M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.
M. Jean-Paul Virapoullé. Messieurs les ministres, l'éducation nationale, à la Réunion comme dans les quatre départements d'outre-mer, a réussi à faire avancer le progrès social et le progrès économique.
En soixante et un an, grâce au dévouement des personnels enseignants, grâce à l'effort de l'État, qui a équipé collèges, écoles primaires, lycées, lycées professionnels, nous avons vu le nombre d'illettrés diminuer progressivement et des jeunes accéder à la dignité par le travail.
Je suis monté à cette tribune pour vous exposer, en tant qu'élu et militant de l'éducation nationale, ma conception de l'avenir. Bien sûr, en six minutes, je ne vous présenterai pas une doctrine complète. Je vous ferai néanmoins trois propositions.
Dans les classes primaires des départements d'outre-mer, nous rencontrons les mêmes difficultés qu'en métropole, accrues par la nécessaire transition entre le créole et le français, accrues par notre passé colonial, qui n'est pas encore très loin, accrues par le fait que, d'un point de vue sociologique, nos départements sont encore pauvres. Mais c'est vrai aussi de vos banlieues de métropole, de vos quartiers déshérités, qui rassemblent parfois plus de 200 nationalités.
Première proposition : nous devons enterrer le moule unique. À traiter de la même façon des enfants qui sont dans des situations sociologiques ou ethnoculturelles différentes, on finit par laisser sur le bord du chemin, à la fin du cycle primaire, 30 % des jeunes dans les DOM et 20 % en métropole. Je plaide donc, du haut de cette tribune, pour un accompagnement scolaire généralisé, adapté au contexte socioculturel, au handicap que vivent les jeunes dans leurs quartiers.
Je veux également vous parler du collège. Le collège « ambition réussite » que vous avez mis en place dans les ZEP, dans les quartiers difficiles, est en train de porter ses fruits.
Je voulais vous demander - et ce sera ma deuxième proposition - si, dans le cadre de la loi de décentralisation, il ne serait pas possible, dans les départements qui le souhaitent et dans les établissements volontaires - l'article 73 de la Constitution nous le permet à la Réunion - d'expérimenter le collège de la vocation, c'est-à-dire le collègue à plusieurs sections, et d'en finir avec le collège à tronc unique ?
Dans le collège de la vocation, dès la quatrième, le professeur principal, les parents d'élève et le jeune peuvent, à l'issue d'un entretien, décider de la vocation de l'enfant en fonction de sa motivation, opter pour un cursus d'enseignement différent.
J'ai été très attentif aux propos de M. Mélenchon. En métropole, et par voie de conséquence dans les DOM, l'apprentissage, l'enseignement technique sont dévalorisés parce que l'orientation vers l'enseignement technique ou vers l'apprentissage est considérée comme la sanction d'un échec.
Or l'orientation vers l'enseignement technique ou l'apprentissage n'est pas synonyme d'échec si elle n'est pas subie, si elle est voulue par le professeur principal, par les parents, par le jeune et si elle commence dès la quatrième ou la troisième.
Monsieur le ministre, la réforme Haby n'est plus adaptée au contexte sociologique et économique de notre pays. Il faut marquer de votre empreinte une réforme d'un collège à plusieurs sections : enseignement général, enseignement technique, apprentissage.
Troisième proposition : il est nécessaire d'enseigner l'orientation dans les collèges et dans les lycées.
Une des raisons fréquentes de l'échec des enfants, en tout cas de leur moindre motivation, est qu'ils ne savent pas à quoi sert l'école. Pourquoi faire un effort, disent-ils, mes parents sont chômeurs, moi, je toucherai le RMI ?
Dans la ville de Saint-André, à titre expérimental, nous avons commencé à enseigner l'orientation avec l'accord des principaux et des proviseurs de lycées. Cela peut se faire sans loi ni décret. Et croyez-moi, cela marche du feu de Dieu ! Les élèves viennent écouter les chefs d'entreprises, ils discutent avec eux, ils sont attentifs lorsqu'on leur explique en quoi consiste le métier de boucher, de boulanger, de médecin, d'avocat, d'ingénieur. Et ils se disent alors que l'école sert à quelque chose.
