M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Même avis !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 3, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le deuxième alinéa de cet article :

« Les autorités responsables du lieu de privation de liberté doivent prendre toutes les mesures pour faciliter la tâche du contrôleur général. »

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Aux termes de la rédaction actuelle du projet de loi, le contrôleur général ne peut donc intervenir que sur le seul territoire de la République. Initialement, il devait, de surcroît, informer les autorités responsables du lieu de privation de liberté avant toute visite. L'impossibilité d'effectuer des visites inopinées a fort heureusement été supprimée : à elle seule, elle rendait inopérante et inutile une institution chargée de contrôler les lieux de privation de liberté et d'y faire respecter les droits de l'homme.

En revanche, l'article 6 prévoit toujours que les autorités responsables peuvent s'opposer à la visite du contrôleur et proposer son report, pour des motifs « graves et impérieux » liés à la défense nationale, à la sécurité publique, à des catastrophes naturelles ou à des troubles sérieux dans le lieu de privation de liberté qui doit être visité.

Certes, ces motifs doivent désormais être non plus seulement graves mais aussi impérieux et, de plus, les autorités responsables doivent fournir au contrôleur général les justifications de leur opposition à sa visite. Néanmoins, ces pseudos garde-fous ne changent pas le fait que les visites du contrôleur général restent soumises au bon vouloir des autorités responsables du lieu qu'il entend visiter. Par définition, l'ordre public et la sécurité publique doivent être assurés dans les établissements pénitentiaires ou les locaux de garde à vue. Si tel n'était pas le cas, le contrôleur aurait d'autant plus intérêt à s'y rendre !

Par ailleurs, de telles restrictions sont contraires au protocole facultatif que la France a signé. Contrairement à ce qui est proposé dans le projet de loi, nous pensons que les autorités responsables doivent faciliter la tâche du contrôleur général. C'est d'ailleurs ce que prévoyait la proposition de loi de 2001.

C'est pourquoi nous proposons, par cet amendement, de réécrire le deuxième alinéa de l'article 6 et de supprimer de facto les restrictions applicables au contrôleur général. Ce dernier doit avoir un droit de visite et donc un droit d'accès permanent à tous les lieux de privation de liberté, faute de quoi son contrôle perdrait en efficacité, bien sûr, mais aussi en crédibilité.

M. le président. L'amendement n° 12, présenté par MM. Badinter, Mermaz, C. Gautier, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :

Dans la première phrase du deuxième alinéa de cet article, après les mots :

« du Contrôleur général des lieux de privation de liberté »

supprimer la fin de l'alinéa

La parole est à M. Louis Mermaz.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement a été largement défendu !

M. Louis Mermaz. Je serai d'autant plus bref pour défendre cet amendement que j'ai déjà présenté nombre d'arguments lors de mon intervention sur l'article 6.

J'aimerais cependant insister sur le fait qu'il ne faut pas appliquer au territoire national des clauses qui concernent des États, donc une situation internationale. Il n'y a pas lieu d'apporter des restrictions sous quelque forme que ce soit, même en recourant au « ne...que » dont j'ai parlé. Le droit de visite doit être absolu, total et doit pouvoir s'exercer jour et nuit si l'on veut que le contrôleur général accomplisse sa mission dans la plénitude de ses prérogatives.

Ne mélangeons pas les genres : les dispositions relatives au sous-comité pour la prévention de la torture sont une chose, les mécanismes nationaux de protection applicables sur le territoire national des divers pays signataires en sont une autre.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je pourrais répéter les propos que j'ai tenus lors de la première lecture, puisque des amendements similaires avaient déjà été déposés.

Pour ce qui concerne l'amendement n° 3, la précision qu'il tend à introduire n'est pas indispensable. En effet, le projet de loi offre les garanties nécessaires pour permettre un contrôle effectif. Pour le reste, les administrations ont tout intérêt à jouer le jeu du contrôle extérieur.

Comme nous avions pu nous en rendre compte lors des auditions organisées avant l'examen du projet de loi en première lecture, auxquelles nombre d'entre vous ont participé, mes chers collègues, ce contrôle répond aussi à une attente forte, en particulier de l'administration et des personnels pénitentiaires. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.

