M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à la suite du dramatique accident survenu le 4 août 2007 à la Fête des Loges, la proposition de loi de notre collègue Pierre Hérisson a été présentée comme l'expression de la volonté commune des acteurs concernés, mais surtout de celle du Gouvernement et du Président de la République. En effet, deux jours après les faits, le Président de la République faisait une déclaration engageant l'intervention rapide du Gouvernement afin d'assurer une meilleure sécurité des manèges et des attractions foraines.
Si la manière laisse à penser que la réaction a été rapide, nous considérons au contraire qu'elle a été étonnamment longue. Car bien des accidents auraient pu être évités si la question des défaillances du contrôle et de la sécurité des installations foraines n'était pas tombée dans l'oubli depuis plusieurs années.
Rappelons qu'en 1995, à la suite de l'avis de la Commission de la sécurité des consommateurs relatif aux matériels d'attraction installés dans les parcs de loisirs permanents ou fonctionnant lors des fêtes foraines, la DGCCRF et la Direction de la défense et de la sécurité civile avaient rédigé un projet de décret sur la sécurité des matériels d'attraction, en s'appuyant sur l'article L. 221-3 du code de la consommation.
Or, en raison de l'opposition d'une partie des exploitants, tant aux mesures techniques proposées qu'aux contrôles approfondis plus onéreux, le gouvernement de l'époque n'y avait pas donné suite. Cela nous semble d'autant plus regrettable que la voie réglementaire, qui avait alors été choisie, nous paraît être la plus adaptée. D'ailleurs, à l'heure où l'on nous assène l'objectif de simplification du droit, on peut être légitimement surpris que la majorité propose l'intervention du législateur en ce domaine.
Sur le fond, nous sommes évidemment d'accord avec vous pour constater le caractère obsolète des règles du protocole de 1984. À ce titre, nous saluons le travail des professionnels et des collectivités locales dans la rédaction de la nouvelle convention, adoptée le 17 août dernier, afin de garantir une meilleure sécurité des manèges qui, du fait des innovations technologiques, vont toujours plus hauts, toujours plus vites et offrent toujours plus de sensations.
Toutefois, et vous avez eu raison de le rappeler, monsieur le rapporteur, dans la mesure où cette convention n'engage que ses signataires, il est nécessaire d'élaborer une réglementation nationale unique qui s'impose à tous.
Nous considérons que le règlement, comme en témoigne d'ailleurs la proposition de loi qui renvoie à un décret pour la plupart des dispositions nouvelles, aurait été suffisant pour traiter la question. En effet, en tant que « produits », les manèges relèvent de l'obligation de sécurité prévue à l'article L. 221-1 du code de la consommation, article qui impose aux professionnels d'assurer la sécurité de leurs équipements en matière de conception et d'exploitation.
En cas d'accident ou de danger grave et immédiat, encore une fois, le code de la consommation prévoit des dispositions : la suspension de l'activité du manège par la DGCCRF ou des mises en garde pour demander la mise en conformité du manège.
De plus, les maires ou, à défaut, les préfets, en vertu de leur pouvoir de police administrative, sont compétents pour imposer les mesures nécessaires au maintien de l'ordre public. Dans ce cadre, le ministère de l'intérieur a élaboré à l'attention des maires plusieurs circulaires relatives à la sécurité des matériels d'attraction.
Cela étant, puisque le Parlement est saisi - bien qu'une partie essentielle du fond relève du pouvoir réglementaire -, nous espérons que le Gouvernement sera en mesure de nous informer clairement sur le contenu des décrets qu'il entend prendre, d'autant que, nous a-t-on annoncé ce matin en commission, ces décrets seraient pratiquement « bouclés ».
Il serait inadmissible que les exigences en matière de sécurité des manèges restent en deçà de celles qui sont prévues dans la convention du 17 août 2007, tout comme il serait vain de fixer le principe d'impartialité et d'indépendance des organismes de contrôle sans que le Gouvernement nous informe de la procédure d'agrément qu'il va arrêter.
M. Daniel Raoul. Très bien !
Mme Odette Terrade. J'en viens au contenu de la proposition de loi.