Quand vous autoriserez les collèges qui le souhaitent à consacrer deux heures par semaine à l'enseignement de l'orientation, vous motiverez les élèves et ferez de cette motivation un vecteur de réussite scolaire. Vous verrez alors des enfants qui allaient à l'école avec souffrance y aller avec joie.
Telles sont donc les trois propositions que j'avais à vous faire, monsieur le ministre, propositions modestes, certes, mais qui pourraient avoir de grandes conséquences.
Il s'agit d'abord de consacrer un effort budgétaire important pour « limiter la casse » dans le primaire - actuellement, 30 % des élèves y sont en échec, ce qui, ultérieurement, représentera une charge pour la société. Il s'agit ensuite d'autoriser, au nom de l'expérimentation, les collèges qui le souhaitent à mettre en place les collèges à trois sections : vocation enseignement général, vocation enseignement général et apprentissage, vocation enseignement général et enseignement technique, de façon que l'enseignement technique et l'apprentissage n'apparaissent plus comme la sanction d'un échec mais comme le point de départ d'une réussite. Il s'agit enfin de permettre aux chefs d'établissement qui le souhaitent d'enseigner l'orientation dès la classe de sixième pour motiver les enfants, pour leur ouvrir les portes de la société, pour qu'ils sachent à quoi sert l'enseignement. Alors, vous verrez ceux qui aujourd'hui vont à l'école un peu blasés y aller avec l'envie de réussir et de trouver leur place dans la société. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. André Lardeux.
M. André Lardeux. Monsieur le ministre, le projet de budget que vous présentez ne pose guère de problèmes en termes de moyens, et vous disposez largement de ce qui est nécessaire à la conduite des missions de votre ministère. Aussi les questions qui me semblent préoccupantes se limitent-elles aux performances de notre système d'enseignement.
D'enquête en évaluation, on ne cesse de souligner les résultats fort moyens, pour ne pas dire médiocres, de nos écoliers, tant pour la lecture et les sciences que pour les mathématiques. Cela confirme, hélas ! que l'éducation nationale est une machine à rendement décroissant : les moyens fournis sont de plus en plus importants, et les résultats ne suivent pas ; au contraire, ils régressent.
J'ai noté avec intérêt que, face à ces difficultés, vous aviez adopté une démarche pragmatique qui évitait les débats idéologiques, notamment sur les problèmes pédagogiques : on ne peut que vous approuver, car l'éducation nationale, à la différence d'autres secteurs, a non seulement une obligation de moyens, qui est satisfaite, mais aussi une obligation de résultats ; là, nous sommes loin du compte !
Aussi, je souhaite savoir où en est l'application de la réforme de la formation des maîtres et des IUFM, les instituts universitaires de formation des maîtres. Si cette réforme est effective, les nouveaux enseignants ont-ils la garantie d'échapper aux injonctions pédagogiques souvent fumeuses que l'on a connues dans le passé ?
La question des rythmes scolaires, sur laquelle il n'y a pas de vérité absolue, mérite d'être approfondie. En effet, la généralisation de la semaine de quatre jours peut poser de grandes difficultés aux familles les plus modestes. De même, son application doit être accompagnée d'une évaluation des coûts induits pour les départements, notamment en matière de transports scolaires - puisque les lycées, eux, continueront de fonctionner six jours par semaine -, et pour les communes, en particulier pour l'accueil en dehors du temps scolaire. Une telle modification paraît aussi appeler une redéfinition des missions des enseignants et de leurs services, avec les éventuelles conséquences sur les affectations et sur les rémunérations.
La réforme de la carte scolaire sera-t-elle poussée plus loin ? À mon sens, il le faudrait.
