Article 9
Le contrôleur général des lieux de privation de liberté remet chaque année un rapport d'activité au Président de la République et au Parlement. Ce rapport est rendu public.
M. le président. L'amendement n° 97, présenté par Mme Assassi, Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :
Compléter la deuxième phrase de cet article par les mots :
et fait l'objet d'une communication devant chacune des assemblées
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Nous proposons de préciser dans cet article que le rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté fait systématiquement l'objet d'une communication devant les parlementaires.
Ce qui fonctionne déjà concernant les pouvoirs du Médiateur de la République doit selon nous pouvoir s'appliquer au contrôleur général.
Cet amendement ne devrait donc pas poser de problème.
Cette rédaction présente l'avantage d'informer tous les parlementaires. En effet, compte tenu de la diversité des lieux privatifs de liberté - les secteurs psychiatriques des centres hospitaliers, par exemple -, compte tenu aussi du fait que l'ensemble du territoire de la République - chaque département, chaque circonscription - est concerné, compte tenu enfin du fait que chaque parlementaire dispose d'un droit de visite dans certains lieux privatifs de liberté, dès lors tous les parlementaires sont concernés par le rapport annuel.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Monsieur le président, je répondrai d'une manière non mécanique et non répétitive ! (Rires sur les travées de l'UMP. - M. Bruno Sido applaudit.)
Je ne suis pas favorable à la systématisation d'une communication devant les assemblées. Le rapport est remis au Parlement : il fait l'objet d'une communication d'une dizaine de minutes à laquelle il est répondu.
Je vous propose, pour ma part, que, comme nous le faisons pour l'Office parlementaire d'évaluation de la législation, les membres des autorités administratives indépendantes soient entendus régulièrement à la suite de leur rapport par les commissions compétentes - pour le contrôleur général, ce serait plutôt la commission des lois. Ce serait beaucoup mieux, car il s'agirait d'un dialogue. On pourrait organiser une audition, même ouverte, comme cela a déjà été fait pour un certain nombre de rapports.
Ce faisant, nous répondons parfaitement à toutes les recommandations de l'Office parlementaire d'évaluation de la législation, adoptées sur la proposition de son rapporteur, notre éminent collègue le doyen Patrice Gélard.
Une telle méthode serait beaucoup plus efficace et plus utile qu'une formalité en séance publique qui n'intéresse franchement personne.
La commission émet donc un avis défavorable pour toutes les raisons que j'ai justifiées.
M. Robert Bret. Et argumentées !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 9.
(L'article 9 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 9
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 16, présenté par M. Hyest au nom de la commission est ainsi libellé :
Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté coopère avec les organismes internationaux compétents.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La mise en place du contrôleur général s'inscrit dans le cadre des engagements internationaux de la France. Il est souhaitable de prévoir expressément, à ce titre, qu'il coopère avec les organismes internationaux compétents, à savoir le sous-comité de la prévention prévu par le protocole facultatif des Nations unies contre la torture et le comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains et dégradants. Tel est l'objet de cet article additionnel.
M. le président. L'amendement n° 81, présenté par Mme Assassi, Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :
Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le contrôleur général des lieux de privation de liberté a la possibilité d'avoir des contacts avec le Sous comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du Comité contre la torture, de lui communiquer des renseignements et de le rencontrer.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Le protocole facultatif, dans son article 20, prévoit que les États parties s'engagent à accorder aux mécanismes nationaux de prévention, afin de s'acquitter de leur mandat, le droit d'avoir des contacts avec le sous-comité de prévention, de pouvoir lui communiquer des renseignements et de le rencontrer. Sur ce point et en l'état, le projet de loi reste muet.
Aussi, pour combler cette lacune, nous proposons de prévoir expressément la possibilité d'échanges entre le contrôleur général et le sous-comité.
Il est important d'insister, selon nous, sur le caractère international du cadre dans lequel doit s'inscrire l'action du contrôleur général ; la dimension internationale est essentielle pour l'effectivité du mécanisme national.
Avec cet amendement, nous rejoignons la commission, qui est elle aussi soucieuse de voir mise en place une coopération entre le contrôleur général et les organismes internationaux compétents.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L'amendement n° 81 me semble satisfait par l'amendement n° 16 de la commission. La seule différence, c'est que ce dernier ne précise pas les divers organismes.
