M. Paul Blanc. Très bien !
Mme Catherine Procaccia. Certes, le projet soulève de nombreuses difficultés, et ses détracteurs se font fort d'expliquer que les deux structures n'ont pas le même statut, que l'ANPE obéit à un mode de gestion public tandis que l'UNEDIC est entièrement paritaire, ce qui conduirait, dans leur esprit, à créer une usine à gaz. Mais, selon moi, on perd ainsi de vue le véritable sujet, à savoir la gestion de l'emploi, dans un pays, la France, qui fait moins bien que les autres. Depuis plus de vingt ans, les fonctions de suivi, de placement et, souvent, de formation des chômeurs ont été unifiées en Europe, permettant à nos voisins de disposer d'un service d'aide à la recherche d'emploi plus performant, plus réactif et, surtout, plus personnalisé.
La fusion de l'ANPE et de l'UNEDIC présentera, à mon sens, un autre avantage ; elle devrait favoriser l'émergence d'une évaluation complète du service public de l'emploi. Aujourd'hui, il est impossible d'avoir une vision globale et indépendante des dispositifs d'accompagnement des chômeurs, notamment parce qu'ils sont proposés par une multiplicité d'organismes.
Je pense que la fusion devra ensuite aboutir rapidement à une régionalisation accrue de ces organismes, car un bon accompagnement des demandeurs d'emploi passe par une bonne connaissance du marché local du travail et par la proximité.
Comme M. le rapporteur pour avis, je tiens cependant à émettre une réserve, car je regrette que l'une des conséquences de la fusion entre l'ANPE et l'UNEDIC ne soit le gel des maisons de l'emploi, tout au moins de celles dont le projet n'est pas encore assez avancé et qui ne pourront donc voir le jour. En ce qui concerne les maisons de l'emploi déjà créées, il faudra que les acteurs qu'elles ont réunis puissent coopérer avec le nouveau service public de l'emploi. Pourriez-vous, madame la ministre, nous donner votre sentiment sur ce point ? Je souhaiterais également que vous nous fassiez part du calendrier de la réforme, ainsi que de son financement.
Je dirai maintenant quelques mots sur les contrats aidés. La Cour des comptes, à la demande de la commission des finances du Sénat, a établi un panorama de la politique des contrats aidés sur la période récente qui fait apparaître l'éclatement, la complexité des dispositifs et, surtout, la forte instabilité de leurs conditions de mise en oeuvre.
Cependant, le bilan de ces contrats est positif puisque ces derniers permettent de prendre en compte les besoins de certains publics particuliers. Ils jouent un rôle d'insertion sociale, voire de prévention de l'exclusion, à l'égard des personnes les plus vulnérables et les plus éloignées de l'emploi.
Concernant le dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise, je partage le souci de rationalisation du Gouvernement. À partir du moment où ce dispositif présente de trop importants effets d'aubaine et s'adresse au même public que le contrat initiative emploi, il convient de fusionner les deux dispositifs.
Je souhaite par ailleurs, madame la ministre, que vous évoquiez devant nous les perspectives ouvertes par le Grenelle de l'insertion.
J'en viens au plan de développement des services à la personne, dont le premier bilan est très positif. Ainsi, 116 000 nouveaux emplois, correspondant à 33 000 emplois en équivalent temps plein, ont été créés en 2006, soit une multiplication par trois du rythme de la création d'emplois. Le nombre de structures agréées a doublé entre 2005 et 2006.
Le Gouvernement propose, à l'article 55 rattaché, de réformer les exonérations dont bénéficient les prestataires de services intervenant auprès de publics non fragiles. Il s'agit de revenir progressivement à des conditions de droit commun, le secteur étant en plein essor. Cette évolution me paraît un peu risquée La distinction avec les publics non fragiles rend le système complexe. De surcroît, ces dispositifs ont été créés très récemment et permettent à un certain nombre de personnes de retrouver un emploi ; il me semble donc prématuré de supprimer des exonérations dans un secteur en pleine expansion. C'est pourquoi je m'associe au souhait de la commission de maintenir l'ensemble du dispositif.
Je dirai également un mot sur la suppression, aux termes de l'article 57, de l'AER, l'allocation équivalent retraite, qui s'inscrit dans la politique générale d'encouragement à l'emploi des seniors. Il s'agit de supprimer les multiples dispositifs de cessation précoce d'activité.