De même, il est nécessaire de revoir le saupoudrage des moyens dans les zones d'éducation prioritaires. En effet, les zones définies sont devenues permanentes : on entre dans le dispositif, et l'on n'en sort plus. Il est probable que la définition actuelle est trop large, ce qui conduit à attribuer des moyens trop limités qui ne permettent pas de corriger les faiblesses les plus criantes constatées chez les élèves.
Le dernier point que je souhaite soulever concerne la situation de l'enseignement privé. Le maintien d'un parallélisme inadapté entre public et privé pénalise fortement ce dernier : pourquoi supprimer des postes dans l'enseignement privé alors que ses effectifs sont en augmentation ? Ne pourrait-on pas adopter d'autres règles ? Qu'est-ce, en effet, qu'une liberté dont les moyens ne sont pas assurés ? C'est d'ailleurs l'intérêt des jeunes et de leurs familles qui serait ainsi préservé, puisque les évaluations que j'ai évoquées au début de mon propos montrent que les résultats du privé sont supérieurs, alors que ses moyens sont inférieurs. (M. Yannick Bodin éclate de rire.)
La solution passe par une réforme d'ampleur incluant dans son champ ce qu'il reste de ce monument de ringardise qu'est la loi Falloux, dont le maintien ne paraît pas compatible avec les principes énoncés dans la Convention européenne des droits de l'homme. Là aussi, la rupture dans nos us et coutumes est indispensable.
Nonobstant ces quelques remarques, monsieur le ministre, j'apporterai bien sûr mon soutien au projet de budget pour la mission « Enseignement scolaire ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je concentrerai mon propos sur deux ou trois points sur lesquels je voudrais, non pas attirer l'attention du Gouvernement, car il y est certainement sensibilisé, mais entendre son point de vue, par la voix du ministre M. Darcos.
Je souhaite en effet connaître l'état d'esprit et la volonté politique qui prévalent aujourd'hui au sein de l'éducation nationale et savoir jusqu'où le ministère et le Gouvernement sont prêts à aller en matière d'enseignement précoce des langues vivantes étrangères - c'est mon premier point.
Je suis l'élu d'un canton rural d'à peine 6 000 habitants qui expérimente depuis maintenant près de quinze ans - bien avant que l'éducation nationale ne le généralise ! - l'enseignement des langues vivantes étrangères à l'école primaire. Nous avons été heureux de constater que l'éducation nationale prenait désormais en charge cet enseignement, qui représente pour les enfants trois quarts d'heure par semaine.
Certes, les programmes sont si lourds que beaucoup considèrent comme indispensable de donner la priorité à l'enseignement de disciplines fondamentales comme le français, avec lequel l'enseignement d'une langue étrangère entrerait en concurrence. Pour ma part, je ne partage pas ce point de vue.
Je préside depuis plusieurs années le comité de pilotage qui suit cette expérimentation de l'enseignement des langues. Lorsque celui-ci a été généralisé dans le primaire dès le CE2, nous avons considéré qu'il fallait aller plus loin. Nous avons donc mis en place l'enseignement précoce des langues dès l'école maternelle. Au demeurant, nous n'innovions pas réellement, puisque d'autres départements français nous avaient précédés dans cette voie. Il est vrai que les départements frontaliers - je pense plus particulièrement aux départements alsaciens ou lorrains, qui ont mené des expériences tout à fait intéressantes et ont obtenu des résultats probants - sont mieux armés que nous, qui sommes loin de toute frontière, pour réussir ce type d'initiatives.
Sont donc enseignés depuis sept ans dans deux groupes scolaires de mon canton, à titre expérimental, l'allemand et l'anglais, grâce notamment à une convention tripartite conclue entre le conseil général de l'Oise, le syndicat à vocation multiple que je présidais alors et qui regroupe environ dix-sept communes, et, bien entendu, l'éducation nationale. Cette convention expirera l'année prochaine pour l'allemand et dans deux ans pour l'anglais.
Monsieur le ministre, l'éducation nationale pourra-t-elle maintenir les moyens exceptionnels qui ont été mis en oeuvre afin que nous puissions mener cette expérience à son terme ?
