M. François Marc. C'est vrai !
M. Michel Mercier, rapporteur. Il faut avoir bien conscience de cette situation, qui est très révélatrice du malaise profond de nos finances locales.
Comment assurer à chaque collectivité locale sa juste part ? En d'autres termes, dans notre société habitée par un désir infini d'égalité, comment garantir la part « la plus égale possible » entre toutes les collectivités locales ? C'est là qu'on en appelle à la péréquation, sorte de formule miracle que l'on connaît mal mais qui résoudrait, dit-on, tous les problèmes.
Aujourd'hui, la péréquation est déjà une réalité, et pour une large part grâce aux prestations financières que l'État sert aux collectivités locales, notamment la dotation globale de fonctionnement, qui en est l'instrument essentiel. Je n'entre pas dans le détail, mais toutes les études récentes montrent que c'est la dotation forfaitaire de la dotation globale de fonctionnement qui a le plus d'effet péréquateur et permet, chaque année, un rapprochement entre les capacités financières de chacune des collectivités locales.
Cependant, il n'est pas pertinent d'envisager de manière globale la situation des collectivités locales : il faut procéder à un examen au moins par grandes catégories. On s'aperçoit alors que, en matière de situation financière des collectivités locales, les inégalités les plus fortes concernent les communes. Ainsi, l'écart de potentiel fiscal par habitant entre la collectivité la plus pauvre et la collectivité la plus riche est à peu près de 1 à 4 pour les départements, de 1 à 1,5 pour les régions et de 1 à l'infini pour les communes, tant les situations communales sont disparates.
Si l'on veut donc aider les communes, c'est à ce niveau qu'il faut le plus de péréquation.
Notre collègue François Marc propose une mesure extrêmement audacieuse pour tenter de répondre à cette demande de péréquation, en arrêtant un objectif en termes de potentiel financier. L'idée est la suivante : dans un délai qui sera fixé par la loi, le potentiel financier par habitant ne pourra être inférieur à un certain pourcentage du potentiel financier moyen par habitant, établi à 80 % de la moyenne de leur strate démographique dans le cas des communes, à 90 % de la moyenne de leur catégorie dans celui des départements, et à 95 % de leur catégorie dans celui des régions.
Pour ce faire, François Marc entend également modifier la notion même de « potentiel financier ». Sans entrer dans des considérations techniques, je tiens à souligner que l'adoption de l'article 1er aurait à l'évidence des conséquences extrêmement importantes.
Ainsi, le coût de cette mesure serait de l'ordre de 920 millions d'euros, dont 780 millions d'euros pour les seules communes. Je rappelle, notamment à l'intention des membres de la direction générale des collectivités locales, la DGCL, que ce renforcement de la péréquation ne pourrait se faire qu'à enveloppe fermée. En d'autres termes, si la proposition de loi de notre collègue était adoptée en l'état, 920 millions d'euros passeraient d'une catégorie à une autre, et, au sein de la seule catégorie des communes, 780 millions d'euros seraient affectés à d'autres communes. Voilà la réalité de la proposition qui nous est faite !
M. Daniel Raoul. N'est-ce pas cela, la péréquation ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Peut-être nous faut-il aller aussi loin, mais, ce qui est sûr, c'est que nous ne pouvons pas prendre une telle décision à l'aveuglette. Or, aujourd'hui, nous ne disposons d'aucune simulation qui nous permettrait d'anticiper les conséquences de la mise en oeuvre de la proposition de notre collègue. Pourtant, répartir autrement 780 millions d'euros, ce n'est pas rien, d'autant que, si j'en juge au projet de loi de finances pour 2008, l'enveloppe normée des concours aux collectivités locales serait désormais enserrée dans les mêmes limites que l'ensemble des autres dépenses de l'État.
Mes chers collègues, engager simultanément deux réformes aussi importantes ne serait certainement pas sans conséquences pour un grand nombre de communes, comme pour quelques départements et pour certaines régions. Certes, reconnaissons-le, ce serait moins grave pour ces deux dernières catégories, mais cela aurait une incidence telle pour les communes que la commission des finances n'a pas cru devoir franchir le pas. Toutefois, elle est tout à fait consciente que la péréquation est importante et nécessaire et qu'un geste en faveur des communes s'impose.
C'est pourquoi, à défaut de pouvoir être favorable à la solution de François Marc, la commission des finances propose de renforcer légèrement les sommes disponibles pour la péréquation communale, en modifiant le complément de garantie de la dotation globale de fonctionnement des communes.
Vous le savez, mes chers collègues, le complément de garantie a été mis en oeuvre pour qu'aucune commune ne voie sa dotation diminuer lors de la réforme de la DGF en 2005. Alors que le complément de garantie de la dotation globale de fonctionnement des communes peut actuellement augmenter chaque année de 25 % du taux de croissance de la dotation globale de fonctionnement, la commission des finances suggère de ramener cette augmentation à 15 % de ce taux.
