M. le président. L'amendement n° 470, présenté par le Gouvernement est ainsi libellé :
I. Avant le I de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :
... - L'article L. 161-36-3 du code de la sécurité sociale est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le dossier médical personnel est conservé pendant une durée de dix années à compter de sa clôture.
« En cas de décès du titulaire, les ayants-droits peuvent solliciter l'accès au dossier conformément aux dispositions du dernier alinéa de l'article L. 1110-4 du code de la santé publique. L'accès à ce dossier peut également intervenir dans le cadre d'une expertise médicale diligentée aux fins d'administration de la preuve. »
II. - Dans la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 161-36-3-1 du code de la sécurité sociale, supprimer les mots :
de choisir leur hébergeur de données de santé à caractère personnel,
III. - Après les mots :
aux dossiers médicaux personnels
supprimer la fin de la deuxième phrase du même alinéa.
IV. - Dans la dernière phrase du même alinéa, remplacer le mot :
statistiques
par les mots :
données de suivi d'activité
V. - Après les mots :
données personnelles de santé
rédiger comme suit la fin du troisième alinéa du même texte :
dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la santé.
VI. - Supprimer le dernier alinéa du même texte.
VII. - Après le II de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le second alinéa de l'article L. 161-36-4 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Il détermine également pour le ou les hébergeurs mentionnés à l'article L. 161-36-1, les modalités de fixation de la tarification qui leur est applicable au regard des missions qui leur sont confiées pour la gestion des dossiers médicaux personnels, ainsi que celui ou ceux chargés d'assurer la conservation prévue à l'article L. 161-36-3. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Cet amendement tend à tirer les conséquences de la revue de projet du DMP, dont les conclusions m'ont été remises après la fin de l''examen par l'Assemblée nationale du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Ces conclusions conduisent à remettre en cause l'appel d'offres de l'hébergeur de référence, et donc à rouvrir le débat sur le modèle d'hébergement du DMP. Le choix du nombre d'hébergeurs, en particulier, doit rester ouvert ; tel est l'objet du I du présent amendement.
Par ailleurs, il semble nécessaire de fixer les conditions dans lesquelles les DMP clos pourront être conservés, notamment après le décès des patients. Cette précaution vise à créer un cadre juridique très clair, pour les patients comme pour les professionnels de santé, afin de régler toute difficulté surgissant après le décès d'un patient.
Bien entendu, seul un juge pourra avoir accès à un DMP clos. Le deuxième alinéa de l'article du code de la sécurité sociale proposé par le I du présent amendement tend donc à poser le principe d'une durée de conservation de dix ans pour le dossier médical personnel.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. La commission émet un avis favorable.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 36 est présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 87 est présenté par M. Jégou, au nom de la commission des finances.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le 2° du II de cet article.
La parole est à M. Alain Vasselle, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 36.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Le 2° du II de l'article 36 pose le principe selon lequel le patient peut décider de masquer des informations inscrites dans son dossier médical personnel. Ce masquage ne serait pas repérable par le médecin appelé à intervenir sur le DMP : il s'agit donc d'un « masquage du masquage ».
Pour la commission des affaires sociales, et je partage tout à fait ce point de vue, le masquage et le masquage du masquage portent une atteinte grave au principe même du DMP, en soustrayant à la connaissance des professionnels de santé des éléments nécessaires à la réalisation de leur mission et en effaçant le fait même que ces informations aient été soustraites à leur connaissance.
Ce point est particulièrement souligné dans le rapport conjoint que l'inspection générale des affaires sociales, l'inspection générale des finances et le conseil général des technologies de l'information viennent de vous remettre, madame la ministre, et auquel vous avez fait référence en présentant l'amendement n° 470.