Serait-il par ailleurs possible que celle-ci fasse l'objet d'une évaluation afin que l'on puisse en tirer des enseignements ? Quelles sont les intentions du Gouvernement en la matière ? Entend-il d'abord l'étendre aux alentours du secteur géographique sur lequel je sévis (Sourires), qui compte dix ou douze communes, c'est-à-dire quatre ou cinq regroupements scolaires, pour le généraliser ensuite, pourquoi pas, à l'échelon national ? À quelle échéance pourrions-nous l'envisager ?
Enfin, ne serait-il pas intéressant d'étudier la possibilité de mettre en place dans l'enseignement primaire des classes européennes ou des classes bilingues, à l'instar de ce qui se pratique dans les collèges ? Est-ce trop tôt ? Plusieurs expériences étrangères démontrent que cela est possible !
Je le répète, l'avenir de nos jeunes, l'avenir de nos enfants passe par la maîtrise d'une langue étrangère : ils en ont besoin s'ils veulent mettre toutes les chances de leur côté pour s'intégrer demain dans la vie active et trouver leur place dans notre société.
Le deuxième point que je voulais soulever est l'accompagnement éducatif après la classe. L'idée est tout à fait intéressante, et la possibilité ainsi offerte aux collégiens de bénéficier d'activités encadrées au sein de leur établissement entre 16 heures et 18 heures répond sans aucun doute au souci des familles de concilier tout à la fois la vie professionnelle des parents et les exigences de l'apprentissage scolaire des enfants.
La généralisation de cette aide est prévue dès la rentrée 2008. Une concertation en amont, avec les collectivités locales, me semble toutefois nécessaire, et ce pour au moins deux raisons : d'abord, les collectivités locales ont besoin d'être éclairées sur le rôle qui leur sera dévolu dans cette réforme ; ensuite, il faut qu'elles puissent prévoir le coût de la mise en oeuvre de ce système. C'est particulièrement vrai en milieu rural, où se posent des problèmes complexes d'organisation et de transport - sauf à faire en sorte que ce soient les enseignants qui se déplacent et prennent ainsi en charge cet aspect.
Enfin, j'aborderai mon dernier point - pour respecter mon temps de parole ! - à savoir la scolarisation des enfants handicapés. Le Président de la République en a fait une priorité, et je sais que le Gouvernement est très mobilisé sur ce sujet - en particulier vous-même, monsieur le ministre - puisque les mesures qui sont mises en oeuvre sont tout à fait à la hauteur des engagements.
Je voudrais cependant évoquer devant vous un cas particulier : celui des enfants autistes, dont les parents sont confrontés à des problèmes spécifiques.
Les enfants handicapés bénéficient à l'école d'un accompagnement, assuré par les auxiliaires de vie scolaire, les AVS, qui permet de soulager l'enseignant. Or il s'avère que les auxiliaires de vie scolaire n'ont pas la formation nécessaire pour prendre en charge et suivre les enfants autistes. C'est la raison pour laquelle de nombreux parents ont dû s'organiser, par le biais d'associations, en faisant appel à des accompagnants psycho-éducatifs, les APE.
Si l'éducation nationale accepte aujourd'hui le principe de l'accompagnement scolaire par les APE, le financement demeure à la charge exclusive des parents. Aussi, je m'interroge : pourquoi cette forme d'iniquité entre les parents dont les enfants peuvent être accompagnés par les AVS et ceux pour les enfants desquels la formation et les compétences des AVS sont insuffisantes, ce qui contraint les parents à passer par la voie associative ?
Je terminerai donc par deux questions. Le Gouvernement envisage-t-il, monsieur le ministre, des mesures de formation en direction de ces AVS, de façon qu'ils puissent accompagner les enfants autistes ? Et, si c'est le cas, ne pourrait-on envisager, en attendant que cette formation soit mise en oeuvre, une participation au profit des associations concernées pour alléger la charge que représentent ces APE dans les écoles ?
