Article 9
I. - L'article 729 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la personne a été condamnée pour un crime ou un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru, une libération conditionnelle ne peut lui être accordée si elle refuse pendant son incarcération de suivre le traitement qui lui est proposé. Elle ne peut non plus être accordée au condamné qui ne s'engage pas à suivre, après sa libération, le traitement qui lui est proposé. »
II. - À l'article 731-1 du même code, le premier alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :
« La personne faisant l'objet d'une libération conditionnelle peut être soumise aux obligations prévues pour le suivi socio-judiciaire si elle a été condamnée pour un crime ou un délit pour lequel cette mesure est encourue. Sauf décision contraire du juge de l'application des peines ou du tribunal de l'application des peines, elle est soumise à une injonction de soins dans les conditions prévues aux articles L. 3711-1 et suivants du code de la santé publique, s'il est établi, après l'expertise prévue à l'article 712-21, qu'elle est susceptible de faire l'objet d'un traitement. »
III. - L'article 712-21 du même code est ainsi modifié :
1° Dans la première phrase, les mots : « mentionnée à l'article 706-47 » sont remplacés par les mots : « pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru » ;
2° L'article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Cette expertise détermine si le condamné est susceptible de faire l'objet d'un traitement. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 47 est présenté par M. Badinter, Mme M. André, MM. Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas, Mermaz, Peyronnet, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 62 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l'amendement n° 47.
M. Richard Yung. Les termes de la discussion sont les mêmes que pour les articles précédents, si ce n'est qu'il s'agit cette fois des libérations conditionnelles. Je me bornerai donc à souligner un argument déjà évoqué pour expliquer nos réserves sur le texte.
La pression exercée sur les personnes condamnées libérables qui, pour bénéficier de la libération conditionnelle, devront accepter de se plier à l'injonction de soins sera, à l'évidence, très forte. On comprend fort bien qu'elles seront poussées à aller dans cette voie, mais c'est précisément ce qui pose problème, car il faut un accord réel entre le patient et le médecin pour que les soins aient une chance d'être efficaces. Or, on risque de n'obtenir que des accords de façade, des accords factices de la part des condamnés soumis à cette pression.
M. Dominique Braye. Alors vaut-il mieux ne rien faire ?...
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 62.
Mme Éliane Assassi. Il est défendu.
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter la fin du texte proposé par le I de cet article pour le dernier alinéa de l'article 729 du code de procédure pénale par les mots :
par le juge de l'application des peines en application des articles 717-1 et 763-7.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur les amendements identiques nos 47 et 62.
M. François Zocchetto, rapporteur. L'amendement n° 9 est un amendement de précision.
Pour des raisons qui paraissent évidentes à ce stade des débats, je m'oppose, au nom de la commission, aux deux amendements de suppression.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable aux amendements de suppression et favorable à l'amendement de la commission.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 47 et 62.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 9, modifié.
(L'article 9 est adopté.)
Division et article additionnels après l'article 9
M. le président. L'amendement n° 63 rectifié, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 9, insérer une division additionnelle ainsi rédigée :
CHAPITRE ...
Dispositions relatives au contrôle général des lieux de privation de liberté
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je rassure mes collègues, mon intervention portera sur cet amendement et sur le suivant.
M. Dominique Braye. Très bien !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dispensez-nous de ce type de commentaire, monsieur Braye !
M. le président. J'appelle donc en discussion l'amendement n° 64 rectifié, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, et ainsi libellé :
Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Il est institué un contrôleur général des lieux de privation de liberté, chargé de contrôler l'état, l'organisation et le fonctionnement des établissements concernés, ainsi que les conditions de vie dans ces lieux et les conditions de travail des personnels.
II. - Le contrôleur général des lieux de privation de liberté est nommé en conseil des ministres pour une durée de six ans non renouvelable. Il est assisté de contrôleurs, dont le statut et les conditions de nomination sont définis par décret en Conseil d'État.
III. Le contrôleur général des lieux de privation de liberté et les contrôleurs peuvent visiter à tout moment les établissements concernés. Ils ont accès à l'ensemble des locaux composant ces établissements. Ils peuvent s'entretenir avec toute personne, le cas échéant à sa demande, au sein de ces établissements dans des conditions respectant la confidentialité.
Les autorités publiques doivent prendre toutes mesures pour faciliter la tâche du contrôleur général. Les agents publics, en particulier les dirigeants des lieux de privation de liberté, communiquent au contrôleur général toutes informations et pièces utiles à l'exercice de sa mission.
Le caractère secret des informations et pièces dont le contrôleur général demande communication ne peut lui être opposé, sauf en matière de secret médical.
IV. Le contrôleur général des lieux de privation de liberté établit chaque année un rapport sur les résultats de son activité. Ce rapport est remis au Président de la République et au Parlement avec les réponses du garde des sceaux. Il est rendu public.
Veuillez poursuivre, madame Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nos amendements visent à étendre à l'ensemble des lieux privatifs de liberté les dispositions relatives au contrôle général des prisons adoptées dans le cadre de la proposition de loi de MM. Jean-Jacques Hyest et Guy-Pierre Cabanel votée par notre assemblée le 26 avril 2001.
Six ans ont passé, mais, malgré les relances faites par mon groupe, qui a en outre déposé - il n'était d'ailleurs pas le seul - des amendements en ce sens les nombreuses fois où nous avons eu l'occasion de discuter des prisons, et malgré les relances des professionnels et des associations, cette proposition de loi n'a jamais été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Je rappelle qu'elle était le fruit des constats et réflexions des commissions d'enquête parlementaires sur les prisons, qui, bien que leurs conclusions n'aient toujours pas été suivies d'effet six ans plus tard - utilité relative du Parlement... -, ont bien évidemment eu leur utilité.
Je fais partie des quelques parlementaires qui mettent en oeuvre régulièrement leur droit de visite - visites impromptues, je le précise - dans les prisons et dans les centres de rétention. La réalité y est souvent insoutenable. Elle constitue bien, hélas ! une « humiliation pour la République », comme le relevaient les rapports des commissions d'enquête.