L'amendement n° 12, quant à lui, vise à supprimer toutes les restrictions au pouvoir de visite du contrôleur général, ce qui n'est pas acceptable.

En premier lieu, certains des motifs susceptibles d'être opposés au pouvoir de visite peuvent momentanément être justifiés. En second lieu, ces restrictions ne peuvent conduire qu'au report de la visite. L'Assemblée nationale a d'ailleurs prévu que les autorités responsables du lieu de privation de liberté devaient informer le contrôleur général dès que les raisons avancées à l'appui d'un refus de visite avaient cessé. La rédaction issue de la première lecture est donc équilibrée. C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. L'amendement n° 3 tend à préciser que les administrations doivent faciliter l'accès au contrôleur général. Or les visites de ce dernier sont possibles à tout moment. De fait, les administrations permettront la visite du contrôleur. Si elles émettent une opposition, elles doivent invoquer un motif grave et impérieux et, par conséquent, se justifier. L'article 6 répond tout à fait aux préoccupations des auteurs de l'amendement n° 3. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

L'amendement n° 12 vise, quant à lui, à supprimer la possibilité pour l'administration de demander le report d'une visite en cas de circonstances exceptionnelles. Mesdames, messieurs les sénateurs, face à des mutineries ou à des catastrophes naturelles - un tremblement de terre ou des inondations, comme dernièrement à Arles -, les personnels pénitentiaires ne peuvent que s'opposer à la visite du contrôleur général pour des raisons de sécurité, non seulement la sécurité du contrôleur général, mais aussi et surtout la sécurité des personnes détenues.

Il a été de surcroît précisé qu'en cas de report les administrations doivent justifier leur opposition. Libre au contrôleur d'apprécier les motifs de cette opposition. À partir du moment où les circonstances exceptionnelles ayant justifié le report ont cessé, les administrations sont censées proposer au contrôleur général un nouveau rendez-vous.

Par ailleurs - vous l'avez fort justement rappelé, monsieur le rapporteur -, l'administration pénitentiaire est très demandeuse s'agissant de l'institution du contrôleur indépendant. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur l'amendement n° 3.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les explications fournies tant par la commission que par le Gouvernement sont tout à fait significatives : on invoque l'administration pénitentiaire. Or, ici, sont concernés l'ensemble des lieux de privation de liberté.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est également significatif que Mme le garde des sceaux évoque des inondations, des catastrophes naturelles, des émeutes : nous ne pouvons qu'être d'accord avec un report de la visite du contrôleur dans de telles circonstances. Mais la restriction prévue est beaucoup plus large, et, compte tenu de la diversité des lieux de privation de liberté, il me semble impossible de s'en remettre à la bonne volonté de l'administration, en l'occurrence de l'administration pénitentiaire.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce n'est pas de la bonne volonté !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pour m'être, à titre personnel, beaucoup intéressée aux différentes formes de privation de liberté, notamment aux gardes à vue, je crois qu'il serait bon de restreindre les possibilités d'opposition des administrations concernées et de ne pas employer de termes aussi vagues que ceux de « sécurité publique ».

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 13, présenté par MM. Badinter, Mermaz, C. Gautier, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :

Compléter la seconde phrase du troisième alinéa de cet article par les mots :

«, éventuellement à sa demande »

La parole est à M. Robert Badinter.

M. Robert Badinter. Cet amendement tend à introduire une simple précision, afin d'aligner le texte de l'article 6 sur les dispositions qu'avait très judicieusement prévues la commission Canivet, à savoir la demande de la personne. Il convient de préciser que cette dernière peut être entendue quand elle le désire par le contrôleur général.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pour le moins, cette précision ne me paraît pas indispensable.

Monsieur Badinter, point n'est besoin de mettre trop d'adverbes dans les textes législatifs ! Il va de soi que le contrôleur général peut s'entretenir avec une personne privée de liberté sur sa propre initiative ou à la demande de ladite personne. Une formule générale suffit.

Les mots « éventuellement à sa demande » que vous proposez d'introduire pourraient susciter des interrogations. La rédaction actuelle est claire pour tout le monde. Par conséquent je vous demande de bien vouloir retirer l'amendement n° 13, faute de quoi la commission émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Même avis !

M. Robert Badinter. Je maintiens l'amendement !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 4, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen est ainsi libellé :

Remplacer l'avant-dernier alinéa de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

« Le caractère secret des informations et pièces dont le contrôleur général demande communication ne peut lui être opposé, sauf si leur divulgation est susceptible de porter atteinte au secret médical.

« Néanmoins, le contrôleur général peut avoir accès au dossier médical avec l'accord de la personne intéressée. »

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Il s'agit, une nouvelle fois, de la reprise d'un amendement que nous avions déposé lors de la première lecture. Selon nous, le quatrième alinéa de l'article 6, par les nouvelles exceptions qu'il introduit, entrave manifestement l'action du contrôleur. Avec de telles exceptions, l'administration dispose de tous les moyens pour empêcher le contrôle.

En réalité, le seul problème concerne le secret médical. C'est, à nos yeux, la seule restriction qui pourrait être opposée au contrôleur général, mais à condition qu'elle ne soit pas systématique. En effet, il nous paraît nécessaire que le secret médical puisse être levé avec le consentement de la personne intéressée. Les établissements hospitaliers entreront dans le champ de compétences du contrôleur général. Il ne faut pas que ces établissements puissent invoquer le secret médical pour s'opposer au contrôle. De même, l'accès au dossier médical s'avère nécessaire dans les cas de violences et de maltraitances commises à l'encontre d'un détenu, par exemple.

Par conséquent, nous vous proposons que seul le secret médical puisse être opposable au contrôleur, tout en pouvant être levé avec l'accord de l'intéressé.

Je vous rappelle simplement que la proposition de loi de 2001 n'envisageait de pouvoir opposer au contrôleur des prisons que le seul secret médical. N'adoptons pas aujourd'hui une disposition qui serait en retrait par rapport non seulement à un texte voté par notre assemblée, mais aussi au protocole facultatif. En effet, ce dernier prévoit que l'accès à tous les renseignements relatifs au traitement des personnes privées de liberté et à leurs conditions de détention doit être garanti.

M. le président. L'amendement n° 14, présenté par MM. Badinter, Mermaz, C. Gautier, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :

Dans le quatrième alinéa de cet article, après les mots :

« ne peut lui être opposé »

supprimer la fin de l'alinéa

La parole est à M. Louis Mermaz.

M. Louis Mermaz. Comme je vous l'ai indiqué précédemment, nous pensons que, en vertu de l'article 20 du protocole facultatif, on doit pouvoir avoir accès, sur le territoire d'un État, à tous les renseignements relatifs au traitement des personnes privées de liberté et à leurs conditions de détention. Tous les cas de restriction pouvant gêner l'action du contrôleur général sont dangereux pour l'exercice de sa mission.

Objectivement, le secret professionnel ne peut pas être opposé au contrôleur général quand la personne qui s'estime victime demande elle-même à ce qu'il soit levé. Évidemment, si elle souffre d'une maladie longue - chacun d'entre vous, mes chers collègues, comprend le cas de figure auquel je fais allusion -, elle peut invoquer le secret médical. Mais il est bien d'autres hypothèses : si, par exemple, une personne veut faire constater des violences dont elle aurait été victime pendant sa détention, il est nécessaire, à sa demande, que puisse être levé le secret médical afin d'apprécier la véracité de ses dires.

D'une façon générale, nous estimons que l'ensemble des motifs qui pourraient être invoqués sont contraires aux stipulations du protocole facultatif concernant la situation à l'intérieur de chacun des États.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ces deux amendements ont pour objet de supprimer toutes les restrictions à l'information du contrôleur général, à l'exception du secret médical, qui ne pourrait être levé qu'avec l'accord de l'intéressé.

Nous avons déjà eu ce débat en première lecture. S'il est victime de violences, l'intéressé demandera sans doute que le secret médical ne s'applique pas. En revanche, certaines restrictions paraissent justifiées : je pense au secret de l'instruction ou au secret professionnel applicable aux relations entre un avocat et son client.

