PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, de règlement du budget de l'année 2006 (n°s 389, 393).

débat de contrôle de l'exécution des crédits de la mission « culture »

 
 
 

M. le président. Dans la discussion de l'article 4, nous allons aborder le débat sur l'exécution des crédits de la mission « Culture ».

Après les rapporteurs spéciaux et pour avis, et la réponse du Gouvernement, les orateurs des groupes pourront poser leurs questions.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Yann Gaillard, rapporteur spécial.

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vais regrouper mes deux interventions de la soirée. Elles tiennent en quelques questions qu'il est d'usage, pour le rapporteur spécial, de poser au ministre qui est sur la sellette ; ces questions sont au nombre de cinq.

Mon amendement, qui concerne le Centre des monuments nationaux, le CMN, viendra en discussion après l'article 9. Cela forme un ensemble, ce qui vous permettra, madame la ministre, d'y répondre globalement.

Sans plus attendre, j'évoquerai donc cet amendement, que nous examinerons dans quelques minutes, visant à éclaircir la situation du CMN.

Rappelons que la loi de finances pour 2007 affecte au Centre des monuments nationaux, à compter du 1er janvier 2007, pour la gestion de 2006 et de façon rétroactive, une partie des droits de mutation à titre onéreux d'immeubles et titres immobiliers, dans la limite annuelle de 70 millions d'euros.

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2007, il avait été précisé qu'en 2006 et 2007, à titre transitoire, les crédits non utilisés par le CMN seraient reversés par fonds de concours au budget opérationnel des programmes, le BOP, de la Direction de l'architecture et du patrimoine, la DAPA et affectés au financement de travaux sur les monuments historiques appartenant à l'État. Ce partage devait faire l'objet d'une convention annuelle entre le CMN et le ministère de la culture et de la communication, avec une montée en charge progressive sur trois ou quatre ans.

Je n'insisterai pas sur ce point, si ce n'est pour dire qu'il s'agit là d'un très beau spécimen de « tératologie financière ». En effet, un établissement public qui se voit affecté une partie des crédits d'État et qui, ensuite, les rétrocède à sa direction de tutelle par fonds de concours, cela ne s'était encore jamais vu ! Je pense d'ailleurs, madame la ministre, que, si vous aviez été en fonction à l'époque, vous n'auriez pas commis cette faute de goût ! Il faudra donc remédier à cette situation.

Dans cette perspective, je vous proposerai donc tout à l'heure, mes chers collègues, d'adopter un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 9 du présent projet de loi, prévoyant que le Gouvernement devra transmettre au Parlement, avant l'examen du projet de loi de finances pour 2008, un rapport sur l'utilisation de la recette fiscale affectée au CMN afin que nous soyons éclairés sur l'utilisation de ces crédits avant l'examen dudit projet, pour savoir si l'affectation d'une recette fiscale au CMN doit être pérenne.

J'ajoute qu'il conviendrait également de réfléchir au partage des compétences entre le CMN et les autres acteurs de la maîtrise d'ouvrage délégués du ministère de la culture que sont le service national des travaux, le SNT, l'établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels, l'EMOC, ainsi que les conservations régionales des monuments historiques, les CRMH, et les directions générales des affaires culturelles, les DRAC.

J'en viens aux cinq questions que je souhaite poser à Mme la ministre.

Les deux premières concernent la politique des monuments et l'archéologie préventive ; elles sont donc rattachées au programme 175 « Patrimoines ».

Au titre de la gestion pour 2005, l'EMOC a bénéficié d'une dotation exceptionnelle en capital de 100 millions d'euros, issue des recettes de privatisation des autoroutes. Ces fonds ont été consommés en 2006. Pourriez-vous, madame la ministre, préciser quels sont les grands chantiers qui en ont bénéficié ?

Au titre de la gestion pour 2006, 24 millions d'euros ont été libérés sur les crédits mis en réserve au troisième trimestre et 70 millions d'euros de recettes fiscales ont été attribués par la loi de finances pour 2007 au CMN. Il s'agit donc de l'affectation de la recette fiscale des droits de mutation prévue par l'article 48 de la loi de finances pour 2007.

Ces fonds débloqués tardivement ont-ils pu être utilisés sur la gestion de 2006 ? Étant destinés principalement aux monuments appartenant à l'État, leur ont-ils été alloués ?

La question de la gestion de la recette fiscale par le CMN, ou plutôt par la DAPA, fait l'objet de l'amendement qui sera proposé à vos suffrages, mes chers collègues ; je n'y reviens donc pas.

En revanche, la répartition de l'effort budgétaire entre les monuments appartenant à l'État et ceux qui appartiennent aux collectivités territoriales - question à laquelle sont particulièrement sensibles nos collègues - et aux propriétaires privés est essentielle.

Lors de mes déplacements dans les DRAC, au cours des années 2007 et 2006, j'ai pu constater que certains monuments appartenant aux collectivités territoriales souffraient de restrictions de crédits importantes. La DRAC d'Amiens a ainsi attiré mon attention sur ce sujet dès novembre 2006 ; elle n'a pas été démentie, bien au contraire, par la DRAC de Rouen en mars 2007, par celle de Bordeaux en avril 2007, ou encore, tout récemment, par celle de Caen en juillet 2007.

La justification au premier euro des crédits utilisés sur l'action 1 «Patrimoine monumental et archéologique » du programme 175 « Patrimoines » n'est pas très éclairante à ce sujet ; des efforts de clarification doivent donc être faits.

En effet, les transferts entre les crédits d'investissement et les crédits d'intervention sont assez peu intelligibles, et je suis dans l'incapacité, en attendant votre réponse, madame la ministre, de comprendre quelle somme a été réellement affectée, en 2006, aux monuments appartenant à l'État et à ceux qui appartiennent aux collectivités territoriales.

Ma deuxième question porte - c'est une de mes vieilles manies en tant que rapporteur spécial - sur l'Institut national de recherches archéologiques préventives, l'INRAP.

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2006, j'avais déposé, au nom de la commission des finances, un amendement tendant à doter l'INRAP d'une subvention pour charges de service public d'un montant d'environ 10 millions d'euros. Le ministère de la culture avait alors indiqué que cette subvention n'était pas nécessaire, et que, au cours de l'exécution de 2006, contrairement à ce qui s'était produit depuis la création de l'établissement public, aucun redéploiement de crédits ne serait nécessaire, les recettes rentrant tout naturellement.

Je dois dire, sans malice, que la commission des finances avait alors eu la mauvaise surprise d'être combattue au sein même de notre assemblée - je ne sais d'ailleurs pas pourquoi -...

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. On ne peut pas toujours gagner !

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. ... et c'est sans aucun plaisir que j'ai constaté, à la lecture du rapport annuel de performance, qu'une subvention de 8,7 millions d'euros en crédits de paiement et en autorisations d'engagement a été versée à l'INRAP.

Comme je l'avais, hélas ! prévu dans mon rapport d'information intitulé « Pour une politique volontariste de l'archéologie préventive », la justification au premier euro indique que  « le programme 175  ?Patrimoines? a été conduit à financer, en fin d'année 2006, le versement d'une subvention à l'INRAP afin de permettre à cet établissement de rembourser la première tranche de l'avance de trésorerie sur les encaissements de la taxe sur l'archéologie préventive consentie par le Trésor public ».

La loi de finances pour 2007 prévoit, de plus, l'inscription d'une subvention de 9 millions d'euros en faveur de l'INRAP au sein des crédits alloués à l'action 1 précitée du programme 175.

Les difficultés rencontrées dans le domaine de l'archéologie préventive sont loin d'être aplanies. Pour ma part, je souhaite vivement que l'INRAP figure parmi les opérateurs du programme 175, qui devra faire l'objet d'une présentation détaillée, et que des objectifs de performance soient fixés à l'établissement public dans le cadre d'un contrat de performance.

Je n'ai pas de mépris pour l'INRAP ; c'est un très grand établissement et des découvertes importantes ont été faites par nos archéologues. Cela étant, il me semble indispensable que des indicateurs permettent de mesurer l'évolution de la situation, en termes tant de productivité de l'établissement public que de réduction des délais de réalisation des travaux ; en effet, ce que les collectivités locales ne pardonnent pas à l'INRAP, ce n'est pas seulement le coût des fouilles, c'est surtout le retard occasionné aux chantiers, retard qui est inadmissible.

Récemment encore, le maire d'une petite commune me disait : « J'ai quelques travaux à faire, mais on m'a dit : pas avant six moi ! ». Une telle situation n'est pas tenable ! Quel est, madame la ministre, votre sentiment sur ce sujet sensible ?

J'avais supplié votre prédécesseur, M. Donnedieu de Vabres, pour qui j'ai beaucoup d'estime par ailleurs, de réunir le Conseil national de la recherche archéologique, le CNRA, afin de définir une politique scientifique rationalisée de l'archéologie.

Certes, je sais bien que la programmation ne peut pas être purement financière. Il faut aussi qu'elle soit scientifique, faute de quoi elle ne sera pas acceptée par les archéologues. Mais cet effort est indispensable.

Ma troisième question porte sur le programme 131 « Création ».

En janvier 2007, la mission d'audit de modernisation Coppinger-Carabalona, deux personnalités appartenant respectivement à l'Inspection générale de l'administration des affaires culturelles et à l'Inspection générales des finances, a rendu son rapport sur les modalités d'attribution des crédits d'intervention en faveur du spectacle vivant.

Le dispositif d'aide est, certes, en forte croissance, mais il est très dispersé entre des réseaux, des labels et des disciplines artistiques, d'une part, et entre les collectivités publiques, d'autre part. Les marges de manoeuvre sont très réduites dans l'aide aux structures, qui concerne 80 % des crédits. Il apparaît ainsi que 11 % des subventions absorbent 67 % des crédits, alors que 15 % des subventions sont d'un montant inférieur à 5 000 euros. Bien sûr, il n'est pas question ici de « cracher » sur ces subventions, car certains d'entre nous en profitent !

M. David Assouline. Certains plus que d'autres !

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. Le rapport de modernisation préconise de simplifier et de recentrer le dispositif, de supprimer les doublons et de redonner des marges de manoeuvre et d'appréciation aux services chargés d'attribuer les crédits d'intervention et d'aide à la décision.

Dans cette perspective, il est recommandé de compléter l'appareil réglementaire et de hiérarchiser les objectifs, de fournir des références sur le « juste le coût », etc.

Partagez-vous les préconisations de cet audit de modernisation, madame la ministre ?

S'agissant du programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », je souhaite insister sur les réformes structurelles que mènent les fonctions de soutien.

Le rapport annuel de performance précise que de nombreuses réformes ont été initiées en 2006 par les fonctions de soutien, telles que la réforme des services déconcentrés du ministère de la culture et la fusion prévue - que j'avais d'ailleurs déjà proposée dans un rapport il y a trois ans - entre les DRAC et les services départementaux de l'archéologie et du patrimoine, les SDAP.

Or ce décret n'est jamais paru et plus le temps passe, plus il semble que cette réforme, qui pourtant nous paraît de bon sens, s'éloigne dans le temps, les préventions de ceux que cette réforme heurte ne cessant d'augmenter.

Quant au décret relatif à l'assistance et à la maîtrise d'ouvrage des collectivités territoriales -  sujet également sensible pour nos collectivités territoriales et pour nos collègues - il n'a pas encore été publié. Je le déplore avec la plus grande force. En effet, la réforme de la maîtrise d'oeuvre et de la maîtrise d'ouvrage ne peut avoir de sens que si l'on permet aux CRMH de faire profiter les élus locaux de leur très grand savoir-faire et de leur expertise. J'insiste beaucoup sur ce point.

Enfin, madame la ministre, dans le cadre de mes attributions de rapporteur spécial, j'ai mis en oeuvre en 2006 un contrôle sur pièces et sur place de la tutelle de votre ministère sur quatre grands établissements publics.

Or ma démarche s'est soldée de la façon suivante : le ministère de la culture n'a pas revu son organisation en fonction de la LOLF.

A l'origine, il y avait confusion entre gestion et tutelle, des directeurs d'administrations centrales étant présidents d'établissement public. Dorénavant, ce n'est plus possible.

Au titre du ministère de la culture, c'est la DAG, la direction de l'administration générale, qui exerce désormais la tutelle financière, concurremment avec ses tâches horizontales, comme la gestion immobilière et celle des statuts des personnels. Quant à la tutelle sectorielle, elle se trouve éparpillée entre des directions sectorielles beaucoup plus faibles que les établissements publics qu'elles sont censées contrôler.

Il m'apparaît que l'apport principal de la LOLF, à savoir le pilotage de la performance, n'a pas été intégré à cette tutelle technique. Dès lors que la direction du budget a créé une mission « Opérateurs et tutelles », et la DAG, parallèlement, un bureau des opérateurs nationaux, les responsables des programmes de la mission « Culture » doivent intervenir dans la tutelle des opérateurs. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je pourrais reprendre à mon compte nombre des propos tenus par Yann Gaillard, rapporteur spécial, s'agissant notamment des crédits pour l'archéologie préventive.

À cet égard, madame la ministre, je vous signale qu'en Alsace le conseil général du Bas-Rhin et le conseil général du Haut-Rhin ont créé un établissement public commun qui compte trente-cinq archéologues mais qui n'a toujours pas reçu le premier centime de l'État ! Il serait tout de même temps que l'on commence à s'en inquiéter...

Cela dit, la commission des affaires culturelles m'a chargé d'évoquer principalement les crédits du patrimoine architectural. Ainsi ce débat nous permettra-t-il de revenir sur la crise sans précédent qui a frappé la politique conduite par le ministère en faveur des monuments historiques, dont le paroxysme a été atteint en 2006, entraînant, dès les premiers mois de cette année-là, la paralysie de quelque trois cents chantiers.

La commission des affaires culturelles s'est alarmée très tôt de cette situation et des conséquences qu'elle entraînerait, non seulement pour les monuments historiques eux-mêmes, mais encore pour l'ensemble de la filière économique qui assure leur restauration.

La mission d'information que notre commission a constituée, avec pour rapporteur M. Philippe Nachbar, a lancé une concertation. Celle-ci a permis de constater que la crise trouvait son origine dans les à-coups d'une politique budgétaire - nous voilà au coeur de notre sujet ! - qui, après avoir permis la résorption en 2003 et 2004 des reports de crédits des années précédentes, n'est pas parvenue à rétablir les dotations nouvelles à un niveau convenable. Madame la ministre, si l'on ne rétablit pas à due concurrence les subventions que l'on a supprimées pendant plusieurs exercices, on se met inévitablement dans une situation délicate pour la suite !

La commission a estimé, par conséquent, qu'il convenait de mettre en place des crédits supplémentaires, dans une fourchette comprise entre 350 et 400 millions d'euros, en garantissant, autant que possible, leur stabilité d'une année sur l'autre.

Que s'est-il passé exactement en 2006 ? Tout d'abord, l'enveloppe financière consacrée aux monuments historiques ne répondait évidemment pas aux exigences que je viens de préciser, et cela pour deux raisons.

Premièrement, son montant était trop faible. J'évoquais des crédits compris entre 350 et 400 millions d'euros. Or, à s'en tenir aux chiffres qui figurent dans le « rouge » budgétaire, les crédits consacrés aux monuments historiques stricto sensu, au sein de l'action n° 1 « Patrimoine monumental et archéologique », ne s'élevaient qu'à environ 245 millions d'euros.

Si l'on y ajoute les recettes exceptionnelles tirées des privatisations, qui ne sont pas comptabilisées dans le document budgétaire, ce qui, je le signale, est regrettable (M. le président de la commission des finances acquiesce), et si l'on retient un périmètre un peu plus large, celui de la loi de finances pour 2007, qui, nous le verrons, comprend des crédits destinés en particulier à certains grands projets, comme Versailles ou le Palais de Chaillot, nous arrivons à un total de 301 millions d'euros environ.

Même en retenant ce dernier chiffre, madame la ministre, ces crédits n'étaient à l'évidence pas suffisants, comme l'expérience l'a amplement montré, d'autant moins que votre administration se trouvait confrontée, dès le début de l'année 2006, à des impayés de 38 millions d'euros au titre de 2005 !

Si l'on ne vous donne pas suffisamment d'argent et qu'en plus vous avez un découvert de 38 millions d'euros, comment pouvez-vous disposer en cours d'année des moyens nécessaires pour mettre en oeuvre votre politique ?