L'article 1er reprend les dispositions de l'article L. 221-1 du code de la consommation en précisant qu'elles s'appliquent aux manèges, machines et installations pour fêtes foraines ou pour parcs d'attraction. En bref, jusqu'à présent, le code de la consommation était applicable à ces installations ; désormais, il ne le sera plus, mais une disposition identique « hors code » posera exactement la même règle pour les matériels précités. Dès lors, on comprend mal l'utilité d'une telle mesure au regard de l'objectif, qui est de garantir une meilleure sécurité.
L'article 2, quant à lui, crée une obligation de contrôle technique initial et périodique des manèges et installations foraines et prévoit que les contrôles techniques seront effectués par des organismes agréés par l'État.
Enfin, l'article 3 dispose : « Un décret en Conseil d'État définit les exigences de sécurité auxquelles doivent satisfaire les manèges, machines et installations visés à l'article 1er, le contenu et les modalités du contrôle technique ainsi que les conditions et les modalités d'agrément des organismes de contrôle technique ».
Si les articles 2 et 3 sont exemplaires dans leur principe, il apparaît qu'ils soulèvent encore de nombreuses questions.
Tout d'abord, quelle qualité et quelles exigences est-on prêt à imposer aux professionnels pour que la sécurité des personnels et des utilisateurs soit assurée ?
À l'échelon européen, le Comité européen de normalisation a publié une norme NF EN 13814 intitulée « Machines et structures pour fêtes foraines et parcs d'attraction - Sécurité ». Or la publication de cette norme a été retardée en France, et ce pour plusieurs raisons. Il semblerait notamment que certains exploitants forains se soient opposés à plusieurs points du texte : l'âge minimum requis pour la conduite des manèges ou la tenue des stands ; la périodicité des contrôles ; l'absence de prise en compte, pour déterminer la nature et la périodicité des contrôles, du type d'équipement considéré, de sa taille, de sa vétusté, des opérations de montage et démontage qu'il subit...
Nos collègues socialistes ont déposé un amendement tendant à ce que les manèges, machines et installations concernés soient conformes à la norme NF EN 13814. Ils pointent là, et à juste titre, la question de la teneur des contrôles.
M. Daniel Raoul. Très bien !
Mme Odette Terrade. Cependant, le respect de la norme précitée nous paraît constituer un faible garde-fou, même s'il est vrai que cela permettrait de rendre ces dispositions applicables aux divertissements construits avant la publication de la norme, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Il semblerait que le texte européen ait évolué vers une harmonisation par le bas. Selon l'ANEC, l'Association européenne pour la coordination de la représentation des consommateurs dans la normalisation, la norme européenne « offre moins de sécurité aux consommateurs, notamment en baissant la fréquence des inspections de sécurité, qui passent d'une fois par an à une fois tous les cinq ans. Au fil des années, l'orientation globale du projet de norme a changé. Alors qu'il était question, à l'origine, de renforcer la sécurité, on se retrouve aujourd'hui avec une norme qui se contente de fixer le niveau de sécurité le plus bas au sein de l'UE ».
M. Jean-Marc Pastor. Très bien !
Mme Odette Terrade. La fréquence des contrôles initiaux et des contrôles périodiques est un élément essentiel de la garantie d'une bonne sécurité. Il serait selon nous utile, comme l'avait recommandé la Commission de sécurité des consommateurs, que chaque attraction ait un carnet de vie qui recenserait les incidents techniques et les interventions survenus lors de son transport ou de son exploitation.
Par ailleurs, il ne serait pas superflu, puisque le marché de l'occasion représente 70 % du parc total des machines, qu'à chaque cession de matériel un contrôle technique soit obligatoire.
Il est également nécessaire que le contenu de ce contrôle soit à la mesure des évolutions techniques des appareils, et aussi exhaustif que possible. Se pose alors la question de la compétence de l'autorité de contrôle.
Les maires n'ont pas la compétence technique pour effectuer le contrôle des installations et des terrains ; le rapport considère qu'ils ne peuvent que procéder à un contrôle documentaire. La DGCCRF rencontre les mêmes difficultés techniques, mais elle est en outre confrontée à des contraintes liées au fait qu'elle manque de personnel pour répondre aux missions qui lui sont confiées par le code de la consommation.
