Sommaire

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

1. Procès-verbal

2. Décès d'un ancien sénateur

3. Nomination de membres d'une commission mixte paritaire

4. Mise au point au sujet d'un vote

MM. Bernard Murat, le président.

5. Politique numérique. - Discussion d'une question orale avec débat

MM. Bruno Retailleau, auteur de la question ; Serge Lagauche, Jacques Valade, Jack Ralite, Pierre Hérisson.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur.

Clôture du débat.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

6. Rappel au règlement

MM. Thierry Foucaud, le président, Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Nicole Bricq.

7. Droit communautaire dans les domaines économique et financier. - Adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence

Discussion générale : Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi ; M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Pierre Fourcade, Thierry Foucaud.

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

Amendement n° 1 de la commission. - M. le rapporteur général, Mme le ministre. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 2

Amendements identiques nos 9 de M. Thierry Foucaud et 12 de Mme Nicole Bricq ; amendement n° 2 de la commission. - M. Thierry Foucaud, Mme Nicole Bricq, M. le rapporteur général, Mme la ministre. - Rejet des amendements nos 9 et 12 ; adoption de l'amendement no 2.

Adoption de l'article modifié.

Articles 3 et 4. - Adoption

Article 5

Amendements identiques nos 3 de la commission et 10 de M. Thierry Foucaud. - MM. le rapporteur général, Thierry Foucaud, Mme la ministre, M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.

Suspension et reprise de la séance

Amendement no 3 rectifié de la commission. - M. le rapporteur général, Mme le ministre. - Rejet de l'amendement no 10 ; adoption de l'amendement no 3 rectifié.

Adoption de l'article modifié.

Article 6

M. Thierry Foucaud.

Adoption de l'article.

Article 7

M. le rapporteur général.

Amendements nos 11 de M. Thierry Foucaud, 4 et 5 de la commission. - MM. Thierry Foucaud, le rapporteur général, Mme la ministre. - Rejet de l'amendement no 11 ; adoption de l'amendement no 4 ; Retrait de l'amendement no 5.

Adoption de l'article modifié.

Article 8

M. le rapporteur général.

Adoption de l'article.

Article additionnel après l'article 8

Amendement n° 6 de la commission. - M. le rapporteur général, Mme la ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 9. - Adoption

Article 10

Amendement n° 13 du Gouvernement. - Mme la ministre, M. le rapporteur général. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 11

Amendement n° 7 de la commission. - M. le rapporteur général, Mme la ministre. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Adoption de l'ensemble du projet de loi.

8. Mise au point au sujet d'un vote

MM. Jean-Pierre Fourcade, le président.

9. Dépôt d'un projet de loi

10. Transmission d'un projet de loi

11. Texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

12. Dépôt d'un rapport d'information

13. Ordre du jour

compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Décès d'un ancien sénateur

M. le président. Mes chers collègues, j'ai le regret de vous part du décès de notre ancien collègue Robert Piat, qui fut sénateur de Seine-et-Marne de 1992 à 1995.

3

Nomination de membres d'une commission mixte paritaire

M. le président. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile.

La liste des candidats établie par la commission des lois a été affichée conformément à l'article 12 du règlement.

Je n'ai reçu aucune opposition.

En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :

Titulaires : MM. Jean-Jacques Hyest, François-Noël Buffet, Patrice Gélard, Jean-Patrick Courtois, Pierre Fauchon, Pierre-Yves Collombat et Mme Eliane Assassi.

Suppléants : M. Laurent Béteille, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Jean-René Lecerf, Georges Othily, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Troendle et M. François Zocchetto.

4

Mise au point au sujet d'un vote

M. le président. La parole est à M. Bernard Murat.

M. Bernard Murat. Monsieur le président, les résultats du scrutin n° 11, portant sur l'ensemble du projet de loi autorisant la ratification de l'accord sur l'application de l'article 65 de la convention sur la délivrance de brevets européens, indiquent que j'ai voté pour, alors que je souhaitais voter contre.

M. le président. Je vous donne acte de cette mise au point, mon cher collègue.

5

Politique numérique

Discussion d'un question orale avec débat

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 2 de M. Bruno Retailleau à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi sur la politique numérique.

Cette question est ainsi libellée :

M. Bruno Retailleau interroge Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi sur les suites que le Gouvernement entend donner aux propositions du rapport d'information de la commission des affaires économiques du Sénat sur la régulation du numérique, dix ans après la création de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l'ARCEP.

La commission constate, au terme de ses travaux, que la France n'apparaît pas aujourd'hui en mesure de tirer pleinement profit du potentiel considérable que représente la révolution numérique, parce qu'elle ne s'est toujours pas donné les moyens d'un pilotage efficace. L'éclatement des actions gouvernementales entre de trop nombreux ministères, autorités et comités nuit gravement à la prise de décision et à l'efficacité de l'action publique, alors que d'importants arbitrages politiques sont à venir, sur les plans à la fois international, européen et national, s'agissant de la gestion du spectre hertzien et de l'optimisation du dividende numérique - fréquences libérées par le passage du mode analogique au mode numérique pour la diffusion hertzienne de la télévision -de la convergence entre contenus et réseaux.

C'est pourquoi il souhaite savoir si le Gouvernement compte doter la France d'un pilotage politique fort qui ait une vision globale des enjeux et une autorité suffisante pour donner le cap, en ce domaine stratégique qu'est le numérique, par exemple en créant un Commissariat au numérique, pôle d'expertise et d'initiative, rattaché au Premier ministre et ayant l'autorité sur plusieurs services ministériels pour créer entre eux une synergie dynamique et sortir des logiques ministérielles antagonistes.

La parole est à M. Bruno Retailleau, auteur de la question.

M. Bruno Retailleau. Monsieur le secrétaire d'État, notre société est entrée de plain-pied dans l'ère du numérique, qui connaît un perpétuel renouvellement.

Demain, la trajectoire économique et sociale de la France dépendra dans une large mesure des profits que nous tirerons de ces bouleversements. Encore nous faut-il adapter, voire changer, notre modèle de gouvernance sur ces questions très importantes.

La révolution numérique, qualifiée voilà quelque temps par MM. Nicolas Curien et Pierre-Alain Muet de « troisième révolution industrielle », n'est pas seulement une addition d'innovations si importantes soient-elles. C'est avant tout une rupture technologique majeure qui modifie non seulement nos façons de faire, mais aussi nos façons de vivre, de travailler, de nous divertir. Elle influence tous les pans de l'activité humaine ; je pense, par exemple, à la télémédecine dans le secteur de la santé, mais bien d'autres secteurs sont concernés.

Le secteur économique en subit les effets au premier chef, et cela pour deux raisons. D'une part, la révolution numérique est un acteur clef de la mondialisation. Dans quelques années, on comptera un milliard et demi d'internautes, ce qui est considérable. D'autre part, elle constitue un facteur déterminant de notre efficacité, tant individuelle que collective, puisque les différentes mesures économétriques montrent que les nouvelles technologies de la communication et de l'information stimuleraient la croissance de 0,40 point de croissance par an et expliqueraient 60 % des gains de productivité, ce qui est, là aussi, très important !

Où en est la France dans cette révolution numérique ? Notre pays a pris le train du développement numérique et l'on peut se satisfaire, à juste titre, d'un certain nombre d'avancées réalisées. Je pense aux offres simples, doubles et même au « triple play » - téléphonie fixe, Internet haut débit et télévision - probablement l'une des meilleures offres en Europe !

En revanche, nous ne pouvons nous satisfaire de nos acquis, car aucune situation n'est définitive, et encore moins s'agissant de la révolution numérique, qui est une révolution permanente !

Aujourd'hui apparaissent de nouveaux usages, de nouveaux services que vous connaissez et dont les contenus sont de plus en plus partagés entre les internautes. L'interactivité est omniprésente et, sur le plan audiovisuel, on parle de plus en plus du phénomène de « délinéarisation ». Cela signifie que l'internaute prend le contrôle de la programmation, allant même jusqu'à créer son propre contenu ! On passe donc d'un univers déterminé par des mass media à un univers construit autour du self media. L'infrastructure de ces nouveaux services, existe déjà : c'est le « Web 2.0 ».

Il faut toutefois en être bien conscient, cette révolution numérique qui se poursuit appelle de nouveaux défis.

Le premier concerne le haut débit et même le très haut débit. Les échanges, en particulier d'images, toujours plus nombreux, nécessitent, tant pour les nouvelles applications que pour les nouveaux usages des utilisateurs, des besoins en bande passante toujours plus importants. Nos réseaux doivent supporter cette explosion du trafic. La société Ericsson a calculé que, pour l'Europe de l'Ouest, et donc pas seulement pour la France, le trafic mobile total pourrait, d'ici à 2012, être multiplié par sept, ce qui risque de poser des problèmes de goulet d'étranglement.

J'y vois deux significations fondamentales. Demain, le très haut débit sera l'infrastructure de base de la société de l'information. Dès aujourd'hui, il doit être conçu comme une sorte de service universel accessible à tous et concerner les réseaux aussi bien fixes que mobiles.

Le deuxième défi concerne la mobilité. Demain la société de l'information sera davantage encore la société de l'ubiquité. L'individu aura besoin d'une connectivité permanente et voudra retrouver partout son univers, avec son nuage d'applications. Nous entrons dans l'ère du « ce que je veux, quand je veux et où je veux » ! Une telle mobilité a une double dimension, à la fois spatiale, pour permettre une connexion partout, et temporelle, pour permettre une connexion tout le temps.

Le troisième défi est la résultante des deux premiers : c'est la convergence. L'internaute ou l'individu, pour être connecté en permanence, devra passer indistinctement d'un réseau à un autre. À son domicile, il sera connecté grâce aux réseaux filaires ; dans la rue, il le sera grâce aux transmissions par radiofréquences. La convergence doit, bien sûr, se décliner aussi bien pour les terminaux que pour les industries et les services.

Telles sont, monsieur le secrétaire d'État, les grandes évolutions. Dans mon rapport, je mentionne les succès de la France à l'aide de chiffres très précis, que, faute de temps, je n'ai pas cités.

Il convient maintenant de savoir si, surtout pour l'avenir, la France est en mesure de faire face à tous ces défis et à toutes ces évolutions.

Nous sommes, je crois, vulnérables sur deux points : notre organisation territoriale, d'une part, et notre organisation politique, d'autre part.

Sur le premier point, la spécificité de la France, par rapport à de nombreux autres pays d'Europe, est une ruralité encore importante. Dans votre département, vous en savez quelque chose, monsieur le secrétaire d'État ! (M. Hervé Novelli, secrétaire d'État, acquiesce.) Dans notre pays, 31 % de la population française vivent en milieu rural, contre 4 % au Royaume-Uni, 10 % en Italie et 20 % en Allemagne. Cette spécificité n'est pas près de disparaître, car, tous les urbanistes et les démographes vous le diront - consultez les dernières enquêtes de l'INSEE -, on constate un exode non pas rural mais plutôt urbain. Ce sont les villes qui se dépeuplent au profit des campagnes.

Il faut d'autant plus en tenir compte que le risque majeur est celui d'une vraie fracture numérique, d'une béance numérique et donc d'une France à deux vitesses, avec un « Internet des champs » face à un « Internet des villes » doté de connexions rapides, peu chères, confortables.

Permettez-moi d'attirer votre attention sur la répartition actuelle. Pour 60 % d'entre eux, les Français n'ont pas accès à un débit supérieur à 512 kilobits, ce qui est un « petit haut débit » ! Sur 70 % du territoire, la téléphonie mobile de troisième génération, ou 3G, ne passe pas. Enfin, l'Association de formation et d'information pour le développement d'initiatives rurales, l'AFIP, prévoit que, d'ici à 2012, seuls 40 % de la population pourraient être connectés à la fibre optique. Et encore, il semble que ce chiffre soit surestimé. Cela montre bien que, malgré les énormes efforts accomplis par les gouvernements, les précédents comme celui d'aujourd'hui, pour résorber les zones blanches, la fracture numérique reste un horizon fuyant. C'est notre première fragilité.

Le second point sur lequel nous sommes vulnérables concerne notre organisation politique et son pilotage. La vraie question est la suivante : sommes-nous en mesure de porter pour le XXIe siècle cette grande ambition d'une France du numérique face à des grands pays concurrents, qui, eux, s'organisent sans complexe, comme la Corée du Sud et du Japon en Asie, de la Suède en Europe, et du Canada et des États-Unis sur le continent américain ? Je ne le crois pas.

Face à ce mouvement de convergence, face à cet enjeu à la fois stratégique et transversal du numérique, la France se caractérise par un modèle « gaulois » de morcellement de son action publique. Chaque ministère a ses conseillers, ses propres cellules, ses services administratifs. Partout, il existe des comités Théodule, j'en ai compté plusieurs dizaines. Certains ne se réunissent même plus ; d'autres continuent de le faire, on se demande d'ailleurs pourquoi ! Tout cela crée une grande confusion. Quoi qu'il en soit, comme beaucoup l'ont remarqué, cette dispersion ne permet pas d'identifier un véritable pilotage politique.

À cet égard, je me permets, monsieur le secrétaire d'État, de citer les propos très importants que Nicolas Sarkozy a tenus voilà quelques mois dans le Journal du Net.

« La France aujourd'hui n'est pas en état de conduire une politique cohérente de développement numérique. Trop de structures et guichets se sont développés ; personne n'incarne la volonté politique. »

Il faut donc que cette volonté politique soit incarnée en France.

M. Jacques Valade. Par M. Retailleau, par exemple ! (Sourires.)

M. Bruno Retailleau. Notre vulnérabilité est d'autant plus inquiétante que la France enregistre un retard. Notre investissement dans les nouvelles technologies est moitié moindre de celui que les États-Unis consentent. Voilà quelque temps, un rapport rendu par le Conseil d'analyse économique estimait que ce retard coûtait 0,7 point de croissance, ce qui est énorme, et un manque à gagner équivalent à plusieurs centaines de milliers d'emplois. La situation est donc suffisamment grave pour que je m'attarde sur cette question.

En faisant référence au Commissariat à l'énergie atomique, je propose de créer un « commissariat au numérique ». À mon sens, le numérique est au XXIsiècle ce que fut l'atome au XXe siècle. Ce commissariat serait l'incarnation d'une volonté politique très forte, le lieu de l'expertise, d'un pilotage, d'une vraie coordination destinée à donner une impulsion aux différents chantiers. Il devrait être rattaché au Premier ministre, parce qu'une telle action, je citerai tout à l'heure quelques exemples, est nécessairement transministérielle, à tout le moins interministérielle.

Ce commissariat pourrait s'occuper d'un grand nombre de questions numériques très sérieuses. Comme je ne puis toutes les énumérer aujourd'hui, je n'en aborderai que quelques-unes.

Tout d'abord, j'évoquerai les réseaux de nouvelle génération, en particulier la fibre optique, que j'ai citée tout à l'heure. Nous risquons de voir se reconstituer une sorte de monopole naturel sur la boucle locale, car le processus dirimant est l'accès au génie civil. Dans ce domaine, il faudra garantir l'accès au fourreau, sorte de dégroupage des infrastructures passives pour les opérateurs.

Il faudra également, et ce ne sera pas le plus facile, mutualiser le réseau vertical, celui qui est installé dans les immeubles, pour ne pas obliger les Français à faire comme les Américains, qui, pour changer d'opérateur, doivent changer de quartier.

Pour traiter ces problèmes, il est bien sûr nécessaire de faire appel au régulateur ; je lui fais confiance sur ces questions de garantie d'accès et de non-reconstitution d'un monopole de la boucle locale. Mais il faudra également apporter des modifications au droit de la construction, au droit de l'urbanisme, au droit de la copropriété et au code des postes et communications électroniques. On constate donc que ces sujets sont surtout transversaux.

J'en viens maintenant à la gestion du spectre hertzien et aux retombées économiques qui en découlent. Dans le rapport Levy-Jouyet, le flux des revenus de l'utilisation de ces fréquences a été évalué à 2 % du PIB, ce qui n'est pas rien !

Sur un sujet qui passionne aujourd'hui les spécialistes, à savoir le dividende numérique, vous savez que le basculement vers le numérique nous permettra de récupérer des fréquences « en or », qui possèdent des caractéristiques très intéressantes en termes de propagation, de couverture et de pénétration dans les bâtiments.

Aujourd'hui, le débat fait rage, opposant un camp à un autre. Or la loi a prévu une méthode particulièrement sage de répartition de ce dividende. Il faudra s'y tenir et, surtout, ouvrir très largement le débat.

Je formulerai quelques observations.

Première remarque, avant de répartir le dividende, il va falloir l'obtenir. Or, à l'heure actuelle, il n'est pas financé. Les Britanniques, par exemple, qui ont prévu environ 300 millions d'euros pour cette migration, et plusieurs centaines de millions pour les publics fragiles, ont dix-huit mois à vingt-quatre mois d'avance sur nous.

En France, un GIE fréquences est chargé des réaménagements de fréquences au niveau local. On a constaté que le coût de ces réaménagements - il faut persuader la population de migrer d'un canal à l'autre - s'élève à trois euros par habitant. Si l'on multiplie cette somme par les 60 millions d'habitants que compte notre pays, on obtient 180 millions d'euros. Or aucune budgétisation n'est prévue !

Au moment de l'examen du projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, nous avons voté à l'unanimité pour l'objectif cible suivant : 95 % de la population française doit bénéficier d'une diffusion en mode numérique par voie hertzienne terrestre. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel a calculé que 1 800 sites environ étaient nécessaires. Si l'on considère la capacité actuelle du CSA à ouvrir des sites nouveaux, on peut en conclure qu'une formidable accélération est indispensable dans ce domaine. Par conséquent, j'insiste sur ce point, avant de répartir le dividende, il va falloir l'obtenir.

Deuxième remarque, le dividende appartient au domaine public. Il s'agit de la propriété de tous les Français, et non pas celle d'un lobby.

M. Jacques Valade. Je suis bien d'accord !

M. Bruno Retailleau. La répartition du dividende devra, à mon avis, se faire en fonction de considérations d'intérêt général.

N'y a-t-il pas là une perspective de croissance, un gisement d'emplois ?

Pourquoi ne pas se servir de ces fréquences pour essayer de réduire la fracture numérique et faire en sorte que la promesse présidentielle de l'Internet pour tous soit réalisable ? Élu local comme beaucoup d'autres de mes collègues, je sais ce que les collectivités seront appelées à faire en dernière instance si la fracture numérique continue de s'élargir.

En quoi ces fréquences peuvent-elles être utiles au regard de la fracture numérique ? J'ai l'intime conviction que les fréquences radio sont tout à fait complémentaires du réseau filaire. Le déploiement en France du haut débit et du très haut débit dépendra de la densité de population du territoire concerné et sera donc nécessairement multimodal. Dans les zones très denses, on utilisera la fibre optique, dans les villes moyennes les câblo-opérateurs et la technologie xDSL, et sur le reste du territoire, y compris dans les basses vallées ou les montagnes, les fréquences hertziennes à longue portée, dont le débit, grâce aux nouvelles technologies - je pense notamment à l'UMTS LTE - sera de l'ordre de 10 mégabits. C'est ce schéma qu'il faut viser pour la France du numérique et pour la couverture du territoire.

Troisième remarque, il faudra parvenir à dépasser - et ce n'est pas M. Valade qui me contredira sur ce sujet - le traditionnel débat entre télécommunications et audiovisuel. Déjà, à la fin de cette année, la moitié des Français regarderont la télévision en utilisant d'autres plateformes que la plateforme hertzienne. Si l'hertzien est important, car constitutif, bien entendu, de notre « modèle » spécifique de diversité culturelle, demain, les nouveaux réseaux transporteront de plus en plus des contenus audiovisuels. Il ne sert donc à rien de bâtir des lignes Maginot, qui seront plus sûrement détournées que celles du passé.

À la lecture d'une excellente tribune du patron de la chaîne France 24 parue voilà quelques jours dans un grand journal du soir et intitulée Pas de télé sans Internet, j'observe d'ailleurs que les choses avancent. De toute façon, la loi prévoit que la majorité des fréquences libérées seront attribuées à l'audiovisuel.

Il est donc possible de réaliser un équilibre entre les différents secteurs, en essayant surtout de viser l'intérêt général.

Monsieur le secrétaire d'État, dans quelques jours va s'ouvrir à Genève la Conférence mondiale des radiocommunications, la CMR, qui a lieu tous les quatre ans. La question revêt donc un caractère d'urgence. Il faut que le négociateur français, l'ANFR, l'Agence nationale des fréquences, puisse avoir mandat pour dégager, avec nos partenaires européens, une sous-bande harmonisée, car les ondes peuvent subir des perturbations, et cette question doit absolument être traitée dans un cadre élargi. Selon moi, ce mandat, si, par bonheur, il était donné au négociateur français, devrait être non pas un mandat de fermeture, mais plutôt un mandat d'ouverture.

La CMR ayant lieu tous les quatre ans, s'il n'y avait pas de mandat du négociateur français et d'anticipation de la France, cela reviendrait à verrouiller le débat, alors qu'il convient, me semble-t-il, de l'ouvrir.

Enfin, je souhaite évoquer la révision du cadre européen. J'ai rencontré voilà quelques mois Mme Viviane Reding et je sais que le projet de directive sera bouclé dans quelques semaines. J'espère que la France s'est préparée. (M. le secrétaire d'État fait un signe d'assentiment.) Certains sujets sont importants, même graves. Voulons-nous un régulateur unique européen ? Ce n'est pas, selon moi, une bonne solution, car la concurrence constituerait alors l'alpha et l'oméga dans ces secteurs stratégiques, et je ne suis pas sûr que ce soit compatible avec notre propre modèle. Voulons-nous une séparation fonctionnelle, alors que la France a procédé au dégroupage ? Voulons-nous le principe de neutralité de service, suivant lequel toutes les fréquences peuvent véhiculer n'importe quel type de service ? Il n'est pas certain que nous puissions aboutir à un consensus sur ce sujet en France.

Je pense également, monsieur le secrétaire d'État, à la présidence française de l'Union qui interviendra dans quelques mois. Il nous faut en profiter pour donner une vraie impulsion à l'Europe du numérique.

Il y a bien d'autres sujets, qui tiennent plutôt aux nouveaux modes de régulation. Il s'agit par exemple du problème du téléchargement illégal ou de la dialectique entre les réseaux et les contenus. Lorsque nous avons adopté les dispositions encadrant la télévision mobile portable, nous avons défendu un projet coopératif entre l'audiovisuel et les télécommunications, et nous étions, me semble-t-il, parvenus à trouver un bon équilibre. Il faut que les réseaux, demain, soient très ouverts, mais aussi que les contenus puissent circuler de la façon la plus fluide possible.

Tels sont, monsieur le secrétaire d'État, les grands points que je souhaitais aborder avec vous. On voit bien, c'est le point essentiel, que ces enjeux sont transversaux et méritent un pilotage, une volonté politique vigoureuse. Pour aujourd'hui, mais plus encore pour la France de nos enfants, c'est le rôle de notre pays dans les domaines économique et culturel qui se joue. Si j'ai évoqué les enjeux économiques, je n'oublie pas les enjeux culturels. Notre ambition doit être de créer, en France, l'environnement le plus avancé au niveau mondial pour le numérique. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

- Groupe Union pour un mouvement populaire, 48 minutes ;

- Groupe socialiste, 31 minutes ;

- Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes.

Dans la suite du débat, la parole est à M. Serge Lagauche.

M. Serge Lagauche. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, mon propos portera essentiellement sur la gestion et la régulation du spectre hertzien, dans ses implications culturelles, car, si les enjeux économiques et industriels liés à la politique numérique sont essentiels, les enjeux sociaux et culturels sont tout aussi primordiaux.

Avec l'extinction de la télévision analogique et le passage à la télévision numérique prévue pour tous en 2011, des fréquences vont être libérées. Ces fréquences, dites « en or », parce qu'elles bénéficient d'une bonne pénétration dans les bâtiments et d'une longue portée, sont forcément très convoitées du fait même de ces propriétés et de la rareté du spectre hertzien.

Mais, pour être convoitées, encore faut-il préalablement qu'elles aient une réalité concrète, ce qui implique que le Gouvernement se donne les moyens, y compris financiers, de respecter l'ambitieux calendrier de basculement, comme il s'y est engagé, et que le dividende numérique soit clairement quantifié et planifié.

Néanmoins, si l'on met de côté les besoins spécifiques de la défense nationale, le très haut débit fixe, le très haut débit mobile, la télévision mobile personnelle et la télévision en haute définition sont tous des candidats naturels au dividende numérique pour accéder à un marché de masse. À cela s'ajoute un impératif d'aménagement du territoire, de service universel, auquel notre assemblée est particulièrement sensible, s'agissant en particulier de la question des zones blanches et grises en téléphonie mobile et de celle du haut et très haut débit.

Le spectre hertzien est un bien commun, une ressource publique, immatérielle et rare. Or, c'est un bien public rare, que le gouvernement précédent a déjà préempté, par l'octroi des chaînes bonus, cédant à quelques lobbies pour offrir, de fait, un soutien injustifié à des positions dominantes.

Par ailleurs, la loi du 5 mars 2007 a organisé juridiquement le développement de la télévision mobile personnelle et de la télévision haute définition. Pour cette dernière, l'appel à candidature pour le multiplex R5 de la TNT est en cours et porte sur la diffusion de deux services de télévision, une troisième place étant réservée pour la diffusion d'une chaîne publique.

Aussi, dans son rapport intitulé « Dix ans après, la régulation à l'ère numérique », la question posée par M. Retailleau en ces termes : « Est-il préférable pour la France de promouvoir l'accès de tous au haut débit ou de généraliser la diffusion de la TNT en haute définition, ce qui absorberait, voire excéderait le dividende numérique ? », se trouve-t-elle doublement injustifiée.

D'abord, le mouvement de la TVHD est déjà en marche.

Ensuite, selon Télédiffusion de France, TDF, une utilisation optimisée des fréquences permettrait de répondre aux besoins en HD et en télévision mobile personnelle, ou TMP, tout en libérant une partie de la bande UHF pour d'autres services.

Dans un autre ordre d'idée, on pourrait aussi envisager que, dans une perspective de développement, les opérateurs de téléphonie mobile s'engagent, avec l'ARCEP, dans une étude des possibilités de réaménagement de leurs propres bandes de fréquences, à l'image des transformations régulières qui s'opèrent pour les usages des services de télévision.

Comme le CSA et, visiblement, nos opérateurs privés de télévision, qui ont joué la surenchère dans les promesses de programmes haute définition lors de leur audition devant le CSA, nous considérons que la haute définition est le format d'avenir de la télévision.

Elle représente un tel saut qualitatif pour le téléspectateur, si tant est que les émissions seront produites et diffusées en HD, que le président du CSA a pu dire : « Dans quelques années peut-être, un programme en simple définition nous semblera aussi obsolète que peut l'être aujourd'hui un programme en noir et blanc. La haute définition renforce le spectacle à la télévision ; cette innovation entraîne des bouleversements dans toute la chaîne de production, des mutations qui doivent s'accompagner d'une réflexion sur la création audiovisuelle, afin que toutes les potentialités de la haute définition et ses avantages pour le téléspectateur soient explorées. »

Cet exemple de la TVHD nous le montre bien, ce qui est également en jeu dans cette question, que M. Retailleau aborde sous un angle strictement économique et industriel, c'est le maintien de la création, du pluralisme et de la diversité culturelle, dans un contexte de mutation technologique accélérée.

On assiste à une forte concentration des médias et à un regroupement des activités informatique, télévisuelle et de téléphonie, par le biais d'associations d'opérateurs de téléphonie mobile et de fournisseurs de contenu audiovisuel, ou, pour citer un exemple à l'échelle nationale, de la création par Orange d'une filiale cinéma. Dans ce nouveau contexte économique et technologique, quid de la régulation, de la gestion du spectre hertzien ? Quelles seront les missions du CSA face aux nouvelles pratiques ?

Disons-le clairement, deux logiques s'affrontent.