Je me contenterai de citer deux extraits de ses conclusions : « La question de l'inscription dans le DMP des données sensibles et du droit des titulaires du dossier à les masquer, et même à masquer ce masquage, menace de vider de sens le DMP pour ceux qui pourraient en tirer le plus d'utilité au plan médical. »
On peut lire plus loin : « L'exercice de ces droits peut avoir des conséquences considérables en termes d'usage et d'utilité du DMP, dans la mesure où la non-inscription d'informations indispensables à une bonne prise en charge du patient est susceptible, le masquage de ces informations n'étant pas repérable, d'induire le professionnel de santé en erreur. »
Il me paraît donc essentiel que le médecin puisse avoir une connaissance exhaustive des antécédents du patient ; c'est bien le but du DMP. Comment un médecin peut-il prescrire si le patient lui masque les informations qui peuvent lui être utiles ?
Je rappelle d'ailleurs que, conformément à la logique visant à faire du DMP un instrument efficace d'amélioration de la qualité des soins, l'article L. 161-36-2 du code de la sécurité sociale prévoit, dans son deuxième alinéa, que « le niveau de prise en charge des actes et prestations de soins par l'assurance maladie [...] doit être subordonné à l'autorisation que donne le patient, à chaque consultation ou hospitalisation, aux professionnels de santé auxquels il a recours, d'accéder à son dossier médical personnel et de le compléter. Le professionnel de santé sera tenu d'indiquer, lors de l'établissement des documents nécessaires au remboursement ou à la prise en charge, s'il a été en mesure d'accéder au dossier ».
Voilà pourquoi nous proposons de supprimer le 2° du II de l'article 36.
M. François Autain. Je ne suis pas d'accord !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 87.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Vous me permettrez, monsieur le président, avant de présenter l'amendement n° 87, de revenir sur l'amendement n° 470.
Madame la ministre, je n'ai pas l'habitude de féliciter les ministres, mais je souhaite faire une exception en l'occurrence, car vous avez pris ce problème à bras-le-corps, ce qui, d'ailleurs, est dans votre nature.
M. François Autain. Ah bon !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Vous avez également fait preuve de courage politique - et il en fallait ! -, en n'hésitant pas à employer des mots très durs pour dénoncer la situation dans laquelle nous nous trouvons, toutefois sans critiquer vos prédécesseurs. Cela m'a quelque peu consolé des séances un peu houleuses qu'avait suscitées le rapport que j'avais déposé en 2005 ou de la divergence d'appréciation qui m'avait opposé, l'année dernière, à Xavier Bertrand, quand il m'assurait que le DMP entrerait en vigueur au mois de juillet 2007. Nous avions parié ; il a perdu son pari, mais cela ne me réjouit guère.
Ces félicitations ne sauraient cependant cacher l'inquiétude qui est la mienne à la suite des propos que vous venez de tenir.
J'ai l'impression - je sais que ce n'est pas votre sentiment, madame la ministre - que l'on met la charrue devant les boeufs. Il n'est qu'à lire l'objet de votre amendement : « Par ailleurs, il paraît nécessaire de prévoir les conditions dans lesquelles les DMP clos des patients pourront être conservés, notamment après leur décès. » Très bien ! Mais ne serait-il pas préférable de commencer par préciser ce que doit contenir le DMP ?
M. François Autain. Bien sûr !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Le GIP-DMP était une bonne idée, mais, dès le début, il a manqué un pilote dans l'avion !
Cela explique sans doute que le DMP ait changé de dénomination subrepticement. D'abord dossier médical « partagé », il est devenu dossier médical « personnel ». On peut me reprocher de jouer sur les mots, il n'en reste pas moins que ce n'est pas du tout pareil, car, dans l'esprit de la loi de 2004, le dossier médical partagé supposait un échange entre le patient et les membres de professions médicales, notamment le médecin référent.
M. François Autain. Il n'y en a plus !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Disons le médecin traitant, mon cher collègue, c'est-à-dire celui qui est censé connaître le mieux le patient.
Il faut relancer le projet en établissant un cahier des charges précisant ce que doit être le DMP. Je suis d'accord avec vous, madame la ministre, sur le délai de conservation du DMP après le décès de sont titulaire : dix ans, c'est sans doute le minimum. Il faudra également dégager les moyens nécessaires. Plus encore, un pilotage sera indispensable, et je vous fais confiance, madame la ministre, pour que le ministre de la santé soit ce pilote qui nous a tant manqué.