En bref, le contrôle des manèges et autres installations foraines est confié soit à des bureaux de contrôle dont les coûts sont exorbitants, soit à d'anciens forains, ce qui pose quelques problèmes en termes d'indépendance.
La proposition de loi prévoit les dispositions nécessaires afin que des organismes indépendants et agréés par l'État exercent ce contrôle. Cependant, celui-ci demande un savoir-faire spécifique. Ma question est donc toute simple : à qui va-t-on le confier si ce n'est à d'anciens professionnels ?
Il va falloir former des personnels de contrôle ; pourquoi, dès lors, ne pas renforcer les effectifs de la DGCCRF et leur donner une compétence élargie ? Si l'on se contente d'agréer des organismes existants, il est probable que cela n'aura pas les effets escomptés.
Au-delà du contrôle technique des installations, et au regard de la nature des accidents qui peuvent survenir dans de telles manifestations, nous pensons également que l'information du public sur les consignes de sécurité à respecter et sur les risques spécifiques à certaines personnes doit être renforcée.
Le niveau de technologie et de performance atteint aujourd'hui par les matériels, l'ouverture possible des marchés à de nouveaux constructeurs étrangers à l'Union européenne, imposent la détermination d'un cadre réglementaire national pour améliorer les garanties de sécurité offertes aux consommateurs. Cependant, cette nouvelle réglementation serait totalement inutile si les moyens en termes de personnels et de qualification ne l'accompagnaient pas.
Nous voterons donc ce texte, monsieur le secrétaire d'État, mais nous resterons attentifs aux décrets d'application ainsi qu'à votre position si, au moment du budget, nous proposions d'augmenter les moyens alloués aux administrations compétentes. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Je voudrais apporter quelques éléments de réponse aux orateurs qui ont pris part à la discussion générale.
Monsieur Pastor, vous avez rappelé à quel point il était nécessaire de mettre en oeuvre cette nouvelle législation, compte tenu des nombreux accidents. Vous avez souligné que le protocole existant est assurément devenu insuffisant eu égard à la nouvelle technicité de ces outils.
Quant à l'harmonisation européenne, en particulier en ce qui concerne la norme qui a été citée, je pense que j'aurai l'occasion de vous rassurer lors de la discussion de l'amendement que vous avez déposé sur ce sujet puisque le décret d'application se référera clairement à cette norme.
Vous êtes également revenu, monsieur le sénateur, sur l'importance de la loi relative à la sécurité des piscines que le Parlement a votée, et vous avez interpellé le Gouvernement sur son application. Sachez que, à la suite de travaux de la DGCCRF et de la Commission de sécurité des consommateurs - j'ai été très sensible au rapport de cette dernière -, j'ai eu l'occasion d'alerter ma collègue Christine Boutin, ministre du logement, qui a la responsabilité de la mise en oeuvre de cette loi et de son amélioration.
Madame Henneron, vous avez à votre tour rappelé l'importance de la proposition de loi, compte tenu de l'évolution technologique des manèges - toujours plus de sensations, toujours plus de vitesse -, et vous avez également évoqué les consignes de sécurité. Je rappelle que celles-ci sont aujourd'hui de la responsabilité des fabricants, mais qu'elles sont bien entendu contrôlées par nos services compétents en la matière, à savoir la DGCCRF.
À la suite des incidents et des accidents mortels survenus cet été, j'ai demandé à la DGCCRF de renforcer son action et, m'étant rendu ces dernières semaines dans de nombreux parcs d'attraction, j'ai pu constater que l'information des consommateurs s'était beaucoup améliorée sur tous ces points.
Madame Terrade, vous avez posé plusieurs questions importantes.
Vous vous êtes d'abord interrogée sur le changement qu'apportera la mise en place par la loi des nouveaux organismes de contrôle.
Aujourd'hui, les contrôles techniques périodiques sont réalisés sur une base volontaire, dans le cadre de la convention du 17 août dernier, par les différents organismes qui interviennent de manière habituelle dans ce domaine et qui ne disposent pas encore d'agrément.
Le texte de la proposition de loi de M. Hérisson prévoit que les organismes de contrôle technique seront agréés par le ministre de l'intérieur. Une commission, composée de représentants des pouvoirs publics, des propriétaires ou exploitants, des organismes de contrôle technique, d'élus et de personnalités qualifiées, se prononcera sur les critères d'indépendance - c'est à juste titre que vous les avez évoqués - et de compétence des organismes intéressés, qui devront notamment déposer un dossier de candidature.
Vous avez également évoqué l'articulation entre la convention du 17 août 2007 et le futur dispositif introduit par la proposition de loi en discussion. Je rappelle que ladite convention constitue un contrat entre les professionnels tout en impliquant les maires et les administrations, et qu'elle cessera de produire ses effets dès que le nouveau dispositif entrera en vigueur, après l'adoption de cette loi.
Telles sont, monsieur le président, les précisions que je tenais à apporter à votre assemblée à l'issue de la discussion générale.
M. le président. Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
Les manèges, machines et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction ou tout autre lieu d'installation ou d'exploitation, doivent, dans des conditions normales d'utilisation ou dans d'autres conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel, être conçus, construits, installés, exploités et entretenus de façon à assurer la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et ne pas porter atteinte à la santé des personnes.
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Pastor et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :
Les machines de levage ou portage de personnes doivent être conçues, construites ou équipées de façon que les accélérations et décélérations de l'habitacle ne créent pas de risques pour les personnes.
La parole est à M. Jean-Marc Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. Certains accidents atypiques survenus sur des attractions dites « extrêmes » - car c'est bien de cela qu'il s'agit -, qui, par des dénivelés de plus de 150 mètres à la verticale, par des loopings ou des systèmes de lancement des passagers, atteignent en quelques secondes des accélérations de + 6 G ou - 6 G, ont conduit les médecins à s'interroger sur l'innocuité de ces équipements. Les autorités américaines envisagent même l'interdiction des manèges développant plus de 4 G d'accélération.
La Commission de sécurité des consommateurs a formulé plusieurs remarques à propos de ce type de manèges.
Une récente étude du docteur Jürgen Kuschyk montre en effet que, sur ces manèges, le coeur atteint en quelques secondes un rythme très élevé, passant de 70 à 153 battements par minute. Le temps d'exposition à ces vitesses, très court, n'aurait aucune conséquence pour les personnes en bonne santé, mais serait potentiellement dangereux pour celles qui sont sujettes à des troubles cardiovasculaires ou neurologiques tels que tension élevée, tachycardie, arythmie, épilepsie...
N'étant pas moi-même médecin, je ne reprendrai pas le plaidoyer médical, car je ne voudrais pas parler de choses que je ne connais pas. Je souhaite néanmoins souligner un certain nombre d'interrogations sur le sujet.
On est en droit de s'inquiéter tout particulièrement des effets des manèges multidirectionnels, car ceux-ci entraînent un phénomène de désorientation spatiale chez les usagers et des contraintes proches de celles que subissent les pilotes de voltige, hautement dangereuses du fait de la brusque alternance des accélérations positives et des accélérations négatives.
Il convient donc, me semble-t-il, que le législateur y porte une attention particulière à l'occasion de l'examen de la présente proposition de loi - c'est la première fois que cet aspect des questions de sécurité est évoqué -, d'autant que celle-ci constitue la suite logique de la convention du 17 août dernier entre le gouvernement, l'AMF et les forains et qu'une disposition semblable figure dans la directive européenne du 17 mai 2006 relative aux machines. Donc, je n'invente rien !
L'article 1er précise que les manèges et les équipements doivent être conçus de façon à assurer la sécurité des personnes. Je suis tout à fait d'accord avec cette mesure, mais encore faut-il que la loi fixe des limites à la recherche permanente du « sensationnel », plus spécialement pour les attractions de quatrième catégorie, c'est-à-dire les plus dangereuses. Tel est le sens de l'amendement n° 3.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Le présent amendement tend à soumettre les machines de levage et de portage de personnes à une obligation de sécurité.