Comme l'ont expliqué MM. les rapporteurs, il semble inutile de différer, dans un but d'évaluation, la suppression de l'AER. Au sein de l'Union européenne, notre pays est très en retard concernant le taux d'emploi des seniors, thème particulièrement cher à la commission des affaires sociales. Nous devons lutter contre l'exclusion, et je félicite le Gouvernement de s'être attaqué au problème.
Le plan national pour l'emploi des seniors a pour objectif, à l'horizon 2010, un taux d'emploi de 50 % des personnes âgées de cinquante-cinq ans à soixante-quatre ans, au lieu de 37 % actuellement. Notre pays a besoin de toutes ses forces et de toutes ses compétences. Ce n'est pas parce que l'on a cinquante-cinq ans que l'on ne peut plus rien offrir à cet égard.
Je soulignerai enfin que ce projet de loi de finances prévoit la poursuite du renforcement des dispositifs d'alternance, grâce à une augmentation des crédits consacrés à la formation.
Aussi, je souhaiterais profiter de nos débats pour évoquer le système de formation français. Ayant fait pendant dix ans, en début de carrière, de la formation interne, c'est un secteur que je connais bien, même si nos collègues Jean-Claude Carle et Bernard Seillier, respectivement président et rapporteur de la mission commune d'information sur le fonctionnement des dispositifs de formation professionnelle, le connaissent maintenant mieux que moi. Ils ont d'ailleurs dressé un tableau assez noir de ce système.
Le rapport, souvent cité depuis, a dénoncé les trois maux de la formation professionnelle : complexité, cloisonnements et corporatisme. Pour les entreprises qui veulent former leur personnel, particulièrement pour les petites et moyennes entreprises, voire pour les très petites entreprises, c'est un véritable parcours du combattant ; mais cela l'est également pour les salariés qui souhaitent en bénéficier.
Les moyens accordés à la formation sont importants : la formation professionnelle continue et l'apprentissage ont drainé 24 milliards d'euros en 2004, et la dépense est en constante progression.
Cependant, le problème est que la formation ne va pas à ceux qui en ont le plus besoin. La formation bénéficie surtout aux grandes entreprises et aux demandeurs d'emploi les plus qualifiés. L'effort moyen de formation par salarié représente 791 euros dans les entreprises de dix salariés et plus, contre 74 euros dans les entreprises de moins de dix salariés ; 24 % des titulaires de CAP ou de BEP ont accès à la formation professionnelle continue, contre 44 % de diplômés de l'enseignement supérieur.
Aujourd'hui, si nous voulons relancer notre système, il faut passer, comme cela est préconisé dans le rapport sénatorial, d'une logique de dépenses à une logique d'investissement et de résultat,...
M. Paul Blanc. Très bien !
Mme Catherine Procaccia. ... et sortir de la logique « former ou payer » : dès lors que l'entreprise est soumise à une obligation de nature essentiellement financière, l'incitation à former l'ensemble des salariés est faible et la formation va aux mieux formés.
Il faut une triple réponse : à la demande des personnes, aux besoins économiques des entreprises et à l'aménagement du territoire.
Le présent projet de budget traduit une véritable volonté ainsi qu'une politique ambitieuse et tournée vers l'avenir. Le groupe UMP apportera bien évidemment son soutien à cette politique. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c'est dans un contexte de suspicion sur la réalité des chiffres du chômage dans notre pays que s'ouvre ce débat sur la mission « Travail et emploi ».
Ces « incertitudes » sur le taux du chômage viennent accroître les inquiétudes de nos concitoyennes et de nos concitoyens.
Le récent mouvement étudiant contre la loi sur l'autonomie des universités en est un mode d'expression. En refusant la participation des entreprises dans le financement et donc la direction des universités, les étudiants crient haut et fort leur crainte de voir les entreprises intervenir directement dans les choix pédagogiques.
Ce qu'ils redoutent, c'est une formation spécifique, liée aux entreprises et répondant à leurs seuls besoins, dans un bassin d'emploi bien défini ; mais le risque d'une délocalisation de l'emploi est grand, et nos étudiants craignent donc l'inadaptation de leurs diplômes, en cas de départ de l'entreprise qui les aura « commandés ».