Ainsi, l'augmentation du complément de garantie étant quasi stable, chaque année environ 10 millions d'euros seraient libérés qui pourraient être consacrés au renforcement de la péréquation, ce qui correspondrait à une centaine de millions d'euros en dix ans. Certes, nous sommes loin des 780 millions d'euros, mais au moins nous n'avançons pas à l'aveuglette !
Sans doute serait-il plus simple de laisser voter cette proposition de loi et ensuite d'expliquer à toutes les communes qu'elles ont 780 millions d'euros de moins à se partager, mais personne ne veut une telle solution. C'est pourquoi, tant que nous n'aurons pas de simulations fiables nous permettant de nous décider en toute connaissance de cause, il nous faut rester prudents. C'est en tout cas la position que je vous propose d'adopter, mes chers collègues.
Quant au département de la Creuse, mon cher collègue, modifier le système ne sera guère suffisant (M. Michel Moreigne s'exclame) : il faut des mesures spécifiques pour remettre ce département à niveau. Tout dispositif général ne fera que maintenir la Creuse au dernier rang.
J'en viens maintenant à l'article 2 de la proposition de loi. Il est d'une tout autre nature, puisqu'il prévoit la possibilité d'utiliser de nouvelles recettes pour les départements.
Conséquence des lois de décentralisation, de plus en plus de dépenses sociales ont été mises à la charge des départements. J'observe à ce propos, monsieur le secrétaire d'État, que, s'agissant des grands chapitres de ces dépenses sociales - RMI, enfance, personnes âgées, personnes handicapées... -, c'est l'État qui vote le montant des dépenses chaque année, puisque le Premier ministre fixe, par arrêté, au 1er janvier, les minima que les départements doivent assurer aux bénéficiaires de ces prestations sociales.
L'article 2 prévoit que le Gouvernement dépose un rapport en 2008, afin de déterminer si une part de la CSG ne pourrait pas être affectée aux départements pour financer les dépenses sociales dont ces derniers ont la charge.
Cette mesure s'inscrit dans le droit fil de nombreuses propositions qui sont actuellement avancées dans ce domaine. Je pense notamment au rapport de M. Valletoux ou à celui de M. Pébereau, qui sont consacrés à ces questions et qui préconisent de transférer aux départements une part de CSG pour le financement des dépenses sociales qui leur incombent.
La commission des finances est favorable à cet article 2, sous réserve de quelques modifications formelles.
Nous pouvons les uns et les autres faire nôtres les deux objectifs de notre collègue. En revanche, il nous paraît impossible d'accepter l'article 1er, tant les sommes en jeu sont importantes. De surcroît, la nécessité pour le Parlement de disposer de sources de renseignement autonomes est démontrée puisque ni l'auteur de la proposition de loi, ni le rapporteur ne sont en état de fournir une simulation exacte des conséquences qu'aurait l'adoption dudit article 1er. Les services de l'État ne nous ont pas davantage donné d'estimations.
Face à cette situation, je ne peux que confirmer la position de la commission des finances, c'est-à-dire accepter l'article 2, repousser l'article 1er ou, éventuellement, modifier ce dernier en prévoyant une mesure de péréquation d'ampleur beaucoup plus faible qui n'entrerait elle-même en jeu qu'à partir du moment où l'État aurait fourni les simulations nécessaires. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le Sénat examine aujourd'hui une proposition de loi qui est certes concise, monsieur Marc, mais qui pose des questions très importantes.
Je préfère d'emblée vous dire que le Gouvernement n'est pas favorable à son adoption, essentiellement parce qu'il lui semble que les conditions d'un examen approfondi des questions essentielles que vous avez soulevées ne sont pas aujourd'hui réunies.
S'agissant du premier sujet que vous évoquez dans votre proposition de loi, monsieur le sénateur, et qui est détaillé dans l'article 1er, la commission a souhaité modifier la fourchette maximale d'évolution de la dotation dite « de garantie » au sein de la dotation forfaitaire de la dotation globale de fonctionnement.
Aujourd'hui, cette part de la dotation forfaitaire peut évoluer, en fonction du choix opéré par le comité des finances locales, selon un rapport compris entre 0 % et 25 % du taux de croissance annuelle de la DGF. Vous proposez de réduire la marge de manoeuvre offerte au comité des finances locales pour ramener cette fourchette entre 0 % et 15 %.
Je comprends bien et je partage largement l'objectif, à savoir dégager des marges de manoeuvre supplémentaires au profit des dotations de péréquation que sont la dotation de solidarité urbaine, la dotation de solidarité rurale ainsi que la dotation nationale de péréquation. Ces différentes dotations bénéficieraient ainsi de la moindre progression de la dotation forfaitaire.
Compte tenu du taux de la DGF en 2008 qui sera, je le rappelle, de 2,08 %, votre proposition devrait avoir pour effet de déplacer l'année prochaine moins de 10 millions d'euros au sein d'une DGF des communes et des intercommunalités qui pèse plus de 22 milliards d'euros. C'est un effort intéressant pour la DGF. Néanmoins, il paraît préférable au Gouvernement de ne pas modifier la répartition de la DGF par touches successives. Il est au contraire essentiel de considérer cette dotation dans son ensemble ainsi que tous les enjeux à venir.