D'une part, une vision purement économique, libérale, privilégie le mode de régulation à l'oeuvre dans le secteur des télécommunications avec l'ARCEP, ou une régulation des réseaux dans un cadre de libre concurrence, indifférente aux contenus.

D'autre part, une vision culturelle, dans un souci de pluralisme et de garantie de la diversité culturelle, favorise le maintien, par une instance ad hoc - le CSA -, d'un mode de planification, d'autorisation d'usage et de régulation spécifique des fréquences destinées à des services audiovisuels, afin de garantir une réelle diversité de l'offre passant par ces fréquences.

Pour cela, le CSA doit avoir les moyens effectifs de mener une politique globale, dans tout le secteur audiovisuel, quel que soit le support de diffusion, car il y a toujours un enjeu de pluralisme.

Ce secteur a déjà avalé nombre de couleuvres et la régulation a reculé au nom de la convergence. Le simple régime déclaratif s'applique désormais à l'ensemble des distributeurs de services sur les réseaux filaires - câble, satellite, ADSL, Internet, téléphonie -, autrement dit, à tout ce qui n'est pas fréquence hertzienne.

Même si les fréquences se trouvent démultipliées par l'arrivée du numérique, le hertzien reste une ressource rare et limitée.

L'audiovisuel a légalement droit à certaines fréquences et il serait incohérent d'en livrer la planification à une instance autre que celle en charge de la régulation de ce secteur, le CSA étant le plus à même d'éviter des dérives ultra-libérales dans le secteur audiovisuel.

Contrairement à ce que préconise notre collègue Bruno Retailleau dans son rapport, le CSA ne doit pas être marginalisé dans la gestion d'un spectre hertzien qui lui serait attribué par une autre instance et la dévolution du dividende numérique ainsi concédé.

Pour notre part, nous considérons que la capacité de planification du CSA fait partie intégrante de son pouvoir de régulation. Cette instance doit avoir un droit de regard sur l'ensemble du spectre. Les fréquences audiovisuelles qu'elle attribue aux services de communication audiovisuelle doivent être maintenues. Aucune évolution technologique ne saurait démolir un édifice juridique réglementant la liberté d'expression et son application au droit de l'audiovisuel contemporain, le pluralisme et la défense de l'exception culturelle.

C'est d'ailleurs pourquoi nous avions proposé, lors de l'examen du projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, que, pour la télévision mobile personnelle, les appels d'offres prennent en compte le contenu des programmes, et pas seulement des obligations de couverture, afin que le CSA puisse apprécier le soutien à l'industrie des programmes et l'adaptation des contenus à la TMP pour toute autorisation, tout simplement parce que le projet de loi initial était totalement silencieux sur les contenus de ce nouveau support.

Depuis la loi de juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, communément désignée sous le nom de « paquet télécoms », les gouvernements successifs visent tous le même objectif, la dérégulation maximum de notre secteur audiovisuel.

Servir l'intérêt des grands groupes avant celui du téléspectateur, mettre à mal les règles anticoncentration, marginaliser le service public, telle a été leur politique audiovisuelle, alors que le seul objectif des différents textes modifiant la législation en vigueur devrait être d'adapter le secteur de la communication aux évolutions technologiques, tout en assurant l'avenir de nos industries de programmes, le pluralisme et la promotion de notre identité culturelle, dans une interprétation stricte des deux principes fondamentaux contenus dans les directives européennes de « service universel » et de « neutralité des supports », appliqués à l'audiovisuel.

En outre, ce gouvernement entend bien aller encore plus loin et plus vite dans cette politique libérale de dérégulation de notre secteur audiovisuel, à la grande satisfaction des grands groupes.

Ainsi, Mme Christine Albanel vient d'annoncer sa grande loi globale, qui risque de mettre en danger l'édifice de notre droit de la communication audiovisuelle et ses principes fondateurs, au seul profit des grands groupes industriels.

Toujours plus de concentration et moins de pluralisme, toujours plus de recettes publicitaires pour TF 1, pour lui permettre notamment de se développer sur le plan international, et sabordage des moyens du service public avec, en filigrane, la mutualisation des moyens et des rédactions se profilant pour France Télévisions.

Nous ne le répéterons jamais assez : si nous sommes tant attachés à la régulation, c'est bien pour garantir à nos concitoyens un fonctionnement des médias audiovisuels français concurrentiel, pluraliste et respectueux du téléspectateur.

M. le président. La parole est à M. Jacques Valade.

M. Jacques Valade. Monsieur le secrétaire d'État, les points de vue exprimés sont divers, comme vous avez pu le constater. Leur convergence étant une nécessité absolue, nous attendons de votre part des réponses et des indications de tendance.

Au marché international des contenus audiovisuels, ou MIPCOM, qui s'est tenu à Cannes en début de semaine, Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, a présenté la mise en chantier de la réforme de l'audiovisuel français, avec la perspective d'un projet de « loi globale » susceptible de remplacer la loi de 1986 et de revenir, notamment, sur les décrets de 2001 de Mme Catherine Tasca.

Dans le même temps, le devenir de l'audiovisuel extérieur français fait l'objet de réflexions stratégiques au sommet de l'État, susceptibles de déboucher sur une définition plus précise, et sans doute plus opportune, des tâches de chacun, dont la presse, aujourd'hui même, se fait l'écho.

C'est dire combien la question de notre collègue Bruno Retailleau, adressée à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, nous paraît pertinente.

L'évolution très rapide des technologies, leur utilisation par le grand public, la convergence entre l'audiovisuel et les télécommunications, le rapprochement du contenu et des réseaux et l'utilisation de bandes de fréquences hertziennes identiques pour différents usages - processus sur lesquels la commission des affaires culturelles travaille régulièrement à l'occasion de ses réunions ou par l'intermédiaire du groupe de travail « Médias, nouvelles technologies et société » présidé par Louis de Broissia - appellent à s'interroger de manière insistante sur les modalités actuelles de gestion de la ressource hertzienne, mais également sur l'utilisation future du « dividende numérique », terme désignant les bandes de fréquences progressivement libérées par l'arrêt programmé de la diffusion analogique des services télévisés.

M. Bruno Retailleau a raison de vous interroger, monsieur le secrétaire d'État, sur l'usage que le Gouvernement veut faire des conclusions et propositions du rapport d'information de la commission des affaires économiques. Cet excellent travail vient à point et doit nous inciter à mettre de l'ordre dans les structures existantes et à redéfinir les missions de chacune d'entre elles, après en avoir fixé clairement les objectifs.

Le passage au numérique nous en donne une occasion exceptionnelle, qui n'est pas prête de se reproduire. Le concept de gouvernance est à la mode. Nous pouvons l'évoquer ici : il nous faut une gouvernance lucide et efficace du paysage numérique français, sous peine de confirmer la fracture numérique et de l'accroître

Compte tenu de l'intitulé de la question posée, je concentrerai mon propos non pas sur le présent, qui, en matière de technologies de l'information, appartient souvent au passé tellement l'évolution est rapide, mais plutôt sur l'avenir et sur le réinvestissement, l'utilisation de ce dividende, sujet politique et industriel essentiel, et pour le moins sensible.

Cette question a déjà fait l'objet de débats passionnés l'hiver dernier dans cette même enceinte ! C'était à l'occasion de la discussion de la loi relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur.

En dépit de positions a priori antagonistes, défendues par les représentants de la commission des affaires culturelles et ceux de la commission des affaires économiques saisie pour avis, nous avions défini avec succès - cela mérite d'être souligné - une position commune concernant l'attribution de ces fameuses fréquences « en or », qui suscitent déjà tant de convoitises. Cette position repose sur deux principes et deux garde-fous.

J'évoquerai en premier les principes.

Tout d'abord, s'agissant d'une ressource rare faisant partie du domaine de l'État, nous avions décidé, de manière assez traditionnelle et conventionnelle, qu'il appartiendrait au Premier ministre de réaffecter ces fréquences libérées aux administrations, au CSA ou à l'ARCEP.

Ensuite, s'agissant de fréquences libérées par des services audiovisuels, et plus précisément des chaînes de télévisions hertziennes gratuites utilisant cette ressource en contrepartie d'importantes obligations de diffusion et de production d'oeuvres françaises et européennes, nous avions estimé équitable de garantir à ces services la plus grande part des fréquences libérées.

J'en viens aux garde-fous.

Le premier n'est pas négligeable, puisqu'il permet de répondre en partie à la demande de pilotage politique et technique exprimée par notre collègue Bruno Retailleau. Il prend la forme d'un schéma national de réutilisation des fréquences libérées par l'arrêt de la diffusion analogique, élaboré par le Premier ministre.

Le second garde-fou est, quant à lui, constitué par une « commission du dividende numérique », comprenant quatre députés et quatre sénateurs désignés parmi les membres des deux commissions chargées des affaires culturelles et des affaires économiques. Aux termes de la loi, cette commission est appelée à se prononcer sur le projet de schéma national de réutilisation des fréquences libérées et peut faire connaître à tout moment ses observations et ses recommandations sur le sujet.

À cet égard, je vous indique, monsieur le secrétaire d'État, que les deux commissions du Sénat ont d'ores et déjà désigné les quatre membres appelés à représenter la Haute Assemblée au sein de cette commission. Il appartient, par conséquent, aux commissions concernées de l'Assemblée nationale de faire de même dans les meilleurs délais, afin que cette nouvelle instance puisse, le cas échéant, se saisir des sujets d'actualité susceptibles d'influer de manière directe ou indirecte sur l'affectation future du dividende.

Il est inutile d'évoquer une commission ad hoc et de ne pas la mettre en service. Pour notre part, ayant désigné nos représentants, nous souhaitons qu'elle se mette en place très rapidement.

Parmi ces sujets, il en est un qu'il me semble bon d'évoquer ici. Il s'agit du mandat - déjà cité par M. Bruno Retailleau - qui pourrait être donné à la délégation française conduite par l'Agence nationale des fréquences, l'ANFR, dans le cadre de la Conférence mondiale des radiocommunications qui se déroulera à Genève à partir du 16 octobre prochain. Ce mandat concerne plus particulièrement l'éventuelle identification d'une sous-bande de fréquences UHF destinée aux services innovants de téléphonie mobile.

Alors que les besoins en fréquences des services audiovisuels, tels qu'ils résultent des objectifs fixés par le législateur dans la loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, sont très importants, la commission des affaires culturelles restera particulièrement attentive aux signes envoyés aux opérateurs des différents secteurs qui devront faire face à des modifications très profondes.

Je rappelle qu'à moyen terme la bande UHF est appelée à permettre le déploiement et la diffusion dans des conditions optimales des services de la TNT dans les zones les moins densément peuplées et situées par conséquent au-delà des obligations actuelles, des services de la télévision mobile personnelle, la TMP, des services télévisés gratuits diffusés en haute définition, très exigeante en ressource radioélectrique, des services de radio numérique.

Je tiens à souligner, monsieur le secrétaire d'État, que je ne suis pas, par principe, opposé à la définition de cette fameuse sous-bande hertzienne dans le cadre des négociations internationales. D'ailleurs, chacun sait ici que les décisions de l'Union internationale des télécommunications, l'UIT, n'obligent pas les pays membres à mettre en oeuvre le service correspondant à la bande de fréquences identifiée.

M. Bruno Retailleau. Absolument !

M. Jacques Valade. Disons qu'il s'agit d'un cadre réglementaire, dont il faut tenir compte. Le cas échéant, la tentation sera grande, pour les uns ou pour les autres, de l'utiliser.

Mais, monsieur le secrétaire d'État, de nombreux éléments manquent aujourd'hui pour définir la taille et les caractéristiques techniques d'une éventuelle sous-bande.

Pour mémoire, je citerai, d'une part, les résultats de la consultation de l'ARCEP, qui s'est achevée le 26 septembre, ainsi que les travaux de la Commission consultative des radiocommunications, d'autre part, les résultats de l'étude conjointe CSA-ANFR sur les effets sur les réseaux cibles de la TNT, attendus pour mi-décembre, et, enfin, l'impact sur les systèmes FÉLIN, fantassin à équipements et liaisons intégrées, de la défense, estimé, sous réserve des résultats d'études à venir, à près de 100 millions d'euros.

Dans ces conditions, comme la grande majorité de nos partenaires - seuls le Royaume-Uni, la Finlande et la Suède soutiennent l'identification immédiate de cette sous-bande -, il me semble que nous devrions adopter en ce domaine une approche pragmatique, attendre de bénéficier des conclusions des études en cours et envisager de mener des études approfondies et sereines sur l'utilisation éventuelle de la bande UHF pour des services innovants de téléphonie mobile, en vue d'inscrire, le cas échéant, ce point à l'ordre du jour de la Conférence mondiale des radiocommunications de 2011 avec une bonne définition des objectifs visés.

Quelle que soit l'issue des négociations, il me paraît en tout cas indispensable de préserver l'ensemble du champ des possibles concernant l'utilisation de cette sous-bande à l'issue de la CMR de 2007.

M. Bruno Retailleau. Bien sûr !

M. Jacques Valade. Cette sous-bande doit pouvoir, à terme, « être utilisée tant par l'audiovisuel que par les services de télécommunication mobiles. »

M. Bruno Retailleau. Exactement !

M. Jacques Valade. Il serait absurde de développer une querelle qui ne correspondrait pas à notre éventuel souci d'arbitrage. La définition de cette sous-bande ne doit pas nous lier les mains et nous contraindre à privilégier tel ou tel service en l'état actuel de nos connaissances quant au potentiel réel de la bande UHF. L'évolution actuelle très rapide des technologies doit nous inciter à une approche très réaliste de l'avenir.

Il me paraît aussi et surtout indispensable de garantir le développement de l'ensemble des services audiovisuels prévus par la loi. Sinon, à quoi servirait-elle ?

Dans la mesure où il est probable que l'on aura besoin de canaux dans la sous-bande, par exemple, pour diffuser la TNT dans certaines régions frontalières, comme c'est le cas aujourd'hui en Alsace ou en Savoie, et que de nouveaux canaux devront être utilisés pour garantir à tous l'accès aux nouveaux services audiovisuels - HD et TMP -, il convient de mesurer précisément la portée de toute préaffectation de ce dividende afin d'éviter de créer une nouvelle fracture audiovisuelle.

En conclusion, il s'agit non pas d'opposer deux secteurs, mais bien d'optimiser l'usage d'une ressource rare qui assure, il faut s'en souvenir, la gratuité et l'égalité de l'accès de nos concitoyens aux services distribués par cette voie.

Pour optimiser la gestion du spectre, laissons d'abord le temps au CSA d'approfondir sa planification concernant le basculement vers le numérique, mais aussi le déploiement des nouveaux services. Meilleure sera la planification, plus important sera le dividende et plus assurée sera la vision de l'avenir.

Si, le moment venu, il apparaît que l'on doive déplacer le curseur entre fréquences audiovisuelles et fréquences de télécommunications, alors, dans l'intérêt de tous, et dans le cadre de la « commission du dividende numérique », nous le ferons. Cela me semble préférable à une excessive anticipation d'affectation des fréquences au profit de tel ou tel secteur. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Jack Ralite.

M. Jack Ralite. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'objet du débat d'aujourd'hui sur le dividende numérique est très important. Je regrette toutefois qu'il ne fasse l'objet d'aucun vote.

Cette importante question a un environnement qui doit nous faire réfléchir.

Premièrement, le rapport que MM. Lévy et Jouyet ont rendu en novembre 2006 sur l'économie de l'immatériel consacre une large place au dividende numérique.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Très bien !

M. Jack Ralite. À la page 94, il est écrit ceci : « Le dividende numérique constitue une opportunité historique à saisir pour soutenir l'innovation. » À la page 100, les auteurs recommandent de recourir pour la privatisation des fréquences hertziennes à la « procédure d'enchères comme mode d'attribution du droit d'accès aux ressources collectives. » À la page 130, il est écrit que « s'ajoute un autre impératif : la prise en compte de la convergence entre le secteur des télécommunications et de l'audiovisuel ».

J'ai retenu aussi les deux idées suivantes : « la convergence entre contenu et diffusion », à la page 17, et la nécessité d'« affecter mieux qu'aujourd'hui les fréquences en fonction de leur utilité économique », à la page 131.

Ce rapport a commencé à être appliqué pour les musées et il commence à l'être pour le numérique.

Deuxièmement, avant-hier, lors de l'ouverture du MIPCOM, Mme la ministre de la culture a annoncé le dépôt d'un projet de loi global qui devrait être présenté à la fin du premier trimestre de 2008.

« Tout est positif dans ce projet de réglementation : la hausse des volumes publicitaires, l'assouplissement des obligations de production et la levée des seuils anti-concentration », a déclaré un courtier à la bourse quand il l'eut entendue. L'action de TF 1 a augmenté le même jour de 12,76 %, celle de M 6 de 8,25 %, celle de Canal + de 7,87 %.

Troisièmement, le groupe issu de la fusion en 2006 de l'équipementier des télécommunications Alcatel et de l'américain Lucent Technologies en est à son troisième avertissement sur ses objectifs financiers, avec des licenciements à la clé.

Quatrièmement, dans la lettre de mission qu'il a adressée à la ministre de la culture, le Président de la République lui demande de veiller « à ce que les aides publiques à la création favorisent une offre répondant à l'attente du public ». Il précise pour France télévisions : « Un certain nombre de synergies importantes, qui n'ont été que trop longtemps différées, doivent être mises en oeuvre. Pour les permettre, vous expertiserez et nous proposerez les modifications souhaitables de structure. »

Ces quatre évocations indiquent que « l'esprit des affaires prétend s'imposer aux affaires de l'esprit ». La tâche qu'a confiée l'Élysée à Mme la garde des sceaux, Rachida Dati, non seulement d'alléger, mais surtout de dépénaliser le droit des affaires constitue un encouragement dans cette voie.

En vérité, le droit des affaires en est à une étape où la convergence MEDEF-Gouvernement « invente le réel ». Cela me fait penser au temps où Robert Hersant, grand patron de presse, disait fièrement : « J'ai une loi d'avance ».

C'est à cela qu'aboutissent les lobbies, qui deviennent de plus en plus entreprenants et influents. Songez au lobby des trois grands opérateurs de télécoms ! Orange, filiale de France Télécom, SFR, filiale de Vivendi, et donc très proche de Canal +, Bouygues Télécom, filiale du groupe du même nom, intimement lié à TF1, ont obtenu, grâce à la loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, le marché de la télévision mobile personnelle - ce qui représente 50 millions d'usagers -, bien qu'ils aient été condamnés un an auparavant pour entente illicite par le conseil de la concurrence.

Je dis et redirai inlassablement cela jusqu'à ce que ce système soit remis en cause. Actuellement, ce mélange technologies - économie apparaît comme victorieux, comme une utopie qui a réussi - Jules Verne dans la vie, en quelque sorte -, alors que l'utopie sociale s'est écroulée. Il faut démystifier ce phénomène, rejeter cette prétendue causalité fatale, cette sorte de destin à accomplir, cette technique instrumentalisée comme un fatum, comme si elle était extérieure à la société qui l'engendre. Il faut rendre à chaque être ce que crie actuellement au théâtre des Bouffes du Nord une femme dans la pièce Je tremble (1), de Joël Pommerat : « Je veux mon avenir ! Je veux qu'on me donne mon avenir ! »

Quand je pense que, au Sénat, il y a quelques années, M. Madelin, lors d'un colloque sur les nouvelles technologies, avait déclaré sans rire ceci : « Les nouvelles technologies sont naturelles comme la gravitation universelle. »

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Tout à fait !

M. Jack Ralite. Ce faisant, il les naturalisait et transformait les hommes et les femmes qui les avaient inventées en des êtres subsidiaires, en des invités de raccroc.

Mes chers collègues, le débat de ce matin est un débat de société. Il a une dimension éthique. Ne laissons pas préempter les technologies par des forces financières prédatrices. Ce serait une sous-traitance de nos imaginaires, de nos intimités, par la combinaison de la fatalité de la technologie avec celle de la financiarisation du monde.

À cet instant, je voudrais dire à notre collègue Bruno Retailleau - et je l'aurais dit à Mme la ministre de la culture si, comme cela me semblait nécessaire, elle avait été présente ce matin - de penser fortement et efficacement aux développements que je viens de faire quand il participera aux « premières assises de la convergence audiovisuelle » qui se tiendront ici même, au Palais du Luxembourg, salle Monnerville, le mardi 23 octobre.

Ma convergence, ma combinaison, mon utopie à moi- et quand je dis à moi, je suis bien présomptueux : c'est celle de Vilar, de Vitez, et, au temps des Lumières, c'était celle de l'immense Diderot -, c'est l'alliance à construire des forces du travail et des forces de la création artistique, scientifique et technologique.

Je pourrais aller plus loin sur cette question de la gestion des fréquences hertziennes conformément aux attentes de la commission européenne. Ce bien public rare devrait être privatisé et mis aux enchères, notamment pour favoriser le marché de la télévision sur téléphone mobile.

À la page 92 du rapport de MM. Lévy et Jouyet - j'y reviens et y reviendrai toujours car il est maintenant la ligne de direction et de stratégie du Gouvernement -, je lis : « Cette capacité à rebattre régulièrement les cartes est en effet une exigence économique pour que le développement de technologies innovantes et prometteuses ne soit pas compromis par une protection excessive des situations acquises. »

Cette proposition est soutenue - toujours à la page 99 du rapport - malgré l'échec retentissant de la mise aux enchères des licences UMTS en Europe, qui a fait partir en fumée sur le marché financier 300 milliards d'euros, soit l'équivalent du coût d'un réseau à haut débit à fibres optiques complet en Europe.

Le rapport de Jean-Pierre Jouyet et de Maurice Lévy - je rappelle que le premier était chef de l'Inspection des finances et le second président du directoire de Publicis - affirme tranquillement : « L'expérience de l'UMTS ne doit pas conduire à exclure le bien-fondé de la procédure d'enchères comme mode d'attribution de droit d'accès à des ressources collectives. » J'ai presque envie de dire : « Reprenez donc une dose de poison pour vous guérir de votre mal ! ».

Tout cela, qui est su et bien su, est très grave - même si cela s'applique aux États-Unis -, mais ne dit pas tout sur les dix ans passés qui ont connu d'autres déboires. J'allume juste quelques projecteurs, dont il faut se souvenir. France Télécom et Vivendi, du temps de Michel Bon et de Jean-Marie Messier, ont failli faire faillite en 2001 et 2002. Leurs dettes cumulées ont atteint 110 milliards d'euros : 70 milliards d'euros pour France Télécom et 40 milliards d'euros pour Vivendi. Ces deux grands champions ont connu un recul de leurs investissements pour l'emploi, la production et l'innovation. De 1995 à 2005, l'investissement productif est passé de 2,8 milliards d'euros à 2,2 milliards d'euros. Et, dans le même temps, l'investissement dans l'innovation est passé de 3,7 % à 1,7 % du chiffre d'affaires.

Le rapport d'information de notre collègue Retailleau indique d'ailleurs tous ces chiffres. Ces champions - notamment Vivendi - ne tiennent que par la vente des bijoux de famille, et tout cela malgré le développement des mobiles. Sans doute vous rappelez-vous mes très nombreuses interventions sur Vivendi dans cet hémicycle. À l'époque, la majorité a tout écarté, notamment la création d'une commission d'enquête, comme elle l'a fait avant-hier pour la commission d'enquête sur le groupe EADS. Vous souteniez les deux champions et aujourd'hui, malgré l'expérience, vous voilà repartis pour le soutien aux champions !

Après ce tableau de la vraie réalité, qui est noire, je ferai quelques propositions en ayant à l'esprit une pensée de Camus, qui écrivait dans L'homme révolté : « Au bout de ces ténèbres, une lumière, pourtant est inévitable, que nous devinons déjà et dont nous avons seulement à lutter pour qu'elle soit ».

Premièrement, il est proposé un commissariat au numérique rattaché au Premier ministre. Il existe 150 structures de ce type ; il y en aurait donc 151. Pour réformer l'État, on fait mieux ! En fait, cette structure serait un interlocuteur unique pour les lobbies des téléphones mobiles. Nous, nous voulons garder des instruments existants, mais en les démocratisant. Nous ne sommes pas favorables à la fusion du CSA et de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l'ARCEP : elle pourrait sembler rationnellement justifiée, surtout par la convergence des contenus et des réseaux, mais elle permettrait en réalité de marginaliser les contenus.

Deuxièmement, je l'avais déjà dit lors du débat sur la télévision du futur, mais je tiens à le répéter, nous proposons une charte du numérique établissant des droits d'accès au numérique, une solidarité numérique, une éthique du numérique, une responsabilité numérique, un projet éducatif au numérique. Cette charte ferait largement place aux créations originales utilisant la diversité des outils désormais disponibles.

Tout cela nécessite un trajet d'élaboration à travers des assises n'ignorant aucun acteur, public ou privé, s'élargissant au monde, et d'abord à l'Europe, garantissant toute leur place à une information pluraliste et critique ainsi qu'au mariage de la « belle numérique » et de la « bête fabuleuse », selon l'expression d'André Breton relative aux créations.

C'est ainsi que l'on donnera un sens au passage au numérique dans une société qui se « compromet » avec la personne humaine et qui respecte la dignité de chacune et de chacun. Il faut une ambition qui se réalise en dépassant la seule vision experte. Il faut, peut-on dire, infléchir le devenir technoscientifique du monde, car ce devenir ne suffit pas à faire un monde humanisé enfin capable d'être moins un générateur de puissance qu'un producteur de civilisation.

Troisièmement, il est important de relancer l'investissement, notamment dans la culture, dans l'industrie culturelle - vous le voyez, j'emploie le terme « industrie » et non ceux de « finances » et « financiers » -, dans la création artistique et la recherche scientifique.

Quatrièmement, les fréquences hertziennes doivent être traitées comme un bien public rare, dans le cadre d'un service public, au lieu d'être privatisées et vendues selon la loi de la télévision du futur. Les propositions du rapport Jouyet-Lévy aggravent encore la situation, en prévoyant non seulement leur privatisation mais leur vente aux enchères. Un bien public, surtout s'il est rare, peut se louer mais ne peut se vendre.

Pour conclure, je dirai que, si le discours idéologique sur l'économie de l'immatériel souligne l'importance de la connaissance et de la culture dans la société et l'économie, il vise à les standardiser en « actifs comptables », donc en signes valorisables, pour les soumettre à une financiarisation généralisée.

Au nom du dogme managérial, dont traite si bien Pierre Legendre dans toute son oeuvre, le capitalisme cognitif vise à vampiriser toute la sphère de l'esprit et de l'imaginaire dans le travail, dans l'entreprise et dans la vie quotidienne.

Il est possible de penser et d'opposer un processus alternatif multiforme, appuyé sur l'idée de « responsabilité publique et sociale » avancée par les États généraux de la culture. Les productions de l'esprit, la culture, l'éducation, la création sont des biens de l'humanité.

Il conviendrait de construire de nouveaux services publics et de définir de nouveaux droits fondamentaux et biens communs de l'humanité. L'article 1er de la charte pourrait être rédigé ainsi : « La protection du vivant, de l'environnement et des créations de l'esprit constitue un « cercle sacré » ». Ils constituent un bien commun de l'humanité, non marchand, inviolable. Le bien commun mondial pourrait être défini comme une res publica mondiale. Je crois en une utopie concrète, une nouvelle définition de la solidarité et de la mutualisation, bref de l'association universelle de l'humanité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Hérisson.

M. Pierre Hérisson. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je vais m'exprimer au nom de la commission des affaires économiques et de mon groupe.

Je veux tout d'abord me réjouir de l'inscription à l'ordre du jour de ce débat, qui fait suite aux propositions du rapport d'information de la commission des affaires économiques sur la régulation du numérique, à l'aube de l'extinction de la diffusion analogique de la télévision hertzienne et de la refonte du cadre réglementaire européen des communications électroniques.

Ce débat, voulu par notre commission, nous permet de traiter d'un sujet dont l'importance pour l'économie de notre pays est considérable.

« Faire de la France une nation numérique », c'est sur cette phrase que concluait Nicolas Sarkozy, Président de la République nouvellement élu, dans une tribune publiée par le Journal du Net sur sa vision de la France à l'ère du numérique. M. Retailleau y a fait référence tout à l'heure.