Ce qui est vrai pour l'ensemble des manèges dans cette proposition de loi l'est à plus forte raison pour une catégorie d'entre eux, les manèges dits « extrêmes », qui sont évidemment visés par la directive.
Cet amendement ne fait que répéter l'obligation générale de sécurité des manèges prévue à l'article 1er. L'ensemble des manèges, et pas seulement les plus rapides d'entre eux, devront, en vertu de cette loi, ne pas porter atteinte à la santé des personnes.
Dans ces conditions, mon cher collègue, votre amendement est satisfait et la commission vous demande donc de le retirer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage l'avis de M. le rapporteur. Il considère, en effet, que cet amendement n'apporte pas d'éléments nouveaux au regard des dispositions qui figurent déjà dans le texte et qui visent, d'une part, à assurer la sécurité et, d'autre part, à ne pas porter atteinte à la santé des personnes. Les phénomènes d'accélération et de décélération que vous avez évoqués, monsieur le sénateur, sont bien entendu inclus dans ces notions générales de sécurité et de santé.
Nous craignons que le fait de mettre en exergue ces phénomènes ne se traduise a contrario par la seule prise en compte de ce type de risque. C'est la raison pour laquelle, monsieur le sénateur, le Gouvernement demande le retrait de votre amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Pastor, l'amendement n° 3 est-il maintenu ?
M. Jean-Marc Pastor. Oui, monsieur le président, car je ne suis qu'à moitié convaincu par les explications qui viennent d'être données.
La proposition de loi qui nous est soumise est un texte générique sur la santé des utilisateurs. Une formule 1 ne se conduit pas comme une voiture de tourisme ! Il s'agit de deux véhicules totalement différents et, pourtant, l'un et l'autre sont des voitures. Nous sommes exactement dans le même cas de figure ! La sagesse nous commande de fixer des limites pour les manèges dits « extrêmes », même s'ils ne représentent que 1 ou 2 %.
Lors de l'accident qui a eu lieu au mois d'août, des personnes sont restées pendant près de sept heures à plus de soixante-dix mètres de hauteur ; le département ne disposait d'aucune échelle permettant d'atteindre cette hauteur pour les secourir. Pourtant, c'était un manège comme les autres.
J'estime que les manèges de quatrième catégorie méritent une attention particulière.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Les accélérations supérieures à 6 G peuvent avoir des incidences sur la santé. Les manèges dits « extrêmes » devraient donc relever d'une réglementation spécifique. Lors des entraînements, les pilotes d'avion ou de formule 1 sont soumis à des accélérations très brutales progressivement.
Je ne comprends pas que vous n'ayez pas répondu sur ce point à mon collègue Jean-Marc Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. C'était le bon sens !
M. le président. L'amendement n° 1 rectifié, présenté par M. Pastor et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Tout nouveau manège, machine et installation pour fêtes foraines ou pour parcs d'attraction mis en service en France doit être conforme à la norme NF EN 13814 à compter de la publication de la présente loi.
La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Comme Jean-Marc Pastor l'a précisé lors de la discussion générale, nous vous proposons, par cet amendement, de rendre obligatoire l'application de la norme NF EN 13814 pour tous les nouveaux matériels mis en service. C'est le moins que l'on puisse faire, me semble-t-il, quand il s'agit de la vie de nos concitoyens.
Les normes sont, par nature, des référentiels d'application volontaire. Mais le principe de la référence aux normes homologuées dans les réglementations est chose courante et cette pratique est encouragée depuis l'entrée en vigueur du décret n° 84-74 du 26 janvier 1984.
Il est, certes, très exceptionnel que les normes soient rendues d'application obligatoire. En l'espèce, vous nous proposez, monsieur le rapporteur, de faire de la norme NF EN 13814 une simple référence technique utilisée pour définir les exigences de sécurité auxquelles doivent satisfaire les manèges, les machines et les installations actuellement en service.
Nous vous suggérons d'aller plus loin et de rendre cette norme d'application obligatoire pour tous les manèges qui entreront en service à compter de la promulgation de cette loi. Ainsi, la profession se conformera peu à peu à la norme de sécurité reconnue par toutes les institutions au niveau européen en se fournissant en matériel conforme.