Imaginez, par exemple, que, dans le cadre de l'Union européenne, une commission s'intéresse aux droits fondamentaux... Mieux vaut donc adopter une rédaction générale faisant juste référence aux « organismes internationaux compétents ». Je pense d'ailleurs que l'amendement n° 16 vous donne satisfaction, madame Assassi.
Mme Éliane Assassi. Oui, monsieur le rapporteur !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 16 et défavorable à l'amendement n° 81.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 9, et l'amendement n° 81 n'a plus d'objet.
Article 10
Le contrôleur général des lieux de privation de liberté gère les crédits nécessaires à l'accomplissement de sa mission.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 98, présenté par Mme Assassi, Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Les crédits nécessaires à l'accomplissement de la mission du contrôleur général des lieux de privation de liberté sont inscrits au programme intitulé "Coordination du travail gouvernemental".
Le contrôleur général des lieux de privation de liberté présente ses comptes au contrôle de la Cour des comptes.
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Le projet de loi, dans sa rédaction actuelle, prévoit que « le contrôleur général des lieux de privation de liberté gère les crédits nécessaires à l'accomplissement de sa mission ».
Force est d'admettre, madame le garde des sceaux, que votre texte n'apporte aucune garantie sur le budget dont va disposer le contrôleur général pour l'exercice de ses missions.
Pourtant, on sait que le bon fonctionnement d'une autorité indépendante de contrôle dépend certes des pouvoirs dont elle dispose, mais aussi et surtout des crédits qui lui sont alloués.
Pour conforter l'autonomie financière de cette nouvelle autorité - corollaire de son indépendance -, il convient de préciser que « les crédits nécessaires â l'accomplissement de la mission du contrôleur général des lieux de privation de liberté sont inscrits au programme intitulé « Coordination du travail gouvernemental » et que « le contrôleur général des lieux de privation de liberté présente ses comptes au contrôle de la Cour des comptes ».
Nous nous sommes inspirés de ce qui existe déjà pour le Médiateur de la République ou encore pour le Défenseur des enfants.
Vous avez annoncé, madame le garde des sceaux, une dotation financière de 2,5 millions d'euros, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2008, ce qui devrait permettre au contrôleur général de recruter une vingtaine de collaborateurs à temps plein - vous avez parlé de dix-huit personnes, me semble-t-il - et de disposer de locaux propres à les accueillir.
C'est un bon début. Mais si l'on fait une comparaison avec la Grande-Bretagne, où l'inspecteur en chef des prisons dispose de 41 collaborateurs pour assurer les visites dans le seul domaine pénitentiaire, votre proposition reste modeste, voire très modeste. Vingt personnes pour contrôler 5 774 lieux de privation de liberté et nombre de personnes détenues, réparties sur un territoire pour le moins vaste, avouez que c'est très peu ! D'autant que, comme le souligne M. le rapporteur, la montée en puissance de ce dispositif exigera très vite une augmentation des moyens.
L'amendement n° 98 devrait, me semble-t-il, satisfaire tout le monde, puisque l'amendement n° 17 de la commission des lois tend à proposer une rédaction de l'article 10 identique à la nôtre. Puisque nous sommes d'accord, adoptons donc tous ensemble cette rédaction.
M. le président. L'amendement n° 17, présenté par M. Hyest, au nom de la commission est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux phrases et un alinéa ainsi rédigés :
Ces crédits sont inscrits au programme intitulé « Coordination du travail gouvernemental ». Les dispositions de la loi du 10 août 1922 relative au contrôle financier ne sont pas applicables à leur gestion.
Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté présente ses comptes au contrôle de la Cour des comptes.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement tend à apporter une triple précision.
D'abord, il prévoit que les crédits octroyés au contrôleur général seront rattachés au programme « Coordination du travail gouvernemental ». Un tel dispositif vaut également pour d'autres autorités administratives indépendantes, telles que le Médiateur de la République ou le Défenseur des enfants, et permet de souligner la vocation interministérielle de la mission du contrôleur général.
Ensuite, cet amendement vise à soustraire les comptes du contrôleur général à l'application de la loi du 10 août 1922 relative à l'organisation du contrôle des dépenses engagées. Il ne peut y avoir de contrôle a priori d'un contrôleur financier du ministère chargé des finances. Cette dérogation est reconnue à plusieurs autorités administratives indépendantes telles que la Commission nationale de l'informatique et des libertés, le Médiateur de la République ou le Défenseur des enfants.