Or, en 2009, la DGF devra absorber l'impact des augmentations de population liées à la prise en compte des résultats du recensement rénové de la population. Une réflexion est engagée sur ce sujet depuis le mois de février dernier au sein tant de l'administration que du comité des finances locales, dont je salue le président.
Le CFL a d'ores et déjà réuni un groupe de travail chargé d'anticiper les effets de cette procédure de recensement rénovée sur la dotation globale de fonctionnement, notamment sur ses composantes péréquatrices C'est dans ce cadre qu'il nous faudra réfléchir ensemble.
Si cela apparaît nécessaire, ces réflexions déboucheront, en 2008, sur une adaptation à la procédure de recensement rénovée - prévue par la loi relative à la démocratie de proximité de 2002 - des modalités de répartition de plusieurs dotations.
La réflexion ne se limitera pas au seul complément de garantie. Le Gouvernement a la conviction que le recensement rendra nécessaire une réforme plus globale, qui sera présentée dans le projet de loi de finances pour 2009.
L'objectif de visibilité, auquel aspirent légitimement les élus locaux comme les citoyens, suppose de ne pas légiférer pour une année seulement, sur un seul aspect des enjeux qui attendent la DGF.
Par ailleurs, du point de vue de la méthode, le Gouvernement a rappelé, à plusieurs reprises, sa volonté de préparer toutes les réformes concernant les collectivités territoriales en concertation totale avec elles. Or la proposition de loi n'a pas été soumise au comité des finances locales, qui n'a pas pu donner son avis sur d'éventuelles simulations.
Le Premier ministre, devant les trois principales associations d'élus locaux que sont l'Association des maires de France, l'AMF, l'Assemblée des départements de France, l'ADF, et l'Association des régions de France, l'ARF, a également pris l'engagement - et cet engagement sera tenu -de les associer dans le cadre de la Conférence nationale des exécutifs. C'est également pour cette raison que la proposition de loi dont nous débattons en cet instant ne peut être soutenue par le Gouvernement, alors qu'elle n'a pas été examinée par ladite conférence.
Enfin, le Premier ministre a confié à votre collègue Alain Lambert, que je salue, une mission de réflexion générale sur la réforme des relations financières entre l'État et les collectivités territoriales. Il s'agit d'inscrire ces relations dans une vision pluriannuelle pour offrir aux collectivités territoriales, qui le réclament toutes, un cadre clair et connu à l'avance.
Il me semble que ce n'est qu'à l'issue de tous ces travaux, qui doivent être présentés d'ici à la fin du mois de novembre au Conseil de la modernisation présidé par le Président de la République et par le Premier ministre, que les réformes de la DGF, qui devront nécessairement être conduites dans les années à venir, devront être discutées.
Je le répète, je partage l'objectif, mais la modification à la marge d'une fourchette du taux de progression de l'une des composantes de la dotation forfaitaire ne peut tenir lieu de réforme de la DGF. Dans ces conditions, il ne me semble pas souhaitable de procéder dès aujourd'hui aux ajustements que proposent les auteurs de la proposition de loi.
S'agissant du second volet de ce texte, qui fait l'objet de l'article 2, la commission a souhaité que le Gouvernement dépose, avant le 1er septembre 2008, un rapport étudiant les modalités d'une substitution d'une taxe additionnelle à la CSG à la part départementale de la taxe d'habitation.
Pour votre part, monsieur Marc, vous désirez que soit explorée la piste consistant à moduler le taux de cette nouvelle taxe additionnelle à la CSG. Vous souhaitez aussi que soient simulées les conséquences financières pour l'État, les départements et les contribuables d'une telle réforme, laquelle pourrait voir ses effets étalés dans le temps.
Sur le fond, le Gouvernement ne nie pas l'intérêt de la piste que vous évoquez, même si certains éléments le conduisent à la plus grande circonspection.
Il en est ainsi, tout d'abord, des effets de votre proposition sur les revenus des ménages. Comme vous le savez, la CSG est un impôt proportionnel, qui frappe tous les revenus, indifféremment du niveau de revenu des contribuables. À l'inverse, la taxe d'habitation est progressive, en raison de deux facteurs. D'une part, elle dépend de la valeur locative de l'habitation ; d'autre part, l'impôt est plafonné à 3,44 % du revenu fiscal de référence du contribuable, ce qui n'est pas le cas de la CSG.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. C'est un impôt sur le revenu !
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Les inévitables transferts de charge fiscale entre contribuables devront donc être expliqués !
Les mécanismes de lissage que vous appelez de vos voeux paraissent au Gouvernement difficiles à mettre en oeuvre pour des impositions aussi complexes à mettre en regard que la taxe d'habitation, gérée par l'administration fiscale, et la CSG sur les revenus d'activité, régie par les administrations sociales.