Je vous remercie par avance, monsieur le ministre, des réponses que vous voudrez bien m'apporter. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercierai d'abord le rapporteur spécial, Gérard Longuet, et les rapporteurs pour avis, Françoise Férat, Brigitte Gonthier-Maurin et Philippe Richert, de l'attention qu'ils ont portée au programme « Enseignement technique agricole » au sein de la grande mission « Enseignement scolaire ».
Je rappelle que l'enseignement agricole accueille 175 000 élèves, dont 60 % d'internes, dans 847 établissements publics et privés, 21 d'entre eux se trouvant, monsieur Virapoullé, dans les départements d'outre-mer. Il mobilise 25 % du budget de l'agriculture et de la pêche et s'appuie sur la moitié des effectifs du ministère : 17 000 agents sur 36 600, agents auxquels je veux rendre hommage pour leur engagement et pour la compétence, le coeur qu'ils mettent à faire vivre et réussir le modèle éducatif agricole français.
Ce modèle éducatif, c'est un enseignement original, ouvert sur le monde du travail, qui sait conduire ses élèves à la réussite, comme vous l'avez souligné dans votre rapport, monsieur Longuet, et comme l'ont également rappelé Françoise Férat et Jean-Claude Carle.
Il est au coeur de notre projet alimentaire, territorial et agricole, parce qu'il contribue sur le terrain à construire une agriculture moderne, compétitive et durable et parce qu'il participe à la vitalité de nos territoires ruraux.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce modèle sera en première ligne pour relever les nouveaux défis du développement durable et de la future politique agricole, alimentaire, territoriale et de la pêche dont l'Europe doit se doter dans les prochaines années.
Madame Férat, monsieur Mouly, c'est dans ce contexte et avec cet objectif que nous allons travailler, dès le début de l''année 2008, à la rédaction du cinquième schéma prévisionnel pour l'enseignement agricole 2009-2014. Il donnera les perspectives indispensables aux établissements du ministère de l'agriculture et de la pêche, tant en termes d'orientations stratégiques qu'en termes de répartition territoriale.
Le budget de l'enseignement agricole est objectivement corrigé de l'effet lié au transfert des personnels techniciens, ouvriers et de service, les TOS, en hausse de 1,3 % et il s'établit à 1,54 milliard d'euros.
La maîtrise des effectifs se poursuit dans la même proportion qu'à l'éducation nationale, dans le respect de l'équilibre entre les trois familles qui le constituent : l'enseignement public, l'enseignement privé temps plein et les Maisons familiales et rurales.
Nous avons accordé une place importante à la vie scolaire avec 1 150 assistants d'éducation. Par ailleurs, nous poursuivons l'ouverture sociale de l'enseignement agricole, sans oublier, mesdames, messieurs les sénateurs, l'accueil des élèves handicapés pour lequel le ministre de l'éducation nationale nous aidera en 2008, ce dont je le remercie.
L'enseignement agricole accueille près de 45 % d'élèves issus de milieux modestes et plus de 57 000 élèves qui recevront un soutien financier de l'État.
Les moyens et les efforts budgétaires ont été équitablement répartis entre le public et le privé.
Je suis attentif comme vous, monsieur Carle, au financement des établissements privés de temps plein.
Le projet de loi de finances pour 2008 prévoit une subvention de 107,8 millions d'euros, en légère hausse. Je m'engage à mener dans les prochaines semaines la négociation avec le Conseil national de l'enseignement agricole privé pour la revalorisation de sa subvention. Je veillerai à ce qu'elle soit traduite dans le budget 2009.
En ce qui concerne les Maisons familiales et rurales, l'augmentation de la dotation de 3 % traduit l'importance que nous attachons au soutien à cet enseignement original ; nous poursuivrons cet effort en 2008.
Madame Férat, monsieur Carle, je m'attacherai à réduire les reports de charge que vous avez relevés, je me suis engagé à le faire à l'Assemblée nationale à hauteur de 4 millions d'euros dès 2007.