Enfin, cet amendement prévoit que la Cour des comptes exerce un contrôle a posteriori des comptes du contrôleur général, ...
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. C'est normal !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. ... comme elle le fait pour les autres autorités administratives indépendantes.
Ces précisions figurent dans de nombreux statuts, et il nous est apparu utile de les mentionner, compte tenu de la spécificité de la fonction du contrôleur général.
M. le président. L'amendement n° 44, présenté par Mme Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Le contrôleur général des lieux de privation de liberté présente chaque année ses comptes à la Cour des comptes.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement concerne les moyens d'action du contrôleur général. Celui-ci doit disposer de crédits qui ne dépendent pas du Gouvernement et lui permettent d'assurer au mieux sa mission. Mais la gestion de ces crédits doit faire l'objet d'un contrôle extérieur.
La Cour des comptes doit pouvoir veiller à la transparence des comptes du contrôleur général. Ce dernier devra nécessairement lui présenter chaque année un bilan de la gestion de ces crédits, et la Cour des comptes pourra, en retour, formuler des recommandations.
Indépendance ne signifie pas opacité : la règle de la transparence dans les actions et dans les comptes du contrôleur doit être scrupuleusement préservée.
M. le président. L'amendement n° 43, présenté par Mme Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Le contrôleur général des lieux de privation de liberté dispose de crédits inscrits sur le budget général de l'État.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement a trait à l'autonomie financière du contrôleur général des lieux de privation de liberté, qui constitue en fait son indépendance. Les crédits octroyés au contrôleur général des lieux de privation de liberté ne peuvent pas être inscrits au budget du ministère de la justice.
Tout d'abord, ce ministère aura besoin de ses deniers pour mettre en oeuvre les mesures relatives à la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, qui auront vraisemblablement un coût important. Il lui faudra beaucoup d'argent public pour construire des prisons et des établissements pour mineurs, afin de pourvoir à l'accroissement prévisible de la population carcérale dans l'année qui vient !
Ensuite, l'indépendance du contrôleur général passe aussi par son indépendance financière à l'égard du Gouvernement.
L'amendement n° 17, présenté par la commission des lois, ne garantit pas suffisamment cette indépendance.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ah bon ?
Mme Alima Boumediene-Thiery. Si ce dernier est adopté, le contrôleur général restera dans le giron financier du Gouvernement.
Il convient donc d'inscrire les crédits du contrôleur général au budget général de l'État. C'est le seul moyen de garantir son indépendance financière et politique à l'égard du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je ne peux pas être en désaccord avec les amendements de mes collègues. Toutefois, madame Boumediene-Thiery, je ne comprends pas que vous précisiez, dans l'amendement n° 43, que « le contrôleur général des lieux de privation de liberté dispose de crédits inscrits sur le budget général de l'État ». C'est un truisme ! Sur quel autre budget voulez-vous donc les inscrire ? Pour ma part, il me semble préférable de prévoir que sa mission entrera dans un cadre interministériel.
Monsieur Bret, l'amendement n° 17 de la commission est plus complet que le vôtre dans la mesure où il prévoit un contrôle financier. Je vous demande donc, mon cher collègue, de bien vouloir vous y rallier.
Les amendements nos 44 et 43 sont également moins précis que celui de la commission, qui prévoit que les crédits sont inscrits au programme intitulé « Coordination du travail gouvernemental ».
Contrairement à ce que vous dites, madame Boumediene-Thiery, nous avons bien identifié le budget ; c'est important, et cela correspond d'ailleurs à ce que demandent toutes les autorités administratives indépendantes.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Sur le fond, le Gouvernement est tout à fait favorable à l'amendement n° 17 de la commission. Je me suis simplement interrogée sur le fait de savoir si cet amendement ne relevait pas plutôt de la loi de finances. Le Gouvernement s'en remet donc à la sagesse du Sénat.
Compte tenu de ces éléments, le Gouvernement estime que l'amendement n° 98 n'a plus lieu d'être.
Monsieur Bret, je tiens à vous préciser que la Grande-Bretagne comptait au départ six inspecteurs des prisons. Certes, ils sont une quarantaine aujourd'hui, mais ils n'exercent pas, me semble-t-il, cette fonction à temps complet.
De plus, la population carcérale est de l'ordre de plus de 80 000 détenus, et peut même s'élever à 90 000, ce qui n'est pas aujourd'hui le cas en France.
Enfin, le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 44 et 43.
M. le président. Monsieur Bret, l'amendement n° 98 est-il maintenu ?
M. Robert Bret. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 98 est retiré.
Madame Boumediene-Thiery, les amendements nos 44 et 43 sont-ils maintenus ?
Mme Alima Boumediene-Thiery. Non, je les retire, monsieur le président.
M. le président. Les amendements nos 44 et 43 sont retirés.
Je mets aux voix l'amendement n° 17.
(L'amendement est adopté à l'unanimité.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 10, modifié.
(L'article 10 est adopté.)
Article 11
Les conditions d'application de la présente loi, notamment celles dans lesquelles les contrôleurs mentionnés à l'article 3 sont appelés à participer à la mission du contrôleur général des lieux de privation de liberté, sont précisées par décret en Conseil d'État. - (Adopté.)
Article 12
La présente loi est applicable à Mayotte, dans les îles Wallis et Futuna, dans les Terres australes et antarctiques françaises, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. - (Adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Charles Gautier, pour explication de vote.
M. Charles Gautier. La journée ne se termine pas comme elle avait commencé ; en tout cas, pas dans le même état d'esprit.
Ce matin, au cours de la discussion générale, chaque orateur inscrit s'est félicité d'avoir aujourd'hui ce rendez-vous et espérait pouvoir améliorer la proposition innovante qui lui était soumise. Les membres de la commission des lois pouvaient nourrir de telles espérances, car on leur avait laissé entendre, au cours de leurs travaux, que des ouvertures étaient possibles.
Le Palais du Luxembourg a, il est vrai, connu la journée des Dupes. Pourquoi ne parlerions-nous pas ce soir de la nuit des Dupes ? (M. le rapporteur s'exclame.)
Nous avons passé plus de six heures à débattre des articles de ce projet de loi et des amendements qui ont été déposés. Or nous avons consacré les trois quarts de notre temps à limiter l'action du contrôleur général que nous voulons instituer.
Il y a deux sujets sur lesquels nous ne sommes absolument pas d'accord.
S'agissant du mode de désignation du contrôleur général, nous n'avons pas saisi la chance qui nous était donnée d'innover afin que la personne désignée soit hors de toute contestation possible.
De plus, nous n'avons pas donné au contrôleur général les moyens nécessaires pour remplir sa mission. Nous sommes très en deçà des exigences prévues sur le plan international et des dispositions contenues dans la proposition de loi de Jean-Jacques Hyest, adoptée ici à l'unanimité. Si, à l'époque, vous aviez inscrit cette proposition de loi à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale, ...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pourquoi « vous » ? En 2001, vous n'avez rien fait !
M. Charles Gautier. ... cette procédure existerait déjà depuis plusieurs années, et nous serions même très en avance par rapport au texte tel qu'il sera adopté dans quelques instants.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste s'abstiendra sur ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. -Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Deux éléments justifiaient l'urgence à instituer un contrôleur général des lieux de privation de liberté : l'état de nos établissements pénitentiaires, et les engagements internationaux de la France de créer un mécanisme national de prévention. La France ne pouvait donc plus reculer, d'autant qu'elle s'était engagée, sur le plan international, à créer cette autorité.
Mais ce projet de loi répond-il à ces exigences internationales...
MM. Pierre Hérisson et Bruno Sido. Mais oui !
Mme Éliane Assassi. Laissez-moi poser la question et y répondre !
Ce projet de loi, disais-je, répond-il à ces exigences internationales ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui !
Mme Éliane Assassi. À l'origine, le projet de loi tel qu'il nous a été présenté répondait a minima aux exigences prévues par le protocole facultatif à la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Comme certains de mes collègues l'ont souligné, il est en deçà des recommandations préconisées dans le rapport de Guy Canivet et des dispositions prévues dans la proposition de loi de 2001.
Après nos débats, et en dépit du fait que nous ayons apporté quelques améliorations telles que la nomination du contrôleur général par décret du Président de la République, après avis des commissions compétentes du Parlement, nous sommes encore en deçà.
D'une part, nous estimons que les compétences du contrôleur général restent très limitées. Nous l'avons vu notamment lors de l'examen des articles 6 et 8, s'agissant du pouvoir d'injonction, ce qui pose de facto la question de la réelle efficacité, de la crédibilité, voire de la légitimité du contrôleur général.
D'autre part, les moyens humains et matériels qui devraient être alloués au contrôleur général pour exercer pleinement et en réelle indépendance toutes ses missions sont également limités. Les chiffres annoncés par Mme le garde des sceaux nous semblent largement insuffisants.
Quels vont donc être les pouvoirs réels du contrôleur général ? Cette question reste encore bien obscure. Je l'ai déjà dit et je le répète, nous partageons l'idée de la nécessité de disposer enfin d'un contrôleur général des lieux de privation de liberté ; mais ce texte est encore frileux, peu ambitieux. Nous restons en quelque sorte au milieu du gué.
C'est la raison pour laquelle les membres du groupe CRC s'abstiendront. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille.
M. Laurent Béteille. Madame le garde des sceaux, cette loi visant à créer le contrôleur général des lieux de privation de liberté était attendue depuis longtemps, et elle sera portée à votre crédit.
Alors que la Grande-Bretagne avait créé dès 1981 une inspection générale des prisons, notre pays a attendu vingt-cinq ans - et une dizaine de gardes des sceaux toutes tendances politiques confondues - avant de lui emboîter le pas, n'en déplaise aux donneurs de leçons !
Votre arrivée au ministère de la justice nous permet de réparer cette carence, et de bonne manière !
M. Robert Bret. Qu'avez-vous fait pendant cinq ans ?
M. Laurent Béteille. En effet, le contrôleur général des lieux de privation de liberté, qui est institué par votre texte, a des pouvoirs très étendus. Sa saisine, je le rappelle, est on ne peut plus large, puisque toute personne physique peut y procéder. Ses compétences sont vastes et ses pouvoirs ont été élargis par rapport aux autres dispositions qui avaient déjà été adoptées par la Haute Assemblée, sur l'initiative de notre excellent rapporteur, à l'ensemble des lieux de privation de liberté.
C'est dire que votre texte est allé très loin. Certains regrettent les exceptions qui limitent les prérogatives du contrôleur général, s'agissant par exemple des possibilités de visites, mais il faut savoir que ces exceptions s'appliquent pour des raisons graves parfaitement identifiées et justifiées.
Certains, encore, et on peut les comprendre, auraient souhaité aller plus loin. Je suis convaincu que la question sera à nouveau évoquée dès que l'institution aura une durée d'activité suffisante, que nous pourrons en mesurer l'efficacité et évaluer ses premiers résultats. Telle fut la démarche qui a été suivie pour l'ensemble des autorités indépendantes instituées dans notre pays.
Madame le garde des sceaux, j'approuve votre souci de vous assurer de la bonne insertion de la nouvelle autorité dans un paysage sensible et déjà chargé d'histoire. Il faut faire reconnaître et accepter le contrôleur général des lieux de privation de liberté par l'ensemble des partenaires de l'institution pénitentiaire. Vous avez donc avancé avec prudence, mais cela ne vous a pas empêché d'aller loin.
Ce projet de loi, excellent, a été enrichi par des amendements émanant de toutes les travées de la Haute Assemblée. Avec un certain nombre de collègues, je suis heureux d'être à vos côtés en ce moment important pour notre démocratie. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Ce texte n'est certes pas parfait,...
M. Robert del Picchia. Qu'est-ce qui est parfait ?
M. Yves Détraigne. ... mais est-il jamais sorti du Sénat ou de l'Assemblée nationale un texte que l'on pouvait qualifier de parfait ?
En tout état de cause, il a le mérite d'exister et, grâce aux amendements qui ont été adoptés, dont j'ignore le nombre, il a indéniablement évolué dans le bon sens.
Certes, nous ne sommes sans doute pas allés aussi loin que je le souhaitais et que l'auraient voulu les auteurs de certains amendements, mais le processus est lancé. Nous attachons tous beaucoup d'importance à ce que le premier contrôleur général ait toute l'autorité nécessaire pour orienter le travail de cette institution dans la bonne direction.
L'article 9 du projet de loi prévoit que le « contrôleur général des lieux de privation de liberté remet chaque année un rapport d'activité au Président de la République et au Parlement ». L'expérience montre que les responsables des hautes autorités indépendantes ont toujours profité de ce rapport pour présenter tant à l'exécutif qu'au Parlement les suggestions qu'ils estimaient utiles. Il faut donc faire confiance à la personne qui sera nommée pour faire les suggestions et propositions qui lui sembleront nécessaires au bon exercice de sa mission.
Nous avons fait un grand pas et nous avançons dans la bonne direction. C'est pourquoi le groupe UC-UDF votera ce projet de loi.
Reste la question des moyens matériels qui seront consacrés à la mise en oeuvre de cette institution.
Madame le garde des sceaux, vous avez évoqué un budget de 2,5 millions d'euros et le recrutement de dix-huit collaborateurs. Si nous rapprochons ces données des 5 500 lieux qui seraient à contrôler, il est bien évident que le contrôleur général est assuré d'avoir du travail pendant longtemps ! Mais c'est un début, et il faudra vous battre, madame le garde des sceaux, afin que ce budget progresse ; vous pouvez compter sur notre soutien.
On se plaît souvent à se référer à l'image de la bouteille à moitié pleine ou à moitié vide. Certains la voient à moitié vide. Je préfère la voir à moitié pleine, et je ne doute pas qu'elle continuera de se remplir dans les années qui viennent ! (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. En réponse à votre interrogation, monsieur Détraigne, sachez que, sur les quatre-vingt-treize amendements déposés, vingt-six ont été adoptés.
La parole est à M. Paul Girod
M. Paul Girod. Je tiens à élargir à l'ensemble du groupe de l'UMP les félicitations que M. Béteille a adressées à Mme le garde des sceaux et à M. le rapporteur.
Madame le garde des sceaux, grâce à vous, nous disposons enfin d'un texte qui permettra à la France de respecter ses obligations internationales. Il s'agit d'un texte politique fort qui apportera à tous une garantie contre les abus qu'un milieu clos peut éventuellement faire naître.
Vous avez voulu un débat large et franc. Tout le monde a pu s'exprimer, et nous avons maintenant la satisfaction de vous apporter notre soutien.
Mais si les groupes UMP et UC-UDF voteront le texte, d'autres groupes se dérobent un peu au moment d'exécuter ce geste politique fort... (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Alima Boumediene-Thiery. Ce n'est pas acceptable !
M. Paul Girod. Nous le regrettons, d'autant que la commission des lois a largement contribué à faire progresser le projet de loi et qu'un certain nombre d'amendements ont été adoptés à l'unanimité.
Monsieur le rapporteur, je tiens à vous faire part de la satisfaction du groupe UMP de constater que les commissions du Parlement seront consultées. Aujourd'hui, rien dans la Constitution ne permet à une commission parlementaire de prendre une décision qui lie le Gouvernement. En revanche, la consultation est permise et, de ce point de vue, vous êtes allé jusqu'au bout de ce qui était possible. Nous verrons dans quelques mois si nous pouvons aller plus loin. En tout état de cause, vous aurez ouvert la voie, et c'est tout à l'honneur du Sénat.
Nous ne pouvons que nous féliciter des précisions qui ont été données sur le rôle du contrôleur général.
Nous allons avoir un regard nouveau sur la prison et transcrire dans notre ordre juridique interne des règles pénitentiaires européennes. Nous serons donc parfaitement à notre place au sein de cette Europe qui se construit, tout en faisant un pas de plus en direction de l'insertion ou de la réinsertion des prisonniers.
Madame le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, je souhaite que le vote du Sénat constitue une étape importante dans le cheminement de ce texte majeur. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il est dommage que certains de nos collègues donnent l'impression de bouder le plaisir que devrait nous donner collectivement l'avènement d'un contrôleur général, disposition que nous avions adoptée à l'unanimité en 2001.
Réjouissons-nous d'avoir examiné ce texte en première lecture et d'avoir trouvé de nombreux points d'accord. Ce projet de loi n'ayant pas été déclaré d'urgence, la navette apportera sans doute de nouvelles améliorations. C'est tout l'intérêt du travail parlementaire et du bicaméralisme. Nous aurons probablement l'occasion de continuer l'examen de ce texte à la rentrée. Puis, la discussion du projet de loi pénitentiaire et du projet de budget nous permettra de faire évoluer encore, comme nous le souhaitons tous, la situation des lieux privatifs de liberté, et non plus seulement des prisons, comme dans le texte de 2001.
Grâce à un amendement de la commission adopté à l'unanimité, le Parlement participera à la désignation du contrôleur général. Nous allons, là encore, au-delà des propositions que nous avions formulées en 2001.
Si, grâce à nos efforts conjoints, le premier titulaire du poste de contrôleur général est choisi de manière judicieuse, soyons assurés qu'il saura donner à la nouvelle institution l'envergure que nous lui souhaitons tous.