Ce n'est pas la réponse de Mme Pécresse à mon collègue M. Jean-François Voguet, hier, au cours des questions d'actualité, qui va les rassurer ; ce n'est pas non plus la manière forte employée hier sur le campus grenoblois, à la demande des présidences d'université, en vue de la réouverture des locaux et de la reprise des cours qui va apaiser la situation, puisque des étudiants ont été blessés à cette occasion. Pourtant, le calme, nécessaire à la concertation, doit être retrouvé.
J'en reviens, sans m'en être vraiment éloignée, à la mission « Travail et emploi ».
Le Président de la République avait dit vouloir faire de la question de l'emploi, comme de celle du pouvoir d'achat, une priorité. Nous l'avons entendu hier soir : rien de bien nouveau ne se profile à l'horizon, si ce n'est « travailler plus pour gagner plus ».
On sait ce qu'il en est du pouvoir d'achat et on voit ce qu'il en sera de l'emploi : une priorité affichée, mais en recul de 2,7 %.
J'en veux pour exemple le programme 102, intitulé « Accès et retour à l'emploi », qui concerne les personnes les plus fragiles. Pourtant, c'est bien en direction des populations justement appelées « fragiles » que l'État doit consacrer ses efforts.
Le même sort, celui des coupes claires, est réservé au programme 103, intitulé « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » mais qui aurait pu s'appeler : « Comment les pouvoirs publics viennent compenser les délocalisations et autres restructurations d'entreprises ».
En effet, ce que nous dénonçons ici - ne vous y trompez pas, mes chers collègues ! -, c'est non pas la solidarité nationale, mais le fait que celle-ci intervienne en raison de choix économiques souvent contestables, visant à assurer aux actionnaires une croissance à deux chiffres, et ce sans grand souci de l'emploi. Ce que nous dénonçons, c'est la conséquence directe de la première mesure prise par la droite en 2002, à savoir la suppression de la loi du 4 janvier 2001 sur le contrôle des fonds publics, présentée par M. Robert Hue.
Pour en revenir au programme 102, le Gouvernement propose - c'est une mesure phare que Mme Procaccia a évoquée - de rapprocher les services offerts par l'ANPE et l'UNEDIC.
Qu'en est-il en réalité ? D'ores et déjà est annoncée la suppression de cent quatre-vingt-trois postes. Comment, dans le même temps, promettre que chaque agent de la future agence fusionnée s'occupera de trente demandeurs au plus, alors qu'il gère aujourd'hui plus de cent dossiers ? Le suivi personnel et individualisé, pourtant nécessaire, ne pourra pas aboutir, à moins que vous n'ayez dans votre besace une solution complémentaire bien dissimulée, madame la ministre, à savoir le recours accentué au privé !
Monsieur le ministre, vous dites vouloir offrir un guichet unique au demandeur d'emploi. Cela revient à supprimer la séparation entre le prescripteur et le payeur. Le demandeur d'emploi y a-t-il intérêt ?
Dans cette contre-réforme, comme dans toutes les autres, il faut chercher qui en profite : le patronat. Ce projet est sans conteste dans la continuité du PARE, le plan d'aide au retour à l'emploi, car la main qui versera l'allocation sera aussi celle qui mettra en relation l'employeur et le chômeur. Il suffit d'être chômeur pour comprendre immédiatement ce que cela veut dire. Refuser la mise en relation, c'est remettre en cause le versement des allocations, tout comme son inscription dans les chiffres du chômage. C'est ainsi que l'on se retrouve avec des chiffres bien différents.
Le service en sera-t-il amélioré ? Il y a lieu, là encore, d'en douter. Les salariés de ces deux agences vous mettent en garde, madame la ministre, contre ce qui va être l'une des principales difficultés : la pluridisciplinarité. Un agent va devoir simultanément accueillir le demandeur, participer à la recherche de son emploi, organiser la formation du chômeur et gérer ses indemnisations.
Quelles formations sont-elles prévues pour permettre aux salariés des ASSEDIC d'accomplir des tâches alors dévolues à l'ANPE et vice-versa ? Aucune !