Le secret médical est, il est vrai, un problème très complexe sur lequel nous nous sommes longuement interrogés et que nous avons soulevé à diverses occasions.

Mes chers collègues, la levée du secret médical mettant en jeu la protection des personnes, il importe d'intervenir avec prudence.

Il faudra juger à l'expérience si les dispositions prévues restreignent de manière excessive la portée du contrôle et, le cas échéant, envisager leur adaptation. Pour l'heure, la commission n'est pas favorable aux amendements nos 4 et 14.

D'ailleurs, dans la proposition de loi que nous avions votée, le secret médical était maintenu pour les mêmes raisons, comme l'a rappelé M. Mermaz. Mais ce secret peut bien évidemment être levé par la personne qui aurait été victime de violences dans un lieu privatif de liberté et qui voudrait s'appuyer sur son dossier médical, par exemple, pour dénoncer ces faits.

En revanche, dans les autres hypothèses, nous sommes tenus au respect de la vie privée et nous devons être extrêmement vigilants s'agissant de la levée du secret médical. Nous avions récemment évoqué cette question, madame le garde des sceaux, à l'occasion de l'examen d'un texte sur les violences conjugales, et nous avions permis au médecin de lever le secret médical, mais dans un cadre extrêmement strict.

De telles informations ne doivent pas être divulguées à la légère, et la question demande une large concertation préalable.

La commission est donc défavorable aux deux amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Déjà en première lecture certains sénateurs avaient souhaité que le secret médical puisse être levé à l'égard du contrôleur, et il leur avait été indiqué à cette occasion que c'était impossible, pour une raison simple : si l'on exige d'une personne privée de liberté de remettre son dossier médical, on porte atteinte à sa vie privée.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Eh oui !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Mais rien n'interdit à la personne concernée de donner son dossier médical, puisqu'elle y a accès. Elle peut tout à fait transmettre au contrôleur, si elle l'estime nécessaire, des données médicales à l'appui des faits qu'elle dénonce : il peut s'agir de violences dont elle a été victime ou du refus de soigner telle ou telle pathologie.

Je précise que si les autres formes de secret n'avaient pas été évoquées lors de l'examen de la proposition de loi, c'est en réalité parce que ce texte-là ne concernait que les prisons.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tout à fait !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Ce n'était donc pas le lieu d'invoquer le secret lié à la défense nationale ou à la sûreté de l'État. Il en va différemment ici, où tous les lieux de privation de liberté sont concernés. Le contrôleur général ne pourrait pas avoir accès à des documents couverts par le secret défense ou relevant de la sûreté de l'État.

Pour ce qui est du secret professionnel applicable aux relations entre un avocat et son client, vous serez nombreux à en convenir, mesdames, messieurs les sénateurs, il ne devrait pas pouvoir être levé sans l'accord des intéressés. On songe ici à la correspondance qu'un avocat et son client échangent, sous le sceau de la confidentialité.

Il en est de même du secret de l'enquête et du secret de l'instruction. Lors du contrôle d'un local de garde à vue, les procès-verbaux d'audition ne peuvent pas être communiqués au contrôleur général. D'abord, il existe une présomption d'innocence à préserver. Ensuite, d'autres parties peuvent être mises en cause dans ces procès-verbaux, que le contrôleur général n'a aucun intérêt à connaître. Enfin, le secret de l'instruction est opposable au contrôleur général, qui n'a pas accès au dossier.

Je rappelle d'ailleurs que les parties ne sont pas soumises au secret de l'instruction. Si elles souhaitent transmettre des éléments sur l'enquête, le contexte de la garde à vue ou de la rétention, voire de la détention, elles peuvent le faire. Elles ont également la possibilité de dévoiler des informations ou des procès-verbaux les concernant.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 4 et 14.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 6.

(L'article 6 est adopté.)

Article 6
Dossier législatif : projet de loi instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté
Article 8

Article 7

À l'issue de chaque visite, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté fait connaître aux ministres intéressés ses observations concernant en particulier l'état, l'organisation ou le fonctionnement du lieu visité ainsi que la condition des personnes privées de liberté. Les ministres formulent des observations en réponse chaque fois qu'ils le jugent utile ou lorsque le Contrôleur général des lieux de privation de liberté l'a expressément demandé. Ces observations en réponse sont alors annexées au rapport de visite établi par le contrôleur général.