Mes chers collègues, la discussion de ce texte a permis au Sénat d'étendre la liberté de visite des établissements, de décider que la désignation du contrôleur général se fera après consultation du Parlement, de prévoir l'obligation de réponse de l'administration à la demande du contrôleur général.
Notre ambition est de faire du contrôleur général une institution qui s'impose, comme a su le faire la Grande-Bretagne. Il ne s'agit pas de mettre en place un contrôleur général tatillon et suspicieux envers les personnels pénitentiaires ou les personnels de police. Il devra améliorer le sort des détenus et de tous ceux qui sont privés de liberté, y compris dans les hôpitaux psychiatriques.
J'espère que dans cinq ou dix ans, grâce à l'expérience qui aura été acquise et aux efforts budgétaires qui auront été consentis, plus personne ne fera d'observation, car nous aurons réussi à améliorer le sort des établissements privatifs de liberté, notamment des prisons.
Lorsque l'on crée un organisme qui doit mener une mission de contrôle, il faut toujours rappeler les qualités de l'immense majorité des personnels. C'est bien évidemment le cas des personnels de l'administration pénitentiaire, qui sont affectés à des tâches difficiles. Des progrès ont été réalisés grâce à une meilleure formation. Tous nos collègues ont pu constater combien ces personnels étaient attachés à leur métier mais aussi au respect des droits fondamentaux des personnes qui sont en détention. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe socialiste, l'autre, du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 127 :
Nombre de votants | 325 |
Nombre de suffrages exprimés | 199 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 100 |
Pour l'adoption | 199 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Mesdames, messieurs les sénateurs, au nom du Gouvernement, je vous remercie d'avoir adopté, en première lecture, le projet de loi instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté, allant ainsi au-delà des préconisations du rapport Canivet, s'agissant du champ d'intervention du contrôleur général et des pouvoirs lui étant dévolus.
Par votre vote, vous avez montré que la France veut s'engager pleinement dans un contrôle indépendant et effectif de l'ensemble des lieux de privation de liberté.
Par votre vote, vous permettez à notre pays de répondre à la résolution du Conseil de l'Europe et de respecter le protocole facultatif à la convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Par votre vote, vous témoignez une nouvelle fois de votre attachement à la protection des droits fondamentaux. Je tiens à vous en remercier et à saluer la qualité du travail accompli par le Sénat.
L'adoption du projet de loi doit beaucoup à l'implication personnelle du président de la commission des lois, M. Jean-Jacques Hyest, qui a été à l'origine de l'adoption par la Haute Assemblée d'une première proposition de loi sur ce sujet. Conforté par sa grande maîtrise en cette matière, il a conduit avec le talent que nous lui connaissons les auditions en commission et l'examen en séance plénière.
La participation des membres de tous les groupes de la Haute Assemblée a permis au projet de loi de s'enrichir, puisque vingt-six amendements ont été adoptés, complétant utilement certaines dispositions initiales. En apportant des précisions, ces amendements améliorent la qualité et la portée du contrôle.
Pour illustrer mon propos, je citerai trois domaines particuliers.
Il s'agit, en premier lieu, du renforcement des garanties d'indépendance accordées au contrôleur général et à ses collaborateurs. Vous avez précisé, mesdames, messieurs les sénateurs, le régime d'incompatibilité et, dans le même esprit, vous avez souligné avec une plus grande rigueur la nécessaire indépendance des contrôleurs.
J'évoquerai en deuxième lieu l'instauration d'une meilleure protection des personnes, puisque aucune donnée personnelle ne pourra être publiée sans le consentement exprès des personnes intéressées.
Je mentionnerai en troisième lieu l'amélioration de la coordination entre les différentes autorités indépendantes susceptibles d'intervenir dans les lieux privatifs de liberté, grâce à l'organisation de leurs échanges.
Malgré l'ordre du jour chargé et les contraintes de la session extraordinaire, vous avez montré beaucoup d'exigence et de célérité, en discutant et en adoptant ce texte nécessaire.
L'institution d'un contrôleur général des lieux de privation de liberté est une belle avancée du droit, en particulier du respect des libertés individuelles en France. Ce projet de loi dépasse le jeu des oppositions trop simples. Il démontre que la politique de fermeté du Gouvernement trouve sa légitimité dans un principe fondateur : le respect de l'humanité que nous devons à chacun. (Bravo et applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)
M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Très bien !