Par ailleurs, l'AFPA, l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, pilier du service public de l'emploi, deviendra un prestataire au même titre que n'importe quel autre opérateur, et sera soumise à concurrence pour avoir les marchés dans les régions. Ce n'est pas d'une telle fusion que les salariés, actifs ou demandeurs d'emploi, ont besoin ; ce qu'il leur faut, c'est un service public de l'emploi orienté tant vers les chômeurs que les actifs, afin de sécuriser les parcours professionnels de chacun.
La réalité - je le disais plus haut -, c'est que le Gouvernement, en fusionnant ANPE et UNEDIC, ne veut pas d'un service public de l'emploi ; son souhait est d'offrir sur un plateau d'argent cet important marché aux sociétés privées !
Tel est déjà le cas dans de nombreux départements gérés par la majorité, qui recourent de plus en plus à des sociétés privées, à l'image d'INGEUS, pour réinsérer sur le marché du travail des demandeurs d'emploi ; mais attention, pas tous les demandeurs d'emplois : les jeunes diplômés et les cadres !
L'ANPE, de son côté, continue à s'occuper des cas les plus complexes.
Le Gouvernement a, dans le domaine de l'emploi, la même réflexion que dans celui de la santé : ce qui coûte cher et est complexe reste dans le giron des services publics ; ce qui rapporte passe au privé.
J'en viens maintenant au programme 111, intitulé « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail », et dont l'une des rubriques se nomme « Santé et sécurité au travail ».
Là encore, c'est la déception : le budget est amputé de près de 3 millions d'euros. Est-ce à dire que, selon vous, madame, monsieur les ministres, la santé des salariés est dans un état tellement satisfaisant qu'il vous faille réduire les crédits ? Si telle est votre conception, elle n'est pas celle des salariés eux-mêmes.
Je vous reconnais toutefois une certaine logique. Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, vous avez refusé tous nos amendements visant à garantir un service public de la médecine du travail. Vous avez même fait le choix de privatiser partiellement cette dernière en autorisant les médecins qui pratiquent les contre-visites pour le compte de l'employeur à donner à la CNAM un avis sur le maintien du paiement des allocations journalières. Vous avez refusé d'exonérer les salariés victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles de vos franchises médicales, ce qui revient, au final, à leur renier le caractère de victimes.
Pourtant, l'Inspection générale des affaires sociales précise, dans son rapport d'octobre 2007, l'étendue de la crise et tire un constat alarmant de la médecine du travail : « Les signes de dysfonctionnement se sont multipliés ces dernières décennies : forte augmentation des maladies professionnelles, désaffection pour le métier de médecin du travail, inapplication de la loi, éparpillement des responsabilités... ».
Dans ce même rapport, elle considère que la médecine du travail n'est pas en mesure de relever les défis à venir : « La médecine du travail est mal armée pour affronter les transformations du système productif » ; et de rajouter que « la médecine du travail manque d'outils pour sa pratique professionnelle ». Elle manque également d'indépendance, les cas de médecins du travail ayant minoré les risques apparaissent chaque jour.
Que fait le Gouvernement ? Il diminue les crédits. Décidément, la santé des travailleurs lui importe beaucoup moins que celle des portefeuilles des actionnaires !
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Pas du tout, madame le sénateur !
Mme Annie David. Je m'étonne également que le Gouvernement,...
Mme Annie David. ... qui n'a de cesse de créer des droits opposables, entende supprimer soixante-trois conseils de prud'hommes, dont neuf en Rhône-Alpes et deux sur cinq en Isère, soit près de 50 % ! Ces juridictions particulières, en ce qu'elles associent des juges non professionnels représentant pour moitié les employeurs et les salariés, sont pourtant déjà fort engorgées.
Pourtant, par principe, parce qu'il en va de l'indemnisation des salariés ayant perdu leur source de revenus, cette justice devrait être rapide. Tel n'est déjà pas toujours le cas.
Ce redécoupage risque d'allonger les délais et d'éloigner plus encore les salariés de la juridiction...
Mme Annie David. ... qui, malheureusement, en raison des comportements inacceptables de certains employeurs, les concerne le plus.
La politique qui est menée ne se justifie pas au regard des bénéfices colossaux réalisés par les entreprises.
Sans aller jusqu'à envisager une taxation supplémentaire, peut-être le Gouvernement pourrait-il faire cesser les multiples exonérations sociales qui ne profitent pas à l'emploi ? J'approuve, sur ce point précis, la suggestion qu'a faite voilà un instant M. le rapporteur spécial. C'est assez rare pour que je le signale ! (Rires sur les travées de l'UMP.)