Au cours des cinq dernières années, l'accumulation de lois toujours plus répressives a conduit à la dégradation des conditions de vie des détenus en accroissant encore la surpopulation carcérale.
Notre commission des lois confirme le risque d'une nouvelle augmentation du nombre des détenus. Les prévisions, nous le savons, sont difficiles à établir et nous espérons qu'elles ne se réaliseront pas, mais nous ne sommes pas naïfs...
Dans ces conditions, la création d'un contrôle extérieur devient tout à fait urgente et particulièrement adaptée dans le cadre du texte dont nous discutons. Si je me félicite donc, madame la ministre, de votre soutien à la création d'un tel contrôle, j'estime qu'il n'est nul besoin d'un nouveau débat parlementaire sur un futur projet de loi pour instituer le contrôleur général des lieux privatifs de liberté : il suffit d'adopter aujourd'hui même nos amendements.
Notre pays a été montré du doigt à l'échelle internationale pour l'état inacceptable de ses prisons et de ses centres de rétention par le précédent commissaire européen aux droits de l'homme, M. Gil-Robles, ce qui, évidemment, a profondément déplu au précédent garde des sceaux, ainsi que par le comité contre la torture de l'ONU.
Dans son rapport de novembre 2005, ce comité recommandait à la France de ratifier dans les meilleurs délais le protocole facultatif à la convention contre la torture de 1984, adopté le 18 décembre 2002 par l'Assemblée générale des Nations unies.
Ce texte impose aux États d'autoriser des visites régulières, impromptues et sans autorisation préalable dans tout lieu du territoire où des personnes sont privées de liberté. Il prévoit que les visites sont effectuées par le biais, d'une part, d'un sous-comité d'experts internationaux indépendants et, d'autre part, d'experts nationaux également indépendants.
Madame la ministre, votre prédécesseur, que j'ai interpellé à plusieurs reprises, s'était engagé à soumettre la ratification de ce protocole au Parlement.
Hélas ! il ne l'a pas fait et le protocole est donc entré en vigueur le 22 juin 2006 sans l'aide de notre pays, ce que tous les défenseurs des libertés que nous sommes ici ne peuvent manquer de regretter.
La création du contrôleur général permettra tout simplement de répondre sur le plan national aux exigences de ce protocole.
En 2006, contre notre avis, votre prédécesseur a confié au Médiateur de la République la responsabilité de la mise en oeuvre du mécanisme. Cette solution n'est pas du tout satisfaisante, car le contrôle doit être extérieur, indépendant et être assuré avec l'expertise nécessaire. Il est donc bien évidemment indispensable de modifier les textes.
Je connais d'avance la réponse que je vais obtenir, mais si je défends néanmoins aujourd'hui ces amendements, c'est pour faire respecter les débats parlementaires. Sur ce point, la discussion a déjà eu lieu dans cette enceinte et une proposition de loi a été adoptée ; sans doute faut-il qu'il y ait un débat à l'Assemblée nationale, mais il est parfaitement inutile d'engager une nouvelle discussion ici !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Je suis bien moins qualifié que le président de la commission des lois, qui a participé aux travaux ayant conduit à l'adoption de la proposition de loi du 26 avril 2001 alors que je ne suis devenu sénateur que quelques mois après, pour répondre à vos questions et je me contenterai donc d'exprimer l'opinion de la commission, sachant toutefois, madame Borvo Cohen-Seat, que, comme vous l'avez vous-même dit, vous connaissez d'avance la réponse.
Convenez cependant que, cette fois, la réponse est très sensiblement différente de celles qu'ont reçues les amendements similaires que vous avez, en effet, systématiquement déposés sur les textes traitant de procédure pénale, textes dont nous nous sommes plu à rappeler qu'ils ont été assez nombreux ces derniers temps...
Vous avez sans doute eu raison de prendre ces initiatives, de même que le président de la commission des lois a eu raison de demander à chaque changement de législature que la proposition de loi relative aux conditions de détention dans les établissements pénitentiaires et au contrôle général des prisons soit reprise à l'Assemblée nationale.
Ces efforts conjoints paraissent devoir aboutir à un résultat positif. Les préoccupations du Sénat semblent en effet partagées par le nouveau gouvernement puisque Mme le garde des sceaux a indiqué en d'autres lieux qu'elle envisageait de nous soumettre avant la fin de la session extraordinaire, c'est-à-dire très prochainement, un texte traitant du contrôle général des prisons mais aussi, plus largement, de tous les lieux privatifs de liberté.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les textes internationaux l'y obligent !
M. François Zocchetto, rapporteur. Je vous engage donc, madame Borvo Cohen-Seat, à patienter encore quelques jours : le débat que nous aurons alors vous permettra d'exposer à nouveau vos propositions et nous parviendrons peut-être à élaborer un texte encore plus satisfaisant que le texte adopté en 2001 par le Sénat.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Certainement !
M. François Zocchetto, rapporteur. Vous avez cette fois des assurances très précises en termes de calendrier et je vous invite à retirer les amendements que vous avez réintroduits à la faveur du présent texte.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame Borvo Cohen-Seat, je n'y peux rien si, au cours de deux législatures successives, l'Assemblée nationale n'a pas repris cette proposition de loi qu'à la suite du rapport de la commission d'enquête du Sénat j'avais déposée avec Pierre-Guy Cabanel.
Certes, nous avons déjà voté l'institution d'un contrôle général des prisons, que préconisait d'ailleurs aussi un rapport de l'ancien Premier président de la Cour de cassation, aujourd'hui membre du Conseil constitutionnel, M. Guy Canivet. Mais la rectification que vous avez apportée à vos amendements, qui, au départ, visaient le contrôle général des seules prisons, démontre que vous savez que nous allons débattre d'un projet de loi qui concernera tous les lieux privatifs de liberté...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les textes internationaux nous obligent à le faire !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mme le garde des sceaux voudra sans doute bien confirmer que ce projet de loi est de plus inscrit au programme de la session extraordinaire et que nous pourrons donc délibérer avant la fin du mois de juillet ou au tout début du mois d'août.