Le Gouvernement est ensuite réservé vis-à-vis des limitations du pouvoir de taux par les collectivités
L'un des maux dont souffre la fiscalité locale, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est la superposition de plusieurs autorités politiques ayant le pouvoir de voter un taux à l'égard d'une même assiette fiscale. Cette situation aboutit, par exemple dans le cas de la taxe professionnelle, à ce que personne ne sache réellement qui est responsable d'une augmentation du taux global, entre la commune, l'EPCI, le département ou la région.
Dans l'opération que vous proposez, monsieur Marc, vous mettez, certes, fin à la superposition de la commune et du département pour ce qui concerne l'assiette de la taxe d'habitation, mais vous en recréez une - et de taille ! - à l'égard de l'assiette de la contribution sociale généralisée.
La CSG a une vocation : financer les dépenses de protection sociale. Je comprends la logique qui vous anime et qui témoigne de l'importance des départements dans l'action sociale aujourd'hui. Mais comment réagiraient nos concitoyens si on leur disait que, désormais, pour un même salaire brut, leur salaire net serait différent d'un département à un autre ?
Bien entendu, les départements pourraient ne pas avoir le pouvoir de moduler le taux, ce qui serait conforme au principe constitutionnel d'autonomie financière, mais cela ne serait-il pas tout de même perçu comme un recul de l'autonomie des collectivités départementales ?
Quant au calendrier, le Gouvernement considère que votre proposition vient en réalité un peu trop tôt, et je l'ai indiqué au début de mon intervention.
En effet, comme vous le savez, le Gouvernement a ouvert le chantier de la réforme de la fiscalité locale. Ce sera l'un des points importants de la revue générale des prélèvements obligatoires menée par Christine Lagarde en collaboration étroite avec Michèle Alliot-Marie et Éric Woerth. Les propositions du Gouvernement seront soumises à la consultation au cours du premier semestre 2008. La Conférence nationale des exécutifs, installée par le Premier ministre le 4 octobre dernier, sera le lieu de concertation politique naturel sur l'ensemble de ces propositions.
Trois sujets prioritaires ont déjà clairement été identifiés par le Gouvernement : d'une part, la taxe professionnelle, dont les effets sur la compétitivité du site France et la part croissante de l'État dans la prise en charge appellent une réflexion renouvelée ; d'autre part, la révision des valeurs locatives foncières, sujet sur lequel nous devons à nouveau faire des propositions concrètes et simples à mettre en oeuvre ; enfin, la spécialisation de la fiscalité locale, et je crois que c'est bien ce dont nous débattons aujourd'hui.
À ce sujet, trois impératifs doivent être pris en considération pour dessiner une nouvelle architecture de la fiscalité locale, à savoir limiter le nombre de collectivités qui prélèvent de l'impôt sur une même assiette, diversifier les ressources fiscales des collectivités - au moins deux impôts par niveau de collectivité - et limiter les transferts de charges entre contribuables.
Mesdames, messieurs les sénateurs, aujourd'hui, le Gouvernement vous demande de lui laisser le temps de mener l'expertise et la concertation - quelques semaines, quelques mois - avec la Conférence nationale des exécutifs, qui regroupe l'AMF, l'ADF et l'ARF, mais aussi avec le comité des finances locales.
Le Gouvernement reconnaît les mérites de la proposition de loi. Cependant, je crois que ce débat doit avoir lieu au début de l'année 2008 et qu'il doit s'insérer dans une réflexion d'ensemble, abordant toutes les options envisageables, sans aucune préférence. C'est la raison pour laquelle, comme je vous l'ai d'ores et déjà indiqué, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement n'est pas favorable à l'adoption de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur. C'est dommage !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise présente l'intérêt de provoquer un débat. Et il est bon qu'au sein du Parlement soient organisés des débats sur les recettes des collectivités territoriales et sur les modalités de réorganisation de leur mécanisme de financement.
Le Sénat a toujours eu la volonté de remplir pleinement sa mission de représentant des collectivités territoriales que lui a confiée l'article 24 de la Constitution. Il est à l'origine de réformes majeures dans les domaines de la décentralisation et de l'autonomie des collectivités territoriales. Il assure une fonction de suivi, d'évaluation, de prospective et de proposition au travers de ses commissions permanentes et de l'Observatoire de la décentralisation, dont il s'est doté.
Les membres du groupe UMP ont porté une attention particulière à la proposition de loi de notre excellent collègue François Marc et des membres du groupe socialiste, mais je dois tout de suite faire observer que ce texte n'est pas équilibré.
L'article 1er de la proposition de loi initiale a un côté flou et « aventureux », ce qui, ajouté à l'absence totale de simulation, rend très difficile la mesure des différentes opérations à venir.
Sur l'article 2, il y a moins à dire, l'instauration d'une taxe additionnelle à la CSG ayant été envisagée par tous dans cet hémicycle, afin de procurer quelques ressources supplémentaires aux départements.
L'article 1er pose le principe de la limitation des écarts de ressources entre les collectivités : c'est un vieux débat, mais nous ne disposons pas des instruments de mesure suffisants pour le trancher.