Il faudra enfin et surtout faire oeuvre de pédagogie à la fois envers les patients, qui doivent être mieux informés des risques du masquage, et envers les médecins, car le DMP, sans être un outil de surveillance des médecins, contribue cependant à la diffusion des bonnes pratiques.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Le DMP permet la conservation des traces de l'exercice !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Je me souviens avoir reçu les représentants des différents syndicats de médecins, qui affectaient de se situer en marge du dispositif. Non, les professionnels de santé sont bien au coeur de la démarche, car il y va de la confiance des patients dans la qualité des soins.
C'est pourquoi je partage la position de la commission des affaires sociales. Avant d'autoriser le masquage, il faut faire de la pédagogie et expliquer au patient qu'il n'est pas dans son intérêt de dissimuler des informations importantes, car cela pourrait induire le professionnel de santé en erreur, ou lui faire perdre du temps, ce qui, en matière médicale, peut avoir des conséquences fatales.
Autoriser le masquage revient à empêcher que le dossier soit établi dans la confiance. Toutes les garanties de confidentialité doivent être prises, car il ne faut pas que l'existence de certaines données puisse gêner le patient au point qu'il décide de les cacher.
C'est pourquoi cet amendement tend à supprimer cette possibilité, madame la ministre.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements identiques ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le débat que nous avons ce soir n'est pas médiocre, et j'admire ceux qui, sur une question aussi fondamentale que complexe, se targuent de détenir une vérité d'airain.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Il ne s'agissait que de quelques idées...
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Pour ma part, je crois que le masquage des informations est un droit fondamental des patients.
M. François Autain. Absolument ! C'est fondamental !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Ce droit a d'ailleurs été réaffirmé dans la loi de 2004 qui a créé le DMP mais sans s'exonérer des obligations issues de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite « loi Kouchner ».
M. François Autain. Absolument !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Comme l'a très justement noté M. Jean-Jacques Jégou, le fait qu'il s'agisse non d'un dossier médical « partagé », qui serait la propriété commune du malade, du médecin et d'un certain nombre d'acteurs de la santé, mais d'un dossier médical « personnel » est tout à fait révélateur. Il ne s'agit pas d'un simple changement de nom. Cela signifie clairement que le dossier médical est la propriété du malade et que, à ce titre, ce dernier a le droit de masquer un certain nombre d'informations qui touchent à son intimité. Nous sommes là au coeur de la protection des libertés individuelles.
M. François Autain. Très bien !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Ce droit au masquage est d'autant plus important que, en l'absence d'une telle disposition, de nombreux malades refuseraient sans aucun doute de porter un certain nombre d'informations dans le DMP. Si, au nom de l'efficacité, on obligeait le patient à tout révéler et à tout faire figurer dans le DMP, on aboutirait à l'effet inverse.
C'est la raison pour laquelle je ne suis pas favorable à ces deux amendements identiques. En revanche, le masquage du masquage - le malade dissimule des informations, mais le médecin traitant ne le sait pas - est un autre sujet, sur lequel le débat n'est pas tranché et peut encore utilement se poursuivre.
Sous réserve qu'un débat éthique soit organisé et qu'avis soient pris auprès d'experts, comme les membres du Comité consultatif national d'éthique, je serais assez favorable à ce droit au masquage du masquage, c'est-à-dire au droit du patient de ne pas communiquer au médecin la totalité des informations le concernant, mais aménagé, de sorte que le médecin puisse entamer le dialogue avec le malade sur les raisons de ce masquage.
Monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, si vous acceptiez de retirer ces amendements identiques, nous pourrions à la fois nous inscrire dans le droit fil des lois de 2002 et de 2004, en réaffirmant des principes éthiques tout à fait fondamentaux, et créer un DMP qui permettrait au médecin d'enrichir ce « colloque singulier ».
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Madame la ministre, j'ai écouté avec une grande attention l'ensemble de votre intervention, mais plus particulièrement vos derniers arguments, car je partage l'idée qu'on a le droit de mentir à son médecin.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Le premier péché d'un pénitent n'est-il pas d'ailleurs de mentir à son confesseur ? (Sourires.)
M. Alain Gournac. Non !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. La relation entre le malade et le médecin est à peu près semblable. Tout l'art du médecin consiste, par la maïeutique, à amener le malade à lui avouer ce qu'il n'a pas envie de lui dire. (M. Jacques Blanc acquiesce.) Ce n'est pas le psychiatre que vous êtes qui dira le contraire, monsieur Blanc !
M. Jacques Blanc. Neuropsychiatre ! (Sourires.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mille excuses, mais c'est une race en voie de disparition, je vous demande de le remarquer.
M. Jacques Blanc. Disparition totale ! (Nouveaux sourires.)
M. Alain Gournac. Il en existe encore !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. En revanche, il n'est pas imaginable de mettre à la disposition d'un médecin un DMP qui lui donnerait l'illusion de l'exhaustivité et donc un faux sentiment de sécurité. Le médecin penserait pouvoir se fier totalement au dossier, alors que ce ne serait pas le cas.
J'admets qu'un malade puisse masquer un certain nombre d'informations parce qu'il n'a pas envie de les transmettre, mais il n'est pas possible de lui permettre de masquer le masquage, surtout si le DMP est organisé en rubriques précises. Cela empêcherait d'ailleurs ce dialogue avec le médecin que vous appelez de vos voeux, madame la ministre.
M. Jacques Blanc. Vous avez tout à fait raison !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Prenons l'exemple d'un malade qui a décidé de masquer les informations qu'il aurait dû porter à la rubrique « Allergie ». Peu importent du reste ses raisons : peut-être a-t-il envie de mettre fin à ses jours par un choc anaphylactique. Si le masquage du masquage est interdit, l'attention du médecin sera attirée : il devinera que le malade a fait un jour une allergie grave et redoublera de vigilance parce qu'il détiendra les indices d'une telle dissimulation.
Par conséquent, je peux comprendre la demande de retrait de ces amendements, mais je voudrais qu'à l'issue de ce débat il soit bien clair pour tout le monde que le masquage du masquage est interdit.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je me suis sans doute mal fait comprendre : je suis défavorable aux amendements identiques de MM. Alain Vasselle et Jean-Jacques Jégou et favorable au masquage.
Cela étant, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est bien le masquage du masquage qui pose ici problème. Soyons précis : il n'est pas question que le médecin traitant puisse exiger du malade la révélation immédiate de la partie masquée du dossier médical. Et, quand je dis médecin traitant, j'entends aussi tous les professionnels de santé, car, si le DMP concerne surtout le médecin traitant, on peut imaginer que sa consultation soit ouverte à d'autres professionnels de santé, selon des modalités qui restent à définir.
Il faut donc que le dossier médical personnel contienne un signal destiné au médecin traitant, ou au professionnel de santé, lui permettant de comprendre que des données ont été masquées. À charge pour le médecin, ou le professionnel de santé, d'inviter le malade à dialoguer avec lui sur ce choix de masquer des données.
Il s'agit non pas d'accorder au médecin le droit de lever le masquage, mais simplement de l'inciter au dialogue avec le malade. Il me semble que nous devrions parvenir à un consensus éthique sur ce point.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, le débat sur le dossier médical personnel ne fait que commencer. Nous aurons donc l'occasion d'en reparler.
Monsieur le président, j'ai peut-être été un peu longue sur le sujet et je vous prie de m'en excuser.
M. le président. Vous n'avez pas à vous excuser, madame la ministre. Ce débat est d'un grand intérêt. Le Sénat est heureux de ces échanges, qui permettront aux uns et aux autres de se prononcer en toute connaissance de cause. C'est un véritable débat de fond qu'il convient de ne pas escamoter.
M. François Autain. Très bien, monsieur le président !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je vous remercie, monsieur le président.