Dans ces conditions, il ne me paraît pas opportun d'aborder aujourd'hui, à la fin de l'examen d'un texte concernant la récidive, un sujet qui, à mon avis, mérite un débat plus vaste. Même si nous estimions que notre proposition de loi était bonne, sans doute peut-elle être améliorée. Nous disposerons ainsi d'une partie du mois de juillet pour étudier en toute sérénité les questions qui se posent encore, par exemple quant à l'organisation du contrôle général des prisons.
Par ailleurs, vous laissez sous-entendre que le rapport de notre commission d'enquête n'aurait servi à rien. Je ne suis pas d'accord.
Nous préconisions, s'agissant des mineurs, la création d'établissements qui ne soient plus des quartiers pour mineurs, mais conçus de façon complètement différente avec un fort encadrement éducatif, les premiers sortent de terre. Auparavant, on entendait souvent dire que les quartiers pour mineurs, c'était affreux, que ce n'était pas complètement étanche - on l'a vu dans un certain nombre d'établissements - ; or, maintenant, c'est fait !
Quant à l'augmentation du nombre de personnels pénitentiaires, elle est tout de même à porter au crédit de la loi d'orientation et de programmation pour la justice.
Certes, il faut un certain temps pour construire les prisons. S'agissant, par exemple, de la prison de Meaux-Chauconin, belle réalisation s'il en est, que nous sommes allés visiter, de quel programme dépendait-elle ? Pas de celui de Mme Guigou ou de celui de Mme Lebranchu, entre autres. Elle est le fruit du plan arrêté par Pierre Méhaignerie lorsqu'il était garde des sceaux. Vous vous rendez compte du temps qu'il a fallu pour mettre en oeuvre ce programme !
La Chancellerie a pris les choses en main avec l'Agence de maîtrise d'ouvrage des travaux et l'on va donc pouvoir aller beaucoup plus vite. Ainsi, le plan que nous avions voté en 2002 se traduit aujourd'hui par des créations, des rénovations d'établissements, des fermetures de prisons vétustes. De cette façon, - même s'il faudra peut-être faire un effort supplémentaire en ce sens, madame le garde des sceaux - nous pourrons disposer d'un parc pénitentiaire avec des personnels en nombre suffisant de manière à rendre la vie dans les établissements pénitentiaires digne. Je crois que cela est extrêmement important et il ne faut quand même pas oublier les efforts accomplis dans ce domaine.
Quand on dit que les prisons sont en mauvais état, il conviendrait de se poser la question : qu'avait-on fait avant ? Lorsqu'on voulait construire des établissements pénitentiaires, certains disaient soit qu'il y avait trop de places, soit qu'il ne fallait pas construire de nouvelles prisons. Or cela est, au contraire, indispensable, ne serait-ce que pour rendre la vie des détenus digne. Personnellement, je me félicite de tout ce qui a été fait et j'espère que nous continuerons dans cette voie pour améliorer encore la vie des détenus, élément qui constitue tout de même le gage d'une bonne réinsertion.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Nous souhaitons le retrait de cet amendement. En effet, le prochain conseil des ministres examinera le projet de loi instituant le contrôleur général indépendant des lieux privatifs de liberté, texte qui ira plus loin que le simple contrôle général des prisons. Cela nécessite, certes, des dispositions législatives s'agissant d'une autorité indépendante dont les missions seront encore plus élargies. Par conséquent, voilà qui devrait vous satisfaire, mesdames, messieurs les sénateurs, et répondre aux exigences des conventions internationales.
S'agissant du programme immobilier, je crois pouvoir dire que, depuis 2002, des efforts sans précédent ont été accomplis qui se traduisent par plus de 13 200 places ; avant 2012, nous disposerons de 60 000 places de détention, de 500 places en établissements pour mineurs - il ne s'agira plus de quartiers de mineurs au sein de centres pénitentiaires ou de maisons d'arrêt - et de près de 420 places en centres éducatifs fermés.
Par conséquent, dans le domaine des structures immobilières, il convient de saluer cet effort sans précédent.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Madame Borvo Cohen-Seat, les amendements nos 63 rectifié et 64 rectifié sont-ils maintenus ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je ne souhaitais pas lier la question du nombre de places de prison à celle de l'instauration d'un contrôleur général des lieux de détention. On s'égare !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais le contrôle sera facilité si les conditions de détention sont dignes !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je suis sûre que vous avez très bien compris ce que j'ai voulu dire, monsieur Hyest, à savoir que la philosophie qui sous-tend ces deux dispositifs est assez différente.
Cela étant dit, je retire ces amendements.
Je constate simplement que le projet de loi n'a pas encore été examiné en conseil des ministres. Nous verrons à quel débat fantastique ce texte donnera lieu ici même à la fin du mois et combien de sénateurs seront présents pour y participer.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous serons tous là, madame Borvo Cohen-Seat !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est tout à fait regrettable que les gouvernements précédents n'aient pas pris en compte un texte d'origine parlementaire.
D'ailleurs, chaque fois que j'ai déposé des amendements allant dans ce sens, nos collègues se sont empressés de les repousser...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pace que cela avait déjà été adopté !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous me retournez le compliment, monsieur Hyest : on tourne en rond !
Certes, aujourd'hui, poussés par les textes internationaux auxquels nous sommes bien obligés de nous plier et aux termes desquels notre dispositif de médiateur ne tient pas la route, nous allons peut-être toucher au but. Quel parcours !
Quoi qu'il en soit, si cela se produisait, nous serions bien sûr satisfaits.
M. le président. Ma chère collègue, vous aurez pris une part prépondérante au débat et contribué à l'aboutissement de ce texte futur. (M. Dominique Braye s'esclaffe.)
M. Dominique Braye. Le texte est déjà prêt !
M. le président. Peut-être, mais, croyez-moi, mon cher collègue, Mme Borvo Cohen-Seat y est pour beaucoup. J'ajoute que nous visitons régulièrement les prisons.
M. Dominique Braye. C'est la solidarité du parti !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur Braye, ça suffit !