Je prends un exemple, qui, à mon avis, est tout çà fait topique et illustrera à merveille la situation : à l'heure actuelle, la dotation globale de fonctionnement est attribuée aux collectivités territoriales en fonction de la population locale. Tel était d'ailleurs l'un des éléments essentiels de la réforme que nous avons faite voilà quelques années. Or l'INSEE n'est pas capable d'indiquer le nombre exact d'habitants, si bien que des communes dont la population diminue continuent malgré tout à percevoir une DGF inchangée par rapport à 1999, date à laquelle leur population avait été évaluée, et que d'autres, en forte expansion, elles, touchent également une DGF inchangée, puisque calculée sur la base de ce même recensement.
Les écarts de ressources entre les habitants de ces communes ne peuvent donc pas être mesurés, le niveau actuel de la population étant inconnu.
Ce n'est qu'en 2009, monsieur le secrétaire d'État, que l'INSEE nous communiquera la population des différentes collectivités ; toutefois, l'étude sera réalisée à partir des recensements partiels de 2005, 2006, 2007 ou 2008.
Par conséquent, aucun mécanisme de resserrement de l'ensemble des attributions et du potentiel financier par rapport à la population ne sera exact, faute d'une connaissance parfaite du nombre d'habitants.
J'ai d'ailleurs beaucoup apprécié - cela ne l'étonnera pas ! - le rapport de M. Mercier.
M. Aymeri de Montesquiou. Excellent !
M. Jean-Pierre Fourcade. M. le rapporteur a rappelé de manière très précise comment était effectuée la péréquation et comment la réforme de la DGF, engagée sur proposition du comité des finances locales, que j'ai eu l'honneur de présider pendant un certain nombre d'années, joue aujourd'hui à augmenter la péréquation.
Je reproche à M. Marc de ne pas avoir cité les grands mécanismes de péréquation qui existent déjà, à savoir la DSU, la dotation de solidarité urbaine, la DSI, la dotation spéciale instituteurs, ou encore la DNP, la dotation nationale de péréquation, pour ne citer qu'elles, qui représentent aujourd'hui, sur la somme totale de la dotation globale de fonctionnement, des sommes non négligeables.
Donc, la péréquation existe. Je comprends que notre collègue veuille la renforcer, mais encore faudrait-il disposer d'instruments de mesure fiables et acceptés par tous, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle.
J'ai trouvé très astucieuse la solution de la commission des finances, qui joue sur une réduction du pouvoir du comité des finances locales concernant la fixation du complément de garantie, ce qui se chiffre à une dizaine de millions d'euros, comme l'a dit M. le secrétaire d'État. Il s'agit là d'un premier pas intéressant, mais non de la réforme fondamentale attendue.
Sur l'article 1er, un certain nombre de choses doivent être dites.
Le flux et l'efficacité des dotations de péréquation ont été fortement renforcés au cours des dernières années, grâce, notamment, à la dotation de solidarité urbaine et la dotation de solidarité créée spécifiquement pour les départements, ou encore au système de la dotation de service minimum. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Bref, tout ce qui existe, à l'heure actuelle, aux trois niveaux de collectivités permettrait au comité des finances locales d'aller un peu plus loin dans la péréquation.
Cependant, force est de le constater, chaque fois que l'on a fait jouer le curseur entre les attributions automatiques et les attributions de péréquation, les membres du comité des finances locales, qui est composé de personnalités éminentes - M. le rapporteur le sait bien - ont, à leur grande majorité, toujours bloqué au minimum le mécanisme de péréquation, aussi bien pour les départements que pour les régions.
Et je me demande s'il n'y a pas, d'un côté, le discours convenu sur la nécessité d'une augmentation de la péréquation et, de l'autre, une attitude toute pragmatique qui veut que l'on ne modifie pas trop les équilibres entre les différentes collectivités !
C'est pourquoi je considère la méthode proposée par M. Marc et le groupe socialiste un peu brutale. Si ce mécanisme de resserrement de la fourchette a pu être aisément appliqué entre la vingtaine de Länder allemands, par exemple, grâce à une agrégation de la totalité des ressources, il est en revanche, comme l'a dit M. le secrétaire d'État, impossible à mettre en place entre 36 000 communes, 2 000 établissements publics de coopération intercommunale, 100 départements et vingt-deux régions. En tout cas, il est impossible d'en connaître à l'avance les conséquences pratiques.
C'est pourquoi je suis d'avis de laisser se poursuivre la réflexion engagée depuis quelques mois à trois niveaux.
Le comité des finances locales a en effet mis en place, de son côté, le 6 février dernier, un groupe de travail pour évaluer l'impact de la procédure de recensement rénovée sur la répartition des dotations de l'État aux collectivités dans la perspective de la prise en compte du nouveau recensement en 2009. C'est le point de départ qui nous permettra de savoir avec précision combien il y a de citoyens dans telle commune, tel EPCI, tel département ou telle région.