Cette norme européenne spécifie, en effet, les exigences minimales pour assurer que la conception est sûre, ainsi que le calcul, la construction, l'installation, la maintenance, l'exploitation, le contrôle et les essais des machines et des structures mobiles, installées provisoirement ou définitivement, par exemple les manèges, les balançoires, les embarcations, les grandes roues, les montagnes russes, les toboggans, les tribunes, etc.
Bien sûr, nous admettons que la profession aurait très certainement beaucoup de mal à s'adapter rapidement à une obligation totale visant tous les matériels actuellement en service. C'est la raison pour laquelle nous proposons une application graduelle dans le temps qui, sans être incompatible avec le dispositif que vous nous proposez pour le matériel existant, sécurise l'avenir en assurant la traçabilité et la visibilité du référentiel de sécurité à prendre en compte par les professionnels à partir d'aujourd'hui.
S'agissant du matériel existant, nous vous proposerons d'autres amendements pour aller encore plus loin dans la recherche de sécurité.
Pour l'heure, le présent amendement a en outre l'intérêt de rendre cette loi utile. Était-il besoin de passer par le Parlement ? Vous avez décidé de le faire ! Pourtant, l'article 12 du décret n° 84-74 du 26 janvier 1984 permet au ministre chargé de l'industrie de rendre obligatoire par arrêté, avec le contreseing des autres ministres intéressés, une norme française homologuée ou une norme étrangère reconnue équivalente en vertu d'accords internationaux : « Si des raisons d'ordre public, de sécurité publique, de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux [...] rendent une telle mesure nécessaire, l'application d'une norme homologuée, [...] peut être rendue obligatoire par arrêté du ministre chargé de l'industrie et, le cas échéant, des autres ministres intéressés.». Donc, nul besoin de passer par la loi !
Ce décret ainsi que des décrets pris en application de l'article L. 221-1 du code de la consommation auraient pu suffire. D'ailleurs, monsieur le secrétaire d'État, c'est probablement l'option qui prévalait avant que le Gouvernement ne choisisse d'élaborer une loi en réponse à chaque fait divers dramatique survenant dans notre pays.
En tout cas, puisque vous avez choisi la voie législative, notre amendement permet, nous semble-t-il, d'améliorer sensiblement ce texte.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Nous avons bien entendu toutes les remarques qui ont été formulées.
M. Pastor et les membres du groupe socialiste souhaitent inscrire, dès l'article 1er, la référence à la norme EN 13814 qui a été publiée par l'AFNOR. Ceux qui souhaitent consulter cette norme peuvent le faire ; je signale simplement qu'il s'agit d'un document volumineux. Ladite norme spécifie des exigences en matière de conception, de construction, d'installation, de maintenance, d'exploitation des équipements de loisirs, dont les manèges.
J'attire votre attention sur le fait que les dispositions concernées sont de nature réglementaire ; elles n'ont pas leur place dans un texte de loi, d'autant que le projet de décret y fait explicitement référence dans son article 2. Je pense que vous nous apporterez des précisions à cet égard, monsieur le secrétaire d'État.
Cela devrait être de nature à rassurer nos collègues. C'est la raison pour laquelle la commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, le décret d'application va en effet introduire la référence à la norme que vous avez évoquée à plusieurs reprises. Cette référence n'a pas vocation à figurer dans la loi parce qu'il serait restrictif de se fonder sur le seul référentiel de la norme NF ; cela pourrait constituer un obstacle aux échanges.
Par ailleurs, il y a davantage de souplesse dans les modifications apportées aux normes lorsqu'il y est fait référence par décret plutôt que par voie législative.
Nous devons donc nous en tenir au décret.
Par conséquent, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Teston, l'amendement n° 1 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Teston. Le groupe socialiste a pris bonne note de l'engagement pris par M. le secrétaire d'État de faire en sorte que le décret d'application reprenne intégralement les mesures prévues dans notre amendement.
Dans ces conditions, l'amendement est retiré.
M. le président. L'amendement n° 1 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)