Même si le numérique n'a pas été un sujet majeur de la campagne électorale, les grands axes des projets du Président de la République sont aujourd'hui connus, et c'est la raison pour laquelle le débat de ce jour arrive au moment opportun.

Il faut, en effet, être bien conscient du rôle que peut jouer l'économie numérique sur la croissance, évalué entre un demi-point et un point de croissance supplémentaire.

Réhabiliter le travail, comme le souhaite le Président de la République, aura un impact encore plus significatif dans le domaine des technologies de l'information et de la communication.

La qualité de la couverture numérique de nos territoires est, en effet, devenue aussi importante que celle du réseau routier ou de la desserte postale.

Rapporteur, avec Bruno Sido, de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, et de la loi du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, je me suis personnellement impliqué dans le domaine des technologies de l'information et de la communication, ce que l'on appelle les TIC, et je suis avec intérêt le règlement des deux grands dossiers que sont la couverture en téléphonie mobile et l'accès à l'internet haut débit, pour l'ensemble du territoire.

C'est la raison pour laquelle je souscris totalement aux réflexions et observations de notre excellent collègue Bruno Retailleau en rendant hommage à sa grande connaissance du sujet, et j'approuve totalement les conclusions du rapport d'information qu'il a rendu, au nom de la commission des affaires économiques.

M. Bruno Retailleau. Je vous remercie !

M. Pierre Hérisson. Au sein de la commission, nous avons en effet estimé que, dix ans après la création de l'ARCEP, le temps était venu de faire le bilan de l'action de cette autorité de régulation économique sectorielle, première du genre, et de dessiner ses perspectives d'évolution afin qu'elle puisse contribuer à renforcer les positions françaises dans ce secteur de première importance.

Il est devenu essentiel de réfléchir au mode de régulation le plus approprié pour optimiser le potentiel économique que le numérique représente pour la France. La question est d'actualité, à l'heure de la télévision mobile personnelle et de l'arrêt prévu pour le 30 novembre 2011 de la diffusion analogique des chaînes de télévision.

La convergence du secteur des télécoms et de l'audiovisuel pose aujourd'hui de nouveaux enjeux, que le régulateur sectoriel ne pourra résoudre seul.

Le problème est souvent abordé par le thème de la fusion entre le CSA et l'ARCEP. Cependant, notre rapporteur récuse un tel rapprochement, ces deux autorités exerçant des métiers différents. Il préconise plutôt la création d'un commissariat au numérique, pôle d'expertise et d'initiative, qui serait placé sous la tutelle du Premier ministre. Cette nouvelle structure permettrait de donner un pilotage politique aux services de l'État concernés par le numérique, mais éclatés entre des ministères aux logiques concurrentes.

Une meilleure coordination et un rassemblement des forces permettraient de rattraper le manque à gagner de 0,7 % de croissance annuelle du PIB dû au retard français dans le numérique. Il est aujourd'hui impératif pour notre pays qu'il puisse retrouver toutes ses capacités d'intervention dans le numérique.

Par ailleurs, la France dispose d'atouts qui lui permettraient d'être en tête dans de nombreux secteurs de l'innovation : des ingénieurs de qualité, un tissu dense de petites et moyennes entreprises innovantes, des positions de force dans certains secteurs comme la mobilité, la carte à puces, le logiciel libre, les logiciels embarqués, la simulation, le calcul à hautes performances. Mais ces secteurs sont-ils suffisamment valorisés aujourd'hui ? Telle est la vraie question.

En outre, il est à noter que nous investissons, proportionnellement à notre PIB, deux fois moins que les États-Unis dans les TIC. Si la France investissait autant que les leaders mondiaux, elle pourrait gagner un demi-point de croissance supplémentaire.

Il semble que la priorité doit porter sur le soutien aux petites et moyennes entreprises, puisque seulement 50 % d'entre elles disposent d'un site web en France, contre 82 % en Allemagne et 77 % en Grande-Bretagne ou en Italie.

Il est essentiel d'accroître la masse critique des entreprises innovantes, car sans innovation, il n'y a pas de croissance. La politique du numérique et la politique de l'innovation vont de pair et il est essentiel d'impliquer davantage les collectivités territoriales, les entreprises, les centres de recherche et les universités, en s'engageant avec l'Europe pour développer la société numérique.

Les nouvelles technologies de l'information et de la communication sont de puissants outils de valorisation des territoires les plus difficiles et les moins denses. La couverture numérique est ainsi un instrument essentiel d'aménagement du territoire, dans un objectif majeur : assurer l'équité et la bonne répartition territoriale des infrastructures et des usages liés aux TIC.

Les technologies de l'information et de la communication recèlent, pour toutes ces entreprises, de très importants potentiels de gains de productivité et de réactivité. Il est donc de la responsabilité des pouvoirs publics de saisir cette chance pour la France et de conforter ces gains potentiels pour soutenir la croissance et l'innovation.

À l'automne 2002, le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, n'avait pas tardé à prendre la mesure de l'enjeu numérique pour la France en lançant, avec son gouvernement, le plan pour une politique numérique dans la société de l'information, dit plan RE/SO 2007 : il s'agissait d'une première étape ; nous y sommes !

Je me félicite donc des déclarations de M. le Président de la République, qui affiche une vision claire de la politique numérique qu'il souhaite pour notre pays, politique qui nous permettra d'aborder l'étape suivante, laquelle sera déterminante pour l'économie de notre pays.

En s'impliquant davantage dans l'économie numérique, l'État devra être particulièrement vigilant afin que le bouleversement qui accompagnera le passage au tout numérique respecte la satisfaction des besoins futurs des territoires, dans tous les domaines de la communication, et garantisse la qualité des produits audiovisuels proposés. Il devra, dans sa réflexion, anticiper les évolutions et fixer des règles pour l'usage des fréquences. À cette fin, il devra sans doute lui-même réformer ses organes de régulation.

On parle aujourd'hui de réception des chaînes de la TNT en haute définition, de télévision mobile personnelle ou bien encore de l'accès à la téléphonie mobile de troisième génération, alors que des millions de Français sont encore privés de toute possibilité de recevoir la TNT en définition standard ou de disposer de la téléphonie mobile, notamment en zones peu denses ou accidentées, tout simplement par absence de relais. La fracture numérique existe encore bel et bien, et le temps est venu de boucler définitivement le dossier de l'achèvement de la couverture de l'ensemble du territoire en téléphonie mobile et accès à l'Internet à un débit qui soit conforme à ce que nous pouvons attendre aujourd'hui.

Alors que - M. Valade l'a rappelé tout à l'heure - vont s'engager le 20 octobre prochain, à Genève, les discussions de la Conférence mondiale des radiocommunications et que le Gouvernement se prépare à donner à l'Agence nationale des fréquences son mandat de négociation - c'est du moins ce que nous espérons - je tiens à rappeler que la libération progressive, à partir de 2008, des fréquences actuellement occupées par la télévision analogique constitue une opportunité stratégique pour l'accès des Français à l'internet à haut débit fixe et mobile et pour l'aménagement numérique du territoire.

Pour une grande partie des zones rurales, qui représentent 30 % de la population et 70 % du territoire, les technologies filaires, optiques ou satellitaires ne permettent pas d'envisager une couverture par les réseaux d'accès à l'internet à haut débit fixe au-delà de 512 kilobits, ce qui est d'une autre époque.

En outre, pour ces territoires, les fréquences actuellement occupées par la téléphonie mobile de troisième génération sont si élevées qu'elles ne permettent pas d'envisager une couverture par les réseaux d'accès à l'internet à haut débit mobile.

Alors que les initiatives prises depuis cinq ans en faveur de l'extension de l'ADSL et de la couverture des zones blanches de la téléphonie mobile ont connu d'importants succès, une nouvelle fracture numérique risque d'apparaître rapidement entre les zones urbaines, très bien desservies, et les zones rurales, où le très haut débit fixe et le haut débit mobile resteront inaccessibles.

Pourtant, tous nos territoires ont besoin de débit et de mobilité. Les élus locaux qui siègent dans cet hémicycle le savent. Nos territoires « ont soif » de fréquences. Aucun d'eux ne doit être laissé en marge de la révolution numérique. La France numérique doit être aussi bien urbaine que rurale, et c'est même en zone rurale que la connexion numérique est la plus vitale.

C'est pourquoi l'Association des maires de France, dont je suis l'un des vice-présidents, a exprimé le souhait, le 27 septembre dernier, que la France s'engage activement dans les négociations européennes et internationales en cours afin d'identifier une sous-bande de fréquences qui pourrait, le moment venu et selon la procédure prévue par la loi, être affectée à la couverture du territoire par les réseaux fixes et mobiles d'accès à l'internet à haut débit.

Ne pas identifier ces fréquences à l'occasion de la Conférence mondiale des radiocommunications de 2007 conduirait à refermer durablement ces discussions sur le seul usage audiovisuel, alors même que la loi du 5 mars 2007 prévoit au contraire un choix ouvert entre les différents usages possibles, la moitié au moins des fréquences concernées devant revenir à l'audiovisuel, dont les télévisions locales.

À ces conditions, les services numériques de tous ordres devraient pouvoir continuer à croître sur l'ensemble des territoires de notre pays, dans un équilibre globalement maîtrisé. Cette question est essentielle pour l'avenir économique de notre pays et nous n'avons pas le droit de passer à côté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur. Monsieur le président, messieurs les sénateurs, je souhaite en cet instant vous exprimer à la fois ma satisfaction et mes regrets.

Satisfaction parce que tous les orateurs, quelle que soit leur appartenance politique, ont apporté un éclairage sur les enjeux de la politique numérique.

Regret parce que ce débat n'a pas l'audience qu'il mérite. Je félicite donc le petit nombre de sénateurs qui sont présents.

M. Jean-François Le Grand. La qualité supplée au nombre !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Je ne suis d'ailleurs pas persuadé que les bancs de l'Assemblée nationale n'auraient été moins fournis sur un débat identique. Cela prouve qu'aux enjeux extraordinaires qui ont été mis en relief par les différents intervenants s'ajoutent ceux de la pédagogie et de la connaissance même du défi qui est posé à notre société. À cet égard, je suis d'accord avec M. Ralite pour considérer que ce n'est pas, en l'espèce, uniquement affaire d'économie et qu'il y a aussi un fort enjeu de société.

Je tiens à rendre hommage à M. Retailleau, qui, avant même de susciter ce débat par sa question orale, avait rendu, au nom de la commission des affaires économiques, un rapport d'information remarqué sur la régulation du numérique.

M. Bruno Retailleau. Merci, monsieur le secrétaire d'Etat.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. C'est indiscutablement un sujet à la fois complexe, passionnant et majeur, et je peux d'emblée vous assurer de la volonté du Gouvernement, au-delà de ma personne, de prendre en charge ce dossier aux aspects socio-économiques fondamentaux.

Comme vous l'avez souligné à juste titre, monsieur Retailleau, le numérique est incontestablement un domaine stratégique pour la compétitivité de notre pays, la réforme de notre administration ainsi que pour la croissance et l'emploi.

Les chiffres que vous avez mentionnés sont très significatifs, qu'il ne me paraît pas inutile de reprendre, ne serait-ce que pour souligner l'importance du sujet qui nous occupe ce matin.

Les technologies numériques pèsent déjà pour 25 % dans la croissance du PIB de notre pays et le retard d'investissement de nos entreprises dans les technologies de l'information et de la communication nous coûte près d'un demi-point de croissance.

Le secteur numérique s'appuie d'abord sur un réseau d'infrastructures, c'est-à-dire les équipements et supports indispensables à l'acheminement des communications électroniques, mais également sur un ensemble de services, les uns et les autres irriguant l'économie. Il est évident que leur développement constitue l'un des principaux moteurs de la globalisation.

Le numérique est aussi, à travers l'administration électronique, au coeur de la modernisation de l'action publique. Oui, monsieur Retailleau, c'est bien grâce à l'utilisation accrue des technologies de l'information et de la communication que nous pourrons réussir à rendre le fonctionnement de l'État plus performant et moins coûteux.

Un des défis majeurs devant lesquels notre pays se trouve aujourd'hui est la modération de sa dépense publique, sans que cela puisse pour autant nuire à l'efficacité du secteur public. Les technologies de l'information devront jouer tout leur rôle dans cette entreprise.

M. Bruno Retailleau. Tout à fait !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Le numérique concourt aussi de façon déterminante à d'importantes politiques publiques, telles que l'aménagement du territoire ou le développement culturel.

En matière d'aménagement du territoire, plusieurs intervenants l'ont souligné, nous sommes exposés à un risque de fracture numérique. Il s'agit d'un problème majeur que nous ne pouvons pas éluder, car il y va de la responsabilité de l'action publique.

L'action publique ne saurait pas être réservée à telle ou telle portion de notre territoire, car le défi que nous avons à relever est bien de conduire une politique profitable à l'ensemble du territoire national.

Depuis le lancement du plan RE/SO 2007 par M. Jean-Pierre Raffarin, le Gouvernement s'est engagé dans la résorption des zones blanches en téléphonie mobile. Cette action a été menée de manière concertée entre l'État, l'Assemblée des départements de France, l'Association des maires de France, l'ARCEP et les opérateurs.

Au total, 70 millions d'euros en provenance de l'État et de près de 100 millions d'euros pour les opérateurs auront été consacrés à cette action.

À la fin du premier semestre de 2007, 75 % des 3 000 communes identifiées en zone blanche, c'est-à-dire ne bénéficiant d'aucune couverture par un opérateur de téléphonie mobile, ont ainsi été couvertes.

Je suis très attaché à la poursuite de cet effort. Ma région, la Touraine, qui est presque aussi belle que la Vendée, ...

M. Bruno Retailleau. Presque ! (Sourires.)

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. ... est également concernée.

Il convient par ailleurs de lutter contre les zones blanches en haut débit. L'action volontaire du Gouvernement en faveur du dégroupage a permis le décollage du haut débit. Nous avons incité France Télécom à équiper tous ses répartiteurs afin que l'ADSL soit accessible dans des territoires isolés. Les équipements sont aujourd'hui en place.

Cet effort reste néanmoins encore insuffisant, et c'est pourquoi nous favorisons l'utilisation d'autres technologies telles que le satellite ou les courants porteurs en ligne. Nous avons octroyé des licences WiMAX assorties de critères forts de couverture des zones rurales.

Nous incitons les collectivités locales à faciliter l'arrivée des investissements des opérateurs sur leur territoire et nous avons officiellement demandé à la Caisse des dépôts d'accompagner les collectivités dans leurs efforts.

Enfin, il faut favoriser le développement rapide du très haut débit, et pas uniquement dans les grandes villes. Le Gouvernement conduit, dans ce domaine également, une action volontariste. L'objectif retenu de 4 millions d'abonnés en 2012 nous semble réaliste. Nous sommes heureux de constater que France Télécom fait une offre de location de ses fourreaux. Cela diminuera les coûts de déploiement de la fibre et accroîtra donc sa pénétration au coeur de nos territoires.

Monsieur Retailleau, s'agissant de l'organisation du Gouvernement dans le domaine du numérique, vous avez avancé l'idée de créer un Commissariat au numérique, rattaché au Premier ministre, afin de coordonner la politique menée en la matière.

Votre suggestion, de par son caractère transversal, doit faire l'objet d'une réflexion interministérielle, placée sous l'autorité du Premier ministre.

Comme vous le soulignez à juste titre, de nombreux organismes interviennent dans le domaine du numérique. Ainsi, pour les seuls départements ministériels, je citerai le ministère de l'économie, des finances et de l'emploi, qui a en charge le secteur des communications électroniques et les industries du numérique, le ministère de la culture et de la communication, responsable de la politique audiovisuelle, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'utilisation et de la diffusion auprès du grand public des nouvelles technologies de l'information et de la communication, à travers la délégation aux usages de l'internet, et le ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, pour l'administration électronique.

Face à ce qui pourrait être regardé comme un morcellement, voire une dispersion de l'action publique, l'idée que vous avancez d'un commissariat peut paraître a priori séduisante.

Par ailleurs, le développement du numérique se traduit par de grands chantiers qui nécessitent une implication forte des pouvoirs publics : le développement de la télévision numérique terrestre ; l'arrêt de la télévision analogique, que l'ensemble des orateurs a rappelé, avec en toile de fond la question du dividende numérique ; le développement du très haut débit, c'est-à-dire le déploiement de la fibre optique jusque dans les logements, et M. Retailleau a évoqué les problèmes de verticalité que cela pose ; ou encore l'administration électronique.

Ainsi, compte tenu de l'importance du numérique, une articulation cohérente de l'action de l'État paraît indispensable. Certains facteurs plaident donc en faveur de la création d'un commissariat au numérique pour coordonner ne serait-ce que les quatre ministères précités : de fait, cette question, monsieur Retailleau, ne saurait être éludée.

Je me dois néanmoins d'apporter quelques éléments d'éclairage qui peuvent nuancer ce besoin spécifique de coordination.

D'abord, une certaine dispersion de l'action publique dans le domaine du numérique est difficilement évitable. La modernisation de l'État, par exemple, repose largement sur la diffusion du numérique dans les processus internes à l'administration et dans les relations entre l'administration et les citoyens ou entre l'administration et les entreprises, c'est-à-dire sur l'administration électronique. Le développement de cette dernière nécessite en lui-même une certaine coordination, qui est assurée aujourd'hui par la DGME, la direction générale de la modernisation de l'État, mais qui relève avant tout de l'action de chaque ministère. Il est donc naturel que tous les ministres se sentent concernés par l'administration électronique et, à leur niveau, prennent des initiatives dans ce domaine.

M. Bruno Retailleau. C'est bien !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Ensuite, il serait peut-être un peu exagéré d'affirmer qu'il n'y a aujourd'hui aucun pilotage de l'action publique en matière de numérique. Dans ce domaine comme dans d'autres, le Premier ministre assure la cohérence de l'action gouvernementale, notamment à travers le Comité interministériel pour la société de l'information, le CISI.

Monsieur Retailleau, vous avez, comme les orateurs qui vous ont succédé, mentionné les arbitrages nécessaires sur la question du dividende numérique. L'attribution et la dévolution de ce dividende numérique constituent un sujet crucial, mais qui n'est pas symptomatique d'un manque de pilotage dans l'action de l'État, bien au contraire.

M. Jacques Valade. C'est vrai !

M. Pierre Hérisson. C'est tout à fait exact !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. En effet, les arbitrages nécessaires ont jusqu'ici été rendus en temps utile.

Fort opportunément, le Premier ministre a publié ce matin même - comme s'il voulait éclairer la Haute Assemblée en temps réel ! - un communiqué dans lequel sont précisées les directives qu'il fixe à l'Agence nationale des fréquences concernant la conférence mondiale des radiocommunications d'octobre 2007. L'Agence, selon ce communiqué, « devra contribuer au processus d'identification d'une sous-bande de fréquences dont la vocation sera définie ultérieurement ».

M. Pierre Hérisson. Très bien !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. « Les positions défendues par la France au sein des instances internationales, doivent préserver l'éventail des choix possibles. C'est une condition pour que le débat sur le dividende numérique puisse avoir lieu de manière ouverte le moment venu. »

M. Bruno Retailleau. C'est parfait !

M. Jacques Valade. C'est ce que nous souhaitons !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. « Pour préparer ce débat, le Premier ministre souhaite une analyse approfondie et partagée. »

M. Jacques Valade. Très bien !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. « Celle-ci devra identifier les meilleurs usages possibles des fréquences libérées, en tenant compte de l'intérêt social, économique et culturel ainsi que des perspectives de développement de l'audiovisuel et des technologies de l'information. »

M. Pierre Hérisson. Très bien !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. « Cette analyse sera conduite dans le cadre du Comité stratégique pour le numérique (CSN), placé auprès du Premier ministre.

« Enfin, le Premier ministre veut associer dès à présent pleinement le Parlement à ce débat d'importance nationale. » Il a donc demandé « aux présidents du Sénat et de l'Assemblée nationale de constituer la commission parlementaire du dividende numérique, instituée par la loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur ».

M. Jacques Valade. Pour nous, c'est fait !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. « Composée de quatre sénateurs et de quatre députés, cette commission devra se prononcer sur l'utilisation des fréquences libérées par l'arrêt de la diffusion analogique de la télévision. »

Je note la célérité du Sénat, qui a déjà décidé, pour la part qui le concerne, de la composition de cette commission, et je voudrais l'en féliciter : le train des sénateurs est assez véloce ! (Sourires.)

M. Bruno Retailleau. Plus que celui des députés, en l'occurrence !

M. Pierre Hérisson. C'est un TGV ! (Nouveaux sourires.)

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. En fait, on le constate, l'option en faveur de laquelle vient d'arbitrer le Premier ministre maintiendra ouvertes toutes les possibilités, à l'échelon national, sur cette question fondamentale du dividende numérique.

La position retenue ne préjuge en rien l'affectation des fréquences concernées. Celle-ci se fera, après l'extinction de la télévision analogique, dans le plein respect du développement des usages audiovisuels prévu par la loi du 5 mars 2007.

Pour ma part, vous m'autoriserez à formuler le souhait que la décision qui a été prise permette l'ouverture d'un débat clair...

M. Jacques Valade. Et serein !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. ... sur l'utilisation de cette ressource rare, et un choix ambitieux dans l'intérêt de la France et du numérique pour tous.

Autre question importante : M. Valade, M. Lagauche et M. Ralite m'ont demandé pourquoi ne pas attendre 2011 pour permettre une éventuelle utilisation de la bande UHF par des services innovants de téléphonie mobile. C'est que la mise en conformité avec le plan de Genève négocié en 2006 nécessitera, à l'extinction de la télévision analogique, c'est-à-dire à la fin de 2011, de procéder à un large processus de réaménagement des fréquences. Attendre la conférence mondiale de 2011 pour ouvrir la possibilité d'une utilisation éventuelle d'une partie de la bande par les services mobiles empêcherait, le cas échéant, de profiter de ce réaménagement pour la libérer.

À supposer que la libération ultérieure des fréquences correspondantes soit encore possible, elle ne pourrait alors intervenir que largement après 2011, sans compter le temps incompressible de développement des équipements de communications électroniques correspondants. Dans cette course, à n'en pas douter, les industriels européens seraient alors irrémédiablement dépassés par leurs concurrents d'autres zones économiques ayant décidé cette ouverture dès 2011, car ceux-ci disposeraient d'investissements déjà rentabilisés sur leurs marchés domestiques.

Enfin, monsieur Retailleau, je rappelle qu'il s'agit ici de trancher non pas entre des ministres ou entre des autorités indépendantes, mais entre des usages - tous ayant une légitimité - des fréquences que libérera l'arrêt de la télévision analogique.

M. Jacques Valade. Nous sommes d'accord !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Qu'il existe ou non un commissariat au numérique, vous en conviendrez, la question est d'importance et nécessitera une décision du Premier ministre.

Par ailleurs, la question du dividende numérique est complexe et requiert un travail d'instruction. Le Premier ministre, je l'ai dit, vient de confier cette instruction au Comité stratégique pour le numérique ; nul doute que ce temps d'instruction sera mis grandement à profit.

Toujours en ce qui concerne la réorganisation publique, je voudrais souligner, monsieur Retailleau, que, dans le cas de la télévision mobile personnelle, ou TMP, notre organisation ne semble pas avoir été un frein à la prise de décision. J'ai eu récemment l'occasion de réunir l'ensemble des acteurs industriels concernés afin d'accélérer le lancement de ces services de TMP, qui sont particulièrement porteurs d'avenir, et j'ai signé l'arrêté qui fixe les normes de diffusion de la télévision mobile en France et qui permettra au CSA de lancer avant la fin de ce mois un appel à candidatures.

M. Pierre Hérisson. Très bien !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Je forme le voeu que, à l'occasion des événements sportifs mondiaux de 2008, nous soyons en situation de recevoir la télévision sur nos téléphones mobiles, ce qui nous permettra de suivre en direct les exploits des équipes de France. (Sourires.)

M. Jacques Valade. Croisons les doigts !

M. Bruno Retailleau. Vive les Bleus ! (Nouveaux sourires.)

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Je me réjouis - et je tenais à le souligner, car nous n'en avons pas si souvent l'occasion - de l'attitude très favorable de la Commission européenne, qui soutient totalement notre action dans ce dossier de la TMP comme dans celui du dividende numérique. J'ai récemment rencontré Viviane Reding, et j'ai pu constater combien elle souhaitait accélérer le mouvement européen dans ce domaine.

M. Hérisson m'a interrogé sur le cadre réglementaire européen. Les évolutions importantes sont à venir. Je partage le souci de la commissaire Viviane Reding de faire en sorte que les régulations nécessaires qui se mettent en place dans les vingt-sept États membres soient mieux harmonisées. Mais je serai vigilant, car je ne souhaite pas, je vous le dis tout net, que cette indispensable harmonisation se traduise par une instance bureaucratique supplémentaire, une sorte de « super-régulateur » européen qui emploierait des centaines de personnes.

M. Pierre Hérisson. Absolument !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Ce qu'il faut faire, c'est harmoniser la position des régulateurs nationaux qui existent déjà : ce sera un premier pas très important !

Plus généralement, si l'on en juge par les résultats, il n'est pas du tout certain, monsieur Retailleau, que l'apparente dispersion de l'action publique nuise à notre efficacité dans le domaine du numérique.

M. Bruno Retailleau. C'est le travers gaulois ! (Sourires.)

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Je ne vous apprendrai pas, monsieur le sénateur - vous êtes trop averti de ces questions et la qualité de votre rapport d'information en témoigne -, que nous figurons aujourd'hui dans les premiers rangs en Europe pour ce qui est du haut débit et bientôt du très haut débit. Nous sommes également bien placés pour tout ce qui touche à l'administration électronique, ne serait-ce qu'avec le succès toujours croissant de la télédéclaration d'impôts, même s'il y a eu quelques bugs.

Il reste certes des domaines dans lesquels il est vital de progresser. Nous savons tous que la faiblesse de l'investissement de nos entreprises en matière de technologies de l'information et de la communication nous coûte chaque année plusieurs dixièmes de point de croissance, comme je l'ai indiqué au début de mon propos, et que l'équipement des Français en informatique doit encore progresser. La question est de savoir si un Commissariat au numérique nous permettrait d'apporter une meilleure réponse à ces défis.

Ne sous-estimons pas non plus les difficultés qui pourraient naître de la création d'un tel organisme.

Il s'agit d'abord du risque d'une complexité accrue si ce commissariat ne faisait que se surajouter aux structures existantes sans apporter de simplification.

M. Bruno Retailleau. On supprimerait les structures existantes : il y en a une dizaine à supprimer !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, vous savez très bien que chaque fois que l'on décide de créer un guichet unique, un lieu unique de rassemblement des structures - vous évoquiez à l'instant le « travers gaulois » -, on aboutit malheureusement trop fréquemment à une superposition supplémentaire.

M. Bruno Retailleau. J'espère que ce ne sera pas le cas pour l'ANPE et l'UNEDIC !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Nous verrons !

Il s'agit ensuite du risque de perdre les synergies qu'autorise l'organisation actuelle. Je pense notamment à celles qui découlent du lien entre le pilotage du développement de l'administration électronique et la réforme de l'État ainsi qu'à celles qui naissent de la conjugaison entre l'action de réglementation et de régulation des marchés et le soutien à la recherche et au développement dans le secteur des communications électroniques.

C'est pour exploiter ces synergies qu'ont été rapprochées en 1998, au sein de la direction générale des entreprises, la direction générale des postes et télécommunications et la direction générale des stratégies industrielles.

En conclusion, je voudrais dire que la question de l'organisation de l'action publique dans le domaine du numérique mérite d'être examinée, et je vous remercie, monsieur Retailleau, de l'avoir fait de façon aussi claire et argumentée, tant dans votre rapport d'information qu'aujourd'hui.