Madame Goulet, en vous appuyant sur l'exemple du lycée d'Alençon-Sées, vous avez souligné la diversité des contrats qui sont gérés par les chefs d'établissement. C'est une réalité et c'est une question sensible. J'ai demandé à mes services, pour le début de l'année 2008, d'établir un état des lieux de ce dispositif et de formuler des propositions. Elles feront l'objet d'une concertation avec les partenaires sociaux.
J'en viens à ma conclusion, monsieur le président, pour respecter scrupuleusement le temps de parole qui m'a été attribué.
Mon ministère se place dans une démarche de coopération plus étroite avec celui de l'éducation nationale, dans un souci de complémentarité entre les deux systèmes éducatifs. Nous y avons travaillé ensemble, Xavier Darcos et moi, en bonne intelligence avec l'ensemble de nos équipes ; les directeurs régionaux de l'agriculture et de la forêt vont avoir prochainement une concertation assez originale avec les recteurs.
L'enseignement agricole participe pleinement aux travaux de la révision générale des politiques publiques. J'y associerai également les conclusions de la Commission sur l'évolution du métier d'enseignant, qui s'est particulièrement intéressée à l'exercice du métier d'enseignant dans les établissements d'enseignement agricole.
Enfin, je serai particulièrement vigilant quant au maintien de la diversité des implantations territoriales des trois familles de l'enseignement technique agricole. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je voulais évoquer, avant que M. le ministre ne s'exprime, un débat qui a commencé lors de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances, qui va sans doute se poursuivre en commission et qui concerne les conditions d'inscription dans l'enseignement primaire privé d'une commune à une autre.
En d'autres termes, depuis un certain article 23 et ses conditions d'application, lorsqu'une famille souhaite inscrire par dérogation son enfant dans l'école publique d'une autre commune, il appartient à la commune de résidence de la famille de faire la preuve qu'elle dispose des installations et des services périscolaires qui ont été conçus pour la population scolaire de la commune. De ce fait, cette commune de résidence est en mesure de s'opposer à la dérogation et au paiement subséquent de la contribution qui sera demandée par la commune siège de l'établissement d'enseignement choisi par la famille.
Or, monsieur le ministre, depuis un certain amendement,...
M. Alain Vasselle. Charasse ! (Sourires.)
M. Jean-Marc Todeschini. Malheureusement !
M. Philippe Marini, rapporteur général.... les choses apparaissent un peu dissymétriques pour l'enseignement privé. C'est une question qui suscite l'interrogation de nombreux maires, du moins dans certains départements. Les maires des communes de résidence craignent d'être obligés de contribuer aux frais de scolarité dans un établissement privé d'une autre commune alors qu'ils disposent des locaux et surtout de l'ensemble des services scolaires et périscolaires nécessaires.
Le ministre de l'éducation nationale connaît ce sujet sur lequel nous sommes souvent interpellés. Les conditions d'application de cette mesure ne nous semblent pas les mêmes partout et nous sommes en attente d'une règle du jeu. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. J'ai précisé ce matin, au début de la séance, à Mme Gonthier-Maurin, que cette question ferait l'objet d'un débat lors de l'examen des articles non rattachés de la seconde partie du projet de loi de finances. Si nous devons ouvrir maintenant un débat sur ce sujet, nous serons encore là au début de l'après-midi !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Lors de la discussion des articles de la seconde partie, ne sera présent que le ministre du budget ; le ministre de l'éducation nationale ne sera pas là !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. En tout cas, je souhaite que la réponse soit lapidaire !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à remercier les rapporteurs de leur travail, en particulier Gérard Longuet et Philippe Richert, ainsi que l'ensemble des orateurs, dont les interventions ont été riches et complètes. Je vais essayer de répondre aux interrogations qui ont été soulevées plutôt que de me lancer dans une rhétorique générale sur l'utilité de l'école au sein de la nation.