S'il constate une violation grave des droits fondamentaux d'une personne privée de liberté, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté communique sans délai aux autorités compétentes ses observations, leur impartit un délai pour y répondre et, à l'issue de ce délai, constate s'il a été mis fin à la violation signalée. S'il l'estime nécessaire, il rend alors immédiatement public le contenu de ses observations et des réponses reçues.

Si le contrôleur général a connaissance de faits laissant présumer l'existence d'une infraction pénale, il les porte sans délai à la connaissance du procureur de la République, conformément à l'article 40 du code de procédure pénale.

Le contrôleur général porte sans délai à la connaissance des autorités ou des personnes investies du pouvoir disciplinaire les faits de nature à entraîner des poursuites disciplinaires.

M. le président. L'amendement n° 5, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le premier alinéa de cet article :

À l'issue de chaque visite, le contrôleur général fait connaître aux ministres intéressés et à l'administration concernée ses observations, notamment celles que cette visite peut appeler le cas échéant sur l'état, l'organisation ou le fonctionnement du lieu visité. Il peut formuler des recommandations afin d'améliorer le traitement des personnes privées de liberté. Le ministre et l'administration compétente sont tenus, dans un délai fixé par le contrôleur général, de rendre compte à celui-ci de la suite donnée à ces observations et ces recommandations. Ces réponses sont annexées au rapport de visite, qui est ensuite rendu public.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame le garde des sceaux, la rédaction de l'article 7, malgré les modifications apportées par l'Assemblée nationale, ne nous satisfait pas pleinement.

L'administration concernée n'est toujours pas destinataire des observations du contrôleur, alors qu'elle est la première visée, avant même le ministre, me semble-t-il. Nous demandons donc qu'elle reçoive ces informations au même titre que le ministre concerné. Ce serait un gage d'efficacité.

Par ailleurs, la formulation retenue pour préciser le champ des observations nous semble maladroite. Ces observations peuvent porter notamment sur « l'état, l'organisation ou le fonctionnement du lieu visité » et, enfin, sur « la condition des personnes privées de liberté ». Comprenne qui pourra ! Que faut-il entendre par « condition des personnes privées de liberté » ? S'agit-il des conditions de vie, des conditions de prise en charge ?

À cette formulation, nous préférons celle du protocole facultatif, qui, dans son article 19, prévoit que les mécanismes nationaux peuvent formuler des recommandations à l'intention des autorités compétentes afin d'améliorer le traitement et la situation des personnes privées de liberté.

Enfin, si le ministre et l'administration concernée doivent être destinataires des observations et des recommandations du contrôleur, il est nécessaire que ces autorités aient l'obligation d'y répondre dans un délai fixé par le contrôleur. Sinon, le dispositif de l'article 7 et, plus généralement, le contrôle perdent de leur efficacité.

Dans le même esprit, et pour accroître l'efficacité de l'action du contrôleur, nous proposons que ces réponses soient annexées au rapport de visite, rapport qui doit absolument être rendu public.

Le contrôleur général, dans la situation actuelle de surpopulation carcérale et d'ignorance du grand public sur ce qui se passe dans les centres de rétention, les zones d'attente et les locaux de garde à vue, ne doit pas se borner à un rôle d'information. Son action doit être systématiquement rendue publique. C'est d'ailleurs tout l'intérêt d'instituer un contrôleur général des lieux de privation de liberté.

L'opacité sur les conditions de détention ne doit plus être la règle. À cette fin, il nous semble important que le Sénat modifie le premier alinéa de l'article 7 et retienne la rédaction que nous lui proposons.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Lors de la première lecture, le Sénat avait adopté un amendement de Mme Boumediene-Thiery pour que le contrôle porte non seulement sur le lieu d'enfermement, mais aussi sur la condition des personnes privées de liberté.

À ce premier progrès, l'Assemblée nationale a ajouté la faculté pour le contrôleur général, dans les situations les plus graves, de fixer un délai à l'administration pour répondre à ses observations.

Le texte me paraît donc aujourd'hui satisfaire pour une très large part les préoccupations des auteurs de l'amendement. Je pense que nous pouvons en rester là.

La commission est donc défavorable à l'amendement n° 5.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Même avis !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 7.

(L'article 7 est adopté.)

Article 7
Dossier législatif : projet de loi instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté
Article 11 bis

Article 8

Dans son domaine de compétences, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté émet des avis, formule des recommandations aux autorités publiques et propose au Gouvernement toute modification des dispositions législatives et réglementaires applicables.

Après en avoir informé les autorités responsables, il peut rendre publics ces avis, recommandations ou propositions, ainsi que les observations de ces autorités.

M. le président. L'amendement n° 16, présenté par MM. Badinter, Mermaz, C. Gautier, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :

Compléter le premier alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :

En cas d'atteinte flagrante et grave aux droits fondamentaux des personnes privées de liberté, le contrôleur général des lieux privatifs de liberté a le pouvoir d'enjoindre aux autorités responsables, de prendre toute mesure qui lui paraît nécessaire au respect de ces droits.

La parole est à M. Robert Badinter.

M. Robert Badinter. Il s'agit du pouvoir d'injonction donné au contrôleur, disposition importante déjà présentée au cours de la première lecture.

L'amendement prévoit qu'il doit s'agir exclusivement d'une « atteinte flagrante et grave aux droits fondamentaux des personnes privées de liberté ».

Imaginons qu'au cours d'une visite, par exemple, un local disciplinaire ne présente pas les conditions qui sont requises pour la sauvegarde de la dignité humaine. Cela arrive malheureusement encore dans certains lieux, nous le savons. Dans ce cas, et si l'atteinte est grave et évidente, le contrôleur doit avoir le pouvoir d'injonction. Il ne peut pas se contenter de signaler cette situation ; c'est une autorité administrative indépendante ; il faut lui donner les moyens de sa mission.

Cela ne figure pas, je le sais, dans le texte du protocole facultatif, mais ce n'est pas une raison pour que nous n'allions pas au-delà. Il faut permettre au contrôleur d'agir et d'enjoindre.

M. Gélard oppose à cela une théorie selon laquelle ce ne serait pas possible. J'ai eu le soin, à cette occasion, de vérifier la série des décisions rendues par le Conseil constitutionnel sur les pouvoirs donnés aux autorités administratives indépendantes : cela va très au-delà de ce qui est demandé ici.

Je ne vois d'ailleurs pas de raisons pour lesquelles le Parlement ne pourrait pas accorder ce pouvoir d'injonction, qui ne rentre pas dans le cadre des restrictions constitutionnelles. Ce n'est pas une question de droit administratif ; c'est une question de pouvoir législatif par rapport au respect de l'équilibre constitutionnel. Cet équilibre n'est pas menacé ici.

Ce pouvoir d'injonction renforcerait à mon sens singulièrement la stature que nous entendons donner à ce contrôleur général des lieux de privation de liberté.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous avions déjà longuement débattu en première lecture de ce pouvoir d'injonction. Je n'entrerai pas dans votre débat de nature constitutionnelle avec M. Gélard, mon cher collègue.

Je note simplement que l'Assemblée nationale a renforcé les prérogatives du contrôleur général en permettant à celui-ci, lorsqu'il y a urgence, de fixer aux autorités concernées un délai pour apporter une réponse, ses observations et les réponses afférentes pouvant être rendues publiques. C'est un progrès qui va dans le sens de ce que nous avions nous-même prévu.

Le pouvoir d'injonction, de mon point de vue, n'est pas nécessairement synonyme d'efficacité, et l'expérience de l'inspecteur en chef des prisons d'Angleterre et du pays de Galles montre que, lorsque le dialogue accompagne la démarche d'investigation, l'autorité peut obtenir de réels résultats.

Le tout est de savoir quelle conception on a de ce contrôle : doit-il s'apparenter à un contrôle policier ou bien, au contraire, reposer sur un dialogue permanent permettant un aménagement de la situation ? Cette seconde solution a été retenue outre-Manche et donne de très bons résultats ; elle n'est pas éloignée de la nôtre.

C'est la raison pour laquelle, comme en première lecture, je persiste à émettre un avis défavorable sur ce pouvoir d'injonction.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je souscris totalement aux observations de M. le rapporteur. Aucune autorité indépendante ne dispose du pouvoir d'injonction, qui est dévolu au juge. En décidant autrement, on empiéterait sur les missions du juge. Le Médiateur a, certes, un pouvoir d'injonction, mais pour faire exécuter une décision de justice non exécutée. Tel n'est pas le cas ici.

Pour plus d'efficacité, il faut aussi qu'il y ait une relation de confiance entre le contrôleur et les administrations qu'il contrôle. Il est important d'éviter les rapports conflictuels ou les éventuels blocages entre une autorité et une administration contrôlée. Comme l'a dit M. le rapporteur, l'exemple britannique le démontre : lorsque l'inspecteur en chef des prisons formule des recommandations, elles sont pour 75 % d'entre elles suivies d'effets, sans qu'il y ait injonction et sans qu'il y ait blocage. Il est plus intéressant d'entretenir des relations continues et de confiance et de formuler des recommandations qui sont suivies d'effets plutôt que de disposer d'un pouvoir d'injonction, qui n'est à ce jour dévolu à aucune autorité indépendante.

En cas d'urgence, le contrôleur général peut toujours saisir le procureur de la République sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale en cas de violations graves ou d'infractions détectées lors de ses missions.

L'Assemblée nationale a adopté un amendement très important qui instaure une procédure d'urgence. Le contrôleur général peut désormais, lorsqu'il constate une violation grave des droits fondamentaux, communiquer sans délai ses observations à l'administration en lui fixant un délai de réponse.

Il s'agit d'une avancée réelle, qui ressemble à une injonction, mais qui n'empiète pas sur les pouvoirs du juge.

L'amendement no 16 étant donc satisfait, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 15, présenté par MM. Badinter, Mermaz, C. Gautier, Sueur et Yung, Mme Boumediene -Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le second alinéa de cet article :

Il peut rendre publics ces avis, recommandations, injonctions ou propositions, ainsi que les observations de ces autorités.

La parole est à M. Robert Badinter.

M. Robert Badinter. Obliger le contrôleur à informer préalablement les autorités responsables, c'est aller un peu loin. À vrai dire, cette obligation n'a pas de raison d'être.

Le contrôleur est une autorité administrative indépendante. Il lui suffit de pouvoir rendre publics, s'il l'estime nécessaire, les avis, recommandations ou propositions, ainsi que les observations des autorités responsables. Il ne doit pas être tenu de les informer au préalable même si, dans le souci de coopération qui a été évoqué, il semble bien évident qu'il le fera. En faire une condition préalable, encore une fois, c'est aller trop loin.

M. le président. L'amendement n° 6, présenté par Mmes Borvo Cohen -Seat, Assassi, Mathon -Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa de cet article, remplacer les mots :

peut rendre

par le mot :

rend

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement s'inscrit dans la logique de celui que nous avons présenté à l'article 7.

Il prévoit que les avis, recommandations ou propositions du contrôleur sont systématiquement rendus publics. Il doit s'agir non pas d'une faculté laissée à l'appréciation du contrôleur, mais bien d'une obligation.

Le dépôt de cet amendement est motivé par un souci de transparence concernant l'état et le fonctionnement des lieux de privation de liberté. Les conditions de vie des personnes privées de liberté intéressent certes les autorités responsables de ces lieux, mais également l'opinion publique.

Une telle obligation de publication est d'ailleurs prévue par les règles pénitentiaires européennes. Ainsi, la règle 93.1 dispose que : « Les conditions de détention et la manière dont les détenus sont traités doivent être contrôlées par un ou des organes indépendants, dont les conclusions doivent être rendues publiques. »

La France est souvent, et à juste titre, critiquée s'agissant de l'état de ses prisons. Il serait pour le moins utile que l'opinion publique ait connaissance des faiblesses de notre pays dans ce domaine, mais aussi des moyens préconisés pour y remédier et des améliorations susceptibles d'être apportées.