Je vous propose donc, mesdames, messieurs les sénateurs, d'en revenir aux propositions du Gouvernement à l'article 36 et je demande à MM. Vasselle et Jégou, dans l'état actuel du débat, de bien vouloir retirer leurs amendements.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je pense que le retrait de ces amendements n'est pas souhaitable et que nous devrions profiter de la commission mixte paritaire pour tenter de trouver une rédaction de consensus.
Le masquage du masquage, pour les raisons qu'a très justement développées le président de la commission des affaires sociales, ne me semble pas devoir être maintenu. Quant au masquage lui-même, je considère, comme M. About, qu'il faut au moins des rubriques, de telle manière que le médecin, alerté, puisse engager, au moment de la consultation, ce dialogue avec le patient auquel vous faisiez référence.
Soutenez nos amendements, madame la ministre, et nous nous engageons à revoir la rédaction de cet alinéa en commission mixte paritaire, en concertation avec vous, de manière à concilier ce que souhaitent conjointement la commission des affaires sociales et la commission des finances avec ce que vous voulez préserver, en vertu des textes relatifs aux droits des malades.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, pour être encore plus précise, je dois rappeler que, si la question du masquage relève de la loi, celle du masquage du masquage est de niveau réglementaire.
M. François Autain. Voilà !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. De surcroît, en adoptant ces amendements identiques, vous me forceriez d'une certaine façon à trancher au niveau de la loi un débat éthique qui, en l'état, est loin d'être clos et qui doit prospérer encore.
Quel que soit l'intérêt du débat, que M. le président a eu l'obligeance de relever, il est quelque peu subreptice et n'a peut-être pas un auditoire suffisant, à cette heure tardive...
Le débat sur le dossier médical personnel est si important qu'il mérite d'être posé devant l'opinion publique. Il serait dommage de trancher déjà les modalités du masquage du masquage alors que nous n'avons fait qu'effleurer ce débat éthique.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous pourrions peut-être parvenir à un compromis en ajoutant, au sein du 2° du II de l'article 36, après les mots : « ainsi que les conditions dans lesquelles », les mots : «, sans compromettre la sécurité du malade, » en laissant inchangée la fin de la phrase : « certaines informations peuvent être rendues inaccessibles par le titulaire du dossier médical personnel ou son représentant légal ».
Cette rédaction laisse la possibilité d'interdire le masquage du masquage de certaines rubriques qui sont de nature à compromettre la sécurité du malade.
M. François Autain. Qui va décider ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Comme je l'indiquais tout à l'heure, il faudrait que le médecin puisse savoir qu'une rubrique concernant l'allergie a, par exemple, été masquée. C'est indispensable !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Sinon, le médecin peut être mis en cause !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur About, pardonnez-moi de m'étonner : vous venez vous-même d'évoquer le droit au mensonge, le droit de dissimuler !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Le monde est basé là-dessus !
Mme Marie-Thérèse Hermange. Eh oui !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. J'avoue que je suis troublée, parce que je ne souhaitais pas anticiper un tel débat, surtout pour le trancher ainsi, de façon presque péremptoire.
M. François Autain. Tenez bon, madame la ministre !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je pense qu'il faut préserver la liberté du patient. Le fait de préciser « sans compromettre la sécurité du malade » peut laisser entendre que le malade n'a pas le droit de masquer un certain nombre d'informations. À ce stade du débat, je ne peux pas l'accepter.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Dans ces conditions, je n'ai plus qu'à retirer ma proposition !
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote sur l'amendement n° 470.
M. François Autain. Je suis tout à fait d'accord avec Mme la ministre : il est indispensable que les informations figurant dans le dossier médical personnel aient reçu, dans leur totalité, l'agrément du malade. Nous ne faisons qu'appliquer ici les dispositions législatives relatives aux droits des malades : le malade doit être considéré comme une personne responsable.
En distinguant le masquage et le masquage du masquage, on offre au malade la possibilité de mentir, mais on lui interdit de dissimuler son mensonge. Le médecin saura qu'il a menti !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. En l'occurrence, il s'agit non pas de mensonges, mais d'informations médicales qui ne sont pas divulguées !
M. François Autain. Pour rester dans les métaphores religieuses, cette proposition me paraît très jésuitique. (Sourires.)
Dès lors que nous avons donné au malade le droit d'interrompre un traitement quels que soient les risques pour sa santé, j'estime que nous devons lui laisser la possibilité de choisir les informations portées sur son dossier médical personnel.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Alors, faisons l'économie du DMP ! Dans ces conditions, il n'a pas d'intérêt !
M. François Autain. Pour en revenir aux allergies, seules des personnes suicidaires, qui relèvent éventuellement d'un traitement psychiatrique ou d'une psychothérapie, refuseraient de faire figurer une allergie à un médicament ou à une substance sur leur dossier médical personnel. Dans la majorité des cas, les malades verseront naturellement ce type d'informations à leur dossier.
Je suis donc favorable au masquage, mais aussi au masquage du masquage !
Cela étant dit, en écoutant Mme la ministre, j'ai enfin été satisfait de la façon dont on abordait la question du dossier médical personnel. Le gouvernement précédent a fait preuve de beaucoup d'incompétence et de légèreté en la matière, et il est regrettable que nous ayons perdu trois ans. (Protestations sur certaines travées de l'UMP.)
Il faut tout de même se souvenir de la façon dont le dossier médical personnel nous a été présenté, en 2004, à l'occasion de la réforme de l'assurance maladie. Le DMP devait être mis en place en trois ans et générer une économie de 3,5 milliards d'euros. J'ai cru comprendre depuis que ce dossier médical personnel n'était pas tant destiné à améliorer la qualité des soins qu'à pénaliser les malades qui refuseraient de le présenter par un remboursement moindre...
Maintenant que nous avons un gouvernement de rupture, madame la ministre, j'espère que le dossier médical personnel prendra enfin la bonne voie ! (Sourires.) Sur ce point, je ne peux que m'en féliciter et vous remercier. Je voterai bien entendu l'amendement n° 470.
Quant à la rédaction qu'avait suggérée le président de la commission des affaires sociales, si elle avait prospéré, j'aurais été d'avis d'attendre pour voir...
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc, pour explication de vote.
M. Jacques Blanc. Comme le soulignait Mme la ministre, c'est un débat de fond.
On ne peut pas laisser dire que le dossier médical personnel a été créé avant tout pour réaliser des économies ; il visait principalement à améliorer la qualité des soins.
M. Jacques Blanc. Alors, bien entendu, certains malades souhaiteront ne pas faire figurer dans ce DMP un certain nombre d'éléments. Nous respectons leur liberté, mais il est de l'intérêt de ces malades que leur médecin sache qu'ils ont voulu masquer des informations.
C'est ce que le président de la commission des affaires sociales a relevé avec beaucoup de pertinence.
Si l'on respecte la liberté du malade de ne pas tout dire, il faut aussi que le médecin sache que certaines informations lui sont dissimilées afin de pouvoir engager un dialogue direct avec son patient et tenter de faire surgir ce qui aura été dissimulé. Ce n'est effectivement pas une question simple. Il ne faut donc pas s'étonner qu'elle soit également un peu compliquée à régler du point de vue législatif.
Je considère que la proposition du président de la commission des affaires sociales mérite d'être prise en compte.
M. Jacques Blanc. Il est adopté avec les nuances que nous venons d'introduire !
M. le président. Mon cher collègue, le Sénat vient d'adopter l'amendement du Gouvernement, sans modification.
M. Jacques Blanc. Mais il y a aussi tout le débat qui vient d'avoir lieu, et il compte !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Madame la ministre, vous vous êtes appuyée sur un rapport que je considère comme exceptionnel. Il est clair et indique les raisons pour lesquelles nous sommes dans cette situation.
À la page 17, s'agissant du diagnostic, je lis que « L'exercice de ces droits peut avoir des conséquences considérables en termes d'usage et d'utilité du DMP dans la mesure où la non-inscription d'informations indispensables à une bonne prise en charge du patient est susceptible, le masquage de ces informations n'étant pas repérable, d'induire le professionnel de santé en erreur ».
Nous ne cherchons pas à vous ennuyer, mais avouez qu'il est tout de même difficile de dire mieux.
Tout à l'heure, M. About a cité les allergies.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. J'aurais également pu parler des maladies dangereuses ou psychiatriques !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Un tel masquage pourrait nuire à l'efficacité du DMP, qui, comme vous l'avez souligné, est un dispositif essentiel pour améliorer la qualité des soins.
Je constate que ce dossier est reparti dans le bon sens. Mais, en dépit des lois de 2002 et de 2004, il est tout de même un peu prématuré de considérer que le masquage et le masquage du masquage sont indispensables à la mise en place du DMP. Il vaudrait mieux d'abord connaître le contenu de ce dossier, les conditions dans lesquelles il sera consulté et hébergé, et en discuter ensuite avec les représentants des associations de patients et les médecins. Certes, nous devons nous inscrire dans le droit fil des lois de 2002 et de 2004, mais, ne l'oublions pas, ce qu'une loi a fait, une autre loi peut le défaire.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. C'est sans doute la dernière fois que j'interviens dans ce débat si important, monsieur le président.
S'il y a une chose que la triple inspection de l'IGAS, de l'IGF et du CGTI a nettement fait apparaître, c'est que cette affaire n'a pas été menée avec les professionnels de santé. Cela a eu des conséquences terribles : alors que le dossier médical personnel devait être reçu par les professionnels de santé comme une aide à leur exercice professionnel, il a été ressenti comme une contrainte administrative supplémentaire, venant s'ajouter à d'autres contraintes auxquelles nous avions d'ailleurs conclu, dans le débat sur la démographie médicale, qu'il convenait de remédier.
Les deux problèmes du masquage et du masquage du masquage doivent être examinés avec les professionnels de santé. Nous devons en discuter dans le cadre des textes existants, je pense aux lois de 2002 et de 2004 - même si ce qu'une loi a fait, une autre loi peut le défaire ! -, et en respectant l'éthique. Toutefois, il reste des marges de manoeuvre non négligeables.
À ce stade, monsieur le rapporteur pour avis, je souhaite que l'on ne préempte pas le débat. Il faut que la discussion puisse avoir lieu avec les médecins et les associations de malades.
M. François Autain. Absolument !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je pense à des associations comme le traduit, le collectif interassociatif sur la santé, dont nous avons parlé ce matin, mais il y en a beaucoup d'autres. Pour ma part, je tiens absolument à ce que ces associations de malades, qui ont été peu ou pas consultées, participent au débat.
Je suis persuadée que mon amendement laisse la place à une large discussion. Or, en supprimant le masquage, vous préemptez un débat qui doit se dérouler dans d'autres enceintes avant de revenir devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs. Car loin de moi l'idée d'empiéter sur les prérogatives de la représentation nationale : à la fin, c'est vous qui aurez à trancher !
Pour le moment, laissez ceux dont ce sera l'affaire se saisir de cette question. Le dossier médical personnel, c'est le dossier du malade géré en dialogue avec son médecin !
M. le président. Monsieur le président de la commission des affaires sociales, vous aviez évoqué un amendement de consensus qui aurait pu se substituer aux amendements nos 36 et 87. Avez-vous renoncé à ce projet ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. La volonté du rapporteur et du rapporteur pour avis est que cette disposition soit dans la navette afin que nous puissions poursuivre la réflexion jusqu'à la réunion de la commission mixte paritaire, le 20 novembre.
Dans cet objectif, j'avais imaginé un petit amendement qui ne mangeait pas de pain. En effet, ajouter les mots : « sans compromettre la sécurité du patient », ce n'était pas bien méchant et cela ne bouleversait pas le texte. Le Gouvernement y est défavorable. Donc, j'y renonce, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. Nous voterons contre ces amendements identiques, qui vont à l'encontre de notre conception des droits du malade !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 36 et 87.
(Les amendements sont adoptés.)