J'ai cependant essayé, à mon niveau, de présenter certains arguments qui nous conduisent à privilégier la présence du numérique au sein des missions de l'État et à rester prudent avant d'engager une modification de l'organisation du Gouvernement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, au terme de ce débat, je tiens à vous remercier de votre contribution éminente à ce qui me semble être un débat fondamental pour l'avenir de notre économie, mais plus encore de notre société.

C'est bien un débat de société qui est posé, mais on ne pourra, à mon sens, le trancher qu'en ayant présents à l'esprit tous les défis qu'il nous faudra surmonter, sur le dividende, sur les nouvelles technologies, car ce qui est avant tout en question, c'est la difficulté de notre société et de notre économie à relever le défi de la mondialisation.

Pour ma part, je suis persuadé que nous y répondrons si nous savons utiliser à plein les potentialités que nous donnent aujourd'hui ces nouvelles technologies de l'information et de la communication.

Tout le monde constate aujourd'hui la faiblesse ou l'atonie de la croissance française. Ce n'est pas uniquement affaire de chiffres, monsieur Ralite, car une croissance supérieure permettrait de créer des emplois, d'augmenter le pouvoir d'achat et de fournir des revenus à l'ensemble de nos concitoyens, notamment aux plus modestes. Ce n'est donc pas une question médiocre. Le Gouvernement et sa majorité ont décidé ensemble de surmonter tous ces défis et d'aller pleinement et clairement vers l'avenir que nous offrent ces nouvelles technologies. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Bruno Retailleau. Très bien !

M. le président. Ce débat fut tout à fait intéressant, bien que parfois un peu technique.

En application de l'article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures vingt, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Roland du Luart.)

PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

6

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour un rappel au règlement.

M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, mon rappel au règlement est fondé sur l'article 32 relatif à l'organisation de nos travaux.

Aux alentours de midi, les membres de la commission des finances du Sénat ont été avisés par voie électronique de l'audition ce soir, dans le cadre des auditions publiques organisées sur le rôle de l'État dans l'affaire EADS, de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, qui nous fait d'ailleurs l'honneur d'être présente cet après-midi en séance publique.

Même si ce rendez-vous a sans doute été pris en fonction des disponibilités de Mme la ministre, vous ne pouvez pas nous empêcher d'élever la plus vive protestation à l'encontre d'une décision tendant, de fait, à priver la majorité de nos collègues de pouvoir assister à cette audition publique.

Alors même que nous pouvons nous étonner qu'il n'ait fallu qu'une semaine aux services de l'État pour examiner une situation qui n'avait préoccupé personne, ou presque, pendant cinq ans, nous apprenons, par voie de presse, que le produit des investigations de Bertrand Schneiter, missionné à cet effet par Mme la ministre, sera rendu public à cette occasion.

La méthode retenue pour organiser ces auditions est, à notre avis, particulièrement discutable. Plus que jamais, dans cette affaire, les conditions de la transparence ne sont pas réunies.

Par ailleurs, l'apparente précipitation dont certains ont fait preuve ne favorise pas un travail efficace du Parlement, pourtant porteur de l'intérêt général et expression de la représentation populaire.

Comment ne pas pointer également le fait que, dans le document public concernant la présentation de ses résultats au premier semestre 2007, le groupe Lagardère annonce que la cession des titres EADS lui a procuré une plus-value nette de 472 millions d'euros, somme qu'il convient sans doute de rapprocher des pertes subies par la Caisse des dépôts et consignations sur les obligations convertibles qu'elle a acquises ?

En tout état de cause, la demande de constitution d'une commission d'enquête que nous avons formulée voilà deux jours trouve ici, plus que jamais, toute sa raison d'être. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. Je vous donne acte de votre déclaration, mon cher collègue.

Je rappelle que la commission des finances est souveraine, qu'elle organise son travail comme elle l'entend et qu'elle est particulièrement honorée d'entendre, à tout moment, Mme Lagarde.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je souhaite, au nom de la commission des finances, répondre à ce rappel au règlement.

Je suis particulièrement surpris des propos de notre collègue Thierry Foucaud, car c'est bien la commission des finances du Sénat qui, la première, a réagi, en organisant des auditions publiques, ouvertes à tous. Tous les sénateurs intéressés ont donc pu entendre, vendredi dernier, Thierry Breton, puis, cette semaine, le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations et son directeur des finances, ainsi que le président de la SOGEADE, le holding qui détient les participations françaises dans EADS. Nous travaillons en temps réel et de manière tout à fait transparente.

Vous le savez bien, mon cher collègue, et le président Jean Arthuis l'a rappelé hier en commission, le processus de constitution d'une commission d'enquête est long et lourd. En effet, il faut au moins trois semaines, voire un mois, pour mettre en place le bureau d'une commission d'enquête, disposer d'un secrétariat et être opérationnels pour commencer les auditions de telle ou telle personnalité.

À preuve, référez-vous à la commission d'enquête que l'Assemblée nationale vient seulement de mettre en place sur les conditions de libération des infirmières bulgares...

M. Philippe Marini, rapporteur général. ...et rappelez-vous la date à laquelle ces malheureuses ont été libérées. Voyez la lourdeur du processus !

Ce que nous faisons est à la fois beaucoup plus concret, plus utile, tout aussi ouvert, et beaucoup plus opérationnel.

Monsieur Foucaud, vous êtes intervenu lors de chacune des séances de commission,...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On n'a pas fini de le faire !

M. Philippe Marini, rapporteur général. ... et vous êtes le bienvenu ce soir. Nous connaissons votre assiduité et votre intérêt pour ces sujets. La commission souhaite bien entendu que vous-même et les membres du groupe CRC preniez toute votre part dans les débats qui ne manqueront pas de s'instaurer.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je ne veux pas prolonger le débat, mais, puisque l'opposition est en quelque sorte interpellée, je souhaite dire quelques mots.

Les sénateurs savent très bien qu'une commission d'enquête et une audition par la commission des finances, ce n'est pas la même chose.

Reconnaître les droits des parlementaires, c'est non pas leur offrir la possibilité d'assister à des auditions organisées selon le bon vouloir de la commission des finances, mais répondre favorablement à une demande de constitution d'une commission d'enquête quand des problèmes graves se posent. Le fonctionnement d'une commission d'enquête est fort différent, notamment avec le serment prêté par les personnes auditionnées et les moyens d'investigation dont bénéficient les parlementaires.

J'ajoute qu'interrogé ce matin sur la commission d'enquête que l'Assemblée nationale a décidé de créer sur les conditions de la libération des infirmières bulgares, Axel Poniatowski, à qui l'on demandait si la majorité avait bien fait d'accepter la demande formulée par l'opposition, a répondu : quand on n'a rien à cacher, il n'y a aucune raison de refuser une commission d'enquête. Votre exemple était donc mal choisi, monsieur le rapporteur général. Si vous avez refusé la création d'une commission d'enquête sur EADS, c'est que vous avez des choses à cacher et que vous ne voulez pas donner au Parlement les moyens de mener des investigations.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. J'en donne acte à la commission des finances, le président Jean Arthuis a annoncé hier matin, à l'issue tardive de l'audition des responsables de la Caisse des dépôts et consignations, qu'il examinait la possibilité d'auditionner Mme Lagarde à propos du rapport qu'elle avait demandé sur l'action des services de son ministère et qui devait être publié aujourd'hui même. Nous sommes convenus de le faire, dans la mesure du possible, au moment où Mme le ministre serait disponible.

Il n'en demeure pas moins que je partage complètement, au nom du groupe socialiste, la revendication de la création d'une commission d'enquête, bien que cette procédure soit lourde à mettre en place, et même si je salue la diligence de la commission des finances, qui a pris une initiative heureuse au moment où il le fallait.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Merci !

Mme Nicole Bricq. Hier matin, au nom de mon groupe, j'ai demandé l'audition des partenaires privés, les représentants du groupe Lagardère et ceux d'Ixis, qui a servi d'intermédiaire entre le vendeur et l'acheteur de ce fameux paquet d'actions de EADS. Or ma demande est encore sans réponse.

Si une commission d'enquête était créée, il est évident que nous pourrions entendre tous les protagonistes de cette affaire. Tant que nous ne saurons pas si nous pouvons les auditionner, nous continuerons à demander la constitution d'une commission d'enquête. En effet, il n'est pas vrai que cette affaire sera bouclée, comme vous semblez le croire, en une semaine !

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Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans les domaines économique et financier
Discussion générale (suite)

Droit communautaire dans les domaines économique et financier

Adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans les domaines économique et financier
Article 1er

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, après déclaration d'urgence, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans les domaines économique et financier (n° 443, 2006-2007 ; n° 11).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, à l'heure où la France fait son retour en Europe, je suis heureuse de venir présenter devant vous un projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans les domaines économique et financier.

Ce texte nous permettra non seulement de transposer plusieurs directives dont les délais arrivent à échéance, mais également de nous mettre en conformité avec le droit européen, en tirant les conséquences dans notre droit interne de règlements déjà en vigueur.

La meilleure preuve de notre attachement à l'Europe et au droit européen, c'est tout simplement de respecter ses règles. On ne peut pas, d'un côté, faire de grands discours sur la construction européenne et, de l'autre, prendre de mauvaises habitudes. Si nous voulons que nos concitoyens respectent l'État français comme un État de droit, celui-ci se doit de montrer l'exemple. Voilà pourquoi nous avons déclaré l'urgence sur ce texte.

L'Europe offre à la France de formidables opportunités de développement économique.

Notre projet de loi porte sur des domaines aussi divers que les assurances, la finance ou les télécommunications. On y retrouve cependant les grandes lignes du projet européen : plus de garanties pour les individus, plus de mobilité pour les personnes et une meilleure régulation pour les marchés. C'est à travers ce triple prisme que j'aimerais vous présenter ce texte.

Plus de garanties pour les individus, ce doit être une évidence pour des sociétés aussi prospères, aussi libres, en un mot aussi civilisées, que les nôtres. Qu'est-ce que l'Europe, sinon la patrie des individus ?

On consomme aujourd'hui, on épargne pour demain et on s'assure pour après-demain. Nous allons renforcer sur ces trois plans les garanties déjà existantes.

L'article 10 du projet de loi, en adaptant le code de la consommation aux exigences du règlement communautaire 2006/2004/CE, va permettre aux services de l'État d'agir davantage dans l'intérêt des consommateurs, en mettant en oeuvre leurs pouvoirs d'injonction et d'action en cessation devant la juridiction civile, quand bien même aucune sanction pénale n'est prévue par la loi.

La France, première destination touristique au monde, aura les moyens de coopérer pleinement avec les autres États membres de l'Union européenne pour faire cesser les pratiques illicites, notamment en matière de publicité mensongère, de forme et de reconduction des contrats, de garantie des produits, et de clauses abusives.

Je vais vous donner un exemple. Des consommateurs français ont acheté des meubles sur Internet à un antiquaire anglais, qui a encaissé l'argent mais n'a pas délivré la marchandise. Désormais, ces consommateurs pourront s'adresser directement à la DGCCRF, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, qui se mettra alors en relation avec son homologue britannique. La réciproque est bien sûr vraie, par exemple pour des touristes de l'Union européenne qui seraient victimes d'une escroquerie en France.

Plus largement, l'article 10 donne davantage de moyens à la DGCCRF pour remplir ses missions. Dans le domaine de l'immobilier, si sensible pour beaucoup de nos concitoyens, ce sont les professionnels eux-mêmes qui ont demandé un renforcement des procédures de contrôle, afin d'assainir leur réputation qui est, selon eux, quelquefois entachée. Les agents de la DGCCRF pourront demander, à tout moment, la carte professionnelle des agents immobiliers, et vérifier que les propriétaires leur ont bien octroyé un mandat en bonne et due forme pour chaque bien mis en vente.

Ce qu'on ne consomme pas aujourd'hui, on pense bien souvent à le mettre de côté pour demain. Voilà pourquoi l'article 6 vise à supprimer toute base légale à la non-rémunération des dépôts. Certes, un arrêté du 8 mars 2005 a déjà tiré les conséquences de la jurisprudence communautaire qui a prohibé le principe de la non-rémunération des comptes courants. Mais la Commission européenne a confirmé dans un avis récent que la France ne doit pas se contenter de cet arrêté mais doit aller plus loin en inscrivant dans la loi le principe selon lequel la rémunération des comptes courants ne peut être interdite.

Désormais, le droit rejoindra la pratique. Les banques pourront proposer à leurs clients de rémunérer leurs comptes courants conformément aux nouvelles dispositions législatives.

Chacun et chacune d'entre nous consacre une partie de ses revenus à s'assurer contre les risques à venir. En transposant l'article 5 de la directive 2004/113/CE, dite « directive homme-femme », l'article 9 de ce projet de loi rappelle ainsi le principe de non-discrimination en fonction du sexe dans le domaine des assurances.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne vous détaillerai pas les différences existant irrémédiablement entre les hommes et les femmes, que la loi ne saurait abolir. Elles justifient en tout cas d'inscrire dans notre droit la possibilité qu'ont les assureurs de proposer des contrats distincts aux représentants des deux sexes. C'est une pratique tarifaire courante dans notre pays, que partagent d'autres États membres de l'Union, comme l'Allemagne ou le Royaume-Uni. Bien entendu, il n'est pas question d'en faire une obligation : les assureurs restent libres de leur choix en ce domaine, et peuvent décider de n'exercer aucune discrimination.

Les différenciations objectives entre les deux sexes s'appuient sur des critères statistiques. Par exemple, si la prime d'assurance décès peut être moins chère pour les femmes, c'est parce que, statistiquement, elles vivent plus longtemps que les hommes. Autre exemple : si la prime d'assurance automobile peut être plus élevée pour les hommes, c'est parce que les accidents qui les concernent sont en moyenne plus graves que ceux des femmes.

Vous le constatez, il y a des injustices de nature dont il est juste que les assureurs puissent tenir compte.

M. le président. C'est vrai !

Mme Christine Lagarde, ministre. Plus de mobilité pour les personnes, c'est sans doute pour nos concitoyens la traduction la plus évidente du projet européen. Elle implique de pouvoir se déplacer sans inconvénients, travailler à l'étranger dans de bonnes conditions et bien sûr, communiquer à des prix raisonnables d'un pays à l'autre.

Se déplacer, ce n'est pas seulement franchir des frontières. C'est aussi pouvoir bénéficier des mêmes services sur l'ensemble du territoire européen. Voilà pourquoi l'article 1er de notre projet de loi achève la transposition de la directive 2005/14/CE relative à l'assurance des véhicules automobiles. Un assureur ne pourra plus désormais résilier un contrat de responsabilité civile automobile ou modifier la prime correspondante au motif que le véhicule séjourne, pendant la durée du contrat, dans un autre État membre.

Travailler à l'étranger, c'est possible depuis longtemps. Les diplômes et l'expérience professionnelle sont reconnus partout en Europe.

Mais à l'heure actuelle, ce ne sont pas moins de quinze directives différentes qui assurent la reconnaissance des qualifications professionnelles.

L'article 5 du projet de loi habilite donc le Gouvernement à transposer la directive 2005/36/CE, qui harmonise et simplifie tous les textes précédents. Grâce à quelques aménagements mineurs, ce sont plus de cent professions, couvrant tous les secteurs d'activité, qui relèveront désormais de la même base juridique et pourront être reconnues dans n'importe quel pays membre. Aussi la circulation des personnes qualifiées en Europe deviendra-t-elle à la fois plus simple pour les citoyens et plus sûre pour les États.

La nouvelle directive a également l'intérêt d'organiser la libre prestation de services à l'échelon européen.

Pour téléphoner d'un pays européen à l'autre sans se ruiner, le règlement (CE) 717/2007 du 27 juin dernier impose déjà aux opérateurs de téléphonie mobile des plafonds tarifaires. Mais ce règlement ne s'applique pas au sein d'un même pays, alors que plusieurs milliers de kilomètres peuvent séparer les territoires ultramarins de la métropole, faisant considérablement augmenter les factures de téléphone portable. Par exemple, un Roumain en vacances en Martinique paye aujourd'hui ses appels vers Paris moins cher qu'un commerçant nantais venu pour affaires !

Afin de remédier à cette situation pour le moins paradoxale, les articles 3 et 4 du projet de loi étendent la portée des plafonds tarifaires à l'itinérance entre la métropole et l'outre-mer.

Une meilleure régulation pour les marchés, c'est peut-être la tâche la plus urgente des gouvernements européens. Je tire deux grandes leçons de la crise financière - ou des turbulences financières, selon la formulation que l'on souhaite employer - de cet été, qui vous sembleront au premier abord contradictoires.

Première leçon, notre place financière a montré ses atouts, en résistant mieux que d'autres. Les efforts de sécurité et de stabilité que nous avons menés se sont révélés payants. Ce qui prouve que la régulation n'entrave pas le bon fonctionnement du marché, mais que, au contraire, sur des marchés aussi sophistiqués que les marchés financiers, elle peut s'avérer extrêmement favorable.

Seconde leçon, les turbulences n'ont épargné personne. Aucune réglementation, aucun barrage, aucune frontière ne met aujourd'hui un pays à l'abri, d'autant qu'elles se propagent rapidement, en particulier par la voie des nouvelles technologies.

Ce paradoxe apparent entre la capacité de résistance qui découle d'une bonne régulation et la potentielle diffusion internationale de la crise s'évanouit si l'on considère que la régulation est par nature transnationale. Pour être bien protégé, il faut s'ouvrir à ces mécanismes de régulation. Pour tirer son épingle du jeu, il faut jouer à plusieurs.

Notre politique de régulation doit donc reposer sur trois piliers : l'intégration des marchés, la transparence des transactions et la compétitivité de la Place, en particulier de celle de Paris. Intégration, parce que la régulation est plus efficace sur un marché non cloisonné. Transparence, parce que la régulation doit pouvoir s'appuyer sur des informations connues de tous. Compétitivité, parce qu'une régulation intelligente et conférant un niveau suffisant de sécurité intéressera les investisseurs et les opérateurs internationaux.

Le projet de loi qui vous est soumis répond parfaitement à cette triple logique.

Plus d'intégration, d'abord : l'article 7 de notre projet de loi vient ratifier quatre ordonnances de transposition, dont celle qui concerne les marchés d'instruments financiers, mieux connue sous la dénomination MIF, et celle qui porte sur les règles prudentielles applicables au secteur bancaire, dénommée « Bâle II ».

La directive MIF améliore l'intégration des marchés européens en supprimant la possibilité pour les États membres d'édicter un principe de centralisation des ordres sur les marchés réglementés. La concurrence entre les différentes bourses européennes sera donc accrue pour permettre une meilleure négociabilité des actions ; et qui dit concurrence dit évidemment, et nous la souhaitons, réduction des frais de transaction pour les investisseurs.

La place de Paris, notamment grâce à la fusion entre NYSE et Euronext, se situe en bonne position. Nous devons y prendre garde. D'autres places européennes veillent ; nous ne sommes pas seuls.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !

Mme Christine Lagarde, ministre. Moins de réglementation ne signifie pas moins de régulation : la directive MIF renforce les moyens de coopération entre superviseurs européens en matière d'échange d'informations. Cette coordination a été l'un des ressorts essentiels de la capacité de réaction des places financières françaises, et en particulier du système bancaire et du système d'accès à la liquidité dans les jours qui ont suivi les effets en Europe des turbulences du marché américain des subprimes.

Au niveau non plus européen, mais international, la directive « Bâle II » modernise les règles prudentielles appliquées au système bancaire, en garantissant une meilleure adéquation entre l'exigence de fonds propres et le niveau de risque. À terme, grâce à cette directive, toutes les banques du monde devraient être soumises aux mêmes principes fondamentaux, que l'on pourrait appeler des « principes de précaution universels ».

Plus de transparence, ensuite : l'article 8 de notre projet de loi a pour objet de compléter la transposition de la directive dite « Transparence », transposition déjà menée à bien dans la loi du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l'économie, mais qui nécessite quelques précisions, notamment sur le champ territorial des pouvoirs de l'Autorité des marchés financiers en matière de contrôle des franchissements de seuil. Ces modifications sont rendues d'autant plus nécessaires que l'ensemble des grands acteurs ignorent les frontières et que, en la matière, les franchissements de seuil doivent faire l'objet d'une déclaration extrêmement rigoureuse.

Plus de compétitivité, enfin : c'est dans cette optique que j'ai décidé de mettre en place un Haut Comité de Place, chargé d'identifier les freins au développement de la Place de Paris comme place financière d'excellence, de proposer des solutions pour les lever et d'élaborer une stratégie de développement.

Pour peu que l'on fasse un petit effort, Paris dispose de tous les atouts pour redevenir la grande place financière qu'elle était encore voilà quelques années, en offrant un environnement plus agréable. Mais est-il besoin de vanter la qualité de Paris ? Nous sommes, aux yeux des investisseurs, en concurrence avec la place de Londres ; nous la devançons même si l'on en croit certaines enquêtes. Paris offre en tout cas un environnement plus sûr, plus stable, et mieux coordonné qu'ailleurs.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Avec un peu moins de brouillard !

Mme Christine Lagarde, ministre. Vous avez raison, monsieur le rapporteur général.

L'article 2 de notre projet de loi poursuit un objectif semblable. En permettant la transposition de la directive 2005/68/CE relative à la réassurance, il habilite le Gouvernement à moderniser par voie d'ordonnance le cadre juridique applicable aux fonds communs de créances, et notamment à élargir leur objet à la titrisation des risques d'assurance. Ces opérations, déjà pratiquées dans d'autres pays et jusqu'à aujourd'hui malaisées à réaliser en France, permettront aux assureurs de rechercher des garanties au-delà du marché traditionnel de la réassurance, en l'ouvrant à de nouveaux investisseurs et en tirant parti du dynamisme des marchés financiers.

Le coût de la réassurance devrait donc baisser sous l'effet de la concurrence et d'un accès plus large aux marchés financiers. Les différents acteurs du secteur pourront faire en France, dans de bonnes conditions, ce qui suppose aujourd'hui d'effectuer des montages complexes ou de passer par d'autres places financières. À l'heure où la titrisation suscite tant de débats, montrons qu'une bonne titrisation est possible, dès lors qu'un cadre réglementaire sérieux est mis en place.

Par ailleurs, cette même directive crée un « passeport européen ». L'agrément unique par l'autorité du pays d'origine permettra donc d'exercer l'activité de réassurance dans l'ensemble de l'Espace économique européen. Voilà encore un bon exemple d'intégration des marchés.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j'espère vous avoir convaincus que le strict respect des normes européennes ne s'oppose pas, bien au contraire, à l'élaboration d'une véritable politique économique pour notre pays, une politique pragmatique dans ses moyens, mais fondée sur des convictions fortes.

Parce que nous croyons à l'individu, nous voulons lui donner les moyens de s'épanouir. Parce que nous croyons à l'Europe, nous voulons lever les derniers obstacles à la libre circulation des personnes. Parce que nous croyons à l'activité économique dans le cadre d'un marché, nous voulons trouver pour ces marchés la meilleure régulation possible. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le projet de loi dont nous abordons l'examen est d'apparence ingrate. Il se situe entre transposition et habilitation.

Mme le ministre de l'économie, des finances et de l'emploi en a exposé la substance. Je ne reviendrai donc guère sur les aspects descriptifs du projet de loi, car je suis très largement d'accord, pour ne pas dire entièrement, avec ce qu'elle vient d'exposer.

Au début de ce bref propos, je tiens à préciser que, malgré leur caractère ingrat, la commission des finances prend très au sérieux ce type de textes.

Nous considérons que notre place est souvent à Bruxelles, auprès des services de la Commission, quand les idées naissent, qu'elles peuvent exercer une influence et déboucher sur de nouvelles normes.

Notre droit évolue beaucoup. Même s'il est encore dans une large mesure le droit positif auquel nous étions accoutumés, il est de plus en plus influencé par d'autres ordres de normes et par un corpus de jurisprudences qui, chaque année, se précisent davantage.

Notre rôle est d'être au fait de ces sujets et en mesure de comprendre les idées qui s'expriment afin de pouvoir faire état de nos propres priorités. Ainsi, nos intérêts seront mieux pris en compte et, le moment venu, le Parlement, mais aussi le Gouvernement, sera parfaitement informé des enjeux.

La transposition est le bout de la chaîne. Or, aujourd'hui, les enjeux, ce sont les textes communautaires en cours d'élaboration, car, par définition, ils feront l'objet des transpositions de demain et d'après-demain.

Je souhaitais rappeler ces évidences au moment d'aborder les textes qui nous intéressent aujourd'hui.

Je rappelle également que, à plusieurs reprises, la commission des finances a souhaité intervenir dans les débats. Qu'il s'agisse, par exemple, des fonds communs de créances ou de la directive sur les marchés d'instruments financiers, la directive MIF, nous avons à plusieurs reprises exposé nos préoccupations et nous nous sommes efforcés de jouer un rôle dans le processus qui a conduit au texte communautaire, puis à sa transposition aujourd'hui.

Par ailleurs, compte tenu de la gestion si difficile du temps parlementaire, bien des sujets techniques ne peuvent être mis en forme que dans le cadre d'habilitations. Plusieurs articles du projet de loi que nous examinons aujourd'hui visent à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance.

À cet égard, je tiens une nouvelle fois à rappeler, mes chers collègues, que la procédure des ordonnances n'est ni un renoncement ni un dessaisissement total du Parlement, car il lui appartient, d'une part, d'habiliter le Gouvernement sur le fondement de principes et non point à l'aveugle, d'autre part, de ratifier, le moment venu, éventuellement après les avoir amendés, les textes issus du travail de l'exécutif.

Le présent projet de loi comporte deux séries de dispositions : les unes sont d'ordre économique, et non d'ordre financier à proprement parler ; les autres sont véritablement au coeur de nos systèmes financiers.

Les articles 3 et 4 ne présentent que des avantages puisqu'ils permettront aux Français et aux résidents des collectivités d'outre-mer de bénéficier de meilleures conditions tarifaires pour leurs communications, notamment téléphoniques.

L'article 10, qui tire opportunément les conséquences du règlement communautaire d'octobre 2004, vise à protéger les consommateurs. Madame le ministre, les explications de vos services concernant les conséquences de cet article sur les pouvoirs, les moyens de travail et les modes d'investigation de la DGCCRF nous ont convaincus.

En revanche, en l'état actuel des choses, nous ne sommes pas tout à fait convaincus par la demande d'habilitation de l'article 5 - il concerne un très grand nombre de professions, probablement plus d'une centaine -, car nous n'en connaissons pas le contour exact.

De plus, cet article concerne non pas les conditions d'établissement définitif sur notre territoire, mais celles dans lesquelles un professionnel d'un autre pays de l'Union peut exercer son métier à titre temporaire sur notre sol. Il s'agit donc de la question de la libre prestation de services. Aussi voudrions-nous être assurés, madame le ministre, que nous ne démonterons pas nos défenses ou nos protections plus que les autres et à un rythme plus rapide que celui qui a été choisi par les autres.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Pour l'heure, nous ne disposons pas de toutes les informations qui nous seraient utiles.

Par nature, nous sommes méfiants sur ce type de sujets, car nous savons quelles difficultés peuvent poser les approches corporatives. Nous savons aussi que le contexte dans lequel travaille la commission de Jacques Attali fait un peu peur à certaines professions dans notre pays.

Il est donc nécessaire que vous nous éclairiez sur la portée exacte de cette habilitation, que vous nous indiquiez les principes sur lesquels le Gouvernement compte s'appuyer pour rédiger les textes et que vous nous rassuriez sur la nécessaire concertation avec les professionnels. Si vous vous montrez suffisamment convaincante, madame le ministre, nous pourrons aller au-delà de l'amendement de suppression que nous avons adopté en commission.

J'en viens aux aspects financiers à proprement parler de ce texte. Nous abordons par plusieurs aspects les questions relatives à la supervision du système bancaire et financier, ainsi qu'à celle des marchés, dans un contexte caractérisé par l'insécurité résultant de ce que j'appellerai la « crise financière de l'été ». Pour ma part, je préfère cette expression à celle de « crise des subprimes », car j'ai le sentiment que si l'onde n'était pas venue de cette catégorie d'actifs, la crise aurait pu se produire un autre jour, à partir d'une autre catégorie d'actifs.