Je répondrai tout d'abord à Philippe Marini sur la question qu'il vient de me poser. L'Assemblée nationale a examiné la semaine dernière une proposition de loi qui revenait sur le fameux article 89 et qui a été repoussée par la majorité. C'est donc une question qui relève d'une démarche législative et, quelle que soit mon opinion, il ne m'appartient pas de revenir sur un vote de l'Assemblée nationale.
M. Jean-Marc Todeschini. Vous êtes au Sénat !
M. Xavier Darcos, ministre. Si une proposition de loi est déposée au Sénat, nous l'examinerons, mais cette question n'entre pas dans l'examen de mon budget.
Plusieurs intervenants ont insisté sur le fait que l'approche des questions éducatives devait être marquée par le pragmatisme et le concret, notamment Jacques Legendre et André Lardeux ; je vais donc m'efforcer d'être pragmatique et concret.
Ce projet de loi de finances s'inscrit dans la maîtrise de la dépense publique. Lors des scrutins électoraux successifs, les Français ont demandé au Président de la République, à son Gouvernement et au Parlement, de veiller à ce que la dépense publique soit contenue, modernisée et surtout qu'elle soit efficace.
Évidemment, l'éducation nationale, qui est le premier employeur de l'État, s'engage dans cette voie tracée par le Président de la République et prend toute sa part à l'effort collectif de maîtrise et de rationalisation des dépenses publiques. Le projet de budget pour 2008 répond à cette exigence exprimée par nos concitoyens. En effet, 22 700 fonctionnaires partant à la retraite ne seront pas remplacés. L'éducation nationale y apporte sa part, celle-ci correspondant d'ailleurs à peu près à sa proportion à l'intérieur de la fonction publique d'État, puisque ce sont 11 200 non-remplacements dont l'éducation nationale assurera la charge. C'est un choix résolu, courageux. Au demeurant, ce schéma d'emploi maîtrisé n'empêche pas d'avoir des ambitions, je dirai même qu'il nous contraint à repenser à l'essentiel, à nous réinvestir dans l'offre éducative en direction de ceux qui en ont le plus besoin.
Ces non-remplacements ne sont pas de nature à obérer les caractéristiques du système éducatif puisqu'ils porteront surtout sur des postes à caractère administratif : je pense, par exemple, à la gestion dématérialisée de la paye. Cet effort de réorganisation de notre administration permettra de ne pas renouveler 1 000 postes à caractère administratif sans que les écoles - en tout cas les élèves - soient touchées.
Par ailleurs, des marges de modernisation importantes existent encore dans le champ de la gestion administrative. Je suis convaincu qu'il est possible d'améliorer significativement le système des remplacements, en particulier pour les personnels enseignants qui sont affectés sur des zones de remplacement. Il est possible aussi de résorber les surnombres d'enseignants dans les disciplines qui n'attirent que peu d'élèves. Je ne citerai pas les disciplines concernées parce que l'on me reproche toujours de stigmatiser les unes et les autres, mais il y en a beaucoup et, dans certaines d'entre elles, il y a des enseignants qui n'ont pas d'élèves du tout.
La combinaison de ces deux mesures donnera naissance à un système plus efficient qui permettra d'économiser 2 000 emplois, dont 340 dans le privé.
Enfin, il faut tenir compte de la démographie scolaire. En quinze ans, le nombre d'élèves s'est réduit de 3,3 % tandis que les effectifs d'enseignants augmentaient, quant à eux, de 4,7 %. Cette décrue démographique, qui se poursuit dans le second degré, va permettre le non-renouvellement de 1 800 emplois. En revanche, dans le premier degré, où les effectifs sont en légère croissance, nous avons décidé de recruter 840 enseignants supplémentaires.
La maîtrise de nos finances publiques exige aussi que les professeurs exercent leur métier d'une manière différente. Telle est la raison pour laquelle nous leur offrons la possibilité de solliciter davantage d'heures supplémentaires, défiscalisées et exonérées de charges, ce qui leur permettra d'accroître sensiblement leur pouvoir d'achat, tout en nous permettant d'économiser 4 200 postes. Les recrutements en 2008 seront cependant à la hauteur des besoins.
Les caractéristiques majeures du système éducatif nous permettront de limiter le nombre de stagiaires à la rentrée 2008. Plus de 3 000 emplois d'enseignants stagiaires, dont 200 dans le privé, seront économisés. Nous recruterons néanmoins 18 000 personnes cette année.
Certains intervenants, en particulier Yannick Bodin, craignent que les effectifs ne soient pas suffisants. Le calibrage des concours correspond à nos besoins, et j'ai pris l'engagement qu'à la rentrée prochaine aucune classe, aucun service, aucune option ne seraient fermés en référence à la loi de finances que nous adoptons aujourd'hui.
Comme l'a dit Jean-Claude Carle, ce ne sont pas seulement de moyens que nous avons besoin mais aussi de résultats. Nous sommes de toute façon capables de maîtriser d'une manière assez souple l'ensemble de notre masse salariale dans la mesure où 11 000 emplois représentent 0,8 % de l'ensemble de la fonction publique enseignante.
Quant à la décentralisation des personnels techniques, qui a été évoquée à plusieurs reprises, elle permettra elle aussi de prolonger ce mouvement de retour des personnels techniques vers les régions ou les collectivités territoriales et ce transfert allégera lui aussi notre charge en emplois.
Pour autant, je le répète, nos ambitions n'ont pas reculé. Plusieurs d'entre vous ont évoqué les comparaisons internationales montrant que nous avons besoin de repenser notre système éducatif.
L'ensemble des études internationales montrent que la structure des coûts au sein de notre système éducatif est très différente de celle qui prévaut dans des pays comparables au nôtre. Par exemple, la durée moyenne de la scolarité y est très largement supérieure, le temps que les élèves passent chaque année à l'école, le nombre d'heures d'enseignement reçues nous placent toujours en haut du classement sans pour autant que notre système soit plus efficace.
De nombreux orateurs ont insisté sur ces comparaisons, Gérard Longuet lui-même l'a fait dès le début de notre discussion. Certains d'entre vous ont contesté ces comparaisons, en particulier le dispositif PISA - programme international pour le suivi des acquis des élèves. Jean-Marc Todeschini a même parlé de « campagne médiatique ». Nous ne sommes pas maîtres des campagnes médiatiques organisées par l'OCDE.
Jean-Luc Mélenchon a dit que ces statistiques étaient inspirées d'une logique anglo-saxonne. Il ne s'agit que de statistiques, certes, mais je me refuse à la fois au catastrophisme et au déni, parce que ces statistiques, qui se fondent toujours sur les mêmes critères depuis plusieurs années, continuent à faire apparaître une perte de compétitivité de notre système, et nous ne pourrons pas faire comme si elles n'existaient pas.
De même, l'enquête PIRLS, à laquelle plusieurs d'entre vous ont fait allusion, ne saurait être considérée comme partiale, car nos propres services d'évaluation y ont participé. Elle a révélé que, s'agissant de l'apprentissage et de la maîtrise du langage des enfants âgés de dix ans, la France se situe en dessous de la moyenne européenne.
Je veux donc dire à Jean-Luc Mélenchon en particulier, qui est un bon connaisseur des choses de l'école et de l'enseignement professionnel - sujet sur lequel je reviendrai tout à l'heure -, que nous ne pouvons pas complètement éluder ces études.
Lundi dernier, je me suis rendu en Finlande. Certes, je sais bien que nos deux pays sont fort différents, et je ne m'aventurerai pas à faire de comparaison sociologique hasardeuse. Mais voilà un pays qui ne scolarise les enfants qu'à l'âge de sept ans, et ce sans préscolarisation, et qui, dans tous les classements d'élèves âgés de dix ans, se retrouve en première position alors que les élèves français, qui sont tous scolarisés à trois ans, se situent parmi les six derniers.