Par ailleurs, le Premier ministre a confié à notre éminent collègue Alain Lambert une mission sur les relations entre l'État et les collectivités territoriales, à l'occasion de la révision générale des politiques publiques. En effet, comme l'a dit très justement M. le rapporteur, il faut s'occuper non pas uniquement des recettes, mais aussi des dépenses.
Pour l'avoir présidée pendant plusieurs années, j'estime que la commission consultative d'évaluation des charges devrait être pérennisée et saisie chaque fois que se produit un transfert, disons « occulte ».
Or des transferts de cette nature, les collectivités en subissent tous les jours, qu'il s'agisse de la gestion des objets perdus, dont les commissariats de police ne veulent plus s'occuper, ou encore des passeports ou des cartes d'identité, pour ne prendre que ces exemples qui sont autant de situations que j'ai moi-même vécues. Je m'adresse tout particulièrement à notre excellent collègue M. Lambert : ces charges imprévues qui sont transférées sur les budgets locaux sont extrêmement gênantes, et il conviendrait de mettre en place un mécanisme de régulation.
Enfin, le Premier ministre a mis en place, le 4 octobre dernier, la Conférence nationale des exécutifs, appelée à devenir un lieu de concertation privilégié entre le Gouvernement et les collectivités territoriales.
Ces trois éléments - le groupe de travail du comité des finances locales, la mission confiée à M. Lambert et la réunion des exécutifs locaux - devraient permettre d'aboutir à une nouvelle architecture de la fiscalité locale, dont chacun s'accorde à reconnaître qu'elle est obsolète, notamment en ce qui concerne la taxe d'habitation, et qu'elle doit être revue.
Monsieur le secrétaire d'État, j'ai noté avec satisfaction - mais tiendrez-vous votre promesse ? - que vous envisagiez enfin de mettre en oeuvre la révision des valeurs locatives. Croyez-moi, la tâche sera ardue ! Les bénéficiaires se tairont ; quant aux victimes, elles protesteront haut et fort, tant et si bien que rien de décisif ne sera fait. (Sourires.)
M. Mauroy avait proposé de donner aux collectivités la faculté de procéder à la révision des valeurs locatives en les rapprochant des valeurs vénales. Voilà qui permettrait d'améliorer nos ressources fiscales et financières. C'est cela, l'autonomie des collectivités, et c'est vers cette solution qu'il faut s'orienter !
Sur l'article 2, et le problème de la CSG, je ferai deux observations.
Au moment où notre commerce extérieur est en grave déficit et où beaucoup d'entreprises se délocalisent, aggraver les prélèvements fiscaux ne serait pas judicieux.
Appliquer une taxe additionnelle à la CSG ne doit pas, à mon sens, majorer le poids total du prélèvement fiscal : il faut donc trouver des ressources à abandonner. L'affaire est délicate, car il n'est plus temps de demander à l'État de majorer encore ses dotations, ou au contribuable de payer un peu plus. Cette problématique est dépassée, compte tenu des exigences de compétitivité et des problèmes d'emploi. Il nous faut donc être raisonnables.
Le groupe UMP est favorable à la réflexion menée aussi bien sur le renforcement de la péréquation que sur la réforme globale de la fiscalité ou encore sur la proposition de M. Marc d'instaurer une taxe additionnelle à la CSG.
S'il a noté les efforts de M. le rapporteur pour rendre le contenu de cette proposition de loi plus acceptable, grâce à l'amendement visant à réduire assez nettement la portée de l'article 1er, notre groupe n'en exprime pas moins les plus grandes réserves sur le principe comme sur la méthode proposée par M. Marc.
C'est la raison pour laquelle il a décidé de ne pas prendre part au vote, estimant ce texte trop flou et jugeant qu'il ne fait pas progresser la nécessaire réforme de notre fiscalité. Il préfère attendre le résultat des réflexions en cours avant de se prononcer. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la péréquation des ressources en faveur des collectivités territoriales est un sujet qui nous occupe depuis quelque temps, c'est le moins que l'on puisse dire.
À dire vrai, ce sujet imprègne le débat sur les finances locales depuis au moins une bonne trentaine d'années, époque de la mise en place de la dotation globale de fonctionnement, puis avec les différentes lois et mesures qui ont modifié l'économie générale du système de financement de l'initiative locale.
Il l'imprègne d'autant plus qu'au fil des ans et des opportunités budgétaires, l'État s'est défaussé progressivement de nombre de ses obligations sur les collectivités territoriales.
Je citerai pour mémoire les politiques de formation professionnelle, du logement, de la réalisation et de l'entretien d'infrastructures routières ou encore des politiques sociales, non seulement en direction des personnes les plus vulnérables et des personnes âgées ou dépendantes, mais aussi des handicapés.
Après le débat qui devait se conclure par la préférence accordée aux transferts par rapport aux financements croisés, aujourd'hui, il n'est pas un ministre qui ne propose une nouvelle action, sans pour autant que les collectivités territoriales soient considérées comme « partenaires privilégiées », elles qui deviennent de fait les « payeurs » quasi exclusifs.
Pour répondre à ces transferts imposés, les collectivités concernées sont loin de disposer des mêmes ressources et la situation ne s'est guère améliorée depuis trente ans, compte tenu, justement, de ces charges nouvelles. On peut même dire que certains écarts se sont accrus.
J'approuve ce passage de l'exposé des motifs du texte proposé par nos collègues socialistes : « L'action de l'État ne parvient pas à réduire la fracture territoriale. Les impôts locaux, reposant sur des bases archaïques, sont sources d'injustices, aussi bien pour les contribuables que pour les collectivités. Les correctifs apportés pour pallier ces carences ont finalement conduit à plafonner certains prélèvements locaux plutôt qu'à réformer la structure de ces prélèvements. » Mais je ne peux pas souscrire à l'idée que les marges de manoeuvre budgétaires de l'État « sont, aujourd'hui plus que jamais, limitées. »
En fait, nous le savons bien, les gouvernements qui viennent de se succéder ont multiplié les initiatives entraînant une réduction des recettes fiscales de l'État. La dernière en date est la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite loi TEPA, une illustration parfaite étant fournie par le bouclier fiscal, ramené à 50 % alors qu'il venait juste d'être instauré à 60 % par la loi de finances pour 2007.
Toutes ces mesures n'ont d'autre objet que de répondre aux attentes d'une infime minorité de contribuables ou aux exigences d'optimisation fiscale des grands groupes, et elles coûtent cher au budget de l'État !
Cependant, la vraie question à nous poser est plutôt la suivante : est-il toujours opportun de confier aux collectivités territoriales la responsabilité de piloter toutes les actions susceptibles d'apporter une réponse à un besoin social déterminé ?
La prise en charge de l'autonomie des personnes âgées en est un parfait exemple.
On a refusé de traiter la situation des personnes âgées sous l'angle de la dégradation de leur santé, pour ne la considérer que comme un problème social, alors même que l'espérance de vie, nous le savons, varie selon l'activité professionnelle exercée.
De surcroît, la comparaison du nombre des personnes âgées dépendantes selon les différentes parties du territoire national montre, à l'évidence, de profondes inégalités locales. Ainsi la répartition géographique des demandeurs de l'APA, l'allocation personnalisée d'autonomie, n'est-elle pas équilibrée.
Nombre de départements ruraux, par ailleurs victimes de la pseudo-rationalisation des dépenses de santé, comptent une proportion particulièrement élevée de personnes âgées de plus de soixante ans, voire de plus de soixante-quinze ans.
En 1999 - les données n'ont pas dû être modifiées de façon significative depuis -, la part des personnes âgées de plus de soixante-quinze ans dans la population représentait plus de 14 % dans la Creuse, contre 4,5 % dans le Val-d'Oise.
Naturellement, la demande potentielle relative à l'allocation personnalisée d'autonomie est donc bien plus forte dans la Creuse, département rural doté de faibles ressources financières, que dans le Val-d'Oise, département urbain où sont implantées des zones d'activité particulièrement significatives.
Nul doute que, a contrario, les élus val-d'oisiens, par rapport à leurs homologues creusois, se doivent de faire face à une demande en équipements scolaires dans des proportions bien plus importantes, mais la situation de la Creuse ne permet pas à ce département de faire face aux obligations de l'APA, ce qui peut le contraindre à exiger plus de l'imposition locale par rapport à bien d'autres départements.
De fait, le mode de financement de l'action en direction des personnes âgées paraît aujourd'hui profondément inadapté, indépendamment des outils de péréquation, bien imparfaits, qui ont été mis en place.
Tout cela revient à nous interroger sur l'absolue pertinence de la décentralisation dans tous les cas de figure.
En réalité, nous le savons tous, notamment tous ceux qui ont voté en 2003 et 2004 les différents textes, notamment la loi relative aux libertés et responsabilités locales, formant ce que certains appellent le deuxième volet de la décentralisation, le Gouvernement, en faisant le choix de la responsabilité locale, a surtout fait le choix de décharger l'État de ses obligations.
À nos yeux, s'agissant de l'action sociale, une bonne part des compétences qui ont été transférées aux départements devrait même être du ressort de la sécurité sociale collective, dont le caractère universel et égalitaire est autrement plus garanti que tout autre dispositif.
Depuis de longues années, les parlementaires du groupe communiste républicain et citoyen proposent la création d'un cinquième risque de la sécurité sociale, ce qui serait un gage d'efficacité et de justice sociale dans la mesure où le dispositif s'appuierait sur un régime solidaire.
La mesure proposée dans le présent texte visant à prévoir le versement d'une partie de la CSG aux collectivités territoriales nous apparaît, en fait, comme une reconnaissance de cette réalité, mais, en même temps, comme un refus d'aller jusqu'au bout de la démarche.
Quant au RMI, souvenons-nous que c'est la réduction des indemnisations ASSEDIC qui est responsable, aujourd'hui, de l'augmentation de la prise en charge par cette allocation d'un nombre toujours plus important de demandeurs d'emploi.