S'agissant des propositions qui nous sont faites en vue de transposer la législation communautaire, nous vous soutiendrons, madame le ministre, et ce au nom de la compétitivité. À cet égard, je tiens à rappeler, particulièrement aujourd'hui, après le vote de la commission des finances de l'Assemblée nationale sur un sujet lié à la fiscalité des valeurs mobilières, que la commission des finances du Sénat a, en la matière, un objectif essentiel, qui mérite beaucoup de sacrifices, à savoir la compétitivité et l'attractivité de notre territoire.

Si nous avons parfois quelques doutes sur ce qu'il convient de faire, nous donnons la priorité à la compétitivité, à l'attractivité. Nous pensons en effet que c'est la seule solution pour élargir la masse globale des richesses sur laquelle notre pays peut compter et que l'État peut taxer. Il vaut mieux en effet taxer une assiette large plutôt qu'une assiette étroite.

M. Charles Pasqua. Très bien !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Sur le fondement de ce vieux principe, nous nous convainquons chaque jour davantage, madame le ministre, que c'est bien une politique de compétitivité et d'attractivité qu'il faut mener. Vous devez donc être totalement soutenue dans vos efforts pour renforcer les caractères propres et l'attractivité de la place financière de Paris.

Je reviens un instant sur la supervision, qui est un élément clé en termes d'attractivité, car celle-ci est le fruit d'un équilibre entre l'activité, ou la fluidité, et la sécurité. S'il faut beaucoup de mouvements, il faut également une grande transparence. Aux yeux des observateurs internationaux et de l'ensemble des investisseurs, l'efficacité de la supervision est une variable clé. Les systèmes de supervision sont mis en concurrence les uns avec les autres, comme tout aujourd'hui dans le monde global.

L'originalité de la crise financière de l'été, c'est le mécanisme à la fois transversal et global de diffusion de l'onde de choc. Pour prendre un exemple, une Landesbank, celle de Saxe, a perdu l'essentiel de ses fonds propres après avoir souscrit à un fonds monétaire dynamique, ou à une série d'instruments de cette nature, dont les actifs comportaient des dérivés de crédits, eux-mêmes représentatifs de risques pris sur des emprunteurs qui se sont révélés non solvables. C'est le fait que les risques ne connaissent plus de frontières qui nous conduit à rappeler, mais vous en êtes convaincue, madame le ministre, que les principes de la régulation doivent évoluer.

Notre système de régulation, même s'il a fait beaucoup de progrès ces dernières années et au fil des lois que nous avons votées, notamment la loi de sécurité financière de 2003, se caractérise par une certaine verticalité.

Les banques sont contrôlées par la Commission bancaire, les assurances par l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles, les marchés, les entreprises de marché ainsi que les organismes de placement divers et variés étant contrôlés par l'Autorité des marchés financiers.

Nous savons que ces autorités correspondent entre elles, qu'elles ont des rendez-vous réguliers, mais il n'en demeure pas moins que, malgré cette coordination, les règles appliquées sont celles de chaque secteur, ce qui peut, le cas échéant, faire obstacle à une prise en compte globale et réaliste des risques.

Madame le ministre, la commission des finances, qui s'est penchée plusieurs fois sur ces sujets et a exprimé ses convictions, souhaite que l'on veuille bien réfléchir à une évolution de l'architecture de notre système de régulation.

Certes, le président Arthuis et moi n'avons pas toujours les mêmes approches sur l'organisation européenne. En revanche, s'agissant du sujet que je viens d'aborder, nous considérons tous les deux que les régulateurs devront se rapprocher non seulement sur le plan national, mais également à l'échelon européen.

En effet, la Banque centrale européenne a besoin de disposer de tous les tableaux de bord, de tous les éléments d'appréciation et de toutes les données issues du système de régulation, afin que ses interventions soient bien proportionnées, suffisamment réactives et de nature à susciter la confiance des marchés et de l'ensemble des professionnels.

Or deux difficultés structurelles existent encore. Certes, il n'est naturellement pas question ici de critiquer la Banque centrale européenne dans l'exercice de ses responsabilités, responsabilités qui sont précisément décrites par les traités et qu'elle ne peut qu'appliquer. Mais des difficultés réelles existent bien. Je pense notamment, d'une part, au caractère relativement diffus des systèmes de régulation et, d'autre part, au flou, voire au vide, où peuvent se trouver certains interlocuteurs importants pour apprécier la réalité des risques. C'est en particulier le cas pour les agences de notation.

À ce propos, je me permets de vous faire part d'un souvenir tout à fait précis. En 2003, à l'occasion de l'examen du projet de loi de sécurité financière, au nom de la commission des finances, j'avais sollicité un renforcement des compétences de l'AMF à l'égard des professions que je viens d'évoquer. Il s'agissait essentiellement de permettre à cette instance d'examiner leurs activités et de délivrer périodiquement un rapport.

Or, madame la ministre, votre prédécesseur m'avait rétorqué que les analystes financiers et les agences de notation étaient des prestataires privés rémunérés par les entreprises ayant besoin de leurs services, et non des acteurs du système de régulation. Ainsi, et je regrette de le dire, sa réponse revenait en quelque sorte à déclarer : « Circulez, il n'y a rien à voir. »

Or, aujourd'hui, nous sommes éclairés par l'observation de certains phénomènes récents, comme les événements de l'été dernier.

Aussi le rapport que l'AMF diffusera prochainement sur les agences de notation sera-t-il, je le crois, très intéressant. Selon les renseignements dont je dispose, ce document, qui n'aurait pas été simple à rédiger, devrait aborder un certain nombre de questions de fond importantes.

De ce point de vue, demander aux agences de notation de conserver leur dossier de travail pendant quelques années me semble parfaitement logique. En effet, dans certaines circonstances, il sera peut-être utile de réexaminer les conditions d'une appréciation de risques ayant conduit à adopter telle ou telle note pour une créance ou un titre quelconques.

Par ailleurs, la Banque centrale européenne a certainement besoin de s'appuyer sur un dispositif plus complet et plus pertinent que le dispositif actuel, mais elle gagnerait beaucoup, me semble-t-il, à faire preuve de plus de transparence dans ses appréciations, à livrer les comptes rendus de ses réunions internes, à l'instar d'autres banques centrales, ainsi qu'à faire connaître régulièrement son analyse de l'évolution des marchés et à la faire peser non seulement sur la satisfaction de l'objectif de contrôle des prix, mais également sur le niveau de valorisation des actifs à risque.

En outre, madame le ministre, et nous en revenons à la crise financière de l'été dernier et à l'immobilier américain, sommes-nous certains qu'il n'y ait pas, au sein de la zone euro, des poches à risques ou des bulles susceptibles d'éclater sur tel ou tel territoire ou segment de marché ? Le devoir de la Banque centrale européenne n'est-il pas d'examiner régulièrement de tels risques et de communiquer sur les appréciations issues de la délibération de ses instances ? À mon sens, il y aurait là matière à plus ample débat.

Je conclurai en souhaitant que l'on ne caricature pas les propos relatifs aux modes d'action et aux interventions de la Banque centrale européenne. Trop souvent, il existe une sorte de « non-dialogue » convenu entre chacun des pôles. Pourtant, qui oserait affirmer que tout est aujourd'hui parfait dans la mise en oeuvre du système de l'euro ? Qui oserait affirmer que nous n'avons pas besoin de plus transparence et de pluralisme d'opinions dans l'analyse des situations économiques ?

C'est, je le crois, par une telle approche que nous devrions normalement pouvoir sortir de débats trop souvent convenus et, surtout, préparer pour notre pays une place originale au coeur de l'Europe, notamment dans la perspective de l'exercice de la présidence de l'Union européenne au second semestre de l'année 2008. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 19 minutes ;

Groupe socialiste, 14 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 7 minutes ;

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, par construction, un texte législatif comportant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire est forcément disparate.

Le présent projet de loi n'échappe pas à la règle. Ainsi, il comporte des mesures qui sont positives, des mesures qui le sont moins, des mesures qui ne le sont pas du tout et des mesures qui sont carrément dangereuses.

Parmi les avancées positives figurent les dispositions relatives à l'extension des droits des consommateurs. Il est vrai que l'Union européenne oblige très souvent notre pays - c'est également le cas en matière environnementale - à évoluer dans le bon sens. Je pense notamment aux articles 1er, 3 et 10 du projet de loi.

L'article 6 concerne un sujet qui avait fait couler beaucoup d'encre, à savoir la rémunération des comptes courants bancaires. Le dispositif proposé a pour objet de permettre à notre pays d'être pleinement en conformité avec les principes du marché communautaire en la matière.

D'ailleurs, monsieur le rapporteur général, dans votre rapport, vous mentionnez l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 5 octobre 2004 Société Caixa Bank France c/ Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !

Mme Nicole Bricq. Toutefois, et je tenais tout de même à le rappeler, s'il s'agit de protéger les consommateurs, on attend toujours que la banque de détail - je ne mentionne que ce seul exemple -, dont les frais ne cessent d'augmenter, soit en capacité d'adresser un relevé annuel des frais à chaque titulaire d'un compte courant. Comme vous ne l'ignorez pas, madame la ministre, pas très loin de chez nous, au Royaume-Uni, les tarifs sont plafonnés à l'année. Notre pays a donc encore beaucoup de progrès à accomplir.

En matière de contrats d'assurance, je voudrais à présent évoquer la disposition figurant à l'article 9 et qui est destinée à faire perdurer la discrimination, fût-elle positive, en faveur des conductrices - il s'agit essentiellement des jeunes conductrices -, lesquelles sont plus prudentes que leurs homologues masculins.

Une telle mesure est contraire au principe d'égalité entre les femmes et les hommes tel qu'il est affirmé par les directives européennes. D'ailleurs, dans son rapport, M. le rapporteur général souligne que la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE, n'a pas été consultée sur le sujet.

À ce propos, permettez-moi de vous rappeler les termes d'une délibération de la HALDE, qui avait alors été saisie par l'une de nos collègues du groupe socialiste, Mme Patricia Schillinger. En l'espèce, une société d'assurances avait lancé une campagne publicitaire à destination des jeunes conductrices selon laquelle celles-ci étant plus prudentes et ayant moins d'accident que leurs homologues masculins, elles pouvaient bénéficier de tarifs préférentiels. Dans sa délibération du 23 avril 2007, la Haute autorité a appelé l'attention du ministère chargé de l'économie et des finances sur la « nécessité de veiller », lors des travaux de transposition de la directive concernée - nous y sommes -, « à la prohibition de la pratique des écarts de tarification à raison du sexe, en matière d'assurance, notamment lorsque les assurances visées sont rendues obligatoires par le législateur ».

Certes, il y a une petite astuce dans le dispositif proposé, puisque l'on peut considérer les actuaires comme une preuve plutôt favorable aux femmes et de nature à justifier une discrimination.

Mais, lorsque j'étais députée, j'ai veillé - cela m'a d'ailleurs valu bien des soucis - à faire en sorte que les dispositions communautaires relatives à l'égalité entre les femmes et les hommes soient rigoureusement respectées, en particulier en matière de droit du travail. Ainsi, à l'époque du gouvernement Jospin, je suis intervenue sur un dossier lourd, à savoir le travail de nuit. Vous me permettrez donc de souhaiter que les principes communautaires s'appliquent partout, y compris dans le domaine des assurances.

Je passe rapidement sur l'amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 8. Il s'agit d'une proposition de M. le rapporteur général et je lui en laisse la paternité. L'amendement vise à introduire une faculté de récusation, par toute personne mise en cause, d'un membre de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers. Lors de nos travaux en commission, j'avais demandé à M. le rapporteur général de me préciser les cas qui étaient visés. La lecture du rapport ne m'ayant pas apporté de réponse claire, peut-être son auteur me fournira-t-il quelques éléments d'explication tout à l'heure.

Pour ma part, je concentrerai mon propos sur les articles 2 et 5, qui ont tous les deux pour objet d'amener le Sénat à autoriser le Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnance.

C'est une procédure qu'aucun parlementaire n'aime beaucoup, même si elle se révèle quelquefois utile - je le reconnais - pour satisfaire l'intérêt général. Encore faut-il que l'habilitation soit suffisamment encadrée, que son objet ne soit pas laissé à une appréciation technicienne et que la portée en soit pleinement appréciable par le Parlement.

Ainsi, évoquant l'article 5 du projet de loi, qui concerne la reconnaissance des qualifications professionnelles, M. le rapporteur général déclare, à mon sens à juste titre, qu'une telle habilitation est à la fois « tardive et hâtive » et regrette que « le Parlement ait été tenu à l'écart des travaux réalisés par les services » de l'État. Il relève notamment les incertitudes concernant la libre prestation de services, l'absence d'éléments comparatifs de la variable de transposition qu'utilisent les autres États membres, dans la mesure où la directive laisse une latitude à leur appréciation. Il note également que l'on ne connaît ni la liste exhaustive des professions, réglementées ou non, qui seront visées par la transposition ni le lien entre les modifications de la prestation de services et le principe de non vérification des qualifications professionnelles, certaines qualifications pouvant toutefois être soumises à une telle obligation.

Toutes ces raisons le conduisent à relever l'absence de garantie sur les principes retenus par le Gouvernement et à proposer au Sénat, au nom de la commission des finances, la suppression de l'article 5. Nous partageons ce point de vue et nous ne saurions mieux faire que nos collègues du groupe CRC, qui ont également déposé un amendement de suppression.

J'en viens à l'article 2, qui vise à habiliter le Gouvernement à adopter par voie d'ordonnance les dispositions législatives nécessaires à la transposition de la directive 2005/68/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2005 relative à la réassurance et à moderniser le régime de fonds communs de créances, ceux-ci devenant des fonds communs de « titrisation ».

Dans l'attente de la directive dite « Solvabilité II », qui devrait refondre la régulation prudentielle de l'assurance dans l'Union européenne, la directive 2005/68/CE a un caractère transitoire.

Tout au long des négociations, la France a insisté sur l'importance d'un tel secteur pour la stabilité financière et sur le degré élevé de sécurité qu'elle souhaitait. L'activité de réassurance étant internationale, notre pays insistait notamment sur l'harmonisation du traitement des réassurances extérieures à l'Union européenne. Or la question n'est pas évoquée par la transposition. Madame la ministre, qu'en est-il ? De même, la clause de nantissement est-elle ou non maintenue dans la transposition ?

Mais je veux insister surtout sur la titrisation en matière d'assurance, et ce dans le contexte des turbulences financières de l'été, turbulences que l'on peut - je crois que M. le rapporteur général a raison d'employer un tel vocable - qualifier de « crise financière ».

Tel le battement d'ailes du papillon, la crise commence par le défaut de paiement des ménages à Sacramento, à Detroit et dans d'autres citées des États-Unis, mais elle aboutit à contraindre les banques centrales - et notamment la Banque centrale européenne - à injecter plusieurs centaines de milliards d'euros sur le marché monétaire.

Au moment même où nous débattons, nous ne pouvons encore apprécier les conséquences de cette crise sur l'économie réelle,...

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est vrai !

Mme Nicole Bricq. ...mais tous les conjoncturistes s'accordent sur le fait que la croissance, pour 2008 et 2009, s'en trouvera affectée, sans pour autant pouvoir chiffrer avec exactitude cet impact.

En la matière, la Banque centrale européenne, en injectant de la liquidité, s'est portée au secours des banques et des établissements de crédit qui ne pouvaient plus échanger cette liquidité entre eux ; les places bancaires s'en trouvent affectées durablement aujourd'hui.

L'extrême sophistication du traitement du risque par les prêteurs prend une place essentielle dans l'enchaînement fatal dont le déroulement est désormais bien connu. L'inventivité financière étant sans limite, on en arrive à des produits qui sont faits comme une pâte feuilletée, où chaque couche présente un niveau de risque différent, et plus le risque est élevé, meilleure est la rémunération du preneur.

L'opacité est à la mesure de cette sophistication. Le fait de ne plus savoir ce que l'on a en portefeuille conduit à la défiance, dans un secteur où la confiance est vitale. C'est dans un tel contexte que l'on nous demande d'ouvrir en grand les vannes de la titrisation dans le secteur de l'assurance et de la réassurance.

M. le rapporteur général nous invite à ne pas jeter l'opprobre sur une catégorie d'acteurs et de faire « la part des choses » entre la mutualisation et la diffusion ou la dispersion des risques. Il nous propose d'adopter l'article 2 au nom de la compétitivité de la place de Paris. Vous avez utilisé le même argument, madame la ministre.

En tant que Francilienne, je n'ignore pas que la région d'Île-de-France et la Ville de Paris sont partenaires au sein du pôle de compétitivité qui a reçu le label mondial « finance innovation ». Cela ne justifie pas pour autant que nous approuvions ce texte alors que les leçons de la crise bancaire en matière de régulation publique n'ont pas été tirées. Nous ne saurions faire le dos rond en attendant la prochaine crise ; nous savons que chaque année qui se termine par un « 7 », depuis plusieurs décennies, donne lieu à une crise financière et nous avons vraiment l'impression qu'une bulle chasse l'autre, notamment dans le domaine de l'hyperfinanciarisation de l'économie.

Je veux en effet rappeler le principe de la titrisation. Celle-ci a dévié de sa destination originelle qui répondait à une logique de financement. Dans son usage actuel, sa fonction première consiste à éloigner le risque de celui qui le couvre initialement. Dans le domaine de l'assurance, la titrisation existe déjà avec les « cat bonds » du groupe Axa, titres affectés aux risques de catastrophes naturelles. La même compagnie a lancé un programme de couverture du risque de surmortalité en 2006 et une génération nouvelle de titrisation du portefeuille automobile.

Évidemment, le marché n'a pas explosé et la directive pour laquelle vous nous demandez l'habilitation va ouvrir des horizons autrement plus larges que le marché de l'assurance et de la réassurance, en permettant un total accès de ces produits aux marchés financiers.

Ce mouvement banalise le transfert du risque pour les sociétés d'assurances. Au motif du rapprochement des techniques bancaires et assurantielles, il s'agit de sélectionner les risques les plus profitables et de permettre une appréciation de la valeur boursière des sociétés d'assurances. Dans l'attente de la directive Solvabilité II, doit-on bouleverser avec une telle hâte le schéma traditionnel de réassurance ? Nous ne le pensons pas.

Nous mettons en garde le Gouvernement et la majorité qui le soutient, qui veulent légiférer par ordonnance parce qu'ils savent l'important travail législatif qui les attend. Ce faisant, ils encouragent la recherche du gain boursier sans avoir réglé la question de la responsabilité des agences de notation - elles ne sont pas seules en cause, ne cherchons pas de boucs émissaires dans cette affaire -, sans donner les moyens aux autorités publiques de connaître la réalité des bilans en temps réel, sans convaincre nos partenaires européens de la nécessité de nous doter d'un superviseur à l'échelle de l'Union européenne.

Madame la ministre, j'ai bien noté qu'en vue de la prochaine réunion du G7, les 18 et19 octobre prochains, vous appelez à une réglementation plus contraignante sur ces fameux véhicules non comptabilisés dans les bilans et que vous souhaitez une standardisation des degrés de sécurité. Nous ne pouvons que souhaiter que la France soit entendue. Toutefois, compte tenu des intérêts en jeu et des oppositions, madame la ministre, cela demandera du temps.

À notre sens, il faut remettre de la régulation publique dans le jeu des acteurs privés. Je ne suis pas d'accord avec vous, madame la ministre, quand vous affirmez que la régulation existe. Non, il s'agit d'une autorégulation des marchés, et il faut que la puissance publique, sous une forme ou sous une autre, y remette la main. Il convient selon nous de contrôler étroitement les acteurs financiers pour s'assurer qu'ils ne prennent pas des risques excessifs que la collectivité devrait prendre en charge par la suite, comme cela s'est passé avec l'injection de liquidités effectuée par les banques centrales, notamment la BCE, dans la dernière partie de la crise financière.

En attendant que nous y parvenions, vous nous demandez de donner un blanc-seing à une nouvelle marche dans une financiarisation déjà trop excessive : c'est très nettement que nous le refusons !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.

M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le projet de loi de transposition qui nous est présenté aujourd'hui est complexe et technique.

Madame la ministre, je tiens tout d'abord, au nom du groupe UMP et en mon nom personnel, à vous donner acte de votre volonté d'accélérer quelque peu la transposition de certaines directives européennes et ainsi de rattraper le retard qui nous est préjudiciable au sein de l'Union européenne et qui nous est souvent reproché par nos partenaires. Nous sommes en effet souvent parmi les derniers en matière de transposition.

Le champ d'application de ce texte, présenté de manière très précise par Mme la ministre et complété par M. le rapporteur général, couvre divers domaines : la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs, l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes dans l'accès à des biens et services et la fourniture de biens et services, ainsi que la réassurance. J'eusse aimé que nous abordions aussi la question de l'égalité de traitement entre les jeunes et les moins jeunes, car notre système d'assurance surtaxe les jeunes,... tout au moins leurs parents. (Sourires.)

Dans le domaine financier, le texte tire les conséquences législatives d'une jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes concernant la rémunération des comptes courants et tente d'améliorer le dispositif en matière d'information sur tous les émetteurs dont les valeurs mobilières sont admises à la négociation sur les marchés réglementés.

Dans le domaine des télécommunications, ce projet de loi permet, comme vous l'avez justement indiqué, madame la ministre, d'améliorer la circulation des informations et la garantie des individus.

Enfin, et j'y suis particulièrement sensible, ce texte améliore les pouvoirs de la direction que j'ai eu jadis l'honneur de diriger. Il lui est permis désormais d'intervenir en dehors des problèmes pénaux pour assurer une meilleure protection des consommateurs.

Ce projet de loi est donc intéressant, mais ce serait une erreur de n'y voir qu'un texte technique, sans réelle portée normative ou conséquence concrète.

En effet, la politique européenne est encore trop isolée de la vie politique nationale, alors que l'une et l'autre sont de plus en plus imbriquées et que la première pèse de plus en plus sur la seconde. Cette tendance lourde conduit à une forme de « marginalisation » des parlements nationaux, qui voient leur champ de compétence et leur pouvoir législatif se réduire.

Vous nous proposez d'élargir le domaine gouvernemental de transposition par ordonnance. Ma collègue, Mme Nicole Bricq, vous a expliqué que le Parlement n'était guère favorable à ce genre d'initiative. Une telle transposition convient lorsqu'il s'agit de directives qui s'imposent à tout le monde et qui permettent d'améliorer le fonctionnement des marchés.

Toutefois, cela nous oblige, en tant que parlementaires, à nous impliquer plus en amont dans le processus de décision communautaire. Nous disposons déjà d'une antenne à Bruxelles et d'une délégation pour l'Union européenne. En outre, chaque commission, bien au-delà de la commission des finances, est obligée de tenir compte de la dimension européenne et de l'adaptation de la législation française lorsqu'on lui soumet un projet de loi.

Dans le cadre de la modernisation des institutions et du travail parlementaire que nous appelons de nos voeux, conformément aux engagements du Président de la République, nous attendons sur ce point les propositions de la commission présidée par M. Balladur. Il y aura sans doute là quelques éléments nouveaux.

Les États nationaux conservent évidemment une marge de manoeuvre, notamment par le jeu des options. Or, chacun le sait, dans le domaine financier comme dans beaucoup d'autres, « le diable se niche souvent dans les détails ». (Exclamations sur le banc des commissions.) Comme nous y invite notre excellent rapporteur général, M. Philippe Marini, il est clair qu'il faut examiner très précisément les conséquences des directives que vous nous demandez de transposer, afin de comprendre quelles en seront les conséquences pratiques.

En ce qui concerne notamment les consommateurs, les clients des banques et les assurés automobiles, les dispositions que vous nous proposez vont dans le bon sens en termes de mobilité et de garanties.

En revanche, pour ce qui est de l'article 5 concernant les qualifications professionnelles et, surtout, la remise en cause partielle, à plus ou moins brève échéance, de l'ensemble des professions réglementées, la formule retenue me semble un peu lapidaire. Nous savons bien qu'il faudra un jour avoir le courage de s'attaquer à cette question, mais il nous paraît prématuré d'autoriser le Gouvernement à prendre toutes les mesures nécessaires pour transposer par ordonnance la directive du 7 septembre 2005. Madame la ministre, comme le rapporteur général vous l'a suggéré de manière très courtoise et habile, nous attendons que le Gouvernement nous apporte des précisions sur ce qu'il envisage concernant ces problèmes de qualifications professionnelles.

Dans le même esprit, vous avez traité la question de la régulation des marchés financiers en évoquant l'importante crise financière de l'été dernier. Comme vous l'avez justement souligné, madame la ministre, notre pays a été relativement épargné par cette crise, notre système bancaire ayant été moins imprudent que d'autres en matière de fonds communs et de prises de risques sur l'immobilier américain.

À cet égard, notre rapporteur général a tracé la perspective d'une coopération renforcée entre les autorités de régulation nationales et proposé d'associer formellement l'Autorité des marchés financiers au processus de reconnaissance des organismes externes d'évaluation de crédit par la Commission bancaire.

Après les événements que nous avons subis, la chute des cours boursiers, l'assèchement des liquidités bancaires et l'augmentation des taux - je pense notamment à l'Euribor 3 mois qui est passé de moins de 4 % à 4,75 %, ce qui fait beaucoup pour ceux qui travaillent avec des crédits de trésorerie -, il est clair que les organismes de notation doivent modifier leur approche des différents marchés et leurs méthodes de jugement.

J'attends le rapport qui doit prochainement être publié sur le sujet. J'espère qu'un certain nombre de ses recommandations pourront être prises en compte.

Est traitée enfin la question de l'amélioration de la gouvernance des marchés financiers sur le plan tant européen que mondial. M. Marini a abordé ce point sous un angle très habile : il a parlé de l'insuffisante information de la Banque centrale européenne sur les problèmes qui se font jour sur les marchés financiers. Je pense que l'on pourrait pousser plus loin l'analyse.

Nous manquons de réactivité dans le cadre de l'euro et de la Banque centrale européenne. Si l'on compare objectivement la FED, la Réserve fédérale américaine, et la BCE, on constate qu'aux États-Unis cette réactivité existe année après année et sur de longues périodes. Il nous reste donc des progrès à faire. À défaut d'émettre des critiques, on peut suggérer des adaptations : M. Marini songe à une amélioration de l'information ; moi, je penche pour un accroissement de la réactivité.

Certes, la Banque centrale européenne a réagi rapidement pour réinjecter des liquidités sur le marché monétaire. C'est bien, mais insuffisant, car les taux du crédit à court terme sont encore très élevés. À mon sens, elle est encore quelque peu paralysée par un attachement à des doctrines chères, en leur temps, à la Deutsche Bank et à la Banque de France.

Madame la ministre, nous savons pouvoir compter, dans ce domaine, sur votre volonté de transparence et de dialogue avec la représentation nationale. Nous soutenons l'action que vous conduisez dans le cadre du G8 et des réunions avec vos homologues européens.

Soyez également assurée du soutien du groupe UMP du Sénat, non seulement pour l'adoption du projet de loi, mais aussi, plus généralement, pour la mise en oeuvre de la politique ambitieuse de modernisation économique et fiscale que vous menez, conformément aux engagements pris devant les Français par le Président de la République.

Nous avons passé sans trop de difficulté la turbulence qui a affecté tous les marchés. Nous devons en tirer les conséquences afin d'améliorer la régulation, l'information et la transparence de tous les opérateurs. Le texte que vous nous proposez aujourd'hui, en dépit de son apparence très technique, apporte une meilleure information et plus de transparence. C'est la raison pour laquelle nous le voterons. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec ce projet de loi, le Sénat entame la discussion, si l'on peut dire, de plusieurs projets de loi visant à transposer dans le droit français un certain nombre de dispositions résultant de directives, de règlements ou de décisions juridiques émanant des instances de l'Union européenne.

Une telle situation appelle plusieurs observations.

La première porte sur la consistance même des dispositions concernées. Elles apparaissent de plus en plus comme ayant été définies dans des conditions moyennement satisfaisantes, les gouvernements et les parlements nationaux des États membres étant peu sollicités dans le cadre de cette procédure. Pourtant, leur importance relative, tout à fait inégale dans le présent texte, mériterait débat et implication des élus de la nation pour ce qui concerne notre pays.

