M. Cléach.
Je partage votre souci. Les moyens doivent être suffisants, car il ne s'agit pas seulement de construire des logements neufs, il ne s'agit pas uniquement de faire du quantitatif, il faut aussi assurer l'entretien. C'est important pour les personnes qui vivent dans les immeubles concernés. Au demeurant, l'absence d'entretien finit par avoir, au bout de quelques années, un coût supérieur puisqu'elle débouche sur des opérations lourdes, menées avec l'ANRU, destinées à transformer des quartiers, ou sur la vacance de logements sociaux, comme l'évoquait M. Cléach.
Par ailleurs, l'ambition du Gouvernement est de réhabiliter 40 000 logements, conformément à l'accord-cadre signé le 21 décembre 2004 par l'État et l'Union sociale pour l'habitat, l'USH, et portant sur la mise en oeuvre du volet logement du plan de cohésion sociale.
M. Repentin a évoqué les statistiques de la construction de logements. Le nombre de permis de construire, qui s'établit en métropole à 554 000 pour les douze derniers mois, demeure dans la fourchette annuelle des 550 000 à 560 000 constatée depuis vingt mois, ce qui est excellent. Toujours au cours des douze derniers mois, en métropole, 429 000 nouveaux logements ont été mis en chantier. Il s'agit d'une progression sensible par rapport aux 425 000 atteints au mois de septembre 2006 ; qui plus est, je le rappelle, c'est le cinquième mois consécutif, depuis juin dernier, que ce chiffre augmente. Le nombre de logements commencés demeure donc à un très haut niveau historique.
Ce résultat est vraiment encourageant. Le rythme annuel de construction de logements neufs, établi à la fin du mois d'octobre 2007, se situe nettement au-dessus du niveau constaté à la fin de 2006, qui était, en métropole, de 421 000 logements. Il est au plus haut niveau depuis trente ans, et je dois dire que j'en éprouve une certaine satisfaction. Pourtant, nombreuses étaient les Cassandre, quand je suis arrivée à la tête de ce ministère, qui me disaient que jamais je n'y parviendrais !
Quant au décalage avec les mises en service, il s'explique tout simplement par les délais de construction : compte tenu des chiffres que je viens d'indiquer, on peut s'attendre à une augmentation sensible du nombre de logements mis en service.
Pour le logement social, plus spécifiquement, on observe la même tendance. Aux 58 774 PLUS et PLAI financés en 2006 - l'objectif, je le rappelle, était de 63 000 - s'ajoutent 33 098 PLS et 4 495 logements PLS réalisés par l'Association Foncière Logement. Au total, plus de 96 000 logements locatifs sociaux ont été financés en 2006, alors que l'objectif avait été fixé à 100 000.
Pour 2007, les opérations sont montées sur le second semestre, et nous ne disposons pas encore de la totalité des résultats. Nous continuons de financer des projets dans plusieurs régions, mais il est encore trop tôt pour établir le bilan.
Monsieur Repentin, vous avez abordé la question du nombre de personnes susceptibles d'être concernées par le droit au logement opposable. Aujourd'hui, je ne conteste aucun chiffre, parce qu'aucun n'est vrai : il est impossible, à l'heure actuelle, de savoir exactement combien de personnes relèveront, le 1er décembre 2008, des sites publics prioritaires. Il s'agit assurément de plusieurs milliers, certains évoquent même plusieurs centaines de milliers, mais je ne me livrerai pas à une bataille de chiffres, parce que je sais que je ne peux en donner aucun.
Monsieur Vanlerenberghe, vous vous interrogez sur la proportion des ménages qui pourront accéder au logement social. Je partage votre point de vue, et une réflexion est menée par ailleurs. Comme vous le savez, la mobilité est faible dans le parc social, et je travaille à ce qu'elle puisse devenir réalité.
Il faut que vous preniez bien conscience, mesdames, messieurs les sénateurs, que la situation du logement est grave, très grave, et qu'elle concerne tout le monde - et c'est moi, ministre du logement, qui le dis clairement ! -, depuis celui qui n'a pas de logement jusqu'à celui qui est bien logé. Il n'y a aujourd'hui aucune mobilité dans le parc de logements, si bien que les personnes qui sont en centre d'hébergement et de réinsertion sociale, en CHRS, et qui devraient pouvoir libérer une place en allant occuper un logement ordinaire, qu'il soit social ou privé, ne peuvent pas le faire faute de fluidité du parcours résidentiel ; et parce que ces personnes sont « gelées » dans les CHRS, les centres d'hébergement d'urgence sont à leur tour « embolisés »...
C'est la raison pour laquelle, je le répète, monsieur, la priorité des priorités est effectivement de construire, de construire encore et de construire toujours des logements de tout type, social ou privé.
Vous m'interrogez également sur la mesure de l'efficacité de la dépense fiscale consacrée au logement. L'examen de votre amendement, monsieur, me donnera l'occasion de revenir sur cette question ; d'ores et déjà, sachez que je partage votre préoccupation.
Monsieur Repentin, monsieur Cléach, vous avez rappelé la nécessité de prendre en compte la réalité du terrain. Je suis, naturellement, bien consciente du fait que le logement répond à une logique géographique fine. Aussi, la modulation des plafonds de loyer dans le parc privé a fait l'objet d'un groupe de travail qui permettra, en 2008, de définir une approche plus fidèle à la réalité locale. De même, le développement des délégations des aides à la pierre va dans le sens de l'adaptation des politiques aux spécificités locales.
Monsieur Repentin, monsieur Cléach, madame Khiari, vous évoquez les moyens destinés à augmenter le parc de logements dont peut disposer le préfet et à renforcer le rôle du parc locatif privé. Cela rejoint mes préoccupations, et une série de mesures allant dans ce sens sont en cours d'examen. C'est ce qui explique la position du Gouvernement, qui souhaite proposer un dispositif qui soit le plus cohérent possible.
Des mesures sont déjà effectives ; je pense en particulier à la solution de l'usufruit locatif social, qui prend la forme d'un accord conclu entre un propriétaire privé et un organisme d'HLM. En septembre, lors de la décentralisation de mon ministère à Lyon, j'ai signé une convention avec les représentants des propriétaires privés pour développer cette possibilité. Toujours en septembre, une autre convention a été signée avec le 1 % et l'ANAH, portant sur 70 000 logements très sociaux.
Monsieur Desessard, je tiens à souligner que je ne refuse a priori aucune piste. C'est ainsi que je n'écarte pas l'idée de réquisitionner des logements vacants si cela s'avère nécessaire ; je l'ai déjà dit, et je le répète à la tribune de la Haute Assemblée. En effet, le recours au pouvoir de réquisition peut être un moyen, un instrument : je n'en élimine aucun tant il est nécessaire de rétablir la fluidité du parcours résidentiel. Dans cette éventualité, j'ai demandé aux services fiscaux d'établir la liste des logements vacants.
Toutefois, comme vous le savez, quand elle a été utilisée dans le passé, la réquisition a permis au total de ne reloger que quelques centaines de personnes. Le dernier ministre du logement qui y ait recouru était Mme Lienemann : quarante-trois personnes en ont bénéficié. (Sourires.) C'était naturellement indispensable pour ces quarante-trois personnes, mais ce n'est malheureusement pas du tout à la hauteur des besoins ! Pour autant, je l'utiliserai.
Cette préoccupation rejoint celle qu'a exprimée M. Dallier. Compte tenu de l'importance de la crise du logement, les efforts ont d'abord porté sur la production d'offres nouvelles. Il faut poursuivre en ce sens, car nous manquons toujours de logements. Cependant, la nécessité d'assurer l'amélioration du parc existant n'a pas été sous-estimée. Ainsi, figure parmi les objectifs fixés à l'ANRU la réhabilitation de 400 000 logements entre 2004 et 2013.
Pour les territoires qui ne sont pas en ZUS, l'État s'est engagé, dans la convention signée en décembre 2004 avec l'USH, à financer 40 000 PALULOS par an. Cet engagement est largement tenu puisqu'en 2005 plus de 57 000 logements ont été financés, et en 2006 près de 48 000, pour un montant de 46 millions d'euros. L'objectif devrait de nouveau être dépassé.
Enfin, lorsque nous préparerons le projet de loi de finances pour 2009, nous ferons le bilan des trois premières années d'application de la convention et des quatre premières années d'intervention de l'ANRU. Ce sera aussi l'occasion d'examiner le contenu des plans stratégiques de patrimoine des organismes en liaison avec les objectifs d'économie d'énergie sur le parc existant.
Monsieur Vanlerenberghe, vous faites part de vos craintes relatives aux moyens budgétaires dégagés pour lutter contre l'habitat indigne. Je précise qu'ils seront complétés par des crédits de l'ANAH, qui consacrera un effort exceptionnel à cette tâche.
Monsieur Repentin, vous vous inquiétez de la pérennité des financements assurés par le livret A. À la suite de la décision prise par la Commission le 10 mai dernier, le Gouvernement a, d'une part, déposé une requête en annulation devant le Tribunal de première instance des Communautés européennes et, d'autre part, engagé une mission de réflexion, confiée à M. Camdessus, pour examiner les meilleures conditions possibles d'une éventuelle banalisation.
La décision du Tribunal ne devrait pas intervenir avant le milieu de l'année 2008, et nous espérons qu'elle donnera raison à la France. Pour l'heure, les différents acteurs concernés - HLM, banques, associations, économistes - ont été auditionnés par la mission Camdessus, qui a bien présents à l'esprit les deux objectifs premiers de son travail : assurer les meilleures conditions possibles au logement social ; assurer l'accessibilité bancaire aux plus démunis. La mission remettra ses conclusions dans quelques jours, je ne peux donc pas vous en dire davantage pour l'instant.
Je voudrais maintenant évoquer les crédits des programmes « Rénovation urbaine » et « Équité sociale et territoriale et soutien ».
Vous l'avez bien compris, 2008 sera - et cela se traduit dans le projet de budget - une année de transition, marquée par la révision générale des politiques publiques, qui conduit à revoir l'efficacité des crédits et les structures de l'État chargées de les mettre en oeuvre, mais aussi, en application d'un engagement pris par le Président de la République, par la préparation du plan « Respect et égalité des chances ».
Il appartient à Mme Amara de vous exposer les priorités de la politique de la ville pour 2008 et de faire le point sur la préparation de ce plan. Pour ma part, en réponse aux remarques des rapporteurs, tout particulièrement de MM. André et Dallier, je voudrais insister sur quelques orientations clefs.
Tout d'abord, je constate, comme vous, que le projet de loi de finances pour 2008 permet de tenir les engagements adoptés par le Parlement dans les différentes lois de programmation. Les autorisations d'engagement respectent le montant prévu par la loi, et les crédits de paiement sont adaptés au rythme des réalisations et à la trésorerie abondante de l'ANRU.
Je suis doublement intéressée à la réalisation de ces opérations. En tant que ministre du logement, d'abord, parce que, naturellement, elles contribuent à améliorer le parc social : il faut savoir que les bâtiments voués à la démolition affichent des taux de vacance de 33 % alors que, par ailleurs, nous souffrons d'un terrible manque de logements sociaux. En tant que ministre de la ville, ensuite, parce que ces opérations sont essentielles à la dignité de vie de tous les habitants, mais surtout à la réintégration de ces quartiers dans la ville. Je suis donc particulièrement motivée pour accélérer la réalisation du programme de rénovation urbaine.
D'ores et déjà, j'ai demandé à l'ANRU d'alléger les procédures pour tout ce qui concerne les adaptations mineures à des programmes déjà validés. Je tiens cependant à préciser que, s'agissant du programme de rénovation urbaine proprement dit, autant je poursuis les orientations et les engagements de mon prédécesseur, autant je souhaite que la dimension sociale soit davantage prise en compte.
Je réfléchis de façon plus générale au coût d'un logement. Il faut étudier ce coût non seulement en ce qui concerne la pierre, le béton ou le ciment - le « dur » -, mais également au point de vue de l'accompagnement social, en particulier pour les logements sociaux, afin d'y intégrer la dimension humaine.
Vous m'avez interrogée également sur les centres anciens. Je partage tout à fait les observations de votre rapporteur sur la précarité qui touche les habitants des centres anciens dans plusieurs dizaines de centres villes.
N'est-il pas étonnant que l'on démolisse certains quartiers, qui nécessitent certes de l'être, et que l'on oublie des centres anciens dans lesquels le niveau de confort des logements est inférieur à celui des logements que nous démolissons ?