Toute réflexion sur l'évolution des mécanismes propres aux finances locales doit donc, sous peine de ne pas favoriser l'émergence de solutions durables et acceptables, poser aujourd'hui clairement la question des contours, du contenu et de la pertinence des responsabilités assumées par les collectivités territoriales.
Nous continuons de penser, mes chers collègues, que le transfert aux collectivités territoriales des routes, des bâtiments scolaires, d'une grande partie de l'action sociale, des politiques de formation permanente et d'apprentissage, ainsi que d'une bonne part des charges d'infrastructure publique ne constitue pas la réponse la plus acceptable ni la plus pertinente à la question de la satisfaction des besoins collectifs de nos concitoyens.
Tout au plus pouvons-nous, du point de vue de l'État, enregistrer, notamment depuis 2004, une compression du déficit budgétaire, l'essentiel - plus de 70 % - des charges d'investissement public étant désormais assumé par les collectivités locales en lieu et place de l'État.
L'un des effets de la décentralisation, telle qu'on a pu la concevoir notamment durant la législature précédente, est d'avoir porté sous la barre des 5 % la part du budget de l'État consacrée aux dépenses d'investissement. Autrement dit, en faisant abstraction de ces dépenses pour le moins réduites, nous sommes toujours en situation de déficit de fonctionnement.
Le texte que nous examinons aujourd'hui intervient sur un aspect relativement restreint du financement des collectivités. Loin de moi l'idée d'en faire le reproche aux auteurs de la proposition de loi, car, compte tenu du peu de temps accordé à la discussion - moins de deux heures -, je peux comprendre qu'il était difficile de faire une présentation plus large.
Cependant, le fait de concevoir la péréquation dans un contexte d'enveloppe constante et de progression plus que limitée des concours budgétaires de l'État aux collectivités locales revient, très vite, à battre en brèche les principes d'autonomie des collectivités territoriales, pourtant affirmés, au moins en théorie, par l'article 72-2 de la Constitution.
L'outil de péréquation « horizontale » qui nous est ici présenté s'apparente, qu'on le veuille ou non, à un certain partage de la misère, partage porteur de nouvelles difficultés à répondre aux attentes de nos concitoyens.
Selon nous, la péréquation implique a priori la mise en place de nouveaux outils et de nouvelles recettes fiscales, destinées à un partage plus équilibré des moyens disponibles.
Elle doit ainsi commencer par une remise en question des mesures actuellement retenues pour l'allégement de la fiscalité des entreprises. Elle pourrait aussi passer, faut-il le rappeler, par la récupération du produit de la cotisation minimale de taxe professionnelle, qui, d'après les documents qui nous ont été fournis jusqu'à présent, rapportera cette année 2,5 milliards d'euros de ressources au budget de l'État - bien loin des 820 millions d'euros dont nous parlions tout à l'heure -, soit deux fois et demie le montant de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale et plus que la DGF des groupements !
Par ailleurs, la taxation des actifs financiers des entreprises, inscrite dans une proposition de loi que nous avons déposée le 17 mars 2005, permettrait de fournir les moyens de financer et de conduire une véritable politique de péréquation des ressources pour le financement de l'initiative locale. Le produit de cette taxation pourrait alimenter un fonds de péréquation national, qui serait réparti en fonction des capacités contributives des habitants des collectivités. De plus, cela permettrait de prendre en compte la réalité de l'évolution de l'activité économique.
Comme l'ont fait remarquer le directeur général des collectivités territoriales et le président de l'Association des maires de France, l'industrie paie aujourd'hui 69 % du montant total de la taxe professionnelle, alors qu'elle ne participe que pour 32 % à la valeur ajoutée ; à l'inverse, les activités financières produisent 35 % de la valeur ajoutée et s'acquittent de 2,5 % de la taxe professionnelle.
Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je souhaite maintenant insister sur la notion d'initiative locale.
En effet, il est inconcevable de développer une approche critique de la décentralisation telle qu'elle a été conçue depuis quelques années sans souligner cette évidence : à force de transférer sur le local ce qui devrait procéder du national ou du collectif solidaire, on finit aussi par brider l'initiative et la créativité des collectivités territoriales.
Quand la commission des finances laisse supposer que la péréquation serait améliorée si le complément de garantie de la DGF des communes n'évoluait plus que selon un taux égal au plus à 15 % de la progression de la DGF, elle ne tient pas compte des conséquences des mesures déjà mises en oeuvre. Celles de la loi de finances pour 2007 se sont ainsi traduites, pour 3 000 communes, par un gel de leur garantie, qui n'a représenté qu'un volume de 13 millions d'euros, soit un montant faible en termes de péréquation, mais qui a pu créer des situations difficiles pour certaines communes.
En outre, le dispositif envisagé n'intègre pas non plus les propositions gouvernementales contenues dans le projet de loi de finances pour 2008 : pacte de stabilité imposé à toute force, nouvelle atteinte à la dotation de compensation de la taxe professionnelle et minorations de plusieurs compensations en matière de fiscalité locale touchant la taxe professionnelle ou le foncier non bâti. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)