Dans ce contexte, une bonne part de la législation transposée apparaît, en fait, comme étant subie par chacun des États membres. Pour l'essentiel, elle ne procède que de la mise en cohérence des grandes orientations de l'Union européenne, définies par des traités dont nous ne pouvons encore que rappeler qu'ils ont été largement rejetés par le suffrage universel dans notre pays.

Pour faire bonne mesure, - ce sera ma seconde remarque - plusieurs articles du projet de loi visent à transposer des textes européens en recourant à la procédure de l'article 38 de la Constitution, c'est-à-dire en habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance. Le problème est qu'on a usé et abusé de cette procédure dans la dernière période, puisque la précédente législature a consacré une véritable inflation d'ordonnances.

En 1997 et 1999, aucune ordonnance n'avait été prise en vertu de l'article 38 !

Entre 2002 et 2006, 196 ordonnances ont été promulguées, dont 85 pour la seule année 2005 !

L'année 2007, quant à elle, n'a pas été avare de nouvelles ordonnances avec 14 nouvelles promulgations, dont nous retrouvons d'ailleurs trace pour partie dans le présent projet de loi.

Venons-en au fond.

Les textes européens dont il est question dans le cadre de ce projet de loi visent, pour l'essentiel, à atteindre l'un des objectifs de l'Union, à savoir l'instauration d'un marché des capitaux - et des services d'investissement en découlant - suffisamment libre, transparent et sécurisé, en tout cas au sens où l'entendent les concepteurs profondément libéraux de ce marché.

Certaines des remarques formulées dans son rapport par M. Marini montrent d'ailleurs les préoccupations tout à fait légitimes qui animent aujourd'hui les acteurs au regard de cette évolution vers une plus forte intégration encore des activités financières à l'échelle de l'Union.

L'actualité récente est sans équivoque. Elle montre, faits à l'appui, les risques et les dérives qui demeurent dans toute démarche de libéralisation et de réglementation pour le moins allégée concernant les activités financières.

Les dispositions que nous examinons aujourd'hui, dans des conditions peu satisfaisantes, nous conduisent naturellement à parler des risques systémiques induits par cette intégration croissante des établissements financiers et des entreprises d'investissement.

C'est évidemment la crise des subprimes provoquée aux États-Unis qui a constitué l'actualité des marchés financiers dans la dernière période. Il semble d'ailleurs, au-delà de la situation de l'établissement britannique Northern Rock, où les clients ont massivement retiré leurs liquidités, qu'un certain nombre d'établissements de crédit de base français sont clairement impliqués dans le système des prêts hypothécaires américains et risquent donc de subir d'importantes pertes. Et ce alors même qu'un article du présent projet de loi porte sur la question de la notation des entreprises d'investissement et des établissements de crédit !

Ce texte, présenté à la va-vite en recourant à la procédure d'urgence, porte sur des matières dont certaines sont particulièrement importantes. Mais rien n'est satisfaisant dans le débat qui nous préoccupe, ce qui nous conduira à rejeter les termes du présent projet de loi.

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans les domaines économique et financier
Article 2

Article 1er

Le code des assurances est modifié ainsi qu'il suit :

I. - Avant le premier alinéa de l'article L. 124-3, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable. » ;

II. - Le premier alinéa de l'article L. 211-1 est ainsi modifié :

1° Les mots : « terrestre à moteur, ainsi que ses remorques ou semi-remorques, » sont supprimés et les mots : « lesdits véhicules » sont remplacés par les mots « celui-ci » ; 

2° Il est ajouté une phrase ainsi rédigée : « Pour l'application du présent article, on entend par « véhicule » tout véhicule terrestre à moteur, c'est-à-dire tout véhicule automoteur destiné à circuler sur le sol et qui peut être actionné par une force mécanique sans être lié à une voie ferrée, ainsi que toute remorque, même non attelée. » ;

III. - L'article L. 211-4 est ainsi modifié :

Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Cette assurance ne peut être résiliée et sa prime ne peut être modifiée au motif d'un séjour du véhicule dans un État membre de la Communauté européenne autre que la France pendant la durée du contrat. » ;

2° Le dernier alinéa est supprimé.

IV. - Après l'article L. 211-4, il est inséré un article L. 211-4-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 211-4-1. - Le véhicule est réputé avoir son lieu de son stationnement habituel en France :

« 1° Lorsqu'il porte une plaque d'immatriculation qui lui correspond et qui a été délivrée par les autorités françaises ;

« 2° Lorsque, bien que soumis à l'obligation d'immatriculation en France, il est dépourvu de plaque d'immatriculation ou porte une plaque qui ne lui correspond pas ou ne lui correspond plus et que l'accident survient sur le territoire français ;

« 3° Lorsqu'il n'est pas soumis à l'obligation d'immatriculation et que la personne qui en a la garde est domiciliée en France. »

V. - Aux deuxièmes phrases des articles L. 351-6-1 et L. 362-3, les mots : «, qui sont exclusives de toute opération d'assurance pour le compte de l'entreprise qu'il représente au titre de la gestion des sinistres, » sont supprimés ;

VI. - L'article L. 421-1 est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. L. 421-1. - I. - Le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages indemnise, dans les conditions prévues aux 1° et 2° suivants, les victimes ou les ayants droit des victimes des dommages nés d'un accident survenu en France dans lequel est impliqué un véhicule au sens de l'article L. 211-1.

« 1° Le fonds de garantie indemnise les dommages résultant d'atteintes à la personne :

« a) Lorsque le responsable des dommages est inconnu ;

« b) Lorsque le responsable des dommages n'est pas assuré, sauf par l'effet d'une dérogation légale à l'obligation d'assurance ;

« c) Lorsque l'assureur du responsable est totalement ou partiellement insolvable, dans les situations non couvertes par les dispositions de la section 6 du présent chapitre ;

« 2° Le fonds de garantie indemnise les dommages aux biens, dans les conditions et limites fixées par un décret en Conseil d'État :

« a) Lorsque le responsable des dommages est inconnu, sous réserve que l'accident ait causé une atteinte à la personne ;

« b) Lorsque le responsable des dommages est identifié mais n'est pas assuré, sauf par l'effet d'une dérogation légale à l'obligation d'assurance ;

« c) Lorsque l'assureur du responsable est totalement ou partiellement insolvable, dans les situations non couvertes par les dispositions de la section 6 du présent chapitre.

« Dans le cas d'un accident impliquant un véhicule expédié d'un État membre de la Communauté européenne vers la France et survenant dans les trente jours suivant l'acceptation de la livraison du véhicule par l'acheteur, le fonds de garantie est tenu d'intervenir au titre du b du 1° et du b du 2° quel que soit l'État membre sur le territoire duquel survient l'accident.

« Lorsqu'il intervient au titre du c du 1° et du c du 2° ci-dessus pour prendre en charge, pour le compte de l'entreprise en liquidation, le règlement des dommages mentionnés à l'article L. 211-1, le fonds de garantie ne peut exercer aucun recours contre les assurés et souscripteurs de contrats pour le recouvrement des indemnités qu'il a versées.

« II. - Le fonds de garantie indemnise également, dans les conditions prévues aux 1° et 2° suivants, les victimes ou les ayants droit des victimes de dommages nés d'un accident de la circulation causé, dans les lieux ouverts à la circulation publique, par une personne circulant sur le sol ou un animal.

« 1° Le fonds de garantie indemnise les dommages résultant d'atteintes à la personne :

« a) Lorsque la personne responsable du dommage est inconnue ou n'est pas assurée ;

« b) Lorsque l'animal responsable du dommage n'a pas de propriétaire ou que son propriétaire est inconnu ou n'est pas assuré ;

« 2° Le fonds indemnise les dommages aux biens, dans les conditions et limites fixées par décret en Conseil d'État :

« a) Lorsque la personne responsable du dommage est identifiée mais n'est pas assurée ;

« b) Lorsque la personne responsable du dommage est inconnue, sous réserve que l'accident ait causé une atteinte à la personne ;

« c) Lorsque le propriétaire de l'animal responsable du dommage n'est pas assuré ;

« d) Lorsque l'animal responsable du dommage est identifié mais n'a pas de propriétaire ;

« e) Lorsque l'animal responsable du dommage n'est pas identifié, sous réserve que l'accident ait causé une atteinte à la personne.

« III. - Lorsque le fonds de garantie intervient au titre du I et II du présent article, les indemnités doivent résulter soit d'une décision juridictionnelle exécutoire, soit d'une transaction ayant reçu l'assentiment du fonds de garantie.

« Lorsque le fonds de garantie intervient au titre du I et II du présent article, il paie les indemnités allouées aux victimes ou à leurs ayants droit qui ne peuvent être prises en charge à aucun autre titre lorsque l'accident ouvre droit à réparation. Les versements effectués au profit des victimes ou de leurs ayants droit et qui ne peuvent pas donner lieu à une action récursoire contre le responsable des dommages ne sont pas considérés comme une indemnisation à un autre titre.

« IV. - Le fonds de garantie est également chargé de gérer et de financer, à compter de l'exercice 2003, les majorations de rentes prévues à l'article 1er de la loi n° 74-1118 du 27 décembre 1974 relative à la revalorisation de certaines rentes allouées en réparation du préjudice causé par un véhicule terrestre à moteur et à l'article 1er de la loi n° 51-695 du 24 mai 1951 portant majoration de certaines rentes viagères, au titre des états justificatifs certifiés. Les créances relatives aux majorations de rentes visées au présent alinéa se prescrivent dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Le fonds peut contrôler sur pièces et sur place l'exactitude des renseignements fournis par les organismes débirentiers.

« V. - Le fonds de garantie peut financer, selon des modalités et dans des limites fixées par décret en Conseil d'État, des actions visant à réduire le nombre des accidents de la circulation et à prévenir l'absence d'assurance de responsabilité civile automobile.

« VI. - Le fonds de garantie est l'organisme chargé des missions mentionnées aux articles L. 424-1 à L. 424-7. »

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Marini au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par le IV de cet article pour l'article L. 211-4-1 du code des assurances, après les mots :

son lieu de

supprimer le mot :

son

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
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Article 3

Article 2

Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le gouvernement est autorisé à prendre par voie d'ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la date de publication de la présente loi, les dispositions relevant du domaine de la loi nécessaires pour transposer la directive 2005/68/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2005 relative à la réassurance et modifiant les directives 73/239/CEE et 92/49/CEE du Conseil ainsi que les directives 98/78/CE et 2002/83/CE et pour moderniser le cadre juridique applicable aux fonds communs de créances et notamment élargir leur objet à la titrisation des risques d'assurance.

Le projet de loi portant ratification de cette ordonnance est déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du troisième mois suivant la publication de cette ordonnance.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 9 est présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 12 est présenté par Mme Bricq, MM. Massion, Masseret, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Marc, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Thierry Foucaud, pour présenter l'amendement n° 9.

M. Thierry Foucaud. Le contenu de cet article, dont nous proposons la suppression, mériterait sans nul doute autre chose qu'un débat de quelques minutes.

L'article 2 vise à autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnance afin de transposer dans notre droit la directive européenne relative aux activités de réassurance.

Selon cette directive, toute entreprise de réassurance, quel que soit son pays d'origine, devient, au motif qu'elle respecte les règles prudentielles prévues par sa législation nationale, susceptible de proposer ses services dans l'ensemble des pays de l'Union européenne.

En outre, le recours à la titrisation d'un certain nombre de titres qui seraient détenus par les mêmes entreprises, s'il est interprété comme une remarquable avancée potentielle pour la place financière de Paris - encore que cela ait une valeur toute relative eu égard aux évolutions récentes -, doit être regardé comme un outil de plus mis à disposition des opérations financières les plus discutables.

Posons la question : en l'état actuel de la « qualité » des mesures prudentielles prises par chacun des pays membres de l'Union européenne, les conditions d'une transposition de la directive ne mettant pas en cause les intérêts des assurés sont-elles réunies ?

Ne risque-t-on pas en adoptant si vite, sans véritable débat, les mesures qui nous sont proposées de créer les conditions du développement ultérieur de quelques mésaventures financières ?

Cela est d'autant plus vrai que nous avons souligné, lors de la discussion générale, l'implication de nombre d'établissements financiers européens sur les marchés hypothécaires nord-américains, avec tout ce que cela implique en termes de pertes à provisionner.

Pour ces motifs, nous ne pouvons que vous inviter, mes chers collègues, à voter en faveur de cet amendement de suppression de l'article 2, dont les dispositions méritent bien autre chose que le recours à la procédure de l'article 38 de la Constitution.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour présenter l'amendement n° 12.

Mme Nicole Bricq. J'ai déjà expliqué au cours de la discussion générale, à la fois sur la forme et sur le fond, les raisons pour lesquelles cet article devait être supprimé.

Tout d'abord, il ne saurait être question d'habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur un sujet si complexe et si important pour la stabilité financière.

Ensuite, l'expérience malheureuse à laquelle nous assistons tous les dix ans dans le domaine financier, et que nous sommes encore en train de vivre avec les crédits bancaires, nous invite non pas à l'urgence mais à la prudence.

En regard de la volonté exprimée par Mme la ministre et par tous les orateurs de la majorité de transposer rapidement les directives européennes, je tiens à souligner qu'il y a directive et directive. Certaines sont transposées plus vite que d'autres. Concernant l'environnement, par exemple, nous sommes les champions du retard. Mme Keller a d'ailleurs rédigé un rapport sur les contentieux qui guettent la France en la matière.

Mes chers collègues, ne prenez donc pas prétexte de l'urgence et de la nécessité de transposer des directives lorsqu'il s'agit du domaine financier quand pour d'autres il n'y a que des contretemps.

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Marini au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter le premier alinéa de cet article par les mots :

, en veillant à une information transparente et sincère des investisseurs

La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur les amendements identiques nos 9 et 12.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je veux d'abord livrer quelques réflexions sur cet article et poser plusieurs questions à Mme la ministre.

La commission est bien entendu favorable à l'article 2, qui tend notamment à moderniser le régime français de la titrisation.

C'est de manière excessive que les acteurs de la titrisation ont été désignés comme responsables de la crise de l'été. La titrisation comporte des aspects positifs, mais cette technique, qui est une réalité globale et qui doit par conséquent se développer sur notre place financière, suppose une évolution des modes de régulation. Cela implique qu'elle puisse s'appuyer, comme l'ensemble des acteurs, sur une information aussi détaillée et sincère que possible.

Nous souhaitons donc - c'est le sens de l'amendement n° 2 - que l'habilitation que vous sollicitez, madame le ministre, soit bien précisée par les termes «, en veillant à une information transparente et sincère des investisseurs ».

Je suis certain que ce point est déjà bien au coeur de vos intentions ; néanmoins, ce texte aurait à mon avis une meilleure visibilité si ce principe, avec cette expression reflétant la volonté du Parlement, figurait de manière non ambiguë.

J'en reviens aux préoccupations d'ordre un peu plus général que je voulais exprimer à cette occasion.

Je souhaite rappeler, madame le ministre, que la fiducie, qui est née de la loi du 19 février 2007, pourrait et devrait constituer un outil potentiellement adapté pour la titrisation. Elle pourrait, dans certains cas de figure, offrir un cadre encore plus sécurisé que le fonds commun de créances, qui sera demain le fonds commun de titrisation.

C'est pourquoi, madame le ministre, je voulais vous interroger sur ce point. Il faudrait s'assurer d'une meilleure articulation des régimes des fonds communs de titrisation et de la fiducie.

Il faudrait également se pencher sur la disposition à mon sens trop limitée qui figure dans la loi du 19 février 2007 et qui concerne la qualité de fiduciaire.

En effet, le champ des fiduciaires est réduit aux établissements de crédit, aux entreprises d'investissement et aux entreprises d'assurance. Sans doute le dispositif offrirait-il plus de cas d'application si les professions juridiques réglementées pouvaient également être considérées comme fiduciaires.

C'est un point de vue partagé par la commission des lois du Sénat, qui a déjà eu l'occasion de s'exprimer à ce sujet et de défendre un amendement à cette fin.

Je souhaitais donc, madame le ministre, vous interroger tout d'abord sur le devenir de la fiducie en tant qu'outil plus adapté que le fonds commun de titrisation dans certains cas, ou aussi adapté que ce dernier.

Mon second souci est d'ordre encore plus général, puisqu'il concerne le renforcement de l'attractivité de la place de Paris. Vous avez installé le 5 octobre dernier le Haut Comité de Place, ce dont je me réjouis.

Je souhaiterais, madame le ministre, que vous puissiez faire quelques commentaires à ce sujet.

Cette initiative me paraît particulièrement utile dans la période actuelle. Dans la situation de concurrence avec Londres qui est la nôtre, peut-être pouvons-nous aujourd'hui marquer quelques points ?

Si nous sommes en mesure de bien utiliser nos avantages comparatifs, en particulier dans l'industrie de la gestion d'actifs, en termes de technicité, en mathématiques financières par exemple, la place de Paris et ses professionnels ont des atouts que l'on peut sans doute faire valoir davantage. Ce sont des facteurs de richesse, d'innovation, qu'il ne faut absolument pas négliger.

Madame le ministre, il s'agit, vous le savez, d'une préoccupation permanente de la commission des finances. Nous comptons, à l'occasion de la discussion du prochain projet de loi de finances, revenir sur ce sujet, notamment du point de vue des cadres financiers de haut niveau, des talents, des compétences, dont nous avons besoin et qu'il faut attirer par des régimes adaptés ; ce faisant, d'ailleurs, nous attirerons de nouvelles recettes fiscales.

Madame le ministre, si vous pouviez nous apporter quelques éléments d'information sur tous ces sujets, le Sénat vous en serait reconnaissant.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement est évidemment défavorable aux amendements identiques nos 9 et 12, qui visent à supprimer l'article 2, tout simplement parce qu'ils nous priveraient des moyens de transposer la directive « réassurance » et de réformer le cadre juridique applicable aux opérations de titrisation.

L'amendement n° 2 a pour objet de préciser que l'un des objectifs de la réforme est de veiller « à une information transparente et sincère des investisseurs ».

Le Gouvernement partage pleinement cet objectif de transparence des informations qui concourt, d'abord, à une meilleure sécurité et, ensuite, à une meilleure concurrence. Il émet donc bien entendu un avis favorable sur cet amendement.

Je suis heureuse d'apporter quelques compléments d'information tant sur notre lecture et notre appréciation des turbulences financières de l'été que sur les questions touchant à l'attractivité de la place financière de Paris dans le contexte actuel.

Mme Bricq a considéré que le principe de l'urgence ne prévalait pas.

Au regard de la compétitivité et des avantages comparatifs que nous pouvons tirer de la situation actuelle - il n'est bien sûr nullement question de nous réjouir du malheur qui affecte les autres -, nous disposons d'un élément d'urgence qui devrait nous pousser dans la direction de la bonne régulation d'instruments financiers qui, de toute façon, sont utilisés par les acteurs financiers dans le domaine de la réassurance.

En ce qui concerne les turbulences financières de l'été, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, je partage tout à fait votre analyse : elles ne sont pas à attribuer exclusivement au mécanisme du marché hypothécaire à risque américain, autrement appelé le subprime.

Si l'élément déclencheur a, cette fois-ci, été le marché des prêts hypothécaires à risque, il aurait pu être d'une autre nature.

Cette difficulté rencontrée par le marché américain, qui s'est très rapidement diffusée sur les autres places pendant l'été, a d'abord été limitée à cet élément du marché. Puis, elle s'est ensuite étendue par une espèce de capillarité étrange et s'est transformée en crise de liquidités fondée essentiellement sur une crise de confiance.

Cette crise de confiance tenait, premièrement, à la fragmentation des risques liés à la titrisation de ces éléments du marché, c'est-à-dire les crédits à risque, et, deuxièmement, à une sous-évaluation des risques qui y étaient associés, dont sont responsables un certain nombre d'acteurs, mais dont les mécanismes d'évaluation et de notation utilisés par les agences en particulier sont probablement un peu responsables.

C'est d'ailleurs ce qui nous a amenés à proposer à nos partenaires de l'ECOFIN, les autres ministres des finances de l'Union européenne, sous l'impulsion du Président de la République et de Mme Angela Merkel, un certain nombre de mesures de nature à améliorer la gouvernance, la transparence et la régulation.

Nous avons fait notamment dix propositions distinctes, dont certaines sont relatives à la régulation applicable aux agences de notation ou aux codes de bonne pratique. Dans ces domaines, tout simplement parce que la finance est fluide et qu'il ne s'agit pas de produits qui passent des frontières, il est indispensable de s'assurer que les acteurs de place sont participants et s'approprient les mécanismes que nous leur suggérons, tout simplement parce qu'ils y ont intérêt.

Un premier exemple de mesure est donc l'amélioration du fonctionnement des agences de notation à l'égard, notamment, des règles de conflits d'intérêt, des obligations de conservation d'un certain nombre de documents relatifs aux travaux effectués sur des instruments financiers.

Un deuxième exemple consisterait, bien sûr, à leur suggérer de calibrer leur notation en fonction d'un indice de liquidité qui, aujourd'hui, n'est pas particulièrement pris en compte dans l'évaluation qu'ils font des risques.

Nous avons donc présenté toute une série de propositions auxquelles se sont ralliés la plupart de nos partenaires européens la semaine dernière, ce qui nous permettra très probablement de promouvoir d'une voix commune cette initiative franco-allemande lors des assemblées annuelles du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, au mois d'octobre.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

Mme Christine Lagarde, ministre. Nous sommes donc véritablement en situation de proposition et d'initiative, tout simplement parce que nous disposons, au sein de l'Union européenne et tout particulièrement en France, compte tenu du rôle des acteurs de place, d'un mécanisme de régulation et de sécurité qui nous a permis d'échapper à un certain nombre de vicissitudes rencontrées par d'autres marchés - je pense au marché américain, au marché allemand à un moindre degré et, sans aucun doute, au marché anglais.

Je veux revenir un instant sur l'étroite concertation nécessaire et sur le lien existant entre la Banque de France et l'organe de régulation des banques, la Commission bancaire : le fait que ces deux organismes s'informent en permanence et connaissent une proximité institutionnelle nous a très probablement, de mon point de vue, épargné des vicissitudes rencontrées par le marché britannique à l'occasion des difficultés de liquidité et de refinancement de la Northern Rock : un certain nombre de petits épargnants qui n'avaient pu se réapprovisionner par Internet sont allés faire la queue aux portes de la Northern Rock !

Voilà divers éléments que je voulais vous indiquer à ce sujet.

Je précise que l'article 2, qui a pour objet d'habiliter le Gouvernement à procéder par voie d'ordonnance, me paraît justifié par l'urgence.

En effet, aujourd'hui, le marché français, compte tenu de sa régulation, des rôles joués par les différents acteurs, bénéficie d'un indice de sécurité et de bonne régulation dont il me paraît absolument indispensable de tirer profit !

J'en viens à l'attractivité de la place de Paris. Ainsi que l'a dit Mme Bricq, l'ensemble des acteurs de place, la Ville de Paris, la région d'Île-de-France et l'ensemble des acteurs économiques et financiers ont oeuvré, sous l'impulsion des pouvoirs publics, pour parvenir début juillet -  et, sans vouloir me vanter de quoi que ce soit, je pense avoir un peu poussé à la roue en ce sens - à la labellisation du pôle « Finance Innovation » comme pôle mondial. C'était une première étape.

La deuxième étape que j'avais annoncée à cette occasion était la constitution d'un Haut Comité de Place pour Paris.

Il me paraît en effet indispensable de tirer parti de nos atouts, qu'il s'agisse des atouts classiques de la France - son infrastructure exceptionnelle, sa capacité d'accueil des investisseurs étrangers, son patrimoine somptueux - ou des atouts particuliers de Paris en tant que place financière - un environnement sûr et convenablement régulé, avec des autorités de place compétentes, une capacité de coordination entre la Commission bancaire et la Banque de France, les bonnes relations entre la Banque de France et la Banque centrale européenne. N'oublions pas notre qualité d'acteur : nous disposons à Paris des meilleures formations dans le domaine des mathématiques financières. Nous avons donc tout intérêt - j'espère que nous reviendrons sur ce point à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances - à garder les talents financiers que nous formons, en particulier en faisant preuve d'attractivité. Nous avons d'ailleurs toutes les capacités pour les conserver en France et pour faire de Paris une place capable de rivaliser largement avec Londres.

N'amenons pas nos jeunes talents formés à la finance internationale et aux mathématiques financières à prendre l'Eurostar le lundi matin pour se rendre à Londres et à revenir passer leurs week-ends à Paris simplement parce que Londres est plus attractif que Paris, et ce pour des raisons qui n'ont rien à voir, monsieur le rapporteur général, avec le brouillard londonien (M. le rapporteur général sourit.), et qui tiennent plutôt au traitement fiscal qui leur est réservé. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 9 et 12.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.

Mme Nicole Bricq. Le groupe socialiste vote contre !

(L'article 2 est adopté.)

Article 2
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Article 4

Article 3

Le chapitre II du titre Ier du livre II du code des postes et des communications électroniques est complété par une section 6 ainsi rédigée :

« Section 6

« Dispositions particulières aux prestations d'itinérance intra-nationale

« Art. L. 34-10. - Tout opérateur de radiocommunications mobiles autorisé sur le territoire de la France métropolitaine, d'un département d'outre-mer, de Mayotte, de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Saint-Martin ou de Saint-Barthélemy et accueillant sur son réseau le client d'un opérateur de radiocommunications mobiles autorisé dans un autre de ces territoires respecte les dispositions tarifaires de l'article 3 du règlement n° 717/2007 du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2007, dans sa rédaction applicable à la date d'entrée en vigueur de la loi n° ...... du ......., pour la rémunération de la prestation fournie au titre des communications téléphoniques.

« Les tarifs des appels téléphoniques reçus ou émis à destination du territoire d'un État membre de la Communauté européenne, de Mayotte ou de Saint-Pierre-et-Miquelon par un client d'un opérateur de radiocommunications mobiles autorisé sur le territoire de la France métropolitaine, d'un département d'outre-mer, de Mayotte, de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Saint-Martin ou de Saint-Barthélemy accueilli sur le réseau d'un opérateur de radiocommunications mobiles autorisé dans un autre de ces territoires respectent les dispositions tarifaires de l'article 4 du règlement n° 717/2007 du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2007 dans sa rédaction applicable à la date d'entrée en vigueur de la loi n° ...... du ...... »

Les dispositions du présent article cessent de produire effet à compter du 1er juillet 2010. - (Adopté.)

Article 3
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Article 5

Article 4

Le code des postes et des communications électroniques est modifié ainsi qu'il suit :

I. - Au 3° de l'article L. 36-7, après les mots : « du présent code » sont insérés les mots : «, du règlement n° 717/2007 du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2007 ».

II. - Au 1° de l'article L. 36-11, après les mots : « pris pour son application » sont insérés les mots : « ou du règlement n° 717/2007 du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2007 ». - (Adopté.)

Article 4
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Article 6

Article 5

Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d'ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la date de publication de la présente loi, les dispositions relevant du domaine de la loi nécessaires pour transposer la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, ainsi que les mesures d'adaptation de la législation liées à cette transposition.

Le projet de loi portant ratification de cette ordonnance est déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du troisième mois à compter de la publication de cette ordonnance.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 3 est présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances.

L'amendement n° 10 est présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n° 3.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il convient de rappeler que la reconnaissance réciproque des professions réglementées est couverte au niveau communautaire par un ensemble de directives précisant les droits des citoyens dans le domaine des qualifications.

Le champ des règles communautaires est vaste puisque l'expression « professions réglementées » concerne toute profession soumise à un élément de qualification professionnelle. Toutefois, certaines professions sont ou peuvent être exclues du champ de la directive.

Le premier sujet de préoccupation de la commission est de savoir exactement quelle est la population des professions concernées, qui sont donc considérées comme « réglementées » au sens de la directive.