Deuxièmement, l'exercice 2006 n'a pas constitué un accident isolé, mais un moment dans un parcours fluctuant qui décourage toute gestion prévisionnelle.

Reprenons les chiffres de la direction du budget cités dans le rapport : après avoir atteint un niveau compris entre 330 et 335 millions d'euros de 2001 à 2003, les crédits dépensés en faveur des monuments historiques ont atteint 367 millions d'euros en 2004, avant de retomber à 313 millions d'euros en 2005 et à 301 millions d'euros en 2006. Dans ces conditions, comment exercer une véritable gestion prévisionnelle ?

De surcroît, on observe que de telles variations se produisent non pas seulement d'une année sur l'autre, mais aussi à l'intérieur d'un même exercice budgétaire. En 2006, nous nous en souvenons tous, nous avons applaudi à l'heureuse annonce du dégel d'un million d'euros supplémentaires. Toutefois, cette décision intervenait au mois de novembre, donc tout à la fin de l'année. Dès lors, comment ces crédits auraient-ils pu être consommés en totalité avant le 31 décembre, comme la LOFL y oblige, n'est-ce pas, monsieur le président de la commission des finances ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Absolument !

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. Je ne vois que deux possibilités.

Soit les travaux ont commencé avant le dégel des crédits, sans qu'on ait la certitude de pouvoir les payer, ce qui ne participe tout de même pas d'une bonne gestion ; de là, aujourd'hui encore, une dette d'environ 280 millions d'euros, j'y reviendrai.

Soit le ministère a engagé une succession de petits chantiers, et il se trouve alors dans l'impossibilité de réaliser une véritable gestion prévisionnelle de la politique culturelle patrimoniale de notre pays ! C'est le constat que nous avons dressé, et il est important, me semble-t-il, d'apporter des réponses à ce problème.

Enfin, et nous pouvons le regretter, contrairement aux déclarations de l'époque, qui avaient suscité beaucoup d'espoir, les 100 millions d'euros de recettes extrabudgétaires issues, en résumé, des privatisations d'autoroutes, n'ont pas été affectés en totalité aux monuments historiques : ceux-ci n'ont reçu en réalité que 29 millions d'euros environ, si l'on s'en tient au périmètre de la loi de finances pour 2006.

Vous le voyez, madame la ministre, toutes ces approximations et reports de crédits d'une année sur l'autre ou à l'intérieur même d'un exercice budgétaire ne peuvent que conduire à une gestion chaotique, c'est le moins que l'on puisse dire, de la politique patrimoniale.

Le bilan que l'on peut tirer du passé doit nous permettre d'éclairer le présent et d'interroger l'avenir : naturellement, il ne s'agit pas seulement pour nous de constater, mais aussi de nous projeter dans le futur !

Le projet de loi de finances pour 2007 a relevé le montant global des crédits ouverts en faveur des monuments historiques, en complétant les 220 millions d'euros de crédits budgétaires par les 140 millions d'euros de la recette affectée au Centre des monuments nationaux, dont l'essentiel est reversé à votre budget, madame la ministre, à titre transitoire, comme M. le rapporteur spécial l'a souligné.

Ce montant global est conforme à nos recommandations. Néanmoins, a-t-il permis de remettre à flot, dès cette année, la politique du patrimoine, ou l'exercice 2007 reste-t-il entravé, et dans quelles proportions, par le passif de 2006, c'est-à-dire par les engagements qui n'ont pas encore été honorés ?

D'après certaines informations, pour les monuments n'appartenant pas à l'État, il faudrait encore combler un écart de plus de 280 millions entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement disponibles, soit l'équivalent d'une année d'exercice !

Madame la ministre, pourriez-vous nous préciser le montant, au 31 décembre dernier, de la dette du ministère, c'est-à-dire des charges à payer qu'il n'a pu honorer, ainsi que les « restes à payer », soit l'écart entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiements versés, en distinguant bien la situation des monuments historiques de l'État de celle des édifices qui appartiennent à d'autres propriétaires, collectivités territoriales ou personnes privées ?

À ce propos, il nous semble, mes chers collègues, que l'État a privilégié la restauration de ses propres monuments au détriment des chantiers qui concernent d'autres propriétaires, qu'ils soient publics ou privés.

Je le rappelle, la mission d'information avait souhaité que les propriétés privées, qui représentent plus de la moitié des 41 000 monuments protégés, puissent bénéficier d'au moins 10 % du montant des subventions. Or, d'après les associations, nous nous éloignons de plus en plus de cette proportion, qui était à peu près respectée en 2000, mais qui est tombée en 2004 à 6,5 %, et qui, j'en ai le sentiment, peut encore diminuer. Madame la ministre, comment réagir ?

En outre, tirant partie de la fongibilité des crédits, les services déconcentrés ont systématiquement favorisé les opérations sous maîtrise d'ouvrage de l'État financées par le titre V, au détriment de celles que l'État se contente de subventionner par des crédits du titre VI.

Je comprends cette priorité donnée au désendettement de l'État, mais je relève qu'elle va à l'encontre de la volonté affichée par l'ordonnance du 8 septembre 2005, qui restitue au propriétaire la maîtrise d'ouvrage tout en lui garantissant un appui financier. On ne peut pas donner la responsabilité de la maîtrise d'ouvrage aux propriétaires privés tout en les privant des crédits qui permettent de la financer ! On ne peut pas, d'une part, obliger le propriétaire privé à réaliser ces travaux, et d'autre part, ne pas mettre en place les financements nécessaires !

S'agissant toujours de la situation des propriétaires privés, j'évoquerai également le chèque emploi service universel, dont nous avons souhaité, madame la ministre, qu'il puisse profiter au recrutement de guides saisonniers.

Je sais que le ministère de l'économie et des finances n'est pas très favorable à cette mesure, qui permettrait pourtant à certains lieux privés ouverts au public de fonctionner dans de meilleures conditions, et il est donc important que nous puissions compter sur votre appui, madame la ministre.

Enfin, les monuments privés bénéficient aujourd'hui de crédits dont nous avons vu qu'ils représentaient à peine 6,5 % du montant total des subventions, mais auxquels s'ajoutent des exonérations fiscales. Or il est impossible aujourd'hui de se faire une idée du coût de ces exonérations : le ministère de l'économie et des finances ne dispose pas des outils de suivi nécessaires pour connaître leur impact réel !

Nous serions donc heureux de bénéficier d'informations à cet égard, madame la ministre, et en tout cas nous souhaiterions que soient mis en place les outils permettant de connaître l'impact financier de ces exonérations, car des pertes de recettes pour l'État correspondent à des dépenses en subvention.

Je ne reviendrai pas sur l'appréciation du taux de consommation des crédits, ni sur leur justification au premier euro, car mon éminent collègue Yann Gaillard a déjà évoqué ces questions.

Aujourd'hui, madame la ministre, il est particulièrement difficile de préparer la politique du patrimoine architectural des années à venir. Ainsi, en 2008, il faudra compenser une baisse de 70 millions d'euros de la recette affectée, puisque la contribution exceptionnelle de 140 millions d'euros de crédits accordée en 2007 sera diminuée de moitié. Compte tenu des problèmes que je viens de rappeler, il nous serait extrêmement difficile de faire face en outre à une telle baisse de crédits !

Madame la ministre, nous souhaitons donc savoir comment vous comptez affronter cette difficulté. Sachez en tout cas que la commission des affaires culturelles et le Sénat tout entier seront à vos côtés pour y réfléchir et vous accompagner dans votre démarche. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la ministre, à ce stade du compte rendu de gestion - car telle est la signification que revêt à nos yeux la loi de règlement -, et dans le cadre de cet échange que nous voulons interactif, je vous poserai deux questions.

Avec ma première question, je ne quitte pas le domaine que vient d'aborder avec brio, efficacité et conviction Philippe Richert. Dans la loi de finances pour 2007 figure un article 90, introduit sur mon initiative et sur celle de la commission des finances, qui prévoit que le Gouvernement transmettra dans un délai de neuf mois au Parlement un rapport évaluant les investissements nécessaires à l'entretien et à la conservation des monuments classés ou inscrits sur la base de critères cohérents établis au plan national.

Madame la ministre, je voudrais savoir où en est l'élaboration de ce rapport et vous rappeler, si vous me le permettez, les raisons pour lesquelles nous l'avons désiré.

En règle générale, d'une région à l'autre, d'une conservation régionale des monuments historiques à l'autre, les évaluations varient, et l'on ne procède pas toujours de la même façon pour définir les travaux, qui d'ailleurs ne visent pas forcément les seules réhabilitation ou conservation mais peuvent incorporer des objectifs autres comme la restitution partielle ou totale d'un monument ou d'un ouvrage à telle ou telle époque de son histoire.

La commission des finances souhaite en quelque sorte connaître le passif de l'État. En d'autres termes, quel est le montant nécessaire pour assurer la pérennité de ces monuments et de ces ouvrages, sans qu'il y ait d'autre ambition que leur simple maintien, sans mise en valeur, sans embellissement, sans restitution ? Il s'agirait uniquement d'une stabilisation, par opposition à la dégradation croissante, qui serait par exemple liée à l'état de la menuiserie, de la couverture ou de tout autre élément technique, lequel, si l'on n'intervenait pas, conduirait à la disparition irréparable de l'édifice ou de l'ouvrage.

C'est donc dans une perspective de comptabilité patrimoniale que nous nous plaçons. Ce faisant, nous pensons être dans le droit fil de la loi organique relative aux lois de finances.

Ma seconde question est plus ponctuelle, mais elle est également de nature patrimoniale. Je résumerai en quelques mots une très longue et très complexe affaire, qui a d'ailleurs été évoquée, lorsqu'elle se trouvait à un stade antérieur, par notre excellent collègue Yann Gaillard dans son rapport sur le marché de l'art et la protection du patrimoine national, en 1999.

Il s'agit d'un tableau du XVIIe siècle, vendu par ses propriétaires initiaux à la fin des années quatre-vingt pour la somme de 250 000 euros d'aujourd'hui.

Après avoir été déclaré « trésor national » par la commission ad hoc, ce tableau de Nicolas Poussin, La Fuite en Égypte, vient d'être acquis par le musée des beaux-arts de Lyon grâce à une aide puissante du musée du Louvre et de l'État, pour 17 millions d'euros. L'écart entre 250 000 euros et 17 millions d'euros interpelle, pour dire le moins.

Nous savons que les évaluations, estimations, attributions sont choses fluctuantes, qu'il s'agit d'un art complexe et que les attributions d'aujourd'hui, fondant une valeur sur le marché de l'art du moment, ne sont pas forcément les attributions d'hier, encore moins sans doute celles de demain.

Il n'en reste pas moins que le dispositif au terme duquel une oeuvre que l'on aurait pu se procurer pour une somme considérablement moins élevée rejoint les collections publiques pour le montant que je viens d'indiquer suscite de ma part trois questions.

Premièrement, qui détermine la notion de « trésor national » ? Cette notion est appréciée par la commission ad hoc qui a été instituée par le décret modifié du 29 janvier 1993. J'ai naturellement le plus grand respect pour les personnalités, toutes éminentes, qui siègent au sein de cette commission. Toutefois, lorsque je me penche sur sa composition, je ne peux m'empêcher de constater - cela peut paraître naturel à certains égards - que le monde des conservateurs en activité ou restés très proches de l'activité y est significativement majoritaire.

La question du degré d'indépendance de cette commission est donc extrêmement délicate, quelles que soient la bonne foi et l'intégrité personnelle de ses membres, qu'il ne saurait être question de mettre en cause une seule seconde. Du point de vue de la logique et de la sociologie des organisations, je me demande si nous nous sommes dotés d'un système dans lequel l'indépendance prévaut nécessairement.

Deuxièmement, l'État et le secteur public de manière générale ne sont-ils pas toujours réduits à acheter au plus haut, comme l'exemple que je viens de citer tend à le montrer ?

Troisièmement, le musée des beaux-arts de Lyon a bénéficié, pour cette acquisition remarquable, de contributions de l'établissement public du musée du Louvre, lesquelles sont apparemment adossées au produit attendu de l'opération avec les Émirats arabes unis, plus exactement avec l'Émirat d'Abou Dhabi, dont une quote-part est de nature à faciliter la réalisation de cette acquisition. Madame la ministre, quelles sont les règles qui prévaudront quant à la répartition de ce produit exceptionnel, dont je me réjouis et me félicite ? Quelle part reviendra directement au musée du Louvre ? Quelle part indirectement ? Quelle proportion sera versée à d'autres établissements publics nationaux ou à d'autres monuments ?

Nous pouvons tous nous enorgueillir de cette très belle opération du Louvre à Abou Dhabi, madame la ministre. Les musées pourront disposer d'un abondement significatif de leurs moyens. Il serait heureux que nous en sachions plus sur l'articulation de cette opération et sur les besoins d'intérêt public qui pourront ainsi être satisfaits.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, monsieur le rapporteur général, monsieur le rapporteur spécial, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de votre accueil. C'est pour moi un honneur d'intervenir pour la première fois dans cet hémicycle. Je sais tout l'intérêt que le Sénat porte à la politique culturelle, mais également toute l'attention que les commissions accordent à son financement et surtout à la bonne et juste allocation des moyens. Les interventions qui viennent de se succéder en témoignent.

Je me réjouis de pouvoir m'exprimer et débattre avec vous ce soir, non pas simplement sur ce qui va être fait mais également sur ce qui vient de l'être. Il est tout à fait normal que chaque ministre vienne non seulement présenter et défendre son projet de budget, mais également rendre compte de l'exécution de ce budget et l'expliquer.

Il convient tout d'abord de se remémorer ce qu'a été le budget 2006 pour le ministère de la culture et de la communication. En effet, 2006 constitue le premier exercice pour lequel le budget a été élaboré, présenté, voté et exécuté dans le cadre de la nouvelle constitution financière consacrée par la LOLF.

À cet égard, je tiens à saluer l'excellent travail accompli par les services du ministère. En effet, ce budget 2006, dans sa construction comme dans son exécution, a été le fruit d'une mobilisation sans précédent pour que la LOLF devienne une réalité.

Certes, je suis d'accord avec MM. les rapporteurs pour considérer que le rapport annuel de performance du ministère de la culture et de la communication est perfectible, notamment dans la justification au premier euro de l'exécution. Toutefois, ce premier exercice constitue d'ores et déjà un véritable progrès, puisque c'est la première fois que les ministères, anciennement « dépensiers », désormais « gestionnaires », rendent compte de l'exécution de l'exercice précédent et fournissent des explications. En outre, je rappelle que le ministère s'est employé dès 2007 à en améliorer le cadre, lequel vous est apparu plus satisfaisant, mesdames, messieurs les sénateurs.

On a souvent reproché au ministère de la culture et de la communication sa difficulté à consommer le budget voté. L'exécution du budget 2006 aura convaincu chacun qu'une telle époque était révolue. En effet, sur l'ensemble des crédits « consommables » en 2006, seuls 3 millions d'euros n'ont pas été consommés, soit 0,1 % des crédits ouverts, ce qui a permis d'atteindre, hors rattachement de fonds de concours tardifs, un taux d'exécution record en crédits de paiement proche de 100 %.

C'est pour moi une source de satisfaction, car cela signifie que le ministère a su améliorer ses méthodes de gestion et que, grâce à la LOLF, il est entré dans une nouvelle ère. Mais c'est également une source d'inquiétude, car cela signifie aussi que la moindre marge de manoeuvre a été utilisée, en particulier pour faire face à la grave crise des paiements que le ministère a connue en ce qui concerne les monuments historiques et dont il commence tout juste à sortir.

La satisfaction l'emporte toutefois sur l'inquiétude, car je reste convaincue qu'une telle performance n'aurait pas été possible sans une véritable amélioration du pilotage des crédits et un renforcement du dialogue de gestion entre services centraux et déconcentrés.

Soyez certains que je m'attacherai à consolider ces progrès tant en 2007 que pour les prochains exercices. Si un budget est avant tout l'expression d'une politique, son exécution en est bien la concrétisation.

J'en viens maintenant aux interrogations qui ont été formulées par MM. les rapporteurs.

M. le rapporteur général s'est interrogé sur les dispositions de l'article 90 de la loi de finances pour 2007, aux termes duquel le Gouvernement devait transmettre au Parlement un rapport sur l'état du patrimoine monumental français dans un délai de neuf mois.

Un premier rapport avait été établi sur cette question en 2002. Le besoin de financement total pour la réhabilitation du patrimoine monumental français était évalué à 6 milliards d'euros, dont 1,5 milliard d'euros pour les travaux d'urgence, ce que vous avez qualifié, monsieur le rapporteur, de « maintien ».

La Direction de l'architecture et du patrimoine a donc été chargée d'actualiser ces données pour préparer le rapport demandé par le Parlement. L'Inspection générale de l'architecture et du patrimoine a été mandatée pour se rendre dans chaque région afin d'évaluer, à partir des travaux menés par les DRAC et par les services départementaux de l'architecture et du patrimoine, les SDAP, la situation des monuments protégés, en commençant par les 14 000 monuments classés.

Cette évaluation doit permettre d'établir les priorités sanitaires des monuments et de faire notamment apparaître les situations de péril. À terme, cette situation sera suivie par le logiciel AGRÉGÉE, qui comportera, pour chaque monument, une fiche sanitaire pouvant être facilement actualisée.

Le rapport sera transmis au Parlement avant la fin de l'année 2007. Il présentera, comme le demande la loi de finances, la situation dans chaque région.

S'agissant du tableau de Nicolas Poussin, je rappelle que la Commission consultative des trésors nationaux, présidée par un membre du Conseil d'État, siège en deux formations différentes, selon qu'elle examine les demandes de refus de certificat, pour des objets classés « trésors nationaux », ou les appels à mécénat ; il s'agit là de déclaration d'objets présentant un « intérêt patrimonial majeur ».

Dans le premier cas, la commission comprend exclusivement des spécialistes du patrimoine ; dans le second, elle comprend en plus un représentant du ministère de l'économie et des finances, qui participe activement au débat et a voix délibérative.

Le tableau La Fuite en Égypte a été examiné à deux reprises par cette commission. En 2004, il a fait l'objet d'un refus de certificat, qui venait à expiration en 2007. Au mois de juillet 2007, il a été déclaré d'intérêt patrimonial majeur, ce qui le rendait éligible, pour son acquisition par les collections publiques, au mécénat des entreprises, qui prévoit une déduction à 90 % de l'impôt sur les sociétés. Dans les deux cas, c'est à une forte majorité que la commission s'est prononcée, pour décider, d'abord, l'interdiction de sortie, puis le classement de l'oeuvre d'intérêt patrimonial majeur.

Je rappelle que la commission ne suit pas systématiquement les propositions que lui adresse l'administration des musées. Ainsi, au mois de juillet dernier, elle a refusé de considérer comme trésor national, donc insusceptible d'exportation, un tableau italien qui était présenté par le musée du Louvre.

Il est vrai qu'en 2004 l'estimation par les musées de La Fuite en Égypte atteignait environ 14 millions d'euros. Cette somme, qui d'ailleurs n'avait pu être réunie avant l'expiration des trente mois de validité du refus de certificat, n'avait pas été acceptée par les propriétaires de l'oeuvre. Ceux-ci avaient pu faire état de propositions étrangères d'un montant supérieur à celui sur lequel, grâce aux efforts conjugués de l'État, de la Direction des musées de France et du musée du Louvre, ainsi que de la Ville de Lyon, des collectivités territoriales et d'entreprises mécènes - car le mécénat a joué un grand rôle dans cette opération -, un accord a pu être conclu, soit 17 millions d'euros.

Bien sûr, il s'agit d'une somme très élevée, mais les experts s'étaient accordés à dire que ce tableau pouvait être estimé entre 17 millions d'euros et 22 millions d'euros en vente publique.

Sans même parler des sommets financiers aujourd'hui atteints dans le domaine de l'art contemporain ou, dans une moindre mesure, dans celui de l'art moderne, ce prix est éloigné des valeurs constatées récemment. Je pense, par exemple, à un tableau de Rembrandt ou à une oeuvre de Duccio acquis chacun pour plusieurs dizaines de millions de dollars, mesdames, messieurs les sénateurs.

Il faut se réjouir de l'efficacité du dispositif fiscal mis en place en 2002 et en 2003 pour des oeuvres de cette importance. De surcroît, c'est la première fois que cette procédure est appliquée au bénéfice d'un musée territorial puisque ce magnifique tableau va enrichir le musée des beaux-arts de Lyon. L'opération a été assez exemplaire, eu égard à tous les mécénats qui ont été engagés.

Étant donné le prix d'acquisition de l'oeuvre en cause, cette opération peut paraître extrêmement onéreuse, mais, par rapport au prix du marché et aux estimations effectuées en 2004, j'estime que le projet était raisonnable. En tout cas, il a suscité beaucoup d'enthousiasme.

Pour ce qui concerne la crise financière sans précédent qui a frappé la politique conduite par le ministère en faveur des monuments historiques, le paroxysme a été atteint en 2006.

Vous l'avez rappelé, monsieur Richert, le Sénat, à travers la mission d'information que vous présidiez et dont le sénateur Nachbar a été le rapporteur, a légitimement lancé un véritable cri d'alarme au début de l'été 2006. Sensible à la gravité de la situation, le précédent gouvernement a annoncé un plan de relance dès le mois de septembre, marqué, d'une part, par le déblocage immédiat de 20 millions d'euros en région et, d'autre part, par la mise en place d'un financement pérenne supplémentaire de 70 millions d'euros en faveur des monuments appartenant à l'État, cette mesure applicable en 2007 ayant un effet rétroactif en 2006.

Délégués le 20 septembre, les 20 millions d'euros ont été consommés extrêmement rapidement et en totalité sur l'exercice 2006. En ce qui concerne les 70 millions d'euros de taxe affectée, ouverts dans le cadre de la loi de finances rectificative de la fin de l'année 2006, ces crédits étaient quasiment totalement consommés à la fin du mois de juin dernier, puisque le taux global de consommation des crédits affectés aux monuments historiques s'élevait déjà à 41 %.

Comme l'a rappelé M. Gaillard, ces mesures faisaient suite à l'affectation à l'Établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels, l'EMOC, d'une dotation exceptionnelle en capital de 100 millions d'euros provenant des privatisations des autoroutes. Allouée à la fin de l'année 2005 et consommée effectivement en 2006, cette dotation a été décomposée en deux parties : la première, d'un montant de 47,6 millions d'euros, a été affectée aux grandes opérations concernant des monuments historiques - Grand Palais, Cité de l'architecture et du patrimoine, Fort Saint-Jean à Marseille, Versailles, pour n'en citer que quelques-uns - ; la seconde a été consacrée à d'autres grandes opérations d'aménagement - Cité nationale de l'histoire de l'immigration, rénovation des écoles d'architecture, Cinémathèque française, notamment.

Au total, le passif de 2006 devrait ainsi être globalement traité sur la gestion de 2007, grâce, notamment, aux 70 millions d'euros de taxe affectée alloués à titre rétroactif à la fin de 2006, qui se sont ajoutés aux 70 millions d'euros prévus au titre de la loi de finances de 2007. Je rendrai compte de l'utilisation des 140 millions d'euros affectés au Centre des monuments nationaux dans le cadre du rapport annuel de performance de 2007, répondant ainsi au souhait que vous avez manifesté en déposant l'amendement n° 5, monsieur le rapporteur spécial.

Pour revenir à l'exécution de 2006, notamment à la répartition des crédits entre les monuments appartenant à l'État et les monuments des autres propriétaires, ainsi que m'y ont invité M. le rapporteur spécial et M. le rapporteur pour avis, je souhaite préciser que les monuments n'appartenant pas à l'État ont bénéficié de 83 millions d'euros en titre V, sous maîtrise d'ouvrage de l'État, mais également de 69 millions d'euros de subvention pour leur restauration en titre VI et de 12 millions d'euros pour leur entretien en titre III.

Au total, ce sont donc 164 millions d'euros de crédits de paiement, alors que 147 millions d'euros avaient été prévus initialement, qui ont été consacrés à l'entretien et à la restauration des monuments appartenant à des collectivités locales ou à des propriétaires privés, soit plus de 50 % des crédits consommés en 2006.

Les variations que vous avez observées dans la gestion des crédits déconcentrés - à la baisse, sur le titre VI, de 40 millions d'euros, et à la hausse, sur le titre V, de 73 millions d'euros - résultent essentiellement du passage à la LOLF. En effet, l'inscription au titre V des crédits destinés aux monuments appartenant à des tiers lorsque l'État en assurait la maîtrise d'ouvrage a été postérieure à la répartition des crédits. La fongibilité des crédits a toutefois permis de résoudre cette difficulté. Il en est résulté un rééquilibrage technique au profit du titre V, qui ne saurait en conséquence être interprété comme un choix stratégique au profit de la maîtrise d'ouvrage de l'État.

Bien au contraire, les DRAC ont prioritairement traité en 2006 les opérations portant sur les monuments appartenant aux collectivités locales et aux propriétaires privés. Cette priorité s'inscrit dans le droit fil de la réforme engagée avec l'ordonnance du 8 septembre 2005, notamment pour ce qui concerne l'objectif de restitution de la maîtrise d'ouvrage au propriétaire.

Grâce à l'ensemble de ces mesures, la crise a pu être enrayée, mais je crois que nous en sommes encore au stade de la convalescence. Car, si l'enjeu est bien de disposer de moyens financiers suffisants afin que notre patrimoine puisse être conservé, entretenu et restauré dans les meilleures conditions, je suis tout à fait convaincue qu'il s'agit d'abord et surtout de rompre avec une politique budgétaire faite d'à-coups, très préjudiciables dans un secteur qui a besoin de stabilité et de visibilité. Vous l'avez souligné et ce point me paraît essentiel. Je crois ainsi que l'affectation d'une partie de la taxe relative aux droits de mutation à titre onéreux a constitué une première réponse à cette exigence de stabilité.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce n'est pas très « lolfien » !

Mme Christine Albanel, ministre. Le nouveau gouvernement a pleinement conscience d'une telle nécessité. Le Premier ministre lui-même s'est exprimé en faveur d'une telle stabilité dans son discours de politique générale, le 3 juillet dernier, en ces termes : « Le financement des chantiers pour le patrimoine ne devra plus subir les fluctuations aberrantes du passé. La continuité de l'effort en ce domaine doit être respectée ».

Sachez que je serai très attentive non seulement à ce que les moyens en faveur du patrimoine monumental soient suffisants mais surtout à ce que leur stabilité permette d'avoir toute la visibilité nécessaire à une programmation et à une exécution sereines.

Monsieur le rapporteur spécial, vous vous êtes également interrogé sur l'organisation de la maîtrise d'ouvrage relative aux monuments historiques appartenant à l'État.

Il est vrai que la mise en place d'une nouvelle source de financement - la taxe relative aux droits de mutation à titre onéreux - et son affectation à un opérateur - le Centre des monuments nationaux, le CMN - ont fait de cet établissement un nouvel acteur de la maîtrise d'ouvrage sur les monuments appartenant à l'État, s'ajoutant au Service national des travaux, le SNT, parfois à l'établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels, l'EMOC, et surtout aux directions régionales des affaires culturelles.

Il s'agit d'une réforme importante pour le ministère qui permet de responsabiliser le CMN à la fois sur l'ouverture au public des monuments nationaux et sur leur entretien et leur restauration. Ce mouvement correspond pleinement à un objectif légitime de responsabilisation.

En application de l'article 48 de la loi de finances pour 2007, le CMN peut toutefois également se voir confier la maîtrise d'ouvrage sur d'autres monuments appartenant à l'État, ce qui a pu contribuer à brouiller les cartes puisque cette ligne de partage aboutit potentiellement à réduire le périmètre d'activité des DRAC et du SNT, jusqu'à maintenant acteurs principaux de la maîtrise d'ouvrage sur les monuments appartenant à l'État. C'est également, je crois, l'une des raisons qui ont justifié le dépôt de l'amendement de M. le rapporteur spécial.

Vous le savez, dans l'attente d'une nouvelle répartition des moyens humains, il a ainsi été décidé, à la fin de l'année 2006, de mettre en place un régime transitoire permettant au CMN de s'appuyer sur les services des DRAC et les conservations régionales des monuments historiques pour mener à bien les opérations de restauration, tant sur les monuments nationaux que sur les autres monuments affectés à la Direction de l'architecture et du patrimoine.

Mais désormais il s'agit bien de déterminer une répartition définitive des compétences et des moyens humains, afin de clarifier un paysage qui s'était obscurci, faute de réel cap politique. Une telle organisation devra utiliser au mieux l'ensemble des acteurs, être cohérente avec les sources de financement et ne pas exiger plus de moyens humains que ceux qui sont aujourd'hui mis en oeuvre.

Afin de déterminer différents scénarios respectant ces principes, j'ai décidé de confier une mission d'expertise et de propositions à une équipe resserrée d'experts qui seront désignés au plus tard à la fin de ce mois. Mesdames, messieurs les sénateurs, je tenais à vous réserver la primeur de cette annonce.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Merci, madame la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre. J'espère également, en lançant une telle mission, répondre aux préoccupations de M. le rapporteur spécial.

Par ailleurs, monsieur Gaillard, vous vous êtes interrogé sur les retards pris dans le rapprochement des DRAC et des services départementaux de l'architecture et du patrimoine, les SDAP, ainsi que sur les conditions de mise en oeuvre de l'ordonnance du 8 septembre 2005 relative aux monuments historiques et aux espaces protégés.

S'agissant du décret relatif à la fusion entre les DRAC et les SDAP, il n'a tout simplement pas pu être publié en raison du changement de gouvernement.

Après m'être moi-même interrogée sur une telle réforme, il m'est apparu qu'elle était bonne et nécessaire. Je souhaite que le décret puisse désormais être très vite publié. Le texte devrait être examiné par le Conseil d'État à la fin du mois d'août et signé dans la foulée.

S'agissant de l'ordonnance du 8 septembre 2005, elle visait une clarification et une simplification du régime des monuments historiques. Comme vous le savez, l'une de ses dispositions phare est la restitution de la maîtrise d'ouvrage aux propriétaires de monuments historiques en contrepartie de laquelle est prévue la mise en place d'une assistance à maîtrise d'ouvrage efficace pour aider les propriétaires ne pouvant assumer cette responsabilité seuls. Je veux vous rassurer sur la confirmation d'un tel équilibre de la réforme. Quant aux décrets d'application, ils sont en cours de rédaction.

Monsieur le rapporteur spécial, vous avez en outre attiré mon attention sur le financement de l'INRAP et sur les difficultés tenant aux délais d'exécution des opérations de fouilles d'archéologie préventive.

Le ministère a certainement eu tort de ne pas suivre votre avis éclairé, puisque, après avoir cru qu'aucun financement complémentaire ne serait nécessaire, il a inscrit en 2007 une subvention pour charge de service public de 9 millions d'euros au profit de l'INRAP. Pour ce qui concerne l'année 2006, la situation a toutefois été quelque peu différente puisqu'il s'est agi de s'acquitter d'une partie de l'avance de trésorerie remboursable qui avait été consentie au moment de la création de l'établissement.

Je partage tout à fait votre point de vue sur la nécessité d'élaborer un contrat de performance avec l'INRAP. Je peux d'ailleurs vous annoncer que ce chantier est lancé. Quant aux autres opérateurs, compte tenu des difficultés à adapter les équipes nécessaires de l'INRAP à l'évolution de l'activité, par nature volatile, je ne peux que vous suivre sur la nécessité qu'ils se développent et se renforcent, leur taille étant aujourd'hui insuffisante pour concurrencer réellement l'INRAP. J'examinerai les modalités selon lesquelles l'agrément nécessaire est aujourd'hui délivré.

Enfin, je voudrais répondre à deux interrogations importantes que vous avez également formulées, monsieur le rapporteur spécial, et que je souhaite rappeler : quel enseignement tirer de l'audit de modernisation relatif aux aides au spectacle vivant et quelle organisation de la tutelle sur les opérateurs du ministère en mode LOLF ?

S'agissant de la première question, l'audit de modernisation a fait état de différents griefs - saupoudrage des subventions, forte dispersion des montants alloués, insuffisance des critères de subventionnement, notamment - et proposé différentes actions.

Si toutes les propositions ne peuvent être retenues, je partage en grande partie le diagnostic qui a été fait et j'ai demandé à la direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles, la DMDTS, d'élaborer un plan d'action visant à ce que toute subvention à une structure soit conditionnée à un certain nombre de critères, d'exigences. L'État n'est pas là simplement à titre de caution. L'État est présent lorsqu'un projet, une institution portent une certaine excellence.

Enfin, je voudrais souligner que l'on ne part pas de rien : vous l'avez constaté, plusieurs indicateurs du projet annuel de performance suivent déjà le degré de conventionnement des institutions du spectacle vivant ou les taux d'entrée et de sortie des structures dans les dispositifs de soutien. Il faut affiner les choses, approfondir ce type de démarche, généraliser la fixation d'objectifs aux institutions soutenues.

S'agissant de la seconde question, la tutelle stratégique sur les opérateurs du ministère peut et doit être améliorée. Au terme de cette première année en mode LOLF, il est nécessaire de conforter le positionnement de ces nouveaux acteurs que constituent les responsables de programme auprès des opérateurs qui leur sont rattachés. Certains ont déjà engagé cette démarche. Ainsi, le responsable du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » travaille systématiquement avec les directeurs sectoriels concernés aux contrats de performance des opérateurs de son programme. L'audit de modernisation du mois d'avril 2007 consacré à la tutelle du ministère de la culture et de la communication contient des propositions fort intéressantes pour aller plus loin. J'étudierai enfin avec soin les recommandations que M. le rapporteur spécial fera au terme de l'enquête qu'il a souhaité mener auprès de quatre grands opérateurs. L'objectif, croyez-le, est bien d'équilibrer, au sein du ministère, tutelle financière et tutelle de contenu.

D'une manière générale, je crois que l'organisation même de l'administration centrale du ministère est amenée à évoluer pour prendre en compte toute la LOLF, afin, notamment, de renforcer la tutelle stratégique du ministère sur ses opérateurs. L'organisation actuelle ne saurait être regardée autrement que comme une organisation de trajectoire.

Mesdames, messieurs les sénateurs, tels sont les éclaircissements que je souhaitais d'ores et déjà vous apporter.

Pour conclure, je tiens à vous faire part de ma ferme volonté de moderniser le ministère de la culture et de la communication, en ce qui concerne sa gestion, ses méthodes d'action, ses capacités à opérer de réels choix de contenu dans les missions essentielles qui sont les siennes, à savoir le patrimoine, la création, la transmission, ne serait-ce que pour retrouver quelques marges de manoeuvre qui nous permettront de les mener à bien. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la ministre, je veux vous remercier, tout d'abord, de toutes les précisions que vous avez bien voulu nous apporter, et vous me permettrez, réactivité oblige, de vous répondre d'emblée.

Les rapports que vous nous avez transmis comportent des indications relatives aux engagements. Or nous voudrions pouvoir distinguer ce qui relève d'une dette de l'État à l'égard des collectivités territoriales ou des propriétaires privés de monuments dignes d'être aidés. Ainsi, des travaux peuvent avoir été accomplis sur la foi d'engagements pris par l'État, mais il arrive que ce dernier, en raison d'une régulation budgétaire ou d'absence de crédits de paiement, ne puisse y faire face. Nous souhaiterions que désormais vous puissiez nous communiquer très précisément ce qui correspond à une dette de l'État.

Pour la première fois, au 31 décembre 2006, l'État a établi sa situation patrimoniale certifiée sincère par la Cour des comptes, avec quelques réserves, il est vrai.

Nous voudrions que, désormais, chaque ministère, le vôtre, en particulier, puisse dresser l'état de ses dettes, afin que nous disposions ainsi d'indications précises. Si riches qu'aient été vos réponses, elles ne nous renseignent pas clairement sur cette réalité, madame la ministre.

Si vous pouviez prendre l'engagement d'agir ainsi à l'avenir, nous aurions au moins un début de satisfaction.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre. Monsieur le président de la commission des finances, le montant des « restes à payer » sur les Monuments historiques, c'est-à-dire l'écart entre les autorisations d'engagement ouvertes et les crédits de paiement restant à ouvrir s'élèvera, à la fin de 2007, à 87 millions d'euros pour les monuments historiques d'État et à 298 millions d'euros pour les autres monuments historiques, soit un total de 385 millions d'euros, et la dette réelle au 31 décembre 2006 était de 80 millions d'euros. (Exclamations au banc des commissions.)

M. le président. Mes chers collègues, nous en sommes parvenus aux questions des orateurs des groupes.

Afin que soit préservé le caractère interactif des débats, chaque intervenant dispose, je le rappelle, de trois minutes pour poser sa question ; le ministre a trois minutes pour lui répondre, après quoi l'orateur dispose de deux minutes au titre de son droit de réplique.

Je compte sur chacun d'entre vous, mes chers collègues, pour respecter strictement ces temps de parole.

La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les enseignements artistiques font l'objet d'une politique conjointe des deux ministères de l'éducation nationale et de la culture depuis de nombreuses années.

Même si leur place a été inscrite dans le socle des connaissances, ils n'en demeurent pas moins en souffrance.

Le plan Lang-Tasca a été en son temps une expérience intéressante qu'il conviendrait d'approfondir, car il favorisait la rencontre entre élèves, artistes et enseignants ; le plan de relance Fillon-Donnedieu de Vabres de janvier 2005 a montré ses limites avec ce budget 2006 qui nous mobilise ce soir.

Il faut en finir avec cette logique qui consiste à admettre que l'éducation artistique est fondamentale et ne rien faire ou presque en sa faveur.

Pourtant, les premières études présentées à Paris lors du symposium international sur les effets de l'éducation artistique ont nettement montré que la pratique instrumentale régulière, par exemple, augmente les capacités à se situer dans le temps et dans l'espace, aide à réinsérer des enfants en grande difficulté et, même, doperait les résultats en mathématiques et en langues vivantes.

Face aux défis d'un monde uniformisé par la culture marchande de loisirs, de nouvelles exigences s'imposent en termes d'éducation à l'image, d'histoire des arts, pour permettre de mieux comprendre notre environnement, qu'il s'agisse du patrimoine architectural et des musées, mais aussi de l'espace urbain.

Les jeunes sont les premières cibles des industries culturelles, qui n'en finissent pas de développer de nouveaux supports technologiques - DVD, Internet, téléphonie mobile, notamment -, d'où l'impérieuse nécessité pour l'école de former l'esprit critique dans l'usage des nouveaux médias et de sensibiliser aux enjeux de la création et des droits des auteurs, mis à mal par un marché sans conscience ni miséricorde.

Notre pays a ratifié la charte de l'UNESCO sur la diversité culturelle et il serait pertinent que la France s'illustre dans cet engagement de façon concrète par ses dispositifs d'éducation artistique et culturelle de l'école maternelle à l'université.

Dans une époque de transformations profondes et de mondialisation qui perturbent parfois les repères, notre jeunesse a plus que jamais besoin d'une véritable culture humaniste et humanisante.

« L'art est le plus court chemin qui mène de l'homme à l'homme », comme le disait si bien Malraux. Or, l'état des lieux est loin de ces ambitions, comme en témoigne le projet de loi de règlement définitif du budget de 2006.

Lors de la campagne électorale, M. Nicolas Sarkozy a déclaré que son projet de politique culturelle s'appuierait sur l'école et qu'il souhaitait valoriser l'éducation artistique pour donner un nouvel élan à la démocratisation culturelle.

Il faut préparer non seulement les enseignants, notamment dans les IUFM, mais aussi les artistes et les professionnels de toutes disciplines qui viennent dans les classes à leurs côtés. Il y a toujours un moment magique dans ces échanges, madame la ministre, quand des enfants et des jeunes, après quelques séances, découvrent qu'il n'y a pas de talent sans une quantité gigantesque de travail.

Cette transmission de valeurs est irremplaçable. J'ose le dire : il est grand temps que l'éducation artistique et culturelle devienne une grande cause nationale.

Quels enseignements comptez-vous tirer du budget de 2006 pour que le budget de 2008 traduise cette ambition en termes de moyens humains et financiers ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre. Si le budget de 2006 s'élève à un peu moins de 30 millions d'euros, il faut toutefois avoir aussi à l'esprit que certaines facettes de l'enseignement artistique ne sont pas prises en compte : tel est le cas des actions que mènent les grands opérateurs, comme la Cité des sciences et de l'industrie, qui reçoit à peu près 500 000 élèves chaque année, ou encore Versailles, qui en accueille 300 000, et qui organisent des ateliers, des activités pédagogiques, animés par des professeurs détachés.

Je souhaite d'ailleurs que, désormais, la vision de l'éducation artistique soit plus globale et prenne en compte l'ensemble de ces contributions

Il n'empêche qu'il faut faire davantage. Nous avons la chance historique que l'éducation artistique dépende à la fois du ministre de l'éducation nationale, M. Xavier Darcos, et de moi-même, ministre de la culture : nous avons l'ardente obligation de travailler ensemble.

Nous avons conjointement confié à un expert, qui est à la fois inspecteur général de l'éducation nationale et grand connaisseur de la culture, la mission de formuler des propositions, sous-tendues par les lignes de force suivantes : l'introduction de l'éducation artistique tout au long du parcours de l'élève, de la maternelle jusqu'aux plus grandes classes, une pratique artistique soutenue, ce qui n'est pas toujours le cas, une formation des maîtres renforcée dans les IUFM, ainsi que l'élaboration de partenariats non seulement entre les IUFM et les établissements d'enseignement supérieur spécialisés - beaucoup existent déjà au sein du ministère de la culture - mais aussi entre des établissements scolaires et des établissements d'enseignement spécialisé. D'une manière générale, des efforts devront être faits pour que soient tissés un maximum de liens entre les conservatoires et les écoles.

Vous avez souligné, monsieur le sénateur, à quel point de telles collaborations transformaient les classes.

Je me souviens avoir assisté, lors de la fête de la musique, à un spectacle monté conjointement par des classes de Cergy et le Conservatoire. Les classes qui avaient bénéficié de ce partenariat étaient devenues les meilleures de l'établissement alors qu'elles accueillaient des élèves de toutes origines !

En ce domaine, il y a beaucoup à inventer, il faut faire davantage encore. L'enjeu le mérite. À l'heure des arbitrages budgétaires, je puis vous assurer que c'est l'une de mes priorités.

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, et je vous donne acte de votre volonté de vous investir dans ce vaste domaine.

Vous avez raison de rappeler qu'il ne faut pas oublier de tenir compte de ce qui se fait dans les grandes structures, les grands établissements publics comme Versailles : animations pédagogiques, orchestres, débats...Néanmoins, il reste beaucoup à accomplir, et le chantier est devant nous.

J'ai bien conscience de commettre une espèce d'injustice en vous interpellant, vous qui êtes ministre de la culture, alors que le ministère qui nous tire en arrière est, hélas ! celui de l'éducation nationale : durant les trois dernières années, les crédits que l'éducation nationale a sacrifiés en plus grand nombre sont ceux qui sont qui étaient dévolus aux enseignements artistiques et culturels, ainsi devenus, en quelque sorte, une variable d'ajustement.

Je parle sous le contrôle de M. Valade, mais je peux dire que la commission des affaires culturelles a toujours soutenu les efforts budgétaires demandés, y compris en séance, lors des débats budgétaires. Nous serons peut-être amenés à en parler, puisque vous allez venir « plancher » devant notre commission.

Chacun s'accorde à reconnaître que l'éducation artistique contribue à la construction de la personnalité et à la constitution de la citoyenneté. Selon moi, la meilleure façon de lui donner sa vraie place à l'école est de la rendre obligatoire, au même titre que la grammaire, les mathématiques ou l'éducation physique.

M. le président. La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la lecture du « bleu » budgétaire concernant la mission « Culture » au titre du projet de loi de finances pour 2007 avait confirmé nos inquiétudes quant à la situation de la création dans notre pays.

Les indicateurs de performance du programme « Création » dégagent ainsi des tendances malheureusement négatives quant à l'efficacité des politiques publiques conduites dans ce domaine.

Ainsi, en 2004, 47,7 % des artistes avaient bénéficié pour la première fois de commandes, d'acquisitions et d'aides à la création par l'État. Ils n'étaient plus que 44,8 % en 2005 et ne devraient pas être plus de 45 % en 2006.

En 2004, le taux d'entrée des compagnies et des ensembles musicaux dans les dispositifs d'aide était de 14,7 %, mais n'était plus que de 9,9 % en 2005 et devrait rester inférieur à 10 % en 2006 et en 2007.

De plus, la recette moyenne par place offerte dans les structures subventionnées s'est dégradée sur la période 2004-2006, régressant de 48,30 euros à 48 euros, en passant par un plus bas de 47,90 euros en 2005.

Par ailleurs, sur la même période, le taux de places vendues par rapport à la jauge mise en vente dans les lieux subventionnés ne parvient pas à atteindre 75 %, avec un plus bas à 72,4 % en 2005, contre 73,7 % en 2004.

Enfin, la part du public des spectacles vivants venus dans le cadre de sorties scolaires est passée de 12,2 % en 2004 à 11,7 % en 2005 et devrait rester inférieure à 13 % en 2006.

Ces indicateurs, établis par les services compétents du ministère, montrent que les deux axes stratégiques qui structurent l'action publique dans le cadre du programme « Création », à savoir l'encouragement de la création et le renforcement de la diffusion, ne se traduisent pas par des résultats probants.

Il faut dire que, si l'on s'en tient à l'exécution du budget de 2006, seulement 786 millions d'euros de crédits ont été engagés au titre du programme « Création » pour 936 millions d'euros d'autorisations d'engagement votées en loi de finances initiales.

Quant au programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », il a été à peine mieux loti, avec 846 millions d'euros de crédits finalement engagés, contre 868 millions d'euros d'autorisations d'engagement votées.

Ce ne serait pas dire l'entière vérité que de se flatter d'un taux de consommation de crédits proche de 100 %, madame la ministre, alors que ces pourcentages ne portent que sur l'exécution des crédits ouverts et non sur la consommation des crédits votés : par exemple, ce taux atteint bien 100 % pour les crédits du programme « Création », mais il tombe à 84 % quand il est calculé par rapport aux autorisations d'engagement votées !

Madame la ministre, au regard de ces chiffres, les tendances que mettent en valeur les indicateurs précités, peu satisfaisantes pour tout titulaire du portefeuille de Malraux, celui de « l'exception française » par excellence, sont le résultat direct du désengagement budgétaire constant de l'État dans le financement de la création depuis 2002. Il s'agit là du passif, dont vous n'êtes pas responsable, mais le Gouvernement auquel vous appartenez compte-t-il « renverser la vapeur » et, si oui, comment ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre. Monsieur le sénateur, vous me pardonnerez de ne pas commenter les nombreux chiffres que vous avez cités.

Je me bornerai à vous dire que je trouve bien sévère le tableau que vous dressez de la culture.

L'engagement du Gouvernement en faveur de la création est tout de même extrêmement fort, probablement l'un des plus importants d'Europe. Environ 1 200 compagnies de théâtre, ensembles musicaux, ensembles chorégraphiques sont subventionnés. Les crédits engagés sont tout à fait considérables : 270 millions d'euros ont été apportés par l'État aux aides au fonctionnement et à la diffusion de projets dans le domaine du spectacle vivant. Vous ne pouvez pas nier qu'il s'agit d'un effort soutenu.

La question, aujourd'hui, n'est pas tant d'accroître sans fin les aides octroyées aux compagnies de spectacle vivant que de se demander dans quelles conditions ces aides sont accordées et ce que l'État peut, au fond, demander en échange : il doit continuer à être présents aux côtés des créateurs.

Je suis personnellement favorable à la mise en place de critères de subventionnement au nombre desquels figurerait, notamment, l'action en faveur de l'éducation artistique, l'engagement auprès des établissements scolaires, la rencontre avec le public, qui est importante et n'est nullement contradictoire avec la qualité, mais aussi la diffusion des oeuvres soutenues directement par les pouvoirs publics, qui sont, souvent, insuffisamment diffusées.

C'est tout un ensemble de critères qui doit être mis en place. L'effort de l'État, très soutenu, doit trouver des contreparties. C'est dans ce sens que nous agirons.

M. le président. La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Madame la ministre, vous avez estimé que mon constat était sévère. Pourtant, mon propos ne laissait que peu de place à l'idéologie et à la politique. J'ai simplement cité des chiffres, nombreux, je l'admets, mais qui émanent de votre propre ministère. C'est donc lui qui est sévère !

Madame la ministre, je connais l'effort financier qui est fait pour encourager la création. Je ne vous reproche pas de ne pas augmenter les crédits indéfiniment. Je constate simplement leur lente régression, le désengagement continu de l'État depuis 2002, et je me demande si vous envisagez d'inverser la tendance.

Si j'ai bien compris le sens de votre réponse, vous souhaitez que les dépenses soient plus contractuelles, mieux ciblées. Mais vous ne dites pas, et ce n'est pas fait pour me rassurer, que vous allez redresser la barre et mettre un terme au mouvement de descente. C'est pourquoi, madame la ministre, je vous ai demandé si vous envisagiez concrètement d'inverser la tendance au désengagement, continue depuis 2002 et constatée par votre ministère.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur la politique de soutien à l'emploi culturel.

Un des objectifs du programme « Création » de la mission « Culture » pour 2006 était le soutien à l'emploi culturel. Au-delà du Fonds permanent de professionnalisation et de solidarité mis en place par l'État en complément du protocole d'accord du 18 avril 2006, votre prédécesseur a pris des engagements et a lancé une politique afin de répondre à la crise de l'intermittence par des mesures de structuration et de soutien à l'emploi dans le spectacle vivant.

Quelles sont les réalisations effectives qui favorisent cette politique ? Permettez-moi de rappeler les principales mesures qui ont été mises en oeuvre et les interrogations qu'elles suscitent.

Il s'agissait, en premier lieu, d'organiser et structurer le secteur du spectacle vivant, notamment par la conclusion de conventions collectives. La lecture du rapport annuel de performance nous apprend que quatre conventions collectives ont été conclues. Répondent-elles aux objectifs qui avaient été fixés ? Qu'apportent-elles à l'organisation et à la régulation de ce secteur ?

Cette politique est nécessaire, mais elle ne doit pas nous interdire de revenir sur la redéfinition des annexes VIII et X, comme le recommandait le rapport Charpillon, car cette redéfinition est au coeur de la crise de l'intermittence.

Nous avons, selon moi, laissé passer l'occasion qui nous était donnée, lors de la renégociation de la convention UNEDIC, de réformer dans sa globalité le régime d'assurance chômage des intermittents. Tout en garantissant le maintien du régime spécifique des intermittents dans le cadre général de la solidarité interprofessionnelle, nous aurions pu le réformer en profondeur, en redéfinissant notamment son périmètre afin de bâtir un système opérationnel, vertueux et équitable, comme toutes les parties s'y étaient engagées.

Dans cette logique, le ministère a souhaité renforcer l'efficacité des contrôles, notamment en lançant un plan de lutte contre le travail illégal. Cette disposition vise à empêcher les employeurs d'abuser de l'intermittence là où son recours est injustifié, comme c'est le cas notamment dans certaines entreprises de l'audiovisuel public.

Madame la ministre, votre administration réfléchit-elle à un indicateur de performance plus pertinent susceptible de rendre compte des efforts qui ont été faits dans ce domaine ? Pouvez-vous nous dire où en est cette politique ?

Il s'agissait, en second lieu, d'orienter les financements publics vers l'emploi, selon les préconisations des rapports Guillot et Auclaire.

Lors du débat sur le spectacle vivant, nous avions demandé que les structures et les établissements qui recourent à des emplois permanents soient favorisés, notamment en conditionnant les subventions publiques à ces efforts. Où en est-on dans ce domaine ? Cette politique a-t-elle donné les résultats escomptés ?

Nous savons tous qu'il faut repenser nos critères d'attribution des subventions avec l'objectif de pérenniser les structures et les compagnies, dont on connaît la fragilité.

Je note, à ce propos, que l'objectif « Soutien à l'emploi culturel et à la professionnalisation des secteurs » fait l'objet d'un seul indicateur de performance : la place de la rémunération des artistes dans les structures subventionnées.

Cet indicateur n'est pas d'une totale pertinence. Certes, il enregistre la part de la masse salariale des structures consacrée aux rémunérations versées directement aux artistes, mais il faudrait le compléter et l'enrichir par un autre indicateur afin de tenir compte du pourcentage des emplois permanents, de nature administrative, notamment, qui sont créés dans ces structures. Madame la ministre, envisagez-vous de poursuivre dans cette logique ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre. Madame le sénateur, l'emploi culturel s'articule en effet en plusieurs volets.

S'agissant des intermittents, la création du Fonds transitoire a été la manifestation la plus directe de la solidarité nationale. L'État s'est engagé à hauteur de plus de 270 millions d'euros, ce qui représente un effort considérable.

Nous avons maintenant le Fonds de professionnalisation et de solidarité, et des discussions vont s'engager dès la rentrée avec le ministre du travail et avec les organisations syndicales afin que ce fonds soit prorogé. Cela permettra, d'une part, d'établir un pont avec la négociation globale sur le régime d'assurance chômage, prévue pour 2008, et, d'autre part, de déterminer les points qui doivent être améliorés dès aujourd'hui.

Comme le confirment les entretiens que j'ai eus avec plusieurs de mes homologues européens, le système français est sans doute aujourd'hui le meilleur d'Europe. Néanmoins, il laisse des artistes et des techniciens de côté. Il faut donc continuer à travailler sur le respect des droits de ces professions et prendre toutes les dispositions pour que ces droits soient respectés.

S'agissant des conventions collectives, un travail considérable a été accompli. Le nombre des conventions ou sous-conventions collectives est passé de quarante-sept à huit. Quatre sont d'ores et déjà signées, mais celle du spectacle vivant n'est pas encore conclue.

Ces conventions marquent de réelles avancées. Elles sont très intéressantes, car elles vont dans le sens d'une plus grande professionnalisation. De plus, des discussions ont permis d'apporter de nombreuses précisions sur les cas de recours au CDD d'usage qui constituent précisément le coeur des annexes VIII et X. Ainsi mieux nous définissons mieux ces annexes, ce qui est très important en vue de la négociation globale de 2008. Tout cela va dans le bon sens.

Par ailleurs, un plan de lutte contre le travail illégal a été mis en place. Ses résultats sont intéressants. Alors que l'on ne recensait que quelques centaines de contrôles, on en compte maintenant des milliers. La multiplication de ces contrôles a permis de faire tomber de 70 % à 20 % la proportion des employeurs en situation de contravention. Cela contribue à une évolution des mentalités dont on ne peut que se féliciter.

Le code du travail a été modifié afin de permettre à des organismes comme les DRAC, le CNC, ou aux collectivités locales de refuser leur aide à des entreprises de spectacle en situation illégale. Parallèlement, un effort d'information a été fait.

Le « plan emploi » est aussi le fruit d'un important travail qui a été accompli par les différentes commissions au sein du Conseil national des professions du spectacle afin de mieux appliquer la réglementation relative à la santé et à la sécurité, d'améliorer les procédures d'attribution de la licence d'entrepreneur de spectacle et de clarifier les frontières, toujours ténues, entre amateurs et professionnels. Certains amateurs sont en fait de vrais professionnels. Un projet de loi a été d'ailleurs élaboré avec les partenaires sociaux afin de remédier à cette situation.

L'ensemble de ces mesures vont dans le sens de l'emploi culturel. Elles marquent notre engagement en faveur de la création, d'une manière indirecte, certes, mais néanmoins importante. Il faut s'en féliciter, car, dans ce domaine, la professionnalisation est vraiment de l'intérêt de toutes les parties.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Madame la ministre, je vous remercie des précisions que vous m'avez apportées.

Il convient de poursuivre ce chantier avec une grande attention, car nombre de structures ont été fragilisées.

L'emploi culturel pose aussi les questions de la formation, initiale et continue, et de la reconversion, autant de problèmes sur lesquels nous devrons travailler tous ensemble.

M. le président. La parole est à M. Joël Bourdin.

M. Joël Bourdin. Madame la ministre, je souhaite insister sur la réforme de l'organisation du ministère de la culture, en particulier de ses services déconcentrés.

Dans sa contribution au rapport de M. le rapporteur général sur le projet de loi de règlement, notre collègue Yann Gaillard souligne que la gestion de la mission « Culture » pose en fait la question de la responsabilisation des gestionnaires et du degré de déconcentration des crédits.

Fort de son expérience et des missions de contrôle qu'il a effectuées en 2006 et en 2007, il s'interroge, à juste titre, sur la complexité des dialogues de gestion entre les directions régionales des affaires culturelles, les DRAC, les responsables de programmes et les directions sectorielles.

La mise en oeuvre de la LOLF ne doit pas conduire à ajouter une nouvelle couche administrative sur une organisation inchangée. Elle constitue le levier de la réforme de l'État, de ses directions centrales comme de ses services déconcentrés, dans un souci de performance et de bonne utilisation des deniers publics. Cela passe par une responsabilité accrue des gestionnaires et par une clarification de l'organisation administrative.

Le rapport annuel de performance indique qu'un certain nombre d'actions ont été initiées afin d'améliorer la performance du ministère en matière de soutien. Il est notamment fait état de la réforme des services déconcentrés, fondée sur le rapprochement des DRAC et des services départementaux de l'architecture et du patrimoine, les SDAP.

Madame la ministre, ce rapprochement constitue un chantier que votre ministère semble vouloir faire aboutir rapidement, comme vous l'avez indiqué tout à l'heure dans votre réponse aux rapporteurs. Des questions se posent néanmoins sur ses modalités. Pourquoi avoir préféré un regroupement vertical des DRAC et des SDAP plutôt qu'un regroupement horizontal des SDAP avec les directions départementales de l'équipement et de l'agriculture, comme cela semble avoir été envisagé ? Quelle est la finalité du maintien d'un échelon départemental de proximité placé sous l'autorité du directeur régional ? En quoi cette nouvelle organisation modifie-t-elle les missions respectives des DRAC et des SDAP ? Enfin, en quoi sera-elle plus performante, au sens de la LOLF ?

Madame la ministre, je souhaite en savoir un peu plus sur ce rapprochement, qui constitue l'un des chantiers majeurs de modernisation de votre ministère.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre. Monsieur le sénateur, j'ai trouvé, à mon arrivée au ministère, le projet de rapprochement des SDAP et des DRAC. Après avoir examiné son intérêt et sa pertinence, il nous a semblé qu'un tel rapprochement avait du sens et qu'il convenait de mener ce dossier à son terme.

Je comprends que vous vous soyez interrogé sur l'intérêt de rapprocher les SDAP d'autres structures. Mais nous avons estimé, et cela ne vous étonnera pas, que, l'architecture étant liée à la culture, une proximité accrue des DRAC et des SDAP était intéressante, surtout dans la perspective de relations sans doute plus intenses, plus continues, avec tous les responsables de l'architecture contemporaine, qu'il s'agisse de l'Ordre des architectes, de l'ANRU, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, ou des CAUE, les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement.

Nous pouvons en effet espérer une plus grande rapidité dans le traitement des dossiers, une meilleure gestion des crédits et des opérations, davantage de fluidité dans les opérations d'urbanisme, ainsi qu'une plus grande cohérence de l'action des services dans la mise en oeuvre de la politique du patrimoine et des espaces protégés.

Enfin, en termes de fonctionnement, même s'il n'y a pas vraiment de « gras », nous pouvons envisager une optimisation des moyens et des personnels. Je pense également que cela permettra aux actuels conseillers en architecture des DRAC de mieux travailler avec les services départementaux de l'architecture et du patrimoine.

Dans ces conditions, oui, monsieur le sénateur, ce rapprochement nous a paru avoir du sens.

M. le président. La parole est à M. Joël Bourdin.

M. Joël Bourdin. Je tiens à remercier Mme la ministre des précisions qu'elle vient de nous apporter.

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Madame la ministre, ma question porte sur les relations entre les élus et les architectes des Bâtiments de France.

M. Yves Fréville. Bonne question !

M. Aymeri de Montesquiou. Ces architectes, aux compétences reconnues et appréciées, exercent leurs responsabilités avec passion et ont évidemment à coeur le respect du patrimoine de nos communes, de nos départements et de nos régions. Pourtant, cette passion heurte parfois la compréhension des élus et leur semble alors inconciliable avec une gestion rationnelle de leur collectivité.

M. Yves Fréville. Tout à fait !

M. Aymeri de Montesquiou. Les maires, soucieux à la fois du développement économique et de la mise en valeur du patrimoine de leur commune, voient, en quelques circonstances, leurs projets bloqués par les décisions unilatérales des architectes des Bâtiments de France, seuls habilités à trancher. De telles situations peuvent retarder, et parfois compromettre, des projets de développement économique, touristique ou culturel.

De plus, nombreux sont nos concitoyens qui souhaitent s'installer dans les zones rurales. Pour pouvoir réaliser que cette aspiration dans leur vie quotidienne, ces futurs rurbains réclament des infrastructures conformes à notre époque et des emplois dans lesquels ils pourront exprimer leurs capacités.

Les maires doivent donc assurer l'équipement et le développement économique harmonieux de leur commune, tout en honorant leur souci majeur de l'environnement et du patrimoine. Ne pouvant ni ne souhaitant « fossiliser » l'évolution de leur collectivité, ils souhaitent avoir la possibilité d'échanger, de débattre et de s'accorder avec les architectes des Bâtiments de France sur la mise en oeuvre de leurs projets, dans un esprit constructif.

Or, actuellement, c'est trop souvent l'incompréhension qui prévaut.

En tant que président de l'association des maires de mon département, le Gers, je propose que, en cas de désaccord entre un maire et l'architecte des Bâtiments de France, l'association départementale des maires organise une rencontre entre les parties, associant, éventuellement, un représentant de la préfecture. En effet, l'association des maires, qui privilégie et favorise toujours l'écoute et le dialogue, pourrait servir de médiateur pour régler ces différends. Y êtes-vous favorable, madame la ministre ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre. Monsieur le sénateur, vous venez d'évoquer les différends qui opposent parfois, hélas ! les maires aux architectes des Bâtiments de France, les ABF. Au fond, vous me demandez quelle serait la meilleure instance d'appel pour les régler.

Je vous le rappelle, une instance d'appel existe d'ores et déjà depuis quelques années. Il s'agit de la section de la commission régionale du patrimoine et des sites, qui est normalement présidée par le préfet de région. La délégation permanente est présidée par le directeur régional des affaires culturelles. Elle comprend neuf membres, dont trois élus, deux conseillers généraux et un maire, qui devrait être désigné par l'association des maires, et quatre personnalités qualifiées.

Toute la question est de savoir si cette section se réunit assez régulièrement et si les élus y sont suffisamment présents pour qu'elle puisse réellement jouer son rôle d'instance d'appel. Ces questions méritent d'être posées, pour pouvoir y apporter une réponse claire. Nous adresserons aux DRAC des préconisations, afin de renforcer la présence des élus, qui sont directement concernés.

Au demeurant, monsieur le sénateur, je suis bien évidemment ouverte aux suggestions que vous venez d'évoquer s'agissant d'autres formules qui peuvent être envisagées. Mais la structure qui existe d'ores et déjà devrait permettre le réexamen d'une décision des ABF, pouvant aller jusqu'à une substitution de décision, en cas de nécessité.

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse conciliante, mais vous avez pu percevoir, aux diverses réactions qui ont ponctué mon propos, que ce sujet préoccupe les maires en général et donc tous les sénateurs-maires ici présents !

M. Yves Fréville. Tout à fait !

M. Aymeri de Montesquiou. L'instance que vous venez d'évoquer semble un peu lourde et un peu trop éloignée des maires des petites communes rurales.

Dans un premier temps, pour que le maire ne se sente pas mis en accusation, il serait plus simple d'avoir recours à une instance locale. À cet égard, l'association des maires peut, me semble-t-il, constituer le cadre de conciliation et de dialogue indispensable. Un représentant du préfet étant présent, nous aurions ainsi toutes les conditions réunies pour que les acteurs concernés puissent régler de la manière la plus pacifique possible ce genre de différend.

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Madame la ministre, voilà maintenant quatre ans que la question du statut des intermittents grève lourdement le paysage de la création française, notamment dans le domaine du spectacle vivant.

Depuis l'accord du 26 juin 2003, largement et vivement contesté par les professionnels du spectacle, la réforme alors nécessaire, j'en conviens, du système d'indemnisation des professions du spectacle s'est transformée en remise en cause et est devenue un élément fort de fragilisation du paysage artistique en France, un paysage avec ses métiers, dont la spécificité, elle, n'est jamais contestée.

Le protocole du 18 avril 2006, en vigueur depuis mars dernier, est très loin de faire l'unanimité auprès des professionnels du spectacle, dans la mesure où il reconduit les dispositions principales de l'accord de 2003 et qu'il accentue, au lieu de les régler, les problèmes posés notamment par les anciennes annexes VIII et X.

En effet, non seulement cette réforme n'a réduit en rien, selon bon nombre d'expertises, le déficit qui lui servait de justification première, mais elle est aussi inefficace, notamment en termes d'aplanissement des inégalités et de lutte contre les abus.

En effet, depuis l'entrée en vigueur de ce protocole, la situation du plus grand nombre des intermittents n'a cessé de se dégrader, condamnés qu'ils sont à jongler entre périodes d'emploi et séquences chômées. Malgré le fonds transitoire, aujourd'hui transformé en fonds de professionnalisation, dont l'existence témoigne d'ailleurs des dysfonctionnements propres à cet accord, plus de 30 000 professionnels ont été exclus du système d'indemnisation.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Le régime des intermittents ne dépend pas du ministère de la culture !

M. Ivan Renar. Le budget de l'État est transversal, cher président de la commission des finances ! L'universel, c'est le local sans les murs.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Tout est dans tout et réciproquement ! (Sourires.)

M. Ivan Renar. Parmi eux se trouvent les plus précarisés des travailleurs du spectacle, qui sont aussi ceux qui concourent le plus, par exemple, à l'essentiel du développement culturel en milieu rural ou dans les petites villes, alors que se renforce la situation des mieux indemnisés.

Les rentes de situation sont loin d'être remises en cause par ce texte, et c'est un paysage de la création moins diversifié qu'il nous prépare. De plus, loin d'être vertueux, le protocole en question incite, de l'aveu même des professionnels, à la sous-déclaration des heures travaillées, que ce soit pour survivre, s'il s'agit des intermittents les plus précaires, ou pour assurer un complément de rémunération, s'il s'agit du petit nombre de personnes les mieux rémunérées.

Peut-on faire autrement ? Je le pense ! Au lieu d'imposer un protocole qui ne règle rien sur le fond, on pourrait reprendre le travail réalisé pendant trois ans par le comité de suivi. Il a débouché sur une proposition de loi, un peu vite balayée le 12 octobre dernier. Je rappelle que ce texte avait reçu le soutien de 472 parlementaires, dont un bon nombre de nos collègues de la majorité.

Madame la ministre, le Gouvernement va-t-il lancer un signal fort, en entamant une véritable concertation pour une rédaction vraiment nouvelle des annexes VIII et X relatives au statut des intermittents et mettre en place le système pérenne et équitable dont la création et le spectacle vivant ont besoin ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre. Comme je le disais tout à l'heure à Mme Morin-Desailly, le problème de l'intermittence est réel. Néanmoins, nous sommes sortis de la situation de grande crise de 2003, ce qui, selon moi, n'est pas le fruit du hasard.

Je me suis bien évidemment rendue dans les différents festivals, en particulier en Avignon. Au prix des très longues négociations qui ont été menées, des accords ont pu être trouvés, bien que tous les partenaires sociaux ne les aient pas signés. Tous sont cependant présents lors des discussions relatives au volet social du fonds de professionnalisation et aux différentes conventions collectives.

Bien sûr, tout n'est pas réglé ! Le système, qui coûtait à peu près un milliard d'euros en 2003, comptait alors 500 000 bénéficiaires. Actuellement, il coûte 1,2 milliard d'euros pour 98 000 bénéficiaires ! Il s'agit d'un dispositif unique en Europe, qui permet, c'est vrai, à de très nombreux artistes et techniciens - la problématique des uns et des autres est cependant un peu différente - d'exercer leur passion.

Monsieur Renar, la question des sous-déclarations que vous avez évoquée semble éternelle, et ce problème était particulièrement important auparavant, la fraude étant alors massive. Au demeurant, les contrôles de plus en plus fréquents qui sont actuellement menés permettent d'ores et déjà d'assainir la situation.

Les services du ministère de la culture travaillent avec ceux du ministère chargé du travail et du ministère chargé de l'emploi, même si, effectivement, comme le laissait entendre M. le président de la commission de finances, ce sujet relève de la compétence de ces deux ministères. Néanmoins, nous avons une responsabilité morale dans ce domaine. Des rendez-vous ont été pris pour la rentrée. Le travail doit se poursuivre, pour dresser un état des lieux et, je le répète, améliorer certains points qui préoccupent les artistes que j'ai pu rencontrer.

Avant de me rendre dans les différents festivals, j'ai reçu l'ensemble des organisations syndicales, pour faire le point. En 2008, il faudra renégocier le régime général d'assurance chômage, notamment les annexes VIII et X, avec le souci de préserver un système qui a ses imperfections, mais aussi ses points forts. Si tout le monde ne peut pas être artiste - c'est l'énorme augmentation du nombre d'artistes en l'espace de dix ans qui a fait exploser le système -, il nous faut cependant garantir le respect des droits des créateurs ; j'y serai très attentive.

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, même si je reste un peu sur ma faim. Sans doute la patate est-elle encore un peu chaude ! (Sourires.) Comme nous sommes des gens simples, nous nous contenterons de ce qu'il y a de meilleur ! Soyez bien persuadée qu'il ne s'agit pas d'une simple agitation de notre part. En effet, la question des intermittents, c'est celle du spectacle vivant et, plus largement, de son avenir.

On sait comment, dans l'histoire, toute la législation et la réglementation françaises ont permis la sauvegarde de l'industrie du cinéma français, contrairement à ce qui se passe en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Italie, et ce grâce à des systèmes d'aides et d'avances sur recette.

Cela ne doit pas pour autant nous amener à négliger la précarisation des travailleurs du spectacle dans le paysage de la création en France. Il s'agit d'une question fondamentale pour l'avenir culturel de notre pays.

Comme le disait Che Guevara, « la meilleure façon de dire, c'est de faire » ! Je ne peux donc que vous encourager, madame la ministre, à avancer dans le sens d'une solution du problème. Nous serons à vos côtés dans tous les efforts positifs que vous pourrez faire en ce sens.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.

M. Jean-Marc Todeschini. Madame la ministre, le projet de loi de règlement du budget de l'année 2006 dont nous sommes amenés à débattre ce soir tend à annuler encore quelque 51 millions d'euros destinés au financement du patrimoine, dont 11,5 millions d'euros pour la seule action n° 1 « Patrimoine monumental et archéologique ».

La situation est pourtant dramatique dans ce secteur depuis six exercices budgétaires : l'enveloppe destinée au patrimoine monumental et à l'archéologie, hors dépenses en personnel, a baissé de plus de moitié durant cette période, puisqu'elle était de 538 millions d'euros en 2002, et seulement de 249 millions d'euros pour 2007.

En retirant encore quelques millions d'euros au patrimoine monumental, vous allez encore aggraver une situation qui est déjà ingérable.

Je rappellerai quelques faits significatifs illustrant la grande misère du patrimoine français.

Compte tenu du décalage qui existe entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement effectivement versés, les directions régionales des affaires culturelles n'ont aucune visibilité quant au montant réel de leur enveloppe annuelle, d'autant que ces crédits de paiement sont revus ensuite à la baisse par les lois de finances rectificatives, ce que dénonçait d'ailleurs l'an dernier notre collègue Philippe Richert dans son rapport.

Ainsi, à mi-année, ayant souvent dépensé la totalité de leur enveloppe annuelle - au total 195 millions d'euros pour l'année 2006 -, une large majorité des DRAC se retrouvent en cessation de paiement. Il leur faudrait disposer du double de ce montant pour qu'elles puissent mener à bien leurs missions.

Pour corroborer mon propos, je rappellerai l'analyse effectuée par le Groupement français des entreprises de restauration de monuments historiques, le GMH, qui a dénombré, pour 2006, quelque 300 chantiers arrêtés dès le mois de juillet faute de moyens, soit près d'un tiers du millier de chantiers annuellement engagés. Ce chiffre n'était « que » de 240 en juillet 2005, un an auparavant. Cela signifie concrètement la suppression de quelque 700 emplois. Certaines des 600 entreprises du secteur ont dû mettre la clef sous la porte. L'effectif des apprentis a décru de 55 % dans ces mêmes entreprises.

À court terme, on s'achemine vers une disparition de compétences et de savoir-faire très pointus qui sont nécessaires dans ces secteurs garants du patrimoine historique et culturel de tous les Français.

Selon les estimations du même GMH, il faudrait un budget annuel de plus de 400 millions d'euros en crédits de paiement et en autorisations d'engagement pour permettre la restauration et l'entretien des monuments historiques. Or, ce soir, nous votons l'engagement de 284 millions d'euros de crédits à destination non seulement de ce secteur, mais encore de celui de l'archéologie, également très déficitaire. Le compte n'y est pas !

En 2006, le gouvernement précédent avait promis une rallonge - insuffisante - de 100 millions d'euros, hypothétiquement dégagés sur le produit de privatisations. Seuls 40 millions d'euros auraient été versés pour l'entretien des monuments historiques et la quasi-intégralité de cette enveloppe aurait été absorbée par la rénovation du Grand Palais et de Versailles. Deux autres « rallonges » auraient, paraît-il, été versées : 5,7 millions d'euros en février 2006 et 12 millions d'euros en mars 2006. On reste loin des 100 millions d'euros annoncés...

En effet, sur ces 100 millions d'euros, on sait que 40 millions ont été « détournés » pour combler partiellement le déficit budgétaire récurrent de l'Institut national de recherches archéologiques préventives, l'INRAP.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Marc Todeschini. Je rappelle que ce déficit est dû à la mauvaise estimation du rendement de la redevance versée par les aménageurs, redevance dont le mode de calcul a pourtant fait l'objet de pas moins de trois réformes législatives entre 2002 et 2007.

La situation de l'INRAP et de l'archéologie préventive en général est tout aussi alarmante que celle du patrimoine, laquelle n'a jamais été aussi précaire, d'autant plus que les deux tiers des crédits budgétaires sont absorbés par les édifices classés, qui ne représentent qu'un tiers des monuments historiques.

Madame la ministre, il est souhaitable que la politique de bricolage budgétaire dont est victime, depuis maintenant plus de cinq ans, le secteur du patrimoine monumental cesse au plus vite. Il y va de la préservation de pans entiers de la culture séculaire de notre pays, en train de tomber irrémédiablement en ruine malgré une valeur historique et artistique pourtant inestimable, et irremplaçable.

Pouvez-vous donc, madame la ministre, vous engager solennellement, ce soir, à présenter au plus vite un plan de financement en faveur du patrimoine français, au moyen, par exemple, d'une loi de programmation pluriannuelle, afin que l'ensemble des monuments historiques puissent bénéficier des crédits nécessaires à leur entretien ? Il s'agit de la seule solution raisonnable pour ce secteur. À défaut, je crains que, dans dix ans, nous ne discutions encore vainement de l'annulation de crédits non consommés, alors que certains édifices auront été rayés de la carte de France !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre. Monsieur le sénateur, vous avez dressé un tableau très inquiétant de la situation du patrimoine français et de la politique qui a été menée en sa faveur.

MM. les rapporteurs et moi-même avons, dans nos interventions respectives, reconnu que le patrimoine a connu une crise profonde ces dernières années - surtout à partir de 2003 - en raison de l'annulation systématique de certains crédits de paiement. C'est précisément pour apporter d'indispensables compléments budgétaires qu'ont été prises un certain nombre de mesures. Je pense bien sûr à l'affectation de certaines recettes de privatisations à l'EMOC et à l'affectation d'une partie de la taxe sur les droits de mutation à titre onéreux, cette dernière mesure étant particulièrement intéressante.

En fin de compte, les crédits consommés n'ont pas tellement baissé. Leur moyenne annuelle s'est établie ces dernières années entre 300 et 320 millions d'euros. Les chiffres que vous avez évoqués sont ceux des crédits inscrits en loi de finances initiale et non ceux des crédits réellement ouverts et consommés.

Il est fort logique que les crédits transitant par l'EMOC aient été essentiellement affectés en 2006 aux grandes opérations menées en région parisienne - mais pas uniquement puisque le Fort Saint-Jean, par exemple, a lui aussi été bénéficiaire de crédits - dans la mesure où ce sont des opérations dont la maîtrise d'ouvrage lui avait été confiée par le ministère. Ainsi, l'établissement public du musée et du domaine national de Versailles a en effet bénéficié de 10 millions d'euros.

Ce rappel étant fait, il nous faut maintenant lutter pour obtenir des moyens suffisants. Surtout, il importe que ces moyens soient stables et constants parce que, comme vous l'avez dit, beaucoup d'emplois en dépendent : la France compte actuellement 500 chantiers et environ 1 000 entreprises de métiers d'art. Il est important de préserver ces nombreux emplois et ce savoir-faire. Il faut surtout les préserver des à-coups. En effet, il n'y a rien de pire que ces chantiers qui, à peine ouverts, ferment et dont les échafaudages subsistent parfois en dépit de toute activité. Tout le monde souffre de cette situation.

À cet égard, je me réjouis que le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, se soit engagé très précisément à garantir la stabilité et la continuité des crédits affectés au patrimoine. C'est là un aspect extrêmement important d'une politique de patrimoine réussie.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.

M. Jean-Marc Todeschini. La question de la préservation du patrimoine avait été évoquée précédemment par d'autres collègues. En l'espèce, le président Richert n'a pas été moins catastrophiste que moi, madame la ministre !

Madame la ministre, je prends acte de votre volonté de dégager des crédits : nous serons à vos côtés si tel est bien le cas. Vous avez cité la déclaration de politique générale du Premier ministre. En effet, les monuments historiques sont importants pour l'activité touristique de nos départements et de nos régions. Les cathédrales ne peuvent pas défiler pour se plaindre, mais le secteur a besoin d'importants crédits.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Dans le programme « Création » de la mission « Culture », une action du ministère vise à soutenir les industries culturelles avec l'objectif de favoriser la diversité des offres.

L'année 2006 a également vu l'adoption, puis la promulgation, le 1er août, de la loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information, dite « loi DADVSI ».

Cette loi sur le droit d'auteur et la rémunération des auteurs et des artistes interprètes à l'ère numérique, dont le vote a eu lieu dans un climat passionné, a été au coeur d'un débat plus large sur les nouveaux modes de consommation culturelle, la concentration des industries culturelles et la rémunération des créateurs.

Elle a également posé la question de la préservation de la diversité en matière d'offre culturelle, dans le domaine du disque et du livre principalement.

Je rappellerai la crise que vit l'industrie du disque depuis plusieurs années maintenant.

Ainsi, entre 2002 et 2006, le marché de la musique a perdu près de 36 % en valeur - 14,5 % pour la seule année 2006 -, entraînant la suppression de milliers d'emplois. Les ventes légales en ligne ne compensent pas les baisses de vente de CD matérialisés. Du fait d'une absence d'anticipation des majors sur ce nouveau modèle de consommation de la musique, les plateformes légales, malgré leur amélioration, sont encore insuffisamment attrayantes, à la fois en termes d'offres et de prix.

Dans le rapport annuel de performance, il est indiqué que le ministère oeuvre pour le développement des offres légales de distribution dématérialisée de la musique grâce à un programme spécifique du Fonds pour la création musicale, le FCM. Madame la ministre, pouvez-vous nous en dire davantage sur ce dispositif ?

Les professionnels du secteur ont préconisé plusieurs mesures de soutien à la filière musicale : l'extension du crédit d'impôt voté en 2006 ; l'adaptation du mécanisme des sociétés de financement du cinéma et de l'audiovisuel, les SOFICA, à l'industrie phonographique ; un moratoire pour l'application de la TVA à 19,6 % sur la musique dématérialisée, pour ne citer que les principales.

Madame la ministre, êtes-vous favorable à ce type de mesures ?

Plus globalement, quel bilan tirez-vous de la loi DADVSI après un an d'application ? Pensez-vous que cette loi, qui n'empêche pas hélas ! le téléchargement illégal, doive être revue et corrigée ? Quelles mesures envisagez-vous pour maintenir la diversité musicale au-delà des dispositifs d'aide aux nouveaux talents qui existent déjà ?

Le ministère développe également plusieurs actions pour soutenir les commerces culturels de proximité, qu'il s'agisse des disquaires ou des librairies indépendantes, notamment par la reconduction en 2006 pour trois ans du FISAC. Nous savons tous, en tant qu'élus locaux, le rôle essentiel que jouent ces canaux de distribution indépendants en matière de soutien et de diffusion de la diversité culturelle.

S'agissant du secteur du livre, un certain nombre d'aides, notamment celles du Centre national du livre, existent déjà en faveur des librairies indépendantes. Au début de 2007, le Gouvernement a mis à l'étude des mesures juridiques et fiscales nouvelles pour faire face aux difficultés grandissantes que connaissent ces commerces culturels de proximité, confrontés à la concentration du marché et aux bouleversements liés au numérique. L'idée d'un label spécifique pour les librairies indépendantes a d'ailleurs été avancée. Il donnerait droit à des avantages, essentiellement des conditions fiscales incitatives, mais aussi offrirait la possibilité d'être aidé par les collectivités locales à l'image des cinémas « Art et essai ».

Madame la ministre, pouvez-vous nous dire où en est cette réflexion et si nous verrons ces mesures se concrétiser dans les crédits de la mission « Culture » pour 2008 ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre. Madame la sénatrice, vous avez fort justement rappelé que certaines filières sont touchées aujourd'hui par les pratiques illégales de téléchargement. Il en va ainsi de la musique, puisque l'on constate une diminution de 40 % environ du chiffre d'affaires du disque. C'est considérable, même si la chanson française est relativement moins affectée.

Il faut maintenant appliquer la loi DADVSI, dont je ne saurais trop souligner l'importance.

À cet effet, précisément pour adresser des signaux, je m'apprête à lancer une action conjointe avec les ministres de l'intérieur et de la justice, en particulier pour réprimer les téléchargements massifs ainsi que les piratages de grande ampleur consistant à « casser » les systèmes de protection.

En outre, il faut que se rencontrent, dans le cadre d'une démarche contractuelle, tous les partenaires, tant les professionnels concernés que les représentants des internautes, d'une part, pour accroître l'offre légale, d'autre part, pour la rendre attractive. Plus de un million de titres sont aujourd'hui disponibles. Mais cette offre demeure assez chère : un album coûte aujourd'hui 9 euros en France, et 9 dollars aux États-Unis. C'est encore beaucoup.

Parallèlement, les fournisseurs d'accès à Internet doivent de leur côté accepter de s'engager dans une démarche de pédagogie par la sensibilisation des internautes à la fraude et par la mise en place d'alertes. Un groupe de travail sera installé dès la fin de l'été pour accompagner ce mouvement. Il devra faire des propositions et apprécier la pertinence d'éventuels ajustements.

Voilà les premières mesures de soutien à cette filière en grande difficulté.

Dans un second temps, il faut agir sur les revenus des producteurs et des artistes interprètes. Ceux-ci bénéficient, d'une part, des mécanismes dits de la « licence légale », qui donne lieu à une rémunération pour copie privée acquittée par les fabricants de supports, d'autre part, cette fois des diffuseurs de musique - en particulier les radios -, d'une rémunération dite « rémunération équitable ». Celle-ci est actuellement en cours d'actualisation.

En outre, il faut étudier les mesures fiscales susceptibles de soutenir l'emploi dans les entreprises de production. Vous avez évoqué l'extension du crédit d'impôt. Cette idée est fort intéressante. Les conditions d'éligibilité pourraient être assouplies et le plafond relevé. La dépense fiscale résultant de ce crédit d'impôt aura été, en 2006, de 3 millions d'euros, bien inférieure aux prévisions.

D'autres mesures peuvent également être envisagées, par exemple l'extension du mécanisme des SOFICA.

Enfin, il faut trouver une solution pour accroître les moyens alloués au fonds d'avances aux industries musicales, qui est réservé aux entreprises indépendantes.

J'en viens au livre et à la librairie. Vous avez vous-même évoqué le rôle très important que joue le FISAC pour sauver tous ces commerces de proximité que constituent les librairies, de vrais lieux de convivialité et de vrais relais culturels. Ainsi, près de 92 commerces ont été soutenus entre 2003 et 2006, dont 26 librairies qui ont fait l'objet d'une création.

Mon intention est d'agir davantage encore en faveur du livre, parce que j'y suis attachée. Un rapport d'audit a été rédigé sur cette question. Nous disposons également de l'excellent rapport de Sophie Barluet, malheureusement décédée la semaine dernière et dont cet ouvrage constituera l'oeuvre ultime. Ce rapport intitulé Livre 2010 contient au moins une cinquantaine de propositions tout à fait innovantes sur les défis de la numérisation, sur la nécessité d'élaborer un portail des librairies, sur l'opportunité d'avoir un réseau des librairies indépendantes. Nous allons étudier ces suggestions pour établir un « plan livre ». Cela en vaut la peine.

Telles sont les grandes directions que nous entendons suivre pour notre action.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Je tiens simplement à remercier Mme la ministre de ces précisions.

M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je souhaiterais vous interroger, madame la ministre, sur deux aspects de l'action internationale de votre ministère.

Le premier concerne les orientations qu'il a prises dans le cadre de la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, la France s'étant engagée à verser 1 % de sa contribution au budget ordinaire de l'UNESCO en 2008, soit 150 000 euros. Un document a été finalisé en avril dernier au format interministériel.

Madame la ministre, j'aimerais connaître les orientations et actions que votre ministère compte proposer dans le cadre du programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » du projet de loi de finances pour 2008 en préparation. J'aimerais en particulier connaître vos engagements relatifs à la création de la bibliothèque numérique européenne, initiative emblématique qui s'inscrit au coeur d'une politique de diversité culturelle marquée par le pluralisme, le multilinguisme et l'égalité d'accès au savoir.

Au sein du programme 224, l'action n° 6 « Action culturelle internationale » visant à la diffusion de la culture française et à la promotion de la diversité culturelle, a été dotée, en cette année de référence, de quelque 20 millions d'euros en crédits de paiement et en autorisations d'engagement, soit l'enveloppe la plus réduite du programme. Ces crédits doivent financer les aides versées à des structures chargées de la promotion et de la diffusion de la culture française dans le monde.

C'est le cas de CulturesFrance, née de la fusion entre l'Association française d'action artistique, l'AFAA, et l'Association pour la diffusion de la pensée française, l'ADPF, opérateur commun de votre ministère et de celui des affaires étrangères pour les échanges culturels internationaux et institution à laquelle les représentants des Français de l'étranger sont très attachés.

Or, dans un rapport d'information publié le 8 novembre 2006 au nom de la commission des finances du Sénat, MM. les rapporteurs spéciaux relèvent que le ministère de la culture, dont la contribution actuelle ne dépasse pas au total 20 %, devrait jouer un rôle plus important au sein de CulturesFrance.

Votre ministère dispose en effet de moyens d'expertise efficaces dans le domaine culturel. Envisagez-vous, madame la ministre, de l'impliquer davantage au sein de CulturesFrance en augmentant, par exemple, votre contribution à son budget ?

Le budget prévisionnel de CulturesFrance est en déséquilibre, conséquence des sacrifices importants qui lui ont été demandés l'an dernier : une diminution de 1 million d'euros de ses crédits, une réduction significative de sa masse salariale et de ses dépenses de fonctionnement, enfin, l'annulation de plusieurs projets envisagés.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre. Madame la sénatrice, vous avez en effet rappelé la convention de l'UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, qui a été adoptée en 2005 et est maintenant entrée en vigueur. Elle représente un grand succès diplomatique pour la France, qui peut être fière d'avoir été une tête de pont. Le ministère de la culture sera l'organisateur intergouvernemental des actions menées en faveur de la diversité culturelle.

Dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne que nous allons exercer en 2008, l'année même du dialogue interculturel, de nombreuses actions seront conduites. Des précisions seront données lors de la prochaine réunion du comité qui aura lieu en décembre, à Ottawa. Il pourra s'agir d'expositions ou de manifestations, toujours avec le souci d'impliquer au maximum les jeunes.

Nous mobiliserons évidemment la Cité nationale de l'histoire de l'immigration, lieu extrêmement emblématique de la diversité culturelle, et nous l'intégrerons le plus possible dans nos politiques, particulièrement dans les contrats d'objectifs et de moyens. Ainsi, avec les grands établissements et dans nos relations internationales, cette notion de diversité culturelle sera très présente.

J'ai récemment rencontré le commissaire européen chargé de la culture, M. Figel, et le commissaire européen au multilinguisme, M. Orban, et nous avons décidé de travailler ensemble sur tous les enjeux du multilinguisme, si important pour la diversité culturelle et la rencontre des cultures. Il porte par exemple toutes les problématiques liées à la traduction, qui sont essentielles si l'on veut que les oeuvres, les artistes et le spectacle vivant circulent. Donc, la France sera très présente sur ce terrain.

Notre rôle concernant CulturesFrance n'est pas très important puisqu'il relève du ministère des affaires étrangères, mais nous avons participé à la signature du contrat d'objectifs et de moyens. L'institution CulturesFrance et le ministère de la culture ont donc été associés.

Vous savez également que notre action internationale est portée par de nombreux opérateurs. De toute façon, nous sommes très favorables à la transformation de CulturesFrance en un établissement public - au lieu du statut associatif qu'il a maintenant -, qui lui permettra d'articuler de vraies politiques avec le ministère des affaires étrangères et le ministère de la culture.

Dans l'immédiat, nous souhaitons développer nos partenariats avec CulturesFrance, via une coopération décentralisée, précisément avec les DRAC. Nous souhaitons partager avec le ministère des affaires étrangères le coût des saisons étrangères, notamment la future saison européenne, qui aura lieu au moment de la présidence française. Nous souhaitons aussi aider CulturesFrance à développer des résidences d'artistes français à l'étranger, ce qui est assez important pour la promotion de nos artistes.

Donc, madame le sénateur, nous avons bien l'intention de nous impliquer totalement dans le devenir de CulturesFrance, particulièrement quand il sera devenu un établissement public, ce que nous souhaitons.

Le projet de bibliothèque numérique européenne est lancé. Les conditions de son financement ont été mises en place avec la réforme de l'assiette de la redevance sur les appareils de reprographie perçue par le Centre national du livre. Grâce à ces ressources, plusieurs programmes ont d'ores et déjà été engagés : la numérisation en mode texte de la bibliothèque numérique Gallica, la réalisation d'un prototype expérimental qui a été présenté lors de l'édition 2007 du Salon du livre, le développement d'infrastructures techniques du projet et la mise en place d'un premier marché de numérisation de masse, qui concerne 30 000 documents en 2007.

Par ailleurs, des discussions très intéressantes ont lieu entre la Bibliothèque nationale de France, la BNF, et les grands éditeurs pour tous les documents qui sont sous droits et dont on sait qu'ils représentent aussi un enjeu essentiel de la réussite du projet. Je peux donc dire, madame le sénateur, que c'est un projet qui avance.

M. le président. La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Madame la ministre, depuis maintenant plus de quatre ans, le protocole d'accord du 26 juin 2003 relatif à l'assurance chômage des artistes et techniciens du spectacle, du cinéma et de l'audiovisuel, autrement dit des intermittents, est contesté par l'immense majorité des intéressés.

L'exclusion de plusieurs milliers de professionnels du spectacle du système d'indemnisation instauré par les annexes VIII et X à la convention générale de l'assurance chômage qu'avait engendrée l'application de ce protocole avait obligé le gouvernement Raffarin à mettre en place, au 1er avril 2004, un fonds spécifique provisoire en compensant les effets ; ce fonds était financé par des crédits budgétaires.

Reconduit au 1er janvier 2005, le fonds, devenu transitoire, géré par les ASSEDIC par délégation de l'État, n'a été remplacé par un dispositif pérenne dit « de professionnalisation et de solidarité » que depuis avril dernier. Le coût budgétaire de ce fonds est significatif, puisque les sommes versées au titre des allocations dues aux bénéficiaires sont passées de 4,6 millions d'euros en 2004 à 73,7 millions d'euros en 2005. Et les dépenses engagées à la fin du premier semestre de l'année 2006 s'inscrivaient sur une tendance annuelle de 150 millions d'euros.

Vous pourrez me dire, madame la ministre, que les charges de ce fonds sont imputées au budget du ministère de l'emploi. Pourtant, dans son dernier rapport public annuel, la Cour des comptes observe que le pilotage du fonds a été conduit de facto par le ministère de la culture et de la communication, en particulier par le cabinet de votre prédécesseur.

Ces éléments étant rappelés, pouvez-vous, d'une part, nous préciser, madame la ministre, la somme réelle des dépenses du fonds transitoire au titre de l'année 2006 et leur montant prévisionnel pour l'année 2007 ?

D'autre part, ne serait-il pas opportun, conformément à la lettre et à l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances, de rattacher dès 2008 aux crédits du programme « Création » les dépenses du fonds de professionnalisation et de solidarité, ce qui justifierait en droit, et non plus seulement en fait, le pilotage de ce dispositif sous la seule responsabilité du directeur de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles ?

Enfin, au-delà des questions strictement budgétaires, depuis la grave crise des intermittents de l'été 2003, la majorité a navigué à vue en restant campée sur sa volonté de réguler « comptablement » les dépenses de l'assurance chômage des professions du spectacle, du cinéma et de l'audiovisuel.

Pour sortir de ce climat social délétère, nuisant à la création et à la diffusion du spectacle vivant dans notre pays, le groupe socialiste avait déposé, le 1er mars 2005, une proposition de loi visant à pérenniser les principes sur lesquels repose l'assurance chômage des artistes et des techniciens, dans le cadre de la solidarité interprofessionnelle, au sein de l'UNEDIC.

Comme les initiatives de nos collègues communistes et centristes, qui allaient dans le même sens, cette proposition a été rejetée par votre prédécesseur, et par la majorité toujours en place.

Alors, madame la ministre, comptez-vous enfin mettre un terme à l'état de crise perpétuelle qui agite le monde du spectacle et de la culture depuis les malheureuses décisions de vos prédécesseurs ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre. Monsieur le sénateur, il m'est évidemment difficile de répondre autre chose que ce que j'ai dit tout à l'heure à Mme Morin-Desailly et à M. Renar. Je vous redirai donc que la crise a éclaté, nous le savons tous, parce que le nombre des intermittents a été multiplié par trois au cours de la décennie 1990-2000.

Évidemment, c'était une charge absolument considérable qui pesait d'ailleurs de façon anormale sur la solidarité interprofessionnelle. En 2006, l'État a versé 170 millions d'euros et le chiffre attendu pour 2007 est de 230 millions d'euros. On ne peut vraiment pas dire que l'État se dérobe à ses responsabilités !

Par ailleurs, la situation n'est pas la même qu'en 2003, elle est tout de même plus apaisée. Mais, vous avez raison, les problèmes ne sont pas résolus et, comme je vous le disais, rendez-vous est pris à la rentrée avec le ministre du travail et les partenaires sociaux pour apporter des améliorations au dispositif là où il peut être amélioré.

Je souhaite que nous pérennisions ce régime spécifique dont je redis qu'il est très exceptionnel en Europe, puisqu'il permet à de nombreux artistes et techniciens de vivre leur vocation.

Il me paraît très important, au-delà d'une loi, que nous restions dans le cadre du dialogue social entre partenaires sociaux, même s'il est bien évident que l'État doit assumer ses responsabilités et ne pas tout laisser à leur charge.

M. le président. La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Je prends acte des propos de Mme la ministre, mais elle n'a pas véritablement répondu à l'une de mes questions. Je la repose donc, dans l'espoir d'obtenir un jour la réponse. Madame la ministre, ne pourrait-on suivre l'idée de faire gérer les crédits, en droit en non plus seulement en fait, directement par votre ministère, afin que l'on puisse savoir que c'est là, au sein du programme « Création », que les choses sont pilotées, et de façon officielle ?

M. le président. La parole est à M. Ambroise Dupont.

M. Ambroise Dupont. Madame la ministre, ma question a trait à la programmation et à la gestion des crédits de votre ministère.

Je ne reviendrai pas sur la crise, sujet qui a été très largement développé, avec talent et compétence, par notre collègue Philippe Richert, président de la mission d'information sur les crédits du patrimoine.

En revanche, je souhaite obtenir quelques éclaircissements sur les conséquences de cette situation et avoir communication de deux ratios, s'ils sont disponibles : celui de la répartition des ressources entre Paris et la province, ainsi que le ratio de la répartition entre les monuments de l'État et ceux des autres propriétaires.

Si de tels ratios existent, ne pourraient-ils servir d'indicateurs ?

Je m'explique : les recettes exceptionnelles tirées des privatisations, qui n'ont d'ailleurs profité qu'en partie aux monuments historiques, ont été exclusivement affectées à de grandes opérations, principalement situées en région parisienne, à savoir le Grand Palais, le Palais de Chaillot, Versailles. Ces ressources d'appoint ont-elles permis, en contrepartie, de redistribuer les crédits budgétaires ainsi rendus disponibles vers les services décentralisés au profit d'opérations dans les autres régions ?

J'ai noté que les mesures adoptées en septembre 2006 ont permis d'affecter 20 millions d'euros supplémentaires à la restauration de monuments historiques. Dans quelle proportion cette bouffée d'air a-t-elle bénéficié aux opérations en régions ?

D'une façon générale, pouvez-vous nous indiquer dans quel sens et dans quelle proportion la pénurie financière a affecté la répartition entre Paris et la province des crédits consacrés par votre ministère à la restauration des monuments historiques ?

Par ailleurs, le document budgétaire indique que les services ont fait jouer dans une proportion importante la fongibilité des crédits. En effet, selon le rapport annuel de performance, le « rouge », une quarantaine de millions d'euros inscrits initialement au titre VI pour subventionner des opérations conduites par des propriétaires privés ou publics autres que l'État sont finalement venus abonder les crédits d'investissement du titre V.

Quelles sont les raisons qui ont conduit à privilégier les opérations dont la maîtrise d'ouvrage est assurée par l'État au détriment de celles dont la maîtrise d'ouvrage est confiée au propriétaire du bâtiment ?

Ces transferts de crédits entre titres ont-ils eu des conséquences sur la répartition des efforts financiers de l'État entre les monuments qui lui appartiennent et ceux qui appartiennent à d'autres propriétaires, collectivités ou personnes privées ?

Tels sont les points sur lesquels je souhaiterais, madame la ministre, obtenir des précisions, car il est important pour nous de savoir si la sortie de crise, que nous espérons en 2007, se fera aussi rapidement et amplement pour les monuments des collectivités et des personnes privées que pour ceux de l'État, et si la reprise se fera au même rythme dans la région parisienne que dans les autres régions.

Je me permets d'insister sur ce point, car les départements qui accompagnent les politiques de l'État, et au rythme qui leur est imposé par l'État, doivent savoir dans quelle mesure et avec quels crédits ils seront amenés à le faire, étant rappelé que les difficultés de programmation actuelles sont un souci pour les collectivités locales, dont les budgets sont déjà contraints.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre. Monsieur le sénateur, la loi de finances initiale pour 2006 a prévu d'affecter 231 millions d'euros de crédits et de fonds de concours aux opérations de restauration et d'entretien des monuments historiques, dont 199 millions d'euros destinés aux opérations en régions, soit 86 % du montant total.

Puis, vous l'avez rappelé, la dotation en capital issue des privatisations a permis d'attribuer 47,7 millions d'euros à la réalisation de grands projets concernant des monuments historiques en région parisienne, notamment à Versailles.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Surtout en région parisienne !

Mme Christine Albanel, ministre. En effet, monsieur le rapporteur général, puisque ces opérations étaient gérées par l'établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels, l'EMOC.

C'est cette dotation consacrée majoritairement à la région parisienne qui a permis, dans une situation budgétaire difficile, d'affecter, par fongibilité, 20 millions d'euros supplémentaires, que vous avez qualifiés à juste titre de « bouffée d'air », aux opérations en régions. Bénéficiant également d'une affectation de 9,5 millions d'euros à la suite du dégel de crédits, les régions se voient attribuer au total 30 millions d'euros au titre de la restauration des monuments historiques.

S'agissant des incertitudes que vous avez évoquées, liées à la répartition des crédits inscrits aux titres V et VI, je rappelle que, lors du passage en mode LOLF, tous les crédits concernant les monuments historiques n'appartenant pas à l'État ont été affectés au titre VI et ceux concernant les monuments appartenant à l'État, au titre V. Ensuite, pour des raisons purement techniques, il a été décidé d'affecter également au titre V les crédits visant les monuments historiques n'appartenant pas à l'État, mais dont ce dernier assure la maîtrise d'ouvrage.

Le gonflement considérable du titre V résulte donc non pas d'une décision politique en faveur des monuments appartenant à l'État, mais de la nécessité d'aller dans le sens de l'ordonnance de 2005 prévoyant la restitution de la maîtrise d'ouvrage aux propriétaires tiers une fois les travaux achevés.

Ainsi s'explique la hausse de consommation des crédits du titre V, avec un niveau d'exécution supérieur aux prévisions, puisque 144 millions d'euros ont été dépensés, contre 88 millions d'euros prévus.

Toutefois, au total, les collectivités locales ont clairement bénéficié de ce mouvement en 2006, puisque 164 millions d'euros ont été consacrés à l'entretien et à la restauration de monuments n'appartenant pas à l'État, soit 70 % des crédits votés en loi de finances initiale pour 2006 et plus de la moitié des crédits consommés, y compris les ressources extrabudgétaires affectées aux monuments historiques. Le total s'élève à 301 millions d'euros en 2006.

Tels sont, monsieur le sénateur, les données chiffrées que je suis en mesure de vous indiquer.

M. le président. La parole est à M. Ambroise Dupont.

M. Ambroise Dupont. Je vous remercie de vos réponses, madame la ministre.

J'insisterai tout de même sur le fait que les départements ont besoin de savoir à quel rythme et à quels monuments s'appliqueront les crédits de l'État, car les implications sur leur budget sont évidemment bien différentes de celles qui peuvent en résulter sur le budget de l'État.

Vous avez évoqué, à juste titre, les échafaudages permanents. Au risque de me montrer « départementaliste », permettez-moi de citer un exemple précis dans mon département, le Calvados, où un échafaudage dressé sur un monument attend depuis sept ans le début du chantier ; les premiers crédits devraient arriver, en principe, en 2007. Quand je vous aurai révélé le nom du monument en question, madame la ministre, vous comprendrez l'urgence de la chose : il s'agit du tribunal de grande instance de Lisieux ! (Sourires.)

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut réétudier la carte judiciaire ! (Nouveaux sourires.)

M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia.

M. Robert del Picchia. Madame la ministre, en tant que sénateur représentant les Français établis hors de France, je souhaite soulever un sujet qui intéresse l'étranger et que notre rapporteur général, Philippe Marini, a déjà évoqué : il s'agit du musée d'Abou Dhabi.

Il importe de souligner le caractère inédit de ce musée universel. Nous connaissons tous la Villa Médicis, à Rome, la Casa de Velázquez, à Madrid. Ces derniers représentent un coût pour nous, à la différence du musée universel, qui se situe, en outre, dans une région du monde où la France n'est pas très présente dans ce domaine.

Faire connaître notre culture au Moyen-Orient est un enjeu à la hauteur des ambitions culturelles de notre pays, et nos élus de la région à l'Assemblée des Français de l'étranger ne peuvent que se réjouir, avec moi, de ce projet.

L'originalité de ce dernier réside donc dans la coopération entre les musées français et les partenaires des Émirats. Plus qu'original, c'est un projet unique, il faut le dire.

Madame la ministre, il semble qu'une agence soit sur le point d'être créée. Pouvez-vous nous expliquer son fonctionnement, ce que vous en attendez et votre conception des missions des équipes scientifiques qui l'accompagnent ? Nous serions également intéressés par un état des lieux de la coopération avec les autorités d'Abou Dhabi.

Si j'ai bien compris, en contrepartie de nos prestations pour concevoir et réaliser ce musée, le Louvre récupérerait la somme, considérable, de 400 millions d'euros et les autres musées recevraient près de 200 millions d'euros chacun, pour participer aux prêts de longue durée ou aux expositions temporaires.

Où en est ce projet, madame la ministre ? Que s'est-il passé depuis la signature de l'accord avec les Émirats ?

Mes chers collègues, la France doit être fière de ce projet, qui démontre l'ouverture de notre pays au dialogue entre les cultures, exercice difficile à notre époque, suscitant parfois même une certaine appréhension.

Dans ce contexte, permettez-moi de citer Paul Andreu, l'architecte français du Grand Théâtre national de Chine : « La seule manière de protéger sa culture, c'est d'accepter de la mettre en danger. ».

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre. Vous avez tout à fait raison, monsieur le sénateur, de souligner le grand intérêt de ce projet, tout à fait exemplaire à bien des égards.

Après son ralentissement au cours de la période électorale, j'ai souhaité, dès mon arrivée au ministère, le recentrer sur ses missions. L'agence commencera par porter le projet d'Abou Dhabi et se consacrera ensuite, le cas échéant, à d'autres projets internationaux, sachant que nos grands établissements et musées ont vocation à poursuivre leurs politiques bilatérales actuelles.

Nous voulons entraîner une implication plus forte de tous les partenaires de ce projet et inciter tous les musées déjà parties prenantes dans cette aventure à s'engager plus activement encore.

L'agence a été créée. Dès le lendemain de l'assemblée générale, le 11 juillet, une délégation assez diverse comprenant des représentants de l'État, de l'agence et des musées s'est rendue à Abou Dhabi pour renforcer les relations avec les Émiriens. Elle a été très bien perçue, me semble-t-il.

Le projet est extrêmement intéressant, tout d'abord sur le plan financier. Il rapportera 400 millions d'euros au Louvre pour son nom -150 millions d'euros ont déjà été versés -, 190 millions d'euros aux musées participant à des prêts à long terme dans des galeries permanentes, 195 millions d'euros à ceux qui prêteront des oeuvres pour des expositions temporaires et, enfin, 165 millions d'euros à l'agence, au titre de l'expertise.

Ce projet présente le grand intérêt de nous permettre de diffuser notre savoir-faire culturel et notre expertise, mais aussi, et au-delà, de favoriser le rayonnement de la France.

M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia.

M. Robert del Picchia. Madame la ministre, si je comprends bien, nous exportons notre savoir-faire culturel, ce qui nous rapporte près de 1 milliard d'euros ! Continuez ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Madame la ministre, après l'intervention de Robert del Picchia, je souhaiterais compléter la question que je vous ai posée tout à l'heure et à laquelle vous n'avez pas été en mesure de répondre pour l'instant.

Si nous avons bien compris le montage de l'opération décrite par mon collègue, l'État français a négocié avec un État étranger la cession d'un concept, réalisant en quelque sorte un actif immatériel. L'accord prévoit de rémunérer des dépôts à long terme d'oeuvres et des expositions temporaires, ce qui représente un total de près de 1 milliard d'euros.

Cette recette bénéficiera non pas directement à l'État, mais à une agence, c'est-à-dire un établissement public de l'État placé sous le contrôle de l'État. Voilà pour ce que j'ai compris du montage, madame la ministre, et je vous prie de me corriger si éventuellement je fais une erreur.

Il y aura lieu, ensuite, de répartir ce produit total de 1 milliard d'euros, qui va se concrétiser en une séquence d'opérations étalées sur une certaine durée.

Ce que j'aurais voulu savoir, madame la ministre, c'est comment s'effectuera la répartition, en fonction de quelles règles et au profit de qui. Quel est le degré de transparence sur lequel nous pouvons compter quant à cette répartition entre le Louvre, ce qui paraît logique, et d'autres ayants droit du système culturel français ? Je pense notamment à l'établissement public du musée et du domaine national de Versailles, au château de Fontainebleau, au musée des beaux-arts de Lyon, bénéficiaire d'un abondement pour l'acquisition du tableau de Nicolas Poussin La Fuite en Égypte, évoquée tout à l'heure.

M. Ivan Renar. Et d'autres grands musées de province !

M. Philippe Marini, rapporteur général. À l'évidence, nous ne demandons qu'à allonger la liste !

Je résume ma question, madame la ministre : pouvez-vous nous indiquer quelles seront les règles du jeu pour la répartition ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre. Monsieur le rapporteur général, les fonds que j'évoquais ne transiteront pas par l'Agence : celle-ci recevra, au titre de son expertise, la somme de 165 millions d'euros. Les autres sommes seront versées aux opérateurs intéressés dans les projets. Pour le Louvre, c'est particulier, parce que son nom, sa marque doivent être pris en considération. Tous les autres opérateurs seront rémunérés directement, en fonction de leur participation à des expositions, et des prêts qu'ils consentiront, dans une transparence totale puisque tout figure dans l'accord intergouvernemental qui a été signé.

Telles sont les grandes lignes de l'architecture qui a été prévue.

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est une vraie débudgétisation !

M. le président. La parole est à M. Joël Bourdin.

M. Joël Bourdin. Ma question porte sur les crédits d'intervention en faveur du spectacle vivant.

En janvier dernier, la mission d'audit de modernisation a rendu son rapport sur les modalités d'attribution de ces crédits. Il y est constaté que le dispositif d'aide, s'il est en forte croissance, est cependant très dispersé entre des réseaux, des labels et des disciplines artistiques, mais aussi entre collectivités publiques. La faiblesse de ses marges de manoeuvre et son encadrement inégal y sont également soulignés. Le rapport de modernisation propose donc de simplifier, de recentrer et de clarifier le dispositif d'aide existant.

Des questions se posent non seulement sur les conditions d'attribution des aides au spectacle vivant, mais également sur l'utilisation qu'en font les organismes bénéficiaires.

Le réseau de production et de diffusion du spectacle vivant en France est remarquable, mais il n'est pas à l'abri de certains dysfonctionnements, et la gestion des structures culturelles du spectacle vivant a souvent été mise en cause.

Je souhaiterais savoir, madame le ministre, si vous estimez cette mise en cause justifiée et quelles mesures vous comptez prendre pour améliorer la gestion des aides au spectacle vivant, dans un souci de performance et de transparence.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre. Monsieur le sénateur, la gestion du spectacle vivant est très certainement perfectible. Il faut cependant noter que plusieurs indicateurs de performances contenus dans le rapport annuel de performances 2006 montrent que des efforts ont déjà été réalisés.

En particulier, l'indicateur « Part des charges fixes dans les budgets des structures » permet de constater que celle-ci a été stabilisée à 56 %, alors qu'elle s'établissait à 57 % en 2004. Un mouvement vertueux est donc enclenché. L'évolution de la fréquentation a également été plutôt favorable, puisque l'on prévoyait 2 230 000 spectateurs, et que plus de 2 600 000 sont venus.

Au demeurant, de nombreuses structures donnent l'exemple d'équipements culturels très bien gérés. Ainsi, l'Opéra de Paris a aujourd'hui un taux de remplissage de 95 %, dégage des bénéfices sur la partie artistique et mène une politique extrêmement innovante.

Cela étant, je le répète, je souhaite développer une politique que l'on pourrait qualifier de « contractualisation », en tout cas d'échanges. J'évoquais tout à l'heure les engagements que l'on peut attendre, en contrepartie des financements publics, de la part des institutions et des structures en matière d'éducation artistique et de partenariat avec les établissements scolaires. En matière de diffusion aussi, on peut leur demander de faire en sorte que telle oeuvre subventionnée ne soit pas représentée, comme cela arrive, entre trois et dix fois seulement : tout le monde sait que cela ne permet absolument pas de rencontrer le public. Or l'exemple du travail d'Angelin Preljocaj dans son Pavillon noir, à Aix-en-Provence, montre que la très grande qualité peut tout à fait coexister avec l'enthousiasme et la présence massive du public. Il me paraît donc nécessaire d'aller vers une démarche de conventionnement.

M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur l'exécution des crédits de la culture.

Je mets aux voix l'article 4.

M. Michel Moreigne. Le groupe socialiste s'abstient.

(L'article 4 est adopté.)