M. le président. Les amendements nos 63 rectifié et 64 rectifié sont retirés.
CHAPITRE III
Dispositions diverses et transitoires
Article 10
Les dispositions du chapitre II de la présente loi entrent en vigueur le 1er mars 2008. Toutefois, le II de l'article 5 et les articles 7 à 9 de la présente loi sont immédiatement applicables aux personnes exécutant une peine privative de liberté.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 48, présenté par M. Badinter, Mme M. André, MM. Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas, Mermaz, Peyronnet, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. L'amendement n° 10, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Le I de l'article 5 et l'article 6 de la présente loi entrent en vigueur le 1er mars 2008.
Le II de l'article 5 et les articles 7 à 9 de la présente loi sont immédiatement applicables aux personnes exécutant une peine privative de liberté.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 48.
M. François Zocchetto, rapporteur. L'amendement n° 10 est un amendement de clarification.
Quant à l'amendement n° 48, la commission y est défavorable puisqu'il s'agit d'une coordination avec un amendement qui n'a pas été adopté.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 48 et favorable à l'amendement n° 10.
M. le président. En conséquence, l'article 10 est ainsi rédigé.
Article 11
La présente loi est applicable dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.
M. le président. L'amendement n° 49, présenté par M. Badinter, Mme M. André, MM. Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas, Mermaz, Peyronnet, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Je considère que cet amendement est défendu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Jean-Pierre Sueur pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'examen des articles de ce projet de loi a finalement permis de révéler, au fil du débat, que l'hypothèse que nous avions formulée dès le départ, à savoir que ce projet de loi avait pour objet de faire entrer rapidement dans la législation certaines mesures annoncées pendant la campagne électorale avec une volonté d'affichage, était la bonne.
Concernant la volonté d'affichage, madame la ministre, on peut dire que vous avez réussi !
Toutefois, si l'on reprend trois points principaux de ce texte, on constate que, malheureusement, il n'y a pas grand-chose derrière cet affichage.
S'agissant, en premier lieu, des peines planchers, vous nous avez longuement expliqué qu'elles étaient nécessaires pour lutter contre la récidive. Or nous n'avons cessé de mettre en avant les statistiques, les vôtres d'abord, puis celles de chercheurs du CNRS, qui montrent qu'il n'y a pas de corrélation entre les durées d'incarcération, le quantum des peines, d'une part, et la récidive ou la non-récidive, d'autre part.
En revanche, nous savons qu'il existe un rapport entre la récidive et la libération conditionnelle. En d'autres termes, il y a moins de récidive quand il y a libération conditionnelle ; il y a moins de récidive lorsqu'il y a des peines alternatives à l'incarcération ; il y a moins de récidive quand il existe un meilleur suivi des détenus à l'intérieur de la prison ; il y a moins de récidive lorsqu'il y a un meilleur accompagnement des personnes qui sortent de prison - je pense, notamment, au suivi socio-judiciaire -, à condition, bien sûr, que les moyens soient suffisants pour permettre au dispositif d'être effectif.
Nous avons démontré la nécessité de prendre des mesures pour lutter contre la récidive, objectif que nous partageons. Toutefois, ces mesures ne sauraient en aucun cas mettre en cause la liberté des magistrats, notamment leur capacité d'individualiser les peines, en les transformant en distributeurs automatiques de peines planchers !
Il faut des moyens concrets pour la libération conditionnelle, le suivi socio-judiciaire, l'accompagnement des personnes qui sortent de prison, pour revoir la condition pénitentiaire. Cela est apparu avec beaucoup de netteté.
En deuxième lieu, concernant les mineurs, on a pu constater qu'il n'était pas souhaitable de mettre en cause le dispositif qui accorde une place importante à l'éducation ; bien au contraire, ce dernier est nécessaire. Sur ce point, je veux dire à notre collègue Lecerf que je partage son propos quand il regrette la présence de certains mineurs en prison. J'ajouterai simplement que nous ne sommes pas voués éternellement à ce que les prisons, ou les lieux spécifiques réservés aux mineurs dans les prisons, soient de mauvaise qualité ; mais, pour que cela change, il faut beaucoup de moyens.
De même, il faut des centres éducatifs fermés. Je rappelle une nouvelle fois qu'il n'existe qu'un seul centre de ce type, qui accueille six personnes, pour les 12 millions d'habitants de la région d'Île-de-France ! Alors, on peut, certes, tenir tous les discours que l'on veut ou adopter un texte d'affichage concernant les mineurs, mais il serait beaucoup plus utile de créer un deuxième, puis un troisième centre éducatif fermé. Bref, il faudrait les moyens nécessaires.
Enfin, en troisième lieu, s'agissant de l'injonction thérapeutique, vous avez, madame la ministre, tenté de démontrer que nous ne comprenions pas pourquoi il fallait changer la loi. Or, la législation en vigueur permet d'ores et déjà au juge de prononcer l'injonction thérapeutique.
Nous ne proposons nullement de remettre en cause ce dispositif. L'injonction thérapeutique ne peut, à elle seule, tout régler. Il y a des troubles de la personnalité dont le traitement ne passe pas forcément par la voie médicamenteuse ou purement médicale. Mais dans un certain nombre de cas, cette injonction est indispensable.
Nous l'affirmons : la loi permet aujourd'hui d'avoir recours à l'injonction thérapeutique ; cette loi existe. Simplement, la grande difficulté - on l'a vu en long, en large et en travers -, c'est que les experts et les psychiatres ne sont pas assez nombreux. Par conséquent, si on veut être utile, cette loi d'affichage ne servira à rien tant que l'on n'aura pas fait les efforts correspondants. Certes, cela est difficile, mais c'est indispensable pour améliorer la situation et pour créer les postes de professionnels qui sont nécessaires, comme le demandent un grand nombre de magistrats.
En conclusion, nous ne pouvons approuver ce projet de loi. Nous nous attendions à ce que vous veniez d'abord nous parler de ce qui est nécessaire, madame le garde des sceaux. Or vous avez dû satisfaire aux nécessités politiques de l'affichage, en faisant adopter très rapidement un projet de loi. Aussi, l'essentiel reste devant nous, car l'affichage ne peut le remplacer ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est regrettable que nous n'ayons pas eu un véritable débat sur l'efficacité éventuelle de ce texte.
Il est tout aussi regrettable d'entendre nos collègues de la majorité continuer de nous traiter de laxistes, tout justes bons à s'émouvoir du sort réservé aux auteurs de crimes sexuels !