En réalité, mes chers collègues, il s'agit ici de remplacer, à compter du 20 octobre 2007, quinze directives par une seule et même directive, adoptée par le Conseil européen en 2005, et qui serait applicable à toutes les professions réglementées. Vous voyez le changement : quinze directives remplacées par une seule ! (Sourires.) On peut s'en réjouir en termes de simplification, mais, le diable étant dans les détails, comme M. Fourcade l'a dit tout à l'heure, nous sommes attentifs.

Or cette directive s'organise autour de deux volets : d'une part, la libre prestation de services, c'est le titre II ; d'autre part, la liberté d'établissement, c'est le titre III

La libre prestation de services, c'est le cas de figure où le prestataire étranger intervient de manière temporaire et occasionnelle. La directive met alors en place un nouveau système en adoptant un principe général de non-vérification des qualifications professionnelles. Mais ce principe peut faire l'objet de corrections.

La liberté d'établissement, c'est le cas de figure où le prestataire étranger intervient de manière stable et permanente, ce qui le contraint à faire reconnaître sa qualification. La directive consolide, sur cet aspect, les textes existants.

Donc, l'article 5 du projet de loi prévoit d'habiliter le Gouvernement à transposer par ordonnance cette directive dont l'entrée en vigueur est fixée au 20 octobre 2007. Nous sommes un peu en retard. Le Gouvernement ne s'est pas précipité pour saisir le Parlement, notamment vos prédécesseurs, madame le ministre. Les autres États européens ne se sont peut-être pas précipités davantage, et sans doute, madame le ministre, allez-vous nous brosser un tableau d'ensemble de la situation.

À ce stade, la commission a adopté un amendement de suppression pour deux raisons majeures.

En premier lieu, le travail de transposition nous semble se réaliser dans des conditions qui ne sont pas satisfaisantes.

Initialement éclipsée par les négociations sur la directive Services, la transposition de la directive Qualifications professionnelles est aujourd'hui accélérée parce qu'on arrive en butée sur la date du 20 octobre 2007. Or l'impact des modifications requises pour chaque profession - plus de cent vingt professions seraient concernées, je l'ai dit lors de la discussion générale - est impossible à apprécier. De l'aveu même de vos services, madame le ministre, « l'impact précis n'est pas connu, car cela supposerait de mener des études économiques dans des délais qui n'étaient pas conciliables avec ceux de la transposition en droit interne ».

En second lieu, la rédaction très générale de l'habilitation ne nous donne aucune garantie en termes de principes retenus et applicables pour la préparation de cette ordonnance, s'agissant, notamment, du principe de protection des consommateurs et de préservation de l'intérêt général.

Les modifications dont il s'agit en matière de libre prestation de services représentent un enjeu très important.

Je rappelle que la directive a mis en place un système à géométrie variable, qui est le principe de non-vérification des qualifications professionnelles, retenu sur la base de la confiance mutuelle entre les États membres. Mais ce principe, comme toujours dans le droit communautaire - et nous sommes ici dans le droit « mou », en quelque sorte, dans la soft law -, peut être l'objet de corrections.

Ces corrections peuvent concerner la vérification préalable des qualifications autorisées pour les professions ayant des implications en matière de santé ou de sécurité publique, la déclaration préalable, l'information du consommateur, etc. Tout cela peut justifier des corrections ou, par conséquent, des exceptions au principe de non-vérification des qualifications professionnelles et signifie que, dans certains cas qu'il conviendrait de bien cerner, on peut continuer à vérifier les qualifications professionnelles.

L'utilisation de ces modalités de correction dans le cadre du travail de transposition doit, selon la commission, permettre de concilier trois éléments.

Le premier est, bien entendu, le maintien d'un haut niveau de protection des consommateurs.

Le deuxième élément est la possibilité, et même la nécessité, de moderniser les professions réglementées, ou certaines d'entre elles, en en facilitant l'accès.

Mais, là, nous rejoignons l'un des thèmes du travail qui a été confié par le Président de la République à la fameuse commission pour la libération de la croissance française, présidée par Jacques Attali, dont nous n'avons pas encore reçu les conclusions, qui devraient susciter un large débat public. Nous sommes donc quelque peu gênés de prendre des mesures qui préjugeraient de la libre réflexion de cette excellente instance.

Enfin, le troisième élément, qui me paraît essentiel, est la cohérence avec les intentions de transposition des autres États. Ce point est d'autant plus important qu'il serait injustifié que nos concitoyens et nos professionnels souhaitant effectuer une prestation à l'étranger soient soumis à davantage de contraintes que des ressortissants d'autres États membres venant se livrer aux mêmes prestations sur le territoire français.

Si la mise en place de vérifications préalables pourra être contrôlée par la Commission de l'Union européenne, il n'en est pas de même pour l'introduction de déclarations préalables ou d'information du consommateur.

Madame le ministre, notre analyse est donc interrogative et, dès lors que nous ne nous sentons pas assurés sur ce terrain, nous proposons une prime d'assurance qui est la suppression de l'article. Mais comme nous ne tenons pas nécessairement à payer une prime d'assurance (Sourires.), si vous nous expliquez qu'elle est superfétatoire et si vous répondez à nos préoccupations, peut-être la commission pourra-t-elle réexaminer cette position.

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour présenter l'amendement n° 10.

M. Thierry Foucaud. Je partage un certain nombre des propos que M. le rapporteur général a tenus mais je souhaite également rappeler qu'avec cet article 5 nous sommes confrontés à une situation qui est proche de celle qui a été observée pour l'article 2.

En effet, il s'agit, là encore, de passer par l'habilitation à légiférer par voie d'ordonnance pour introduire dans le droit national une directive européenne relative aux professions réglementées.

Au demeurant, comme le souligne d'ailleurs la commission dans son rapport, aucune évaluation précise du champ de l'habilitation n'est disponible, ni, bien sûr, aucune information sur le nombre et la qualité des professions réglementées qui seront concernées.

Évidemment, la question de la réciprocité est directement posée, d'autant que certaines des professions visées peuvent avoir des caractéristiques tout à fait particulières ; je pense, notamment, à l'ensemble des professions du conseil, de l'expertise et de l'ingénierie.

D'ailleurs, certains professionnels semblent s'être inquiétés des conditions de transposition de ce texte, tandis qu'il nous semble nécessaire d'appliquer une forme de principe de précaution aux fins d'expertiser réellement le champ d'application de la directive.

Toutes les garanties sont donc loin de nous être offertes par cet article 5, dont nous ne pouvons que proposer, par l'amendement n° 10, la suppression

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur le rapporteur général, je vous ai écouté très attentivement, comme j'ai d'ailleurs écouté M. Foucaud. En effet, le Gouvernement est toujours extrêmement attentif à vos propositions, qui sont toujours fondées sur un travail d'analyse très précis, très détaillé des textes et sur les conséquences de leur application.

Toutefois, je souhaite relativiser certains points et ramener aux proportions techniques que ces textes méritent le débat qui nous occupe.

En ce qui concerne le champ d'application, la directive Qualifications professionnelles s'applique aux professions dites réglementées, c'est-à-dire à celles dont l'accès ou l'exercice sont subordonnés à la possession de qualifications professionnelles ou à d'autres types de réglementation, comme le bénéfice d'une assurance ou de dépôt de garantie pour en permettre l'exercice. Mais toutes les professions réglementées ne sont pas concernées par le texte qui nous occupe actuellement.

Ainsi, certaines d'entre elles, qui correspondent, en particulier, à des offices publics ou ministériels, qui relèvent de la Chancellerie, comme les notaires, les commissaires-priseurs, les administrateurs judiciaires ou les huissiers, ne sont pas comprises dans le champ de la transposition de la directive en vertu de l'article 45 du traité. Ces professions participent, en effet, à l'exercice de l'autorité publique et ne sont donc pas concernées par la directive du 20 octobre 2007.

D'autres professions, comme celles du secteur des transports, du contrôle légal des comptes, des intermédiaires d'assurances et des gens de mer, sont déjà régies par des textes spécifiques et ne sont donc pas couvertes par la directive sur les professions réglementées.

Monsieur le rapporteur général, vous avez eu raison de faire une distinction entre la liberté d'établissement et la liberté de prestations de services.

En ce qui concerne la liberté d'établissement, la transposition se traduira, pour de nombreuses professions, par un simple toilettage, par quelques ajustements à la marge. La directive qui nous occupe prévoit, comme vous l'avez souligné, la reprise de quinze directives précédentes, parmi lesquelles trois sont générales et douze sont sectorielles.

Le point qui vous préoccupe particulièrement, c'est celui de la libre prestation de services. Dans le cadre de cette transposition, me semble-t-il, un statut minimal va être mis en place, qui permettra d'organiser l'intervention de ces prestations sur notre territoire.

Il s'agit bien, en l'espèce, de permettre de vérifier la qualification professionnelle des intéressés, comme le nom de la directive l'indique.

Alors, comment cela va-t-il se passer en pratique ? Comme la directive le suggère, chaque ministère négociera avec les professions qui lui sont traditionnellement rattachées les conditions de transposition de cette directive. Mes services traiteront ainsi des coiffeurs, ceux de mon collègue Jean-Louis Borloo des moniteurs d'auto-école, etc. Le ministère de l'économie, des finances et de l'emploi, comme cela lui a été demandé par le Premier ministre, fera la synthèse des travaux menés par chacun des ministères concernés.

C'est pourquoi, si la liste du maximum de professions susceptibles d'être concernées par cette transposition a pu vous être fournie, il serait délicat, alors que les négociations avec les ministères commencent à peine, de préciser la liste exacte des professions qui seront réellement visées par ce texte puisque le travail ne fait que commencer.

Le sujet, évidemment, n'est pas simple. C'est d'ailleurs pourquoi la commission Attali a décidé de s'accorder jusqu'à la fin de l'année pour examiner la situation des qualifications professionnelles et des restrictions posées à l'exercice de certaines professions, plutôt que d'inclure ce volet dans les premiers travaux qui doivent être remis dans les tout prochains jours.

Sur le plan européen, la directive à transposer, fondée sur le principe de la reconnaissance mutuelle, permettra à nos métiers d'être traités dans les mêmes conditions par les autres États membres de l'Union européenne.

Vous m'avez interrogée sur l'effort de transposition entrepris par les autres pays européens. Nos partenaires ne sont pas plus avancés que nous et le dernier état de transposition ne nous incite guère à penser que les uns ou les autres se soient battus pour transposer la directive dans les délais. Je ne connais pas l'état exact de transposition de chacun des pays, mais je sais que tout le monde est un peu en retard, même si la plupart des États mettent actuellement en place les mécanismes de transposition.

Cela étant, j'entends bien votre point de vue, monsieur le rapporteur. Peut-être pourrait-on envisager des palliatifs ou des modifications. En tout cas, le passage du temps et la concertation sont nécessaires.

En effet, vous avez raison de souligner que, dans un certain nombre de professions réglementées, tout un volet financier et relatif à l'organisation de la profession est associé à la réglementation. Par conséquent, il convient, pour apprécier le principe de la transposition et donc de la reconnaissance des professions concernées de manière paneuropéenne, si j'ose dire, de se concerter avec les professionnels français. Prendre l'engagement de ne pas nous précipiter pour procéder à la transposition serait peut-être de nature à répondre au souci exprimé au travers des amendements de suppression de l'article.

Je voudrais ajouter un élément de réponse que j'ai omis d'apporter tout à l'heure à M. le rapporteur général sur l'utilisation de la fiduciaire, concernant l'article 2 et les mécanismes de titrisation.

J'estime comme vous que le mécanisme de la fiducie tel que nous l'avons enfin institué dans le droit français pourrait être un véhicule très utile pour mettre en oeuvre la titrisation. Je ne pense pas, là non plus, que nous devions nous précipiter. Il me paraîtrait utile d'examiner la portée de l'instauration du mécanisme, de demander à nos services d'étudier comment la fiducie a fonctionné jusqu'à présent. Je crois qu'elle n'a rencontré que peu de succès à ce jour, et nous devons nous interroger, me semble-t-il, sur cette situation et sur le point de savoir s'il faut en étendre le champ d'application, dans les conditions que vous avez évoquées tout à l'heure, au bénéfice de certaines professions réglementées.

Dans cet esprit, il convient d'apprécier si la fiducie peut être un véhicule utile, sûr et convenablement réglementé pour la titrisation. C'est là une façon non pas d'éluder le débat, mais au contraire d'approfondir l'examen des conditions d'une bonne utilisation d'un outil juridique très largement employé au-delà de nos frontières.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Compte tenu de ce que vient de nous dire Mme le ministre, je voudrais me référer à trois principes essentiels.

En premier lieu, j'évoquerai le principe de durée. On nous propose de prévoir une habilitation pour six mois. Or vous nous avez dit vous-même, madame le ministre, que le processus ne faisait que commencer et que les autres États de l'Union européenne n'étaient probablement pas beaucoup plus avancés que nous. Dans un souci de réalisme, j'ai donc tendance à penser qu'un délai d'un an serait préférable.

En deuxième lieu, j'invoquerai le principe de concertation. J'estime que l'article d'habilitation doit se référer à ce principe, mais ce n'est pas encore le cas dans la rédaction que nous avons sous les yeux.

En troisième lieu, j'introduirai le principe de réciprocité. En d'autres termes, les options, les prises de position permises par la directive doivent, me semble-t-il, être conçues en fonction de l'état du marché, c'est-à-dire de ce que font les autres : ne nous découvrons pas plus qu'ils ne se découvrent. Telle est l'idée qui sous-tend ce principe de réciprocité.

Madame le ministre, si ces trois principes de durée, de concertation et de réciprocité étaient plus clairement consignés dans le texte, peut-être pourrions-nous cheminer ensemble et peut-être la commission des finances - je me tourne à cet instant vers M. Arthuis - pourrait-elle alors essayer de rédiger un amendement venant se greffer sur l'article 5 et tendant à faire droit aux trois principes en question, de telle sorte que nous ne restions pas sur un refus d'habilitation. Car, il faut bien le reconnaître, nous devrons d'une façon ou d'une autre transposer la directive.

En tout état de cause, il serait assez difficile d'aborder dans tous leurs détails, au travers de textes distincts, les régimes des cent vingt professions visées. Même en une année, je crains que le temps parlementaire n'y suffise pas !

Par conséquent, si nous pouvions aboutir à une rédaction telle que celle que j'appelle de mes voeux, je crois que nous pourrions progresser.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Nous allons naturellement attendre de connaître la réponse de Mme la ministre, de telle sorte que nous ayons des indications sur les intentions du Gouvernement.

Si vous acceptez de prendre en compte les préoccupations exprimées par M. le rapporteur, madame le ministre, je demanderai une suspension de quelques minutes afin de permettre à la commission des finances de se réunir pour tenter de transcrire les principes évoqués dans un nouvel amendement qui serait alors soumis au Sénat, au nom de la commission des finances.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre. Les trois principes évoqués par M. le rapporteur général me paraissent tout à fait pertinents dans le contexte de l'examen de cet article.

S'agissant de la durée, vous avez raison d'estimer, monsieur le rapporteur général, que six mois est un délai trop court. Le porter à douze mois est une excellente proposition.

Pour ce qui est de la concertation avec les cent vingt professions réglementées, cette suggestion est non seulement de bon aloi mais aussi de bonne politique, car on ne peut pas procéder à une ouverture sans en faire comprendre et apprécier l'intérêt à ceux qui en bénéficieront mais en supporteront également les conséquences dans leur activité professionnelle.

Enfin, en ce qui concerne le principe de réciprocité, il a été bien souvent évoqué, à très juste titre, par le Président de la République en matière de relations internationales et d'application des règles du commerce mondial. Il est bien légitime que nous ne nous ouvrions qu'à condition que les autres s'ouvrent dans la même mesure et selon les mêmes termes. Ce troisième principe me paraît donc plus que pertinent.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Dans ces conditions, monsieur le président, la commission des finances demande une suspension de séance d'une dizaine de minutes.

M. le président. Le Sénat va, bien sûr, accéder à votre demande, monsieur le président de la commission.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi d'un amendement n° 3 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission, et ainsi libellé :

Rédiger ainsi le premier alinéa de cet article :

Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d'ordonnance, dans un délai de douze mois à compter de la date de publication de la présente loi, les dispositions relevant du domaine de la loi nécessaires pour transposer la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, ainsi que les mesures d'adaptation de la législation liées à cette transposition, en veillant notamment, en concertation avec les professionnels, à ne renoncer à la levée des options en matière de libre prestation de services que lorsque la réciprocité le justifie.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission des finances a bien consigné dans cet amendement les trois principes que j'avais exposés de durée, en l'occurrence douze mois, de concertation avec les professionnels et de réciprocité.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement de suppression n° 10.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3 rectifié.

Mme Nicole Bricq. Le groupe socialiste s'abstient.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 5, modifié.

(L'article 5 est adopté.)

Article 5
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Article 7

Article 6

I. - La section 2 du chapitre II du titre Ier du livre III du code monétaire et financier est ainsi modifiée :

1° L'intitulé : « Sous-section 1 - Définition » est supprimé ;

2° La sous-section 2 est abrogée.

II. - Après la section 7 du chapitre Ier du titre II du livre II, il est inséré une section 8 ainsi rédigée :

« Section 8

« Dispositions communes aux produits d'épargne générale à régime fiscal spécifique

« Art. L. 221-34. - Nonobstant toutes dispositions contraires, il est interdit à tout établissement de crédit ou institution énumérée à l'article L. 518-1 d'ouvrir ou de maintenir ouverts dans des conditions irrégulières des comptes bénéficiant d'une aide publique, notamment sous forme d'exonération fiscale, en particulier les produits d'épargne générale à régime fiscal spécifique définis au présent chapitre, de verser sur ces comptes des rémunérations supérieures à celles fixées par le ministre chargé de l'économie, ou d'accepter sur ces comptes des sommes excédant les plafonds autorisés.

« Sans préjudice des sanctions disciplinaires qui peuvent être infligées par la commission bancaire, les infractions aux dispositions du présent article sont punies d'une amende dont le taux est égal au montant des intérêts payés, sans que cette amende puisse être inférieure à 75 €.

« Un décret fixe les modalités d'application du présent article, notamment les conditions dans lesquelles seront constatées et poursuivies les infractions. »

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, sur l'article.

M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'article 6 du présent projet de loi confirme, dans le droit français, par application des attendus d'une décision de la Cour de justice des Communautés européennes, la CJCE, la fin de la non-rémunération des comptes bancaires courants.

Cet arrêt, dit « Caixa Bank », instruit à la demande de l'établissement financier catalan, lève tout obstacle à la rémunération des comptes courants par les établissements de crédit en quête de clientèle dans notre pays.

Dans l'état actuel des choses, peu d'établissements de crédit proposent une telle rémunération des comptes courants, à l'exception notable du réseau des Caisses d'Epargne.

Au demeurant, les conditions de rémunération des comptes courants - rémunération qui devient une arme commerciale pour attirer de nouveaux clients - ne sont pas véritablement fixées et semblent devoir présenter un caractère quasiment anecdotique.

En l'état actuel des choses, les taux de rémunération proposés s'avèrent faibles, puisqu'un établissement de crédit d'origine britannique propose une rémunération de 3 % - compte non tenu des prélèvements fiscaux et sociaux portant sur les revenus financiers -, à concurrence de 10 000 euros par an, moyennant quelques obligations d'usage des services bancaires de l'établissement.

Or il se trouve - mais ce n'est sans doute qu'une coïncidence - que cet établissement est également l'un de ceux dont les services bancaires courants sont parmi les plus coûteux de la place, si l'on se réfère aux éléments fournis notamment par les associations de protection des consommateurs.

De fait, l'éventuel développement de la rémunération des comptes courants risque fort de s'accompagner d'un nouveau relèvement des frais bancaires plus « ordinaires ».

Dans l'intérêt bien compris des établissements de crédit, la rémunération alléchante proposée à quelques clients relativement fortunés - puisque le montant des produits financiers sera fonction du solde figurant au quotidien sur le compte - sera compensée par une nouvelle élévation du coût des prestations fournies à tous ceux qui n'auront pas la faculté de laisser inscrites sur leur compte des liquidités suffisamment importantes.

Bien entendu, à l'occasion de l'examen de ce projet de loi, nous ne pouvons, a priori, nous opposer à l'adoption de dispositions induites par la réglementation européenne et, singulièrement, par un arrêt de la CJCE.

Encore que, s'il fallait donner force de loi aux dispositions d'origine internationale primant sur le droit national, il existe bien d'autres domaines pour lesquels nous pourrions faire réaliser à notre droit positif quelques avancées ; je pense en particulier au droit du travail, domaine dans lequel notre pays ne semble pas décidé à appliquer avec la même célérité les termes de la convention internationale de l'OIT !

L'article 6 de ce projet de loi est pour nous l'occasion de revenir sur quelques débats d'importance, de faire le point notamment sur les services bancaires de base et, principalement, sur le droit d'accès des personnes les plus défavorisées à ces services de base.

Selon des éléments disponibles, une centaine de milliers de personnes est aujourd'hui concernée par la mise en oeuvre du droit au compte, quand bien même ce nombre est sans commune mesure avec celui des interdits bancaires et des exclus des services bancaires.

Nous estimons qu'il serait tout à fait adapté de lancer de nouveau une procédure de consultation des parties pour mettre en place un véritable « service bancaire universel », comme le demandent les associations familiales et les associations de consommateurs, et ce d'autant plus que nous sommes tout de même à une époque où certains de nos établissements financiers présentent des résultats dépassant les 20 % de leurs produits d'activité bancaire.

Tels sont, monsieur le président, les éléments que je souhaitais apporter sur l'article 6.

M. le président. Je mets aux voix l'article 6.

(L'article 6 est adopté.)

Article 6
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Article 8

Article 7

Les ordonnances suivantes sont ratifiées :

I.- Ordonnance n° 2004-504 du 7 juin 2004 portant transposition de la directive 2001/17/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 mars 2001 concernant l'assainissement et la liquidation des entreprises d'assurance ;

II.- Ordonnance n° 2004-1382 du 20 décembre 2004 portant adaptation de dispositions législatives relatives à la comptabilité des entreprises aux dispositions communautaires dans le domaine de la réglementation comptable ;

III.- Ordonnance n° 2007-544 du 12 avril 2007 relative aux marchés d'instruments financiers ;

IV.- Ordonnance n° 2007-571 du 19 avril 2007 relative aux établissements de crédit, aux entreprises d'investissement et aux sociétés de crédit foncier.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, sur l'article.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous en arrivons à l'article qui traite de la transposition de la directive MIF, les marchés d'instruments financiers.

Je souhaite attirer l'attention sur l'impact des nouvelles procédures sur la clientèle des banques, puis émettre quelques brèves observations sur la concurrence entre les entreprises de marché, d'une part, et les systèmes internalisés de négociation, d'autre part.

S'agissant des nouvelles procédures, la clientèle des banques perçoit ou va en percevoir directement plusieurs effets.

En premier lieu, cette clientèle fait l'objet d'une classification en trois catégories - les non-professionnels, les professionnels et les contreparties éligibles -, qui détermine le niveau des obligations de conseil des prestataires et le niveau de responsabilité des clients.

En deuxième lieu, la communication aux clients et l'application de politiques de « meilleure exécution » des ordres et de « meilleure sélection » des intermédiaires résulteront clairement de la directive.

En troisième lieu, l'application des tests d'« adéquation » ou du « caractère approprié » du traitement des ordres, selon la nature du service fourni, permettra d'apporter la garantie que le service ou l'instrument financier proposé est conforme aux besoins et aux compétences du client.

Enfin, en quatrième lieu, le dispositif MIF intègre des exigences en matière de rapidité et de transparence de l'enregistrement et du traitement des réclamations des clients, ainsi qu'une politique de gestion opérationnelle des conflits d'intérêts.

Par cette énumération, je veux souligner l'impact concret de la directive et insister sur le fait que les systèmes internalisés s'appliquent, certes, dans une large mesure, aux professionnels, mais aussi aux non-professionnels. Les garanties apportées aux non-professionnels sont régies par les principes que je viens d'énumérer.

Aujourd'hui, certaines banques n'hésitent pas à communiquer directement auprès de leur clientèle sur ces sujets. Il faut donc se féliciter de ce qu'une directive communautaire en matière financière ait un impact aussi direct sur les relations courantes entre les banques et leur clientèle, y compris la clientèle de détail. Il ne s'agit donc pas, comme pour d'autres textes, d'une affaire limitée aux seuls professionnels des marchés.

Je serais heureux, madame le ministre, que vous puissiez nous préciser les mesures qui peuvent être prises pour s'assurer que les intermédiaires financiers veilleront bien à respecter, à l'égard de la clientèle non professionnelle, l'obligation élevée d'information et de conseil qui leur est faite. Cela fait partie de la transparence et nous y sommes naturellement très attachés.

S'agissant de la compétition entre les plateformes unilatérales et les systèmes internalisés de négociation, vous avez fait allusion, tout à l'heure, au nouvel ensemble NYSE Euronext, qui va devoir faire face à la concurrence cumulée du marché de Londres et des plateformes internalisées de négociation en préparation, telle Turquoise, qui fédère sept des plus grandes banques d'investissement du monde, dont BNP Paribas, si ma mémoire est bonne, et qui sera une véritable puissance économique et financière.

Comment cette place transatlantique peut-elle à la fois attirer de nouveaux émetteurs des pays émergents, poursuivre la diminution de ses frais de transaction - les systèmes internalisés accentuent en effet la force de la concurrence et doivent conduire à réaliser de sérieuses économies -, préserver à l'avenir les modes de cotation actuelle et développer le marché des petites et moyennes valeurs, peu de temps, notamment, après la mise en place du marché Alternext ?

Peut-être pourriez-vous, madame le ministre, saisir cette opportunité pour nous dire comment vous voyez évoluer ce nouvel ensemble. Je conviens que nous nous écartons un peu du texte même du projet de loi que nous examinons aujourd'hui, mais nous sommes bien au coeur des enjeux de compétitivité.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 11, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Sans entrer plus avant dans le détail des dispositions de l'article 7, qui prévoit de ratifier des ordonnances d'ores et déjà promulguées et permettant de transposer dans notre droit interne des directives communautaires pour le moins importantes, nous ne pouvons, nous fondant sur des observations de principe, que proposer la suppression de l'article 7.

En effet, alors même que la précédente directive européenne sur les services d'investissement dans le domaine des valeurs mobilières avait fait l'objet d'un projet de loi et d'une discussion particulièrement longue, nous voici face à un texte de la plus grande concision, qui prive le Parlement de toute possibilité de débattre.

De la même manière, la question du contrôle prudentiel des établissements financiers posée par la transposition des termes de la convention dite « Bâle II » aurait pu motiver autre chose que les modalités d'adoption qui nous sont proposées, en particulier au moment où l'actualité est marquée par la crise des marchés hypothécaires nord-américains et, semble-t-il, britanniques, tandis que s'accumulent les pressions boursières sur les secteurs immobiliers français.

Tels sont donc quelques-uns des éléments qui motivent cet amendement de suppression de l'article 7.

M. le président. Les deux amendements suivants sont présentés par M. Marini, au nom de la commission.

L'amendement n° 4 est ainsi libellé :

Supprimer le I de cet article.

L'amendement n° 5 est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le IV de cet article :

IV. - 1 Sous réserve des modifications figurant au 2, l'ordonnance n° 2007-571 du 19 avril 2007 relative aux établissements de crédit, aux entreprises d'investissement et aux sociétés de crédit foncier.

2 Le premier alinéa du texte proposé par le 3° de l'article 1er de l'ordonnance n° 2007-571 du 19 avril 2007 précitée pour l'article L. 511-44 du code monétaire et financier est ainsi rédigé :

« La Commission bancaire et l'Autorité des marchés financiers établissent conjointement et tiennent à jour la liste des organismes externes d'évaluation de crédit dont les évaluations peuvent être utilisées par les établissements de crédit et les entreprises d'investissement pour les besoins de la mise en oeuvre de la réglementation prévue par l'article L. 511-41. Elles précisent pour chaque organisme les échelons de qualité de crédit auxquelles correspondent les évaluations réalisées. »

La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter ces deux amendements et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 11.