Le Gouvernement a eu l'occasion de renforcer la protection des travailleurs, mais il a préféré recodifier a minima le code du travail. Malheureusement, les désastres causés par la politique de l'emploi qui est menée continueront à se succéder, d'autant qu'il sera bientôt procédé à ce qui est appelé pudiquement la « modernisation du marché du travail ».
Derrière cette expression, qui fleure bon le libéralisme, se dissimule une réalité : après avoir procédé au morcellement des contrats de travail, et donc à l'affaiblissement des droits des salariés, le Gouvernement entend instaurer un contrat de travail unique qui, à n'en pas douter, prendra de la multitude de contrats précaires antérieurs le plus mauvais, le moins protecteur, pour en faire la norme.
Mme Annie David. Droits progressifs, dites-vous, monsieur le ministre ? Nous verrons ! Pourtant, les salariés demandent par milliers une autre politique de l'emploi. Ils exigent une sécurisation des parcours professionnels...
Mme Annie David. ... qui, de la faculté jusqu'à la retraite, permettrait de bénéficier d'un droit permanent à la formation, pour que les périodes de chômage soient non pas des périodes d'inactivité, mais bel et bien des moments de formation, rémunérés comme du temps de travail et permettant au salarié de se réinsérer au plus vite dans l'emploi.
Au lieu de cela, vous répondez « flex-sécurité » - pour le coup, je ne suis plus d'accord avec M. le rapporteur spécial ! -, cette pâle imitation de la sécurisation des parcours professionnel, qui garde comme postulat le principe selon lequel les salariés doivent être la valeur d'ajustement des politiques libérales des entreprises.
De plus, vous pénalisez les personnels de la formation professionnelle, qui agissent notamment au travers des AFPA, des CUEFA, des GRETA ou des missions locales. Et vous allez même jusqu'à supprimer, par l'article 54, une aide accordée aux petites entreprises afin de faciliter le remplacement d'un salarié amené à s'absenter pour suivre une formation. J'y reviendrai au moment de l'examen de cet article.
Sur ce sujet particulier, comme sur l'ensemble, votre budget n'est pas à la hauteur des attentes populaires que vous avez su faire naître lors de la campagne présidentielle. Le groupe communiste républicain et concitoyen votera donc contre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Seillier.
M. Bernard Seillier. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, lors de ce débat budgétaire sur les crédits de la mission « Travail et emploi », je souhaiterais aborder le sujet de la formation professionnelle, qui s'inscrit notamment dans le cadre des programmes « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » et « Accès et retour à l'emploi ».
Comme vient de le rappeler voilà quelques instants ma collègue Catherine Procaccia, la mission commune d'information sénatoriale sur le fonctionnement des dispositifs de formation professionnelle, dont j'étais le rapporteur, a mis en évidence la complexité, les cloisonnements et les corporatismes dont souffre notre système.
L'insuffisance de nos dispositifs a une conséquence majeure : la formation ne va pas à celles et à ceux qui en ont aujourd'hui le plus besoin. Le taux de départ en formation dans les TPE est de 12 %, contre 22 % dans les PME de 10 à 50 salariés et contre plus de 40 % pour l'ensemble des entreprises.
La question qui se pose à nous aujourd'hui est de savoir si les crédits de la mission « Travail et emploi » permettent d'investir avec efficacité dans la formation professionnelle et l'apprentissage.
La réforme du service public de l'emploi implique celle de la formation professionnelle.
S'agissant de la formation des jeunes, les dispositifs d'alternance seront renforcés en 2008, avec 285 000 contrats d'apprentissage, soit 10 000 de plus que cette année, et avec 140 000 contrats de professionnalisation, soit 5 000 de plus que le nombre inscrit dans le budget pour 2007.
Quant aux personnes les moins qualifiées, elles devront pouvoir accéder plus facilement à la formation professionnelle continue. Le budget pour 2008 prévoit par conséquent une augmentation très sensible des crédits destinés aux demandeurs d'emploi en fin de droits, qui passent de 115 à 200 millions d'euros, soit une progression de près de 80 %.
L'institution qui naîtra de la fusion entre l'ANPE et l'UNEDIC, souhaitée par la mission commune d'information, jouera un rôle majeur non seulement dans les régions les plus touchées par les restructurations, mais aussi dans celles où les offres d'emploi ne sont pas satisfaites.
L'expérimentation du contrat de transition professionnelle constitue un élément fondamental dans le cadre de cette réforme, puisqu'il allie prise en charge matérielle, mise en situation d'emploi et actions de formation.
La mission commune d'information a souhaité que soit poursuivie de façon volontariste la mise en place de guichets uniques, dédiés, d'une part, à l'information et à l'accueil, et, d'autre part, à la prescription, afin d'améliorer le service rendu aux personnes et donc les conditions d'accès de ces dernières à la formation.
Le besoin de formation professionnelle concerne également les adultes. Une réflexion sur l'avenir de l'AFPA est sur le point d'être lancée, une fois achevé le processus de décentralisation initié en 2004. Dans la même logique, il me semble indispensable de tenir compte de l'avis de la mission commune d'information, qui préconise de rapprocher les services d'orientation de l'AFPA de ceux qui résulteront de la fusion de l'ANPE et de l'UNEDIC.
Le plan régional de développement des formations professionnelles doit, quant à lui, jouer un rôle pivot, en favorisant la coordination de l'ensemble des acteurs dans les domaines de l'accueil, de l'information, de l'orientation ou de la définition des programmes, afin de rendre la formation professionnelle accessible à l'ensemble des publics et adaptée aux besoins sur l'ensemble du territoire régional.
La baisse de 12 % des crédits relatifs à l'accès à la qualification s'explique par la suppression, proposée à l'article 53 du présent projet de loi de finances, des exonérations spécifiques liées aux contrats de professionnalisation, ce qui entraînera une économie estimée à 140 millions d'euros. Ces exonérations, portant notamment sur les cotisations au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles, ont effectivement soulevé une critique de fond, eu égard à la stratégie de prévention mise en place.
Mais, dans l'urgence, je me félicite de l'adoption par l'Assemblée nationale d'un amendement du Gouvernement tendant à maintenir le régime d'exonérations spécifiques au profit des groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification de jeunes de moins de vingt-six ans ou de demandeurs d'emplois de quarante-cinq ans ou plus sous contrat de professionnalisation.
En attendant une réforme de fond du mécanisme de financement et de soutien de ces groupements d'employeurs, il était indispensable de donner à ces derniers des assurances sur le court terme, mais aussi, cela va de soi, sur le long terme. Ils jouent en effet un rôle essentiel en matière d'insertion et devraient connaître un développement important, car ils associent harmonieusement la stimulation dans l'effort en situation de professionnalisation et l'accompagnement dans l'adaptation à l'emploi.
Madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, je souhaiterais maintenant aborder deux points qui peuvent faire débat.
Le premier concerne la suppression de l'aide au remplacement des salariés en formation, aide accordée aux entreprises de moins de 50 salariés pour leur permettre d'assurer le remplacement d'un ou plusieurs salariés en formation.
Je n'ignore pas que seules 776 conventions ont été conclues en 2005, 828 en 2006 et 711 de janvier à septembre 2007. Je n'ignore pas non plus que le recours par les employeurs à l'aide au remplacement de salariés en formation est resté extrêmement limité, et d'un niveau comparable à celui qui était observé avant la réforme.
Pour autant, cette suppression est-elle justifiée ?
Comme je viens de le rappeler, notre effort de formation bénéficie surtout aux grandes entreprises et pas assez aux petites. Or, dans celles-ci, le départ en formation d'une seule personne peut créer un vide impossible à supporter. Je souhaiterais savoir comment le Gouvernement compte pallier la suppression de ce dispositif et favoriser l'accès à la formation professionnelle dans les entreprises de moins de dix salariés, pour lesquelles la formation est incontestablement un gage de pérennité.
La mission commune d'information sénatoriale a clairement exprimé la volonté d'encourager et de développer, au profit des TPE et PME, un service de remplacement des salariés partis en formation. C'est une question qui nous a semblé cruciale et à laquelle il faudra absolument trouver des réponses.
Il est par ailleurs indispensable de développer la fonction de conseil, d'ingénierie et d'accompagnement pour la formation professionnelle. De notre point de vue, les « organismes paritaires agréés » peuvent jouer un rôle important, et ils ont d'ailleurs pris conscience de cette nouvelle orientation qui s'impose à eux.
Le second point qui peut faire débat concerne l'amputation des crédits de la formation professionnelle consacrés à la validation des acquis de l'expérience, la VAE.
Il faut en effet noter une réduction de 18 millions d'euros de la dépense d'intervention pour la VAE, dans le cadre de la politique de certification mise en oeuvre par l'AFPA pour permettre à toute personne de faire valider ses acquis en vue de l'obtention d'un diplôme ou d'un titre.
La validation des acquis de l'expérience connaît un rythme de développement soutenu : depuis 2003, 300 000 personnes ont assisté à des réunions d'information. Toutefois, comme l'a relevé l'Inspection générale de l'éducation nationale dans un récent rapport, seulement 0,5 % de la population active a participé à une réunion d'information sur la validation des acquis de l'expérience en 2004, et il est par conséquent indispensable de donner un nouvel élan à cette voie de certification.
En effet, la mission commune d'information a pu identifier, au cours de ses auditions, certaines limites au dispositif.
Tout d'abord, la démarche de la validation des acquis de l'expérience s'inscrit dans un processus lourd, long et complexe. Ainsi, en 2005, plus de 30 % des candidats ont abandonné la procédure en cours. Par ailleurs, cette procédure, qui repose sur la présentation d'un dossier écrit, peut décourager ceux qui ont été marqués par un échec à l'école. Il faut, sur ce point, avoir une approche plus pragmatique et moins académique que celle qui a prévalu jusqu'ici dans la conception de la validation des acquis de l'expérience.
M. Paul Blanc. Très bien !
M. Bernard Seillier. Madame, monsieur les ministres, la formation professionnelle mobilise plus de 24 milliards d'euros, de la part des entreprises, de l'État et, de plus en plus, des régions. Au total, les moyens dont elle bénéficie sont en augmentation. Pourtant, les entrées en formation sont de moins en moins nombreuses.
La mission commune d'information a proposé de créer une autorité indépendante, chargée de l'évaluation et de la régulation de la formation professionnelle, qui devrait mobiliser et coordonner l'expertise des organismes compétents en matière de certifications et labels, à savoir l'Office professionnel de qualification des organismes de formation et des conseils et la Commission nationale de la certification professionnelle. À mon sens, il serait bon de réfléchir à cette proposition, car il importe de mettre ces organismes en mesure d'assurer, dans les meilleures conditions d'efficacité, les services d'ingénierie, de certification et d'accompagnement dont ont besoin les entreprises.
La réforme de nos dispositifs de formation professionnelle constitue un immense chantier pour le pays, mais elle conditionne, pour l'avenir, la perspective du plein emploi. À mes yeux, les crédits de la mission « Travail et emploi » expriment clairement votre volonté de faire de la formation professionnelle l'un de vos dossiers prioritaires pour l'année 2008. C'est d'ailleurs ce que vous avez annoncé, madame le ministre, au début de la session parlementaire, et c'est une démarche que le Président de la République a fortement appuyée hier soir dans son intervention télévisée.
C'est pourquoi, avec la majorité du groupe RDSE, je voterai ces crédits, en remerciant M. le rapporteur spécial et M. le rapporteur pour avis des éclaircissements qu'ils nous ont apportés. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Guy Fischer. Nous allons enfin entendre la voix de la vérité !
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, à l'occasion de l'examen des crédits de la mission « Travail et emploi », je concentrerai mon intervention sur le programme 111 « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail ».
Derrière cet intitulé plutôt flou, se cachent des problématiques particulièrement importantes, mais qui, lors du débat à l'Assemblée nationale comme lors de nos travaux en commission, ont été abordées de manière très elliptique.
M. Paul Blanc. Oh !
M. Jean-Pierre Godefroy. Certes, ce programme concentre moins de 10 % du total des crédits de la mission. Néanmoins, les questions de santé et de sécurité au travail, de respect de la législation du travail ou de justice prud'homale me semblent mériter tout de même notre attention dans un contexte pour le moins inquiétant.
Mme Annie David. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Godefroy. Quel état des lieux peut-on faire des conditions de travail aujourd'hui en France ?
L'attention de l'opinion publique a été attirée récemment par la succession de suicides survenus en quelques mois dans l'industrie : 5 à l'usine PSA de Mulhouse, 4 chez Renault, 4 à la centrale EDF de Chinon. Apparemment, ils seraient liés à une aggravation multiforme des conditions de travail.
Le phénomène des suicides n'est pas tout à fait nouveau. En 2003, la sécurité sociale en a reconnu 19 comme accidents du travail ou maladies professionnelles, au sens de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, aux termes duquel est considéré comme accident du travail l'accident survenu sur les lieux ou à l'occasion du travail. En 2004, ce nombre était de 13, et, en 2005, de 26.
Toujours selon la sécurité sociale, le nombre de dépressions liées à diverses formes de pressions, qu'il s'agisse de maltraitance ou de harcèlement du fait de l'employeur ou de ses représentants, est en augmentation.
Comme l'indique la DARES, la direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques du ministère du travail, dans une note sur l'amélioration des conditions de travail publiée en juillet 2007, les contraintes et pénibilités physiques « traditionnelles » ne diminuent guère, certaines étant d'ailleurs en augmentation.
Mais, surtout, cet organisme officiel précise que de nouvelles formes de pénibilités apparaissent : qualifiées de « risques psycho-sociaux », elles « résultent de la combinaison de deux éléments : une forte demande psychologique et une faible latitude décisionnelle. ». En clair, les salariés subissent une forte pression, pour obtenir rapidement des résultats excellents, et une contrainte pesante. Le tout est complété par un délitement des solidarités, lié à la fin de l'organisation tayloriste de la production.
Par ailleurs, les formes de pénibilités du travail évoluent de manière convergente. Si certaines se stabilisent, d'autres se développent, notamment celles qui sont fondées sur la répétition de mouvements douloureux, entraînant des troubles musculo-squelettiques. Contrairement à une croyance commune, de plus en plus d'ouvriers travaillent à la chaîne, notamment des femmes. Un salarié sur trois est soumis à de fortes contraintes de rythme de travail. Les horaires atypiques se sont développés, de même que le travail dominical. Cette aggravation de la pénibilité ne se traduit pas seulement sous la forme d'une dépression grave ou d'un suicide, elle génère également une mutation des accidents du travail et des maladies professionnelles, les AT-MP.
Ainsi, comme j'ai déjà eu l'occasion de la rappeler lors des débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, si, depuis l'an 2000, les accidents du travail sont en diminution sur la longue durée, leur taux de gravité ne cesse d'augmenter. Il n'est pas surprenant de constater que les mauvaises conditions de travail contribuent de manière décisive à cette dégradation de la situation. Quant aux maladies professionnelles, ai-je besoin de rappeler la gravité des chiffres et leurs conséquences tant humaines que financières ?
Au sujet des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles, permettez-moi, monsieur le ministre, de faire une digression pour revenir sur deux points du PLFSS pour 2008 dont nous n'avons pas eu l'occasion de débattre directement voilà deux semaines, ce que je comprends d'ailleurs parfaitement, vu l'actualité qui prévalait alors : il s'agit, d'une part, de l'application des nouvelles franchises aux victimes d'AT-MP, et, d'autre part, des nouvelles modalités du contrôle médical applicable aux indemnités journalières.
Vous le savez, nous réprouvons le principe même de ces franchises ; mais, pour moi, l'application de ces dernières aux accidentés du travail et aux personnes atteintes de maladie professionnelle est d'autant plus incompréhensible qu'il s'agit non pas de malades qu'il faudrait responsabiliser, mais bien de victimes subissant les conséquences physiques et financières d'une faute imputable à un tiers, en l'occurrence leur employeur.
Les victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles se verront ainsi contraintes de financer elles-mêmes une partie des soins nécessités par leur accident ou leur maladie, et seront les seules victimes, en France, à ne pas pouvoir saisir les juridictions de droit commun pour obtenir le remboursement de ces franchises. Il y a là, à notre avis, une atteinte aux principes fondamentaux de la responsabilité et de la réparation des dommages corporels posés par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, que nous avons d'ailleurs saisi à cet égard.
J'en viens à la question des indemnités journalières. Il est, selon nous, incompréhensible d'accorder aux employeurs le pouvoir de faire contrôler, par des médecins qu'ils rémunèrent, la justification de l'arrêt de travail et du versement des indemnités journalières.