Madame Debré, je suis très émue d'apprendre que beaucoup de délinquants sexuels n'ont jamais affaire à la justice et se baladent librement dans les rues et dans la vie, mais convenez qu'avec des banalités de ce genre on peut, pendant longtemps, animer des discussions de café du Commerce !
Notre position sur ce texte est claire : je le répète, nous sommes par principe défavorables à l'introduction des peines planchers dans notre droit pénal. Nous sommes d'ailleurs inquiets de constater que le Sénat qui, dans sa majorité, avait jusqu'à présent toujours repoussé les peines planchers s'apprête aujourd'hui à les voter avec enthousiasme. Voilà le travail parlementaire sérieux dont se targuent les sénateurs !
M. Jean-Pierre Sueur. C'est la rupture ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Hélas ! les amendements présentés par M. le rapporteur n'ont guère amélioré le texte, tandis que ceux des autres parlementaires se voyaient, bien sûr, tous repoussés.
M. François Zocchetto, rapporteur. Pas tous !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Aussi, les peines planchers, qui ne sont certes pas automatiques, mais qui inversent le principe du jugement et nient de façon continue et aggravée la différence entre un mineur et un majeur, ont été maintenues.
Avant 1994, le juge devait prononcer une sanction inscrite dans une fourchette de peines, mais il pouvait estimer que des circonstances atténuantes s'appliquaient et personnaliser la peine en fonction du contexte de l'infraction et de la personnalité de son auteur. Tous ceux qui ont de la mémoire voulaient donc réintroduire ces dispositions. Ont-ils été entendus ? Que nenni !
S'agissant du respect d'un droit aussi fondamental que l'individualisation des peines, ce texte traduit un recul qui est, tout simplement, dangereux.
Par ailleurs, les magistrats, qui ne disposeront d'aucune marge de manoeuvre pour décider d'une condamnation moins sévère, n'auront d'autre choix que de prononcer une peine minimale, sauf à servir de boucs émissaires pour la justice et les peurs de nos concitoyens.
Malgré les arguments avancés par le Gouvernement, ce texte aura pour principale conséquence un accroissement de la surpopulation carcérale. Nous verrons plus tard, quand le nombre des prisons aura augmenté, s'il faut encore aggraver les peines afin de pouvoir les remplir encore davantage !
En ce qui concerne la délinquance des mineurs, madame le garde des sceaux, nous n'avons décidément pas la même approche. Depuis 2002, l'avalanche législative n'a pas cessé dans ce domaine, et il s'agit toujours de durcir les sanctions à l'égard des mineurs.
Bien entendu, - je le répète, car il faut toujours le préciser - nous ne sommes nullement opposés à la sanction des actes délictueux, même lorsque ceux-ci sont de peu d'importance et qu'ils sont commis par des mineurs. Mais encore faut-il que la sanction serve à quelque chose et se distingue de la prévention !
Or, pour la deuxième fois en un court laps de temps, on confond à dessein sanction et prévention - pire, on assimile la prévention à la sanction ! Nous ne pourrons donc pas vous suivre, madame le garde des sceaux.
Aucune réflexion de fond n'est menée sur l'évolution de la société dans laquelle grandissent les jeunes. Rien n'est envisagé pour pallier le manque de moyens de la Protection judiciaire de la jeunesse et résoudre l'impossibilité matérielle de faire exécuter les décisions des juges des enfants, notamment après un premier acte de délinquance, car c'est à ce moment qu'il faut agir pour les empêcher de recommencer.
Quant à la mansuétude dont bénéficieraient les mineurs, elle n'est attestée ni par un taux de réponse pénale de 88 % ni par un taux de détention provisoire de près de 80 %.
Pourtant, la solution proposée par le Gouvernement, c'est toujours davantage d'enfermement ! Pour les mineurs comme pour les majeurs, la liberté d'appréciation du juge des enfants sera restreinte. Or, plus encore que pour les majeurs, c'est l'adaptation la plus juste de la sanction à l'infraction commise qui permet de prévenir la récidive des mineurs, à condition que la sanction soit exécutée. Si celle-ci est comprise, puis mise en oeuvre, il existe une chance que le mineur ne récidive pas.
Or le projet de loi que vous allez adopter, mes chers collègues, s'éloigne de ce principe. Il inverse notre philosophie pénale : jusqu'à présent, le juge devait motiver la privation de liberté ; le projet de loi suit une logique contraire : c'est le maintien en liberté que le juge devra motiver. Les principes fondamentaux de notre justice pénale sont donc mis en cause, ce qui est dangereux, je le répète.
Enfin, il n'y a eu ni étude d'impact de ce projet de loi ni évaluation des textes précédemment votés, notamment les plus récents, et pour cause : ils ne peuvent à l'heure actuelle être évalués !
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
M. Jacques Mahéas. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, nous voici arrivés au terme d'une discussion, qui, hélas ! ne sera pas renouvelée dans cet hémicycle, et nous nous interrogeons encore sur l'opportunité d'avoir déclaré l'urgence sur un tel texte. Certes, eu égard au peu d'amendements que nous avons pu voter en commun - en l'état actuel du texte, seuls deux amendements présentés par M. le rapporteur -, la navette parlementaire eût effectivement semblé bien inutile !
Naturellement, tout le monde dans cet hémicycle souhaiterait qu'il n'y ait pas de récidiviste. Sans récidiviste, il n'y aurait pas de nouvelles victimes - permettez-moi cette lapalissade.
D'aucuns ont cru déceler dans les positions du groupe socialiste un certain laxisme, qui nous rendrait plus enclins à défendre les délinquants que les victimes, ce qui est un non-sens total !
En tant qu'élu de la Seine-Saint-Denis, j'ai pu constater ces dernières années une augmentation de la délinquance, notamment celle qui gêne le plus nos concitoyens, à savoir la délinquance de voie publique, qui s'est accrue de 15 % en 2006. Bien entendu, parmi les auteurs de ces faits on compte un certain nombre de récidivistes.
Mes chers collègues de la majorité, vous nous aviez promis une rupture tranquille, mais en ce qui concerne ce texte, c'est totalement raté ! Vous vous situez en effet dans la continuité des politiques antérieures : toujours augmenter le quantum des peines - cette loi en rajoute encore ! - et imposer aux juges des peines planchers, alors que la justice des mineurs, notamment, a besoin de sur-mesure.
La philosophie de votre texte est claire : il s'agit d'une loi d'affichage, manifestement destinée au grand public et qui n'emportera aucune conséquence. Si nous n'examinons pas très vite les véritables causes de la délinquance, nous risquons fort d'être déçus par l'application de cette loi.
Comme l'opposition doit tout de même avancer quelques propositions lorsqu'elle examine un tel texte, nous suggérons que le Gouvernement offre aux maires, puisqu'ils sont devenus des agents de prévention en vertu la loi du 5 mars 2007, les moyens financiers nécessaires pour mettre en place des associations dans les quartiers difficiles et recruter un certain nombre de professionnels.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il ne faut pas rêver !
M. Jacques Mahéas. Or, pour l'instant, il n'en a rien été.
Madame le garde des sceaux, j'ai été étonné que vous ne me répondiez pas au sujet des travaux d'intérêt général. Il faut pourtant sortir les jeunes de l'ornière, et il n'est pas concevable que les collectivités locales ne s'impliquent pas davantage en la matière. Les travaux d'intérêt général sont bien compris de nos concitoyens. Il ne s'agit en aucun cas d'humilier les délinquants, mais de leur faire la courte échelle afin qu'ils retrouvent toute leur place dans la société.
Par ailleurs, vous êtes en train de massacrer l'éducation nationale, avec quelque 10 000 suppressions de postes, qui s'ajouteront à la disparition des emplois-jeunes. Mais le fondement de nos lois républicaines, c'est tout de même l'éducation dispensée par l'école de la République !
Travaillons aussi à mieux coordonner la justice et la police. Très franchement, en tant qu'élu de la Seine-Saint-Denis, j'en ai vraiment assez de voir les difficultés du passé systématiquement montées en épingle, notamment par l'ancien ministre de l'intérieur.
Informons les parlementaires et l'OND, l'Observatoire national de la délinquance, chiffrons le coût de nos lois, réalisons des études d'impact des textes précédents et demandons-nous, les uns et les autres, si les ghettos, le chômage, les discriminations, la crise du logement, les maisons d'arrêt surpeuplées, entre autres éléments, ne seraient pas le premier terreau de la récidive ?
Enfin, madame le garde des sceaux, je regrette profondément que, dans cet hémicycle, les paroles aient parfois dépassé la pensée de ceux qui les proféraient. Je suis véritablement choqué, outré et quelque peu blessé (M. Dominique Braye s'esclaffe. - Sourires sur les travées de l'UMP) que mon collègue de la Seine-Saint-Denis ait traité les juges du tribunal de Bobigny de « Pères Noël ». Franchement, ce n'est pas digne d'un sénateur !
M. Dominique Braye. On va essayer de vous rasséréner, monsieur Mahéas !
M. Jacques Mahéas. Monsieur Braye, je pensais qu'en lui tendant la main et en lui demandant de retirer le mauvais mot qu'il a eu, nous pourrions, nous les élus, les représentants du peuple, respecter les juges, qui accomplissent un travail si difficile.
M. Dominique Braye. Il n'y a pas plus grand compliment que d'être traité de Père Noël !
M. Jacques Mahéas. D'ailleurs, madame le garde des sceaux, mes chers collègues de la majorité, je ne suis pas certain qu'avec cette loi vous ne leur compliquiez pas encore un peu plus la tâche.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, ce projet de loi prolonge les lois du 12 décembre 2005 et du 5 mars 2007, en même temps qu'il innove en instaurant des peines minimales pour les récidivistes.
Cette réponse du législateur doit être entendue avant tout comme un outil de dissuasion. En effet, l'efficacité de ce projet de loi repose sur son caractère dissuasif, et il ne comporte aucun volet consacré à la prévention, ce que nous pouvons regretter.
Le projet de loi intègre, notamment, et utilement, des dispositions permettant la généralisation de l'injonction de soins, à laquelle le Sénat a toujours été favorable, en particulier dans le cas des condamnés pour des infractions à caractère sexuel.
La majorité des membres du RDSE considère que ce projet répond, malgré son examen en urgence, à la fois à une nécessité et à une forte demande de nos concitoyens. Nous estimons que ce texte exercera un effet dissuasif sans remettre a priori en cause les grands principes de notre droit.
Toutefois, il nous semble indispensable de poursuivre l'effort de lutte contre la récidive au-delà de l'adoption de ce projet de loi. Comme l'a rappelé très justement M. le rapporteur, et comme l'ont montré nos débats, la mise en oeuvre de moyens supplémentaires est nécessaire afin d'assurer un meilleur suivi des personnes, une meilleure efficacité des décisions de justice et une plus grande rapidité dans l'exécution des peines.
En effet, l'exécution effective et rapide des décisions est essentielle. Il ne faut pas laisser au très redoutable sentiment d'impunité le temps de se diffuser et de s'installer, ce qui plongerait la victime dans le désarroi. C'est pourquoi, pour être pleinement efficace, ce texte doit s'accompagner d'une augmentation significative et rapide des moyens humains et financiers de l'institution judicaire. Nous attendons donc avec beaucoup d'intérêt la grande réforme du système pénitentiaire qui nous est promise et que nous devrions examiner avant la fin de la session. Nous connaissons tous les problèmes de surpopulation, de manque de moyens, de formation et d'aide à la réinsertion.
S'agissant du manque de soins, mon département, l'Orne, connaît une complète désertification médicale, comme d'autres départements ruraux. Aussi, je ne vois pas comment nous trouverons des médecins coordonnateurs ou des psychiatres pour les centres de détention. Madame le garde des sceaux, il faudra veiller à l'application de ce texte, lors de la réforme en profondeur de la carte judiciaire. Il faudra faire attention à l'emplacement des juges de l'application des peines et garder ces services à proximité des centres de détention. Je profite de l'occasion qui m'est donnée pour attirer votre attention sur le tribunal d'Argentan, qui est menacé. Cette ville comptant un grand centre de détention, il faut maintenir un important service d'exécution des peines.
Sous ces réserves, la majorité du groupe du RDSE votera ce texte.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
M. Yves Détraigne. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, cette loi ne laisse personne indifférent, c'est le moins que l'on puisse dire au terme de nos débats.
Ce texte a-t-il autant de défauts que d'aucuns l'ont prétendu dans cet hémicycle ? Je ne le pense pas, dès lors notamment qu'est préservé et garanti le principe d'individualisation de la peine, auquel nous sommes particulièrement attachés.
Cela me paraît assuré pour tous les cas de récidive, à l'exception toutefois de celui du criminel multirécidiviste pour lequel je doute fort que l'accusé soit en mesure de présenter « les garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion » pouvant lui permettre d'échapper à la peine minimale automatique, comme le requerra désormais le code pénal. Mais ne soyons pas angéliques s'agissant de criminels multirécidivistes. Ce serait prendre une lourde responsabilité devant l'opinion et la société.
Si ce texte n'a pas tous les défauts, a-t-il toutes les qualités qu'on lui prête et permettra-t-il de réduire sensiblement le phénomène de récidive en matière délictuelle ou criminelle ? Je le souhaite vivement, mais je crains que son impact ne soit pas tout à fait à la hauteur des espoirs mis en lui par ses promoteurs. D'une part, parce qu'il n'est pas prouvé - cela a été souligné à plusieurs reprises - que la prison fasse peur aux délinquants endurcis. D'autre part, parce que les conditions de détention que l'on connaît en France - ce point a également été souvent abordé - ne préparent pas vraiment à la réinsertion.
C'est pourquoi, madame le garde des sceaux, cette loi doit très rapidement être accompagnée d'une réforme qui permette de donner à notre système pénitentiaire les moyens dont il a absolument besoin pour favoriser la réinsertion des détenus. Cela coûtera cher, bien sûr, mais c'est indispensable et même urgent pour que cette loi ne crée pas plus de déception que d'espoir.
Il ne faut pas non plus laisser les primo-délinquants mineurs penser - comme c'est trop souvent le cas - qu'ils sont intouchables et glisser dans la spirale de la délinquance.
C'est donc avec l'espoir que nous serons entendus et que les indispensables moyens complémentaires que je viens d'évoquer rapidement viendront compléter le dispositif que le groupe Union centriste-UDF votera ce projet de loi.
Madame le garde des sceaux, pour conclure, vous me permettrez de vous féliciter de la manière dont vous avez affronté votre baptême du feu parlementaire. J'émets le voeu que vous n'oublierez pas que ce n'est pas nécessairement en multipliant les textes que l'on règle un problème. Avant de proposer un nouveau projet de loi, il faut savoir prendre le temps de mettre en oeuvre le texte précédent et d'en mesurer tous les effets.
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, au cours de ce débat qui vient de lancer la nouvelle législature, j'ai eu à plusieurs reprises - pour ne pas dire tout le temps ! - l'impression de rêver. En effet, j'avais vraiment le sentiment d'être encore sous la législature précédente.
J'ai retrouvé, du côté de l'opposition, les techniques mises en oeuvre depuis 2002. Elles n'avaient pas changé : motion tendant à opposer la question préalable, motion tendant au renvoi à la commission, motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité, amendements de suppression pour chaque article, amendements servant à alimenter la logorrhée. Je n'ai entendu aucune idée constructive ! (M. Jacques Mahéas s'exclame.)
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Christian Cointat. Pourtant, mes chers collègues, et j'imagine que vous le savez, des événements très importants ont eu lieu voilà quelques semaines. Plus de 85 % des Français ont voté lors de l'élection présidentielle et M. Nicolas Sarkozy a été largement élu, avec près de 20 millions de voix.
Or vous n'en tirez aucune conséquence. Vous avez perdu cette élection et vous ne changez pas vos pratiques !
M. Dominique Braye. Qu'ils continuent ainsi !
M. Jacques Mahéas. C'est invraisemblable !
M. Christian Cointat. Je ne devrais pas vous le dire, car le fait que vous poursuiviez en ce sens nous réussit assez bien ! Mais c'est très inconfortable car cela ne permet pas le débat démocratique.
Malheureusement, vous n'avez pas changé. Je ne suis pas le seul à l'affirmer : Dominique Strauss-Kahn l'a reconnu, affirmant que la droite avait su se moderniser, alors que la gauche n'avait pas pu le faire et ne le faisait toujours pas.
Si vous voulez être à la hauteur de vos principes,...
M. Jacques Mahéas. Pas de leçons ! Il n'y a pas longtemps, vous étiez contre !
M. Christian Cointat. ...acceptez un débat démocratique constructif.
M. Jacques Mahéas. Demandez à Dominique de Villepin ce qu'il pense de ce texte !
M. Christian Cointat. Ne faites pas de blocage. Vous avez su jongler, avec talent, je le reconnais,...
M. Dominique Braye. Non ! Sans talent !
M. Christian Cointat. ...avec les mots, mais jamais avec les idées. Or ce sont les idées qu'il faut mettre en avant, ce sont elles qui doivent être confrontées.
Énoncez des contre-propositions ! On n'en entend pas.
Nous, nous avons au moins le mérite de chercher à agir et de répondre à l'attente de nos concitoyens. À force de répéter qu'on ne peut rien faire, mes chers collègues, vous me faites penser à Paul-Henri Spaak, cet homme politique belge éminent, qui aimait à dire - les Belges ont beaucoup de bon sens - : « Les bons experts sont ceux qui rendent possibles les idées politiques que l'on veut adopter ; les mauvais sont ceux qui expliquent qu'elles sont inapplicables. » C'est ce que vous avez fait. Vous n'avez pas cessé de répéter qu'il était impossible de rien proposer, qu'il n'y avait pas d'argent, que les moyens manquaient.
Or, il faut agir, car nos concitoyens l'attendent, le veulent, l'ont demandé. Ils ont voté pour cela, avec fougue, avec force ; et ils étaient très nombreux. À qui ont-ils donné la compétence et le pouvoir ? Pas à vous ! Car ils ne vous ont pas fait confiance, à force de vous voir toujours tourner autour du pot sans jamais parvenir à résoudre les problèmes.
M. Jacques Mahéas. Pas de triomphalisme !
M. Christian Cointat. Essayez de mieux travailler avec la majorité pour faire valoir vos idées, car, souvent, celles-ci sont bonnes, mais vous ne savez malheureusement pas les mettre en pratique. C'est le drame.
Il serait temps de changer de méthode, car cela devient monotone. Cela fait cinq ans que je m'ennuie dans cet hémicycle à cause de l'obstruction que vous pratiquez.
M. Jacques Mahéas. Quittez-le !
M. Christian Cointat. Il faudrait changer pour que nous puissions mieux servir nos concitoyens.
J'en arrive au sujet. Ce texte a le mérite d'exister et de chercher à répondre à l'attente de nos concitoyens. Ceux-ci réclament la sécurité : ils ne veulent pas que des délinquants multirécidivistes restent dans la rue, libres de recommencer. Ce n'est pas pour autant qu'ils veulent une sanction permanente : au contraire, ils veulent une réinsertion réussie.
Ce texte a également le mérite d'apporter une réponse. Il renforce la dureté des peines pour essayer de faire comprendre qu'on ne peut pas faire n'importe quoi, mais il laisse toujours aux magistrats la liberté d'y déroger.
Je tiens à m'inscrire en faux contre les propos de l'opposition : aucun procès n'est fait aux magistrats. Pour ma part, je vois au contraire dans les nouvelles dispositions la preuve d'une grande marque de confiance et de respect en la magistrature.
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Christian Cointat. En effet, les magistrats auront toujours le pouvoir, comme le leur confère la Constitution, de passer outre. Certes, s'ils ne veulent pas tenir compte des peines minimales prévues, ils devront s'en expliquer, mais n'est-ce pas la moindre des choses pour ceux qui rendent la justice au nom du peuple français ? Ce dernier veut une justice beaucoup plus efficace.
Voilà pourquoi ce texte est équilibré et solide. C'est un premier pas. Il faudra aller beaucoup plus loin, madame le garde des sceaux, notamment en dégageant les moyens. Je le reconnais, les moyens doivent suivre, sinon ce texte ne sera pas efficace. Or nos concitoyens espèrent qu'il le sera.
Puisque dans cet hémicycle de grands noms ont été cités - Chateaubriand, Victor Hugo,... -, permettez-moi de rappeler cette phrase de Clemenceau : « Le gouvernement a pour mission de faire que les bons citoyens soient tranquilles, que les mauvais ne le soient pas. » Madame le garde des sceaux, c'est ce que nous attendons de vous. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. André Ferrand, pour explication de vote.
M. André Ferrand. Nous sommes parvenus au terme de l'examen du projet de loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs.
Je commencerai par vous rendre hommage, madame la ministre, au nom de l'ensemble de mes collègues de l'UMP.
Notre assemblée se réjouit d'avoir été saisie en premier de ce projet de loi, qui constitue l'un des engagements forts du Président de la République en matière de sécurité des personnes et des biens.
Je tiens également à saluer le rapporteur, M. François Zocchetto, et le président de la commission des lois, M. Jean-Jacques Hyest, qui a su, comme à son habitude, diriger efficacement nos débats.
Comme le soulignait le Président de la République, « le meilleur moyen de lutter contre la récidive, c'est la certitude que la sanction va tomber ».
Nous disposons, grâce à ce texte, de moyens juridiques efficaces et adéquats pour lutter, sans faiblesse, contre ce fléau qu'est la récidive, sans négliger le respect dû aux personnes.
Le message adressé aux juridictions gagne en clarté. Il précise que le récidiviste doit être sanctionné avec une plus grande fermeté.
Le juge conserve, toutefois, une marge de manoeuvre et pourra prononcer une peine inférieure à la peine minimale, par une décision spécialement motivée.
Le projet de loi maintient donc la possibilité d'individualiser les peines et, par conséquent, ne remet pas en cause les principes fondamentaux de notre droit pénal.
Nous nous réjouissons que ce texte comporte un volet imposant un suivi médical et judiciaire aux personnes condamnées pour les infractions les plus graves, principalement de nature sexuelle.
Les membres de l'UMP voteront donc ce texte sans aucune réserve et avec la conviction qu'il apporte de réelles réponses pour lutter contre la récidive.
Soyez assurée, madame la ministre, de notre soutien à votre volonté de promouvoir une justice plus moderne, plus efficace, plus ferme, mais aussi plus humaine. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Avant que la séance soit levée, je remercie très sincèrement les membres de la commission des lois, en particulier son rapporteur, M. François Zocchetto, pour le travail en profondeur et très constructif qu'il a fourni, ainsi que son président, M. Jean-Jacques Hyest, pour la finesse de ses analyses.
Je remercie également tous les orateurs qui m'ont apporté leur soutien tout au long de cette discussion. Le travail parlementaire a indéniablement enrichi le projet de loi qui vient d'être adopté.
J'ai émis, au nom du Gouvernement, un avis favorable sur sept amendements importants de la commission et sur deux amendements de l'opposition. Au total, dix amendements ont été adoptés.
L'équilibre du projet de loi, auquel je tenais, a été préservé. Le texte adopté concilie ainsi la nécessaire fermeté, qui doit s'appliquer aux récidivistes, et les principes constitutionnels, comme l'individualisation des peines et l'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs.
Je remercie l'opposition du caractère constructif de sa contribution aux débats. (Rires et exclamations sur l'ensemble des travées.)
M. Dominique Braye. Vous êtes gentille, madame la ministre.
M. Jacques Mahéas. Objective !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. J'ai été très honorée de défendre mon premier texte devant la Haute Assemblée. Je tiens à remercier Mmes et MM. les sénateurs pour le travail que nous avons accompli ensemble, dans un climat qui fait honneur au Parlement. J'espère vous avoir fait honneur en défendant ce premier texte. Nous nous retrouverons bientôt pour examiner l'instauration d'un contrôle général indépendant des lieux privatifs de liberté. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)