M. Philippe Marini, rapporteur général. L'amendement n° 4 est un amendement de coordination.

Quant à l'amendement n° 5, il concerne les conditions de reconnaissance par la Commission bancaire des organismes externes d'évaluation de crédit, les OEEC, qui comprennent notamment les agences de notation dont nous avons parlé tout à l'heure.

Le nouvel article L. 511-44 du code monétaire et financier fixe des conditions minimales d'éligibilité pour ces organismes : expérience, réexamen régulier des évaluations et méthodes objectives, constantes, indépendantes et transparentes.

Selon nos informations, sept organismes figurent d'ores et déjà sur la liste établie par la Commission bancaire, parmi lesquels la Banque de France, la Coface et les trois grandes agences internationales de notation.

Les agences de notation ont souvent été évoquées, voire critiquées, au cours de ces dernières semaines. Tout en souhaitant qu'elles soient un peu mieux régulées, il faut, me semble-t-il, éviter tout excès en la matière, car les responsabilités sont nécessairement partagées entre tous les échelons de cette sorte de continuum dans la diffusion des risques par les marchés. Les agences de notation sont des éléments importants, certes, mais elles ne doivent pas être considérées comme des boucs émissaires.

Les investisseurs institutionnels eux-mêmes ont pu être peu regardants sur la note attribuée à certains produits structurés et véhicules de titrisation ; leur rôle ne doit pas être oublié.

Il n'en reste pas moins que les agences de rating jouent de facto un rôle de quasi-régulateur privé du risque de crédit. Elles doivent donc internaliser des exigences élevées de rigueur, d'analyse et de prévention des risques. Vous avez rappelé, madame le ministre, les propositions que vous avez formulées au nom de la France et qui, je l'espère, trouveront un écho lors des prochaines assemblées générales des organismes de Bretton Woods.

Dans ce contexte, il importe que l'Autorité des marchés financiers, l'AMF, soit pleinement associée à la nouvelle démarche de reconnaissance des OEEC, tant il est vrai que l'appréciation des agences exerce un impact non seulement sur l'activité bancaire, mais aussi sur celle de l'ensemble des émetteurs et, au-delà, des investisseurs en produits structurés, titres de dette et actions.

L'amendement n° 5 vise donc à prévoir que la Commission bancaire établit et actualise la liste des OEEC, conjointement avec l'AMF. Nous insistons sur la nécessité d'une coordination pour sortir de la verticalité corporative, qui nous semble être encore un peu trop la marque de la régulation à la française.

S'agissant de l'amendement n°11, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. J'émettrai tout d'abord l'avis du Gouvernement sur les amendements avant de revenir aux questions plus générales évoquées par M. le rapporteur général.

S'agissant de l'amendement n° 11, les dispositions visées à l'article 7 du projet de loi ont fait l'objet d'un projet de loi d'habilitation adopté par le Parlement. Le Gouvernement a ensuite pris les ordonnances correspondantes, qui permettent de mettre en conformité notre droit national avec le droit communautaire sur les sujets très techniques que sont la réglementation comptable, les MIF ou le contrôle prudentiel des banques.

Au regard de l'importance de ces textes pour le bon fonctionnement de nos entreprises en général et du secteur financier en particulier, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

En ce qui concerne l'amendement n° 4, je vous remercie, monsieur le rapporteur général, d'avoir déposé cet amendement de coordination, auquel le Gouvernement est bien évidemment favorable.

Quant à l'amendement n° 5, il concerne la compétence qui est donnée à l'AMF pour tenir, conjointement avec la Commission bancaire, la liste de ce que j'appelle, pour simplifier, les agences de notation agréées, même s'il s'agit d'organismes externes d'évaluation de crédit, qui jouent en fait le rôle attribué aux agences de notation pour l'évaluation du crédit.

Je souhaite, monsieur le rapporteur général, que vous retiriez cet amendement. En effet, nous nous efforçons, avec un certain nombre d'autres États européens, d'amener les agences de notation à nous faire elles-mêmes un certain nombre de propositions de meilleure régulation et de notations différentes, en particulier par la prise en compte de critères qui ne sont pas aujourd'hui examinés pour l'appréciation des crédits. Dans cette attente, compte tenu non seulement de la nécessité d'accomplir un effort européen en la matière, mais aussi de l'excellente coopération entre l'AMF et la Commission bancaire pour la notation, l'agrément et l'approbation de ces organismes externes d'évaluation de crédit, je suggère que nous ne modifions pas, pour le moment, le dispositif.

Au bénéfice des modifications que nous souhaitons apporter sur l'activité, les règles de conflits d'intérêts et les mécanismes utilisés par les agences de notation, qui pourraient également s'appliquer - c'est parfaitement envisageable - aux organismes externes d'évaluation de crédit, je souhaite que nous puissions examiner ultérieurement la modification que vous proposez, monsieur le rapporteur général.

Permettez-moi maintenant de répondre sur le fond aux questions que vous avez posées, monsieur le rapporteur général, s'agissant de l'attractivité de la place de Paris.

L'application dans notre droit français de la directive MIF est un enjeu très important.

Tout d'abord, l'activité de la place de Paris représente aujourd'hui 4,5 % à 5 % du produit intérieur brut français. Il s'agit donc non pas d'une activité modeste, accessoire, anodine, qui n'occuperait qu'un certain nombre de financiers intéressés par leurs propres affaires, mais bien d'une part importante du produit intérieur brut figurant dans la catégorie des services, certains d'entre eux alimentant d'ailleurs pour partie nos exportations.

Ensuite, cette activité concerne 750 000 à 800 000 personnes, dont les emplois sont localisés en France, et il est important qu'ils y restent.

C'est pourquoi l'attractivité de la place de Paris est un facteur déterminant.

La transposition de la directive MIF, qui introduit la concurrence en interdisant le monopole jusque-là conféré à un certain nombre de places, autorise les établissements bancaires, notamment par le biais du mécanisme « Turquoise » que vous avez cité, à constituer entre eux des plateformes qui fonctionnent comme des places réglementées.

Cependant, je crois savoir que la plateforme « Turquoise » n'est ni particulièrement opérante ni attractive, même pour les huit banques, grands opérateurs internationaux, qui l'ont constituée. C'est peut-être le signe que des places réglementées et organisées, qui ont une histoire, gardent une certaine attractivité.

S'agissant de la protection des épargnants, la directive MIF introduit le concept de la vente conseillée, incitant les opérateurs à traiter très attentivement le profil et la nature de leurs clients, à l'instar des obligations de conseils existant dans d'autres professions. En outre, elle pose le principe de la meilleure exécution.

De ce point de vue, j'espère que la discussion du projet de loi de finances, notamment, nous conduira à évoquer les conditions financières et fiscales permettant d'obtenir la meilleure exécution sur telle ou telle place. À cet égard, les taxations particulières me paraissent constituer un obstacle à la meilleure exécution susceptible d'être obtenue sur la place de Paris.

J'ajoute une observation concernant la concurrence entre les places financières.

La place d'Amsterdam a retenu mon attention. Appartenant à Euronext, au même titre que la place de Bruxelles, et maintenant la place de New York en vertu de la fusion intervenue entre NYSE et Euronext, la place d'Amsterdam a tiré très rapidement parti des opportunités disponibles.

Pour répondre à l'appétence de cette place pour un rôle international, j'ai annoncé, lors de la constitution du Haut Comité de Place, le 5 octobre dernier, la création d'un nouveau compartiment sur la Bourse d'Euronext, où s'appliqueront les obligations d'information prévues par la seule réglementation européenne - et non plus française, s'agissant en particulier de l'obligation stricte d'utiliser systématiquement la langue française pour un certain nombre de publications -, dès lors que les opérations seraient réservées exclusivement aux professionnels.

Voilà l'une des mesures que nous avons prises pour rendre la place de Paris attractive.

La transposition de la directive MIF dans notre droit français devrait nous permettre de développer des mécanismes de sécurité, de transparence et de mise en concurrence des opérateurs.

J'espère que la multiplication des plateformes n'entraînera pas une trop grande fragmentation de la liquidité, ce qui serait un inconvénient sérieux, sachant que la fluidité est déterminante pour le bon fonctionnement de nos marchés financiers.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Monsieur le rapporteur général, l'amendement n° 5 est-il maintenu ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 5 est retiré.

Je mets aux voix l'article 7, modifié.

(L'article 7 est adopté.)

Article 7
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans les domaines économique et financier
Article additionnel après l'article 8

Article 8

I. - Le I de l'article L. 233-7 du code de commerce est modifié comme suit :

Au premier alinéa, après les mots : « sur un marché réglementé » sont insérés les mots : « d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ».

II. - Le II de l'article L. 233-8 du code de commerce est modifié comme suit :

1° Après les mots : « Les sociétés » sont insérés les mots : « mentionnées au I de l'article L. 233-7 » ;

2° Après les mots : « sur un marché réglementé » sont insérés les mots : « d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ».

III. - À l'article L. 233-13 du code de commerce, après les mots : « des deux tiers » sont insérés les mots : « des dix-huit vingtièmes. »

IV. - Au premier alinéa de l'article L. 233-14 du code de commerce, après les mots : « sur un marché réglementé » sont insérés les mots : « d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ».

V. - L'article L. 451-1-5 du code monétaire et financier est modifié comme suit :

1° Au premier alinéa, les références : « L. 451-1-1 et L. 451-1-2 » sont remplacées par les références : « L. 451-1-1 et L. 451-1-2 du présent code et aux articles L. 233-7 à L. 233-9 du code de commerce, » ;

2° Au premier alinéa, après les mots : « violation par l'émetteur » sont insérés les mots : « ou par la personne tenue à l'information mentionnée au I de l'article L. 233-7 du code de commerce » ;

3° Au second alinéa, les mots : « l'émetteur ou les établissements financiers chargés du placement » sont remplacés par les mots : « l'émetteur, les établissements financiers chargés du placement ou la personne tenue à l'information mentionnée au I de l'article L. 233-7 du code de commerce » ;

4° Au second alinéa, le mot : « périodique » est supprimé.

VI. - Il est inséré dans la section 2 du chapitre Ier du titre V du livre IV du code monétaire et financier un article L 451-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 451-2-1. - L'information mentionnée au I de l'article L. 233-7 du code de commerce est également donnée lorsque la société a son siège statutaire hors du territoire de l'Espace économique européen et relève de la compétence de l'Autorité des marchés financiers pour le contrôle du respect de l'obligation prévue à l'article L. 451-1-1 du présent code. Sont alors applicables les dispositions des articles des II, IV, V et VII de l'article L. 233-7, ainsi que des articles L. 233-8, L. 233-9, L. 233-10, L. 233-10-1, L. 233-11 et L. 233-12 du code de commerce. »

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, sur l'article.

M. Philippe Marini, rapporteur général. À l'occasion de l'article 8, qui traite de l'harmonisation des obligations de transparence concernant l'information sur les émetteurs de valeurs mobilières, je souhaite rappeler une question écrite que j'ai déposée voilà quelque temps, et à laquelle je n'ai pas encore reçu de réponse.

J'appelais alors votre attention, madame le ministre, sur les conditions surprenantes dans lesquelles se déroulait l'offre publique déposée par le groupe Mittal Steel NV, en vue de lui permettre de contrôler l'intégralité du capital de Arcelor SA.

Je précisais que cette dernière société demeurait cotée sur le marché Eurolist d'Euronext Paris, et que le flottant représentait - et représente encore, du moins jusqu'à l'assemblée générale très prochaine - 38,5 millions d'actions pour 5,7 % du capital de l'entreprise et 2,5 milliards d'euros de capitalisation.

Or l'offre déposée auprès des autorités de marché fait apparaître une parité de huit actions Mittal Steel NV pour sept actions Arcelor SA, c'est-à-dire une dégradation de près de 40 % de la parité offerte en 2006 pour l'offre principale, qui était de onze actions Mittal Steel NV pour sept actions Arcelor SA.

Une telle révision unilatérale d'une parité d'échange serait, si elle était admise par l'autorité de marché compétente, un précédent préoccupant pour le traitement des actionnaires minoritaires en France.

De façon surprenante, et alors que les actions Arcelor SA sont pour l'essentiel cotées sur le marché de Paris, c'est le seul régulateur luxembourgeois - la commission de surveillance du secteur financier, ou CSSF - qui serait compétent pour valider le projet de fusion, ainsi que l'émission des titres offerts et leur admission à la cote.

S'agissant d'un réel problème d'information et de traitement équitable des actionnaires sur la place de Paris - principale place de cotation, je le rappelle - cette situation, sans doute formellement conforme aux directives européennes en vigueur, n'en est pas moins profondément choquante.

La question pour l'avenir est de savoir si l'initiateur d'une offre publique ne réalise pas un détournement du droit communautaire en conduisant une OPA sur une société régie par le droit d'un État membre, et alors que les titres sont essentiellement cotés sur un marché régi par un autre État membre, puis, quelques mois après, une seconde offre, portant sur les mêmes titres, et à des conditions différentes de celles de l'opération initiale, alors que le droit boursier de l'État siège du principal marché ne le permettrait pas.

Je pense donc que, dans le cas de Mittal Steel NV, une telle opération contrevient totalement à l'esprit et à la lettre des textes en vigueur. Admettre un tel précédent autoriserait un grand nombre d'initiateurs à procéder de même, et à tâcher d'obtenir au rabais le contrôle effectif de 100 % du capital de leur cible.

C'est pourquoi je vous demandais par cette question écrite, madame le ministre, ce qu'il était possible de faire pour protéger, dans une telle conjoncture, les actionnaires minoritaires, aujourd'hui d'Arcelor SA et, peut-être demain, de plusieurs autres sociétés significatives.

M. le président. Je mets aux voix l'article 8.

(L'article 8 est adopté.)

Article 8
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Article 9

Article additionnel après l'article 8

M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le III de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, il est inséré un III bis ainsi rédigé :

« III bis. - Dans les conditions fixées par décret en Conseil d'État, la récusation d'un membre de la commission des sanctions est prononcée à la demande de la personne mise en cause s'il existe une raison sérieuse de mettre en doute l'impartialité de ce membre. »

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement vise à introduire une nouvelle faculté de récusation d'un membre de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers.

Ce dispositif existe devant les juridictions civiles, pénales et administratives et il semble nécessaire de le transposer s'agissant de la commission des sanctions de l'AMF.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 6 concernant la faculté de récusation d'un des membres de l'AMF.

S'agissant de la question écrite que vous m'avez adressée, monsieur le rapporteur général, concernant les conditions de la dernière étape de l'opération de fusion entre Mittal Steel NV et Arcelor S.A, j'indique simplement que le groupe paraît se porter relativement bien et que les rapports sociaux entre la nouvelle direction et les organisations syndicales semblent harmonieux.

C'est une question complexe, qui n'a échappé à personne, et je m'engage à vous répondre en détail et par écrit d'ici à la fin de la semaine.

Néanmoins, pour ce qui est de la compétence du régulateur luxembourgeois sur cette opération, je vais tenter de répondre aujourd'hui à votre interrogation.

Mittal Steel NV avait fait, en 2006, une offre sur Arcelor SA, société luxembourgeoise, offre qui était soumise à la compétence des autorités boursières belges, luxembourgeoises et françaises, en application de leurs droits respectifs.

L'opportunité a ensuite été donnée aux actionnaires minoritaires d'Arcelor SA de sortir du capital sur une base volontaire. Ce point est important, car les actionnaires minoritaires d'Arcelor SA se sont vu alors offrir la possibilité d'échanger leurs titres en novembre 2006, selon les parités fixées par l'offre initiale.

Au terme de cette offre, Mittal Steel NVdétient 93,7 % du capital d'Arcelor, soit un seuil inférieur aux 95 % exigés par la loi luxembourgeoise pour permettre un retrait obligatoire de la cote.

La dernière étape de cette opération prend donc la forme d'une fusion entre des sociétés luxembourgeoises, puisqu'il s'agit de fusionner Arcelor et Arcelor Mittal, filiale de droit luxembourgeois de Mittal Steel.

Dans ces conditions, le régime juridique de la fusion relève du droit des sociétés luxembourgeois puisqu'elle concerne deux sociétés soumises l'une comme l'autre à ce droit. C'est la raison pour laquelle la commission de surveillance du secteur financier du Luxembourg est compétente en l'espèce.

La parité de fusion déterminée selon le droit luxembourgeois sera soumise à ce qu'on appelle dans ce pays des réviseurs. Il s'agit d'experts indépendants qui, pour évaluer les sociétés, travaillent sur des pièces qui, dans le cas présent, reprendront probablement un certain nombre des critères habituellement retenus pour la détermination d'une parité de fusion.

Seuls les tribunaux luxembourgeois seront compétents pour apprécier d'éventuelles contestations de la parité retenue. Je suppose que celles-ci porteront sur la parité telle qu'elle a été fixée par les réviseurs lors de l'échange qui avait eu lieu en 2006 à l'occasion de la prise de contrôle d'Arcelor par Mittal.

Tels sont les éléments de réponse que je peux vous apporter aujourd'hui, monsieur le rapporteur général. Mais je vous promets une réponse écrite et détaillée avant la fin de la semaine.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Merci, madame le ministre !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 8.

Article additionnel après l'article 8
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Article 10

Article 9

Après l'article L. 111-6 du code des assurances, il est inséré un article L. 111-7 ainsi rédigé :

« Art. L. 111-7. - I. - Toute discrimination directe ou indirecte fondée sur la prise en compte du sexe comme facteur dans le calcul des primes et des prestations ayant pour effet des différences en matière de primes et de prestations est interdite.

« Les frais liés à la grossesse et à la maternité n'entraînent pas un traitement moins favorable des femmes en matière de primes et de prestations.

« Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, le ministre chargé de l'économie peut autoriser par arrêté des différences de primes et de prestations fondées sur la prise en compte du sexe et proportionnées aux risques lorsque des données actuarielles et statistiques pertinentes et précises établissent que le sexe est un facteur déterminant dans l'évaluation du risque d'assurance. Ces arrêtés sont pris conjointement avec le ministre chargé de la sécurité sociale lorsqu'ils portent sur des opérations mentionnées au 1° et au 2° de l'article L. 310-1.

« II. - Un arrêté du ministre chargé de l'économie et du ministre chargé de la sécurité sociale fixe les conditions dans lesquelles les données mentionnées au troisième alinéa du I sont collectées ou répertoriées par les organismes professionnels mentionnés à l'article L. 132-9-2 et les conditions dans lesquelles elles leur sont transmises. Ces données régulièrement mises à jour sont publiées dans des conditions fixées par cet arrêté et au plus tard à la date d'entrée en vigueur de l'arrêté mentionné au troisième alinéa du I.

« Par dérogation à l'alinéa précédent, les données mentionnées au troisième alinéa du I peuvent, s'agissant des risques liés à la durée de la vie humaine, prendre la forme de tables homologuées et régulièrement mises à jour par arrêté du ministre chargé de l'économie.

« III. - Le présent article s'applique aux contrats d'assurance, autres que ceux conclus dans les conditions prévues à l'article L. 911-1 du code de la sécurité sociale, ainsi qu'aux opérations mentionnées à l'article L. 322-2-2 qui en découlent directement. »

Les dispositions du présent article sont applicables aux contrats conclus et aux adhésions à des contrats d'assurance de groupe effectuées à compter du 21 décembre 2007.  - (Adopté.)

Article 9
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Article 11 (début)

Article 10

I. - L'article L. 141-1 du code de la consommation est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. L. 141-1. - I. - Sont recherchées et constatées dans les conditions fixées par les articles L. 450-1, L. 450-2, L. 450-3, L. 450-4, L. 450-7, L. 450-8, L. 470-1 et L. 470-5 du code de commerce, les infractions ou manquements aux dispositions prévues au présent code par :

« 1° La section I : « Publicité », la section II : « Ventes de biens et fournitures de prestations de services à distance », la section III : « Démarchage », la section VIII : « Publicité et pratiques commerciales concernant les préparations pour nourrissons » et la section IX : « Contrat de jouissance d'immeuble à temps partagé » du chapitre Ier du titre II du livre Ier ;

« 2° La section III : « Ventes ou prestations à la boule de neige » et la section IV : « Abus de faiblesse » du chapitre II du titre II du livre Ier ;

« 3° La section V : « Les crédits affectés » et la section VII : « Sanctions » du chapitre Ier du titre Ier du livre III ;

« 4° La section VII : « Sanctions » du chapitre II du titre Ier du livre III ;

« 5° La section I : « Le taux d'intérêt » et la section III : « Rémunération du vendeur » du chapitre III du titre Ier du livre III ;

« 6° Le chapitre II : « Dispositions diverses » du titre II du livre III ;

« 7° La section VI : « Crédit hypothécaire garanti par une hypothèque rechargeable » du chapitre III du titre Ier du livre III ;

« 8° La section VII : « Sanctions » du chapitre IV du titre Ier du livre III.

« II. - Sont recherchées et constatées dans les mêmes conditions qu'au I, à l'exception des pouvoirs d'enquête de l'article L. 450-4 du code de commerce, les infractions ou manquements aux dispositions prévues au présent code :

« 1° Le chapitre III : « Prix et conditions de vente » du titre Ier du livre Ier ;

« 2° La section V : « Ventes ou prestations avec primes », la section VI : « Loteries publicitaires » et la section XI : « Contrats de services de communication électronique » du chapitre Ier du titre II du livre Ier ;

« 3° La section I « Refus et subordination de vente ou de prestation de services » et la section II : « Ventes et prestations de services sans commande préalable » du chapitre II du titre II du livre Ier et l'article R. 122-1 ;

« 4° La section I : « Protection des consommateurs contre les clauses abusives » du chapitre II du titre III du livre Ier ;

« 5° Le chapitre III : « Interprétation et forme des contrats » du titre III du livre Ier ;

« 6° Le chapitre VI : « Reconduction des contrats » du titre III du livre Ier ;

« 7° Le chapitre Ier : « Dispositions générales » du titre Ier du livre II.

« III. - Sont également recherchées et constatées dans les conditions fixées au I du présent article les infractions ou manquements aux dispositions :

« 1° Du titre III : « Des sanctions pénales » de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce ;

« 2° De l'article 4 du titre Ier : » Des rapports entre bailleurs et locataires » du chapitre Ier: « Dispositions générales » de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 modifiée tendant à améliorer les rapports locatifs ;

« 3° De la section I : « Dispositions générales » et de la section II : « Contrat de vente de voyages et de séjours » du chapitre Ier du titre Ier du livre II du code du tourisme ;

« 4° Du titre II : « Du commerce électronique » de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique.

« IV. - Le secret professionnel ne peut être opposé aux agents agissant dans le cadre des pouvoirs qui leur sont conférés par le présent article.

« V. - Les agents habilités à constater les infractions ou manquements aux obligations mentionnées aux I, II et III du présent article peuvent, après une procédure contradictoire, enjoindre au professionnel, en lui impartissant un délai raisonnable, de se conformer à ces obligations, de cesser tout agissement illicite ou de supprimer toute clause illicite.

« VI. - L'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation peut également demander à la juridiction civile ou, s'il y a lieu, à la juridiction administrative, d'ordonner, le cas échéant sous astreinte, la suppression d'une clause illicite ou abusive dans tout contrat ou type de contrat proposé ou destiné au consommateur. Elle peut, après en avoir avisé le procureur de la République, agir devant la juridiction civile, pour demander au juge d'ordonner, au besoin sous astreinte, toute mesure de nature à mettre un terme aux manquements à des obligations contractuelles ou aux agissements illicites mentionnés aux I, II et III du présent article. Les modalités de mise en oeuvre de ces procédures sont fixées par décret en Conseil d'État. »

II. - L'article L. 3351-8 du code de la santé publique est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. L. 3351-8. - Les agents habilités de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes veillent au respect des dispositions de l'article L. 3323-2 ainsi que des règlements pris pour son application. Ils procèdent à la recherche et à la constatation des infractions prévues par ces textes dans les conditions fixées par les I, IV, V et VI de l'article L. 141-1 du code de la consommation. »

M. le président. L'amendement n° 13, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa du I (1°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 141-1 du code de la consommation :

après les mots :

pour nourrissons

remplacer le mot :

et

par :

,

et après les mots :

à temps partagé »

insérer les mots :

et la section XII : « Contrats de fourniture d'électricité ou de gaz naturel »

La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre. Une erreur matérielle s'est malheureusement glissée dans la nouvelle rédaction de l'article L. 141-1 du code de la consommation, qui encadre les pouvoirs d'enquête dont disposent les agents de la DGCCRF pour rechercher et constater les infractions ou manquements aux dispositions du code de la consommation protégeant les intérêts économiques des consommateurs. En effet, ne figure plus la référence aux dispositions relatives au secteur de l'énergie, qui vise à encadrer les obligations d'information précontractuelle pesant sur les opérateurs ainsi que les conditions de formation et d'exécution des contrats proposés au consommateur.

Le présent amendement vise à réparer cet oubli sans rien ajouter au droit positif. Son adoption conditionne la possibilité pour les pouvoirs publics de continuer à s'assurer du respect par les opérateurs des règles d'information et de protection des consommateurs. Il s'agit donc là d'un enjeu politiquement sensible, dans un domaine où les consommateurs sont en attente du maintien d'une certaine régulation par les pouvoirs publics.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission émet un avis tout à fait favorable sur cet amendement

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 10, modifié.

(L'article 10 est adopté.)

Article 10
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Article 11 (fin)

Article 11

Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le gouvernement est autorisé à prendre par voie d'ordonnance, dans un délai expirant le dernier jour du douzième mois suivant la publication de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi, permettant, d'une part, de rendre applicables, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de la présente loi dans les îles Wallis et Futuna, ainsi qu'en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française pour celles qui relèvent de la compétence de l'État, et, d'autre part, de procéder aux adaptations nécessaires en ce qui concerne les collectivités de Mayotte, de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin.

M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après les mots :

Saint-Barthélemy

rédiger comme suit la fin de cet article :

, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous nous intéressons là à nos îles lointaines, dont la liste était incomplète.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 11, modifié.

(L'article 11 est adopté.)

M. le président. Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

Article 11 (début)
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8

Mise au point au sujet d'un vote

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.

M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, lors du scrutin n° 11 relatif au projet de loi autorisant la ratification de l'accord sur l'application de l'article 65 de la convention sur la délivrance de brevets européens, M. Charles Pasqua souhaitait voter contre le texte, alors qu'il a été porté comme ayant voté pour. Il demande donc la rectification de son vote.

M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, monsieur Fourcade.

9

Dépôt d'un projet de loi

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi renforçant les mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux.

Le projet de loi sera imprimé sous le n°  29, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

10

Transmission d'un projet de loi

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la lutte contre la corruption.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 28, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'Administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

11

Texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1338/2001 définissant des mesures nécessaires à la protection de l'euro contre le faux monnayage.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3649 et distribué.

12

Dépôt d'un rapport d'information

M. le président. J'ai reçu de MM. Thierry Foucaud et Bertrand Auban un rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur l'enquête de la Cour des comptes relative au service des pensions.

Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 27 et distribué.

13

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 16 octobre 2007 à seize heures :

Discussion du projet de loi (n° 437, 2006-2007) relatif à la mise en oeuvre des dispositions communautaires concernant le statut de la société coopérative européenne et la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur.

Rapport (n° 22, 2007-2008) de M. Louis Souvet, fait au nom de la commission des affaires sociales.

Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements

Projet de loi relatif à la mise en oeuvre des dispositions communautaires concernant le statut de la société coopérative européenne et la protection des travailleurs salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur (n° 437, 2006-2007) ;

Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 15 octobre 2007, à seize heures ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale: lundi 15 octobre 2007, à dix-sept heures.

Projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2007-613 du 26 avril 2007 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament (n° 340, 2006-2007) ;

Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 16 octobre 2007, à 17 heures ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale: mardi 16 octobre 2007, à dix-sept heures.

Deuxième lecture du projet de loi de lutte contre la contrefaçon (n° 9, 2007-2008) ;

Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 16 octobre 2007, à dix-sept heures.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD